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Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 Pensées d'hier [PV Eliezer]

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Edward White
l Dans l'ombre du loup l BIG BOSS l
Edward White

Messages : 2449
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MessageSujet: Pensées d'hier [PV Eliezer]   Pensées d'hier [PV Eliezer] I_icon_minitimeDim 3 Avr - 17:17

Lorsqu'Edward perdit l'équilibre, ce fut un sol irrégulier et sale qui réceptionna son corps épuisé. Son souffle y effleura la terre et ses mains se refermèrent sur un tapis de feuillage qui crépita sous ses doigts. Il s'immobilisa un instant, le regard figé sur un pavot jaune que caressait un rayon de soleil, seul rescapé du dense labyrinthe que formaient les feuillages des immenses hêtres. Puis, prenant appui sur ses genoux écorchés, il se remit sur pied et avança.
Impossible de dire depuis combien de temps il marchait, ni même quelle était sa destination. Tout ce qu'il savait tenait dans un fait : il devait avancer. Toujours plus loin, sans se retourner. Alors ses pieds nus foulèrent les pierres et les branchages qui jonchaient ce parterre humide et l'entraînèrent, plus profondément encore, dans cette interminable forêt.
Puis un craquement et il se figea. Il étouffa sa respiration, en même temps que les battements vifs de son cœur et après une courte hésitation, il se tourna.
Il était là. À peine masqué par la pénombre, sa silhouette immaculée se détachait nettement sur le reste de la forêt. Un loup. Un loup immense dont le regard pénétra jusqu'à la plus infime parcelle du corps d'Edward. Il embrasa son sang d'une énergie nouvelle qui le poussa à s'en approcher. Mais l'animal s'élança au travers du bois, plus rapide que le vent. Il allait disparaître quand Edward se précipita à sa suite.
Alors de la marche éreintante naquit une course folle. Une cavalcade irraisonnée qui transforma son environnement en le plus fantastique des terrains de jeux. Les pierres devinrent des tremplins, la terre glissante fut une aide sans faille pour ses changements de cap et il n'y eut pas de prises plus solides que ces troncs massifs que rongeait le lichen. Le souffle brûlant, le regard fiévreux, il se rapprocha du loup jusqu'à pouvoir le saisir. Enfin, une dernière accélération et il étendit la main. Il allait le toucher quand…

Monsieur ? Monsieur ? Vous ne pouvez pas dormir ici monsieur, je suis désolé.

Edward ouvrit si vivement les yeux que le jour l'aveugla. Pourtant ce fut d'un bond vif qu'il se hissa sur ses pieds, le cœur paniqué et l'esprit encore tourmenté par Morphée. Son regard alla successivement des marches de pierre où il s'était assoupi, jusqu'à l'homme qui lui faisait face. Il ouvrit la bouche, chercha ses mots, mais aucun ne lui vint en tête.
Son interlocuteur dut remarquer sa détresse, car il reprit rapidement de ses lèvres roses que soulignaient des bacchantes blondes.

Tout va bien monsieur ? Je ne voulais pas vous faire peur, excusez moi.

Encore déboussolé d'être ainsi surpris, lui dont le sommeil était d'habitude si rare et surtout si léger, Edward se contenta d'acquiescer. Puis un parfum raviva sa mémoire. Il se tourna aussitôt face à l'arbre sous lequel il s'était endormi, en observa les ramures, avant de se surprendre à guetter le loup de ses songes. Un faible sourire glissa sur son visage quand ses iris dépareillés terminèrent sur un parterre de coquelicots jaunes dont on ne le laissa pas profiter.

Pardon, mais vous ne seriez pas M. White ? Celui du cabaret ?

