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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 En piste [PV Rose |1891][Terminé]

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Edward White
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Edward White

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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMar 14 Mar - 19:04

Non, non, non, non !

Edward se jeta à corps perdu dans la forêt de roches. Il enjamba les cadavres, slaloma entre les épines acérées, parvenant à rejoindre Rose à une vitesse ahurissante et se laissa tomber à genoux à ses côté. Son prénom murmuré parvint difficilement à quitter sa gorge nouée. Il voulut l’arracher à ce sol poussiéreux, la prendre dans ses bras, mais en la voyant allongée là, il la trouva brusquement si petite, si frêle, qu’il craignit de la briser entre ses mains.
Une inspiration. Il essuya d’un geste une larme inquiète au coin de ses yeux et avec toute les précautions du monde, l’attira contre lui comme un éléphant berçant de la porcelaine. Il entendait son cœur, son souffle et quoi que tous deux soient plus faibles qu’à l’accoutumée, il en fut profondément soulagé. Avec douceur, il essuya le sang sous son nez, puis celui à ses oreilles, avant de dégager son front trempé de sueur.
En découvrant son visage épuisé, Edward ne sut s’il devait l’embrasser ou lui asséner une gifle monumentale et un rire nerveux le secoua. Ses longs cheveux coulèrent de son épaule et chatouillèrent doucement les mains de Rose. Il acceptait sa défaite. Elle avait été plus prompt à le protéger, mais la magie c’était quand même un peu tricher. Enfin…

« Tu lui a botté le train dans les règles. Une vraie guerrière. »

Il pencha la tête, croyant la voir ouvrir les yeux, mais l’arrivée de Silas l’empêcha d’avoir le cœur net. Essoufflé, le garçon ne prit pourtant qu’un instant pour reprendre sa respiration. Mains sur les genoux, il avala une grande bouffée d’air, puis se redressa vaillamment et s’éloigna en trottant.

« J-Je vais trouver la porte Monsieur White. Avec ma chance, je suis sûr que ce ne sera pas l- »

Un clic sous ses pieds et toute sa silhouette bascula. Edward sentit son cœur s’emporter sous un nouveau sursaut d’adrénaline. Machinalement, il serra Rose contre son torse, avant de se détendre dans un bruyant soupir de soulagement.
La chevelure noire en pagaille de Silas venait d’émerger du trou. Sourire immense.

« Vous voyez ! »

Ses dernières forces le hissèrent sur ses pieds et anticipant sans doute ses retrouvailles avec Elisabeth, il s’épousseta et chercha même à se recoiffer. Edward ne fut pas mécontent de voir que malgré toutes ces épreuves, il avait conservé un peu de son innocence. À son tour, il se pencha sur Rose et lui murmura avant de se lever :

« Allé Princesse Paillettes, on rentre. »

Il la souleva comme un Hercules soulèverait une plume. Rose avait toujours été légère entre ses bras, mais c’était la première fois qu’Edward sentait si distinctement son faible poids. Attentif à chaque parcelle de leur peau en contact, il ajusta au mieux son étreinte et remonta sa main dans son dos afin de la laisser reposer sa tête contre son épaule.
Applaudissements sur le balcon. Enthousiaste, Walter s’emporta même d’un sifflement qui lui valut un regard glaçant d’Alexandre. Le duo de spectateurs se leva et très poliment demanda à Madame Tallebot :

« Par où vont-il arriver ? Nous aimerions ne rien rater de ce qui va se passer. »

Amanda entrouvrit les lèvres, décontenancée et sans trop savoir pourquoi, leur indiqua la voie à suivre. Alexandre s’élança le premier en insultant le monde entier par principe, suivi par Henriette et Elisabeth, qui firent savoir aux infortunés gladiateurs qu’ils venaient à leur rencontre. Le balcon fut rapidement déserté.
Dans l’arène Silas s’avança par l’ouverture. La porte dérobée était plutôt une trappe qu’un mécanisme avait fait pivoter. Elle donnait sur des escaliers couverts de mousse luminescente leur donnant un aspect rond et douillet. Le trio descendit quelques marches et la trappe se referma, mais sans les plonger dans l’obscurité.
À mesure qu’ils avançaient, la quantité de végétation s’accentua, bientôt égaillée de champignons lumineux. Après l’enfer traversé, autant dire que l’endroit irradiait d’une féérie inespérée. Une dizaine de marches avalées et ils atteignirent un large et court corridor, qui donnait sur une arche dont l’entrée était obstruée par un rideau de feuilles violacées emmenant un faible éclat. Edward peinait à en croire ses yeux, mais ce n’était rien en comparaison à ce qui les attendait de l’autre côté.
Passés la végétation, ils atteignirent une salle ronde imprégnée d’une douce chaleur. Le loup blanc mit un instant à comprendre que cela venait de la source d’eau chaude qui se déversait dans un bassin creusé dans un quart de cercle. Ses pieds nus foulèrent la mousse lumineuse, tandis que son regard s’élevait naturellement vers le plafond. Sous les champignons multicolores, se détachaient des glyphes dont il ignorait la signification. Ils luisaient du même éclat bleuté que le pendentif que Rose, mais la magie revêtant souvent ces teintes là, il en fit peu cas.
Un sursaut. Une goutte chaude venait de tomber sur son visage. La chaleur lui fit du bien et plus encore, car il sentit sa douleur à l’arcade s’estomper. Si l’endroit devait accueillir des fuyards sauvés de l’arène, la présence de sorts de soins n’aurait pas dû l’étonner, pourtant cela lui parut presque trop beau pour être vrai. L’idée de s’arrêter le troubla, mais en reportant son attention sur Rose, il remarqua que ses bleus s’étaient volatilisés et sa respiration grandement améliorée.

« Monsieur White ? murmura Silas. Je pars devant, je vais ramener de l’aide. »

Edward acquiesça. Il ignorait si faisait bien de laisser filer leur trèfle à quatre feuilles, mais il serait assurément plus utile ailleurs. Silas parti, il entra avec précaution dans le bassin et s’assit sur ses marches en installant la contrebandière à ses côtés.
L’eau chaude lui fit un bien fou, l’assommant à moitié. Repliant ses jambes contre son buste, il laissa tomber son front entre ses genoux. Du coins de l’œil, entre ses cheveux encrassés de sueur et de sang, il observa Rose. Sans être certain qu’elle l’entendrait, il glissa doucement.

« Je n’ai jamais douté, tu sais. »

Il entoura ses jambes de ses bras et se mit à fixer les remous de l’eau contre sa peau, puis doucement, il ferma les yeux. Edward se sentait à la fois lourd et léger. Son corps lui semblait peser une tonne, mais libéré du qui-vive permanent dans lequel ce jeu stupide l’avait plongé, son esprit flottait.

« Mais la prochaine fois, c’est moi qui te protègerai. »

Un bâillement. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas été aussi épuisé. Même après l’Heure Pourpre, le sommeil l’avait à peine gagné. Mais il y avait cette eau si chaude et le contact de la peau de Rose contre la sienne qui l’apaisait. Ses pensées se firent vagabondes.
Toute cette histoire de fiançailles c’était juste pour s’amuser, pas vrai ? Aucun n’avait lâché, mais c’était une simple histoire de fierté. Peut-être aussi pour ne pas perdre la face devant Alexandre. Pourtant… Nom d’un chien, Rose avait été si forte. Est-ce que c’étaient ses parents ? Est-ce qu’elle aussi… Oh… Mais oui. Elle avait Aldrick.

Edward ne se sentit pas sombrer.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, il sut qu’il rêvait, même si c’était différent de ce dont il avait l’habitude. La salle n’avait pas changé, mais l’eau lui renvoyait un étrange reflet qu’il ne reconnut pas tout de suite. Épaules à peines musclées, corps longiligne sans cicatrices, cheveux plus courts et à la coupe douteuse, visage rond et un grand regard dépareillé.
Toujours lui, mais il avait rajeuni. Il ne devait pas avoir plus de…

« Douze ans. »

Edward sursauta. Debout en un bond, il remarqua que Rose n’était plus là. Volte-face en direction de la voix. Il se figea et arqua un sourcil, circonspect.

« Oui bon ! J’y peux rien ok ? Apparemment, dans sa psyché, les lapins sont des guides viables. »

La boule de poils blanche tapa du pied, visiblement agacée et pressée. Edward passa une main sur sa nuque, peinant à comprendre, ce qui arracha un soupir las à son interlocuteur aux grandes oreilles.

« J’ai besoin d’un coup de pouce. La gardienne avait besoin de repos, mais comment dire… Elle s’est un peu paumée.
Tu parles de Rose ?
Tu vois une autre gardienne ?
Eh, ça va hein. Je suis où là d’abord ?
Je viens de te le dire, dans sa psyché ! Dans sa tête quoi. C’est moi qui t’ai ramené. Enfin, pas moi, moi, plutôt lui, ou elle… Mais t’as pigé l’idée.
Euh… Ouais… Articula-t-il en supposant qu’il parlait de l’artefact. Mais pourquoi est-ce que…
T’as pas de poils au menton ? Je sais pas trop. Par manque d’énergie peut-être. Ou parce qu’elle te voit comme ça ! jeta le lapin en s’éloignant de quelques bonds.
Quoi ? »

Edward lui emboita vivement le pas. Il traversa la salle jusqu’à un passage qui n’était pas là à leur arrivée. Il donnait sur une petite galerie, au point que même en étant plus jeune, il dut se pencher pour ne pas se cogner. Laissant derrière eux la pièce lumineuse et sa mousse duveteuse, ils s’engagèrent dans un boyaux sombre et tortueux.
Toujours baigné d’incertitude, le loup blanc demanda :

« Et comment je suis censé l’aider ?
Il faut la ramener.
La ramener d’où ?
C’est ça le soucis. Je sais pas. »

Ils débouchèrent sur une plateforme située en hauteur. À leur pied, s’étendait un immense labyrinthe de ronces et de rosiers. Edward descendit les marches menant à son entrée et le lapin sur ses talons, il s’y engouffra sans hésiter.


H.R.P:


Dernière édition par Edward White le Jeu 16 Mar - 9:36, édité 1 fois
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Rose Walkson
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMer 15 Mar - 14:40

Rose se laissa transporter sans un mot, s’abandonnant complétement à son épuisement. La tête lovée dans l’épaule d’Edward, elle respirait son odeur, oublieuse du monde extérieur. La seule chose sur laquelle son cerveau voulait bien se concentrer était à quel point elle trouvait agréable d’être tenue ainsi par le loup blanc. Sa peau contre la sienne. La blonde se surpris à espérer qu’il ne la lâcherait jamais.

Elle ne reprit un peu ses esprits que lorsqu’elle sentit la caresse chaude de l’eau contre son corps meurtri. C’était agréable, apaisant. Comme si sa chair guérissait lentement. Il lui sembla vaguement entendre Edward lui parler. Edward… Instinctivement, sa peau chercha la sienne et elle se rapprocha dans un état second, se blottissant contre lui. Elle se sentait si fatiguée… Elle pourrait dormir un peu non ? Elle l’avait mérité. Mais avant, elle voulait dire à Edward que…

Rose perdit connaissance.



****


- « Hop, hop, hop ! Vous comptez aller où comme ça ? »

Assise sur le dossier d’un banc, la jupe relevée au-dessus de ses genoux écorchés, une fillette blonde les arrêta. Elle s’amusait à arracher les pétales d’une rose rouge qu’elle laissait tomber  à ses pieds une par une. Ses grands yeux bleus s’arrachèrent à son jeu et elle détailla Edward de haut en bas, sans gêne aucune. Il ne fallait pas être bien vif d’esprit pour s’apercevoir que la gamine n’était autre que Rose avec une dizaine d’années en moins. Elle avait le même sourire fier auquel il manquait à ce moment-là une incisive. Les mêmes cheveux blonds décoiffés, indisciplinés dans lesquels des nœuds se formaient sans cesse. La même manière de se tenir bien droite avec assurance, malgré son corps gracile. Mais ses vêtements étaient différents. Ils étaient troués, déchirés, froissés, comme si aucun adulte n’en avait pris soin. Comme si elle devait se débrouiller seule.

La gamine sauta de son perchoir, s’avançant vers le loup blanc d’un pas assuré, une grimace effrontée illuminant ses traits :

- « Z’êtes comme ça parce que j’aime pas qu’on m’regarde de haut. Au moins là, z’êtes à ma hauteur. C’toi l’prince ?  Tu paies pas d’mine. Eh, m’lance pas c’regard, c’toi qui lui a dit qu’elle était une princesse t’à l’heure ! Assume un peu c’que tu dis ! »

La fillette s’exprimait avec un fort accent anglais, et son élocution trahissait sa basse extraction sociale. Elle contourna le lycanthrope, sautillante, pour se pencher vers le lapin. Avant qu’il n’ait eu l’occasion de fuir, elle l’attrapa par la peau du cou, et souleva la boule de poils au niveau de de ses prunelles, suspicieuse :

- « C’toi qui envahi mon domaine tous les quat’ matins. Vas-y doucement sur la magie boule de poils. Puis reste en dehors d’sa tête hein. »
- « Tu es… »
- « Ouais, une partie inconsciente d’elle. J’garde les mauvais souvenirs. Les trucs pas sympas. J’fais l’ménage. J’suis un mélange d’son esprit, d’souvenirs, puis d’la magie d’ce lieu. ‘Fin bref. Ici, c’est chez moi. J’suppose que vous voulez aller jusqu’à elle. Elle avait besoin d’repos. J’vais vous guider, j’ai pas trop envie d’vous laisser vagabonder pas supervisés dans not’ tête. M’perdez pas d’vue, j’ralentirais pas pour vous. »

Lâchant le petit mammifère sans délicatesse, elle leur fit signe de la suivre. Marchant d’un bon pas, elle les entraina profondément dans le labyrinthe. Le pauvre lapin devait presque courir pour se caler sur sa foulée. Les boucles blondes de la petite Rose tressautaient au rythme de ses pas.

- « Bon. Puisque j’dois vous baby-sitter, j’me disais que j’allais un peu discuter avec l’prince. Vu qu’t’as assisté à la scène, j’vais être honnête avec toi. C’qui s’est passé, c’était son pire cauchemar. Genre, nos parents c’est pire que tout. Attends, attends, j’vais te montrer… T’vois ça sur mes bras ? Brulures de cigarettes. Papa trouvait ça drôle quand il était rond. Pis cette cicatrice là, sur mon front, sous la frange ? C’Maman. Elle m’a poussé contre le coin d’la table parce que j’avais sali ma jupe. Oh, attends, j’ai l’meilleur, j’te montre. Tu vois ce W juste avant la pliure d’mon bras ? Les gens pensent que c’est pour Walkson. Eh ! Ben c’est pour whore. T’sais c’que ça veut dire p’tit prince ? Pute. Salope. Gravé au couteau dans ma chair. Merci Papa. J’te montre même pas l’état d’mon dos. »

Elle tourna à droite dans le labyrinthe. Son bras tendu laissait ses doigts caresser le mur de ronces et d’épines qu’ils longeaient, comme si elle n’avait pas peur de se blesser. Une branche accrocha son doigt, faisant perler une goute carmin. La blonde n’y prêta pas attention, continuant son monologue. Elle ne semblait pas soucieuse d’obtenir une réponse de son homologue, ni même de savoir si il l’écoutait :

- « J’vais t’révéler un truc qu’elle a jamais dit à l’autre t’sais quoi. Celui avec les yeux dorés. Parce qu’elle a eu peur d’sa réaction. Elle lui a jamais dit, parce que c’est m’sieur parfait. Il a une famille. Un job respectable. Beaucoup d’sens moral quoi qu’ça veuille dire. Elle a eu peur de l’décevoir. Parce que elle tu l’as vu ? ‘Fin tu nous as vu ? Déjà, on a survécu à tout ça, on a fait quelque chose avec not’ vie, alors la morale tu vois… Mais j’sens qu’tu l’aimes bien, et j’t’aime bien aussi, alors, j’vais te donner une chance. J’vais te révéler un truc que seul Alexandre sait. Papa et Maman, on les a tués. Couic. Bye-bye. »

La blonde s’arrêta et se retourna. Son doigt glissa sur sa gorge, mimant le passage d’un couteau.  Ses grands yeux attendaient la réaction qu’une telle révélation ne manquerai pas de faire naître sur le visage du lycanthrope. Elle finit par hausser les épaules en ajoutant :

- «  T’as pas idée de la terreur qu’ces deux nous ont causés. D’la souffrance. On était juste une gosse. On était casse-cou mais pas méchante pour deux sous. Ils nous ont jamais donné d’affection. Qu’les coups. J’vais pas tout t’raconter tu vas chialer. Puis c’trop long. Et j’ai pas à m’justifier. ‘Tout cas, quand on a eu le courage de l’faire, on l’a fait. On a tué le monstre. Mais ça nous a pas libérées tu vois. Ça nous hante toujours. C’Maman qui a pris pour nous. Pas volontairement hein. Ils l’ont pendue. On pensait qu’on irait mieux. Mais t’vois, pas vraiment. J’imagine qu’ça nous quittera jamais. D’être devenue un monstre. »

L’enfant reprit sa route d’un pas léger. Comme si elle ne venait pas de révéler ses plus sombres secrets. Comme si elle se doutait qu’Edward pouvait comprendre, ou au moins entendre ce qu’elle disait.

