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Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 A Moonlight Night's Dream [PV Rose]

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Edward White
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Edward White

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MessageSujet: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMer 3 Mai - 19:33

« Attention où tu mets les pieds, le sol est jonché de verre brisé. »

Edward déplaça un meuble lourd et vide, tombé au travers du couloir.
Cela faisait plus de six mois que la Curia avait fermé. L’Atrium demeurait ouvert, témoin du faste et de la grandeur de l’organisation, mais il n’était plus qu’un lieu de transit pour Légendaires à la recherche d’un nouveau départ ou d’une pause dans des vies que l’Heure Pourpre avait bousculé. Edward et Rose n’avaient croisé qu’une dizaine de ces naufragés lors de leur traversée du vaste hall ; moins d’un an plus tôt, l’endroit grouillait de vie.
Le loup blanc avait entrainé la contrebandière entre deux galeries, dans un espace censé être scellé, mais dont, en tant que juge, il avait conservé l’accès. Si l’Atrium demeurait parfaitement éclairé, la magie n’alimentait plus que très sobrement le reste des allées. À intervalles réguliers, de petits éclairages bleutés illuminaient les couloirs déserts aux tableaux crasseux et inclinés, aux plantes fanées et aux portes béantes donnant sur ses pièces dépossédée de toute vie. Chaque pas soulevait la poussière.
Edward finit par éternuer. Il s’était habillé exceptionnellement léger pour cette fin de journée. Pas de costume trois pièces, juste une chemise de coton blanche, sur laquelle était fermée une veste brune des plus banales. Pantalon classique, chaussure facile à enlever, comme s’il avait renoncé à tout encombrement vestimentaire.
Il était un peu stressé, mais également excité. Un mélange de sentiments que Rose avait dû percevoir quand elle l’avait rejoint après avoir réussi l’exploit de se séparer de Sima. Quelque chose de plus animal l’habitait. C’était le cas au quotidien, mais à cet instant précis, la chose aurait sauté aux yeux de n’importe qui.
Au détour d’un couloir, il s’engagea le long d’un escalier qui descendait dans les entrailles de la Curia. Les murs tapissés et les marches en bois disparurent rapidement pour être remplacés par de la roche.

« On est presque arrivé. »

Cinq minutes de plus et ils débouchèrent sur une grande porte aux allures moyenâgeuse que le loup blanc dut débloquer à grands coups d’épaules. Elle céda au troisième essai et pivota dans un grincement qui se répercuta en un écho infini le long des parois.
Edward entra. La porte donnait sur un palier d’où descendait à nouveau une cinquantaine de marches. Une autre pièce, plus petite et presque entièrement vitrée était accessible à leur droite. En franchir le seuil fut, cette fois, d’une simplicité enfantine le battant n’étant même pas verrouillé.
Le loup blanc tira un tabouret et épousseta ce qui ressemblait à un grand panneaux de contrôle extrêmement compliqué. Il ignorait l’utilité des trois-quart des boutons et cadrans qui le composaient, mais il avait mémorisé l’essentiel pour le faire fonctionner. Un interrupteur fut poussé, provoquant un grésillement dans toute la salle. Il monta ensuite un levier et la lumière emplit enfin l’espace. Un sourire s’étira entre ses deux oreilles. Pour une fois, il était absolument ravis de se trouver dans un endroit baigné de magie.
Il se pencha en direction de Rose :

« Et juste devant vous les célèbres arènes de la Curia. On dit que le juge Edward White passait beaucoup trop de temps en ces lieux au lieu de s’occuper de sa paperasse. »

À leurs pieds s’étendait le sol en pierre d’une vaste salle circulaire entourée de piliers antiques qui supportaient un dôme décoré d’une fresque monumentale représentant des êtres fantastiques du monde entier. Un nouveaux frémissement envahit brièvement l’endroit, puis un éclat bleuté s’illumina sur tout le périmètre de l’arène. Il en jaillit une paroi faite d’énergie qui engloba tout l’espace dans une demi-sphère. Sa surface, parfaitement lisse, était de temps à autre parcourue de reflets arc-en-ciel. On aurait dit une grosse bulle de savon qui attendait qu’on la perse.
Edward quitta la salle et rejoignit Rose.

« C’est le bouclier. Quoi qu’il se passera là-dedans, ça ne mettra personne en danger. »

Il descendit l’escalier d’un pas leste et se glissa dans la bulle sans hésiter. Le loup blanc connaissait très bien l’arène pour y avoir régulièrement passé ses nerfs du temps où l’organisation existait. C’était un peu plus stimulant que de s’entretenir en faisant des tractions accroché à la poutre de son bureau.
Arrivé au centre, il fit volt face pour s’adresser à la contrebandière. Ils n’avaient pas encore pu échanger en détail sur cette soirée si spéciale à cause des oreilles baladeuses d’une certaine mage, aussi le loup blanc l’informa posément :

« On a encore une vingtaine de minutes. »

Pas besoin de montre. Edward retira sa veste et la plia, déposa ses chaussures avec, puis déboutonna entièrement sa chemise avant de l’ôter. Il venait de la placer avec le reste lorsqu’il croisa le regard de Rose. Une part de lui songea qu’il aurait peut-être dû patienter avant d'enlever la moitié de ses vêtements, mais une autre savait pertinemment que ce ne serait pas ce qui déplairait le plus à sa partenaire. Il avait un boulevard pour la taquiner, mais se contenta de la plaisanterie la plus modeste :

« Tu espérais que je déchire sauvagement mes vêtements ? »

Edward n’avait jamais été pudique. S’il portait des cols hauts et de longues manches c’était uniquement pour s’épargner les questions indiscrètes. Sa peau était profondément marquée, seul son visage semblait avoir été épargné. Bras, buste, dos, jambes, il était zébré de balafres dont la plus visible demeurait le cercle au fer rouge sur son flanc. Des traces d’un passé oublié qu’il ne dévoilait qu’à ceux en qui il avait confiance.
Rose en faisait partie. Il s’avança vers elle d’un pas très calme. Aucune chance qu’elle ait peur de lui, mais il savait qu’elle pouvait avoir quelques a priori, les récits de lycanthropie ayant tendance à raconter n’importe quoi. Avec douceur, il lui prit la main et l’entraina au milieu de l’arène. Les reflets irisés du bouclier les enveloppèrent. Edward se plaça juste devant elle.

« Tu n’es pas obligée de regarder si tu n’en as pas envie. Tu peux juste fermer les yeux et les rouvrir quand je serai tout fluffy. »

Le dernier mot avait été prononcé du mieux qu’il pouvait, dans un anglais un brin douteux, mais compréhensible. Il fallait dire qu’il s’était entrainé, essentiellement pour l’impressionner, mais aussi parce qu’ils avaient trouvé cette astuce pour échanger sans que Sima comprenne quoi que ce soit.

« Et ça ne me fait pas mal. Pour les autres lycanthropes, c’est très douloureux, mais pas pour moi. »

Il ne jugea pas nécessaire de l’avertir qu’il ne la dévorerait pas, pas sous sa forme de loup en tout cas, car sans réfléchir, il retira une des mèches blondes qu’elle avait glissé derrière ses oreilles. Edward n’en avait pas conscience, mais il devenait plus tactile à cette période et la Rose distinguée et bien coiffée n’était clairement pas celle qui lui plaisait le plus. Il laissa sa main en suspend, pas tout à fait sûr d’en avoir terminé, puis ses yeux vairons revinrent se poser dans ceux de la contrebandière

« Une question ou quelque chose à ajouter ? »


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeJeu 4 Mai - 12:29

Même en partie détruit, ce lieu ne manquait pas de lui couper le souffle.
Tout en prenant garde à ne pas se laisser distancer par son guide, Rose observait avec attention tout ce qui croisait leur route. Une enfant que l’on emmène dans un magasin de jouet n’aurait pas eu l’air plus enchantée.

Une fois leur destination atteinte, la contrebandière ne put retenir un petit sifflement d’admiration. Dire que tout cela avait été caché au nez et à la barbe des humains durant tout ce temps sans qu’aucun ne s’en doute un seul instant. Il y avait de quoi se sentir exalté. Elle regrettait juste que cet endroit ne soit pas resté secret un peu plus longtemps.

Quelques secondes d’immobilité forcée le temps qu’Edward se penche sur un étrange tableau de commandes et déjà, il la menait jusqu’à l’enceinte de l’arène, protégée par un bouclier irisé. Prudente, Rose avait d’abord commencé par tendre le bras devant elle, y passant les doigts avant de faire suivre la totalité de son corps. Elle avait beau être liée à un objet magique, ce genre de choses ne lui venait toujours pas naturellement.

Avec une attention studieuse, elle observa le loup se défaire de ses vêtements mais ne prêtait qu’une oreille distraite à ses explications. Elle nota tout de même qu’Edward progressait en anglais, malgré cet accent que certains auraient pu trouver barbare, mais qu’elle trouvait charmant.

Finalement, ce fut la main du lycanthrope frôlant sa peau qui la ramena à la réalité. Ses yeux rencontrèrent les siens, et le plus sérieusement du monde, elle demanda :

- « Tu n’enlèves pas le pantalon ? Ou bien il est résistant aux déchirures ? »

L’index de sa main droite avait glissé dans un des passants du vêtement et tirait dessus pour appuyer ses propos, rapprochant leurs deux corps. Son visage se fendit d’un sourire polisson et elle le relâcha en haussant les épaules innocemment. S’il voulait jouer au plus malin, qu’il aille jusqu’au bout, sinon ce n’était pas drôle.

Rose était joueuse mais prudente. Ne pas trop se laisser distraire, ils n’avaient pas forcément de temps pour ça. Le sablier s’égrainait, infatigable. Un pas en arrière. Elle voulut passer une main dans ses cheveux d’un geste assuré mais suspendit ses doigts à quelques millimètres de sa frange. C’est vrai, elle avait un chignon. Elle entreprit de le défaire méthodiquement, épingle par épingle, qu’elle fourrait sans complexe dans la poche de son par-dessus. Les mèches libérées se mirent à couler le long de son dos, indisciplinées et rebelles.
Il fallait bien avouer que cette coiffure contraignante avait été plus que nécessaire lors de cette terrible journée. Tel un chien de garde pressentant le danger, Sima avait tenté de garder Rose sous sa coupe du matin jusqu’au soir. Elle l’avait envoyé aux quatre coins de Paris, prétextant des courses urgentes, vitales même, pour les uns et les autres. Tant et si bien que lorsque Rose avait enfin pu s’éclipser, elle n’avait même pas pris le temps de se changer et avait filé tout droit à leur point de rendez-vous.

Tout comme les épingles, le pardessus fini par glisser des épaules de la contrebandière, révélant une tenue de tous les jours, un chemiser et une jupe, pratique et confortable. Néanmoins, elle commençait à avoir chaud. Si elle n’était pas nerveuse vis-à-vis d’Edward, elle était beaucoup moins sereine lorsque cela concernait ses propres capacités. Rose était inquiète à l’idée de ne pas arriver à faire ce pour quoi ils étaient venus. Mais plutôt mourir que de l’admettre. Surtout que le loup lui faisait assez confiance pour lui permettre d’être là ce soir et encore une fois elle aurait préféré souffrir mille morts que de le décevoir. Association d’idées impromptue.

- « Attends. Tu es le seul à ne pas souffrir lors de la transformation ? »

Certes, elle n’avait pas prêté trop attention aux paroles du loup, trop occupée à se rincer l’oeil, mais cela aurait dut retenir immédiatement son attention. Le visage d’Aldrick se matérialisa dans son esprit aussi clairement que si elle l’avait en face d’elle. Rose ne put retenir un léger froncement de sourcils dubitatif. Elle chassa l’image d’un mouvement de tête, mais un léger sentiment de malaise l’avait saisie. Savoir que la transformation d’Edward ne se faisait pas dans la souffrance la rassurait, mais elle eut une pensée pour tous les autres lycanthropes qui, visiblement, ce soir, n’auraient pas cette chance. Elle préféra en rire qu’en pleurer :

- « Donc, si je veux rejoindre ton club, je suis condamnée à souffrir atrocement à toutes les pleines lunes c’est ça ? Lucky for me, I like it rough. »

L’anglais d’Edward n’était certainement pas assez bon pour comprendre le double sens de ses paroles. Heureusement ou malheureusement pour lui. Mais peut être que l’air amusé de la contrebandière lui permettrait de saisir de quoi il retournait.

Se laissant tomber à terre, Rose étendit ses jambes devant elle sans gêne aucune. Elle étira son dos, ses bras, avant de récapituler, plus pour elle-même et pour ses nerfs que pour son partenaire.

- « Je reprends du début. Tu te transformes. On fait notre truc de méditation. Ça fonctionne. On trouve ce que l’artefact nous veut. On s’explique avec lui. On rentre. C’est simple et efficace. »

Ses grands yeux cherchèrent les siens, comme pour l’inviter à s’asseoir près d’elle. Un tas de questions lui brulaient la langue.  Sur la transformation. Sur sa forme lupine. Mais ils n’avaient plus le temps pour ça, et en plus, Rose ne voulait pas paraître trop intrusive.

Un coup d’œil à sa montre. Encore un peu plus de dix minutes à priori. Ses doigts s’enroulèrent machinalement autour d’une mèche blonde, la triturant fiévreusement. Elle hésita un instant, enroulant et déroulant mécaniquement les cheveux autour de ses phalanges. Rose fini par se décider :

- « Je voulais te dire… Merci. De me faire confiance. »

Elle était sincère.
La blonde n’avait aucune connaissance des pratiques et des rites des lycanthropes. Mais elle était capable de sentir qu’il y avait quelque chose d’intime dans cet acte, dans sa présence ce soir, sans qu’elle ne puisse pourtant identifier clairement quoi. C’est pourquoi il lui avait semblé important de formuler à voix haute ces remerciements.

Pour chasser la pointe d’embarras qu’elle sentait lui monter aux joues, elle se racla la gorge, remontant son regard jusqu’à celui de son vis-à-vis.
Rose lui adressa un sourire confiant :

- « Well ! Ready when you are, partner. »
Spoiler:
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeSam 6 Mai - 13:42

« Encore cinq minutes, » répondit Edward en s’étirant de tout son long.

Et il fit tomber le pantalon. Le tissu rejoignit la pile de vêtements, le laissant dans un ample caleçon blanc qui finirait en miettes. Évidemment, il en avait un de rechange dans la poche intérieure de sa veste.

« Désolé, mais je garde ce qui reste. »

À moins que… ?
Il se secoua. Avec l’excitation, son esprit divaguait. Rester concentré.
Malgré les secondes qui s’égrainaient, le loup blanc demeura debout, mobile. Il sentait la chaleur se répandre doucement dans son corps, caresser ses os, ses muscles, tout en y jetant des fourmis par poignées ce qui lui rendait l’inaction insupportable. Il secoua ses bras, ses mains, inclina la tête à droite et à gauche pour détendre son cou traversé d’innombrables picotements. Puis son regard fit le tour de l’arène et revint se poser sur Rose.
Toujours là. Sa crinière de lionne encadrait ses traits fins. Vraiment, elle était beaucoup plus à son avantage comme ça. L’envie lui vint de d’emmêler ses doigts à ses boucles blondes tout en se penchant sur elle.
Il se secoua encore. Concentré.
Et la rassurer. Il sentait qu’elle angoissait.

« Au pire, si ça rate, tu pourras passer toute la nuit à me gratouiller. »

Ah… Encore divagué. Le discours héroïque et inspirant ne serait pas pour cette fois, mais tant pis, de toute façon il le pensait. Quoi qu’il puisse arriver, leur soirée ne serait pas gâchée.
Il inspira, passa d’une jambe sur l’autre, serra et desserra ses orteils, ses doigts. Son cœur commença à s’emballer. Durant les minutes précédant la pleine lune, le métabolisme d’Edward accélérait. Il dépensait trois à quatre fois plus d’énergie qu’à l’accoutumée et absorbait la moindre information qui passait. Poussés à leur paroxysme, ses sens exacerbés lui donnaient l’impression qu’autour de lui le temps ralentissait.
Allé ! Allé ! Cette attente n’en finiraient donc jamais ? Penser à dix mille à l’heure. À tout, à rien, encore à tout, discerner la moindre fissure, le moindre caillou, l’entendre respirer, se rappeler ses paroles et cet air coquin quand elle avait tirer sur les passants de son pantalon, sentir son parfum… Il aurait dû lui laisser l’ôter. Le souvenir vague d’une caresse, tard le soir, appliquée dans son dos. Frisson de plaisir.
Non ! Con-cen-tré.
Mais il dériva encore et se redressa, comme électrifié. Son regard chercha celui de Rose, tandis qu’il assénait avec une détermination sans faille :

« Je trouverai, tu sais. Pour les autres loups. Je ne sais pas pourquoi je suis le seul comme ça, mais je finirai par comprendre et je les aiderai tous. »

Ainsi portait-il sa couronne ensanglantée. Edward avait compris tardivement qu’il était une exception au sein des lycanthropes, mais depuis qu’il assumait ses responsabilités de roi, la question n’avait jamais cessé de l’occuper. Dolores l’aidait dans ses recherches, pour l’instant sans succès. Pourtant le loup blanc n’avait pas baissé les bras, jamais, alors qu’il était certain que cela ne suffirait pas à ce que les siens l’acceptent tel qu’il était.
Mais peut-être qu’elle…
La chaleur devint fièvre et les pensées d’Edward se troublèrent. Un bois sombre jaillit au cœur de l’arène qui s’emplit des températures étouffante des soirs d’étés. Il entendait les grillons chanter, l’écoulement lointain d’un torrent et sentait l’herbe sèche sous ses pieds. Elle était assise, juste là, fixant de ses prunelles anisées dans les braises d’un feu mourant. Sa longue tresse était exceptionnellement détachée, laissant le vent soulever son épaisse chevelure brune. Il sentait le doute qu’elle portait sur ses épaules et la fermeté de sa décision qui cherchait à l’en débarrasser. Elle ne reculerait pas, elle était comme ça. Les derniers rayons du soleil caressèrent son visage qu’elle n’avait pas eu le temps de débarbouiller et Edward se rappela. À cet instant, il avait décidé de l’aimer à jamais.
Alors elle releva la tête. Ses yeux d’émeraude se changèrent en saphir et sa tignasse d’ébène en un voluptueux champs de blé. Deux visages se mêlèrent à deux sentiments compliqués et le corps du loup-garou bascula en arrière.

Respirer.

Les cheveux d’Edward blanchirent et se propagèrent. Épaule, torse, bras, partout sa peau se ciselait, craquait, se morcelait, écartelée par la naissance soudaine d’une épaisse fourrure immaculée. L’homme tombait en miettes. Alors, les os, les muscles, commencèrent à gonfler et à se modifier. Le visage, tranquille, yeux fermés, vit son nez s’assombrir et s’allonger, tandis que ses dents prenaient les dimensions formidables propres aux grands canidés. Les oreilles grandirent et s’élevèrent à mesure que s’étirait le crâne. Le museau à peine dessiné, le buste devint poitrail puissant et pelucheux et toute la silhouette pencha vers l’avant. À l’instant où elle les mains touchèrent le sol, les ongles étaient devenus griffes et poignets et paume se déformèrent, tout comme les jambes qui s’arquèrent, traçant enfin les lignes nettes de l’animal. Le dos s’arrondit légèrement et le tissu qui restait craqua autour de son ventre massif, libérant la queue basse et touffue qui manquait à cette énorme boule de poils. Elle s’agita faiblement.
Lorsqu’Edward releva la tête, il était devenu loup blanc. Un loup colossale, considéré de belle taille même pour son espèce. Il avait gardé de son humanité son regard si spécial et le posa sur Rose avec une grande fierté. Si son corps d’homme lui paraissait d’une disproportion désastreuse, il s’enorgueillissait clairement de cette autre version. Un bond et il fut près d’elle. Il en fit le tour en trottant, puis glissa sa truffe dans sa main et la souleva pour passer sous son bras. Ses épaules arrivaient sous sa poitrine. En levant la tête, il n’était pas loin de pouvoir la couvrir des léchouilles les plus baveuses qui soient, mais il se contenta de se blottir contre elle. Un remerciement aussi silencieux qu’intense, ponctué d’un affectueux mouvement de tête.
Enfin il s’assit, oreilles dressées, avant de se laisser tomber de tout son long, soulevant un nuage de poussière. Il éternua, se secoua un peu, puis se tournant à demi, il saisit la jupe de Rose entre ses crocs et tira doucement dessus pour qu’elle s’installe à ses côtés. Elle découvrirait qu’il n’existait pas, au monde, meilleur oreiller.

Lorsque ce fut fait, Edward accorda un coup d’œil joueur à la contrebandière avant de complètement se coucher. Il semblait dire : « Le premier arrivé. » Un dernier battement de queue et il inclina sa tête posée sur ses pattes avant, puis ferma les yeux. Un soupir de contentement souleva son corps de grosse peluche et lentement, un profond sentiment d’apaisement l’envahit. Sa respiration devint calme et régulière et ses rares mouvements de paupières s’estompèrent.
Petit à petit, tout ce qui était tangible se délita autour de lui.
Il ne sentait plus le sol sous ses pattes, ni l’odeur de la pierre et de la poussière. Son propre corps s’allégea jusqu’à ne plus rien peser. Ni dans l’eau, ni dans l’air, il flottait sans attache ou presque.

Bobom.

Le cœur de Rose.
Edward laissa ce son le submerger.
Et lorsqu’enfin, son rythme fut sien, il ouvrit les yeux.

Un agréable vent frais l’accueillit au milieu d’un vaste champs empli à perte de vue de roses sauvages et de sauges des forêts. C’était nouveau. La dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés, leur environnement ressemblait plutôt à un petit jardin anglais. Edward remarqua qu’il était pied nu, humain donc, mais ne s’en soucia pas. Il balaya du regard ces vastes horizons colorés.

« Allé Rose, lâche prise. Tu sais que je te rattraperai. »


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeSam 6 Mai - 21:58

Rose enfouit plus encore son visage dans le pelage du loup blanc. Un bras autour de l’encolure de la bête, l’autre rabattu contre sa poitrine, elle entendait distinctement le battement de son cœur, aussi régulier qu’un métronome. Tout son buste reposait contre l’énorme animal. Inconsciemment, ses doigts de refermèrent sur sa fourrure, et la chaleur de ce corps fini par l’apaiser. Elle se sentit sombrer plus facilement qu’elle ne l’aurait crût. Cela l’interrogea, mais déjà, l’obscurité enveloppait son esprit, avalant toutes pensées.

Ploc.

Rose ouvrit les yeux aussi brusquement qu’une revenante, trop accrochée à la vie pour la laisser filer. Une odeur de fleurs sauvages lui sauta immédiatement à la gorge, perturbant tous ses sens. Un peu désorientée, elle n’eut cependant pas besoin de chercher Edward, elle savait qu’il était là avant même de le voir.

- « Oh, tu as retrouvé des vêtements, » taquina-t-elle en s’époussetant machinalement.

Son esprit stabilisé, la blonde couvrit les alentours d’un rapide coup d’œil circulaire. Partout, à perte de vue s’étendait des champs de fleurs odorantes et des pozzines dans lesquelles se reflétaient le bleu du ciel. À l’horizon, la contrebandière apercevait de hautes montagnes dont le sommet tranchant était recouvert d’un manteau blanc. Aucun bruit humain aux alentours, seulement le pépiement des oiseaux et le sifflement du vent, mêlés à leur propre respiration.

Drôle de déjà-vu. Pourtant, Rose était certaine de n’être jamais allée dans un endroit aussi beau. Dans une autre vie, elle se voyait bien vivre ici. Libre. Elle, sa maison et rien d’autre à perte de vue. Peut-être quatre ou cinq enfants et un gros chien. Boire de la limonade sous la glycine en été, et se lover près du feu en hiver. Épuiser son corps d’exercices à l’extérieur. Et peut-être, aussi, quelqu’un pour partager tout ça. Est-ce qu’il …  Elle secoua la tête pour chasser ces rêveries. Elle s’éloignait de leur objectif. Mais c’était presque dommage de troubler la quiétude de ce lieu, le bruit de l’eau qui court et la chaleur du soleil. Une fraction de seconde, elle eut juste envie de tout laisser tomber pour profiter de cette prairie idyllique, prétendre qu’elle pouvait y faire sa vie.

- « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

Elle s’était retournée, et désignait à son partenaire une grande porte blanche, démesurée, même pour quelqu’un de la stature du loup-garou. Elle s’élevait là, seule et imposante, entrée d’une maison qu’ils ne pouvaient voir. Froncement de sourcils. Il y avait autre chose, juste devant. Une… table ?

Sans hésiter, elle s’avança vers le meuble qui semblait s’être matérialisé là comme par magie. Quelques foulées décidées, et elle lui faisait face. Sur le bois outrageusement peint en doré, s’étalait tout un paquet de cartes à la forme trop particulière pour ne pas être reconnues. Un tarot divinatoire. Les dents de la contrebandière grincèrent en désapprobation. Pas question qu’elle touche à ça.

Elle contourna le meuble tout en gardant une distance sécuritaire entre elle et ces maudites cartes, se dirigeant vers la porte. Ses doigts saisirent la poignée qu’elle essaya de faire pivoter, mais ce fut sans succès. Elle chercha la serrure pour la faire sauter, mais n’en trouva aucune. Un brin contrariée, elle avança le nez vers le panneau de bois, et y découvrit des glyphes gravés à même le battant. Les voilà bien partis.

- « Edward, » appela-t-elle tout en tentant de faire à nouveau pivoter la poignée, « Viens essayer de l’ouvrir. »
- « Vous fatiguez pas, il faut tirer les cartes pour qu’elle s’ouvre. »

La contrebandière sursauta, retenant de justesse un cri de surprise.

- « À tes pieds Princesse… Oui, juste là. Ehhh pose moi tout de suite ! »

Elle avait saisi le petit animal par la peau du cou et le maintenait dans les airs, juste au niveau de son visage pour pouvoir l’observer sous toutes les coutures. Le lapin, mécontent d’être traité de la sorte, s’adressa à Edward.