Étonné de s'entendre nommé, Edward abandonna ces fleurs à la vue si douce et s’intéressa davantage au personnage face à lui. Il répondit calmement :

Oui c'est moi. Mais je ne crois pas vous avoir déjà rencontré.
Non c'est vrai, excusez moi ! S'empressa d'ajouter l'inconnu. Je vous ai reconnu parce que vos yeux sont… Enfin…

Le bonhomme se dandina, visiblement mal à l'aise. Cela fit hausser les sourcils au loup, qui s'était habitué à être identifié par cette coquetterie de l'œil. Aussi le rassura-t-il rapidement :

Il n'y a pas de mal, ne vous en faites pas. En revanche, je serais bien heureux si vous me rendiez la politesse.
Ah ! Bien évidemment. Je m'appelle Henri Davalet, je suis enseignant à l'école de botanique.
Enchanté M. Davalet, reprit Edward en lui serrant la main. J'espère que vous excuserez mon petit somme, la tranquillité des lieux m'a eu par surprise.
C'est le charme du Jardin des plantes de montagne. Tenez ces Meconopsis cambrica par exemple. Et bien on n'en trouve presque uniquement dans les Pyrénées ou dans les Carpates.
Vraiment ? Feinta d'ignorer Edward dans un sourire distrait.
Cela me surprend toujours que nous puissions les faire pousser au cœur de Paris. Mais il y a encore plus exceptionnel ! Êtes-vous allé voir notre dernière acquisition ?
Non je n'ai pas…
Une plante exotique magnifique ! Vraiment c'est un chef d'œuvre de la nature qui n’a pas son pareil sur notre terre ! Elle est au Jardin d’hiver. Je dois d’ailleurs y retrouver un collègue qui connaît bien ce type de flore. Vous n'avez qu'à vous joindre à nous !

Le professeur ne laissa aucune chance à Edward de protester. Tout excité qu'il était, il avait déjà pris les devants et arraché le patron du Lost Paradise à ce petit coin de nostalgie. Le trajet fut bref. L'école de Botanique laissée sur leur gauche que l'imposante structure de verre et d'acier s'élevait face à eux. Davalet y pénétra avec un enthousiasme certain, suivit par Edward qui regretta bientôt de ne pas avoir décliné l'invitation.

À peine le seuil passé qu'il lui sembla étouffer. Un nombre exceptionnel d'effluves disparates noyèrent son odorat d'informations indéchiffrables aboutissant à un douloureux mal de tête. D'un geste discret, il desserra légèrement son col dans une grimace et se mit à espérer un brin d'air dans cette irrespirable cage de fer.
Ce fut lentement qu'il s'engagea dans ses allées, surpris à chaque pas par un parfum inconnu, souvent vif, dont il cherchait rarement la provenance. Une fragrance plus infecte que les autres lui arracha un haut-le-cœur si violent qu'il ne remarqua pas que son guide s'était figé. Il le heurta, s'excusa et retira aussitôt la main qu'il avait portée à son nez pour s'épargner d'autres mauvaises surprises. Davalet ne lui accorda pas la moindre attention et abandonna d'un ton glacial :

Allons bon. On laisse vraiment entrer n'importe qui.

Malgré l'attention qu'il porta aux alentours, Edward ne saisit pas ce brusque changement de caractère. L'état discutable de sa vue et l'assaut constant que subissait son odorat ne furent pas étranger à cette incompréhension qu'il ne put pallier, car déjà l'enseignant reprenait sa route en sifflant :

La sécurité s'en chargera.

Ils traversèrent encore deux allées avant que le loup ne repère la sortie. Un soulagement de courte durée, car une seconde plus tard son guide tournait à droite et la porte disparaissait, masquée par un arbre étrange qu'Edward assimila à un palmier. Ils firent encore quelques pas, juste assez pour que la quantité d'odeurs devienne supportable, puis Davalet annonça fièrement :

Voici notre merveille !

