"Elle dormait dans l'hier sans savoir que demain... Elle n'avait pas encore habillé tous ses rêves. Et la nuit était longue à attendre le jour où l'envie d'être en vie se défait de ses voiles. Il ne dormait plus jamais puisqu'il n'existait pas. Il n'avait toujours pas retrouvé son étoile. Et les jours étaient noirs à attendre la lune pour compter ses quartiers sur les doigts de l'ennui" Jean Grenier.

Issus d'une famille de grands propriétaires terriens, Garance et Marius ont connu une vie protégée sous le soleil provençal. C'est au cours d'un solstice d'été funeste qu'ils ont été victimes d'une malédiction. Sébastien de Gubernatis, bel homme de son état et grand amateur de femmes pour son malheur, entretien quelques aventures ici ou là, bien qu'il tâche d'être discret... Le conflit éclate un jour d'été. Suite à une altercation, l'amante du baron visiblement enceinte, lance un sort à l'encontre des héritiers du Baron qui a eu le mauvais goût de se lasser d'elle. Le sot ne savait pas qu'elle était enchanteresse...


Au petit matin lorsque le baron vint trouver la sorcière pour tenter de l'amadouer par quelques habiles caresses, il trouva l'endroit déserté et les quelques effets qui jonchaient le sol témoignaient de la diligence avec laquelle la femme avait pris le large. Dépité, il rentra chez lui et ce faisant, il s'aperçut que le mal avait frappé sa maison. Garance est introuvable, seul Marius est là. Et encore n'est-il là que pour quelques heures car sitôt le soleil couché, sa sœur réapparaît et c'est Marius qui s'efface. Tous deux sont condamnés à partager le même corps ! Ils ont été ensorcelés ! Nul ne sait si le sort est réversible et quel en est le modus operandi.

Les jours se succèdent aux autres... Tandis que la baronne tente en vain de trouver un remède au maléfice, Sébastien fréquente assidûment l'église, espérant que son revirement vers le Puissant porte ses fruits. Hélas, il ne récolte que de l'amertume. Peu à peu, voyant que rien ne change, le baron devient sensiblement aigri. Ses emportements colériques se multiplient, il se réfugie dans l'alcool et joue des fortunes aux cartes.

Si Agnès est toujours parvenue à tempérer la dureté de caractère de son époux, la vie de Garance-Marius change radicalement après la disparition de celle-ci. La vie sous la houlette paternelle se durcit considérablement, leur éducation devient plus exigeante, le père les exhorte à cesser d'être des êtres changeants et finit par affirmer qu'ils sont responsables de leur état ! Oubliée la culpabilité d'avoir violé son serment et enfanté un bâtard, Sébastien n'est plus en mesure de se raisonner normalement et traite ses enfants injustement, ce comportement traduit une santé mentale défaillante.

Un soir, le Baron finit par chasser Garance dont la vue lui est devenue insupportable. Chaque coucher de soleil lui rappelle sa responsabilité, son impuissance crasse et surtout le fait que sa lignée a été souillée voire si ce n'est pire, pervertie ! Qui était Bertille après tout ? Ses questionnements demeurent... Il n'entendra plus jamais parler d'elle. Sa femme ayant succombé d'une pneumonie, il se remarie avec une jeunesse de bonne famille, du nom de Mathilde Soisson. La fille est loin d'être vilaine et par chance ou en raison de son intelligence, elle sait se tenir. Sébastien fonde sur elle de grands espoirs, il compte sur son sang neuf pour lui restaurer sa lignée, seul moyen qu'il a trouvé pour sauver son honneur et son nom. Hélas, si ses reins ne sont pas secs, l'homme ne sait pas que le maléfice touche aussi les enfants à venir...

Chassés, Garance et Marius demeurent un temps en Provence. Si la vie a tôt fait de leur donner une vie privilégiée, il faut désormais la gagner et rudement ! Marius travaille un temps comme saisonnier, il loue ses bras pour quelques piécettes. Il finit par demander de l'ouvrage à un cirque qui s'est installé non loin, à Castillon. Chaque jour, il s’occupe de monter et démonter les kilomètres de barres de fer qui forment le squelette du chapiteau sous lequel se déroule le spectacle avant de faire la connaissance et de sympathiser avec le marionnettiste, Armand Pagnol, qui lui apprend en patience son art.

Marius se révèle avoir l'âme d'un artiste et utilise ses connaissances acquises par son éducation, la danse, le chant et les contes que sa mère lui racontait, enfant. Avec l'aide d'Armand (pour lequel il développe des sentiments), ils mettent en scène des spectacles et fabriquent ensemble des marionnettes. Il découvre alors quelque chose d’un peu magique : s'il est de nature peu expansive, avec une marionnette dans la main, s’exprimer devient beaucoup plus facile, clair et naturel ! Créatif, il entraîne les spectateurs dans des histoires d’amour, de cape et d'épée, le tout avec sensibilité et délicatesse, les laissant pénétrer son imaginaire riche et coloré. Avec le temps, Marius devient un membre à part entière du Cirque Panettone et le secret si bien gardé finit par éclater au grand jour. Il y a peu de dissensions, les gens sont plutôt surpris et lorsqu'ils entendent leur histoire, ils ne peuvent que s'en émouvoir. Le Secret de Marius et de sa sœur devient celui de la troupe. Seul Armand prend quelques distances...

Garance trouve une façon honnête de gagner sa vie. Elle n'est pas mauvaise couturière et devient costumière, s'intégrant de cette manière aux projets de son frère en cousant les costumes de ses marionnettes. Gouvernée par la lune, elle travaille la nuit, sitôt que le maléfice l'éveille. C'est de cette manière qu'ils gagnent un logis. Elle possède une jolie voix d'alto aux intonations parfois graves et chante parfois à l'ouvrage, toutefois elle n'a pas eu idée de l'exploiter au sein du cirque.

Durant deux ans, le frère et la sœur écument les routes, cherchant dans chaque contrée celui ou celle qui saura mettre fin à l'enchantement. Sans doute y a t-il un moyen d'y mettre fin, mais lequel ? Pour l'heure, ils n'ont croisé personne qui puisse les aider, même si Madame Anouchka, la voyante du cirque, a vu qu'un changement important va bientôt survenir...