- « J’te dis ça parce qu’elle a l’air de tenir à toi. Beaucoup. Pour d’vrai. Tu vois c’que j’veux dire ? J’crois qu’elle sent qu’au fond, vous vous ressemblez un peu. Même si elle est plus solide que toi, l’prend pas mal. Les hommes, z’êtes des chochottes. Tu vois Alexandre ? La fois où on a été vraiment blessées au dos, ben il a chialé pendant des semaines. Il croit qu’on l’sait pas peuh ! Avec son énorme égo ! Pis à chaque fois c’est pareil. On s’fait mal, v’là pas qu’il chiale, qu’il perd son calme et qu’il menace le monde entier. »

Un sourire tendre éclaira les traits de la gamine. Elle avait énormément d’affection pour son frère adoptif. Elle écarta un rideau de rosiers grimpants qui pendaient du plafond, se faufilant dans l’ouverture.

Ils débouchèrent sur une grande clairière, au centre du labyrinthe. Au milieu, sur un autel de pierre, allongée dans une boite de verre, gisait Rose, dans son corps d’adulte. Les mains repliées sur son buste, habillée d’une longue robe blanche, elle semblait dormir paisiblement. Autour du cercueil de verre s’enroulaient de longues ronces, gardant jalousement le sommeil de la contrebandière.

La version enfantine de Rose avisa le roi des loups. Elle se balança d’avant en arrière sur ses talons.

- « V’là. Z’êtes arrivés »
- « Parfait, mais comment on la réveille ? »
- «  Ah, ça j’sais pas. C’est l’prince qui sait. »
- « Hein ? Tu parles d’Edward ? »
- « Ben ouais, qui d’autre ? »
- « Tu es au courant que c’est un loup garou ? Pas vraiment un prince ? »
- « Bah ? Pourquoi un loup pourrait pas être un prince ? C’est un peu discriminant c’que tu dis, lapinou. »

Le lapin n’eut pas l’air convaincu du tout. Il sautilla jusqu’au sarcophage de verre. La gamine reporta ses deux prunelles bleues dans celles du loup blanc. Vive et rapide, elle se rapprocha de lui, saisit son poignet pour avoir toute son attention.

- « Dernière chose. Parce que vous, les adultes, z’êtes vraiment bêtes. Vous avez envie de quelque chose et vous l’faites pas ? Vous adorez vous cacher derrière vos bonnes manières et votre politesse. J’sais pas t’es un loup non ? S’tu la veux, prends-la. T’as vu comment elle t’regarde ou pas ? T’es vraiment bouché j’crois. »

La petite Rose soupira, relâcha son vis-à-vis en levant les yeux au ciel.

- «  Bah. Z’avez même besoin d’vous cacher derrière de fausses fiançailles. Sérieusement ? M’en faites une bande de bras cassés. Courage fuyons hein. ‘Fin bref. Tu d’vrais lui dire c’que tu penses. Mais qu’est c’que j’en sais moi hein ? J’suis qu’une gamine même pas réelle. »

Elle haussa les épaules dans une moue résignée.

- « J’vous laisse la réveiller. Vous devriez r’prendre vot’ véritable apparence quand j’serais plus là. À plus lapinou. See you l’prince. »

Et en un battement de cils, elle s’était évaporée, laissant le roi des loups et son adorable comparse seuls avec la contrebandière endormie.
Spoiler:
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeSam 18 Mar - 10:29

À mesure qu’ils avançaient guidés par la petite Rose, Edward découvrit l’enfer de son passé. Il aurait aimé réagir de façon normale à ces révélations, être peiné, horrifié, que la compassion le submerge à l’écoute de toutes les épreuves traversées par la demoiselle, mais non. À chaque pas, chaque mot, une colère sourde l’envahissait un peu plus. Il était dégouté, amer, le cœur broyé par une injustice qu’il fut heureux de savoir corrigée. Ils étaient mort et c’était tout ce qu’ils méritaient.
À plusieurs reprises, il eut envie de lui hurler qu’il savait. Ces sentiments-là, ils les connaissaient sur le bout des doigts. La peur et ce soulagement qui ne vient pas, qui ne viendra jamais. Quand elle lui fit une fleur en lui épargnant certains détails afin d’éviter qu’il se mette à chouiner, il crut qu’il allait exploser d’un rire glacé. Il n’avait pas besoin de verser une larme pour accepter que Rose avait fait ce qu’il fallait. Si elle était devenue un monstre, c’était parce qu’on l’y avait forcée.

Au terme d’un long cheminement, ils aboutirent à ce qui semblait être le centre du labyrinthe. L’enfant les convia derrière un rideau de fleurs où reposait le corps adulte de Rose abritée dans un tombeau de verre. Elle ne se priva pas d’une ou deux leçons supplémentaires, rappelant à Edward le rôle qui lui incombait avant de se volatiliser.
Le loup blanc soupira. Il n’était vraiment pas fait pour ça. Son regard parcourut la prison de la belle endormie. Il avait retrouvé son apparence d’adulte, mais n’en était gère plus avancé. Il se tourna vers le lapin qui lui, n’avait pas pas changé :

« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »

La boule de poils l’observa d’un air d’abord circonspect, puis plein de dépit. Posant sa pattoune sur son petit nez, il secoua la tête, se demandant sincèrement s’il avait opté pour la bonne personne.

« À ton avis ? Prince charmant, princesse endormie ? Ça percute là haut ?
Un baiser d’un amour véritable ? grimaça Edward.
Bingo Casanova !
Alors on va avoir un soucis. »

Debout sur le capot de verre, la peluche se figea. Elle dressa les oreilles et tourna le tête vers Edward, les moustaches toute hérissées d’inquiétude. Il avait peur de comprendre.

« Tu l’aimes pas ?
Si ! Enfin… Non. J’en sais rien !
Tu me fous mal au crâne, tu le sais ça ?
C’est pas aussi simple que ça.
Tu lui plais, elle te plait, elle est où le difficulté ?
Ça s’est mal terminé avec la dernière humaine que j’ai aimé ! Ok ?
Tu l’as dévorée ?! S’étrangla le lapin en plaquant ses pattes de chaque côté de son museau.
Quoi ?! Mais non ! Pourquoi j’aurais fait ça !
Ok, ok. Désolé. La petite a raison, je fais peut-être un peu de discrimination.
Elle m’a jeté.
Oh.
Après que je lui ai demandé de partager ma vie.
Moche, admit la boule de poils, qui prit environ trois secondes pour se recueillir sur le cœur brisé d’Edward. Mais raison de plus pour retenter, allé ! »

Il tapota la vitre de la patte, encourageant vivement son interlocuteur à laisser de côté ses mauvais souvenirs pour se concentrer sur la sublime créature qui attendait qu’on l’arrache à son sommeil.
Une main moite étreignant sa nuque raide, Edward fixa Rose non sans le faible espoir qu’elle se tire seule des bras de Morphée. Il avait presque du mal à la reconnaitre dans cette belle robe blanche, attendant sagement d’être sauvée. Elle qui avait commis le pire pour avoir le droit de vivre sa vie, il lui paraissait absurde qu’elle ait besoin d’un autre pour continuer d’exister. Pourtant la jeune femme ne bougea pas. Seule sa poitrine se soulevait faiblement au rythme de ses respirations, tandis que les yeux clos, sa bouche légèrement entrouverte appelait à un baiser.
Le lapin s’impatienta :

« Bon, mon grand, on a pas toute la nuit.
Je ne suis pas sûr que…
Que quoi ? Tu bouges ton corps d’Adonis, ouvres ce cercueil et tu l’embrasses ! Vous verrez après pour les formalités. C’est toi le prince charmant, alors sois un homme et sauve la. »

À ces mots, Edward tiqua. Un homme ? Il fronça les sourcils, la mine dégoutée, regarda ses mains, puis Rose et sentit son cœur bondir dans sa poitrine en comprenant enfin ce qu’il pouvait faire pour l’aider. La petite l’avait pourtant averti. Il retrouverait sa véritable apparence une fois qu’elle serait partie. Instant de vérité.
Sans craindre les écorchures, Edward arracha une poignée de ronces, une autre et encore. D’abord enthousiaste, le lapin s’alarma lorsque le cercueil se fissura après un grand coup d’épaule.

« Woh ! Vas y molo Don Juan !
T’avais raison boule de poils.
C’est sympa de l’admettre, mais- hé ! Tu peux pas être plus délicat ?
Je ne suis pas un prince charmant.
Exac… Attends, quoi ?
Et Rose le sait très bien.
C-Comment ça ? »

Un nouveau choc et le couvercle bascula. Le lapin sauta à temps et retomba sur le matelas aux côtés de l’endormie. La jeune femme n’ouvrit pas l’œil malgré la soudaineté du fracas. Edward s’assit près d’elle, prit sa main dans la sienne, scruta avec espoir les signes d’un réveil, mais rien. Caressant sa joue, il murmura :

« Si elle veut être la belle, alors je serai la bête. »

Il sentit son corps se réchauffer. C’était une chaleur douce, réconfortante, de ces fièvres qui vous embrasent lorsque vous vivez un instant parfait. Un délice. Les cheveux d’Edward blanchirent. Ses ongles commencèrent à s’allonger, lui laissant tout juste le temps de soulever Rose qu’il hissa sur son dos. Avant que la parole ne lui soit ôtée, il put lui murmurer de s’accrocher et une poignée de seconde plus tard, la contrebandière dormait sur le dos d’un immense loup blanc.
Le lapin sentit un petit frisson glacé glisser de son échine jusqu’à sa queue en pompon, mais l’énorme canidé lui fit un signe dépourvu de bestialité qui le décida à sauter sur son dos. Il se débrouilla pour s’assurer que Rose ne tombe pas, avant de sursauter en remarquant que les ronces gagnaient petit à petit du terrain.

« Je savais bien que ce ne serait pas si simple que ça ! »

Mais il faudrait plus que quelques épines pour freiner la puissance du roi des loups-garous. Edward s’élança. Il franchit de rideau de roses et gagna l’allée d’une foulée monstrueusement animale. Aucun problème pour se diriger, il suivait la piste qu’ils avaient laissé. Droite d’abord, puis gauche. Mais  à mesurer qu’ils avançaient, le labyrinthe s’animait d’une vie propre et cherchait à les empêcher de progresser. Le loup blanc accéléra, voyant que leur prochain passage se refermer et dérapant in-extrémis, il parvint à passer au travers envoyant voler une poignée de roses écarlates.

« Aïeuh ! Pesta le lapin. Hé ! Tes passagers n’ont pas ton cuir mon gars. »

Vrai. Ils devaient trouver une autre voie. Tandis qu’il progressait au pas de course, Edward nota la présence d’une statue au fond de l’allée et derrière, un petit carrousel arrêté. Un peu d’escalade les hisseraient sans mal sur son toit. Il accéléra.
La sculpture représentait Aldrick dans une version qu’il trouva largement idéalisée. De un, son homologue n’était pas aussi musclé, de deux, c’était quoi cette pause de Monsieur parfait ? Un bond. Edward planta ses griffes dans le buste du commissaire, referma sa gueule sur son épaule et s’aidant de ses pattes antérieures, il parvint à gagner le mètre qui lui manquait pour sauter sur le toit du manège. Dans son élan, sa poussée phénoménale fit basculer Aldrick, qui en perdit la tête. Oups.
Du chapiteau du carrousel, Edward put rejoindre un muret qui courrait sur plusieurs mètres entre les ronces. Tout en veillant à garder l’équilibre, il avança aussi vite qu’il le put, sautant parfois au-dessus des bosquets d’aubépines qui envahissait les lieux. Ils arrivèrent sur un chemin pavé, qui s’avéra être un pont typique de Londres. Ils en parcoururent la moitié avant que la structure ne se mette à violemment trembler. Autour d’eux, la Tamise devenue fleuve de ronces acérée, s’agitaient en d’immenses vagues venant lécher et griffer les piliers du pont.
Edward chercha à avancer, mais un grondement sourd l’obligea à s’arrêter. Sur ses gardes, grondant face au danger, il montra les crocs lorsqu’un entremêlement de ronces, de lianes et rosiers rampa jusqu’au parapet. Ce sac de nœuds mouvant se mit à gonfler. Il se déforma, s’étira, se rétracta, dans un bruit de branches cassés, jusqu’à prendre la forme distinctive d’une main. Une main énorme, qui s’abattit sur le pont dont elle broya le mur et fissura le tablier.

Alors l’onde furieuse gronda et une violente bourrasque leur porta une voix désincarnée.

R̸̛̭͔ǫ̸͔̈́͆o̴͍̭̍̔ö̴͍̦͘o̶̧͗̂͜ȯ̶̪ȏ̸̬̅ͅs̶͙̜̅e̸̱̒

Le lapin baissa les oreilles, terrifié. Blottit contre le corps endormit de Rose, il couina :

« Je savais qu’on aurait dû la réveiller ! »



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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeSam 18 Mar - 22:16

Spoiler:

- «  Eh ! Non mais surtout vous gênez pas ! Détruisez tout ! »

À l’autre bout du pont se tenait Rose. Enfin, une autre version d’elle-même. Adolescente. Une quinzaine d’années à peu près. Les bras croisés sur son torse, une cigarette allumée à la bouche, elle observait les fuyards d’un air mécontent. D’un pas décidé, elle s’avança sur la structure, son pantalon d’homme et sa large veste lui donnant l’air étonnamment petite et frêle face au monstre végétal qui se dressait face à eux. Pourtant, un geste de sa main suffit à le calmer, et celui-ci reprit sagement sa place dans le lit de la tamise. Lorsqu’elle fût devant le petit groupe,  la main de la blonde se saisit sans délicatesse la gueule du loup blanc, l’enserrant entre ses doigts pour la maintenir fermée.

- « La petite t’a pas dit ce qu’on attendait de toi ? Inutile d’essayer de chercher à te dégager Wolf-boy, c’est mon domaine. »

Un soupir agacé. Elle écrasa sa cigarette sous le talon de sa botte.

- « Rose ! » appela-t-elle d’un ton exaspéré.
- « Yup ? »

Derrière elle, la gamine s’était matérialisée. Elle souriait de toutes ses dents. En apercevant le loup blanc, ses grands yeux s’écarquillèrent et se mirent à pétiller.

- « So fluffy ! »

Sans hésiter, la petite se rua sur l’animal et enfoui son visage dans la fourrure blanche de son cou. Elle poussa même l’effronterie jusqu’à lui gratouiller l’arrière des oreilles.