L’expression qui se dessina sur le visage d’Edward ne laissait aucun doute quant à son scepticisme. Certes la forme était particulière, les couleurs harmonieuses, mais suite à l’effervescence de Davalet, le loup s’était attendu à quelque chose d’un peu plus… Monumental. Heureusement, son absence de réaction n'entacha pas l’engouement du professeur qui poursuivit :

Une Strelitzia reginae ou Oiseau de Paradis. Sa forme est incroyable vous ne trouvez pas ?
Incroyable, reprit machinalement le loup.
À votre avis, cette langue bleuté est l’étamine ou le pistil ?
C’est que…
Ce doit être l’étamine, le pistil me semble d’avantage situé sur cette petite poche.
Tout à fait.
À moins que la corolle ne cache autre chose ?
Euh…
Que c’est excitant d’être face à une nouvelle espèce !

Plongé dans cet échange intellectuel de haut vol, Davalet ne fit pas attention au bruit de pas qui s’éleva derrière eux. Seul Edward se tourna pour accueillir le nouvel arrivant.

Et cette fois, il ne serait pas déçu !


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MessageSujet: Re: Pensées d'hier [PV Eliezer]   Pensées d'hier [PV Eliezer] I_icon_minitimeDim 3 Avr - 18:45

— Vous voyez, le métissage caucasique transparaît surtout dans la forme étroite de la bouche. Mais la ligne fuyante du front et les yeux enfoncés dévoilent clairement son appartenance à la race rouge sans qu'il soit nécessaire de se fier à sa couleur de peau. Il est à peu près certain que la mesure de l'angle facial...

Une main se referma sur son cou pour l'immobiliser. Vaitea se déroba brutalement avant que le naturaliste n'ait pu approcher de son visage l'étrange appareil de mesure, arrachant un sursaut au scientifique, qui recula d'un pas.

— Eliezer ! clama le Dr. Dupré, furieux.

Vaitea se leva d'un bond, porté par une colère qui lui permit d'ignorer celle de son tuteur. L'anthropologue était demeuré en retrait, se contentant d'acquiescer doctement à chacune des observations de son collègue naturaliste au cours de la dernière heure. Mais comme ce dernier demeurait figé, visiblement surpris par l'éclat soudain de son sujet d'études, Dupré s'avança au centre de la salle d'examen. Approcha une main de l'épaule de Vaitea dans un mouvement d'apaisement, sans s'adresser à lui toutefois.

— Je suis désolé, Professeur. Ils sont de nature douce et passive la plupart du temps, mais connaissent malgré tout des accès de violence qui expliquent sans doute leurs instincts cannibales.
— C'est faux ! gronda Vaitea.

Dupré comme son collègue se raidirent d'indignation. D'un mouvement brusque, Vaitea repoussa la main tendue et mit plusieurs pas de distance entre l'anthropologue et lui. La fureur, l'humiliation faisaient naître une chaleur telle en sa poitrine qu'il se sentait presque suffoquer. Rien qu'une seconde d'hésitation. La porte toute proche... Poings crispés en une détermination qu'il regretterait sans doute plus tard. Une dernière bravade.

—  ‘Ātirā, Taote ! Je veux retourner à Mo'orea !
— Eliezer, comment peux-tu dire ça !

Il quitta la pièce au pas de course, repoussant violemment le battant derrière lui. Dans le large hall de marbre, plusieurs individus tout aussi moustachus que Dupré et son collègue lui jetèrent des regards surpris. Aucun n'intervint, cependant, tandis qu'il filait vers la large entrée du centre de recherche qui s'ouvrait sur un écrin de verdure. La sensation du marbre glacé sous ses pieds le fit tiquer. Pieds nus... ainsi qu'on ne l'avait plus autorisé à l'être depuis plus de six mois. Pieds nus, et en bras de chemise. Le naturaliste lui avait fait retirer veste et gilet pour se livrer à ses observations, mais il ne s'en souvint qu'une fois que la brise fraîche d'un printemps tout juste naissant caressa sa gorge dénudée. Un frisson. Il ne recula pas cependant. La fureur lui tenait chaud, l'idée de croiser à nouveau le regard de Dupré lui était insupportable. Et un soleil doux caressait ses épaules et les vastes étendues herbeuses de ce que l'anthropologue avait nommé le Jardin des Plantes, presque vide à cette heure matinale. N'ayant pris qu'une seconde de réflexion, il s'y aventura d'un pas vif.