- « Eh Casanova ! Tu peux lui dire de se calmer ? »
- « Hein ? Tu le connais ? »
- « Pfeuh. Bien sûr que l’Prince me connait. »
- « Il est roi, pas prince, » corrigea Rose, de plus en plus perplexe.

Elle finit pourtant par reposer le petit mammifère qui s’ébroua pour reprendre contenance. Son petit museau frétilla lorsqu’il soupira à l’encontre du roi des loups :

- «  Ta donzelle c’est pas l’couteau le plus aiguisé du tiroir dis donc. Bon, vous les tirez ces cartes ou on va y passer la nuit ? On a du pain sur la planche ! »

L’attention de la contrebandière glissa de la petite boule de poils mal élevée jusqu’à son partenaire. Elle avait croisé les bras sous sa poitrine en signe de refus catégorique.

- « Je ne tirerai pas de cartes. Ça tourne mal pour moi à chaque fois ces histoires. »
- «  Bon ben c’pas grave ! Dom Juan va le faire pas vrai ? »
- «  C’est toi qui vois Edward, je-… »

Un coup de vent plus violent que les autres l’interrompit  et souleva brusquement sa jupe, dévoilant dentelle et cuisse. Un froncement de sourcil accompagna un maugréement alors qu’elle rabattait le vêtement d’un geste sec.

- « Vraiment… Même ici je dois me coltiner des jupes… »
- « La tempête approche ! Et vous voulez pas ça, j’vous le garantis ! » s’inquiéta le lapin.

En effet, le temps semblait tourner à l’orage, et la petite mine du léporidé n’avait rien de rassurante. Sa minuscule queue s’agitait dans tous les sens, et il sautillait avec empressement autour d’eux. Mais Rose n’avait toujours pas envie de laisser cette forme de magie s’immiscer dans sa vie et dans sa tête. Encore une fois. Elle donna une petite poussée entre les omoplates de son partenaire pour l’inviter à s’avancer.

- « À toi l’honneur. »

La contrebandière resta à une distance respectueuse de la desserte, aux côtés de leur étrange compagnon. La petite bête lui disait vaguement quelque chose, mais elle était sûre de n’avoir jamais vu d’animal parlant de sa vie. L’animal en question leva d’ailleurs des moustaches frétillantes vers elle, toujours friand de ragots :

- « Alors, est ce que Roméo a fini par se lancer ? ... Un baiser d’amour véritable ? … Non ? … Bon, vu ta tête, j’vais prendre ça pour un non. Bon ! Quand tu veux Dom Juan ! »
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeLun 8 Mai - 15:01

Edward avait pour les arts divinatoire un rejet méprisant mêlé de craintes. L’idée que son existence  dépende d’une route inaltérable qu’on avait tracé pour lui le révoltait. Sans le savoir il avait, dès sa naissance, engagé une guerre ouverte contre la destinée. Au sein des lycanthropes, les prédictions données par la grande Magda à la venue au monde du premier fils des Wolkoff n’était d’ailleurs pas un secret. D’après elle, en volant son œil droite, la lune de sang avait jeté la mort et la destruction  dans sa vie. L’ouverture du cabaret, sa place de Juge retrouvée à la Curia, tant de responsabilités qu’il avait assumées comme un pied de nez aux paroles de la vieille louve, avant que l’Heure Pourpre ne vienne tout balayer. Son frère s’était fait un plaisir de lui rappeler qui il était ; un être qui trainait le chaos derrière lui.
Le vent souffla plus fort et l’orage gronda au loin. Les secondes s’écoulaient, encrassant les couleurs chatoyantes de leur arrivée d’une grisaille sans éclat. Les étendues d’eaux bleutés se mirent à refléter les nuages noirs bordés de rouges qui approchaient. Les bourrasques infernales continuèrent de se succéder sans soulever les cartes posées sur la table d’or.
Edward inspira.

« Ahem… Quand j’disais Quand tu veux c’était façon de parler bourreau des cœurs. Si tu pouvais te décider avant qu’on se fasse tous bouffer par ce qu’arrive je t’en serai gré et tout l’tralala. »

Le loup blanc s’avança avec le pressentiment que trois cartes suffiraient. Sa main survola le jeu de tarot sans parvenir à se décider. Ce n’était que des cartes, mais l’appréhension restait. Idiot ! Il affrontait la mort sans sourciller, mais tremblait devant de vulgaires bouts de papier ? Pas question.

Un éclair zébra au loin.
L’Amoureux.
Le tonnerre explosa au-dessus d’eux.
L’impératrice.
Un grondement terrifiant résonna derrière les montages glacées.
La roue de la fortune.

Les trois cartes s’élevèrent, entourées d’un halo bleu et éclatèrent en miettes. Ce qui restait de la table d’or se liquéfia, ne laissant d’elle qu’une belle clé bien épaisse. Alors que les runes s’illuminaient autour de la porte blanche, une serrure apparut sous sa poignée. Edward récupéra le bout de métal, mais s’arrêta avant de l’insérer.
Le vent hurlait à nouveau d’un son cette fois particulièrement familier. C’était le cri d’un loup. Un loup énorme et affamé, qui s’apprêtait à bondir par dessus les sommets. Il leva la tête et le visage fouetté par les lames d’air furieuses qui décapitaient les fleurs à leur pied, il devina l’ombre d’une bête monstrueuses à travers les nuages rougissant. Le lapin s’agrippa à sa jambe pour ne pas s’envoler et ce contact arracha péniblement Edward à la contemplation des deux iris électriques prêts à les foudroyer.

Clac.

La porte s’ouvrit sur un éclat laiteux. La boule de poils s’y engouffra le premier, sans réfléchir, le loup saisit la main de Rose et le passage les engloutit tous deux. Lorsque les battants se refermèrent, la tempête abattit ses crocs acérés et ses griffes tranchantes. Puis elle poursuivit sa route, affamée, ne laissant derrière elle qu’un vaste champs désolé là où, autrefois, se trouvait le paradis.

« Qu’est-ce que c’était ? s’enquit Edward, le cœur encore affolé.
Aucune idée, répondit le lapin en s’ébrouant pour ôter les pétales de sa fourrure.
Comment ça ? T’es pas censé être un guide ?
Peut-être, mais le manuel était long comme le bras alors…
Tu te fous de moi ?
Ça se voit tant que ça ? »

Edward songea à le bouffer dans la seconde, mais une forte odeur de sucre l’arrêta. En relevant la tête, il s’aperçut qu’ils n’étaient plus en extérieur, mais bien au chaud, sous ce qui ressemblait à un chapiteau. Haussement de sourcil. Son regard coula sur Rose avec un air interrogateur, puis bifurqua jusqu’à un guichet installé un peu plus loin sous un nombre incalculable de banderoles et de serpentins. La porte blanche avait disparu, laissant place à une suite de tentes dont ils ne voyaient pas le débouché. Prendre cette direction risquait de mener nulle part et le loup blanc finit par soupirer.

« On est là pour avancer de toute façon. »

Le lapinou leva ses deux petites pattes jointes au ciel, bénissant cette nouvelle réflexion qui lui épargnerait sans doute un travail supplémentaire. Il poussa Rose à suivre le mouvement tandis que le loup blanc dégageait au mieux la cascade de rubans qui masquait la façade du guichet :

« Excusez-moi… »

Mouvement de recul. Il s’emmêla dans les filins, détaillant le cœur dans la gorge l’amas de chaires et de membres bloqué derrière la paroi de verre. Deux bouches s’ouvrirent en même temps, articulantes en léger décalé :

« C’est un regret le billet.
Pardon ? »

Trois yeux roulèrent dans leurs orbites, puis ce qui s’apparentait vaguement à une main au nombre de doigts incertains tapota sèchement la vitre. Edward lut distinctement le prix annoncé et ne fut guère avancé. Discrètement, le lapin lui tapota le mollet et lui fit signe de fouiller ses poches. Le loup blanc s’exécuta et retrouva son porte-feuille dans lequel se trouvait plusieurs billets, tous uniquement estampillés du chiffre un. Il en posa deux sur le guichets et un bout de chaire les entraina à l’intérieur, tandis qu’un autre les remplaçait par deux tickets.

« Bon spectacle. »

Interdit, Edward ne pensa même pas à remercier cette chose. Il rejoignit Rose et il lui tendit son billet, ajoutant un brin dubitatif :

« Je ne suis plus très sûr de vouloir y assister… »

Le passage s’ouvrit devant eux et une joyeuse mélodie d’orgue de barbarie se lança depuis les tréfonds de l’endroit. Le passage traversait sous plusieurs tentes avec, accrochés à un fil, plein de petits lampions qui éclairaient le chemin. Au sol, le lapin tapa du pied, l’air pensif, avant de dresser les oreilles.

« Bon. J’suis pas sûr de devoir vous accompagner, mais vous êtes fichus de tout foirer sans moi. Juste pour c’te fois j’laisse la princesse me porter pour me faire passer pour une peluche.
Bah tiens, soupira Edward. T’as juste la flemme de marcher.
Oh, j’en connais un qui se sent menacer par mon corps de rêve. »

Le loup blanc leva les yeux au ciel. Rose déciderait de la façon dont elle voulait s’occuper de la boule de poil, il lui laissait volontiers ce calvaire. Un peu hésitant, il s’engagea le premier dans le passage. Leurs empruntes s’enfoncèrent dans le sol terreux, jusqu’à ce qu’il soit remplacé par un tapis écarlate. Le couloir de toiles s’était élargi et les parois nues furent tour à tour occupées de miroirs déformant, de masques grimaçant et de ballons aux couleurs fanées.
Edward se sentait mal à l’aise. Outre le fait que ce décor était cauchemardesque, il lui paraissait affreusement familier. Il mit cette sensation sur une vision déformée de l’incident du Strano, jusqu’à ce qu’un bout de papier poussé par le vent ne se colle à son pied. En le ramassant il découvrit qu’il s’agissait du programme de la représentation. Les horaires étaient clairement indiqués, mais aucun des numéros n’était lisible. L’ensemble du texte semblait avoir bavé à l’exception d’une ligne qui lui glaça le sang. Et il se mit à trembler. Un tremblement incontrôlable, relevant d’un mélange d’une peur viscérale et d’une rage d’une ampleur phénoménale.

S’il avait été orage, tout aurait été balayé.

Incapable d’articuler quoi que ce soit, il tendit le papier froissé à Rose.
Dans cinq minutes commencerait le numéro du Sauvage aux yeux dépareillés.

Apparut alors sur leur chemin un homme presque carré en tenue de monsieur Loyal. Il s’inclina devant eux, retirant son chapeau d’une tête sans visage, ou plutôt aux multiples figures. C’était comme si ses traits cherchaient désespérément la place qui leur était due. Tantôt moustachu, barbu, le nez crochu ou droit, même la forme et la couleur de ses yeux se cessait de varier. Seul son costume demeurait parfaitement figé, avec au poitrail une belle broche de métal. Elle était faite d’une cercle au centre duquel une couronne surmontait un bouclier abritant trois griffes, de chaque côté s’élevait des feuilles de trèfle. Un symbole familier qu’Edward portait dans sa chaire.
Un sourire fluctuant s’étira entre les lèvres du maître de cérémonie.

« Madame, Monsieur, vos tickets s’il vous plait. »


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMar 9 Mai - 19:33

- « Nous avons changé d’avis. Navrée. »

Sa main enserrant fermement celle d’Edward, elle l’entraina à sa suite, repoussa une lourde tenture rouge juste à leur droite, s’engouffrant dans le passage sans hésiter. L’étrange Monsieur Loyal n’esquissa pas un geste pour les retenir, se contentant de rester planté là, souriant de son étrange rictus.

Derrière eux, le tissu retomba lourdement dans un froissement d’étoffes et puis, plus rien. L’ouverture s’était volatilisée. Tout autour d’eux s’étendaient d’immenses miroirs à perte de vue. Certains déformants, d’autres teintés, d’autres encore, parfaitement normaux, partout, une infinité de reflets silencieux qui se répercutaient à l’infini. Un palais des glaces plongé dans le silence. Aucun bruit ne semblait émaner du lieu, si ce n’était celui de leur propre respiration. Leur image se découpait nettement dans les milliers de vitres, seules tâches de couleur dans cet univers glaçant.

Sans lâcher la main du lycanthrope, Rose s’avança vers le panneau le plus proche et approcha son visage de sa copie en l’observant attentivement. Elle ne remarqua rien d’inhabituel dans son reflet, sinon l’immense loup-garou qui se tenait derrière elle, l’air plus secoué que jamais. Elle voulut le rassurer, mais le lapin l’interrompit en émettant un glapissement strident :

- « Le reflet ! Il vient de bouger ! »

Volte-face. Son double vitreux était toujours à sa place reproduisant à la perfection son air perplexe. Du bout des doigts elle toucha la surface lisse et froide du miroir. Le reflet fit de même. Et puis il sourit.

Rose retira sa main comme si on l’avait brulée. De l’autre côté du miroir, l’Autre Rose la fixait, avec des yeux un peu trop bleus, un sourire un peu trop grand et des dents beaucoup trop pointues. À ses côtés, le reflet d’Edward avait disparu.

Ting.

Dans le miroir, l’Autre prit la fuite.

Sans réfléchir, Rose s’élança à son tour.

Ting. Ting.

Un tournant, puis deux, puis trois, Rose entrainait son partenaire à sa suite, toujours plus loin dans le labyrinthe. À chaque détour, elle pensait l’avoir rattrapé, mais la créature disparaissait toujours. Elle n’avait le temps d’apercevoir qu’une mèche de cheveux, l’étoffe d’une robe ou la plante d’un pied.

Et puis :

Une empreinte de pas dans le reflet, de l’Autre côté.
L’odeur du sang, si présente, si réelle, et pourtant inexistante.
D’autres traces de pieds, deux, trois, dix, vingt, qu’on suit comme on remonte une piste.

Et puis :

Le corps de l’Autre, penché sur une masse informe. Derrière elle, se tient un tout jeune garçon. Ses yeux brillent d’une lueur verte sous ses cheveux blonds. Il tient dans sa main un crucifix qu’il serre contre son cœur. L’Autre regarde la masse, l’homme d’église, sur le sol, sous elle. Suppliant et reniflant.
D’un geste, elle lui enfonce la lame dans le cœur.
De l’Autre côté, le rouge fuse, repeint le blanc et le vide. Le double lui, reste stoïque, son sourire éclatant toujours rivé au visage.

Rose sent l’horreur s’agripper doucement à ses chevilles, remonter lentement jusqu’à enserrer son estomac.

- « Ce n’est pas… » parvient-elle à articuler.

Mais déjà, l’Autre s’élance à nouveau, laissant derrière elle une trace sanglante.
Elle la suit mais elle se doute de ce qu’elle va trouver.

Et puis :

La scène se répète. Encore et encore. Différents protagonistes, mais toujours le même personnage principal. Elle se souvient de tous. Proxénètes. Maquerelles. Prêtres lubriques. Maris violents. Pères abusifs. Trop de visages.

À chaque scène, Rose pâlit un peu plus. Ce n’est pas la vérité. Mais ça en est proche. Trop. Un prédateur n’aurait rien à lui envier. Les mains de la chose plongent dans les chairs, arrachent, dépècent avec l’ardeur d’une affamée.

Enfin, l’Autre s’arrête. Elle s’approche du bord du miroir et y pose sa main. Son visage est tordu par la déformation de la glace, grimaçant, et ses taches de rousseurs que Rose dissimule si bien habituellement sont apparentes, mêlées de gouttes carmin.
À ses pieds, le reflet d’Edward, à genoux. Sa tête est celle d’un énorme loup blanc, mais son corps reste humain. La chose a les mains fermement appuyées sur ses épaules.

- « La Mort. » croasse la chose du reflet.
- «  Non. Non tu n’es pas… »
- « La Mort. » répète-t-elle plus fort.
- « Je ne suis pas la mort ! Je suis… Je suis… »

Rose ne sait plus. Elle reste là, pantelante, à regarder son double dans le miroir, qu’elle sait si proche d’elle et pourtant, si éloigné. Même si elle joue à celle qui est libre, à celle qui est sans peurs, sans regrets, elle sait qu’elle ne l’est pas. Comment l’être après cette vie ? Comment aspirer à quelque chose d’autre ? Peut-être est-ce impossible. La peur primaire, animale, que tout lui soit refusé à cause de cela. Ses épaules s’affaissent. Elle murmure :

- « Je suis… »

Elle ne sait pas. Elle baisse les yeux, vaincue par sa propre ineffabilité. Elle ne voit pas sur le vitrage, les dizaines de reflets qui se mettent à affluer. Des hommes, des femmes. Avec ou sans visage. Parlant dans des langues qu’elle comprend, d’autres qu’elle ne saisit pas. Ils pointent des doigts accusateurs vers l’autre Edward, vers l’autre Rose, crachant dans des sifflements des paroles intangibles.

Et puis :

Au milieu de la foule, un homme s’avance, il a d’abord la tête baissée. Ses longs cheveux noirs couvrent son visage.  Lentement, alors qu’il se place aux côtés de l’Autre, il la redresse. Et ses yeux mordorés transpercèrent son âme. Avec un fort accent de l’est, il annonça :

- «  La mort est votre aumône. La vengeance sera la nôtre. »

L’homme regarde le loup blanc et prononce quelque chose dans cette langue qu’elle ne connait pas. Mais Rose sait. Son corps sait. C’est une condamnation à mort. Alors, de toute ses forces,  elle hurla.

Ting. Ting. Ting.

Rose sentit autour d’eux les miroirs se fendre, se fissurer, céder sous le poids de ses prisonniers qui tentaient désespérément de s’en extraire.

- « Edward ! »

Dans un réflexe, elle se précipita, l’entourant du mieux qu’elle put de ses bras. Autour, les murs hurlaient et ondulaient, s’effondrant dans un fracas assourdissant. Alors qu’elle resserrait un peu plus son étreinte, elle eut le réflexe de jeter un regard à leurs doubles. Tous deux les fixaient, leurs pupilles jaunes, grandes ouvertes.

Rose ferma les yeux.

Lorsqu’elle les réouvrit enfin, un petit lapin mécontent l’observait, dressé sur ses genoux, les moustaches frémissantes.

- « Non, non, non, non, non ! Ce n’était pas prévu. Pas du tout du tout. La tempête ! La tempête fissure tout ! »
- « Quoi ?! Comment ça ? »
-     « La tempête idiote ! Elle nous a suivi ! »

Rose relâcha enfin son prisonnier, presque certaine qu’ils avaient échappé aux choses des miroirs. Mais elle demeurait déboussolée, avec une envie tenace de frapper quelque chose. Sous ses genoux la douceur de la moquette l’accueillit, et autour d’eux, le molleton des tentures rouges lui parut presque réconfortant.

- « Messieurs-Dames, vous avez changé d’avis ? Le spectacle est sur le point de débuter. »

Presque.
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMer 10 Mai - 19:55

« Éljen a király…
Edward ! »

Le choc soudain de deux mains qui l’étreignirent. Fermer les yeux un instant. Les rouvrir et entendre hurler le vent.
Edward était à genoux par terre. Au dessus de sa tête, claquaient sèchement les toiles du chapiteau fouettées par les bourrasques extérieures. Le grand mât craquait. Les câbles tendus à travers toute la tente grinçaient, contraints par la tempête à s’étirer puis à se contracter sans cesse pour que l’ensemble reste au sol. Sifflant leur air glacé, les zéphyrs arrachèrent quelques chapeaux à des têtes plongées dans le noir. Pas d’objection, pas de cri, tout le monde attendait.
Une chaleur tout contre lui. Le bruit d’un cœur.
Edward leva sa main et la posa sur celles qui le tenaient, comprenant brutalement que Rose l’avait retrouvé. Il l’avait perdue au milieu de ces glaces qui n’avaient jamais été capable de lui renvoyer son reflet. Toujours, toujours, quelque chose qui clochait. Quand enfin il avait cru la distinguer elle, les choses s’étaient embrouillées et les miroirs n’avaient plus renvoyé que des visages inconnus et pourtant familiers.

Ting.

Il redressa la tête. L’étreinte s’était effacée, mais il sentit clairement le lapin se glisser entre eux deux, cherchant un petit coin où s’abriter. Il l’entendit, sans vraiment l’écouter. Pour une raison qu’il ignorait, lui ne s’étonnait pas que la folle tempête soit à leur poursuite et il n’en avait que faire. Son regard s’était figé au centre de la piste.

Ting.

L’immense miroir qui trônait là fut découvert de sa toile noire par Monsieur Loyal et lui renvoya brusquement son image… ou pas tout à fait. C’était lui cette silhouette agenouillée, mais plus jeune, guère plus d’une quinzaine d’années. Il était déjà grand, mais beaucoup, beaucoup plus maigre. Une peau livide en partie masquée par une ample tunique crasseuse et déchirée. Déjà des cicatrices, sur ses bras, ses jambes et ses pieds plein de terre, en plus d’un collier de fer qui bâillait autour de son cou squelettique. Ses cheveux sales tombaient devant son visage relevé. Enchainé comme un chien, il avait le regard d’un loup.
Edward se leva. Son reflet d’enfant l’imita. Alors son cœur accéléra, pas de peine, ni de crainte, mais poussé par la révolte qu’il lisait dans ce corps qui avait été le sien. Et l’enfant avança, répugnant et splendide à la fois. Il fit un pas et des chaînes sautèrent du sol comme une bande de serpents en furie. Leur morsure de fer se refermèrent sur ses poignets et ses chevilles, mais il tint bon et même bousculé, garda son équilibre. Au-dessus d’eux, le monstre orageux gronda plus fort et son cri déchirant lacéra l’intérieur de la tente.
Le lapin s’agita. Edward l’entendait réfléchir à toute allure. Il cherchait un moyen de les tirer de cette mauvaise passe, mais l’absurdité de la situation le dépassait. Elle n’aurait pas dû être là.

« Peut-être que si on part maintenant… On trouvera bien un chemin ! Le passage ne doit pas être loin ! »

Mais Edward ne bougea pas. Monsieur Loyal venait de quitter sa place auprès du miroir. Il passa derrière et aussitôt, un homme entra dans le reflet. Un homme grand, aux cheveux longs et noirs comme les siens. Une seconde, Edward crut reconnaitre les traits d’Aldrick sur ce visage déterminé, mais en plus âgé. Mains dans le dos, il s’avança d’un pas lent dont chaque foulée devenant un peu plus sèche et glacée, modifiait également sa figure. La terre battue de la piste se cisailla sous le rythme implacable de ses hautes bottes noires, traçant un chemin craquelé jusqu’à l’enfant dont l’attitude avait changé. Le fier et fort adolescent baissait la tête et tremblait. La silhouette enténébrée s’arrêta derrière lui. Le garçon ne bougeait pas, fixant ses pieds, ravalant son orgueil pour se faire accepter.

Ting.

Edward et son reflet échangèrent un regard qui n’était plus qu’horreur. Non, non, il n’avait rien fait. Ce son… Ce n’était pas sa faute, c’était le miroir ! Un caillou que le vent avait jeté contre la glace ! Il n’avait rien fait ! Il n’avait rien…

« Cours !! »

Le cri lui avait échappé.
Et l’enfant courut, mais il oublia qu’il était enchainé.

Clang !

La longe accrochée à son cou arriva à son maximum et l’adolescent fut littéralement fauché dans sa lancée. Il retomba lourdement, soulevant un immense nuage de poussière. Dans cette brume opaque se dessina un spectre aux yeux bleus. D’un bleu profond, un bleu de nuit de pleine lune. Enfin ses traits s’affinèrent et se stabilisèrent. Ils étaient froids et amers, taillés au burin, sur le même modèle  que celui qu’il observait par delà le miroir.

Dieu qu’Edward ressemblait à son père.

« Ne le touche pas !
Hihihi ! »

Le rire féminin et cristallin sonna comme une note de musique sous le chapiteau. Trois câbles avaient lâché, les étoffes se gonflaient et s’abattaient à des rythmes irréguliers en de violents claquements, mais ce petit son amusé en avait couvert le fracas sans difficulté.
Edward se retourna. Même s’il ne l’avait jamais entendue glousser de la sorte, il avait reconnu le timbre de Rose. Le volt face dura une fraction de seconde, rattrapé par l’arrivée d’une ombre rouge dans son champs de vision. Il se tourna une nouvelle fois vers le miroir et écarquilla les lèvres en distinguant la silhouette de la belle anglaise traverser la piste terreuse vêtue d’une incroyable robe de mariée écarlate à laquelle des rubis pendaient comme autant de gouttes de sang.
D’un pas léger, presque dansant, elle se rapprocha de l’enfant. Il était toujours sous la menace paternelle, mais elle se pencha gentiment et de ses mains gantés de rouge, l’aida à se relever. Le garçon prit de l’âge en se redressant et en un instant, il devint le reflet parfait d’Edward. La future mariée s’écarta, trépignant sur place, terriblement excitée.
Alors, derrière le loup toujours enchaîné, la silhouette de son père leva les mains. Il les plaça de chaque côté de sa tête et d’un seul geste, l’ôta du reste de son corps. La figure se fendit, puis se brisa toute entière ne laissant entre ses doigts qu’une couronne acérée de grenat. Avant de tomber en miettes, le père étêté ceignit le front de son fils du bijou. La pierre aiguisée découpa sa peau et fit de sa figure un tableau ensanglanté.
À ses côtés la fiancée riait. Elle battit des mains, puis l’étreignit avec lascivité et l’embrassant sans pudeur, elle fit de ses loques un costume assorti au sien. Blottis l’un contre l’autre, le couple carmin leva la main et tout autour d’eux le public se mit debout. On les acclama par de grands cris de joie.

Mort ! Mort ! Mort !

« Non… »

Un murmure entre les lèvres d’Edward étouffé par le fracas du tonnerre. Épaules basses, complètement défait, le loup blanc observait, sans voix, cette foule hystérique couvrir les époux de lycoris tout en chantant à tue-tête.

Mort ! Mort ! Mort ! Destruction ! Mort ! MORT !