- « Can we keep him ? Pleaaaase ? »

La Rose adolescente leva les yeux au ciel et relâcha son prisonnier. Elle avisa le lapin qui semblait être le seul interlocuteur raisonnable, conscient, et doté de la parole :

- « Qu’est-ce que vous foutiez ? »
- « C’est sa faute ! C’est lui qui a pas pu l’embrasser et qui l’a enlevé ! Il a dit que puisqu’elle était « la belle » il serait la bête. »  
- « Eh ?! Nous ? La belle ? Rose, mais qu’est-ce que tu lui as raconté ?  »
- «  Mais rien ! La vérité ! »

L’adolescente enfonça ses mains dans les larges poches de son manteau. Haussant un sourcil, elle s’adressa au loup auquel était toujours accroché la plus jeune version de la contrebandière :

- « La bête unh ? Tu te prendrais pas un peu trop au sérieux ? Des comme toi j’en mange tous les jours au p’tit dej ! »
- «  Ah bon, on mange des z’hommes loups au p’tit dej ? »
- «  Ouais, tous les matins. »

La gamine lâcha le loup et regarda son aînée d’un air circonspect. Le lapin sauta du dos du canidé pour s’avancer vers les deux filles, son petit nez s’agitant nerveusement.

- «  Il a dit qu’il n’était pas un prince charmant. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Comment on la réveille ? »
- « No shit Sherlock. Rose est trop stupide pour remarquer qu’il a rien d’un prince. Non mais je vous jure les garçons sont d’une bêtise qui m’étonne de plus en plus chaque jour. »
- «  Prince, c’tait pas à prendre au sens littéral ! »

Les deux filles toisèrent le loup blanc comme si il était le dernier des imbéciles.

- « T’es pas le couteau le plus aiguisé du tiroir hein ? »

S’avançant, elle agrippa le corps de sa version adulte par les aisselles et l’enleva du dos de sa monture, l’adossant sans douceur au parapet du pont. Une grimace étira ses traits en découvrant la robe blanche. Beurk.

- « Bon. Récapitulons… »
- « Il ne l’aime pas ! » La coupa le lapin  : « Il s’est fait jeter par une autre humaine, et il a la trouille »
- « Sympa. On est une humaine parmi tant d’autres Wolf-boy ? » Elle fit la moue, fronçant les sourcils dans une colère contenue : « Tu fais pas la différence ? On a vraiment des gouts douteux en matière de mecs. »
- « T’lui a promis qu’tu la protégerais ! »
- « C’est vrai ça ! » Renchéri le petit mammifère en sautant dans les bras de l’enfant, au cas où le loup blanc aurait une soudaine envie de viande fraîche en représailles.

Le visage de l’adolescente s’assombrit à cette révélation. Le ciel déjà gris se voila d’autant plus et le tonnerre se mit à gronder. Lorsqu’elle s’adressa au lycanthrope, la colère avait rendu sa voix rauque :

- « Laisse-moi te demander un truc Wolf-boy. Combien de fois elle t’a protégé ?  Hein, dis-moi ?! Tu crois qu’on met notre vie en danger pour le premier péquenaud venu ? Tu lui as dit que tu la protégerais mais tu es incapable de montrer un peu de courage pour surmonter ta peur de te faire jeter ? »

D’un mouvement vif elle bondit sur le loup blanc, l’immobilisant au sol de ses bras fins, le surplombant de toute sa hauteur. Anticipant toute débâcle, elle aboya :

- « J’t’ai dit que ça servait à rien de lutter ici, c’est moi le chef ! »

Un grondement guttural presque animal s’échappa de sa gorge. Ses pupilles dilatées scrutaient celles du loup blanc. La petite les regardait calmement, retenant fermement le lapin pour l’empêcher d’intervenir.

- «  Tu crois que parce que tu es un loup-garou tu es le seul à avoir une bête en toi ? Tu es le seul à être un monstre ? À être en colère ? À avoir peur d’être rejeté ?  Tu crois qu’on ne peut pas comprendre c’est ça ?! »

Un éclair déchira le ciel dans un fracas assourdissant. La silhouette de l’adolescente se découpa nettement dans la lumière vive. Mais son ombre… Son ombre n’était pas humaine. C’était celle d’un loup à la gueule grimaçante. Prêt à dévorer quiconque s’approcherait trop près.

- « Elle t’acceptes comme tu es pauvre abruti ! Et à cause d’une… J’sais pas ce qui me retiens de … Je devrais te faire bouffer tes dents ! Même si tu gardais cette forme, même si tu lui révélais tes plus sombres secrets… Et toi ?! TOI ?! TU OSES … ! Elle… Elle t’… »

Elle n’acheva pas sa diatribe hachée, étranglée par sa propre fureur.
Si la petite Rose était caractérisée par son audace et son impertinence, celle-ci l’était par sa rage brulante, dévorante.

Elle hurla de frustration. Son poing heurta le pavé à côté de la tête du lycanthrope et craqua dans un bruit d’os brisés. Le sang goutta lentement de sa main blessée. L’adolescente se releva, libérant sa proie. Des larmes de fureur coulaient sur ses joues sales, laissant une trainée plus claire le long de son visage. D’un geste brusque, elle rejeta une mèche de cheveux qui lui tombait dans les yeux, tournant ses prunelles brulantes vers la petite.

- « Allez viens gamine, faut tout faire soi-même. »

La petite blonde hésita, serra le lapin plus encore contre sa poitrine.

- « Mais il l’aime. J’le sens. L’a juste peur. »
- « Pas assez pour mettre en danger son propre petit confort. Comme l’autre. »

La petite haussa les épaules, pas forcément convaincue, mais elle relâcha la petite boule de poils. Elle saisit la main que son aînée lui tendait et toutes deux s’avancèrent vers le corps de la contrebandière. Elle gisait dans sa robe à présent salie par la boue et la pluie, déchirée par les ronces. Dans ses cheveux se dressaient une ou deux feuilles de rosier, échouées là durant leur cavalcade. L’adolescente essuya ses larmes rageusement et lâcha la main de la benjamine, s’accroupissant à côté de l’endormie.

- « On a trop fait confiance aux gens.»
- «  J’suis pas d’accord ! On a b’soin des autres ! »
- « C’est parce que t’es encore trop naïve. »
- « Rose, elle fait confiance au loup ! »
- « Et regarde où elle en est. »

La petite se renfrogna. Elle n’était pas d’accord avec elle, mais ça ne servait à rien de discuter, elle le savait. La grande toisa sa cadette et lui fit signe de se tenir prête.

- « À trois d’accord ? À notre manière. Un… deux… trois !  »

Les deux filles giflèrent chacune une joue de leur aînée avec force. Le lapin poussa un petit cri horrifié. Pourtant, la contrebandière se mit à bouger avec le grognement de la personne réveillée trop brusquement d’une sieste confortable. Les deux versions de Rose se tournèrent vers les deux intrus, un sourire fier rivé à leurs minois. Elles commencèrent à s’effacer à mesure que Rose s’agitait. En guise d’au revoir, l’adolescente leva deux majeurs en direction d’Edward et la petite fit un petit geste de la main. Elles finirent par s’évaporer complètement.

Adossée contre le parapet du pont, Rose ouvrit les paupières. Ses yeux détaillèrent rapidement son entourage et finirent par rencontrer ceux du loup blanc. A son grand étonnement, elle savait de qui il s’agissait sans même avoir besoin d’y penser. Elle se redressa, s’avança vers la bête en face d’elle, s’abaissant à sa hauteur.

Sa main se posa sans crainte sur l’énorme l’animal et elle enfouit sa tête dans sa fourrure blanche. Elle inspira une fois, deux fois et se recula de quelques centimètres, ses prunelles cherchant celles d’Edward. Son esprit embrumé se fit soudain plein de clarté. Elle n’avait pas besoin d’être sauvée. Elle n’avait pas besoin de prince charmant. Elle n’était pas une princesse, ni même la belle. Non. Elle était Rose. Et elle était en train de tomber amoureuse de la bête devant elle.
D’une voix chaude, elle répéta pour la seconde fois de la soirée :

- « Je ne regarde que toi. »

Ses lèvres se posèrent doucement sur la gueule du loup. Le lapin eu juste le temps de maugréer :

- « Sérieusement ? »

Et ce fut le noir.

Rose se réveilla en sursaut dans le bassin d’eau chaude. Toujours adossée contre l’épaule d’Edward elle haletait, comme si elle avait retenu sa respiration trop longtemps. La main sur son cœur affolé, elle mit un moment avant de se rendre compte que ce qui roulait le long de son menton n’était pas de l’eau du bassin, mais bien des larmes. Les siennes. Elle cligna des yeux, tentant de les sécher d’un revers de main, mais la source ne semblait pas vouloir tarir. Un air de pure détresse s’était imprimé sur son visage alors qu’elle se tournait vers son partenaire. Qu'avait-elle fait ? Pourquoi son corps réagissait t’il comme ça ? Elle réussit péniblement à émettre un son, reflet du tumulte de son âme et de son incompréhension :

- « Uh ? »

Spoiler:
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMar 21 Mar - 18:07

Edward se réveilla un peu avant elle. Un réveil pénible et décevant. L’eau du bassin lui renvoya l’image claire de son visage humain. Il referma les yeux avec l’espoir idiot de pouvoir, un instant seulement, goûter au plaisir d’être un loup.
Mais les paupières closes, son doux désir fut aussitôt balayé par les voix des deux autres Rose. Il se rappelait distinctement des mains de la petite dans sa fourrure, et ses doigts qui gargouillaient son oreille. Le temps avait passé sans qu’il se soit rendu compte à quel point cela lui manquait d’être étreint sous cette forme qu’il jugeait sienne. L’autre s’était montrée plus enragée qu’une louve, crachant ses vérités, sans toutefois parvenir suffisamment à meurtrir le lycanthrope pour qu’à bout, il baisse  enfin sa garde.
Rose ressemblait trop à cet amour jamais totalement oublié pour qu’il ait l’âme en paix en acceptant des sentiments qu’il n’était même plus capable d’identifier clairement. Edward aimait son amitié avec la contrebandière. Il aimait la retrouver, l’entrainer, la défier, la charrier. Il aimait cette moue fâchée qu’il lui arrivait de prendre lorsqu’elle buttait sur un obstacle, et trouvait superbe l’acharnement dont il était capable. Il appréciait ces brefs instants de quiétude que de trop rares soirées leur accordait, tout autant que cette sensation de s’évader un temps à ses côtés. Il pouvait oublier le cabaret, cette couronne qui l’assommait, ce passé qui le hantait.
Avait-il vraiment peur d’être rejeté ? Non. C’était une chose à laquelle il était habituée et qui, à force, lui semblait même plus naturelle que d’être aimé. Mais il avait peur de tout détruire. Encore. Rien de ce qui l’entourait de trop près ne semblant destiné à demeurer intact très longtemps.

Elle bougea à ses côtés. Edward se redressa et délicatement, passa sa main dans son dos et l’approcha de sa taille par crainte qu’elle ne s’effondre. Mais la source devait l’avoir suffisamment requinquée, car elle demeura parfaitement stable. Sans un mot, il la regarda doucement émerger, vit les grosses larmes couler sur ses joues et attendit un peu sans se manifester, jusqu’à ce qu’elle tourne vers lui un minois plein de détresse.
Le loup blanc posa une main sur sa joue, essuya le ruisseau cristallin qui inondait sa peau, puis il lui glissa doucement :

« Ça va ? Tu t’es effondrée de fatigue. »

Il ignorait ce dont elle se souvenait, mais sa mine lui laissa supposer que tout ce qui venait de se passer lui paraissait bien flou. Il l’aiguilla, sans trop en dire, pour qu’elle sache qu’il n’ignorait plus rien de cette part sombre de son passé.

« Tu t’es beaucoup agitée dans ton sommeil. Tu as parlé de tes parents et de ce qui leur était arrivé. »

Edward la regarda droit dans les yeux. On n’y lisait aucune pitié, aucun dégoût, seulement une implacable compréhension. Le loup blanc aurait été bien en mal de se confier, et ce n’était, de toute façon, pas le moment, pour ça. Mais à son air désemparé, il était clair que tous deux partageaient le poids terrible des enfants maltraités.
Un geste tendre. Ses grands bras l’attirèrent contre lui, avec un peu trop d’empressement peut-être car sa petite silhouette parut disparaitre dans la sienne.

« Woh ! Bas les pattes, sale cabot ! Vous n’êtes pas encore mariés à ce que je sache ! »

L’étreinte d’Edward se desserra, mais il ne relâcha pas Rose pour autant. Désabusé, il leva la truffe en direction d’Alexandre qui venait de débouler dans la salle, soufflant comme un bœuf. Il avait dû cavaler pour être sûr que rien n’arrive à sa sœur adorée et se reposait à présent de tout son poids contre le mur afin de chaperonner « le jeune couple ».

« De toute façon, on avait terminé, » lâcha Edward en relâchant Rose.

Alexandre émit un « bloody hell » étranglé. Ses joues rougirent et le loup blanc trouva très amusant de voir l’embarras et la colère se disputer les expressions de sa figure. La dernière sembla l’emporter, mais l’arrivée de Silas coupa sa diatribe moralisatrice. Sa main dans celle d’Elizabeth, elle-même suivie de très près par Henriette, le trio déboucha dans la pièce équipé de presque tout un cabinet médical. Henriette s’élança directement vers Rose, nécessaire de soin en main. Elle se jeta à genoux près d’elle, attrapant son visage entre ses mains pour s’improviser infirmière très impliquée. S’il avait fallu lancer sur le champs une opération à cœur ouvert, nul doute qu’elle l’aurait fait.

« Rose chérie, est-ce que tout va bien ? Vous avez été si impressionnante ! Grand dieu, j’en frémi encore ! Mais vous voir si épuisée, m’a tourné les nerfs ! Vite, montrez-moi ! Où avez-vous mal ? »

Elle ouvrit sa trousse, sortit un bandage, du coton, agrippa le poignet de Rose, mais se figea en n’y trouvant plus aucun bleu, ni blessure. À la fois, enchantée et extrêmement déçue de ne pouvoir prodiguer les premiers soins à sa nouvelle amie, elle glissa : 

« Eh bien, quel soulagement ! Mais êtes vous sûre qu’il ne vous reste pas un petit bobo qu’il faudrait soigner ?
Très chère Henriette, vous ne changerez jamais, s’amusa tendrement Elizabeth. »

Elle s’était avancée, Silas près d’elle. Tous deux effectuèrent une révérence appuyée, puis très émue, la demoiselle balbutia en retenant au mieux ses larmes :

« Je ne saurais assez vous remercier pour avoir sauvé Silas.
Nous étions là pour ça, rassura Edward, gêné de temps d’effusion. Et puis, Silas n’a pas démérité.
J-j’espère, poursuivit la demoiselle en essuyant des yeux rougis. J’espère que vous compterez sur nous si l’un de vous à besoin de quoi que ce soit à l’avenir. »

Edward coula un regard interrogatif à Rose, mais Alexandre jugea bon de se manifester :

« À ce propos, à combien est-ce que vous évaluez l…
Vous on ne vous a pas sonné, coupa Silas. Avant de nous aider, vous avez essayé de nous tuer. »

Le chasseur se renfrogna, grommelant qu’il préférait quand ce petit saligaud jouait des castagnettes avec ses genoux. Il resta à l’écart lorsqu’Elizabeth s’approcha à son tour, tendant aux deux héros du jour deux épaisses couvertures bien chaudes.
Edward la remercia et se leva. Il glissa l’étoffe sur ses épaules, sans qu’elle ne couvre grand chose de sa haute silhouette, mais il appréciait le geste. Les demoiselles furent au petit soin pour Rose, dont elle s’assurèrent de la parfaite santé avant d’inviter tout le monde à rejoindre le manoir.

« Maman est en train de vous préparer un remontant, expliqua Henriette, un peu embarrassée. Sans valériane cette fois.
Nous faut-il vraiment y aller ? Questionna Edward, pas certain de pouvoir garder son calme, même après l’intervention de Madame Tallebot.
Vous n’êtes pas obligés, confia sa fille aînée. Mais, je crois qu’elle aimerait vous expliquer comment elle s’est retrouvée pieds et poings liés par Madame de Vermandois. Et aussi…
Et aussi ?
Elle voudrait vous parler de l’autre. »

Edward frissonna.