Contre sa poitrine, son cœur battait la chamade. Les paroles du naturaliste, celles de Dupré, se bousculaient sous son crâne avec la frénésie de papillons nocturnes. Remarques lâchées d'un ton froid sans jamais s'adresser à lui, regards fuyants, analyses qui encore et toujours voulaient prouver la supériorité des Popa'ā. Et petit à petit, il avait senti sa patience s'émousser, le masque se craqueler malgré ses efforts pour le garder intact. Déjà, alors qu'il contournait une large serre -plantes sous une cage de verre-, qu'il s'enfonçait dans des rangées d'arbres trop bien organisées mais malgré tout plus accueillantes que les murs froids qu'il venait de quitter, il sentait la honte et le regret poindre sous la fureur. Il s'adossa brièvement contre un tronc large, bienveillant, et effleura la petite croix d'argent terni passée à son cou. Il ne savait que trop bien quel serait le résultat de son éclat... Dupré y verrait une nouvelle preuve de l'instabilité de sa race, de ce qu'il appelait sa puérilité. Vaitea ignorait ce que ce mot voulait dire, mais il semblait justifier aux yeux de Dupré tous les contrôles auxquels ce dernier le soumettait. Il lui avait donné raison... Plaquant ses poings joints contre son front en un exutoire à sa colère, Vaitea inspira profondément.

Sous les arbres, l'ombre régnait et conservait la fraîcheur du matin, les graviers sous ses pieds nus offraient un sol plus dur que la terre et le sable de Mo'orea. Il se sentait étranger à tout ici, inapproprié, déplacé. Tout le poussait à devenir l'image du bon sauvage que Dupré voulait qu'il soit, et il ignorait comment y résister. Et tandis que l'abattement prenait le pas sur la rage, la fraîcheur printanière lui parut soudain mordante, insupportable. Revenant sur ses pas, s'assurant qu'il ne distinguait pas, sur les sentiers, la silhouette de Dupré, il jeta un œil à la serre qu'il avait contournée un instant plus tôt. Son cœur bondit dans sa poitrine. À l'intérieur se dessinaient des silhouettes végétales familières... Il gravit les marches la gorge serrée.

Et bientôt, ses pas l'entraînèrent dans une petite alcôve ensoleillée où s'épanouissaient des plantes douloureusement familières. Te uru, te tumu vī... mais le plus remarquable était le tumu tiare qui s'épanouissait au cœur du jardin, et qui abritait quelques fragiles corolles blanches au milieu des feuilles sombres et grasses. Elles répandaient une odeur douce qui disparaissait presque parmi les autres parfums de la serre, mais que Vaitea aurait reconnu entre mille. Elles semblaient faibles cependant, à l'agonie, racines fichées dans une terre étrangère. Il en effleura une d'un doigt, et la fleur, symbole de bienvenue et de réjouissances, qu'hommes et femmes portaient à la chevelure, se détacha de l'arbre, mourante, et vint avec langueur se poser à ses pieds. Il sourit tristement. Mais quand le claquement du marbre sous des semelles dures l'avertirent de l'approche d'individus, son visage se durcit aussitôt. Une voix claqua dans son dos.

— Allons bon. On laisse vraiment entrer n'importe qui.

Les épaules de Vaitea se raidirent, mais il ne réagit pas. L'homme qui venait de parler était blond et arborait un air condescendant, sa petite bouche pincée en une moue de déplaisir. L'autre était aussi grand qu'un māʻohi, mais bien plus fin, très jeune, et arborait une longue chevelure noire en même temps qu'une apparente indifférence pour la situation. Vaitea attendit. Les deux hommes devaient être eux aussi des scientifiques, mais par chance, ils s'éloignèrent bientôt sous l'impulsion du premier.

— La sécurité s'en chargera.