Les fleurs rouges tapissèrent le sable et s’accrochèrent au miroir. En un rien de temps, elles donnèrent à la scène la dimension d’une mer écarlate que le vent soulevait par vague.

« Mais ce n’est… pas nous… »

Pourtant c’était cette image d’eux qu’on adoubait, qu’on validait. On se les remémorait rouges et pas autrement. Ils étaient la mort, ils étaient la destruction. C’était les seules cases dans lesquelles ils rentraient, les seules qui leur correspondait. Leur destinée n’avait qu’une couleur ; celle du sang.
Non…
 Edward lutta, encore, péniblement, comme il pouvait. Une part de lui tendait à accepter ce qu’on ne cessait de lui rabâcher.

Mort ! Mort ! Mort ! Destruction ! Mort ! MORT !

Mais une autre refusait d’accepter cette image dans laquelle on les enfermait, il devait bien exister quelque part, quelqu’un pour les voir tel qu’ils étaient.
Un sanglot s’éleva alors dans la foule excitée. Tout au fond des gradins, deux silhouettes ne prenaient pas part à la fête. L’une d’elle lui était étrangère, mais il connaissait l’autre par cœur. Grande, maigre, décoiffée. Au fond de son siège, Andréa pleurait à chaude larmes.

Espoir…

La révolte lui brûla le corps et le cœur.
Et la tempête explosa.

Un vent fou, sauvage, comme une meute de loups, s’engouffra sous le chapiteau. D’un seul coup, il arracha l’immense tente et l’emporta dans le ciel déchainé de nuages rouges et noirs tourbillonnants. La foudre s’abattit dans un craquement phénoménale qui embrasa le mât central. Les flammes tombèrent sur les lycoris et le vent souleva les fleurs en feu par poignées. Le public hurlait toujours de joie. Deux des spectateurs furent balayés et Edward rattrapa de justesse leur ami lapin. Il se tourna vers Rose et lui prit la main.

« Viens ! Montrons leur qu'ils se trompent ! »

Il l’entraîna dans son sillage, se jetant sur la piste en flamme. Courant à toute allure, il ne lâcha Rose qu’à la dernière seconde. Alors son corps se déforma, gonfla et blanchit. Le loup immaculé se jeta contre leur reflet écarlate.
Le miroir explosa sous l’impact et un passage s’ouvrit.

Le vide.
La chute.



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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeJeu 11 Mai - 17:20

Rose tomba.
Dans sa main fermée, repose un lycoris d’un pourpre sanglant.
Elle ferma les yeux et laissa la chute l’engloutir.

***

Debout dans le chapiteau en ruine, Rose demeure immobile. Elle se tient à la gauche d’Edward. Sinistre. Rose est le mauvais présage. Elle l’a toujours été. Oiseau de mauvais augure. Elle le sait.

Le loup regarde dans les gradins. Il y trouve quelque chose qu’elle ne distingue pas. Une lueur d’espoir.
Mais tout ce que Rose voit ce sont ces silhouettes sombres, alignées les unes contre les autres. Elle est la condamnée. Il n’y aura pas d’aube pour elle.

Alors, elle les entend. Ils ne sont pas là, mais leurs mots sont avec elle. Elle se souvient. Si c’est ce qu’elle doit être pour les protéger, qu’à cela ne tienne. Elle sera terrifiante. Elle sera sans pitié. Elle sera ce dont les monstres rêvent la nuit. Tout ce qu’il faudra pour les garder en vie. Elle continuera à courir vers ce destin qu’elle n’a pas choisi. Parce qu’elle le peut. Parce qu’elle le doit. Parce qu’elle veut savoir jusqu’où elle s’enfoncera, avant d’être arrêtée. Tant pis si tout ce qu’elle laisse derrière elle est une traînée rouge, tant qu’ils peuvent vivre en paix. Le sacrifice devait en valoir la peine. Elle est la seule à pouvoir le faire.

Rose deviendra le monstre qu’ils espéraient. Celui qu’ils voient en elle. Qu’ils craignent sans l’avouer.

Elle lève les yeux. Dans les gradins, elle la voit enfin. Son reflet, son double parfait. Sans difformités. Il pleure à chaudes larmes. Sauve-toi, semble-t-elle lui intimer en silence.

Trop tard. Elle ne répond pas, se laisse entrainer par la révolte du loup.
Dans la chute, l’obscurité la dévore.


***

Rose reprit brusquement connaissance. L’odeur et l’humidité de la forêt. Son corps, étendu sur un lit de mousse, y a laissé son empreinte. Instinctivement, son premier réflexe fut de chercher Edward. Toujours là. Bien vivant. La tempête ne les avait pas suivis.

Alors, elle prit un instant pour observer l’endroit dans lequel ils se trouvaient Partout, à perte de vue, des conifères, hauts, épais, empêchaient le soleil de parvenir jusqu’au sous- bois. Ici, le froid rentrait dans tes os, dans ton corps, et ne te lâchait plus. Rien ne réchaufferait les âmes qui y échouaient. Autour d’eux, un brouillard sombre, dense et épais. Pas naturel. Un peu plus loin, le bruit de l’eau. Au fond, un torrent crachait son eau cristalline, bouillonnante et vivace.
C’était un lieu de conte de fée, distordu et inquiétant. Comme cet homme aux grandes bottes noires dans le miroir. Mais, lui, elle en avait la conviction, il existait bel et bien. Il ressemblait tant au loup blanc. Il aurait presque pu être son double, si ce n’était pour ses yeux.

- « C’était ton père ? »

Au fond, elle savait déjà, mais elle en voulait la confirmation.
Son cœur se serra. Ils étaient si semblables elle et lui. Et pourtant si différents.  

«  Viens ! Montrons-leur qu'ils se trompent ! »

Edward avait été capable d’affirmer que ce n’était pas ce qu’ils étaient, ces reflets écarlates. Mais dans son cas, Rose n’en était pas certaine. Après tout, elle avait été incapable de dire à l’Autre qui elle était. Qui était-elle si son nom n’était pas synonyme de mort ? Qui était Rose Walkson ?

Sœur, étrangère, amie, amante, tueuse, guérisseuse, contrebandière, enfant des rues, adulte sauvage, femme du monde, femme du peuple, confidente, chef de bande, reine des bas-fonds, amas de chair, conscience pure, partenaire, humaine, gardienne, combattante, sauveuse, juge, bourreau, ange gardien, héroïne, méchante, opposante, alliée.
Qui était-elle ? Elle ne s’était jamais posée la question. Elle n’avait jamais cherché.

La contrebandière eut soudain une envie irrépressible de plonger son visage dans l’eau gelée du cours d’eau. D’un pas chancelant, elle se redressa, et sans aviser le loup, elle s’agenouilla sur la berge. Ses deux mains en coupe, elle enferma un peu de liquide, et les élevant au-dessus de sa tête, elle le laissa couler sur son visage, dans sa bouche, le long de son corps. Dans sa tête ses paroles tournaient en boucle.
Qui es-tu ?

- «  Qui suis-je ? »

Toujours à genoux dans la tourbe de la rive, elle avait redressé la tête et regardait loup et lapin avec deux grandes prunelles douces et ingénues. Ses lèvres roses légèrement entrouvertes, elle semblait plus jeune, comme libérée de tous ses soucis. Elle ne se ressemblait plus.

- «  V’là pas autre chose » maugréa le lapin, pensant à une mauvaise blague. « Princesse c’est vraiment pas le moment ! »
- « Qui êtes-vous ? »
- «  Casanova, c’est quand tu veux ! »
- « Oh. Vous êtes monsieur Casanova ? Vous savez qui je suis ? »

Cette fois, le lapin comprit. Il jeta un regard affolé à Edward que la contrebandière fixait dans l’attente d’une réponse. Et comme celle-ci ne vint pas, elle haussa les épaules, ôta ses chaussures et commença à sautiller dans la terre mouillée. Elle se désintéressa totalement des présents, enfermée dans son propre monde, piquant entre ses doigts des dizaines de coquelicots qu’elle réunissait dans un bouquet. Sa voix s’éleva dans le silence des bois, alors qu’elle chantonnait, sur l’air d’une comptine pour enfants :


«  Loup blanc, loup noir, loup gris
Pour deux loups sauvés, un de pris.

Loup gris risque la guillotine
Quand la lune l’embobine.

Loup noir danse que la nuit
Il attend son ennemi.

Loup blanc est trop maladroit,
Ils l’attraperont dans les bois.

Dans les ténèbres il se tapit.
Il est le parfait parti.
Perfection cache un orage
Sous la douceur il y a la  rage.
Loup blanc, loup gris, loup noir,
Démasque-le et puis bonsoir

Loup blanc, loup noir, loup gris
Pour deux loups sauvés, un de pris. »

Spoiler:


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeSam 13 Mai - 14:37

« Qu-Qu’est-ce qu’on va faire ? »

Horrifié, ses deux papattes duveteuses collées contre sa frimousse à la truffe remuante, le pauvre lapin frôlait la syncope. Edward fut certain qu’il rendrait son tablier de guide spirituel dès la fin de cette journée et qu’il ne faudrait plus compter sur lui pour mener sur la bonne voie des trouble-fêtes de leur genre. Il tira sur ses oreilles et battit du pied, adressant de grands gestes à la belle égarée qui s’amusait dans les flaques. Edward souriait. Il s’était assis, repliant ses interminables jambes sur lesquelles, accoudés, il observait Rose s’amuser, insouciante et délivrée. Mais pour lui rien n’avait changé, elle était toujours cette fille à l’odeur de fleurs sauvages.

« Eh oh ! S’exclama le lapinou en lui bondissant dessus. Y a quelqu’un là dedans ? Tu vois pas qu’on l’a perdue ?! C’est pas du tout l’moment pour la scène de la contemplation béate et stupide, avec le vent dans les ch’veux et l’soleil qui s’couche sur l’océan ! Y a même pas d’océan !
Pourquoi tu t’agites ? Soupira Edward. Elle se cherche c’est tout.
Bah tiens. Princesse Furie est devenue Cœur Guimauve et tout va bien. Tu t’es cogné la tête en tombant ou quoi ?
Tu dramatises tout… »

Edward déposa la boule de poil dans l’herbe et se leva. Hébété par sa réaction, le lapin le regarda s’approcher de Rose, hésitant entre une moue de dépit et d’incompréhension. À ce rythme là, ces idiots le conduiraient droit au burn out.
Peu soucieux de l’inquiétude de leur compagnon, Edward prit son temps. Il ramassa des clématites, des marguerites, des anémones… Il n’était pas très doué pour la cueillette avec ses grandes mains trop puissantes pour de fragiles petites fleurs, mais il fit de son mieux et dès qu’il jugea son bouquet digne de sa destinataire, il s’avança vers elle.

« Tiens. Tes coquelicots seront plus jolis encore s’ils sont bien accompagnés. »

Il la laissa prendre les fleurs et délicatement, retint sa main. Il ne voulait pas lui faire peur, mais elle avait l’air si candide qu’il jugea le risque minime et glissa ses doigts entre les siens. D’un geste lent et tendre, il leva le bras et sans forcer, la fit tourner sur elle même dans la terre détrempée, puis la faisant basculer en arrière, il la rattrapa dans ses bras. Une vraie poupée de soie. Edward la redressa  avec douceur, égarant un instant ses doigts sur sa taille avant de lui rendre sa liberté. Sans s’éloigner, il appliqua les leçons du passé et en véritable gentleman, s’inclina devant sa cavalière moins par politesse que par l’infini respect qu’il avait pour elle.
Lorsqu’il retrouva toute sa hauteur, son regard caressa la rondeur de ses traits sans aucune peur. Savoir qui elle était ? Qu’est-ce que ça pouvait faire ? Edward s’en moquait, il ne s’en était jamais soucié. Ce n’était pas ce que Rose était qui les avait rapproché, mais autre chose qu’il croyait que tous deux partageaient. Sa main glissa dans les boucles blondes et sauvages, remontant jusqu’à ce visage qu’il reconnaissait malgré l’oubli qui s’était installé sur lui. Il effleura sa joue, ses lèvres, puis le coin de ses grands et beaux yeux azurés. Penchant doucement la tête, Edward la scruta comme s’il n’existait plus qu’elle. Doucement, il lui demanda :

« Tout ce que j’aimerai savoir, c’est qui tu veux être ? »

Crac.

Il redressa la tête. Cet environnement était sien et lui avait rendu tous ses réflexes. Aux aguets, il écouta avec plus attention en direction de la branche qui venait de casser à proximité.

« C-C’était quoi ? Bredouilla le lapin en se glissant entre ses jambes.
De la compagnie. Reste avec elle. 
C’est exactement c’que j’allais proposer ! »

Et le loup blanc leva les yeux au ciel. Désormais sous sa forme animale, il fit le tour de Rose comme un gardien protecteur, avant de percevoir un nouveau son étouffé par les bois.
Il montra aussitôt les crocs et un grondement puissant s’éleva de son large poitrail. Le poil hérissé sur son échine, oreilles dressées et queue droite, l’hostilité qu’il affichait annonçait l’attaque qui couvait.

Crac.
Crac crac.
Crac crac crac crac crac.

Huooooohouuuuuauaahhhhoouuuuuaaah !

Quelque chose s’arracha brusquement à l’obscurité du bois. C’était un être noir si difforme qu’on l’aurait cru dessiné à la va-vite. Pas de cou, pas d’yeux, mais une bouche immense de laquelle s’échappait un son strident aux allures de sirène d’alarme. Au bout de ses membres chétifs, des pieds et des mains griffues, disproportionnés, battaient l’air de manière incontrôlée, suivant le désordre de sa course. Incapable de suivre une ligne droite, son slalom chaotique le rapprocha inexorablement de Rose.
Un bond suffit. Edward se jeta sur lui, le mis à terre comme il aurait étalé une biche et enfonça ses crocs dans ce qui aurait put être sa gorge. Faisant abstraction de l’odeur acre de doute et de renoncement qui s’en dégageait, il tira d’un coup sec. Le hurlement s’éteignit en un gémissement plaintif et l’être explosa en une myriade de papillons bleutés. Une poignée vola en direction de Rose, les autres disparurent entre les branches de pins.

« C’était une Idée Noire ! S’exclama le lapin. Faut qu’on parte, elles se déplacent jamais… »

Crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac crac.

Toute la forêt s’emplit d’un enchevêtrement de cris. Un essaim de monstres noirs s’extirpa des entrailles du bois pour fondre sur eux de toute part. Ils sprintaient à vive allure, dans une anarchie complète, se percutant les uns les autres, s’écrasant, se bousculant, tout en hurlant à plein poumon ce même son épouvantable. Au parfum de doute, se mélangea le tourment, la tristesse, l’angoisse, la peur, l’abandon et tant d’autre qu’Edward fut vite incapable de les distinguer.
En gardien protecteur, il se dressa comme ultime rempart contre cette mer sombre qui déferlait sur eux. Crocs et griffes tranchèrent, arrachèrent, percèrent l’obscurité avec la rage des acharnés. Plein d’espoir, les papillons bleutés continuaient de s’envoler.
Les vagues se succédèrent, le nombre d’Idées Noires ne cessait d’augmenter et malgré toute sa volonté, tout son courage, sa force et cet esprit de révolte qui l’habitait, le loup blanc commença à fatiguer. Par mégarde, il laissa une ombre approcher Rose, mais la rattrapa avant qu’elle ait pu la toucher. Il en fit des miettes et s’en retourna au combat, blessé par les membres griffus et éreinté par cette guerre interminable qu’il voulait remporter. Ses pattes tremblaient, sa mâchoire à lui faisait mal, mais il s’échina encore et encore, jusqu’à ce que son harassement ne le jette à terre. Il voulut se relever, mais il était dépassé par la marée d’êtres informes qui le piétinaient sans cesse.
À bout de souffle, il souleva péniblement sa tête. Une boîte à musique jouait un air qui se répandait partout dans les bois. Le même que celui qui Rose avait chanté en jouant dans les flaques. Alors qu’Edward retrouvait son humanité et tentait de s’extraire de la masse grouillante qui le repoussait invariablement vers la forêt, il entendit le glapissement paniqué du lapin. Entre deux ombres, il l’aperçut blottit contre les jambes de Rose, terrifié :

« G-Gentils les loups… Gentils… »

Edward voulut hurler, mais les ténèbres l’étouffèrent et l’emportèrent.
Il n’entendit que quelques mots chantonnés et tout devint noir autour de lui.

Loup noir, loup gris sont ravis
Pour deux loups sauvés, un de pris.


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeLun 15 Mai - 19:24

- «  Pas mon bouquet ! »

Dressée sur la pointe des pieds, les bras tendus au-dessus de sa tête, Rose tentait de tenir ses précieuses fleurs hors de portée des créatures. Grouillantes, rampantes, celles-ci s’amoncelaient à ses pieds après n’avoir fait qu’une bouchée du loup. Leurs griffes s’accrochaient au tissu de ses vêtements, et lentement, commençaient à la submerger. La jeune femme ne cessait de jeter des regards désespérés à la flaque noire dans laquelle avait disparu Edward, mais celui-ci ne se releva pas.
Le lapin, perché sur son épaule, se défendait comme il pouvait contre leurs agresseurs : ses petites pattes arrière écrasaient répétitivement toute main difforme qui s’approchait de lui.

- « Il faut bouger ! »
- « Mais ils vont abimer mes fleurs, » protesta la blonde alors qu’un nouvel assaillant s’agrippait à sa taille.

La boule de poils poussa un son rageur et excédé.

- « Ils vont nous bouffer tu comprends ça ?! »

Mais Rose n’en avait cure. Elle s’obstinait à vouloir sauver les fleurs offertes par le lycanthrope, au mépris de tout bon sens, et d’être engloutie à son tour. Jusqu’au moment fatidique où les monstres finirent par atteindre ses épaules. Le petit mammifère fit un bond pour s’échapper, préférant abandonner le navire tant qu’il était encore temps. Et l’obscurité des créatures se referma sur le visage de Rose, sur son corps, sur ses fleurs.

Tic
Tac…
Tic
Tac….
Tic.

Une main jaillit de la masse sombre. Elle resta là, un demi-instant, seule émergée dans cette mer de désespoir. La créature qu’elle avait traversée gonfla, ondula, et d’un coup, explosa, se dispersant comme les autres en dizaines de papillons bleutés. Brusquement les Idées Noires se mirent à refluer, comme repoussées, répulsées par la personne sur laquelle elles s’étaient agrégées.

Enfin, Rose apparut. Debout au milieu des Idées Noires qui s’enfuyaient, elle avait l’air en colère. Son joli minois reflétait tout son désarroi et son bouquet de fleurs avait triste mine après le passage des créatures. Elle l’agita tristement sous les yeux d’un lapin ébahit.

- « Il est tout écrasé… »

Le petit mammifère en resta coi, ne sachant que répondre. Alors, la contrebandière s’avança vers le tas informe qui renfermait le lycanthrope et y plongea les mains sans hésiter. Elle tira, arrachant une Idée Noire après l’autre, leur tordant le cou sans ménagement, rejetant leurs cadavres qui s’évaporaient sur le côté.

Elle finit par trouver ce qu’elle cherchait. Lorsque le visage d’Edward apparut, ses traits s’illuminèrent avec la violence de mille soleils. Les derniers survivants des Idées Noires préférèrent battre en retraite devant tant de candeur. Impossible pour eux de lutter contre cela.

- « Je t’ai retrouvé ! » exulta-t-elle,  « Je sais ce que je veux être ! Je veux être forte ! »  

À califourchon sur le ventre d’Edward, elle lui souriait de toutes ses dents. Ses doigts dégagèrent des mèches brunes de son visage avec douceur, elle se pencha vers lui, mais un hoquet la secoua. De sa bouche, un papillon azur s’envola. Ses lèvres s’arrondirent en un « o » de surprise, mais bien vite, un rire secoua ses épaules et elle bascula la tête en arrière, folle de bonheur.

Mais lorsque son regard se posa sur ses fleurs fanées, elle s’assombrit. Elle les fourra sous le nez d’Edward.

- « Les fleurs que tu m’as données, ils les ont abimés. Est-ce que tu peux m’en ramasser encore ? »

Alors, comme une enfant, pour appuyer ses propos, elle se lova contre le torse du lycanthrope, enfouissant son visage dans le creux de son cou.

- « S’il te plait… »
- « C’est pas bientôt fini oui ? »
- « Oh le lapin jaloux ! Tu as eu peur, pas vrai ? »
- «  Pas du tout ! J’étais prêt à aller chercher d’l’aide pour toi et Roméo ! »
- « Menteur ! Mais je t’aurais protégé aussi !   »

Riante, elle se redressa, et avant qu’il n’ait pu s’échapper, referma ses mains sur la fourrure de l’animal. Celui-ci eu beau se débattre, elle lui colla un baiser sonore sur le crâne et le serra contre son cœur. Lorsqu’il réussit à enfin descendre, il s’adressa à Edward d’un air outré.

- « Il faut qu’on répare sa tête, c’est plus possible ! »
- « Non ! Je veux danser encore ! » répondit Rose en se réfugiant auprès de son partenaire.

Le lapin l’ignora superbement. Il s’adressait au seul adulte avec un peu de bon sens dans cette clairière.

- « Je sais qu’t’as pas l’air de trouver ça embêtant mais ça l’est ! Cœur Guimauve ne survivra pas une minute dans le monde réel. Elle sait même plus qui elle est. On a besoin de Princesse Furie ! »
- «  Tout le monde a besoin de moi. C’est normal, je suis la plus forte. » acquiesça Rose en se baissant pour ramasser une jonquille, désintéressée.

Le gardien leva les yeux au ciel, et planta son regard dans celui d’Edward, prenant garde à bien articuler pour que cet idiot saisisse chacun de ses mots.

- « On va la perdre pigé ? J’ai réfléchi et je pense avoir trouvé comment lui rendre sa tête. On va r’monter jusqu’à la source du torrent. Tu dois l’aider. T’as pas l’choix. Elle va disparaître sinon, une coquille vide. C’est c’que tu veux ? »

Il évita sciemment de jeter un coup d’œil à la jeune femme blonde qui piquait bleuets et coquelicots dans la chevelure du roi des loups, en babillant que c’était assorti à ses jolis yeux.

Tic
Tac…
Tic.
Tac…
Tic.


- « T’entends ça ? Son temps est compté ! Littéralement.  Bouge-toi ! »

Sans plus attendre, le lapin leur fit signe de le suivre et s’enfonça par petits bonds dans la forêt. Aussitôt, la contrebandière saisit la main d’Edward, et l’entraina à sa suite. La dernière chose que l’inconnu sans odeur et sans ombre entendit fut le pépiement incessant que Rose adressait au grand lycanthrope.

- « Il faudra m’embrasser avant d’aller dormir ! Tous les soirs, tous les jours ! Moi je veux encore danser.  Est-ce que tu penses que tu pourrais tresser mes cheveux ? Tu pourrais y mettre des fleurs dedans !  »

Silencieux, l'être se lança à leurs trousses, guidé par ce besoin irrépressible de  les voir. Mais le temps leur était compté. À tous.

Tic,
Tac...
Tic
Tac...


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMar 16 Mai - 18:54

Pourquoi lutter contre les ténèbres dont tu es fait ?
Écoutes plutôt mon petit secret.
Elle l’a revu, l’autre aux yeux dorés.
Tic ou tac… Blanc ou noir… Dévore la ou tu partiras en fumée.


« Hého ! Y a quelqu’un là haut, ou t’es tellement grand que les infos remontent plus jusqu’au cerveau ?
Désolé… Je rêvassais.
Bah oui c’est vrai qu’on a tout le temps devant nous !
Tu m’agaces… C’est pas si terrible de tout oublier. J’ai commencé à vivre à vingt ans et je savais à peine parler.
J’t’ai dis qu’ça avaient rien à voir ! Elle va s’effacer ! Et quand bien même ce s’rait pas l’cas, alors quoi, ça t’irait qu’elle finisse comme toi ? À courir après son passé ? »

Touché. Edward se renfrogna.
Pour une raison qui lui échappait, il percevait difficilement le danger qui planait au-dessus de Rose. Elle sautillait à ses côtés, pleine de vie, allant et venant au milieux des fleurs, revenant lui demander s’il préférait la jaune ou la bleue, finissant par garder les deux. Un charmant petit papillon dont le rire et les mouvements gracieux dégageaient une liberté nouvelle et délicieuse pour cette belle femme qui, habituellement, s’épuisait à garder sa vie sous contrôle.
Était-il si terrible de la laisser ainsi ? Les paroles entendues alors que les idées noires l’étouffaient lui revinrent une seconde fois en tête et Edward commença à douter de son choix. En la privant de sa mémoire, il s’appropriait sournoisement son sort et son cœur, une chose que ne Rose ne lui pardonnerait pas. Il n’était pas sûr qu’elle lui pardonne non plus de lui avoir rappelé l’enfer qu’avait pu être son existence, mais tant pis.
Une grande inspiration et il la rejoignit sans rien montrer de son trouble. Il lui prit la main et la fit danser, parce qu’il adorait la voir tournoyer en riant entre ses bras. Elle lui donnait l’impression d’être important et de briller, de rayonner sur elle, lui qui n’avait toujours été qu’une ombre. Il n’avait plus ressentit ça depuis sa rencontre avec Andréa. Un sourire glissa sur ses lèvres. La rattrapant doucement entre ses bras, il la tint un instant tout contre lui et se pencha à son oreille. Son regard dépareillé se hissa jusqu’au lapin, qui arqua un sourcil qu’il n’avait pas, d’un air circonspect. Le loup blanc murmura quelque chose à la jolie demoiselle et à son expression, il lui semblait que l’idée lui avait plu. Il releva la tête.

Tic.
Tac…
Tic.


« Prêt lapinou ?
Meh… Prêt ? Pour quoi ?
Pour la course ! »

Un sourire goguenard s’étira sur les lèvres d’Edward qui, une seconde plus tard, redevint loup. Le lapin comprit en voyant la lanière de cuir autour de son cou. Il regretta presque de ne pas avoir de pouces pour doublement valider la tactique de ce gros bêta baveux et ravi d’être enfin écouté, il se positionna dans les starting-blocks.