« L’autre ?
Oui, murmura Henriette. Je n’ai pas tout compris, mais je crois que Madame de Vermandois n’était pas la tête pensante de tout ça. »

Le loup blanc s’arrêta. Il aurait dû s’en douter, pourtant l’information lui mit un petit coup au cœur. La fatigue sans doute. Après toutes ces épreuves traversées, songer qu’il existait un niveau supérieur à cet enfer avait tendance à l’inquiéter et… peut-être un peu à l’exciter.

« Alors, vous venez ? » Demanda Henriette.

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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeJeu 23 Mar - 8:47

Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait.

C’était tout qui résonnait dans sa tête alors qu’Edward l’étreignait, insensible à la chaleur de ce corps contre le sien.

Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait.

C’était tout ce qui se répercutait comme un écho dans son esprit alors qu’Henriette la soignait, qu’Elizabeth et Silas les remerciaient, hermétique aux effusions extérieures, répondant par réflexe.

Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait. Il sait.

C’était tout ce qu’elle était capable de penser lorsqu’Henriette demanda :

- «  Alors, vous venez ? »

D’un geste mécanique, complétement hors de son corps, elle resserra la couverture autour d’elle. Mais cela ne lui apporta aucun réconfort.

Rose avait envie de rentrer chez elle, d’oublier le regard de ces morts qui la hantaient. Elle avait envie de hurler, de frapper, d’entendre le bruit des choses qui se brisent. Elle avait envie de pleurer encore, qu’on la berce doucement comme une enfant, en lui caressant les cheveux jusqu’à ce qu’elle soit emportée par la fatigue.

Pourtant elle acquiesça calmement, d’un ton tellement posé qu’il semblait ne pas lui appartenir :

- « Nous vous suivons. »

Égoïstement, alors qu’Henriette ouvrait la marche, les entrainant vers le manoir, elle pensa à Aldrick. Bien qu’il lui ait menti, qu’il l’ait abandonné tout ce temps, elle avait envie, là, tout de suite, qu’il soit présent. Qu’avec son air de Monsieur Parfait, il lui dise que tout allait bien se passer, qu’il la regarde comme il le faisait parfois, comme si elle était précieuse, comme si elle comptait. Comme si elle était quelqu’un d’autre.

Rose attendit qu’Edward s’éloigne avec le reste du groupe pour glisser à son frère d’une voix blanche :

- « Il sait. »

Elle ne savait pas exactement ce qu’elle avait dit. Mais avec ce qu’il avait pu voir dans l’arène, ce que tout le monde avait pu voir, il avait dû comprendre. Pourtant, il l’avait étreint. Pourquoi l’avait-il regardée comme cela si il savait. Malgré tout, il lui avait montré de l’affection. C’était la signification de ce geste non ? Pourquoi ?

Machinalement, son ongle s’était mis à gratter le creux de son coude, laissant des traces rouges sur sa peau pâle. La main de son frère se posa sur la sienne avec délicatesse pour empêcher ce geste parasite.  

- « Calme-toi. Ça n’a pas eu l’air de le perturber. » Une pause. Un regard interrogatif. « Tu veux que je m’en charge ? »
- « Non. »
- «  Rappelle-toi ce que je t’ai dit. »

La colère vaut mieux que la peur. Canalise tes autres émotions. Celle-ci te gardera en vie. Si les autres ont peur de toi, ils te laisseront en paix. Mieux vaut inspirer l’effroi que l’amour. Ne les laisse pas te toucher. Reste en vie. À tout prix.

Ils arrivèrent à la petite bibliothèque où Madame Tallebot les avait convoqués avant le début de ce terrible jeu. Henriette poussa la porte et les invita à entrer. À l’intérieur les attendait la maîtresse de maison, des verres de brandy posés à sa droite. Devant elle, une pile de lettres. Silas et Elizabeth entrèrent en premier, toujours main dans la main. Alexandre fit signe à Edward de passer, puis il lui emboita le pas, se plaçant entre le lycanthrope et sa sœur. Rose entra en dernier, alors qu’Henriette refermait le battant derrière eux.

Immédiatement, Amanda Tallebot se précipita vers Rose, cherchant à lui prendre les mains, une vaine tentative d’excuse. Mais elle n’eut pas le temps de s’approcher. La lame du couteau l’arrêta net. Rose avait dégainé l’arme de sa poche, rapide, précise, et la forçait à se tenir à une distance respectueuse.

- « Ne me touchez pas. Reculez. Derrière le bureau. Dépêchez-vous. »

Si elle posait un doigt sur elle, elle allait la tuer. Le moindre contact en l’état actuel lui aurait brulé la peau. Sur le canapé, Elizabeth et Silas restèrent stoïque face à cette soudaine agressivité. Henriette émit un petit cri surpris. Alexandre grimaça légèrement, attentif aux moindres mouvements de sa cadette. Rose évita sciemment de regarder Edward.

La lueur farouche de ses yeux fit battre en retraite Amanda Tallebot qui retourna vers son bureau, les mains levées en signe de reddition. Elle sembla comprendre qu’aucun des présents ne serait disposé à gouter à nouveau à un de ses breuvages. Rose ne s’assit pas avec les autres, préférant rester alerte, surveillant leur ancienne geôlière d’un œil vide.

Amanda se racla la gorge, ne sachant par où commencer :

- « Avant toute chose, je veux que vous sachiez que je suis profondément désolée de ce que vous avez vécu ce soir. Je n’attends pas de pardon de votre part, mais votre compréhension. »
- « Vous avez raison de ne pas espérer. »

Amanda accusa le coup. Elle posa la main sur le conséquent paquet de lettres devant elle. Rose se tendit, prête à bondir. Elle avait recommencé à passer son ongle sur sa peau, qui ne tarda pas à commencer à s’arracher sous ses passages répétés.

- « Cela a commencé peu après l’Heure Pourpre » expliqua-t-elle. « J’ai commencé à recevoir des lettres. Elles contenaient des informations, des secrets que l’on menaçait de révéler. Des mises en garde sur ce qui pourrait être fait à ma famille si je parlais, si je ne faisais pas ce qu’on me demandait. »
- « Pourquoi n’en as-tu pas parlé Maman ? Pourquoi ne pas avoir prévenu la police ? »
- « A cause du péril que vous auriez encouru, ton père et toi. Et….  À cause de cela. »

Madame Tallebot brandit devant elle une missive dépliée. Au bas de la page pas de signature, bien entendu, mais un symbole griffonné à l’encre rouge. Un cercle, transpercé de bout en bout de deux lignes, deux flèches. Autour de la partie inférieure du cercle, on avait ajouté des traits, légèrement inclinés, comme les rayons du soleil. La plus grande ligne, tracée au centre, était terminée par une sorte de crochet à l’envers.

Rose frissonna. Elle avait déjà vu ce dessin.

Elle s’approcha du bureau, arracha la lettre des mains d’Amanda et en déchira la fin, empochant le symbole. Le reste retomba sur la table, sans que la maîtresse de maison n’ose esquisser un geste. La contrebandière se saisit du paquet restant et le jeta à Edward. Elle le regarda pour la première fois depuis leur étreinte.

- « Garde-ça. »

Poser son regard sur le lycanthrope lui donna la nausée. Il l’avait enlacé mais il ne savait surement pas. Sinon il n’aurait pas fait ça. Même si il pensait comprendre, il se trompait. Il ne savait pas qu’elle avait attendu que son père dorme pour l’égorger. Elle n’avait pas honte de toutes les atrocités qu’elle avait commises car elle les avait toujours regardées en face. Sauf celle-ci. Sauf ses parents. Le visage exsangue de son père apparu dans son esprit. Sa voix résonna dans sa tête. Lâche. Mauviette. Hypocrite. Bonne à rien.

Elle vacilla.

Le papier se froissa dans ses mains. Son visage se crispa. Elle dû se retenir pour ne pas se couvrir les oreilles. Elle sentait les regards concernés, inquiets, sur son corps. Elle voulait qu’ils cessent. Tout de suite. Elle grinça entre ses dents serrées :

- « J’ai besoin de réfléchir. Tallebot, continuez. »

Elle sortit en coup de vent, claquant la porte derrière elle. Immédiatement, Alexandre se plaça entre les convives et la sortie pour les empêcher de la suivre si ils en avaient eu la tentation.

La contrebandière se rua sur la rambarde de l’escalier, ses mains enserrant fermement le bois pour se retenir à quelque chose de concret. Elle pouvait partir, maintenant, tout de suite. Fuir. Courir jusqu’à l’épuisement, jusqu’à ce que plus personne ne puisse plus l’atteindre. Juste le temps d’arriver à respirer à nouveau.

Une lente inspiration souleva sa poitrine. Non. C’était impossible. Eques. La mission. Il fallait se ressaisir. Mettre les émotions de côté.

Réfléchis, Rose, réfléchis.

Elle se laissa glisser à terre, ramenant ses genoux sur sa poitrine, laissant tomber sa tête contre ce rempart improvisé entre elle et le monde. Ou avait-elle vu ce symbole ? Elle sorti le papier de sa poche, le fixant intensément.

Mais son esprit demeura  obstinément vide.

Si seulement Edward avait pu la tenir contre lui sans la lâcher. Peut-être qu’elle aurait pu juste disparaître entre ses grands bras. Si seulement elle n’avait pas dit ce qui était arrivé à ses parents. Si seulement…

Elle dissocia à nouveau.

Machinalement, elle avait sorti son couteau, et l’enfonçait dans la moquette du couloir dans des gestes répétés. À chaque coup, le couteau se rapprochait dangereusement de son pied nu. La lame finit par rencontrer sa chair, imprimant une estafilade de laquelle s’échappa un peu de sang. La couleur vive ramena sa conscience vers la réalité plus que la douleur. Le dessin. Un flash. Elle murmura pour elle-même :

- « Je sais où je l’ai vu. »
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeSam 25 Mar - 12:57

Tu vois. Tu as encore tout gâché.

Dès l’instant où Alexandre s’était positionné entre Rose et lui, Edward avait compris. Le geste protecteur du grand frère aurait pu paraitre anodin, mais le silence et l’acceptation de sa sœur beaucoup moins. Elle se réfugiait derrière lui, effrayée, blessée, troublée qu’on ait appris que l’infamie couvrait ses mains. Indécise sur le comportement à adopter, elle cherchait un bouclier derrière les épaules de l’anglais.
Pour le loup blanc, ce ne fut qu’une preuve de plus que tout ce qu’il approchait terminait brisé. Cela ne l’empêcha pas d’en être profondément vexé. Les humains l’agaçaient. Il croyait Rose différente, mais elle aussi était de ceux qui tombaient en miettes au moindre coup de vent. Envahi d’une aigreur égoïste, il lui en voulut d’être aussi faible. Son cœur avait la maturité de celui d’un adolescent, et il se sentit blessé par cette soudaine fragilité qui lui donnait l’impression de n’être qu’une brute.

Qu'elle aille au diable !

Drôle d’ambiance que celle de la réconciliation voulut par Madame Tallebot. Après toutes ces épreuves, on aurait espéré une accalmie, mais voilà qu’elle se retrouvait dansant entre une rose hérissée d’épines et un loup de mauvais poil. Évidemment tout alla de mal en pis. Menace au couteau, puis un échange sec dont la contrebandière prit la tête.
Edward la laissa faire. Il s’était laissé tomber dans un divan, prenant un air désintéressé, mais écoutant tout de même, car il était incapable de se soustraire à l’appel de l’aventure et du danger.
Rien d’extraordinaire dans les révélations de la maîtresse de maison. Chantages et menaces l’avaient conduite à entrer dans ce jeu macabre. Elle pointa du doigt un élément plus intéressant qui parut consumer Rose sur place. La demoiselle déchira le papier, jeta la pille de lettres à Edward et s’en fut dans un énergique claquement de porte. Alexandre se positionna en chien de garde, mais il avait peu à redouter, car Edward n’avait pas bougé.

L’inquiétude commença un discret travail de sape sur le cœur du loup-garou dont le pied se mit à marteler nerveusement le sol, pourtant il fut incapable de se lever. Son instinct lui hurlait de ne surtout pas s’emmêler, que quoi qu’il tenterait, elle finirait par montrer les crocs et le mordre ; le désastre assuré. Ce sentiment s’imprima en lui avec une telle puissance, qu’il fut étonné que Madame Tallebot ne le prenne pas pour acquis et tarde à poursuivre son exposé.
Il nota alors les regards appuyés d’Henriette, Elizabeth, Silas et même Alexandre qui devait penser que sa sœur avait choisi un bien mauvais fiancé. Mais quoi ? Edward s’agita sur le canapé. Il sentait qu’il n’avait pas le comportement attendu, mais les codes lui manquaient, le laissant très seul et profondément perdu. Il détestait cette sensation, alors il fouilla dans sa mémoire, dans tous ces récits dont il s’était abreuvé pour effleurer le comportement humain et parvenir à l’imiter, trouva une situation semblable, mais la repoussa aussitôt.
Se lever et lui courir après ? Pas question.
Une petite voix lui souffla que c’était ce qu’Aldrick aurait fait. Ce chevalier servant, défendeur de la veuve et de l’orphelin se serait certainement dressé d’un bond à peine la contrebandière partie. Il aurait repoussé Alexandre dans un rugissement dramatique et se serait lancé à corps perdu dans les pas de Rose. Bien sûr, il l’aurait rattrapée. Tous deux se seraient retrouvés face à face dans le faible éclairage de la nuit, fouettés par une pluie diluvienne. Elle se serait débattue, sans doute l’aurait-elle giflé ou griffé, mais il aurait trouvé les mots pour l’apaiser. Alors leur corps ruisselant se seraient étreints avec une passion renouvelée.


Oui, non.
Edward n’avait clairement pas le niveau.

Il détourna ses pensées de Rose et des regards interrogateurs et en se plongeant dans les lettres. Le papier était manifestement de bonne facture, mais fait étrange, l’écriture changeait régulièrement au fil des courriers. Si une seule tête pensante se cachait derrière tout ça, alors elle devait être bien entourée. L’une des missives mentionnait Madame de Vermandois, du moins Edward le supposa, car il était uniquement question d’obéir à la « vipère » qui se présenterait sous peu. La marque, elle, n’apparaissait nulle par ailleurs.

« Et donc… Qu’est-ce que ce gribouillis ? » Demanda-t-il à Madame Tallebot.

Alexandre cracha un juron, fusilla le loup blanc du regard, mais tint sa position. Absurde. S’il attendait de lui qu’il aille la retrouver, pourquoi se mettre en travers de son chemin ?
Edward n’en montra rien, mais il en fut affecté. Il appuya sur son genoux pour contraindre sa jambe droite l’immobilisme et faire cesser le tambourinement de son pied contre le plancher.

« Connaissez-vous l’Ordre du Temple Monsieur White ? » Demanda alors Madame Tallebot.