Une pointe d'inquiétude traversa la poitrine de Vaitea. Il n'avait pas pensé que des soldats protégeraient les jardins, qui le ramèneraient de force à  Dupré à n'en pas douter. Mais il ne voulait qu'un instant de plus parmi les plantes, oublier qu'il se trouvait non pas à Mo'orea, mais dans une ville de pierre et de fer. Ramassant la fleur de tiaré tombée, Vaitea la piqua dans sa chevelure, au-dessus de son oreille, et s'enfonça parmi la végétation, dans des sentiers étroits entre les plantes où il ne pourrait être vu depuis l'entrée de la serre. Son errance l'entraînait au cœur d'une végétation qui lui était inconnue, aux senteurs lourdes, aux ombres intrigantes. Certains arbustes s'accompagnaient de petits écriteaux de cuivre, mais les noms en latin ne lui disaient rien et ne l'intéressaient pas. L'endroit, si rassérénant qu'il fût, lui rappelait douloureusement la façon dont les Popa'ā considéraient son pays. Une curiosité, une faune et une flore étrangère et amusante que l'on classifiait et que l'on rangeait parmi celles de toutes les autres possessions de la France.

Mais si vaste soit-elle, la serre ne permettait pas tout à fait d'oublier la présence des autres individus qui s'y trouvaient. Si Vaitea avait réussi à se couper brièvement des éclats de voix des deux botanistes qui conversaient un peu plus loin, l'ouverture brutale de la verrière suivie de pas lourds lui firent redresser la tête. Il ne vit passer aucune silhouette. Le nouveau venu s'était probablement dirigé vers les deux hommes en pleine discussion. Mais il reconnut sans peine la voix tonitruante de Dupré et se figea.

— Ah, le bonjour, Monsieur... Pr. Davalet... Quel plaisir de vous revoir ! Comment... se portent vos recherches ?
— Dr. Dupré ! Pour le mieux, pour le mieux, vous êtes donc revenu des îles australes ? Quel bon vent vous amène dans les jardins botaniques ?
— Un incident fâcheux... j'en ai peur. J'ai ramené de mon voyage un indigène des îles pour le moins fascinant... mais il s'est enfui tandis que mon collègue... Séverin... l'examinait. Le garçon est charmant mais parfois farouche, je crains de l'avoir... un peu trop surmené. Vous ne l'auriez pas vu par hasard ?
— Oh, ce serait donc ça ? J'ai cru à un Maure quand j'ai croisé cet individu tout à l'heure dans la serre mais si j'avais su je...

Une brusque agitation alerta Vaitea que l'on se hâtait dans sa direction. Son sang ne fit qu'un tour. Sa colère ravivée par les paroles de Dupré, encore troublé, il bondit en direction de la porte de la serre tandis que la voix de l'anthropologue le poursuivait, entrecoupée de halètements. Avait-il couru, inquiet, tandis qu'il le recherchait ?

— Eliezer, reviens je t'en prie ! Discutons... de tout cela... calmement, veux-tu ?
— 'Aita !

Il n'hésita pas et s'enfuit à toutes jambes dans les jardins extérieurs, ne laissant derrière lui que la légère fragrance de la fleur de tiaré toujours piquée dans sa chevelure. Il n'entendit pas les paroles effarées de l'anthropologue tandis que ce dernier, incapable de courir davantage, tournait vers ses deux collègues son visage rougi.

— Il faut... faire quelque chose... Je ne voudrais pas... que les gardiens le trouvent... et lui fassent du mal.
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MessageSujet: Re: Pensées d'hier [PV Eliezer]   Pensées d'hier [PV Eliezer] I_icon_minitimeDim 10 Avr - 14:22

Une fois n'est pas coutume, Edward s'était montré attentif à l'échange entre les deux hommes, sans pour autant en comprendre immédiatement le sens. Il se garda bien d'intervenir et vit sa patience récompensée à l'instant où Dupré s'élança. Si sa course pataude n'eut rien d'exceptionnelle, l'exclamation furieuse qu'elle engendra permit au loup de prendre pleinement conscience de la situation.
Une grimace de dégoût se peignit brièvement sur ses traits, quand il emboîta le pas de Davalet. Ce dernier rejoignit rapidement son homologue rubicond auquel il proposa de s'asseoir un instant pour ralentir sa respiration haletante. L'anthropologue ne voulut rien entendre, même quand son interlocuteur poursuivit d'un ton qu'il voulait rassurant :