« Tseuh ! Z’avez aucune chance de m’rattraper ! »

Sa queue pompon frétilla en l’air, ses pattes arrières se contractèrent et il démarra dans un nuage de poussière à une vitesse telle, qu’elle surprit Edward. Mais une fois Rose installée, le loup blanc ne se fit pas prier et s’élança à toute allure sur sa piste. Langue pendante, oreilles droites, l’énorme canidé se faufila avec une rapidité déconcertante dans les bois. Il slaloma entre les pins, sauta au-dessus des racines et des roches, cavalant comme un beau diable à la poursuite des petites fesses blanches et bondissantes de leur camarade. Les arbres et les fleurs défilèrent sous leurs pattes, illuminés d’un soleil de plus en plus présent. À mesure que le chemin devenait plus escarpé, la forêt perdit en densité et ils finirent par gagner les vastes étendues verdoyantes, signe évident de leur montée en altitude.

Tic.
Tac…
Tic.


Aucun d’eux ne ralentit. Dans ces plaines dégagées la course devenait un véritable plaisir. Non sans oublier de ménager sa cavalière, Edward accéléra, rattrapant leur compagnon à grandes oreilles. Ce dernier avait plus de ressources qu’il le laissait supposer et grisé par l’idée de mettre au tapis un lycanthrope, il piqua un sprint en direction d’un escarpement rocheux qui montait en pente douce.
Adieu verdure, bonjour ardoise et granit percés ça et là de plantes grasses ou de mousses. Toujours la course. Avec les hauteurs, l’oxygène se raréfiait, obligeant les deux concurrents à ménager leurs efforts tandis que leur route les conduisait à surplomber une splendide vallée. Les couleurs explosaient au fond de ces gorges, habillant les berges du fleuve qui les traversaient et sur l’eau duquel miroitaient les reflets d’un soleil radieux.
Bientôt la neige s’invita sous leur pied, mais sans le froid qui l’accompagnait. Edward se douta qu’ils étaient presque arrivés et en effet, au détour d’une coulée de roche, il faillit percuter le lapin qui s’était immobilisé.
Retrouvant forme humaine, il laissa doucement Rose glisser de son dos et voulut questionner la boule de poils, mais ce dernier leva la patte pour lui faire signe de se taire. Le loup blanc arqua un sourcil et tendit l’oreille. Stupeur.

Tic.
Tac…
Tac…
Tac…


« C’est… de la musique ? »

Ils arrivèrent de toute part, portés par le son soudainement très clair d’une mélodie bucolique. Devant, derrière, des hauteurs sur leur droite, de la falaise sur leur gauche. Tous blonds, les yeux bleus et vêtus de tenues blanches et vaporeuses. À leur poignets et sur leur tête, des couronnes de fleurs colorées ondoyait délicatement à chacun de leurs gestes. Ils étaient d’une grâce sans égale et paraissaient se mouvoir comme des courants d’air, tout en chantant et riant gaiement. À vous glacer le sang.
Tous approchèrent comme une vague d’écume, en arborant une douceur aimable et une bienveillance infinie. Edward recula. Il voulut attraper Rose pour la garder près de lui, mais sa main se referma dans le vide.
Enlevée la belle anglaise, que ces joyeux drilles emportaient en dansant. À ce moment seulement, le loup blanc s’aperçut qu’elle portait, comme eux, une robe immaculée aussi fluide et légère qu’un nuage perdu dans un ciel d’été. Ils la couvrirent de fleurs, tandis que la musique s’égayait encore et qu’on valsait et tournevirait toujours plus vers le sommet.

« Mais qu’est-ce que… Laissez… Mais laissez moi passer !
Who ! Dis oh ! Tu m’touches pas toi ! Fais gaffe !
— Désoley !
— Mais vous n’êtes pas invitey !
Rose !! Mais c’est pas vrai ! Où est-ce que vous l’emmenez ?!
— Aux festivitey !
— Ouiii ! On va tellement s’amusey !
— Ah les baptêmes, quelle joie de les célébrey !
Un bapt… »

Et Rose fut emportée par ces êtres virevoltant comme petits rats de l’opéra poussés par la bise. Edward n’avait rien pu faire. Il avait essayé de se frayer un chemin, d’en saisir un pour l’écarter, de frapper, charger, mais c’était comme avancer au milieu d’un nid de serpents. Insaisissables, ils coulaient entre ses doigts et sa force n’avait d’emprise sur eux. Tandis que la musique s’éloignait avec cette bande de forcenés du bonheur, le loup blanc prit conscience qu’il ne portait plus son costume, ni même un vêtement digne de ce nom. Il avait retrouvé les frusques aperçues dans son reflet. Une tunique décrépie, un pantalon trop court et rapiécé.
Une fureur sourde lui emplit le cœur. Ces sourires débiles, cet accent idiot ! Ces types lui avaient sérieusement tapés sur les nerfs. Ah on ne voulait pas d’eux ? C’était ce qu’on allait voir.

« Viens. On s’invitera nous même.
Okey !
…Ne refais plus cette vanne.
Trop tentant. »

Revenant sur ses pas, Edward ne put le voir. L’être était trop bien caché. Il aurait pu se montrer, mais il était encore trop timide pour cela. Et puis que faire maintenant qu’ils étaient séparés ? Le voilà qui hésitait. Pourtant il devait faire vite ! Dès que la nuit serait tombée, tout serait terminé ! Alors silencieusement, l’être sans ombre et sans odeur décida. C’est elle qu’il retrouverait.


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMer 17 Mai - 17:48

Entrainée par la multitude d’êtres blonds, Rose riait. Elle riait toujours lorsqu’on lui tressa les cheveux de mille et une fleurs et qu’on peignit sur son visage et sur son corps d’étranges symboles colorés. Elle riait encore quand ils la dévêtirent, lui laissant seulement ses sous-vêtements blancs et les bracelets dorés qu’on lui avait mis aux chevilles et aux bras.

Ces acharnés du bonheur avaient dressé un véritable banquet auprès de la piscine naturelle d’où s’écoulait la source. Perchée sur ce promontoire rocheux, toute la vallée s’étirait sous leurs regards dans une vertigineuse infinité de verdure. Partout, on avait installé des fleurs de toutes les couleurs, de toutes les formes, avec des senteurs à vous en faire tourner la tête. Chants et danses résonnaient de toutes parts, et les participants ne se privaient pas pour exprimer toute leur joie par des cris et des exclamations.

- « Le temps du baptême est arrivey ! »
- « C’est partey ! »
- « Mais avant c’est l’heure de dansey ! »

Au milieu de l’effervescence, Rose se figea. Danser. Oui, elle voulait danser. Mais pas avec eux. Ses grands yeux bleus scrutèrent l’assemblée à la recherche du lycanthrope.

- « Je veux danser avec… »

Elle ne connaissait pas son nom. Elle l’avait oublié, comme le reste. Ses traits se brouillèrent et elle cessa de sourire. Un de ces joyeux compagnons tenta de saisir ses doigts pour l’entrainer dans la ronde, mais elle recula vivement. Leurs visages pourtant si accueillants une seconde auparavant se fermèrent.

- « Oublie cet homme mal élevey ! »
- « Regarde, il t’a déjà abandonney ! »
- « Non, il ne ferait pas ça… »
- « Alors, où est-il cachey ? »

La musique avait cessé et des dizaines de paires d’yeux la fixaient dans l’attente de sa réponse. Elle chercha en vain dans le moindre recoin de sa mémoire vide. Mais rien. Même son propre nom elle ne le connaissait plus. Elle replia les mains contre son torse, soudain consciente de sa quasi nudité. Et un de ces êtres insaisissables fendit la foule dans sa direction. Plus grand, plus costaud que les autres, il arborait les mêmes symboles qu’elle. Il la saisit par le poignet brusquement et l’entraina vers la piste de danse.

- « Alley, oublie-le, viens avec nous t’amusey ! »
- « NON ! »

Dans son sillage, Rose freinait des quatre fers. Les yeux clos jusqu’à en avoir mal, elle tentait de se rappeler. Elle voyait ses larges épaules et ses grandes mains. Elle voyait son sourire quand il la faisait tourner entre ses bras. La manière douce qu’il avait de parler quand il s’adressait à elle. Elle sentait…

- « Edward ! Je me souviens ! »

L’être s’arrêta, la regardant comme si elle l’avait brulé. Elle était capable de se rappeler. Elle n’aurait pas dû. C’était impossible. Elle devait rester parmi les Oubliés. L’étau se resserra et il reprit sa marche :

- « Tu feras partie des nôtres, c’est decidey ! »
- « Non ! Je veux danser avec Edward ! » refusa-t-elle en tentant de se dégager.
- « Tu ne peux pas te rappeley ! »
- « Nous sommes les Oubliey. »
- « On choisit de vivre sans notre passey ! »
- « Tu dois nous rejoindre, ce n’est pas si compliquey. »
- « Tu seras plus heureuse que tu ne l’as jamais étey ! »
- « Pas si je dois l’oublier ! »

Autour d’elle, les joyeux drilles -qui n’étaient plus si joyeux que ça- l’encerclaient. Ils se rapprochaient inexorablement d’elle, empêchant toute retraite. Elle tenta de les repousser, mais une myriade de mains se saisirent d’elle pour la trainer vers la partie surplombante du promontoire. De la terre et de la roche jaillirent des chaines dorées qui s’attachèrent à ses bracelets, à ses poignets, à ses chevilles. Elle était prisonnière.

Derrière elle, les Oubliés commencèrent à psalmodier des paroles inintelligibles. Le ciel commença à s’assombrir au-dessus de leurs têtes et bientôt, au loin, l’orage se mit à gronder. Les glyphes sur le corps de Rose s’illuminèrent en réponse.

Alors que la contrebandière tirait désespérément sur ses entraves, son regard glissa en contrebas. Elle aperçut cette grande silhouette dont elle se rappelait si bien à présent, qui était tout ce dont qu’elle était capable de se souvenir. Elle hurla :

- « Edward ! Je me souviens de toi ! Je sais qui tu es ! »

Ce sentiment. Elle avait surtout en mémoire, dans tout son corps, ce sentiment dévorant, envahissant, lumineux et sauvage. Est-ce qu’elle l’avait déjà formulé ? Non, surement pas, c’était trop violent pour être prononcé. Cela se montrait. Rose voulait lui montrer. Mais ces chaînes l’en empêchaient.

Une rafale de vent plus violente que les autres défi sa chevelure, s’emmêla dans ses mèches blondes, emportant fleurs et apparence policée. De grosses larmes se mirent à rouler sur ses joues, incontrôlables.

- « Je ne veux pas t’oublier ! Je ne peux pas ! »

Depuis leur position, malgré l’urgence de la situation, le lapin ne put retenir un sifflement admiratif.

- « Ben dit donc Casanova. T’as pas choisi la moins bien gaulée hein ? Pis capable de tordre le cou à une perte de mémoire pour toi. Si j’étais humain, j’pense que j’hésiterais pas trop à m’sacrifier pour elle. Pfiouu… »

Depuis la pénombre, l’inconnu sans ombre et sans odeur s’agita. Il ne pouvait rien faire pour la fille. Il n’avait pas les muscles pour lutter contre les Oubliés. Mais le loup pouvait faire quelque chose. Un claquement de doigts et dans la pierre devant eux, se matérialisa une épée luminescente. Le lapin poussa un petit cri de surprise, mais enjoignit rapidement le lycanthrope à s’en saisir. Qui pouvait savoir quel genre de comité d’accueil leur réservait ces psychopathes ? Il soupira. Bientôt. Bientôt….

Depuis la vallée, une brume épaisse monta.
Et puis, dissimulée quelque part, le bruit d’une horloge retentit.

Dong.
Dong.
Dong…

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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeSam 20 Mai - 13:58

« Rose !
Eh ! Tu pourrais te donner la peine de répondre à mes remarques sarcastiques ! »

Mais là encore, Edward n’écouta pas. Tapis dans l’ombre, il avait suivi à flanc de falaise la tournure détestable des festivités. Son cœur fou pulsait un sang bouillant de rage à travers son corps crispé attendant, comme un loup en cage, l’opportunité parfaite.
Et puis Rose avait crié.
Elle avait hurlé, même, l’appelant par son nom. Elle se souvenait. Sans réfléchir, Edward s’était élancé. Il avait descendu en glissant sur une partie de la pente avant de saisir à pleine main la lame luisante plantée dans le rocher. Il était un épéiste médiocre, voire mauvais. Si le loup blanc excellait avec des armes blanches courtes, les longues n’avaient jamais fait que l’encombrer. Mais pas cette fois. Dans ce monde où la réalité n’existait pas, où tout n’était qu’une affabulation de leurs esprits, il lui suffisait de se convaincre qu’il était le preu chevalier qu’il attendait et il le devenait.
Une cri furieux s’échappa de ses lèvres lorsque, se jetant dans les dernier mètres de falaise, il gagna à toute allure la vague immaculée des vils serpents aux sourires crispés. Tous leurs yeux se tournèrent dans sa direction. La joie qui les courbait s’effaça, remplacée par le dégoût.

« C’est l’Oubliey qui veut se rappeley !
— Il ne doit pas l’approchey !
— Les traites ne sont pas invit- ! »

La tête vola, coupée nette. Pas de sang, mais un volute de fumée blanc qui se dissipa en même temps que la silhouette du trépassé. Agitation dans l’assemblée. Le groupe de joyeux fêtards s’agglutina sur le chemin menant à Rose en une masse informe et mouvante, monstre désarmé, mais  composé d’un nombre infini d’entités. La vague déferla sur Edward.
Hors de lui, le chevalier servant glissa à la frontière de la bestialité. Cheveux blancs, crocs proéminents, griffes acérées resserrés sur le pommeau luisant de son épée, il n’était pas un noble paladin défenseur de la veuve et de l’orphelin, il était un barbare, une brute bestiale au cuir épais sous lequel battait un cœur en or.
Couper, trancher, ciseler ! Coup d’estoc, coup de grâce ! Le puissant guerrier avançait, mètre par mètre, blessé par les Oubliés qui ne pouvaient avoir d’emprise sur celui qui leur avait tourné le dos. La fureur découpait méticuleusement l’épais nuage de bras, de jambes, de torses et de têtes qui se jetaient sur son chemin. Sa tunique déjà en miettes, partit en lambeaux et quand il n’eut plus rien sur le dos, ce fut par son pantalon mal recousu qu’on chercha à le retenir.
Mais ils ne le pouvaient. Jamais un nuage n’avait pu stopper une flèche d’acier.
Quand se présenta le plus massif de tous, le sauvage qui avait effrayé Rose, qui l’avait contrainte à cette prison d’acier, Edward ne recula pas. Il ne recula pas non plus lorsque les autres Oubliés se hissèrent sur lui, autour de lui, formant sur ses bras déjà massifs des nœuds de membres et de corps d’où dépassait, de temps à autre, des têtes déformées par une joie hystérique.
Le loup blanc leva son épée. Elle luit plus fort, illuminant son corps abîmé que seul un reliquat de pantalon couvrait. Transpirant, haletant, ses sourcils froncés abritaient la flamme d’une détermination que rien au monde n’aurait pu éteindre.
Le colosse informe qui lui faisait face poussa un cri auquel mille répondirent et leva ses bras rendus informes par l’amoncèlement des Oubliés. Lorsqu’il les abattit, tout le promontoire trembla. Des pierres de toutes tailles roulèrent depuis les hauteurs et le sol vibra fortement, mais il n’avait heurté que le vide. D’un pas souple, Edward s’était jeté contre son corps trop grand et trop lent et avec une netteté chirurgicale, il le découpa à la taille. Un seul coup suffit. Doucement, le buste démesuré de l’Oublié bascula en avant et ses jambes en arrière. Il y eut un son sourd, puis une explosion de fumée blanche.
Le chemin libre, Edward s’élança jusqu’à Rose. Il avait retrouvé son apparence habituelle lorsqu’il tailla chacune des chaines qui la retenait et l’étreignit dans ses bras, leurs deux corps moitiés nus blottit l’un contre l’autre, lui suant et blessé, elle, le visage encore rougit des larmes versées pour celui dont elle s’était rappelé. Le cœur du loup blanc battait et sa respiration haletante l’empêcha de parler, mais ses gestes le firent pour lui. Sa main libre glissa dans le dos de la jeune femme, la serra, remonta jusqu’à sa nuque, puis se mêla à sa chevelure blonde pour attirer son visage contre lui afin de déposer un baiser parmi ses mèches dorées. Quand enfin, assez de calme lui fut rendu, il lui murmura doucement :

« Merci de m’avoir réservé la première danse. »

Il se pencha, enfouissant son visage dans le creux de son épaule. Heureux de l’avoir retrouvée. Il voulut lui demander de quoi elle se rappeler, si autre chose lui était revenu en mémoire, mais soudain, on chanta tout autour d’eaux.
Sans lâcher ni Rose, si son épée, Edward releva la tête. Il s’aperçut que les Oubliés restant s’étaient regroupés en arc de cercle autour d’eux. Le groupe demeurait à bonne distance, mais tous se tenaient les mains et levaient la tête vers le ciel orageux. Un même son guttural quitta leurs lèvres grandes ouvertes. Bouger. Maintenant.
La foudre déchira le ciel.

« L-Les copains ! Hurla brusquement le lapin depuis les hauteurs de son abri. Derrière vous ! »

Volt face. Sous leurs pieds, l’eau de la source bouillonnait. Le temps d’esquisser un pas en arrière, et il en jaillit trois tentacules d’un noir de jais. L’eau ruissela de chacun de ces bras menaçant au travers desquels pulsa une onde lumineuse. Chaque membre s’illumina d’un éclat glacé et la même aura se dégagea des glyphes tracés sur le corps de Rose. Le temps se suspendit, mais rien ne se passa.
En voyant sa main gauche, également éclairée, Edward comprit qu’il avait effacé une partie des écritures en enserrant la jeune femme. Un peu d’espoir revint dans cette ambiance apocalyptique où le ciel grondant répondait aux chants continus qui lui étaient adressés, mais il fut aussitôt balayé.
Sortant brusquement des flots, un autre tentacule s’enroula autour de la jambe de Rose. Edward le trancha aussi sec, mais c’était sans compter la fragilité de leur promontoire.
Un crac. Le sol se fissura sous leurs pieds et l’avancée de terre se disloqua. Aucune chance d’en réchapper. Un pluie de gravats les entoura tandis qu’ils basculaient et tout ce à quoi le loup blanc pensa, fut de serrer Rose contre lui.

La chute.

Prêt à lutter contre ce qu’abritaient ces eaux noires, Edward jeta un dernier regard vers le ciel. C’est là qu’il la vit. L’ombre penchée sur ce qui restait du promontoire. Affirmant son étreinte sur Rose, il lui adressa un vœux silencieux.

« Sauvez la… »

Et l’épée s’illumina.




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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeDim 21 Mai - 13:03

Leurs deux corps entrelacés heurtèrent l’eau noire et glacée.
Dans ces abysses, ils allaient disparaître, avalés par l’obscurité.

Elle n’aurait pas dû avoir peur, elle le savait. Car cela faisait des années que Rose se préparait à mourir. Ç’avait commencé alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. L’idée que tout finissait un jour avait été réconfortante, fût un temps. Certes, les gentils disparaissaient, mais eh ! Les méchants aussi. Encore certains soirs, seule dans son lit, Rose imaginait tous les scénarios possibles qui pourraient entraîner sa mort. C’était un moyen de se rassurer ; peut-être aussi de la conjurer, en un sens. De croire que tout était sous contrôle. Pourtant, la possibilité de finir noyée entre les bras d’une créature tentaculaire n’avait jamais figuré sur sa longue liste.

Ce n’aurait pas été grave si elle n’avait pas eu, à présent, si peu envie de mourir. Et la principale raison de ce changement la tenait entre ses bras. Par-dessus tout, elle voulait qu’il vive. Alors, lorsqu’un tentacule puissant s’enroula autour de sa cheville, l’entrainant vers le fond, tandis qu’un autre projetait le lycanthrope vers la surface, ce fût presque un soulagement.

Couler.
Les tympans qui sifflent.
La cage thoracique qui s’écroule.
Les poumons qui cherchent désespérément de l’air.
Couler.

Le corps de Rose cogna le sol vaseux de la cavité, soulevant un nuage grisâtre et gluant. Elle n’eut pas le temps de réaliser ce qui lui arrivait que déjà, le tentacule la trainait vers la bouche béante de la créature. En face d’elle, un œil unique, immense et rouge la fixait. Autour du monstre, les centaines, les milliers d’ossements de ses victimes, entassées, jaunis par le temps.

Voilà ce qu’il restait des Oubliés.

Un instant de panique. Est-ce qu’Edward avait réussi à sortir de l’eau ? Est-ce qu’il était en sécurité ? Elle devait lui gagner du temps. Ses doigts s’enfoncèrent en vain dans la vase et le sable, tentant de se raccrocher à la moindre fissure pour ralentir l’issue du combat, mais ce fût peine perdue. Le monstre dévoila ses dents pointues et acérées et ses bras attirèrent plus encore leur prisonnière vers sa fin.

Un instinct de survie poussait cependant Rose à toujours lutter. Elle ne savait pas arrêter de se battre. Elle n’avait jamais su. Vite, chercher autour d’elle de quoi se défendre. Vite, vite, vite ! Puis, elle la vit. L’épée d’Edward. Luisant faiblement sous les sédiments des profondeurs.
Sa main se referma sur le pommeau et un frisson électrique irradia son être. Tout ce qu’elle pensa fut qu’elle ne pouvait pas mourir aujourd’hui. Pas de cette mort qu’elle n’avait pas prévue. Alors qu’elle était si proche du but. Sa rêverie de tout à l’heure lui revint en tête. La maisonnette et les fleurs. Les enfants et la limonade. La glycine et aussi à ses côtés, peut-être… Peut-être…

Elle ne saurait jamais si elle ne sortait pas de là.

Volte-face sur le limon. Son corps semblait ne plus avoir besoin d’oxygène. Ses pupilles dilatées dévoraient l’iris de son œil, les rendant totalement noirs. Sous sa peau courrait des étincelles, le long de ses veines, illuminant ses membres. Le monstre comprit, mais il était trop tard. Rose donna une poussée puissante contre la roche de l’abysse, se propulsant vers l’avant. Instinctivement, son corps savait quoi faire, comment bouger, quel muscle tendre, et lequel replier. L’épée s’enfonça dans le globe oculaire avec la facilité qu’aurait eu un couteau dans du beurre.

Le cri que le monstre poussa lui vrilla les tympans et manqua de lui faire perdre connaissance. C’était un son indescriptible, le hurlement de milliers d’âmes qui reposaient ici depuis des siècles, attendant que l’on se rappelle d’elles. Mais Rose tint bon, et, abandonnant son arme aux bas-fonds, elle remonta vers la lumière. En dessous d’elle, le monstre agonisait, se contorsionnant, se dissolvant dans les eaux en une masse gluante.

Anabase. Elle voulait se rappeler.

Ses souvenirs refluèrent en masse, inondant son esprit, noyant son cerveau d’informations anarchiques et désordonnées.

Lorsqu’enfin elle perça la surface, Rose se sentait étouffer. L’air entrait péniblement dans ses poumons, sa tête la lançait, et son corps lui donnait de multiples signaux contradictoires. Elle mourrait sans mourir. Péniblement, elle se hissa sur la berge, rampant hors des eaux, cherchant le loup blanc, seul point fixe de son esprit embrumé. Elle balbutia :

- « J’ai retrouvé ma tête… Le monstre… Je… »

Respirer. Fermer les yeux. Rose se força à se calmer, à laisser son cœur s’apaiser le temps de reprendre son souffle pour formuler une phrase cohérente. Paupière closes, elle reprit lentement ses esprits.

Lorsqu’elle revint à elle, ce ne fut pas le visage d’Edward qu’elle vit penché au-dessus d’elle, mais celui d’un enfant. Le petit être aux cheveux en bataille la scrutait d’un air sérieux et austère. Il ne devait pas avoir plus de sept ou huit ans, mais son regard dégageait quelque chose de profondément ancien.

- « Salutations, je suis l’Hermite, » se présenta-t-il d’un ton sévère, se redressant légèrement. « Voudriez-vous revêtir quelque chose de plus présentable, Gardienne ? »

Rose se releva d’un bond. Au-dessus de leur tête, le ciel s’était éclaircit, et on voyait à nouveau l’étendue verte des prairies et des forêts s’étendre en contre bas. Les Oubliés avaient disparus elle ne savait trop où, mais peut lui importait à cet instant. Ignorant le nouveau venu, elle s’était approchée d’Edward, courant presque. Elle s’attacha à scruter le corps du lycanthrope, tentant d’y détecter de potentielles blessures, sans prêter attention au regard désapprobateur du petit être ascète quand ses mains parcouraient chaque centimètre de sa peau.

- «  Non, je suis à l’aise dans ce que je porte, merci. »
- «  C’est que… Le blanc est transparent une fois mouillé, Gardienne. »

La phrase se répéta en écho dans son esprit jusqu’à ce qu’elle fasse sens. Oups. Cherchant à conserver un semblant de dignité, la contrebandière demeura bien raide sur ses deux pieds, le port de tête bien haut, mais ne put empêcher le rouge de lui colorer les joues.

- « Bien. Un pantalon et une chemise dans ce cas. »

Un claquement de doigts, et des vêtements secs se matérialisèrent sur le sable de la berge.

- « Et pour c’lui ci, faudrait peut-être aussi faire quelque chose. » suggéra le lapin, en désignant Edward d’une patte duveteuse.

Le garçonnet toisa la boule de poils mais s’exécuta sans rechigner. Rose maudit le mammifère intérieurement sur vingt-sept générations, mais n’en laissa rien paraître, préférant garder son énergie pour le nouvel arrivant. Elle enfila à la hâte ce nouvel habillement, se détachant seulement du loup de quelques centimètres nécessaires.