Le loup blanc se concentra sur la conversation, mais il sentait le regard piquant du chasseur sur sa nuque. Il croisa les bras pour ne pas se mettre à tripoter nerveusement la tasse de thé qu’on leur avait servi et en faire des confettis. Se rejetant au fond de son siège, il répondit :

« Celui du Moyen-Âge et des croisades religieuses ?
Celui-là même.
J’ai souvenir de quelques affaires et rumeurs à leur sujet, mais je ne vois pas…
Figurez-vous que ce gribouillis, comme vous dites, était envoyé par les Templiers à ceux qu’ils jugeaient mériter l’infamie. Si le destinataire de ce papier n’acceptait pas de rentrer dans le rang, il écopait d’un sort pire encore que la mort, car il était fait paria et rejeté de toute société. »

Du coin de l’œil, Edward vit Alexandre se redresser et se décoller de la porte. L’intérêt qu’il semblait soudain porter aux paroles de Madame Tallebot lui échappa complètement et ce fut secoué d’un rire amer qu’il interrogea :

« Vous êtes en train de me dire que vous avez sacrifié des innocents par peur d’un groupuscule vieux de plusieurs siècles ?
Ils n’étaient pas innocents ! Protesta vivement Madame Tallebot.
W-What ? Hoqueta Silas. Mais j’ai rien fait moi !
Sauf vous, admit-elle en soupirant. Mais c’est Madame de Vermandois qui m’a apporté toutes les autres cibles et je vous assure qu’aucun n’avait un passé très reluisant.
Dans ce cas pourquoi Silas ? cracha Edward, agacé.
Je l’ignore, avoua-t-elle. Un jour Madame de Vermandois m’a dit que ce serait à moi de trouver la prochaine « tête d’affiche ». Bien sûre j’ai refusé, mais le lendemain, le professeur de piano d’Elizabeth connut un accident et…
Grand dieu ! Maman ! Vous voulez dire…
Je n’ai pas voulue prendre de risque et la visite de Monsieur Flemming est si bien tombée, à croire que tout cela était écrit ! »

Edward frissonna. C’était peut-être le cas. La presse n’avait-elle pas fait beaucoup de bruit pour la venue d’un lord anglais ? Certes ses positions pro-légendaires s’y prêtaient, mais on avait également lourdement insisté sur la soirée des Tallebot, au point qu’avec le recul, cela pouvait paraitre louche. Une idée désagréable germa dans l’esprit du loup blanc. Toutes les proies précédentes avaient en commun un passé peu glorieux, alors pourquoi Silas ? La mâchoire d’Edward se serra, craignant de comprendre. S’il n’était pas la cible, peu-être était-il l’appât.

Alexandre sortit et claquant violemment la porte. Madame Tallebot sursauta. Une terreur vivace passa sur son visage, pour s’évanouir aussitôt. Henriette l’avait remarqué, elle se leva pour la prendre dans ses bras et un peu du vernis froid craqua sur le visage de sa mère.

« Que va-t-il nous arriver maintenant que Madame de Vermandois est morte…
Elle était votre seul lien avec vos maîtres chanteurs ? Demanda Edward après avoir péniblement arraché son regard de la porte.
Oui et c’était elle qui organisait tout. Elle contactait les chasseurs et s’occupait de vendre les places. Je devais seulement fournir un lieu sécurisé pour la chasse.
Vous n’avez jamais eu directement affaire avec eux ?
Jamais… Mais je sais que Madame de Vermandois déposait systématiquement l’argent dans la pièce du sous-sol où vous avez dû vous reposer. Il y a une niche prévu à cet effet.
Donc d’une façon ou d’une autre, les gains sont récupérés par quelqu’un.
Je le pense, mais j’ignore comment, soupira leur hôtesse. J’ai appris que notre manoir était construit sur les ruines d’un château ayant été utilisé par les Templiers, d’où ce sous-sol étrange dont j’ignorais l’existence avant toute cette affaire, mais je ne pense pas qu…
Où est cet argent ? Coupa Edward en se levant.
Elle laissait toujours le sac dans un petit coffre au fond de l’aile gauche, caché derrière un tableau.
Montrez-moi. »

Il espérait gagner du temps. Si Madame de Vermandois ne retrouvait pas physiquement ses employeurs pour leur remettre leur dû, alors peut-être pourraient-il lui faire croire un moment qu’elle était toujours en vie. Certes, il restait le problème des spectateurs, mais si seule la « vipère » s’occupait des invitations, remonter leur piste ne se ferait pas si facilement.
Madame Tallebot gagna la porte, aidée par sa fille. Elizabeth et Silas les suivait, précédant Edward qui fermait la marche. Le groupe prit la direction indiquée, mais le loup blanc bifurqua jusqu’à rejoindre l’escalier principal. La grande salle était vide depuis longtemps et seuls demeuraient sur les marches Alexandre et Rose.
Edward s’arrêta sur la pallier. Il ouvrit la bouche, puis la referma. Que dire ? Les mots lui venaient naturellement lorsqu’il endossait son rôle de dandy, mais en réalité, parler à cœur ouvert n’était pas son fort. Ses doigts se resserrent sur la rambarde. Il abandonna l’idée des tournures délicates et des intenses déclarations pour lâcher, sans reproche ni aigreur, la seule chose qu’il pensait sincèrement :

« On vous attend. »


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeDim 26 Mar - 20:00

Bien entendu, Alexandre n’avait pas pu s’empêcher de la suivre, se faisant un sang d’encre pour sa sœur bien-aimée. Mais forte de sa réalisation nouvelle, Rose n’en eût que faire.

Son frère s’assit en face d’elle et elle le laissa s’assurer qu’elle allait bien avant qu’il ne lui fasse un rapide résumé de ce qui avait été dit après son départ. Il était plus agité que jamais. La mention de l’Ordre du Temple imprima un air préoccupé sur le visage de la jeune femme. Des vestiges d’une autre vie, d’un passé ancien qui ne voulait décidément pas mourir. La silhouette d’un jeune homme blond assis en tailleur, un livre à la main lui revint en mémoire. No way.

Le frère et la sœur contemplaient le hall désert dans un silence pensif. Ils n’avaient pas eu besoin de réfléchir bien longtemps pour assembler les pièces du puzzle et se rendre compte que Silas n’était que le prétexte de la terrifiante chasse de ce soir.

Un bruit de pas leur fit tourner la tête simultanément. Edward. Alexandre jeta à ce décevant fiancé un regard de reproche. Mais le cœur de Rose manqua un battement. Il était venu. Elle fut surprise de le voir. Soulagée aussi sans qu’elle ne saisisse trop pourquoi. Elle en aurait pleuré. Une moue coupable apparut sur ses traits et elle passa sa main dans ses mèches blondes, les triturant dans un geste nerveux en grimaçant :

- « J’ai vraiment été une fiancée affreuse, juste à l’instant, pas vrai ? »

Au vu de l’attitude de son frère, il avait été reproché au loup blanc de ne pas l’avoir suivie. C’était injuste de la part du petit groupe lui en tenir rigueur. Après tout c’était elle qui était sortie comme une possédée. Ne pas être touchée. Fuir.

Et pourtant, il était là. Venu les chercher. La chercher ? Même si il savait qu’elle était horrible. Même si elle l’avait laissé seul. Même si elle avait agi comme une idiote égoïste.

La gratitude l’envahit, mélangée à d’autres émotions diffuses qu’elle n’identifiait pas totalement. D’un bond, elle fut sur ses pieds, et se dirigea vers le lycanthrope d’un pas décidé, les poings serrés. Un observateur extérieur aurait pu se demander si elle n’allait pas le gifler ou le défier dans un combat à mort tant son air était résolu et combatif. Alexandre se délectait d’avance de la rouste qu’allait se prendre ce sale type, ayant complétement fait abstraction du premier commentaire de la blonde, qui aurait dû néanmoins l’aiguiller.

Rose s’arrêta à quelques centimètres à peine d’Edward. Elle leva ses prunelles vers lui, les rivant dans les siennes, le menton relevé. Elle prit une grande inspiration. Les poings toujours serrés, les joues rougies, elle finit par lâcher d’un seul coup :

- « Je suis désolée. Excuse-moi. »

Alexandre qui s’était redressé, trébucha sur la dernière marche des escaliers, saisi par la surprise. Il tenta de se retenir à quelque chose, en vain.

- « S’il te plait ? »

Son frère s’étala sur la moquette dans un cri étranglé. Rose était en train de s’excuser ? Sa sœur, cette tête de mule, était en train de demander pardon à quelqu’un ? D’une voix hésitante et adorable ? En rougissant comme une adolescente ? Est-ce qu’il rêvait ? Il allait se mettre à neiger en été. C’était certain. Et il n’était pas au bout de ses surprises.

Se mordant l’intérieur de la joue, baissant les yeux cette fois, le courage lui faisant défaut, elle se saisit lentement de la main du lycanthrope. Elle s’attendait à ce contact la fasse reculer, la brûle ou fasse revenir cette terreur lancinante, mais il n’en fut rien. Rien ne se produisit. Juste la chaleur de sa peau contre celle de quelqu’un d’autre. Incertaine de la réaction de son vis-à-vis, elle entrelaça ses doigts aux siens.

- « Je…euh… Trouverais un moyen de me rattraper. D’accord ? Et je… euh… J’aimerai t’expliquer moi-même… Enfin, réveillée… Pour mes parents… Si tu veux bien ? »
- « Eeeeeeeeeeeeeeeehhhhhhhhhhhhhhhhh ?! »

Alexandre pensa un instant qu’il allait s’évanouir. À l’inverse il se redressa d’un bond, comme électrisé. Qu’est-ce que cette espèce de sale bête avait fait à sa sœur ? Il l’avait ensorcelé ? Non, il l’avait échangé avec un de ces doubles maléfiques ? Une créature aussi mignonne n’était pas l’espèce de sauvageonne qu’il avait adopté ! Ce n’était pas sa Rose, il en était persuadé ! Ooh mais c’était quoi cette lueur dans ses yeux ? Oh non, non, non non ! Elle n’allait pas l’embrasser la saligaude ?! Stop !

Le chasseur attrapa sa cadette par l’épaule, la tirant brutalement en arrière pour l’arracher des griffes de cet affreux goujat. Ne s’y attendant pas, Rose lâcha la main du loup, manquant de tomber à la renverse. Une fois stable, elle fusilla son frère du regard, le repoussa d’un geste agacé en aboyant :

- « Qu’est-ce que tu fais sombre abruti ?! »

Ah. Si. C’était bien sa sœur adorée. Pas de doute. Des sons désarticulés sortirent de sa bouche. Ce foutu cabot, ce stupide sac à puces avait réussi là ou lui, il avait échoué ? Sans même essayer ? Juste en se contentant d’être là, avec son corps d’Appolon et son air revêche ? Son espèce de regard de chiot battu je-suis-si-mignon-câlinez-moi ? Impossible ! Il refusait ! Son esprit disjoncta.

- « J’ai déjà vu ce symbole. »

Ne prêtant plus attention à son aîné qui la regardait comme deux ronds en flan, à la limite de l’arrêt cardiaque, elle s’adressait à Edward. Rose sorti le papier de sa poche et le fourra sous son nez.

- « Il est apparu un peu partout ces temps-ci. En tout petit, ou en gros. Sur les murs des maisons, à la cour des miracles, même sur la porte du manoir d’un client de la haute. Mes hommes ont commencé à le remarquer il y a quelques semaines. Je n’y avais pas prêté plus d’attention que ça mais… »

Pour l’instant, elle ne voulait pas en parler aux autres. Silas et Elizabeth se seraient inquiétés. Les femmes Tallebot étaient trop impliquées pour qu’elle le leur révèle. Et puis il y avait autre chose…

- « Alexandre, tu te souviens de la bibliothèque qu’il y avait dans la maison de Londres ? »
- « Oui et bien ? » interrogea le chasseur, interrompant ses pleurnicheries intérieures momentanément.
- « Oz et moi on y jouait souvent quand tu n’étais pas là. Et il y avait ce livre… Ce conte qu’on adorait. »

Son frère fronça les sourcils. Il ne voyait pas ou elle voulait en venir. Il observa Edward, et réalisa que le lycanthrope devait être encore plus perdu que lui, puisqu’il ne devait pas savoir qui diable était ce fameux Oz. Cela le réconforta et un sourire victorieux illumina ses traits. Pour fanfaronner, il sentit bon de préciser pour le fiancé, goguenard :

- « Oswald était un ami de Rose. Enfin. Son premier amour on peut dire. Bien avant vous et avant l’autre idiot de commissaire. Beaucoup plus beau et poli que vous si vous voulez mon avis.»

Tacle gratuit qui le réconforta un peu dans sa grande misère. La contrebandière leva les yeux au ciel. De un, on s’éloignait du sujet. De deux, son frère avait-il vraiment besoin de mentionner tout cela ? D’autant plus quand cela concernait quelqu’un qui appartenait à un passé définitivement révolu depuis longtemps ?  

- « Ce n’est pas le propos . » Son froncement de sourcil lui intima le silence. « Dans ce livre, il y avait cette histoire avec ces hommes qui faisaient régner la justice pour ceux qui avaient étés bafoués. Avec un dessin très similaire. Quasi identique. »
- « Et ? »
- « Oz trouvait cette histoire fascinante. Il… Je sais que c’est stupide, mais… Est-ce que tu aurais eu de ses nouvelles récemment ? »

Le silence tomba sur le trio. Rose se figea. Alexandre aussi. Oups.

- « Alexandre ? »
- « Je lui ai peut-être écrit. Pour avoir son avis sur nos désaccords après l’Heure Pourpre. »
- « Oh fucking… Je vais te casser le nez ! »

Au moins il se rappellerait peut-être d’arrêter de le fourrer partout. Le chasseur prit un air de chien battu, répliquant tout de même en râlant :

- « Roh ça va hein ! C’était juste quelques lettres ! Il voulait savoir comment tu allais ! »

Depuis quand ça petite sœur osait-elle le menacer de la sorte ? C’était ce roquet à poils longs qui l’influençait, cette espèce de grande perche mal élevée qui… Non. En fait non. Réflexion faite, elle l’avait toujours fait.

Rose se massa les tempes devant la pose victimaire de son frère. Donc, il y avait une infime possibilité pour qu’Oz soit mêlé à tout ça. Toute petite, minuscule, mais existante tout de même.

Récapitulons. Il y avait une société secrète centenaire qui s’était mise en tête de nettoyer le monde des pécheurs légendaires… mais pas que ? Beaucoup de questions et peu de réponses. Trop de coïncidences pour que cela ne soit que cela. Elle commençait à avoir mal à la tête.

Toutefois, elle ne pouvait cacher le plaisir que lui procurait la présence du lycanthrope à cet instant. Elle lui décocha un léger coup de coude, taquin, dans les côtes, demandant :

- « Eh, Edward… Pour le bébé, on a laissé Tancrède de côté, mais tu ne m’as pas dis ce que tu pensais de mes propositions. »
- « Hein ? Mais moi, j’aime bien Tancrède je réitère ! »

Pourquoi ne l’écoutait-elle jamais ? Il était si malheureux d’être évincé par cet imbécile de White. Est-ce que le bébé allait lui ressembler ? Oh non, pitié, mon dieu faites que…

Silas déboula dans le hall, essoufflé par sa course :

- « Monsieur White ! Mademoiselle Rose ! Venez vite ! C-c’est… C’est Mme T-tallebot, e-elle… »
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMar 28 Mar - 20:48

Rassuré, soulagé… Nul doute qu’Edward en aurait même frétillé s’il avait eut sa forme animale. Peut-être que Rose le devinerait en voyant le brouillard dans ses yeux s’effacer. La demoiselle semblait aller mieux et le lycanthrope étant encore, sur certains points, doté de la candeur des louveteaux, il fut secrètement fier d’avoir suivi son instinct et de ne pas s’être imposé à un moment où elle ne le souhaitait pas. Un léger sourire adoucit ses traits lorsqu’elle s’approcha et il secoua la tête lorsqu’elle s’excusa. Pas la peine. Tout ce qui lui importait, c’était qu’elle se porte mieux.
Son comportement le décontenança un peu, car l’hostilité dont elle avait fait preuve quelques minutes auparavant s’était totalement volatilisé, remplacée par une douceur, à laquelle il n’était pas habitué. Il acquiesça vivement à la demande qui concernait ses parents, espérant qu’ils pourraient en parler avant qu’on essaie à nouveau de les tuer. Et qui sait… Lui aussi trouverait peut-être l’occasion de se confier ?
Apaisé, Edward retrouva l’envie de jouer aux côtés de Rose, sans vraiment se soucier de là où cela les mènerait. Il avait conscience qu’il devait rester prudent et ne pas s’amuser de ses sentiments, mais rien n’interdisait de malmener un peu plus ceux de ce pauvre Alexandre. Le retour de Trancrède marqua une nouvelle vive protestation du chasseur, qui fit lever les yeux au ciel au loup blanc. Malgré lui, Edward se surprit à réfléchir sérieusement à la question et sans savoir pourquoi, un prénom lui revint. Un prénom qu’il savait important, tout en ignorant exactement pourquoi. Haussant les épaules, il proposa :

« Je ne dis pas non à Juliette, mais je préfèrerai éviter Victor. Qu’est-ce que tu penses de Mihai ? C’est un prénom de chez m- »

L’arrivée de Silas l’interrompit. Aussi cruciale fut-elle, la question dut être remise à plus tard et tout le groupe s’empressa de rejoindre le fond de l’aile. Fort pâle, Amanda Tallebot gisait avachie sur une méridienne. À ses côtés, Elizabeth et Henriette s’échinaient à lui prodiguer un peu d’air.