Reprenez au moins votre souffle Dr. Dupré ! Nous allons vous aider à retrouver votre indigène, il n'y a pas lieu à se précipiter à trois ce sera facile.
D'ailleurs les gardiens n'ont aucune raison de lui faire du mal s'il est avec vous, nota Edward, plus froidement qu'il ne l'avait souhaité.
Mais… Ils ne le savent pas. Ces…brutes seraient capables de le prendre pour un… simple sauvage.
Fort probable, en effet ! Ils n'ont aucune idée de sa valeur scientifique ! Renchérit Davalet qui s'était saisit d'un prospectus pour apporter un peu d'air au docteur.

Une lueur de mépris teinta le regard du loup qui ne répondit pas. Il observa en silence ces deux hommes que le pas traînant du plus têtu conduisait directement vers la sortie de la serre et songea à les laisser là. Après tout, n'étaient-ils pas les mieux placés pour retrouver leur petit spécimen ? Quand bien même il leur avouerait que lui l'avait perçu cet effluve subtil, transporté vers l'extérieur avec si peu de naturel, cela ne changerait rien. Au mieux, ils lui riraient au nez, au pire…
Un frisson d'effroi remonta l'échine d'Edward lorsqu'il en vint à imaginer le sort qui serait réservé aux siens si des hommes comme ceux-là venaient à apprendre leur existence. Ce fut l'image des cages de la ménagerie qui s'imposa à son esprit, et si vivement qu'il en abandonna son immobilisme pour rattraper les deux savants, bien décidé à mettre son grain de sel dans la traque qui s'annonçait. Le loup coupa d'ailleurs court à leurs tergiversations sur la destination la plus probable du polynésien en annonçant :

Séparons nous. Nous couvrirons davantage de terrain et nous augmenterons nos chances de le retrouver. Nous n'avons qu'à nous donner rendez-vous sur l'esplanade dans une heure.

Après une synchronisation de leur montre, le trio se sépara. Edward fit quelques pas, mais ne tarda pas à percevoir le parfum délicat repéré plus tôt. Il se détachait plus nettement que dans la serre, si bien qu'il le guida sans mal dans la direction de l'immense cèdre du Liban qui faisait la fierté du jardin.
Des bosquets épais et une végétation abondante entouraient les chemins qui serpentaient les lieux. Edward s'aventura sur l'un d'entre aux d'un pas serein, guidé par l'odeur de plus en plus marquée. Sans doute aurait-il dû y réfléchir davantage, car à peine se croyait-il à proximité de sa cible que celle-ci se volatilisait. Cela lui arriva une première fois près du labyrinthe, puis lorsqu'il approcha la fontaine jouxtant l'entrée ouest. Il craignit que la fuite du garçon se soit poursuivie en plein Paris, mais retrouva sa piste dans le sens opposé.

Loin de le vexer, ce jeu de cache-cache improvisé fit naître une excitation certaine chez le loup qui se laissa déborder par ses réflexes de prédateurs. Outrepassant les interdictions, il se mit à couper par les étendues de verdures, jouant avec les ombres et les parfums que lui portaient cette brise matinale. Sa chasse l’entraîna jusqu’à une plus dense concentration de plantes où serpentaient de nombreux petits chemins. Il accéléra le pas lorsqu’un nouvel embrun lui indiqua que sa proie était toute proche. D’un bond, il laissa derrière lui une haie d’aubépine, foula du pied la terre humide ombragée par un grand chêne, puis se faufila entre deux noisetiers aux branchages sévèrement entremêlés. Ni les accrocs de ses vêtements, ni ses chaussures de cuir rendues boueuses, ni les feuilles et les chatons accrochés à ses cheveux ne l’arrêtèrent lorsque, sortant de nulle part, le loup attrapa l’agneau.