- «  Et donc… Vous êtes là pour… ? »
- « Pour vous aider Gardienne. De Sa part. Le Guide officiel ayant quelques difficultés visiblement… »
- « Eh ! Oh ! J’suis là hein. J’aimerai bien t’y voir en plus avec c’deux-là ! Vas-y, essaye, y sont tout à toi champion ! »
- « Je dois vous escorter jusqu’à la prochaine porte. »

Le lapin poussa un petit cri outré et, entraina l’Hermite à l’écart. Il devait tirer les choses au clair avec ce nouveau guide sorti de nulle part, vexé qu’on veuille lui faire de l’ombre.

Rose profita de cette interruption pour procéder à un petit état des lieux intérieur. Après cette remise à niveau de sa mémoire, elle se sentait plus légère, comme si elle avait retrouvé une partie d’elle-même longtemps oubliée, mise en sommeil par des préoccupations plus grandes. Paradoxalement, cette perte de mémoire lui avait rendue un peu de candeur et d’innocence. Elle se tourna vers son partenaire, un sourire immense illuminant ses traits, heureuse qu’ils soient tous deux encore en vie.

- « Tu me dois toujours une danse. Et un bouquet de fleurs. Au minimum.  »

Elle était sincère dans ses demandes. Ses pieds nus se décollèrent du sol, se haussant sur leur pointe jusqu’à ce que son souffle caresse son oreille, tandis que ses doigts s’entrelaçaient aux siens. De longues mèches brunes lui chatouillèrent le visage et la jeune femme laissa échapper un rire, murmurant tendrement.

- « Et je te dois… au moins un baiser de remerciement. »

Sourire polisson, appuyé par une caresse contre sa joue. Un pas en arrière sans pour autant lâcher sa main. Elle voulait contempler au mieux la réaction du roi des loups. Le souvenir de ce baiser déposé dans ses cheveux avait suffi à ce qu’elle en veuille plus. Beaucoup plus.

Quelque chose tira sur le bas de son pantalon. La contrebandière n’avait pas entendu la boule de poils revenir. Il tenait dans sa petite patte le fond du tissu, et son nez froncé indiquait qu’il en avait assez d’eux, et du reste du monde tant qu’à y être. Après cette aventure, c’était décidé, il prenait sa retraite.

- « Bon, vous vous bougez au lieu d’flirter, » râla le lapin qui avait fini par capituler face à l’Hermite. « On a encore du chemin à faire ! »

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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeLun 22 Mai - 18:59

Le au moins lui chatouilla agréablement les oreilles. Edward sentit ses joues rougirent et un rire tendre secoua ses épaules. Il resserra ses doigts autour de ceux de Rose. La crainte de la perdre l’avait amené à reconsidérer les remparts qu’il avait tendance à dresser autour de lui. Puisqu’il n’y avait rien d’officiel, il pouvait bien être là pour elle, tant qu’elle le serait pour lui. Après tout, tout ce qu’il désirait, c’était qu’elle continue à danser.

« Gardienne, si vous voulez bien me suivre. »

Le gamin lui fit un signe poli, puis s’engagea d’un pas tranquille vers les sommets. À peine leur eut-il tourné le dos que le lapin parodia sa gestuelle en grimaçant. Sans lâcher la contrebandière, Edward se mit également en route et en profita pour agacer la boule de poils.

« Jaloux ?
Moi ? De ce… Remplaçant en toc ! Tseuh ! Jamais de la vie. Ça se voit qu’il est pas du métier. Et des Gardienne par-ci, Gardienne pas là. S’il vous connaissait comme moi, ça ferait longtemps qu’il aurait laissé tomber la politesse !
Et puis il n’a pas ton charisme.
Mais exaaaactement ! Tu vois. Je t’ai peut-être mal jugé finalement. »

Le loup blanc leva les yeux au ciel.
L’Ermite les entraina sur un chemin où une épaisse couche de neige avait pris ses quartiers. Ne s’enfonçant pas d’un seul centimètre, le garçon n’eut aucun mal à progresser, mais le pauvre lapin fut vite contraint d’enchainer les bonds hasardeux sans aucune visibilité.
Pris de pitié, Edward finit par le cueillir au vol. Il le déposa dans les bras de Rose et la souleva à son tour sous prétexte de simplifier leur trajet. Ce n’était qu’en partie vrai. Le froid avait beau être absent de ce paysage immaculé, il n’en appréciait pas moins sa chaleur tout contre lui.
L’enfant les devançant de près de dix mètres, la situation se prêtait également à obtenir quelques renseignements.

« Alors ? Il vient de la part à qui le guide remplaçant ?
De l’artefact. Princesse furie guimauve a l’air très demandée. J’crois qu’tu vas avoir de la concurrence beau gosse. »

Edward haussa un sourcil. Il n’était pas tout à fait convaincu du danger, mais ses doigts se resserrèrent tout de même sur la peau de Rose. Son haussement d’épaule ne fut que très faussement désintéressé.

« À quoi on doit se préparer ? On sera accueilli en ami ou en ennemi ?
Bah c’est pas tout à fait décidé. Autant la Gardienne est super convoitée, autant toi, c’est pas dit qu’on t’laisse passer.
…Parce que je ne l’ai pas dévorée ?
Hein ? Qu’est ce que tu baragouine encore ?
Rien… J’ai cru…
C’est là. »

L’Ermite tapa du pied et le son sourd du bois martelé s’éleva sous la neige. Edward déposa Rose et s’en éloigna à regret. En creusant à l’endroit indiqué, il trouva rapidement une poignée. Elle était finement sculptée, mais aussi blanche que la porte à laquelle elle était fixée, à croire que tout avait été fait pour dissimuler au mieux cet accès aux allures de passage secret. D’après le lapin râleur, c’était même à la limite de la triche. Sans attendre son geste magnanime de guide rétrogradé, Edward tira sur les battants. Tous deux basculèrent sans un grincement et laissèrent place au début d’un escalier de verre.
L’enfant claqua des doigts. Une lampe tempête apparut à ses pieds et si tôt qu’il s’en empara, elle s’illumina d’une belle lumière bleue. Il s’engagea le premier le long des marches. Rejoignant Rose et la peluche toute hérissée d’agacement, Edward murmura :

« Il vient avec nous ?
Ouais… Apparemment on a besoin d’lui pour traverser le raccourcis. »

Bon. Le loup blanc jeta un coup d’oeil à Rose, puis s’engagea à ses côtés le long du chemin. À peine la porte dépassée, qu’elle se volatilisa et tous trois prirent conscience de l’immensité de l’endroit où ils se trouvaient.
Une nuit étoilée sans fin les enveloppait. Pas de lune pour s’aiguiller, ni aucune constellation connue d’Edward. Cette voie lactée n’avait rien de commun avec ce qu’il connaissait et pour cause, elle était parcourue en tout sens de multiples escaliers translucides. Tantôt montants, descendants, tournants et virants, ils emplissaient tout l’espace aussi loin que le regard puisse porter. Tous donnaient sur de multiples îles flottantes, toutes constellées de pans de roches. Archipel ou atoll isolés, la majorité se tenait à l’endroit, mais il en existaient de plus rares placées tête en bas. L’une des plus impressionnantes se situait très loin sur leur droite. On s’y rendait par un pont travaillé qui donnait directement sur l’immense tour de Big Ben.
Edward reconnut à sa gauche les portes du cabaret et loin au-dessous d’eux, le petit boudoir où Gigi l’avait accueilli, bien avant l’ouverture de son établissement. Bouche entrouverte, il observa attentivement les lieux, mais fut bien incapable de tout reconnaitre. Sans doute ses souvenirs et ceux de Rose s’y mêlaient dans un désordre des plus complets.

« Excusez-moi Gardienne, pouvons nous avancer ? »

Le lapin bondit des bras de Rose cavala jusqu’à l’enfant s’arrêta à ses pieds. Museau relevé, il le toisa du haut de ses cinquante centimètres et croisa ses petites pattes. Son nez remua avec emportement. Ils échangèrent quelques mots qui parurent faire réfléchir l’Ermite, puis ce dernier secoua la tête.

« Les explications seraient superflues, il vous suffit de me suivre. La lanterne va nous guider, Gardienne. »

La marche reprit. Les deux guides l’ouvraient, le plus petit semblant argumenter sans qu’il ne lui soit vraiment fait de réponse. Difficile de savoir s’ils descendaient ou monter, mais la progression ne faisait aucun doute car la réplique de Londres approchait.
Edward était fasciné. Au delà de l’extraordinaire spectacle qui s’offrait à eux, chaque recoin inconnu éveillait en lui une interrogation curieuse. Souvent, il demanda à Rose si c’était un endroit qu’elle connaissait et se surprit à espérer tomber sur un de ces décors dont son esprit cherchait à le priver.
Ce fut à cet instant qu’il l’aperçut. La silhouette disparut aussitôt derrière un épais séquoia. L’île était positionnée à une centaine de mètres d’eux, légèrement en surplomb. On devait trouver de l’eau, car une fine cascade ruisselait sur un côté. Plusieurs marches manquaient pour la rejoindre.

« E-Est-ce que tu as vu… »

Il s’était figé et sa main avait effleuré celle de Rose, espérant retenir son attention. Il plissa les yeux, remonta deux ou trois marches, mais l’endroit semblait à nouveau désert. Laisser tomber était la meilleure chose à faire. Après tout, ils n’étaient pas là pour ça. En plus l’île était minuscule et ce qu’il avait aperçu n’était probablement qu’une ombre parmi les feuilles. Cela n’avait aucun sens de les ralentir pour l’explorer et pourtant…
Edward serra les dents. Il jeta un regard transpirant d’excuses à Rose et murmura.

« Je fais vite. »

L’élan fut prit. Il s’élança le plus vite possible le long des marches, revêtit sa forme lapine à la dernière et ultime seconde et profitant de sa force animale exceptionnelle, il sauta. Le vide fut allègrement dépassé. Il atterrit de l’autre côté du gouffre, courut plus vite encore et retrouva son humanité juste avant de disparaitre derrière le tronc de l’arbre.
Le silence se fit sur les marches au devant de Rose. L’enfant cligna des yeux, visiblement surpris, puis il se ravisa. Cette perte n’était pas si grave. Son travail était de guider la Gardienne, Elle n’avait rien précisé concernant le canidé.

« Gardienne ? Pouvons nous avancer ? Il y a encore du chemin à faire.
Tu sais Ermite, ricana le lapin. Ce que j’aime chez toi, c’est ton optimisme. »

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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMar 23 Mai - 18:10

Il devait plaisanter. C’était juste une blague de mauvais goût non ?
Edward ne venait pas de la planter là, comme ça, au milieu d’un escalier suspendu au néant, en plein milieu d’une quête mystique n’est-ce pas ?
Non, non, non, elle se faisait sûrement des idées. Ce n’était pas son genre.
Pas vrai ?

- «  Gardienne ? »
- « Je reviens. »
- « J’te l’avais pas dit l’bleu ? J’commence à les connaître. »
- « Mais Gardienne, Elle nous attend. »

Les surplombants déjà d’une dizaine de marches, Rose toisa l’Ermite de toute sa hauteur, le regard si glacial que l’enfant en frissonna. Entre ses mains, le feu de la lanterne vacilla.

- « Elle attendra quelques minutes de plus. »

Le ton appelait tellement peu à la contestation que le garçon hocha simplement la tête, ravalant tous ses arguments soigneusement préparés. Il espérait que sa mandataire et patronne serait plus compréhensive que cette furie blonde qui semblait prête à le jeter par-dessus bord à la moindre réponse déplaisante.

- « Boule de poils, tu viens avec moi. »

Sans ménagement, elle l’attrapa par la peau du cou, le souleva, et le glissa dans sa chemise entrouverte. Le petit mammifère adressa un clin d’œil goguenard à son rival. Voilà autre chose dont il pourrait se vanter auprès d’Edward. Il avait été plus proche de la poitrine de la Princesse qu’il ne l’avait jamais été. Et toc.

- « Et toi, » gronda Rose en direction de l’Ermite, « construit moi quelques marches pour que je monte. »
- « Impossible. »
- «  Pardon ?! »

L’enfant eu un mouvement de recul involontaire face au rugissement d’irritation. Il jugea bon de s’expliquer rapidement pour dissiper tout malentendu.

- « Ce n’est pas que je ne veux pas vous être agréable Gardienne, croyez le bien. Mais les marches ne sont complètes que si le souvenir l’est. »
- « Ahhhh ! T’es loin d’être si malin qu’ça mon gars hein ?! »

Un soupir d’agacement, et Rose se dirigea vers le bord de l’abîme. Elle devait vraiment tout faire elle-même. Un instant d’hésitation, puis elle lâcha sobrement :

- « Ça a intérêt à fonctionner… »
- « Qu’est-ce que tu … Aaaaahhhhhhhh ! Ah. Non. Autant pour moi. »

Le lapin lui adressa un sourire contrit. Rose avait enjambé le rebord du gouffre, ses pieds nus flottant au-dessus de l’abysse. Chacun de ses pas dessinaient autour d’eux des ondes bleutées dans le néant. C’était comme marcher sur l’eau. Elle avait l’air aussi légère qu’une plume. Sans se presser, elle avança de quelques enjambées prudentes jusqu’à se retrouver sur la terre ferme.

- « C’est mon esprit non ? J’y fais ce que je veux,» souligna-t-elle pour toute explication.

Resté sur les escaliers, leur guide stagiaire l’appela, à renfort de grands mouvements de bras :

- «  Gardienne ! Soyez prudente, ce ne sont pas vos souvenirs, il se peut que… »
- « T’inquiète, je le suis toujours. »
- « Ou pas. »

Et, le laissant là, lapin et contrebandière s’enfoncèrent à la suite du loup blanc dans les bois. L’Ermite, resté de l’autre côté, attendait leur retour, la lueur de sa lanterne toujours fragile entre ses doigts. Il leur adressa un signe du bout des doigts, leur signifiant de se presser.

Sous ses pieds nus, Rose sentait la fraîcheur de l’herbe verte et humide, la mousse piquée d’épines de pins. L’île entière était humide, couverte d’arbres poussant en rangs serrés et désordonnés, de hautes herbes qui rendaient difficile toute progression et tout repérage dans l’espace. Les branches étaient si épaisses qu’elles l’empêchaient presque de voir le ciel. C’était définitivement un souvenir d’Edward. Jamais elle n’avait été dans un tel endroit. Comme elle était toujours curieuse lorsque cela concernait le lycanthrope, elle tentait de mémoriser le moindre petit détail du décor qui les entourait, progressant avec la mine sérieuse des gens concentrés.

Les deux compagnons cheminèrent en silence, l’air de la jeune femme s’assombrissant progressivement, fronçant les sourcils sans même s’en rendre compte. Ils avançaient un peu au hasard, mais comme l’endroit ne semblait pas si grand, elle avait bon espoir de finir par tomber sur celui qu’ils cherchaient.  Enfin, après avoir tourné la question dans sa tête sans y avoir trouvé de réponse satisfaisante, elle demanda, sans jeter un regard au lapin  :

- « Qu’est-ce que tu penses qu’il a vu pour partir si vite ? »
- « J’sais pas. Une femme surement. Y a qu’ça pour faire cavaler les gars non ? »
- « Tu crois ?! »
- « Mais non, fais pas c’te tête, j’en sais rien moi ! Eh ! Eh ! Eh ! Stop ! Pas cet air de chien battu ! »

Rose laissa échapper un soupir, et ses mains se tordirent nerveusement. Elle hésita à répondre, cherchant ses mots, trébuchant comme rarement sur les termes qu’elle voulait employer.

- «  C’est que… I really like him. Et j’ai peur que… que ça ne soit pas réciproque. »
- « Tseuh. lady, est ce que t’as vu comment il est tout l'temps accroché à tes basques ? »
- « Parce que je l’entraîne dans mes histoires. Et si il y avait…. quelqu’un d’autre… ? De mieux que moi. »
- « Princesse. Tu es LA Gardienne. Ça percute ou pas là-haut ? »
- «  Il est Roi ! »
- « Roi d’un gang de canidés. Tu m’en diras tant. Pas vraiment glorieux à côté de l’Élue.»

Nouveau soupir. Ses doigts se crispèrent sur les mèches de sa frange, la malmenant, absorbée par ses pensées. En attendant, il ne lui avait pas proposé de venir ici. Il avait préféré courir après ses souvenirs tout seul. La colère s’était effacée, laissant progressivement place à la déception. Ne s’était-elle pas montrée assez compréhensive ? Avait-elle dit ou fait quelque chose qu’il ne fallait pas ?

- « Et puis, franchement, t’es super bien gaulée. Il serait bien bête d’laisser passer ça. »
- « Merci, Boule de poils. Je me sens rassurée d’être un morceau de viande appétissant. »
- « Eh ! C’était un compliment. Mais… Attends, attends… Il a parlé de … te dévorer ? »
- « Super. »

Rose ramassa le petit lapin d’un air dépité. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû être si abattue par ces pensées. Ce n’était pas comme si elle était totalement blanche non plus. Mais une partie d’elle, toujours la même n’arrêtait pas de lui susurrer qu’elle n’était jamais assez bien. Pas assez distinguée. Pas assez pure. Pas assez polie. Pas assez sauvage. Pas assez louve. Trop hors-la loi. Trop impie. Trop humaine. Trop imparfaite.

- « J’aimerai bien te ramener avec moi, Boule de poils. »
- « Eh. J’te ferai payer les sessions de psychanalyse hein. J’suis un lapin très demandé tu sais.  »


Un petit rire s’échappa enfin d’entre ses lèvres. Le guide croisa ses petites papattes sur son torse duveteux, un peu rasséréné. Il préférait princesse furie à princesse déprimée.  

Crac.

Volte-face. Le lapin se hâta de se dissimuler derrière la contrebandière, qui invectiva vivement l’inconnu qui s’était permis de les suivre.

- « Qui est-là ? Montrez-vous, je ne suis pas d’humeur. »

Un nouveau craquement, et de par derrière, quelqu’un la saisit par la taille. La chose avait été si silencieuse qu’elle ne s’était pas doutée de sa présence. Instinct de survie : Rose hurla de toutes ses forces.
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMer 24 Mai - 22:54

« R-Rose ! Ar… Mais c’est moi ! A… »

Edward évita de peu un coup qui aurait pu lui casser le nez et toisa d’un regard méfiant les poings  de la contrebandière lorsqu’elle se calma entre ses bras. Il s’était déplacé avec la discrétion naturelle d’une bête, loin de songer à la peur qu’il allait lui causer en la rejoignant ainsi, quand l’appeler aurait suffi. Une excuse fut murmurée, tout en ayant pour elle un geste rassurant qui appelait à être pardonné. Il de doutait qu’elle ne lui en tiendrait pas trop rigueur, contrairement à leur mascotte à grandes oreilles :

« Mais t’es complètement taré ?! T’espérer nous faire avoir une attaque ou quoi ?!
Je ne pouvais pas savoir que vous alliez me suivre, protesta le loup blanc avant de se tourner vers Rose. Pourquoi tu es venue ? Je t’ai dis que je faisais vite. »

Son ton n’était ni tout à fait calme, ni réellement fâché, mais l’interrogation arracha un air définitivement désabusé au petit guide. Il plaqua sa patte contre son front et rendit les armes :

Désolé Princesse, finalement je crois qu’son cas est désespéré. »

Oh…
Rose s’était inquiétée.
Évidemment.
Edward se mordit la langue pour ne pas pester contre sa bêtise. Il n’avait pas manqué de sincérité lorsqu’il lui avait affirmé qu’il ne tarderait pas à revenir, mais son départ précipité avait sans nul doute laissé supposer le contraire. Il soupira. Ses épaules s’affaissèrent et il étreignit un instant la belle anglaise tout contre lui avant de délicatement la relâcher. Malgré ses efforts, il demeurait un loup pour qui la communication verbale venait souvent à manquer.

« J’aurais dû t’expliquer.
Whooo ! Et t’as trouvé ça tout seul ?
Je ne comptais vraiment pas m’attarder, assura Edward après un regard noir pour la peluche. C’est juste… Je me disais que si c’était un endroit familier j’aurais pu en parler à ma famille une fois rentré et peut-être… »

Il haussa les épaules. La probabilité qu’il en tire quelque chose n’était pas élevée, mais il voulait essayer, d’autant plus qu’il avait vu juste. Un sourire illumina ses traits et non sans fierté, Edward expliqua :

« J’ai reconnu tu sais. Un peu plus loin il y a une marre qui n’était pas très loin de là où vivait mon clan. C’est un peu différent, il n’y a pas les reste de cabanes dont je me rappelle, mais les grenouilles sont toujours là.
Ouais, bah la danse d’la joie attendra. Autant j’adore l’idée d’faire poireauter Môsieur guide parfait, autant j’sais pas pourquio, mais j’crois qu’il a pas tort quand il dit qu’on devrait pas trainer.
De toute façon je n’ai croisé perso-
— Eduard ! »

Le loup loup blanc se figea. Se redressant d’un bloc, il tourna la tête en direction des bois. Pas une seconde ne s’écoula avant qu’une petite silhouette ne s’en dégage et s’élance à vive allure devant eux. Le garçon devait avoir huit, neuf ans tout au plus, il avait des feuilles plein les cheveux, deux dents de lait lui manquaient, mais ce qui frappait c’était surtout ses deux grands yeux dépareillés.
Il courrait pieds nus dans les hautes herbes. Sa blouse entretenue, mais régulièrement rapiécée était aussi trempée que son pantalon et à la grenouille qu’il tenait entre ses mains, on devinait aisément sa récente activité ; une petite baignade dans l’étang. Son rire explosait sur la petite île. Fripon, mais d’une éclatante sincérité.

« E-Eduard ! Att… Attends moi ! »

Le louveteau pila net. Il se retourna et le Roi suivit très lentement son geste. Tout son corps tremblait. Il aurait été incapable de dire par quel miracle il se tenait encore sur ses pieds. Le regard planté dans l’ombre des bois, il suivit avec appréhension l’arrivée d’un homme dont il ignorait tout.
La course l’avait essoufflé, il dut reprendre sa respiration, les mains appuyées sur ses genoux à l’orée de la petite clairière. Le petit loup le regardait sans un mot, patient, mais il était clair qu’il était incapable de comprendre pourquoi on l’avait arrêté. L’amphibien coassa. L’adulte se redressa et finit par s’avancer d’un pas trahissait son manque d’exercice.
Edward hoqueta. Il plaqua une main fébrile contre ses lèvres, pris de court face à ces traits si familiers ; les lunettes exceptées, il était le portrait craché de Vladimir, son petit frère. Impossible. Le loup blanc s’obligea à mieux regarder et nota que l’inconnu avait les yeux plus en amandes que son cadet et surtout des cheveux aussi noirs que les siens. Hein ?
Ce n’était pas son père, de ça il en était certain. Marlock n’était qu’une brute bourrue tout en muscle alors qu’il se dégageait une aura beaucoup plus douce de celui-là.
Il s’accroupit devant l’enfant.

« Tu ne peux pas l’emmener, elle serait triste à la maison. »

Le garçon mit quelques secondes à comprendre la situation. Il attira la grenouille contre lui et leva le nez avec un air de défi. Le jeune homme qui lui faisait face hésita un peu. Il n’était clairement pas des plus à l’aise, mais finit par insister tout de même.

« On la rapporte à la marre et on reviendra la voir. »

Cette fois l’enfant trépigna, puis hurla. De grosses larmes de colère coulèrent sur ses joues. Un caprice ? Pas tout à fait.
Edward savait. Il savait qu’au fond de lui, le louveteau voulait exprimer son désaccord, sa crainte de perdre sa nouvelle amie. Toute son âme voulait mettre des mots sur ses envies, ses désirs, mais il en était incapable et cette frustration intolérable percutait de plein fouet ses sentiments qui explosaient en surface.
Son agitation se répercuta sur l’amphibien qui soudainement, se tortilla entre ses doigts. Rien n’aurait été plus simple pour lui de la broyer pour la retenir, mais sa crainte de la blesser fut plus forte et desserrant son étreinte, elle s’échappa. Elle l’abandonna. La rage se dissolu, ne laissant plus qu’un incommensurable chagrin.

Et il pleura.
Et Edward pleura.

Ses larmes ruisselaient sur ses joues, entre ses doigts. Il pleurait sans pouvoir s’arrêter, comme un écho à son propre passé.
Le jeune homme prit l’enfant dans ses bras. Une minute s’écoula. Calmé, le petit loup renifla et lui prit la main. Au loin, une voix appela alors :

« Mihai ! Tu es là ?! »

Mais la scène se volatilisa.

Sortir de l’apnée. Inspirer.
Edward se tourna vers Rose. Il ouvrit grand la bouche, prêt à s’exprimer, mais aucun son n’en sorti. Trop de sensations, trop de sentiments, pas assez de mots. Mihai. C’était Mihai. Un nom un visage. Et l’idée sans cesse rabâchée que tout son clan l’avait toujours abhorré qui venait d’exploser en éclats. Il ne réalisait pas.
Aux pieds de Rose, le lapin questionna :

« Eh psst… Fallait piger quoi au juste ? Qu’il aime les grenouilles ? »

Bip.

La boule de poil dressa les oreilles et se tourna. Plissant les yeux, il farfouilla dans les environs, mais sa petite taille ne lui donnait pas la meilleure visibilité qui soit. Bah… Il avait peut-être rêvé. D’ailleurs le grand cabot n’avait pas bougé, trop occupé à essuyer du revers de sa manche son visage trempé.
Pourtant il avait la sensation de passer à côté d’un truc, oh juste une bricole, mais ça le tarauder de ne pas s’en rappeler.

Bipbip !

Ah ! Là ! Il était sûr de l’avoir entendu !
Même le loup avait tiqué. Il s’était tourné sur la droite en fronçant les sourcils.
Raaah ! Il l’avait sur le bout de la langue !

Biiiiiiiiiiiiiiiiip !