« Que s’est-il passé ? Interrogea Edward.
C-C’est l’argent… bredouilla la jeune héritière. Il n’est plus là. »

Elle pointa du doigt une porte métallique entrebâillée sous laquelle on avait déposé un tableau représentant l’allégorie de la vertu. L’ironie aurait pu faire sourire Edward si, ouvrant l’imposant battant, il n’avait pas effectivement fait face à un coffre vide.

« Il était fermé quand nous sommes arrivés, indiqua Silas. Et nous n’avons vu personne passer.
Qui avait le code ? Demanda Edward en constatant qu’il n’avait pas été forcé.
Uniquement mère et madame de Vermandois. Père et moi n’étions même pas au courant de son existence, informa Henriette, de plus en plus alarmée de l’état de faiblesse de sa mère.
White, je peux savoir ce que vous faites ? Coassa Alexandre en voyant de lycanthrope appuyer son nez contre le verrou.
Le métal retient mal les odeurs, mais… Il renifla encore et fronça les sourcils. Je connais l’odeur, mais je ne vois pas qui… Henriette, avez-vous un employé qui utilise de ces huiles qui permettent de plaquer les cheveux. Celle à base d’amande plus précisément.
N-Non nous…
L’archer ! S’exclama Alexandre. »

On se tourna vers lui, incrédules, car dans le chaos général l’arrestation de Gilles était en partie passée à l’as. Sauf pour le chasseur, qui semblait porter une attention toute particulière aux cheveux de ses interlocuteurs, car il fut presque choqué qu’on ait oublié cette spécificité.

« Enfin ! Vous l’avez bien vu ! Ce type-là, Gilles, il avait les cheveux plus brillants qu’un fiacre de luxe ! Et même les poings liés, il n’arrêtait pas de se recoiffer !
Pour une fois que votre sens du goût va nous servir, nota Edward. Henriette, qu’est-il arrivé à ce Gilles une fois que vous avez quittés le balcon ?
Eh bien… Maman a laissé Hector s’en charger. Je crois qu’il devait le parquer dans le cagibi qui est au rez-de-chaussée de cette aile.
Avez-vous revu Hector depuis ?
Je… »

Elle réfléchit un moment, puis se souvint qu’à leur entrée dans la bibliothèque, sa mère s’était enquise du temps que mettait l’ogre à accomplir sa besogne. Aussitôt, le demoiselle devint fort pâle et secoua la tête. Elle craignait qu’il soit arrivé quelque chose à leur employé et qu’un fou dangereux se promène à présent dans la bâtisse.
Edward sentit son inquiétude, mais il ne lui laissa pas le temps de s’alarmer :

« Si vous n’avez-vu personne passer, c’est que le voleur est reparti par ces escaliers, n’est-ce pas ?
Ou-Oui. Mais il n’existe pas de sortie de ce côté. Où alors il lui faudra traverser toute la salle de balle, mais les portes d’entrées sont verrouillées depuis le départ des invités.
Henriette ? Cela ne donne-t-il pas aussi accès à la serre ? Je me souviens l’avoir vue depuis ta chambre, indiqua à son tour Elizabeth.
Mais oui ! Il a pu tenter sa chance par là s’il a trouvé porte close.
Très bien, asséna Edward. Alexandre, conduisez Madame Tallebot au sous-sol avec ces jeunes gens afin qu’elle se rem-
God ! Si vous croyez un seul instant que je vais vous laisser seul avec- ARGH ! »

Petite danse improvisée. Le chasseur sautillait sur un pied, tenant son autre cheville entre ses doigts crispés. Edward savait qu’il n’avait pas eu le temps de recouvrer toute sa santé et un petit… disons un coup raisonnable, s’était chargé de le lui rappeler.

« You little b-
Quel maladroit je fais, coupa le loup blanc. Bien, Rose et moi sommes les seuls à avoir suffisamment profité de la source pour essayer de le rattraper. Transportez Madame Tallebot là-bas, nous vous y rejoindrons d’ici une heure tout au plus. »

L’anglais l’insulta encore et fit certainement preuve de beaucoup d’imagination à ce sujet, car Silas et Elizabeth ouvrirent en même temps de grands yeux choqués. Alexandre n’eut toutefois d’autres choix que d’accepter son sort — pour l’instant — et aidé de Silas, ils s’occupèrent de Madame Tallebot. Edward prit le poignet de Rose et l’entraina à sa suite dans les escaliers menant au rez-de-chaussée.

« Évitons de tuer l’archer, glissa-t-il en cours de route. S’il savait pour l’argent, il peut peut-être nous renseigner sur ce groupe de fanatiques. Et on lui demandera si le nom de ton ami lui parle. »

Ils tombèrent rapidement sur le corps étendu du pauvre Hector. Le bougre respirait toujours, mais au vu de la belle bosse à l’arrière de son crâne, son réveil lui ferait le même effet qu’une très grosse cuite. Edward l’installa plus confortablement, puis marchant aux côtés de Rose, tous deux empruntèrent le corridor menant à l’immense serre attenante au manoir.
L’endroit avait sa petite réputation. Entretenu par M. Tallebot en personne, elle avait déjà eu plusieurs articles dans la presse et il était de notoriété public que le Jardin des Plantes jalousait quelques uns des spécimens de l’ex-militaire.
Un court instant de calme avant la tempête, pendant lequel Edward s’entendit murmurer :

« J’attendrai que tu aies envie d’en parler. Pour tes parents je veux dire. »

Ils s’arrêtèrent devant une double portes en verre au style rococo dont l’un des battants était resté entrebâillé. Edward saisit la poignée. Il cherchait ses mots, des mots qu’il ressentait, mais qu’il peinait à formuler. Il inspira :

« Mais je ne crois qu’il y ait de mal à vouloir vivre. »

Maladroit, sans doute. Pourtant Edward était loin d’effacer l’acte de la contrebandière ou de le minimiser. Il n’était pas sûr qu’elle le comprenne, mais il savait dans quels retranchements la cruauté pouvait pousser quelqu’un. Survivre coûte que coûte, pour espérer enfin pouvoir vivre, un peu.
Il ouvrit la porte.
Une intense odeur fleurie le fit aussitôt éternuer. Raté pour la discrétion. Toujours était-il qu’un bruit net de branche cassée se fit entendre du côté du petit jardin japonais. Ils entrèrent et le loup dévoila ses crocs dans un sourire amusé.

Au chasseur d’être chassé.


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMer 29 Mar - 20:09

Qu’est-ce qu’il avait voulu dire ?

Rose n’eut pas le temps de poser la question que le craquement d’une branche lui faisait refermer la bouche.
Instinctivement, ses muscles se tendirent et son esprit se concentra sur la provenance du bruit. Il faisait sombre dans la serre et elle ne possédait pas les capacités du lycanthrope à se mouvoir aisément dans un environnement nocturne. Naturellement, sans même s’en rendre compte, elle se rapprocha de lui, un aveu inconscient du sentiment de sûreté qu’il lui inspirait.

Nouveau bruissement à leur droite alors qu’ils avançaient en silence entre les plantes odorantes. Une silhouette longiligne surgit brusquement des fourrés, juste sous leur nez, sur le petit sentier de galets blancs. Gilles. Il pila tout net en les apercevant, écarquilla les yeux de terreur et tourna les talons pour fuir. Il fallait avouer que si un grand méchant lycanthrope la regardait avec le même sourire qu’Edward affichait actuellement, Rose aussi aurait certainement un peu hésité avant de s’y frotter.

Alors que leur proie détalait comme un lapin, la contrebandière retint Edward d’une main. Elle s’élança à la suite de l’archer.

- « Moi d’abord ! » s’exclama-t-elle en passant devant le loup.

Après tout, elle avait des comptes à régler avec ce scélérat. On dépréciait souvent le potentiel des flèches au détriment des armes à feu, mais cela faisait quand même rudement mal. Et elle allait lui montrer qu’elle aussi savait viser.

En quelques foulées, elle avait rattrapé ce vil faquin. Rose était peut-être petite, mais elle était légère et rapide. En plus d’être diablement tenace et rancunière de surcroit. Grâce à ses entrainements avec Edward, elle avait compris comment utiliser son corps de manière intelligente, et l’importance de le fortifier.

Aussi, la tentation était grande d’imiter son professeur. Ce coup de pied enfoncé si majestueusement dans la figure de la première chasseuse l’avait toute émoustillée. Bien entendu, lorsqu’elle leva sa jambe d’un bond, elle ne s’attendait pas à ce que l’archer lui fasse soudainement face.

Au lieu de rencontrer ses reins, le pied de Rose s’enfonça dans son estomac. Surprise par ce volte-face, elle baissa un instant sa garde et Gilles en profita. Il était étonnement agile, et ses mains se refermèrent sur la cheville de son adversaire.

- « Désolé trésor. »
- « Heeeein ?! »

Ce fut tout ce qu’elle eut le temps de prononcer avant de se faire envoyer valser la tête la première dans un parterre de shibazakura d’un rose éclatant. Tout ça pour ne pas le tuer…

Mais, aïe à la fin ! Le nez par terre, la respiration coupée par le choc, elle articula entre ses dents serrées :

- « Ne… le laisse pas… filer… »

Car déjà, le fugitif prenait ses jambes à son cou sans demander son reste. Rose avait été surprise par sa force et la facilité avec laquelle il avait anticipé ses mouvements. Non pas qu’elle se fasse du souci pour Edward, après tout, il avait l’avantage de posséder une force brute propre à son espèce. Mais si Gilles était humain, ses réactions et sa manière de bouger n’avaient rien de naturelles.

La contrebandière se redressa péniblement pour la énième fois de la soirée au milieu des fleurs. Couverte de pétales et de pollen de la tête aux pieds, une vague d’éternuements s’empara d’elle. Elle n’avait pas eu le temps de voir par où l’archer et le loup blanc étaient partis. Et en prime, elle était vexée comme un pou. Une moue boudeuse chiffonna son minois tandis qu’elle secouait sa chemise pour en faire tomber les résidus de shibazakura. Ça avait eu l’air si facile lorsque c’était le loup qui l’avait fait.

Une fois debout, une forme blanche, contrastant avec le rose du sol fleuri, attira son attention. Un papier. Et juste à côté, ce qui semblait être deux cartes à jouer. Ils étaient surement tombés de la poche de leur fugitif lorsqu’il l’avait envoyé sur les roses. Littéralement.

Un fois le tout ramassé et entre ses mains, elle commença à les examiner, plissant les yeux pour y distinguer quelque chose dans cette obscurité.

Le premier document ressemblait à la page arrachée d’un livre. Au recto, dans des caractères d’imprimerie, un texte s’étalait. Rapidement, Rose se rendit compte qu’elle ne pouvait pas le déchiffrer. Le texte était composé en différentes langues, si bien que tout ce qu’elle pût comprendre était une partie rédigée en français :

« Comprenons une chose : notre loi n'est pas faite pour ceux qui sont fidèles au Temple. Elle est faite pour ceux qui refusent d'obéir, pour les révoltés, pour les méchants et pour les pécheurs. Notre loi est pour ceux qui ne respectent pas le Temple, ni ses principes, pour ceux qui tuent leur père ou leur mère, pour ceux qui détruisent sans l’accord de Dieu. »

Une inquiétude sourde se fraya un chemin jusqu’au cœur de Rose. Elle regretta de n’avoir rien d’autre que son couteau sur elle. Les armes à feu la faisaient se sentir en sécurité. Plus que son gri-gri magique qu’elle ne savait pas utiliser correctement.

Elle regarda de l’autre côté de la feuille en quête de plus d’indices. Bingo. Une nouvelle inscription. Du latin certainement, -bien qu’elle n’en soit pas sure-, suivit par une succession de chiffres et de lettres qui n’avaient aucun sens pour elle.

« Actio personalis moritur cum persona.»

Alexandre, avec son éducation classique, saurait certainement traduire cette partie. Était-ce une indication, un code ? Elle n’en avait aucune idée. Empochant la feuille, elle s’intéressa aux cartes de jeu. Un roi et une reine. Certains détails des figures étaient étranges. Leurs yeux avaient étés crayonnés, rayés, barrés, à l’encre noire. Est-ce que ces têtes étaient supposés les représenter Edward et elle ? D’après ce qu’elle avait compris de l’exposé de Mme Tallebot, ces Templiers visaient les Légendaires ; mais elle n’en était pas une, même avec son pendentif… pas vrai ? Il y avait peut-être une autre victime qui était passée entre les mailles du filet ce soir.

Et c’est là que ce détail en apparence anodin la frappa. Gilles avait l’air bien peu chargé pour quelqu’un qui avait récupéré les fruits d’une soirée si réussie. Il aurait dû avoir sur lui un sac, quelque chose pour transporter l’argent. Est-ce qu’il l’avait dissimulé quelque part dans le manoir ? Si c’était le cas, c’était une technique bien étrange pour quelqu’un qui tentait de s’enfuir par la seule issue qui n’incluait pas de repasser par la demeure Tallebot.

Rose ne put s’empêcher de frissonner. Les feuilles d’un arbre bruissèrent doucement et la contrebandière eu la désagréable sensation d’être observée. Où étaient passés ces deux nobles excentriques qui les avaient observés toute la soirée depuis le balcon ? Quelle était leur identité ? Qui étaient-ils ?

L’inquiétude s’empara d’elle. S’être séparés n’était pas sa meilleure idée de la soirée. Refoulant sa panique grandissante, Rose tendit l’oreille, attentive aux bruits de la serre. Les échos de la traque du lycanthrope lui parvinrent et elle se mit en marche dans cette direction sans attendre.

Imbécile.
Laisser le lycanthrope partir seul parce qu’elle avait voulu frimer.  
Imbécile, imbécile, imbécile !

À présent elle courrait presque, ses pieds nus foulant précipitamment les galets du sentier.

Irrépressiblement, elle sentait les griffes de la crainte se refermer sur sa gorge. Les mots de la page dans sa poche, imprimés en lettres de feu dans son esprit dansaient devant ses yeux : « pour ceux qui tuent leur père ou leur mère, pour ceux qui détruisent sans l’accord de Dieu » Dans quelle catégorie rentrait le lycanthrope ? Qu’avait-il fait ? Pourquoi les Templiers étaient-ils après lui ? Étaient-ils après elle aussi ?

Le souffle court, elle arriva près de ce qu’elle pensait être l’endroit où se trouvaient le prédateur et sa proie.

Inspirer.
Expirer.
Inspirer.
Expirer.

Il allait bien. Elle allait bien. Tout était sous contrôle. Réfléchis, Rose, réfléchis. Jusqu’où s’étendait cette corruption et son influence ? Jusqu’où pouvait-elle remonter la trace des Templiers ? Jusqu’à quand elle pourrait les maintenir tous en sécurité ?