J’te tiens ! S’exclama Edward avec un enthousiasme flagrant.

Sa poigne solide s’était agrippée à cette épaule maigrelette avec toute l’ardeur que ce petit jeu ravivait en lui. Ardeur qui s’envola à l’instant même où il croisa le regard de son captif et où résonna, derrière lui, les pleurs terrifiés d’un enfant surpris par son apparition soudaine.

La réalité s’imposa si violemment à lui que, non content de relâcher le jeune homme qui lui faisait face, il fit un pas en arrière, visiblement gêné. Il lui sembla évident qu’il avait à se justifier, mais craignant que le garçon ne prenne ses jambes à son cou, il s’empressa d’indiquer :

Je ne vous veux aucun mal, je vous assure. Excusez moi de vous avoir un peu…

Ses mots se perdirent dans la bourrasque soudaine qui les enveloppa. Le loup se figea et fronça les sourcils, peu enchanté par l’arrivée imminente que lui annonçait le vent. Ses iris dépareillés glissèrent tour à tour sur l’embranchement du chemin et son interlocuteur, indécis.

White ? Vous êtes là ?

Il n’avait pas le choix.

Désolé, abandonna-t-il pour le polynésien qu’il jeta avec bien peu de ménagement dans le bosquet le plus proche.

Grand bien lui prit, car à la seconde suivante, la silhouette de Davalet apparaissait dans son champs de vision. Edward s’accorda une seconde pour se rendre un peu plus présentable et s’avança à sa rencontre, tandis que l’enseignant interrogeait :

J’ai entendu crier, l’avez-vous vu ?
Non. Mais me suivriez vous professeur Davalet ? Répliqua sèchement le loup.
Et bien… Nous nous sommes séparés un peu vite toute à l’heure, aussi n’ai-je pas eu le temps de vous faire quelques recommandations.
À quel sujet ?
Du sauvageon que nous recherchons. Vous savez, c’est êtres là sont parfois un peu… Indisciplinés. Ce n’est pas de leur faute, mais comme je doute qu’il accepte de nous suivre sagement vous pourriez être tenté d’utiliser la force avec lui.
Dans ce cas je m’en garderai, trancha Edward dont le poing s’était resserré dans son dos.
Oh non ! Vous pouvez. D’ailleurs, ce sera sûrement le seul moyen de se faire comprendre. Seulement faites le avec parcimonie, il ne faudrait pas que Dupré s’en aperçoive. Il a beau être un grand anthropologue, je trouve qu’il se montre parfois un peu laxiste avec ses sujets d’étude !
Il est vrai que vos plantes ne doivent pas se montrer trop indépendantes, abandonna le loup sur un sourire faussé.

Cela fit rire le professeur qui se félicita d’avoir choisi une filière où ses cobayes se montraient si dociles. Cela ne fut pas sans glacer d’horreur son interlocuteur qui prit sur lui pour taire toute la haine qui lui inspirait cet homme. Davalet s’éternisa encore plusieurs minutes, puis constatant que le temps filait, il reprit bien vite :

Je vais aller voir du côté des animaux. La volière abrite des oiseaux des îles, il s’y sera peut-être laissé attendrir. Mais n’oubliez pas White, rien qui ne mette la puce à l’oreille de Dupré !
Sans faute professeur.

D’un pas lent, Davalet prit la direction de la volière et laissa derrière lui le relent nauséabond des hommes. Edward se jura la mort plutôt que de finir à la merci de ces immondes personnages, avant qu’un bruissement dans les feuilles ne rappelle le garçon des îles à son bon souvenir.
Il rejoignit calmement l’épaisse broussaille où il l’avait « invité » à se dissimuler un peu plus tôt et se penchant vers le bosquet, il interrogea :

Un coup de main ?

Mais restait-il seulement quelqu’un pour l’entendre ?
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