Un vif éclat lumineux précéda rayon brûlant de chaleur. Il s’immisça entre Rose et Edward, les effleurant tous les deux de peu et traversa de part en part trois tronc derrière eux. Au son d’un faible grincement mécanique un automate fumant de vapeur s’extirpa des bois. Pas plus d’un petit mètre de haut, il avait la forme d’un très haut-de-forme, monté sur quatre petites pattes. Le canon à son sommet pivota légèrement. Une lumière rouge apparut sur le front de Rose.

Bip.

« Ah j’ai ! C’est le système de sécurité !
Le quoi ? Interrogea Edward en tirant la jeune femme hors de la mire.
J’crois qu’c’est un machin qui sert à ce que les souvenirs soient pas altérés par une intrusion externe. Un truc comme ça. Mais ça vous en bouche un coin hein ? C’est pas l’autre gosse et sa lampe de chevet qu’auraient trouvé ça !
T’es vraiment le pire guide qui soit ! Grogna Edward en le soulevant.
Queoua ? Dire j’étais à ça d’vous préciser qu’c’ui-là c’est un éclaireur.
C’est pas vrai… On bouge ! »

Bipbip !



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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeJeu 25 Mai - 19:16

Il ne voulait pas de toi là-bas.

Cavaler sans s’arrêter. Sans regarder derrière soi. Éviter les branches basses. Traverser les arbustes serrés. Trébucher sur une racine protubérante. Écorcher ses genoux. Se relever. Repartir de plus belle. Éviter de trop penser à ce qu’elle venait de voir.

Sinon il t’aurait proposé de venir avec lui.

Entendre toujours dans son dos la foulée régulière du lycanthrope. Enjamber le rebord de l’île. Y trouver des marches complètes cette fois. Faire signe au lapin et au loup de se presser. Dévaler les marches à toute vitesse. Prendre le temps, enfin, de se retourner. Hors de danger.

Il n’avait pas l’air content de te voir.

Regarder l’île depuis la sécurité de l’escalier. Mihai. Il avait retrouvé Mihai. Se laisser tomber à terre, dans un sentiment d’épuisement anormal. Reprendre enfin sa respiration. Reposer sa tête entre ses genoux. Inspirer.

Il te laissera derrière.

Expirer douloureusement. En un éclair, l’Ermite était à ses côtés. Il posa sa main sur ses genoux abimés par la chute, un crépitement d’étincelles s’échappa de ses doigts, et sang et égratignures disparurent. Il avait l’air à la fois préoccupé et agacé, mélange de sentiments qui se succédaient sur son visage juvénile. Finalement, ce fut la sollicitude qui l’emporta.

- « Gardienne, est-ce que tout va bien ? »

Il t’utilise, tu le vois bien.

Rose releva doucement la tête. Elle acquiesça à l’encontre de l’enfant,  le gratifiant d’un sourire qu’elle voulait rassurant, mais qui dissimulait mal son malaise grandissant. Elle tenta d’ignorer la voix qui ne cessait de lui déverser son poison dans les oreilles, mais la manœuvre fut vaine.

Il t’abandonnera.

Sans même y penser, elle coula un regard à Edward. Sa subite crise de larmes l’avait déstabilisée plus qu’elle ne se l’avouait. Elle aurait voulu le prendre entre ses bras, lui demander si il allait bien, lui dire qu’elle ne le laisserai pas, mais la voix avait provoqué une nausée qui s’en prenait à tout son corps. Elle préféra rester assise. L’Ermite attendait patiemment qu’elle daigne leur accorder son attention. Quand elle prit enfin la parole, sa voix était ferme, bien qu’y perçait une pointe d’angoisse, perceptible pour qui la connaissait intimement  :

- « Je pense que tu devrais explorer d’autres îles tant que nous sommes là. C’est une opportunité qui ne se présentera peut-être plus. »
- « Mais Gardienne… »
- « Je sais, je sais. Je viendrais avec toi si tu laisses à Edward et à la Boule de poils un peu plus de temps ici. »

Elle les voyait bien, toutes ces îles dont les marches manquaient. Rose avait la malchance d’avoir un souvenir limpide des vingt premières années de sa vie. Mais ce n’était pas le cas d’Edward, et il avait l’air de désespérément vouloir s’en rappeler. Ils ne pouvaient pas laisser passer cette chance. Elle tendit la main vers le loup, pressant brièvement ses doigts contre les siens pour appuyer ses propos avant de le relâcher.

Le Guide sembla hésiter, mais fini par approuver d’ un haussement d’épaules. Après tout, on lui avait demandé de ramener la Gardienne. Il n’avait que faire du canidé et du petit mammifère qui les accompagnait. Il tourna les talons, prêt à reprendre leur route, mais la peluche l’arrêta dans son élan.

Il ne t’aimera jamais.

- « C’est bien joli tout ça, mais comment on vous r’trouve ? J’connais paaaas super bien l’coin moi. »

Rose passa une main sur sa nuque. Il lui devenait de plus en plus difficile d’ignorer la voix. Celle-ci se faisait de plus en plus forte dans son esprit, de plus en plus pressante. Envahissante. Vindicative.

Tenter de l’ignorer encore, jusqu’à ce qu’ils soient séparés. Elle voulut parler, mais aucun son ne franchit ses lèvres.

Il te ment.

Des voix s’élevèrent autour d’elle mais elle fut incapable de les comprendre. Les paroles s’envolaient, incomprises, comme issues d’une langue inconnue.  Son regard se voila.  Cette voix. Ce n’était pas elle, ce n’était pas vrai, ce n’était pas ce qu’elle pensait. Pourquoi est-ce que son esprit la torturait comme ça ? Difficilement, elle se redressa, tituba en descendant quelques marches d’un pas mal assuré.

- « Gardienne ? »

Il te cache des choses.

- « Gardienne ! »

Il te détruira.

L’Ermite comprit.

- « N’écoutez pas la voix ! »
- «  Ermite, qu’est-ce qu’il se passe ? »
- « C-ce raccourci, c’est aussi une prison pour… »
- « Une prison ?! »

Demande-lui pour celle aux yeux anisés.

- « C’est pour ça que j’insistais pour qu’on se presse ! »
- « Ah ben tu m’étonnes champion ! Qu’est-ce que... Ahhh ! »

Autour des voyageurs, plus de nuit étoilée ni de constellations inconnues. Des yeux, multiples, rouges et veinés les observaient là ou quelques instants plus tôt ne se trouvait que la voie lactée. Le lapin émit un petit glapissement de terreur.
Tombée à genoux, Rose luttait contre ce murmure continu, incessant, qui la tourmentait au point qu’elle ne s’était même pas rendu compte que des larmes avaient commencé à rouler le long de ses joues.

- « Gardienne, vous devez trouver un point d’ancrage. Concentrez-vous. »

Mais Rose était incapable de se concentrer sur quoi que ce soit.
Elle savait que ce n’était qu’un tissus de mensonges. Mais son corps refusait de l’entendre.

Regarde comme tu souffres à présent. À cause de lui.

Pourtant cette fois, la voix n’était plus dans sa tête. Elle résonnait dans tout l’espace faisant trembler les îles, frémir l’espace tout autour d’eux. Elle était froide et gutturale, rocailleuse, chaque mot claquait comme un coup de fouet.

Celui-là ne te donnera jamais ce qu’il faut. Il t’asphyxiera.


Le bruit d’une porte que l’on fait tourner sur ses gonds, lentement s’éleva de l’abîme. L’Ermite compris. Il se rua sur le lycanthrope.

- « Qu’est-ce que vous lui avez fait ? Qu’est-ce que vous avez dit à la Gardienne ? »

Moi, je peux t’offrir un royaume.

L’enfant savait. Il aurait dû se douter que cette tempête n’était pas ordinaire.
Un rire s’éleva des ténèbres.

- « Il l’a abandonné. Laissé derrière sans se retourner. Les humains… Ces créatures sont si fragiles, Loup Blanc, tu l’as brisée, comme tu finis toujours par le faire, » l’inconnu se tut, et l’Ermite crispa sa main sur sa lanterne. « Tu veux lui parler de celle que tu as juré d’aimer à jamais ? »

L’Ermite se retourna vers le lapin. Quoi que cet être soit en train de faire à la fille, il fallait que cela cesse. Entre ses mains était apparu un grand bâton. Il jeta la lanterne à Edward et s’adressa à son homologue d’un air grave.

- « Emmenez la Gardienne jusqu’à Elle s’il vous plait. »

Et il sauta au fond des abysses.
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Dernière édition par Rose Walkson le Sam 27 Mai - 21:40, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeSam 27 Mai - 13:54

« Une blonde… ? »

Accroupit près de Rose, Edward leva lentement la tête. Il s’apprêtait à soulever la contrebandière lorsque ces deux mots avaient éclatés à ses oreilles d’un ton moqueur qu’il connaissait par cœur. Elle se tenait là, debout face à eux, dans sa tenue de chasse. De haute bottes en cuir serrées sur un pantalon pratique de cavalière, une blouse blanche marquée à sa taille par un court corset et ce long manteau brun qui dissimulait une petite carrure, bien trop athlétique pour une femme de cette époque.
Un sourire sur ses lèvres nues, elle releva la tête. Sa tresse coula de son épaule droite et elle les scruta tous deux de son regard anisé, les toisant de cet air hautain qui transpirait la noblesse de son sang.
Edward frissonna. Un frisson de rage, d’envie, un frisson où se mêlaient regrets, reproches, désirs, un frisson indescriptible qui ne lui arracha qu’un nom.

« Elvira…
Content de me revoir, mon loup ? »

Elle s’avança. Sa démarche était assurée et sauvage. Il se dégageait d’elle quelque chose de farouche et d’animal, une arrogance pétrie de liberté qui, des années plus tôt, avait volé le cœur d’Edward. Se penchant vers Rose, elle l’observa attentivement et le mépris retroussa ses lèvres.

« Si faible…
Arrête !
Mais quoi ? Délaissée cinq minutes et elle la voilà qui chouine. Muh… Muh… Il ne m’aime pas ! Muh… Muh… Il ne veut pas de moi !
Elvi la ferme !
Oooh, mais tu t’énerves ! Alors quoi, tu va la laisser te mettre en laisse ? »

Edward serra les dents et se détoura d’elle. Avec son frère, Elvira faisait partie des rares personnes capables de lui faire perdre tous ses moyens. Elle savait ou appuyer pour le blesser, où caresser pour l’enivrer, lui rendre tantôt toute son animalité, ou en faire le plus docile des agneaux. L’écouter c’était courir à sa perte et pire encore, à celle de Rose.
Il prit l’anglaise sur son dos et le lapin son épaule. La boule de poils fut chargée de tenir la lanterne et Edward s’engagea d’un pas rapide le long des marches.
La tempête s’était encore accentuée. Le ciel n’était plus qu’un marasme noir et rouge, percé d’yeux jaunes qui se délectaient de leur cavalcade. Ils clignaient aléatoirement, se mouvant dans ce miasme glauque d’où s’élevait parfois un rire hystérique. Le cœur battant, Edward avançait aussi vite qu’il le pouvait, suivant les indications de leur guide qui, pour une fois, leur avait épargné son cynisme. Autour d’eux, la voix omniprésente continuait de cracher tout son fiel et des bourrasques ciselantes qui leur jetait à la face d’infimes brides des îles environnantes.

« Bonjour Elvira !
— …C’est Mademoiselle Jonas. Et vous êtes ? »

« Ce que tu étais mignon à l’époque. D’une candeur d’adolescent !
Va t’en.
Aucune manière et ce costume trop petit… J’en aurais ri aussi si je n’avais pas su qui tu étais vraiment ; Vyresh le sanglant.
C’est du passé…
Pour cette partie, c’est vrai. Mais elle te fait toujours mal, non ? La cicatrice de la balle que j’ai tirée, juste après notre premier baiser. »

Edward rata la marche. Il se rattrapa de justesse, mais une douleur intense venait de lui transpercer l’épaule droite. Un liquide chaud et écarlate coula sur sa peau et colla sa chemise. Un cri de douleur lui remonta dans la gorge, mais se heurta à ses lèvres closes.

« Who ! C’est vraiment ton ex cette timbrée ?! Elle vient de t’tirer d’ssus mec !
J’avais remarqué… Cracha Edward d’une voix hachée par son accent. 
Et t’hésite entre cette folle furieuse et blondinette ?! Il te manque une case ou quoi ?
C’est… compliqué… »

Une grande inspiration. Un geste et il bascula Rose sur la gauche, soulageant son bras meurtri. Elvira s’avança, un sourire collé aux lèvres et toujours ce petit air de peste. Elle souffla sur le canon de son Gesser et le rangea à sa ceinture avec un petit clin d’œil coquin.

« Fiche moi la paix lycan !
— J’aimerai bien mais on est attaché, au cas où tu l’aurais oublié !
— La faute à qui ?
— Pardon de t’avoir sauvé la vie !
— Aaaah ! Quel enfer ! Ça me débecte d’avoir une dette envers un monstre comme toi ! »

Edward continua d’avancer. L’éclat de la lanterne avait augmenté, lui donnant l’espoir infime qu’ils arriveraient bientôt à destination. Elvira ne les avait pas quitté. Elle marchait d’un bon pas, doublant ses enjambées pour combler la foulée immense du loup blanc. Mains dans le dos, elle jetait de temps à autre un regard curieux au corps bringuebalant de Rose et finit par siffler :

« Je t’ai haï, puis je t’ai aimé. Est-ce que c’est ça qui t’a fait re-sombrer ? Retomber amoureux après que j’ai essayé de te tuer, ce n’est pas très malin.
Je n’avais rien à te cacher.
C’est vrai. Mais elle, comment elle a pu tomber amoureuse de toi alors ?
Je ne sais pas…
Ah oui ? Tu es sûr de ça ? »

« Quand ça concerne Aldrick…
— I would burn this city down to ashes if it would benefit him in any way. »

Deux gloussements. Celui d’Elvira se mêla aux notes démentes s’extirpant des abîmes. Edward savait que ce souvenir ne lui appartenait pas, mais l’image nette de Rose s’abandonnant dans les bras du Doppleganger lui glaça le sang.

« C’est vrai que tu fais un beau trophée.
N’importe quoi…
Moi aussi, si je devais rendre jaloux mon ex j’adorerai t’utiliser.
Elle n’est pas comme ça.
Faible mais sournoise. Hmmm… Finalement je commence à l’apprécier. »

Le loup blanc se secoua et accéléra autant qu’il le put. Son épaule lui faisait un mal de chien. La sang lui dégoulinait le long des doigts, colorant la cuisse de Rose qu’il maintenait sans force contre lui.
L’orage les enveloppait toujours et cherchait à les retarder. Le vent violent et increvable les attaquait en pleine face. Son souffle glacé était de plus en plus vicié, il empestait un tel désespoir qu’Edward sentait qu’il l’asphyxiait.

C’était sa faute.

« Elle n’avait qu’à être plus forte. »

Détruire était sa destiné.

« Ce n’est pas une grosse perte. »

Il n’aurait jamais dû s’attacher à elle.

« Qu’est-ce que tu espérais ? »

La voir sourire. La faire danser.

Tchac !

La lampe s’arracha de la patte du lapin et fendit les airs jusqu’à un petit pilier de pierre. La pureté de son éclat dissipa la brume noirâtre et mouvante les environnait et illumina l’arche d’une porte somptueuse située tout près. Elle surmontait un îlot d’où partait une multitude d’escaliers, tous brisés. Le seul qui restait semblait avoir été réparé à la va-vite. Les marches étaient mal agencées, certaines à demi-brisées, l’ensemble paraissait particulièrement branlant, mais Edward s’y engagea sans hésiter, brusquement galvanisé.

« Je te dois encore une danse Rose ! Si tu crois que tu vas y échapper ! »

La purée de pois qui lui collait aux pieds, au bras, mais tout ce fog infâme s’effilocha à mesure qu’il approchait de la porte. Marche après marche, serrant les dents face à une douleur qui lui vrillait l’esprit, Edward arracha les derniers derniers mètres en haletant, laissant dans son sillage un fin chemin de sang. Il tangua jusqu’au battant et enfin, s’affaissa sur la poignée.

Verrouillée.

« Non… Non ! Allé ouvre toi maudite porte !
Faut qu’ce soit la gardienne qui l’ouvre !
Elle est pas en état !
C’est la seule possibilité ! »

Edward enragea. Il fit glisser Rose de son dos, la posa à terre près de la lampe et s’accroupit à ses côtés. La secouant doucement, il l’appela à plusieurs reprise, désespéré de n’obtenir aucune réaction. L’éclat de la lanterne vacilla.
Appuyée contre le pilier, Elvira soupira.

« Elle ne se réveillera pas avant que tu lui aies répondu tu sais.
Répondu à quoi ?
Est-ce que tu l’aimes ? »

Edward blêmit. Ses yeux vairons se fixent dans ceux d’Elvira. La jeune femme haussa les sourcils et inclina la tête. Il ne sut si elle se moquait ou si elle l’encourageait, mais sa présence était, de toute façon, loin d’aider. Quel enfer. Son visage enfouit dans sa main gauche, il chercha à faire le tri dans son esprit tourmenté se refusant de mentir à Rose. Dans une caresse vipérine, deux bras s’enroulèrent doucement autour de son cou.

« Ou… Est-ce que tu m’aimes, moi ? »

Un murmure sensuel tout contre oreille. Un tressaillement le secoua, mais aucun plaisir ne l’habitait. Edward se dégagea. Il la repoussa et se redressa, aboyant avec aigreur :

« Je ne sais pas ! »

« Dis Elvi… Et si… tu devenais ma compagne ?
— …Arrête. Sois sérieux un peu…

Pan !

Edward tomba à genoux, une main sur sa poitrine. En cherchant à se rattraper, il fit tomber la lanterne qui roula au sol. Elle faillit chuter de l’îlot, mais le lapin la retint in extremis. Débarrassée de ce bouclier, la brume se remit à ramper. Elle remonta doucement le long des jambes de Rose et d’Edward. Le loup blanc hoqueta et un flot carmin s’échappa de ses lèvres. Écartant doucement ses doigts de son buste, il aperçut, au creux de sa paume, les morceaux de son cœur brisé.
Doucement, il leva la tête. Elvira souffla sur son révolver, un sourire aux lèvres.

« Allé fini de joué. Je veux savoir de quel bois tu es faite fille de la Perfide Albion.
R… Rose… »

Les doigts de la contrebandière glissèrent de ceux d’Edward. Impuissant, enfiévré de douleur, il regarda Elvira remettre sur pieds. Il se pétrifia en la voyant à nouveau tirer son arme de sa poche, mais contre toute attente, elle la mit entre les mains de Rose. Dégageant sa hanche gauche, Elvira dévoila la présence d’un second révolver dont elle se saisit. Alors que toutes deux étaient lentement grignotées par les ténèbres, elle leva la main et posa le canon sur le front de l’anglaise. Toujours cet air hautain et ce sourire de peste.

« Je t’offre l’opportunité de te débarrasser de moi. Tue moi et il sera tout à toi. Étend ton empire sur son cœur amoureux, règne sur son être. Sans lui tu n’es rien ? Sans lui tu te perds ? Eh bien soit Rose Walkson. Efface moi, détruis moi et prend le ! »

Elle fit cliqueter le chien de son Gesser.

« Ou c’est moi qui t’enverrai en enfer. »



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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeDim 28 Mai - 20:18

Rose eu le réflexe de se décaler juste avant que le coup ne parte. Le bruit de la détonation lui vrilla le tympan et le sifflement haut perché d’un acouphène s’invita désagréablement à la fête. Ce fût largement suffisant pour que l’instinct de la contrebandière reprenne le dessus, réveillant son esprit embrumé, tendant tout son corps dans cet élan de survie qui lui était si familier.

- « Je ne suis pas pressée d’y retourner. »

L’enfer, elle y avait fait son apprentissage. Elle en avait assez soupé.

Son pied s’enfonça dans le plexus d’Elvira, et sans attendre les représailles, elle s’élança dans le brouillard. La densité de ce smog obscur lui permis de disparaître à la vue de son adversaire en moins de quelques secondes. Dans sa tête, la voix s’était tue, et la contrebandière était cette fois, bien éveillée. Elvira voulait jouer ? Qu’à cela ne tienne, elles joueraient.

Revenue quelques centaines de mètres en arrière, Rose avisa une des colonnes à moitié détruites qui encadraient l’allée. Sans hésiter, ses mains agrippèrent la première prise qu’elles trouvèrent, ses doigts se glissèrent dans le moindre interstice, et elle se hissa jusqu’à son sommet, aussi agile qu’un chat. Il fallait dire qu’elle les avait bien observés dans son jeune âge, depuis les toits. Ces petits félins étaient d’excellents chasseurs, et de très bons professeurs pour qui savait en tirer leçon. Perchée sur son promontoire, Rose attendrait sa proie.

Elle connaissait les femmes comme Elvira, elle en avait côtoyé. Des nobles, ayant toujours vécus dans la facilité qui se prenaient pour des prédateurs. Qui pensaient qu’obtenir ce qu’elles voulaient était leur droit de naissance. Qu’échouer, c’était pour les autres, parce qu’elles valaient mieux que ça. Personne ne leur avait appris la honte cuisante de l’échec. Personne ne leur avait montré que comme les autres, ils devaient mériter leur existence. Ils confondaient faire preuve d’humanité et faire preuve de faiblesse. Se montrer fort et se montrer cruel.

Qu’Elvira la sous-estime. Qu’elle la trouve faible.
Sentimentale.
Fragile.
Maladroite.
Rose l’utiliserait à son avantage. Et cela la perdrait.

Enfin, elle entendit des pas claquer sur le pavé. Le son était discret, mais perceptible. En bonne chasseuse, Elvira savait qu’il ne fallait pas que le gibier connaisse sa position. Son arme était prête à l’emploi, tenue avec une précision irréprochable, chaque mouvement calculé. Nul doute qu’Elvira était redoutable. Certainement une des meilleures dans ce qu’elle faisait. Mais Rose, elle, était létale.

Un instant, elle contempla sa victime depuis les hauteurs. Immobile, très calme, elle prit sa décision. Le Gesser aurait une utilité finalement. Elle le laissa tomber du haut de son abri, et le claquement qu’il fit en heurtant le sol attira la chasseuse dans sa direction. Elvira était prudente, mais elle ne pensa pas à lever les yeux. Rose lui tomba dessus comme la foudre sur la flèche d’une église.
Son corps heurta celui de sa rivale et le choc les fit rouler à terre. Elvira tenta d’utiliser son arme, mais Rose fut plus rapide, elle lui écrasa la main sans ménagement sous son talon, tirant une satisfaction mauvaise de son cri de douleur. Un coup de pied, et l’arme fut mise hors de portée.

Un instant suspendu. Agir vite. Cette horrible tresse allait avoir son utilité. L’agrippant à deux mains, Rose l’enroula autour du cou d’Elvira. Un peu courte pour servir de lacet étrangleur, mais faute de mieux, cela ferait l’affaire. Se rejetant en arrière, la contrebandière pressa de tout son poids dans la direction opposée, tentant de maintenir au mieux la chasseuse entre ses jambes pour l’empêcher de s’échapper. Lorsqu’elle sentit la résistance faiblir, sans relâcher son étreinte, elle lui souffla :

- « Je ne suis pas faite de bois. Je suis taillée dans l’acier. »

Et lentement, elle attendit que sa proie glisse dans l’inconscience. Si Elvira avait répondu, elle n’y avait pas prêté attention. Lorsqu’elle fut certaine que la chasseuse était bel et bien hors d’état de nuire, elle se mit au travail. Ayant appris de ses erreurs passées, elle commença par fouiller son adversaire, la délestant de toute arme, même le petit canif dissimulé à l’intérieur de ses hautes bottes. Le tout fut jeté par-dessus bord et s’abîma dans les ténèbres.

Ensuite, elle découpa son corset, retira les liens qui le maintenaient fermé, et s’en servit pour lier chevilles et poignets. Aucune chance que la chasseuse s’en défasse, c’était Ange qui lui avait appris et la seule façon de s’en débarrasser était de les couper. Enfin, elle ôta les bas d’Elvira, et les lui fourra dans la bouche. Elle l’avait assez entendue déverser son sarcasme pour toute une vie.

Un instant d’hésitation, alors qu’elle scrutait ce corps inconscient. Finalement, Rose laissa échapper un soupir résigné.

Elle ne la tuerait pas, même si l’envie ne lui manquait pas. Elvira représentait tout ce qu’elle détestait, et la perspective de la rayer de la surface de la terre était tentante. Mais s’en débarrasser, ce serait priver Edward d’un choix. Elle ne savait pas ce qu’était cette chasseuse : souvenir, projection, matérialisation, doppelgänger, peut-importait finalement.
La contrebandière ne croyait pas aux mots qu’elle avait prononcé. On ne régnait pas sur un cœur. On ne possédait pas quelqu’un. L’amour n’était pas un combat à gagner, pas une conquête à remporter. Personne ne mettait personne en laisse. Chacun devait faire un choix. Ce n’était pas à elle de décider pour le lycanthrope, il n’était pas un prix. Elle valait mieux que ça, et lui aussi.

Ce n’était pas dit qu’elle ne le regretterait pas. Mais c’était la décision la plus juste.

Rose jeta un dernier regard méprisant au corps inanimé et retourna d’où elle était venue. La brume semblait s’être levée, au moins momentanément. Rapidement, elle eut une vision claire du lycanthrope et de leur petit guide, restés près de la porte. Deux enjambées lestes et elle fût à leurs côtés.

Sans attendre, Rose s’agenouilla face à Edward, son regard se posant doucement sur son visage.

- « Elle est inconsciente. Elle se réveillera avec un mal de crâne dans le pire des cas. »

Et peut être un peu plus d'humilité. On pouvait toujours rêver. Une profonde inspiration. Ses doigts s’entremêlèrent doucement aux siens pour dégager les morceaux de son cœur brisé. Elle savait quoi faire sans avoir à y penser.