Soudain une main se posa sur son épaule, lui arrachant un sursaut démesuré. Avant même de se retourner, par un réflexe primaire, la contrebandière hurla :

- « EDWARD ! »
Spoiler:
Edward White
l Dans l'ombre du loup l BIG BOSS l
Edward White

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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeSam 1 Avr - 11:45

« Allonnnns ! gloussa Urusla en retirant sa main de l’épaule de Rose. Inutile de vous effrayer ainsi très chère, nous n’allons pas vous manger !
Certes non ! S’amusa Walter. Figurez-vous que nous sommes tous deux végétariens, alors !
Mais l’on peut dire que vous avez un sacré sens du timing vous ! Sans parler de vos exploits dans l’arène, nous vous croisons pile à temps pour assister à un fabuleux spectacle ! Je vous en prie, acceptez donc de nous accompagner.
Ma bonne Ursula, je crois que vous gagneriez à lui expliquer à quelle fascinante folie nous allons assister.
Oh, mais oui, où avais-je la tête ? Refermant d’un geste son éventail, elle se pencha près de Rose et lui murmura sur le ton de la confidence : Dites moi trésor, avez-vous déjà assisté à un Jugement de Dieu ? »

* * *

Magnéto arrière.

Rose venait d’être mise sur la touche. Gilles s’enfuyait, un loup dans ses pas. L’archer s’aventura sur un terrain plus boisé, quittant le coin asiatique de la serre pour pénétrer entre les bosquets et les arbustes d’Europe. Autant le dire tout de suite, il courrait droit à sa perte. Dès l’instant où il avait opté pour ce bel espace débordant de végétation, Gilles était devenu la proie du pire prédateur qui soit.
Le loup blanc jubilait. Il était chez lui au milieu des noisetiers, des épicéas et des parterres de violettes. La nuit couvrait son immense silhouette et Gilles avait beau être bien plus agile et rapide que la moyenne, il ignorait comment se mouvoir correctement dans cette forêt artificielle. Ses cheveux huilés s’emmêlaient des les branches des arbustes censés le dissimuler. Son odeur y restait piégée et, comme il ne cessait de se recoiffer, ses mains laissaient elles aussi leur marque sur tout ce qu’elles repoussaient.
Edward aurait pu le suivre les yeux fermés, mais il trouvait beaucoup plus drôle de le voir s’agiter comme une biche effarouchée.
Jusqu’au dernier moment Giles ignora que le loup se rapprochait. Il n’entendit rien de ce pas  animal et souple, qui s’enfonçait dans la terre comme on glisserait entre des draps de satin. Son cœur peut-être, perçut la menace, car il accéléra, tout comme sa respiration qui se mit à résonner avec force dans ce silence menaçant.
Il se mit à courir, sans voir l’ombre qui l’avait déjà devancée. Pénétrant dans une clairière fabriquée de toute pièce, il jeta un regard en arrière. Erreur. Le bête bondit à la seconde où tourna à nouveau la tête.

Petit couinement. Giles eut miraculeusement le temps d’éviter la main d’Edward alors qu’elle s’apprêtait à se refermer sur sa face rougie par l’effort. Il voulut contrer, leva rapidement son bras, mais aperçut l’éclat rougeoyant d’un œil enfiévré et son geste n’aboutit pas. Un pas de côté, lui permis d’éviter un coup de coude dans l’abdomen. Fuir. Il devait fuir.
Volt-face maladroit. Non ! L’arbre ! Il leva les bras, craignant de heurter un bouleau, mais le choc ne vint pas. Un étreinte féroce l’avait retenu. Il crut que des griffes avaient transpercé son manteau. Presque.
Edward tira d’un coup sec. Sa proie recula au son d’un hoquet terrifié. Gilles tenta de se tourner, mais au premier geste qu’il esquissa, une poigne d’acier lui bloqua le poignet. Une clé de bras le fit hurler. Il sentit une étreinte monstrueuse de refermer sur sa nuque et malgré lui, ses jambes se dérobèrent. À genoux dans l’herbe, il ferma les yeux et serra les dents pour ne pas en appeler à la pitié du sauvage qui l’avait terrassé.
Mais le monstre s’ennuyait déjà de son jouet. Il le repoussa d’un geste dégoûté et Gilles tomba le nez dans les crocus. Il tenta de se relever, mais un pied nu appuya entre ses omoplates et le maintint au sol en un aboiement autoritaire :

« Couché. »

Edward releva la tête, les lèvres marquées d’une moue dépitée. S’il avait été plus patient, il aurait pu jouer encore un peu. Enfin… Ils n’en avaient pas terminé, car la vermine n’ayant plus l’argent qu’ils cherchaient, ils allaient devoir le faire parler. Rose s’en chargerait, elle était bien plus douée que lui à ce petit jeu-là. Qu’est-ce qu’elle attendait d’ailleurs ? Il était certain qu’elle n’était pas loin derrière, quand–
Il sursauta en l’entendant appeler. Une seconde, il voulut la rejoindre, mais se rappelant la présence de son gibier, Edward se pencha pour le soulever. Il l’agrippa par le col, fit un geste pour le remettre sur pieds, mais Gilles se retourna avec la vivacité d’un chat et d’un geste, il appuya l’embout d’une courte tige d’acier contre la gorge du lycanthrope. Le loup blanc s’écarta, portant la main à son cou où il sentit une infime brûlure lui cuire la peau. Cela donna le temps nécessaire à l’archer pour se relever et s’élancer en direction du bois. Furieux, Edward se jeta à sa suite. Il l’aurait étreint sans peine, si en atteignant l’orée, une puissante onde de choc ne l’avait pas repoussé au centre de la clairière.
Rouler-bouler dans les fleurs. Le loup se secoua et se releva aussitôt, mais porta à nouveau sa main sur sa gorge. La brûlure pulsait sous ses doigts. Enflammé d’une sombre rage, son regard se braqua en direction de Gilles, resté à la lisière de la végétation. Il avait beau se savoir en sécurité, l’archer recula, craignant de se faire déchiqueté sur place si le lycanthrope parvenait à l’attraper.
Comprenant qu’il était piégé, Edward attendit, sur ses gardes, que se montrent ceux qui l’avaient fait prisonnier. C’était trop en demander, car seule un concert de voix d’outre tombe se manifesta dans la nuit.

« Eduard Wolkoff, l’heure du Jugement de Dieu a sonné. »

Le loup blanc se redressa, sans honte ni crainte. Il affrontait avec un mépris évident ces lâches sans visage, dont il pressentait la justice fantoche. Qu’ils s’amusent ces tristes clowns, tout ce qu’ils éveilleraient chez lui, serait une violente nausée.

« Montrez vos sales têtes au moins, cracha-t-il. Que je sache qui m’accuse.
— Nous ne pouvons nous dévoiler à ton impiété.
— Ton regard souillerait nos êtres.
— Nous ne devons nous protéger de ton impureté. »

Ah cette vieille rengaine ! Le procès du grand méchant loup commençait sous une auspice familière qui lui fit rouler des yeux au ciel. Qu’ils abrègent.

« Eduard Wolkoff, sous le nom de Vyresh tu as détruit sans l’accord de Dieu.
— Par cet acte impie, tu as attiré les foudres de sa justice.
— Et par ce jugement l’équilibre sera rétabli.
— Es-tu près à entendre les accusations qui pèsent contre toi ? »

Une réponse cynique lui brûla la langue, mais sentant qu’on le regardait avec plus d’intensité, il tourna la tête sur la droite. Au comble de l’excitation, Ursula et Walter lui firent de grands gestes d’encouragement, ce qui le déstabilisa à peu près autant que la vue de Rose à leur côté. Il interrogea la demoiselle du regard, puis d’un geste, il lui indiqua la direction que Gilles avait prise, lui confiant le couard, pendant qu’il s’occuperait de sa propre libération. S’approchant des bords de la clairière, il tendit sa main gauche et sentit la résistance de sa cellule dresser les poils le long de ses bras. Sa main droite, elle, commença à lentement griffer la marque sur sa gorge.
Déconcerté par l’absence de réponse à leur demande solennelle, l’un de ses juges se manifesta par un raclement de gorge fantomatique, qui se voulait être un discret rappelle à l’ordre. Comme Edward devait encore gagner un peu de temps, il réagit, mais en toute désinvolture :

« Pardon, je n’écoutais pas, les longs discours ont tendance à m’ennuyer. Vous disiez ? »

Un murmure s’éleva, mais il fut aussitôt balayé par un emportement plus prononcé qui fit frissonner toute la forêt :

« Assez ! Que l’on énonce ses pêchers.
— Tout de suite ! Vyresh, atténue ta peine et la sentence qui sera tienne. Implore le pardon de ces innocents dont tu entends les nom : Ileana Stănescu, Mara Bălan, Daria Vasiliev…
Vous n’avez pas dû suivre le procès de l’Heure Pourpre, soupira Edward. Mes souvenirs de ces années sont pour le moins abstraits. Aucun de ces noms ne me parlent.
— Vasile Munteanu, Mihai Lupei, Leria Czonka…
Minute. Vous avez dit Mihai ?
— Ana Cătălin, Yvan Voeslsungen… »

Edward se figea. Non. Ce dernier nom ne voulait rien dire. Ce qu’il avait fait n’était pas un secret chez les Légendaire et cette mort-là, l’était encore moins encore que les autres. Mais et ces autres justement ? Rien n’indiquait qu’ils avaient existé et moins encore, qu’il les avait tué. Un doute toutefois, le poussa à chercher Rose. Ce dernier nom avait dû paraitre bien familier et il savait qu’elle ferait le lien, mais il voulut croire qu’elle le laisserait lui expliquer.

« Et enfin Marlock W- »

Foudroyé de fureur, il s’arracha à sa torpeur. Innocent ?! Lui ?!
Les ongles de ses doigts s’enfoncèrent dans sa peau et sans hésiter, Edward lacéra sa propre gorge. Le sceau fut brisé et les voix s’effacèrent en même temps que sa prison. Mais le loup blanc avait perdu toute patience et cette partie de cache-cache avait fini par lui vriller les nerfs. S’ils voulaient juger un monstre sanguinaire, ils allait le leur donner.
Doucement, son regard pivota sur le côté. Gilles n’était pas revenu, mais son public improvisé cancanait toujours, très déçus de la fin bâclée du procès. Absorbés par leurs élucubrations, ils ne sentirent pas le danger approcher.
Attaquant avec la soudaineté des prédateurs, Edward coucha Walter d’un coup dans les côtes. Ursula hurla, mais il lui réserva un sort similaire en l’allongeant d’un simple coup de tête. À ses pied, le noble crachait ses poumons, incapable de retrouver la respiration qui lui manquait. L’animal ne prit pas la peine de l’assommer et les traina tous deux par les pieds, les entrainant jusqu’à un espace totalement dégagé au milieu de la serre.
Ursula lui était inutile pour le moment, mais Walter ferait l’affaire. D’un geste net, il lui écrasa la main, lui brisant deux doigts et arrachant un hurlement digne d’un goret qu’on égorgerait. Ce son déplut à Edward qui lui colla la tête au sol, la maintenant contre le pavé sous son pied nu. Le malheureux se mit à hoqueter, crispant un peu plus son visage ravagé par l’effroi et les larmes. Le loup n’eut même pas à insister, l’appel plaintif et désespéré s’éleva de lui-même de la bouche tordue du pauvre homme :

« À… À l’aide ! S… S’il vous plait, aidez-nous !
J’attends, aboya Edward. Et si votre justice divine n’intervient que pour sauver les morts, ça peut très vite s’arranger. »

Et les sanglots de Walter redoublèrent.


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeDim 2 Avr - 10:46

- « Qui est jugé ? » demanda-t-elle dans un frisson.
- « Oh, mais vous devriez savoir trésor… votre fiancé bien sûr. »

À quel moment ces deux énergumènes avaient-ils pensé que c’était une merveilleuse opportunité que de l’inviter à la condamnation d’Edward, elle n’en avait aucune idée. Toujours était-il qu’elle n’avait pas le temps de leur exprimer de manière musclée le fond de sa pensée. Cela devrait attendre. Sans écouter leurs protestations Rose s’élança en direction de l’endroit qu’Ursula avait  indiqué de sa main gantée.

Elle déboula dans la clairière alors que la première voix s’élevait. Pantelante, elle ne put que constater avec impuissance la capture du loup-garou. Ursula et Walter arrivèrent peu après, rougis par l’effort qu’ils avaient dû fournir pour suivre son rythme. Ils avaient l’air enchanté de voir que tout était parfaitement en place pour ce fabuleux procès.

Les voix reprirent leur litanie accusatrice. Une en particulier glaça le sang dans ses veines.
Rose voulu s’avancer vers la paroi invisible, mais le geste du prisonnier la retint. Gilles d’abord. Il se débrouillait. Elle acquiesça lentement, hésitante, mais repoussant avec peine son inquiétude elle finit par s’élancer dans le bois.

Les branchages bas et touffus entravèrent rapidement sa progression. Elle ne possédait ni l’agilité de Gilles, ni la puissance d’Edward. Plusieurs ronces léchèrent sa peau, la marquant de leurs épines acérées. Lorsqu’enfin, elle rattrapa le fugitif, celui-ci était immobile et semblait en pleine discussion avec quelqu’un. Malgré le tapage provoqué par son arrivée, il ne l’avait pas entendu approcher. Elle s’arrêta, attendit. Dans le petit sous-bois, la contrebandière n’entendait personne d’autre que l’unique voix de l’archer, empressée et effrayée.

- « Non, non… Je vous jure que… »

Il leva les yeux vers le ciel qu’on apercevait à peine à travers la cime des arbres et le plafond de verre de la serre. Ses pupilles se dilatèrent de terreur. Quoi qu’il entende, c’était effroyable. Il tomba à genoux en signe de supplication.

- « J-je vais m’occuper de la fille… Je promets de ne pas vous décevoir à nouveau… S’il vous p-… »

Une vive lumière déchira le ciel nocturne et un étourdissant bruit de verre brisé envahit l’espace, suivit immédiatement par un hurlement de douleur. Par reflexe, Rose se couvrit les yeux de son bras, reculant d’un pas. L’odeur de la chair brulée la prit à la gorge. Elle retint de justesse un haut le cœur en découvrant le corps carbonisé de l’homme. Il gisait, en position de dévotion, réduit à l’état de charbons ardents. À ses pieds, un petit ustensile avait glissé de ses doigts crispés. L’étrange objet de métal avec lequel avait été marqué le lycanthrope.

Prudemment, Rose le ramassa. Il n’était pas chaud. Intouché par une foudre qui n’avait rien eu de divin. La lumière bleutée qui émanait du pendentif pouvait en attester.

Autour d’eux, partout dans la serre continuait de retentir les terribles accusations de cette parodie de justice. Elle voulut rejoindre Edward, vite, tourna les talons. Une liste de noms. Et au milieu de l’énumération macabre, un nom qui résonna plus longtemps que les autres. Un nom qu’elle ne connaissait que trop bien. La contrebandière se figea. Bien sûr, il fallait qu’il y soit mêlé. Bien sûr. Évidemment. Rien ne pouvait être simple. Un soupir fatigué lui échappa.

Pourtant, cet instant de stupeur passé, elle se remit en mouvement. Ses jambes et ses bras, sa figure même subirent à nouveau l’épreuve des ronces. Elle ne ralentit pas, ses pieds nus foulant à peine le sol. La dernière branche écartée de son passage, elle surgit dans la clairière, complétement échevelée et essoufflée. La contrebandière fut contrainte de poser ses mains sur ses genoux, la tête baissée, le temps de reprendre son souffle. Les voix s’étaient enfin tues.

Elle arrivait juste à temps pour voir son partenaire écraser les doigts de Walter et entendre le pauvre homme implorer du secours. Habituellement, Rose aurait laissé faire, n’aurait pas frémi devant cette violence, surtout que les deux nobles l’avaient passablement agacée. Ils avaient ce qu’ils méritaient. Seulement, la colère qui animait le lycanthrope semblait aussi douloureuse pour lui que pour ses victimes.

Ce simulacre de procès avait réveillé l’agitation de la contrebandière. La mort soudaine de Gilles, sa frustration. La vision d’Edward dans cet état  déchaîna son courroux. L’artefact le sentit car il se mit à briller violement, de la même lueur surnaturelle que ses prunelles. S’il était là pour l’épauler, qu’il le fasse. Elle lui laissait carte blanche. Le noble l’aperçu finalement, ses traits crispés le laissèrent articuler, implorant :

- « J-je … aidez-moi ! »
- « C’est votre jour de chance, Walter. Je vais vous aider. Je vais faire de vous un saint. » Déclara-t-elle, un sourire dangereux aux lèvres, d’une voix qui n’était pas la sienne.