- « Je ne sais pas ce qui vous lie, » commença-t-elle en ramassant les éclats de cœur, « mais ce n’est pas une raison pour te traiter comme elle le fait. »

Elle n’était pas une experte des relations sentimentales, mais parler comme ça à la personne que l’on est supposé aimer ne lui semblait pas très sain. Parfois, oui, on pouvait faire du mal à l’autre, sans le vouloir. Mais dans le cas d’Elvira, elle avait l’impression qu’il y avait quelque chose de punitif, l’exercice d’une forme de domination sur l’autre pour purger elle ne savait trop quoi. Quelque chose d’étouffant et de pernicieux.
Dans la main de la contrebandière, les bris s’illuminèrent faiblement. Rose les fixait intensément, en continuant à s’adresser au lycanthrope d’un ton inflexible.

- « Ton cœur est bon, quoi que tu puisses croire. Moi, je te regarde, et je le vois. »

Les fragments se mirent à léviter quelques millimètres au-dessus de sa paume. La contrebandière les contemplait se réagréger timidement entre eux, irradiant toujours la même lumière.

- « Je sais que la situation est confuse et désordonnée. Mais… Mais, moi, je t’aime. Malgré tout. »

Rose savait que c’était égoïste de jeter ça maintenant, au milieu du chaos. Pas de « je crois », « je pense », « peut-être. » Juste la vérité. Il y avait encore Aldrick avec qui rien n’était résolu. Il y avait visiblement Elvira aussi. Mais elle ne voulait plus se mentir à elle-même. Elle en avait assez de se cacher. Tant pis si ça ne plaisait à personne, Rose voulait avant tout être honnête avec elle-même. Fais les choses jusqu’au bout, ou ne les fait pas. Elle irait au bout.

- « Prends en soin cette fois. »

Entre ses doigts le cœur était à présent comme neuf. Elle le lui déposa entre les mains, et le reste des blessures disparurent à leur tour dans un éclat d’étincelles bleutées. Un sourire hésitant étira ses traits, creusant une petite fossette dans sa joue droite.

- « N’oublie pas, c’est une danse ET un bouquet. »

Elle déposa un baiser chaste sur le front d’Edward avant de se redresser. Elle s’épousseta vaguement pour se donner contenance. La légèreté avait retrouvée sa place dans son cœur . Le petit lapin sautilla jusqu’à elle. Rose le souleva entre ses bras et le gratta entre les oreilles. Il ne protesta pas, à sa grande surprise, et se fendit même d’un commentaire élogieux :

- « T’étais super classe blondinette. J’suis presque impressionné. »
- « Merci. Je fais de mon mieux. »
- «  J’avais misé sur toi tu sais !  »

Un rire lui échappa. Enfin, elle posa sa main sur la porte, et celle-ci s’illumina. Le bleu se répandit depuis la paume de sa main, colorant chaque ligne, chaque interstice. Elle jeta un coup d’œil à Edward, tendit la main dans sa direction. Lui laisser le choix.

- « Voyons ce qui se cache de l’autre côté. »
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMer 31 Mai - 7:59

« Prends en soin cette fois. »

Les doigts d’Edward se refermèrent sur son cœur intact. Un vif éclat et il se volatilisa, refermant toutes ses plaies et lui rendant toutes ses forces. Les paroles de Rose, elles, restèrent et résonnèrent en lui sans qu’il soit certain d’être capable de les appliquer.
Il fixait Elvira, inconsciente, toxique. Sous son corps étendue, la plateforme se fissura et se brisa. Elle disparut dans l’abîme. Le loup blanc se releva, présent sans être là, le regard fixé sur ce précipice qui l’avait accompagné tout au long de sa vie. Un autre bout de l’îlot se disloqua. Peut-être était-il le seul à le voir, peut-être même l’imaginait-il, car les autres ne semblaient pas réagir à sa présence. Mais Edward le connaissait bien. Il n’avait cessé de lutter contre son attirance, sans jamais parvenir à l’ignorer totalement.
Le plus drôle c’était que plus le bonheur lui souriait, plus ce gouffre devenait magnétique et attractif. Il révélait un besoin absurde de tout gâcher, de tout détruire, lui le premier. La raison exacte lui échappait. Sans doute qu’à force de s’entendre dire que tout aurait été mieux s’il n’avait pas existé, une part de lui s’en était convaincue et rejetait toute perspective de joie, cette dernière lui apparaissant totalement déplacée.
Il avait essayé de ne pas les écouter, de les oublier mais… D’un autre côté… Cette fuite radicale continuait de le tenter. Ce fossé était une délicieuse solution de facilité.
Une fissure se creusa sous la roche, jusque sous ses pieds. Il sentit les pavés se disloquer, mais ne bougea pas. L’un d’eux se décrocha et disparut dans les abîmes. Un autre commença à branler et Edward soupira.

Il était trop tôt pour renoncer.
Il devait encore une danse et un bouquet.

Une fois de plus, il tourna le dos aux abysses et saisit la main de Rose. Il était encore incapable de l’aimer comme elle le méritait, mais en avançant à ses côtés il espérait parvenir à s’éloigner une bonne fois pour toute de ce précipice.
Tous trois franchirent la porte qui se referma derrière eux. Le halo bleuté s’estompa autour de l’arche et le calme revint au milieu des sombres vapeurs. Laissée derrière eux, la lanterne faiblit doucement puis s’éteignit. Un gloussement chatouilla les parois de plus en plus obscures de la prison et soudain, les ténèbres recrachèrent un long bâton.

* * *

Edward leva la main pour se protéger des rayons du soleil. À peine la porte franchie, une étouffante chaleur les avait accueillis, accompagnée de tout un tas d’odeurs et de bruits. On hélait ici et là, depuis de petites échoppes aux toiles colorées abritant un amoncellement de marchandises éclectiques. Poissons, viandes, fruits et légumes, mais aussi étoffes, paniers, bétails, tout ce qui pouvait être vendu avait été rassemblé dans cette large allée, bordée de nombreuses habitations typique d’un orient ancestrale aux montants colorés par des mosaïques et des arabesques.
La foule grouillait, pressée de saisir les bonnes affaires qui se présenteraient. On les bouscula sans se retourner, à peine étonnés par leurs tenues dissonantes au milieu de tout ce mélange de locaux et d’étrangers.
Edward resserra sa main sur celle de Rose, pour s’assurer qu’ils ne seraient pas séparés au cœur de cette cité qui valait bien dix fois Paris. Il s’écarta sur le passage d’un dromadaire chargé d’une montagne de tapis et interrogea, circonspect :

« Une idée de là où on a atterri ?
J’crois bien… répondit le lapin. Mais va falloir qu’on quitte le bazar pour s’en assurer. Z’avez qu’à couper par là. Y a un ch’min. »

Ils empruntèrent la ruelle indiquée et s’éloignèrent de l’effervescence du marché. L’endroit n’en restait pas moins très fréquenté et ils croisèrent bon nombre de carrioles, charrettes à bras et piétons dans des rues de terre battue où le moindre pas soulevait l’épaisse poussière ocre propre aux pays arides. Edward éternua à deux reprises, avant de percevoir un brusque parfum de fraicheur. Ça sentait l’eau et les fleurs. Un virage à droite, deux à gauche.
Ils débouchèrent sur une place immense. En son centre se trouvait un large bassin rempli d’une eau bleu azure autour duquel s’élevait plusieurs palmiers qui jetaient leurs ombre sur le sol totalement dallé. Ibis, flamant et autres oiseaux colorés barbotaient dans la fontaine alimentée par une suite de cascades qui s’élevaient depuis les hauteurs de l’immense palais qui leur faisait face. Ses façades bleues et dorées étaient en grande partie couverte de végétation. Les plantes tombantes dégoulinaient des façades et on discernait, à chaque étage, les contour d’une véritable petite jungle, ce qui donnait à l’édifice un air luxuriant et magistral. Une nuée d’oiseau s’envola de l’un des toits dans un joyeux piaillement.
Certes exceptionnel, l’endroit na parvenait pas à complètement éclipser une structure bien plus impressionnante encore qui s’élevait loin derrière. Une tour gigantesques, érigée en colimaçon jusqu’à des hauteurs vertigineuses. On distinguait encore les échafaudages et plateformes de construction sur son sommet squelettique, mais ils n’étaient animés d’aucune forme de vie, laissant supposer à une construction en suspend.
Leur guide se redressa dans les bras de Rose et pas peu fier, il annonça en bombant son torse pelucheux :

« Bienvenue à Babylone !
Bienvenue à Babylone ! »

La voix qui s’était superposée à la sienne appartenait à un adolescent d’une quinzaine d’année qui déboula du centre de la place. Un avait le teint halé, des cheveux blonds bouclés qu’il maintenait sous un turban orné de cartes à jouer et de dés. Ses babouches aux pieds et un grand sourire sur les lèvres, il salua chaleureusement Rose :

« Enfin te voilà Gardienne ! Je commençais à m’inquiéter. L’Ermite n’est pas avec toi ? Remarque, c’est bien son genre de filer à peine sa mission accomplie. Enfin ! On ne va pas le changer. Et oh…
Quoi oh ? Pourquoi tu m’regardes en faisant oh ?
Je pensais que tu avais été relevé de tes fonctions après tout vous avez… Il tira de sous sa blouse un collier où pendait une dizaine d’horloges dont aucune n’indiquait la même heure. …beaucoup de retard.
Du retard ? Interrogea Edward. »

Le garçon sursauta et releva la tête. À croire que malgré la taille du loup blanc, il venait tout juste de remarquer sa présence. Il ne dut pas juger nécessaire de répondre car il reporta aussitôt son attention sur Rose et claqua des mains.

« Bien. Le délais étant très serré, allons droit au but. Je suis le Bateleur, Elle m’envoie pour s’assurer que tu as été correctement guidée afin d’intervenir à temps avant le renouveau du cycle.
Et allé, encore un… rouspéta le lapin en se laissant tomber au fond des bras de Rose. Mais allez-y, remettez mon travail en question, j’dirais rien !
C’est très aimable à toi ! Dans ce cas commençons ! »

La boule de poils roula des yeux. À croire que l’absence d’humour et de second degré caractérisait ces guides en carton. Mais pas question qu’on l’évince ! Décidé à assumer son rôle jusqu’au bout, il demeura aux aguets face aux agissements du camelot.
Ce dernier venait de dresser en un claquement de doigts un grand tapis qui flottait devant lui. Quatre objets s’y trouvaient agencés les un à côté des autres : une coupe, un bâton, un denier et une épée. Il se frotta les mains, satisfait de ce travail promptement mené et les posa sur ses hanches avant d’indiquer :

« Choisis en un.
J’t’aurais bien dit de prendre l’épée, mais si bien il va nous annoncer qu’on aura pour mission d’arroser tous les arbres des jardins alors… Ch’ais pas… Fais un plouf plouf ?
Si vous pouviez vous dépêcher ?
Tu veux pas aider toi au lieu de faire l’mariole ? À quoi ça va lui servir après ?
Oh, c’est ça qui vous taraude ? Dans ce cas pas d’inquiétude, il s’agira tout simplement d’empêcher un meurtre. »


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeJeu 1 Juin - 9:50

- « Le denier. »

Rose tendit la main et le Bateleur y déposa l’objet choisi sans se départir de son large sourire. La pièce tourna entre ses doigts, révélant une inscription latine qu’elle n’eut pas le temps déchiffrer car déjà, on l’interrompait.

- « Bien, maintenant que c’est décidé, mettons-nous au travail. »
- « Nous ? Tu m’inclus maintenant ? »
- «   Pas du tout ! »

De derrière un palmier apparut un jeune homme à la peau mate. Tout juste la vingtaine, ses longs cheveux bruns tombaient dans son dos, tressés de pampilles d’or et d’argent. Il portait pour tout vêtement un large pantalon rouge et bleu, assorti au khôl qui réhaussait ses yeux sombres. D’épais bracelets ornaient ses biceps, mettant en valeur son corps d’athlète. Il déposa son chargement aux pieds du Bateleur qui ouvrit le baluchon, dévoilant des tas d’étoffes colorées. Un claquement de doigts et un paravent de bois se matérialisa sous leurs yeux. Un geste d’invitation dans leur direction.

- « Le Mat va s’occuper de toi Gardienne. »
- « Bien sûr, bien sûr ! Venez par ici ! »

Sans gêne aucune, il attrapa la main de Rose et l’entraina à sa suite derrière les panneaux, à l’abri des regards. Rapidement, les vêtements commencèrent à voler, entrecoupé par des petits cris de protestation et de pudeur bafouée.

- « Oupla ! Ça, on n’en a pas besoin ! »
- «  Mais c’est mes sous-vêtements ! N-Non ! »
- « Pas d’inquiétudes, je ne mange pas de ce pain-là. Ohhhh mais on dirait deux pamplemousses bien fermes ! Je peux… »
- « N’y pensez même pas ! »

La tête du Mat s’extirpa brièvement de sa cachette pour demander :  

- « Le bleu s’il-te-plait Bateleur ! Tout ça va être fabuleux ! Fa-bu-leux ! »
- « Du moment que tu te presses. »

Le tas d’étoffes disparu. Quelques minutes plus tard, Rose émergeait, rougissante jusqu’aux oreilles, le Mat derrière elle souriait de toutes ses dents, fier de son travail.

On lui avait fait revêtir une longue jupe bleue océan, qui lui descendait jusqu’à des chevilles décorées de joncs dorés. Les mêmes modèles avaient étés accrochés à ses poignets. Sa taille était enserrée dans une large ceinture de tissus ou l’on avait cousu de multiples pampilles qui cliquetaient au moindre mouvement. Un haut court dissimulait sa poitrine, soulignée par un généreux décolleté. Ses longs cheveux, laissés libres, tombaient dans son dos, cascade de blé ou étaient attachées perles et breloques. On avait pudiquement posé sur ses épaules un châle de tulle transparent.

Bien que Rose ne soit pas des plus chastes, elle trouvait que la tenue révélait beaucoup de ses atouts. Un pas en avant et elle fut dans le soleil qui caressa cicatrices et muscles ciselés. Ses yeux cernés de khôl cherchèrent ceux de son partenaire pour un signe d’approbation.

- « Vous êtes prête à séduire le prince ! Ahhh, j’aimerai être à votre place ! Il a vraiment tout ce qu’il faut où il faut, » s’exclama le Mat, se pâmant presque, avec un clin d’œil appuyé.
- « Hein ? »
- « L’assassinat. C’est le sien que tu vas empêcher, » expliqua le bateleur, en regardant sa montre. « Tu dois te faire passer pour une danseuse du palais. »
- «  Eh oh ! On est là nous aussi, » fit remarquer le lapin en désignant le loup.  « Une tenue disponible pour le grand gaillard ? »

Le Bateleur avisa Edward comme si il était le dernier des gêneurs. Il sembla hésiter à ignorer ces importuns mais fini par répondre, son sourire rendu légèrement crispé :

- « Je suppose. Suis-moi Lycanthrope. »
- « Pendant ce temps Gardienne, je vais vous apprendre le Khaleeji. »

Et il disparut derrière le paravent. Le Mat s’approcha de Rose et, aussi agile qu’un chat, la colla contre lui. Hanches contre hanches, son souffle dans le cou de la contrebandière, il posa ses mains sur sa ceinture. Il lui susurra à l’oreille :

- « Suivez le rythme. Laissez-moi vous montrer. »

Il appuya sur ses hanches et de la musique s’éleva dans l’air. Point par point, il lui montra ce qu’on attendait d’elle.

Le déhanché envoutant.
L’ondulation de son buste.
L’érotisme de ses mouvements de bras.
Le moment idéal pour soulever sa lourde chevelure et dévoiler sa gorge.

À Paris, les gens auraient trouvé cela obscène. Mais ici, cette danse, bien que sensuelle, n’avait rien de condamnable. Rose sentait que la magie était à l’œuvre pour l’aider à réaliser ces mouvements si impensables dans le monde occidental, mais peu lui importait. Elle dansait, riant sous les encouragements et les applaudissements enthousiastes du Mat. Ce fut finalement le raclement de gorge du léporidé qui les interrompis. Edward était revenu, et le Mat s’empressa de lui coller un énorme tambour entre les bras, déclarant qu’il n’aurait qu’à faire semblant de savoir l’utiliser pour se fondre dans la masse.

L’adolescent blond tapa dans ses mains pour rassembler la petite troupe, mais lorsqu’il prit la parole, c’était à Rose et au Mat qu’il s’adressait particulièrement.

- « Ne perdons pas de temps, allons-y. Le banquet va commencer. »

Et il s’élança sans attendre vers le palais. Rose saisit le lapin au vol et lui emboita le pas rapidement. À l’arrière, le Mat se pendit au bras d’Edward : il n’avait pas eu le temps de profiter de ce morceau de choix.

Calant sa foulée sur celle de l’adolescent, Rose se pencha à son oreille en chuchotant :  

- « J’suis partante pour empêcher un meurtre, briser quelques os, renouveler le cycle, tout ça. Mais je ne peux pas séduire le Prince. »
- « Oh. Pourquoi ? »

Le lapin sourit. Le pauvre bougre ne connaissait pas ces deux troubles fêtes comme lui. Il sentait venir les problèmes à des kilomètres lorsqu’ils étaient dans les parages. L’autre se retourna et posa sur la gardienne un regard interrogatif.

- « Écoute. J’essaye déjà de séduire celui-là, » confessa Rose pour toute réponse avec un discret geste de la main en direction d’Edward.
- «   Et comment ça avance ? » s’informa le Bateleur, curieux.
- «  Pas super. Il a plus ou moins ignoré sa confession. »
- « Ah. Raison de plus pour passer à autre chose. »
- «  N-non, je… »

Ils pénétrèrent dans le palais, se mêlant à une foule dense et bavarde, et Rose n’insista pas. Elle préféra ralentir et rejoignit Edward, dont elle saisit la main, jetant un regard noir au Mat qui relâcha le lycanthrope, paumes en l’air en signe de reddition.

Partout, l’endroit grouillait de vie. Des serviteurs passaient autour d’eux, pressés, les bras chargés de victuailles en tout genre, colorées et odorantes, de fleurs, de présents et de décorations. Partout brulait de l’encens, l’odeur de la lessive propre embaumait l’air, et on lavait les sols à grandes eaux. Une fête se préparait clairement. Mais en quel honneur ?

Le Bateleur se rapprocha d’eux discrètement, bousculant au passage une servante aux bras chargés de linge.

- « Regardez là-bas, c’est le Prince. Il supervise les derniers préparatifs. »

Rose tourna la tête dans la direction indiquée. Le Prince se tenait près d’une colonne de marbre ornée de fleurs, en grande discussion avec une femme aux longs cheveux auburn. Il portait une tenue immaculée, et sa chevelure brune était ceinte d’une élégante couronne dorée. Il se décala légèrement et les présents purent observer ses traits à loisir.

Rose se figea. Hormis sa peau couleur ocre, et la large cicatrice qui barrait son visage, le Prince était le portrait craché d’Aldrick.
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeSam 3 Juin - 13:48

Sabotage.

Sous prétexte de cancaner avec Rose sur la majesté de leur hôte, le Mat les sépara. Il donna de discrets, mais insistants coups d’épaule à la jeune femme, certain qu’elle partagerait son avis ce Prince exquis auquel elle devait sauver la vie. De l’autre côté de la belle anglaise, le Bateleur jouait au guide appliqué. Il évoqua mère et père de Sa Majestée, ainsi que d’autres détails, mais le regard dédaigneux qu’il jeta à Edward ne laissa aucun doute sur le fond de sa pensée.
C’était pour ça, qu’on l’avait encombré de ce tambour et c’était pour ça qu’on l’avait habillé de la sorte, pour plus facilement l’évincer une fois l’entrée en scène de Prince Parfait. Évidemment. Seul un aveugle aurait sciemment associés ces couleurs.
Déjà ce vert, celui de son ample blouse, largement ouverte sur son buste musclé et balafré, mais dont le motif citron laissait à désirer, sans compter qu’elle n’allait absolument pas avec son teint. Puis sa taille ceinturée de soie jaune qui n’arrangeait rien à l’affaire et ce pantalon rouge bouffant serré sur ses mollets nus qui achevaient cet ensemble discutable. Edward avait échappé aux chaussures, mais pas à la natte pour ses longs cheveux noirs, ni aux pampilles accrochées à son extrémité et qui teintaient désagréablement au moindre mouvement de tête, comme un chien auquel on aurait mis une clochette.
Rien du faste de ce palais n’avait atténué la splendeur de Rose, mais tout avait accentué son ridicule. Dans ce conte d’Orient, elle était la belle et il était le bête.

Alors certes ! Certes il n’avait pas brillé face à la déclaration de Rose. Il était resté muet, stupéfait même et tous les mots lui avaient manqué, mais cette franche hostilité qui commençait à l’irriter.
Il sentait le reproche qui couvait, toujours le même, celui de ne pas l’avoir encore dévorée. Mais l’avait-il déçue elle ou… Elle ? Cela paraissait insensé que la psyché de Rose cherche à l’évincer. Ce n’était pas à elle qu’il devait ce bazar grouillant, puis les murs de ce palais animé. Et s’il ne s’était pas vu lui parler entre deux dromadaires, il se voyait encore moins s’expliquer déguisé en bouffon de Sa Majesté.
Pour autant, pas question de laisser sa place sans se rebiffer. Edward s’avança, décidé à glisser un mot à Rose, mais on le devança.

« On m’avait promis la plus splendide fleur du désert et l’on ne m’a pas menti. Puis-je connaitre ton prénom, belle parmi les belles ? »

Le Prince s’inclina élégamment, prit la main de Rose dans la sienne et l’effleura de ses lèvres. Dire qu’il rayonnait serait un euphémisme. Il était éblouissant, aveuglant même. Relevant son regard doré, il le déposa avec pruderie sur la contrebandière. On y lisait une grande bonté un brin naïve, couvant une impétuosité irréfléchie qui lui donnant d’autant plus de sympathie. Un idiot au cœur d’or.
Beurk.
Edward grimaça devant ce sourire radieux qu’il n’adressa qu’à elle.
Un rayon de soleil saisit cet instant enchanteur et créa un halo doré autour de la silhouette de l’héritier. Le message n’était même plus subliminal. En miroir de la mine sombre du loup blanc, le double solaire du commissaire équivalait à un néon clignotant. Il indiquait clairement à la belle anglaise qu’elle avait misé sur le mauvais lycan.

« Prince Ali, s’inclina le Bateleur. Je vous présente Rose. Je vous prie de croire qu’elle est la meilleure danseuse de Khaleeji qui vous aura été donné de voir.
Je n’oserai en douter. Mais viens avec moi Rose. Je n’ai pas envie d’attendre le début des festivités pour profiter de ta compagnie. Je te ferai visiter la salle où se tiendra le banquet et tu me donneras ton avis. Je crois que Mère a exagéré sur les fleurs. »

Il lui tendit la main et Rose n’eut pas l’occasion d’objecter. De concert, le Mat la poussa dans les bras du Prince et le Bateleur la déposséda du lapin dont il couvrit les protestations du plat de la main. Le duo salua aussi leur joyeusement départ que s’ils avaient eu affaire à des jeunes mariés.
Trois pas de fait et son altesse se pencha sur la demoiselle, lui glissa quelques mots à l’oreille avec une complicité qui passait pour charmante au yeux de tous sauf d’Edward qui songea très arbitrairement à lui péter les genoux.
Mais non, il n’était pas jaloux. Enfin peut-être un peu, mais c’était un combat totalement déloyal contre une vision embellie d’Aldrick. Même lui le trouvait sympathique ! Sa façon de bouger, de rire, cette étrange simplicité qui le rendait horriblement aimable et avenant.
Jusqu’à ce qu’il effleure les cheveux de Rose, puis son bras, sa taille. En le voyant glisser près d’elle, Edward fut certain qu’il lui murmurait des compliments sucrés d’une voix délicieusement suave.

« Rose ! »

Il ne s’était pas entendu l’appeler. Le Mat et le Bateleur lui décochèrent un regard meurtrier. Edward n’en fut que plus piqué au vif et se moquant de son accoutrement ridicule, il retrouva toute sa prestance. Grand, droit, fier ; il était capable de dégager une aura royale même vêtu comme une serpillère.

« On se retrouve après. »

Impossible d’attendre de réponse. Pince-mi et Pince-moi l’exfiltrèrent derrière un paravent. Le Bateleur argumenta que c’était dangereux, qu’il mettait la couverture de Rose en danger et que si la mission n’atteignait pas son but, il faudrait tout recommencer, mais Edward ne cru pas un traitre mot de ce qu’il racontait. Il s’en alla. Les deux lui emboîtèrent le pas, tout comme le lapin qui se cala dans ses talons :

« Who ! Tu vas où là ? Tu vas pas la laisser à ce Maharadjah en carton ! Si ça se trouve il a tout un harem et y veut juste l’ajouter à sa collection ! T’y a pensé à ça ?!
S’il la touche, je lui casse les bras, cracha Edward en rejetant son tambour dans un coin, ses breloques tintantes de l’autre.
Oh ! Ma foi… Ça me va !
Ne lui répète pas.
Je vais me gêner ! Hé ! Attends moi ! Où tu cavales comme ça ? Tu comptes faire quoi au juste ?
Semer ces idiots. Viens par là. »

Il saisit le lapin par la cou d’une main, arracha un rideau blanc de l’autre et l’enfila sur ses épaules. Tout en se couvrant la tête de l’étoffe, il s’engagea au pas de course dans un étroit corridor qui devait mener aux cuisines compte tenu du nombre de serviteurs chargés de plats et de carafes qu’il croisa sur son chemin. Il prit à droite, s’intercala dans une sombre alcôve, laissa les deux zouaves le dépasser et s’extirpant des ténèbres, il revint sur ses pas et descendit le premier escalier venu.
Une bonne odeur de poulet grillé le dirigea droit vers une salle en pleine effervescence où un gros bonhomme à moustache et turban volumineux hurlait sur tout le monde. Bazar complet. Edward n’eut aucune mal à se faire passer pour un nouveau venu. On lui donna une tunique blanche trop courte pour lui qu’il enfila sans regret en place de son gilet vert et un large ceinturon de cuir rouge.
Il tira ses cheveux en arrière et en deux temps, trois mouvements, fut raflé par la ballet de servants. On abusa se sa carrure d’athlète pour lui confier un lourd plat de gibier dans lequel il aurait volontiers planté les crocs, avant de le pousser hors de la pièce. Même si Tic et Tac le repéraient, ils ne pourraient pas intervenir tant qu’il aurait les bras chargés et de toute façon, tous deux devaient surtout s’intéresser à Rose à l’heure qu’il était.
Le loup blanc traversa deux allées, franchit autant de portes et gagna l’immense buffet. Les tables étaient installées en U de façon à créer une petite scène ouverte en son centre. Des musiciens s’y produisaient déjà. Daf et setâr se répondaient avec entrain devant les sièges de la famille royale en train de s’installer au centre.
Les nappes débordant déjà de mets, Edward et une dizaines d’autres serviteurs furent placés au fond de la pièce, contraints de patienter jusqu’à ce qu’on les appelle. Cette place de choix permit au loup blanc de scruter toute la salle. Il cherchait Rose et le Prince Charmant, mais son attention s’arrêta sur autre chose.
Un homme détonnait parmi la garde. Il dépassait d’une bonne tête ses camarades, mais s’échinait à tenter de paraitre plus petit. Un peu vouté, le regard bas, il adressait des regards réguliers vers la table principale. Il avait le teint mat, mais malgré une large cicatrice lui fermant l’œil droit, ses traits demeuraient effroyablement familiers. Frisson.

« Psst… Lapin…
Quoi ?
Il faut que tu préviennes Rose. Je crois que je sais qui sera l’auteur de la tentative d’assassinat.
Montre moi.
À droite du gros pot de fleurs jaunes.
Uh ? M… Mais c’est… »

Un soupir.

« Moi… »

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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeDim 4 Juin - 12:43

Le prince était… Charmant. Aucun doute là-dessus.

Très respectueux de la politesse et des convenances, il s’employait à courtiser Rose dans la limite de ce qui était permis par son éducation. Compliments, sourires et main chastement posée dans le bas de son dos, il la guidait à travers la salle de réception, ponctuant la visite de commentaires qu’il lui soufflait juste au creux de l’oreille.

Rose sentait que tout était fait pour qu’elle succombe à son charme, pourtant, cela ne lui faisait ni chaud ni froid. L’homme était une mauvaise copie du commissaire. Il ne possédait pas ce côté maladroit et rustre qui avait plût à la contrebandière, ni même sa manière un peu idiote de lui faire des compliments directs mais sincères. Et puis, il avait la malchance d’être en concurrence directe avec Edward. Il faisait pâle figure à côté de son aura sauvage et son maintien fier.

Aussi, elle souriait poliment à ses sollicitations, observant d’un œil désintéressé cet amas de fleurs de jardin bien rangées et ces décorations fastueuses. Si d’aventure une main s’approchait de trop près, ou que des avances se faisaient trop insistantes, elle se contentait de s’éloigner promptement de quelques centimètres, laissant doigts et attentes retomber.

À l’autre bout de la salle, le Mat et le Bateleur lui envoyaient des signes d’encouragement qui se voulaient discrets et dont elle n’avait que faire : ils lui donnaient la désagréable sensation de n’être qu’ une offrande de plus pour le monarque, un pion que l’on cherchait à déplacer selon la convenance d’une force plus haute. Son regard sonda la salle à la recherche du loup blanc qui demeurait introuvable. Son agacement se fit palpable mais enfin, son calvaire prit fin ; son altesse lui proposa galamment de rejoindre le reste des convives, lui présentant sa main en signe d’invitation.

Rose la regarda, puis leva les yeux vers visage du prince Ali et son air si charmant. Elle lui adressa un sourire contrit, mais garda ses bras fermement croisés sous sa poitrine.

- « Je suis désolée, je dois finir de me préparer avec le reste des danseuses. » argua-t-elle avec un pas en arrière. « Mais merci pour la visite votre altesse, c’était très agréable. »

Et sans attendre de réponse, elle tourna les talons. Dans son dos, elle entendit son nom être appelé, par le Prince ou par ses deux gardiens, elle ne savait pas trop, mais elle ne s’arrêta pas pour autant.

Manquant de faire tomber maints plateaux et victuailles, bousculant invités et serviteurs, elle se faufila dans la foule dense, disparaissant sans problème grâce à sa petite taille. Toutefois, par précaution, elle déroba une large étoffe sur une des tables afin d’y dissimuler sa chevelure trop reconnaissable.

- « Pssst. Pssssst ! Princesse furie ! » Un moment de flottement et la voix repris, agacée : « À tes pieds ! »
- « Où est… ? »
- «  Merci de t’préoccuper d’moi, ça fait toujours plaisir ! Rohhh ça va m’regarde pas comme ça, c’lui qui m’envoie ! »

Et il lui indiqua ce qu’ils avaient vu, ce garde qui ressemblait trait pour trait au lycanthrope et qu’ils soupçonnaient d’être le potentiel assassin. La jeune femme avait froncé les sourcils au fur et à mesure que le lapin déroulait ses explications. Il n’y avait plus de doutes dans son esprit. Elle jouait avec eux, tissant, déroulant des scènes et des situations qui n’avait pour but que de les séparer ou du moins, de les mettre à l’épreuve. D’abord sa perte de mémoire, puis Elvira, et maintenant, ce conte des mille et une nuits ou le double du commissaire était supposé la tenter tandis que celui d’Edward devait lui faire horreur. Elle cherchait quelque chose. Mais quoi ?

- « J’vais me poster au balcon, j’aurais une meilleure vue. Toi tu vas chercher Edward. »
- « Euh… Je suis pas sûr que… »
- «  Franchement Boule de poils. » le coupa-t-elle en le toisant. « Gardienne. Pouvoirs magiques. Ça percute ? Je risque pas grand-chose. »
- «  Ouais… Tu dois avoir raison. J’fais vite. Et… Princesse ? »
- « Uhm ? »
- « Il a dit qu’si le Prince te touchait, il lui cassait les deux bras. J’dis ça, j’dis rien. »

Ses moustaches frétillèrent devant l’expression qui s’imprima brusquement sur les traits de la contrebandière, et, satisfait, son petit derrière duveteux disparu au détour d’une porte.

Les oreilles encore rouges, Rose se fraya discrètement un chemin jusqu’à un petit balcon qui surplombait la salle du banquet. Là, elle vit comme décrit par leur guide, le double oriental du roi des loups. À la table principale, le Prince Ali était arrivé, installé à la droite de sa mère, tandis que le Roi présidait au centre. Son altesse avait une petite mine, alors même qu’une jeune femme installée à sa droite faisait son possible pour tenter d’attirer son attention sur ses atouts savamment mis en valeur auxquels il restait insensible. Aucune trace visible du Bateleur et du Mat.

Aussi silencieusement que possible, la blonde longea les murs, et fini par se couler derrière une tenture de lin blanc. Elle aperçut Edward, dont elle tenta d’attirer l’attention, sans grand succès. Une minute à peine s’écoula avant que le Prince ne s’excuse auprès de son père. Il y eu une discussion vive entre eux que Rose n’entendit pas et l’héritier s’éloigna d’un pas vif, sortant de la pièce.

Rapidement, le double d’Edward fila à sa suite. Sa foulée prédatrice, animale faisait froid dans le dos en comparaison avec le pas léger et solaire du Prince. Mais Rose se refusait à condamner quelqu’un juste pour son apparence. Surtout lorsqu’elle soupçonnait que la personne qui tirait les ficelles avait une idée derrière la tête. Elle quitta le balcon, cherchant à les retrouver, mais les multiples escaliers l’égarèrent et elle se mit plus de temps que prévu à retrouver les deux hommes.

Enfin, elle les aperçu, dissimulés derrière le rideau d’une alcôve, ils semblaient en grande conversation animée. On ne pouvait saisir ce qu’ils se disaient tellement ils parlaient bas, mais nul doute que le sujet amenait la discorde entre eux. Seule l’exclamation d’un prénom parvint aux oreilles de la contrebandière : Edhak. Il s’appelait Edhak.

Elle voulut s’approcher encore, mais une main la tira en arrière et l’attira derrière un rideau, plaquant une paume contre sa bouche pour l’empêcher de crier.

Dans la salle principale où se déroulait le banquet, des cris de stupeur et d’horreur s’élevèrent simultanément parmi les présents. Le Roi venait de s’écrouler après avoir bu sa première gorgée de vin. Face contre terre, le liquide rouge coula entre les rainures du carrelage.

Ils s’étaient trompés de cible.
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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeMar 6 Juin - 22:35

On trouverait difficilement pire dans l’histoire du timing pourri.

Au retour du lapin, Edward s’était débarrassé à la va-vite de son plat. Il l’avait déposé sur un grand vase sous le regard horrifié de ses camarades serviteurs et des servants plus haut placés qui furent si surpris par ses agissements qu’ils en oublièrent de l’invectiver. Malgré l’absence du principal concerné, la fête battait son plein et aucun hôte ne remarqua son départ précipité. Il aurait pu être plus discret, mais savoir Rose seule près de deux potentiels lycanthropes fantasmés l’inquiétait.
Et puis il y avait ces paroles qui ne cessaient de le hanter. La dévorer. Il devait la dévorer. À force d’y penser, de retourner le problème en long, en large et en travers dans son esprit, Edward avait eut une bride d’idée. Un explication à tout ce qui se passait depuis qu’Elle paraissait l’avoir répudiée.

Et si…
Si son désir était de renforcer la gardienne qui l’abritait.
Si tout ce manège n’était qu’un stratagème pour lui faire perdre son humanité.

La lycanthropie ne se transmettait que par morsure directe, physique, rien au monde ne laissait supposer qu’une contamination psychique puisse avoir lieu, mais peut-être que l’occasion ne s’était jamais présentée.
Edward accéléra le pas, talonnant le lapin qui l’entrainait en direction du balcon. Il dérapa sur le sol lustré, au moment où les exclamations horrifiées s’élevèrent depuis la salle de réception. Le roi venait se s’effondrer. Le mot « poison » se répandit comme une trainée de poudre parmi l’assemblée et les accusations explosèrent.
Qui incriminer sinon l’étrange serviteur qui venait de détaler ?
Pagaille, appel à la garde, cris terrifiés… La fin de la fête fut sonnée sur un appel à la vengeance. Le fuyard  fut dénoncé et soldats et invités galvanisés se lancèrent à sa poursuite.
Edward n’en sut rien. Après avoir grimpé les escaliers, il déboucha sur le balcon, mais Rose s’était envolée. Elle avait laissé dans son sillage son parfum de fleur des champs accompagnée par l’odeur plus étonnante de l’huile de grenade. « Une merveille pour la peau ! » lui avait confié le Mat, lorsqu’il s’était accroché à lui un peu plus tôt. Le loup blanc renonça à l’appeler, mais le jeu de ces deux idiots commençait à lui taper sur les nerfs.

« Hé… T’entends ça ?
Oui. C’est le bruit d’armures. Ça vient par ici.
Il a dû s’passer un truc. Faut bouger ! »

Edward saisit le lapin qui se hissa sur ses épaules et revint en vitesse sur ses pas. Il décidé de suivre l’odeur de Rose, dégringola le premier escalier venu, mais le son s’amplifia et il tourna aussitôt les talons. De retour dans le couloir supérieur, il le traversa en courant jusqu’au premier embranchement. Plouf plouf. Il opta pour la gauche où l’encadrement d’une porte se dessinait. Mains sur la poignée, il fit pivoter le battant et entra au moment où les premières exclamations s’élevèrent dans son dos. Ils traversèrent un boudoir désert au sol jonché de coussins de soies et gagnèrent une arche qui les donnait sur un petit escalier. Edward l’enjamba d’un bond et ils débouchèrent sur une grande cours intérieure aussi luxuriante que celles qui bordaient tout le palais.
L’endroit était totalement irrigué. Un fin cours d’eau serpentait entre les mosaïques bleues et blanches, glissant sous les pots de plantes et d’arbres amoncelés avec tant de soin que le ciel en était presque entièrement obstrué. Droite, gauche ? Dans cette masse verdoyante, difficile de savoir où aller.
Un bruit parmi les feuillages fit tourner la tête du loup blanc. Ça commençait à bien faire ! Edward déposa le lapin à l’abri des regards et lui demanda tout bas :

« Tu sauras retrouver Rose ?
Tseuh ! C’est ma protégée, bien sûr que j’saurai.
Alors ouvre tes grandes oreilles peluche. Je suis certain qu’on cherche à nous piéger. J’ignore encore comment, mais on va vite être fixé. Surveille ce qui va se passer et préviens Rose dès que tu as compris la magouille, pigé ?
Who, who… Minute… T’es en train de me que tu vas te laisser prendre ?
Je suis sûr que je ne crains rien, s’ils avaient pu m’éliminer, ils l’auraient déjà fait.
C’tait pas ma question champion. Et s’ils te lobotomisent ? Ou je sais pas moi… S’ils t’implantent l’esprit d’un poulet ? C’est horrible les poulets !
Fais moi confiance et reste planqué. »

Le guide n’eut pas l’occasion de protester. Edward sentit qu’on approchait. Demi-tour. Pile à temps pour voir le Bateleur glisser, presque couler, au travers d’un épais bosquet. Toujours ce teint mat, ces cheveux dorés, mais son sourire avenant s’était envolé.

«  On ne pourra pas t’enlever que tu es coriace lycan… Au point que nous contraindre à tricher.
Où est Rose ?
En sécurité. Il n’a jamais été question de lui faire du mal. On ne veut que ce qu’il y a de mieux pour elle. Le problème c’est que tu n’entres plus dans cette catégorie.
C’est Elle qui vous l’a demandé ? »

Le Bateleur marqua un temps d’arrêt. Il réfléchit brièvement, puis haussant les épaules :

« Disons qu’il faut savoir faire preuve d’initiatives. »

Un claquement de doigts. Edward entendit gronder de part et d’autre des allées fleuries. Des loups-garous. Un blanc arriva à sa droite ; son double à l’œil balafré. À gauche, le regard doré de Prince Parfait perça à travers les broussailles, il avait enfilé sa livrée bestiale d’un noir de jais.
Mais quelque chose clochait. Là où n’importe quel lycanthrope prenait une forme totalement animale, quasi identique au canidé si ce n’était sa taille, ces deux là étaient biaisés. Plus hommes que bêtes. Le blanc se tenait sur ses deux pattes arrières, son poitrail était démesuré et doté d’une musculature humaine, pourtant sa tête avait toutes les caractéristiques du loup. Le noir ne valait guère mieux. Il marchait à quatre pattes, mais ses membre antérieures étaient trop longs et beaucoup trop musclés. Ses mains s’étaient allongés et dotées de griffes acérées, mais elles avaient conservé leur pouce et cette forme hybride et bizarre les privait de toute la puissance du prédateur.
Un sourire. En voyant ces lycanthropes ratés, Edward sut qu’il allait bien s’amuser.

« Vous avez totalement loupé mon sex appeal.
Il est difficile de copier l’original sans un ou deux ajustements. »

Les explications attendraient. Son double attaqua le premier. Edward évita sous forme humaine, mais le coup que l’ersatz de loup mangea en pleine truffe fut bel et bien celui d’un canidé. Poils hérissés, babines retroussées, Edward le cloua à terre d’un bond puissant et agile contre lequel sa bipédie le rendait affreusement vulnérable. Le brouillon d’animal roula sur le flanc. Sa silhouette heurta l’un des pots de fleurs qui déséquilibré, se renversa sur lui.
De nouveau homme, Edward esquiva l’assaut de Prince Parfait et répandit sur lui un gros bouquet de jasmin très odorant. La bestiole éternua et ferma les yeux juste assez longtemps pour écoper d’un phénoménal coup de dents. Le loup blanc ferma ses crocs sur sa gorge, étouffant un glapissement. Le faux canidé s’agita, se débattit, griffa cette mâchoire à la puissance phénoménale, mais impossible de la faire céder. Edward le traina sur le sol décoré, le cognant de toutes ses forces contre chaque obstacle qu’il rencontrait.
Il s’arrêta lorsqu’une douleur lui lacéra la cuisse. Un saut leste l’écarta de son double et lui épargna un coup de griffes supplémentaire. Edward parvint à se glisser dans son dos, le saisit par la queue et tira de toutes forces. L’autre hurla. En s’agitant, il perdit de bonnes poignées de poil et tomba à la renverse.
L’état du pseudo garou égalise avec celui du Prince Ali, si le loup blanc n’avait pas été retenu sur sa lancée. Quelque chose s’était noué autour de sa cheville. Il voulut reprendre forme humaine pour se dégager, mais il en fut incapable.
Le Bateleur siffla et le lien se resserra sur ses poils. Une corde dorée, nimbée d’un vif éclat s’enroula autour de lui avec la vivacité du cobra et la puissance du boa. Se débattre ne fit qu’empirer les choses. Edward chuta et glissa jusqu’aux pieds du Bateleur. Le lien immobilisa ses pattes et le musela avant qu’il n’ait le temps de mordre le guide.
Le sourire revint sur son visage mordoré. Entre ses doigts, le bâton était devenu lasso enchanté. Il l’agita avec agacement.

« Tout ce temps perdu… »

Edward gronda de plus belle, mais l’étreinte de la corde se resserra au point d’en être douloureuse et l’obligea à se tenir tranquille. Il avait fait le mariole auprès du lapinou, pour autant il n’était pas certain de ce qu’il avait avancé et aussi bien, sa dernière heure était arrivée.
Du coin de l’œil, il vit son double se relever. Le mauvais monstre retrouva forme humaine, mais comble de l’horreur, son clone au teint halé avait laissé place à son exact portrait. En voyant loup blanc  tressaillir, le Bateleur ricana.

« Je vois que tu as compris. Persuadée qu’elle aura affaire à toi, la Gardienne rendra ta copie parfaite. »

Il s’appuya nonchalamment contre l’épaule de son reflet dont le regard avait quelque chose d’effroyablement vide.

« Tout ce qu’il nous manque pour être sûrs de notre succès, c’est que tu t’absentes pour une durée indéterminée. Alors profite bien de ton séjour en cellules, lycan. »

Edward sentit le débit de l’eau qui coulait le long de la cours augmenter. Elle s’agglutinait autour de lui, de plus en plus froide et brusquement, elle l’emporta et il disparut.
Le ruissellement reprit normalement sans un regard du Bateleur qui vérifia, une fois de plus, les nombreuses horloges accrochées autour de son cou. Il soupira, désabusé, puis se tourna vers le faux Edward.

« Allé… Et quand tu verras la Gardienne, n’oublie pas que tu es censé avoir échappé à la garde. »

Non loin, une paire de grandes oreilles décampa.


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MessageSujet: Re: A Moonlight Night's Dream [PV Rose]   A Moonlight Night's Dream [PV Rose] I_icon_minitimeSam 10 Juin - 10:47

Entre les bras de son Prince, la Princesse ouvrit les yeux.
Il la regardait avec des yeux tendres, ses doigts entremêlés dans ses longues mèches blondes, sa peau appelant la sienne. Elle tressaillit et il  la laissa se redresser, la maintenant toujours contre son torse musclé bardé de cicatrices.

«  Ou étais-tu ? »
« J’ai échappé à la garde » répondit-il, ses lèvres proches des siennes, tentatrices.

Il fit choir l’étoffe de ses épaules, exposant sa gorge nue. Le boudoir était étrangement silencieux et aucun bruit ne filtrait depuis l’extérieur. Seuls, ils étaient hors du temps.
Succombant à l’invitation de sa chair, ses doigts remontèrent le long de ses bras jusqu’à son cou, glissèrent le long de sa jugulaire, pour finalement se saisir de son menton, l’enserrant entre pouce et index.
Le Prince riva son regard si particulier dans le sien et elle fut hypnotisée par cet œil rouge. Si rouge. Pareil à une graine de grenade. Semblable à la pulpe des choses vivantes.
L’esprit de la Princesse flottait dans son corps aussi mou qu’une poupée de chiffons mais elle trouva la force d’interroger son sauveur :

« Comment m’as-tu trouvé ? »
«  Je te retrouverais toujours. »

La Princesse fut ensorcelée par ces paroles. Pourtant, quelque chose, quelque part, sonnait faux. Une note dissonante dans ce moment idéal. C’était ce qu’elle voulait entendre. Et il y avait ce trou noir dans sa mémoire ; comment était-elle arrivée ici ? Elle leva ses prunelles océan vers lui, et il y plongea sans hésiter :

« Est-ce que tu m’aimes ? »
«  Je t’aime plus que tout. »

Et la Princesse sût. Le Prince n’était pas son Prince.



***

- « Éloigne-toi d’elle ! »

Le lapin dérapa dans l’embrasure de la porte alors que Rose repoussait violemment la créature qui la tenait contre lui.

- «  Qui es-tu ? Où est le véritable Edward ? » gronda-t-elle, se rapprochant du petit guide sans quitter l’inconnu des yeux.
- «   Capturé ! Par les deux autres zigotos ! »

Elle tourna la tête vers le lapin et son teint passa de porcelaine à franchement livide. En face d’eux, le faux roi s’était figé. Il les fixait d’un œil vide, déconnecté de la situation, marionnette dont on avait coupé les fils.

Le Bateleur entra dans la pièce, referma sans se presser la porte derrière lui. Empêchant toute retraite, il claqua des doigts et le dupe disparu, évaporé dans un nuage de poussière. Si la supercherie avait été découverte, ils n’en avaient plus besoin. Ils feraient autrement. Son sourire étirait inlassablement ses lèvres mais leur coin tressautait dans un spasme d’agacement inquiétant.

- « Gardienne… »
- «  Vous avez essayé de me piéger, » coupa-t-elle d’un ton cinglant. «  Dites-moi ce que vous avez fait d’Edward. »

L’adolescent grimaça visiblement cette fois, mais ne répondit pas, leur barrant toujours la sortie de son corps. Rose serra les dents et s’avança, lèvres retroussées, canines dévoilées, attitude sauvage. Tout son corps hurlait son agressivité et sa défiance. Autour d’eux l’air frémit, et un sifflement sourd se mit à retentir. Le bourdonnement de la colère prête à exploser.

- « Je vais répéter une seule fois. Où est-il ? »
- « Il trouble ton ascension. »

Ce n’était pas la réponse attendue. Aussi rapide qu’un prédateur, elle le plaqua contre le bois du battant, appuyant sa trachée de son avant-bras.

D’abord, le guide ne broncha pas mais bien vite, la pression se fit plus ferme et il commença à suffoquer. La Gardienne avait un air mauvais rivé au visage, la bestialité d’un animal que l’on a acculé. Lorsqu’il vit qu’elle ne céderait pas, il tenta de se dégager mais la prise se referma d’autant plus contre la gorge. À la limite de l’asphyxie, il fut contraint de capituler.

- « D-d’accord. J-je vais vous mener jusqu’à lui. »
- « Si tu me trompes encore, je te tue. Pigé ? »

Le guide officiel confirma d’un hochement de tête approbateur, et Rose relâcha sa victime. Le Bateleur frictionna ses voies respiratoires malmenées, son sourire évaporé à présent. D’un signe de la main, il leur indiqua de le suivre, ouvrit la porte et s’engagea dans le couloir. Attrapant le petit mammifère entre ses bras, la Gardienne lui emboita le pas.

Ils serpentèrent quelques minutes dans les longs couloirs du palais à présent désert. L’agitation s’était évaporée, serviteurs et royauté envolés, ne laissant derrière eux que le silence d’un décor vide. L’adolescent les mena jusqu’au jardin intérieur au sein duquel il avait confronté Edward un peu plus tôt. À présent, l’endroit semblait presque lugubre tant les sons y semblaient étouffés par la végétation tentaculaire : plus aucun pépiement d’oiseaux, juste le bruit de l’eau qui coule et le léger bruissement de la brise dans les feuilles. Accoudé à la fontaine au centre du parc, le Mât les attendait.

Il leva la tête et son regard croisa celui du Bateleur. Il comprit à leurs mines sombres que rien ne s’était déroulé comme prévu. Prudemment, il se décala, laissant la place aux nouveaux venus sans prononcer une parole.

- « L’eau l’a emporté juste là, » commenta le lapin. « Elle l’a engloutie et paf !  Disparu.»

Lapin et contrebandière se tournèrent vers le Bateleur qui désigna la fontaine du menton.

- « L’entrée est là. Utilisez le denier pour y rentrer. »

Rose longea le rebord à la faïence bleue et blanche et comprit ce qu’il lui fallait faire en découvrant le fond du bassin jonché de pièces dorées. Le denier glissa entre ses doigts, et elle le jeta à l’eau. Lorsqu’il heurta le carrelage il émit un tintement clair puis, plus rien. Elle attendit et puis, un grondement se fit entendre. La fontaine se mit à trembler avant de se scinder en deux, l’eau coulant dans l’ouverture nouvellement apparue, dévoilant un escalier qui s’enfonçait dans les entrailles de la terre.

Sans hésiter, elle enjamba le parapet et s’engagea dans l’escalier, le lapin sautillant dans son sillage.

- « G-gardienne, je dois te prévenir que… »

Volte-face.

- « N’essayez pas de nous suivre. Je ne veux plus jamais revoir vos têtes. »

Et ils amorcèrent la descente, laissant dans leur dos Bateleur et Mât qui n’esquissèrent pas un geste pour les retenir.

Plus ils progressaient sous la surface, plus l’obscurité se faisait dense. Bien vite, le pendentif s’illumina et baigna les murs d’une douce lumière bleutée. Autour d’eux s’étendait ce qui ressemblait à une immense caverne à la voute vertigineuse, les marches taillées à même la pierre, et dans le lointain résonnait le bruit de l’eau qui coule.

- « Edward ? » appela Rose plusieurs fois, alors que seul son propre écho lui répondait.

Au loin, ils distinguèrent subitement une lueur rougeâtre qui brillait faiblement dans les ténèbres.

Dans leur dos, un grondement sourd se fit entendre, et le pendentif cessa de luire. Dans la nuit une voix gutturale s'éleva :

- « Qui ose troubler mon domaine ? Ceux qui ont pénétré ici n'en ressortirons pas vivants. »
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