Rose savait qu’elle aurait dû être effrayée que sa voix ne lui appartienne plus. Pourtant, cette chaleur au creux de son ventre la dissuada de se faire la moindre inquiétude. L’entité ne voulait de mal ni à elle, ni au loup.

Du sol s’éleva une vague de ronces, et lentement, en prédateur, elle enserra leurs proies. Ursula et Walter se retrouvèrent ligotés, bâillonnés par des mètres de plantes épineuses, qui se resserraient autour d’eux au moindre mouvement brusque.

- « Que pensez-vous de mon jugement ? Est-il à votre gout ? Peut-être devrais-je postuler dans votre petit culte. »

Devant le manque de réponse, rendu impossible par les baillons improvisés, elle haussa les épaules, et la magie cessa d’irriguer ses veines. L’entité s’évapora. Elle fût à nouveau seule dans son corps. Une soudaine douleur à la poitrine la transperça et elle évita de justesse de s’agripper le sternum des deux mains en grimaçant. Elle s’occuperait de ça après, il y avait plus urgent que son corps défaillant à nouveau.

Avant tout, elle avait un lycanthrope acculé et furieux à affronter. S’approchant calmement d’Edward, elle lui saisit le bras avec douceur mais fermement, l’invitant à reculer. Ses mains glissèrent jusqu’à la sienne, ses doigts s’entrelacèrent encore une fois aux siens, exerçant une légère pression pour l’inviter à tourner son attention vers elle.

- « Edward. Laisse-moi te regarder. »

Se haussant sur la pointe des pieds pour compenser sa petite taille et se rapprocher de son visage, elle attrapa de sa main libre le menton du loup, faisant délicatement pivoter sa tête pour mieux voir la marque apposée par l’archer. Elle y passa tendrement le pouce, essuyant le sang de la blessure, apaisant la peau meurtrie.

- « Tout va bien. » laissa-t-elle tomber d’une voix rassurante, renouvelant son geste tendre.

Intérieurement, elle regretta de ne pas avoir pût cogner un peu sur Gilles avant qu’il ne finisse en statue grillée. Sans se départir de son calme, la contrebandière invita le loup à s’asseoir, finissant de l’observer sous toutes les coutures à la recherche d’une plaie oubliée. Lorsqu’elle fut rassurée, ses iris remontèrent jusqu’au visage de son interlocuteur, le prenant en coupe entre ses deux mains. Elle dégagea une mèche brune de son visage dans une caresse. Si proche de lui qu’elle voyait son reflet dans les yeux du bigarré. Elle aurait voulu l’étreindre, mais se retint.

- « Je suis là maintenant, d’accord ?  »

Elle n’avait pas besoin de plus de mots, tout ce qu’elle ressentait gisait là, dans ces trois petites phrases. Elle espérait qu’il comprendrait tout ce qu’impliquait pour elle de telles paroles. Une supplique. Un engagement. Une promesse. À cet instant, elle se fichait bien de ce qu’il pouvait avoir fait dans le passé. Elle se fichait d’Yvan Voelsungen, quel que soit son lien avec Aldrick. Si il n’avait pas jugé bon de lui en parler, tant pis pour lui. Rien d’autre n’avait d’importance que cette profonde acceptation, cet espoir de compréhension qu’ils pouvaient peut-être partager et cette envie dévorante, ce désir lancinant qui la consumait entièrement. Elle inspira, expira. Fini par relâcher le loup sans pour autant s’éloigner. Elle vida ses poches, exposant ses trésors réunis depuis leur entrée dans la serre.

- « Gilles est mort, ils l’ont tué avant que je ne le rattrape. »

Elle ne savait pas qui, comment, ni pourquoi. Honnêtement, elle avait envie de dire qu’elle s’en fichait un peu à l’heure actuelle. Elle voulait un bon repas, un bain chaud, un paquet de cigarettes et beaucoup d’heures de sommeil dans un lit confortable.

- « Une des voix, c’est Oz. J’en suis sûre. » ajouta-t-elle avec assurance.

Elle se redressa, époussetant ses genoux. Elle voulut tendre la main à Edward pour l’aider à se relever à son tour.

- « On devrait retourner chercher les autres et partir d’ici. On remontera la piste grâce à Ursula et Walter lorsqu’on sera en lieu sûr. »
- « Non ? Vous n’allez pas déjà nous quitter ? »

La question, moqueuse avait retenti dans toute la serre, résonnant encore et encore pendant plusieurs secondes. Une sueur froide coula le long de la colonne vertébrale de la contrebandière. Rapidement, elle se saisit de ses possessions, cherchant la provenance du son mais ne l’identifia pas.

Oz.

Fuck. This. Shit.

Attrapant le poignet d’Edward, Rose l’entraina sans hésiter vers la sortie de la serre.
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeLun 3 Avr - 20:06

Elle était toujours là. Non pas qu’il en ait douté, mais il ne s’y était pas non plus totalement préparé. Voir Rose s’avancer vers lui comme ça, attentionnée malgré la colère farouche qui l’empêchait de la regarder, sentir ses mains se poser sans crainte sur sa peau quand il se savait capable de mordre au sang quiconque tenterait de le toucher… Une seconde, il eut envie de se blottir contre elle, de s’excuser d’il ne savait trop quoi — de la honte de s’être laissé emporter peut-être — et de profiter de sa chaleur avec pour seule pensée le plaisir d’étreindre un être qui n’avait ni peur, ni dégoût pour lui.
Mais Edward était un loup blessé, giflé par son passé, et il se refusa à cet instant de faiblesse. Même sous les doigts tendre de la contrebandière, même perdu dans ses grands yeux bleus, il demeurait tendu, agacé, il était visible que l’animal grondait à travers chaque fibre de sa peau frémissante. Sa docilité venait surtout d’une crainte sourde qui s’était éveillé en la voyant à nouveau utiliser le pendentif. L’image de son corps inanimé et vidé de ses forces était encore trop frais dans son esprit pour qu’il accepte sans ciller de la voir à nouveau utiliser sa magie.

Le topo qu’elle lui fit concernant Gilles lui déplut, autant que la probable présence d’Oz. Il essaya de réfléchir, mais dans sa tête passait en boucle ce morceau de nom qu’ils avaient osés prononcés. Dans leurs bouches d’hommes ignorants, ce prénom suffisait à hérisser violemment le loup blanc, avec un emportement qui lui ressemblait peu. Une colère s’était réveillée en lui. Braises étouffées, elles avaient exposées en un incendie qu’il peinait à contrôler et qui se répandait en lui avec une telle virulence, qu’il commença à la craindre.
Sentant que Rose avait les idées claires, il acquiesça lorsqu’elle lui proposa de quitter la serre. Une voix se manifesta et à la réaction de la jeune femme, Edward supposa qu’il s’agissait de celle d’Oz. Elle lui prit le poignet et l’entraina vers la sortie.
Le loup suivit d’abord, mais rapidement son instinct de survie prit le pas sur son esprit embrouillé et mit tous ses sens aux aguets. Il eut soudain l’intime conviction qu’on pouvait seulement les entendre et non les voir comme il l’avait d’abord cru en s’en prenant à Ursula et Walter, car ils atteignirent sans encombre la grande double porte vitrée. Leur traversée n’avait pas excédée trois minutes. Trois minutes pendant lesquelles la voix avait continué à les menacer, annonçant qu’un courroux divin s’abattrait dès qu’ils tenteraient de quitter la verrière ; mais rien.
Devant la poignée, Edward tira Rose en arrière. Il ne croyait pas aux prédications de l’illuminé, mais s’il se trompait, il était celui à qui la constitution donnait les plus grandes chances de survies.

Main sur la barre d’acier.
Rien.
Il ouvrit la porte.
Toujours rien.
Il la claqua violemment, mais sans quitter la serre.

Sous le dôme de verre, la voix d’Oz s’étouffa dans un grognement contrarié. Il débuta une phrase, signe qu’il s’adressait probablement à quelqu’un, mais l’effet sonore fut coupé, les empêchant d’entendre quoi que ce soit.
Edward jeta un coup d’œil à Rose. Il lui indiqua de ne pas faire de bruit et lui prenant la main, il l’entraina doucement à sa suite. Si, comme il le pensait, le groupe les croyait sorti et que seule la serre était surveillée, ils seraient contraints de bouger leurs pions, ou d’abandonner la partie. Pour l’instant, le loup blanc croyait moyennement à la seconde option, mais il espérait abuser la première pour reprendre la main.
En talonnant Gilles, il avait aperçut un petit cabanon en bois. Sans en être certain, il espérait que l’endroit clos était à l’abri de la surveillance de l’Ordre et s’y s’engouffra en entrainant Rose. Refermant la porte le plus doucement qui soit, il se retrouva plié en deux contre la demoiselle. L’endroit n’était qu’un local à outils, non prévu pour accueillir deux personnes et encore moins si l’une d’elle avait la carrure d’Edward.

« Désolé, » murmura-t-il en retirant sa main qui avait malencontreusement frôlé la poitrine de la contrebandière.

Mais il ne s’excusait pas vraiment pour ça — l’entrainement les avait habitué à une certaine proximité et une fois en confiance, Edward n’était lui même pas des plus pudiques. En réalité, il s’excusait d’avoir fait n’importe quoi. S’en prendre à des innocents, même très agaçants, ne lui ressemblait pas et même à cet instant, il n’était pas certain d’être sur la bonne voie.
Penché contre Rose, il ferma les yeux et inspira. Il aimait bien son odeur. Même crasseuse et transpirante, elle dégageait quelque chose d’autre, de profond et sauvage. Il ne le lui dirait sans doute jamais par peur de passer pour un cinglé, mais lorsqu’il rouvrit les yeux, il s’était en grande partie calmé.

« Il faut qu’on essaie encore une fois de se mesurer à eux. Si ça ne marche pas, on s’en ira, mais je… »

Un bref instant, son regard se fit fuyant, puis il revint se poser dans celui de Rose sans ciller. Il souffla d’un timbre posé et déterminé :

« Je ne me souviens pas de mon passé. Très mal en tout cas. Il me manque une vingtaine d’années. J’ai toujours fait comme si je m’en moquais, mais depuis l’Heure Pourpre, je sais que je dois l’affronter et ces types-là… (Il indiqua l’extérieur du cabanon d’un mouvement de tête.) Même si je n’ai aucune certitude que ce qu’ils disent est vrai, ils savent des choses à mon sujet. Je ne veux pas reculer. »

Edward frissonna. Il s’était rendu compte qu’il formulait pour la première fois ce besoin à haute voix. Son choix avait été fait il y avait plusieurs mois de ça, mais le concrétiser par ses mots, à quelqu’un comme Rose, lui paraissait à la fois d’une absurdité sans nom et d’une évidence limpide.
Avait-il peur de ce qu’il trouverait ? Oui. Mais à ses côtés, il espérait que tout serait plus facile. À nouveau, les mots lui manquèrent. Il voulait lui demander explicitement son aide, lui jurer de tout lui expliquer, mais rien de tout ça ne quitta ses lèvres. Qu’il aurait aimé qu’elle soit louve pour qu’elle puisse sentir tout ce qu’il était incapable de formuler.
Mais peut-être…
Son visage à Elle revint le hanter. Il referma ses lèvres qui s’étaient rapprochées de sa peau et s’écarta comme il put.
La porte de la serre claqua à nouveau. Edward tendit l’oreille, craignant une seconde que la voix de cet abruti d’Alexandre n’explose sous la verrière, mais tout resta silencieux et il comprit qu’au moins une des personnes présente était sortie. Il n’eut pas longtemps à attendre pour que son ouïe fine perçoive un bruit de pas, deux peut-être, sur leur droite.

« Ils ont bougé » glissa-t-il à Rose.

Doucement, il ouvrit le cabanon. Il remercia en silence M. Tallebot d’être un homme si soigneux et de graisser avec tant de générosité les gonds d’un pauvre abri de jardin. Sa main glissa dans celle de Rose. Il l’entraina doucement derrière lui, se sachant en sécurité, car le son venait de là où ils avaient laissé Ursula et Walter.

« Deux personnes » murmura-t-il à la contrebandière.

En la faisant marcher dans ses pas, ils purent se faufiler en silence dans la végétation, atteignant finalement un coin près de bosquets bien garnis de chèvrefeuille. Entre les branches, ils distinguèrent deux silhouettes vêtues d’une robe de bure immaculée. Une s’affairait à libérer les prisonniers — Walter avait fini par perdre connaissance — et l’autre se dandinait nerveusement à ses côtés, entremêlant ses doigts sous ses larges manches.

« Le prêcheur va se fâcher, le prêcheur va se fâcher. J’avais dis d’être plus prudent, mais personne n’écoute Prudentia, non, non, jamais on ne l’écoute et maintenant ils se sont échappés. Ah ! Le prêcheur qui nous a envoyé là ne sera pas content, non, non, non. Mais j’avais dit de faire attention. Prudence, prudence ! Mais toujours non.
Je suis sur que ça ira. Il faut garder espoir ! Tu t’inquiètes beaucoup trop et tu vas te rendre malade. Judex est parti les chercher et tu sais bien comment il est. Allons, aide moi plutôt.
Oui, mais il faut faire attention ! Les plantes piques et peuvent gratter. La prudence est importante pour ne pas blesser ces pauvres innocents.
Ta prudence devrait plutôt te dire de te hâter avant que Fortitudo ne revienne. J’aimerai garder l’espoir qu’on termine ce qu’il nous a demandé.
Iiiiih ! C’est vrai c’est vrai ! Alors Prudentia va se hâter, mais tout en faisant attention et sans précipitation ! »

Edward se tourna vers Rose. Il était à peu près certain qu’aucun de ces deux inconnus n’était Oz car les voix ne collait pas, mais il préférait avoir sa confirmation. Il en restait au moins deux autres, hors de vue pour le moment.

Enfin…

Une branche craqua derrière eux.



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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMer 5 Avr - 10:54

Pressée contre le grand corps lycanthrope dans ce petit réduit étroit, le cœur de la contrebandière s’emballa de plus belle. Elle crût un instant qu’il allait l’embrasser. Inconsciemment, sa tête bascula légèrement en arrière, mais Edward recula, et elle resta affamée.

Réprimant un soupir désappointé, elle murmura en écho aux confidences de son partenaire.

- « Je suppose que je ne peux rien te refuser. »

Ils sortirent du cabanon, Edward l’entrainant à sa suite. Rose fit de son mieux pour rester discrète, se laissant guider, attentive aux indications de son guide. Une branche craqua dans leur dos. Volte-face.

- « Aaaahh, vous voilà enfin ! On vous a cherché partout petits cachotiers. Vous manquez de courage ! Mais ce n’est pas grave, je vais vous montrer ce qu’est la véritable force d’âme ! »

Devant eux se tenait un homme gigantesque, habillé de la même robe de bure blanche que ses deux compères. Sous le vêtement, on distinguait aisément sa musculature et son sourire fier éclairait une mâchoire carrée aux dents étincelantes. La pâleur de l’habit contrastait avec son teint hâlé et ses cheveux très sombres et tressés. Dans sa main droite, brillait une hallebarde méticuleusement polie et aiguisée.

Dans leur dos les babillages de Prudentia et son compagnon cessèrent d’un seul coup. Le colosse avait attiré sur eux toute l’attention. Il n’avait pas cherché à les surprendre. L’imbécile voulait visiblement les affronter dans un combat à la loyale. Un signe de tête à Edward. Elle ne connaissait que trop bien ce genre de types. Il allait la sous-estimer, et ce serait là sa perte.

- « Je me charge de celui-là. Occupe-toi des deux autres »

Rose s’avança vers Fortitudo qui n’avait pas l’air de bien saisir que ce serait elle son adversaire et non pas l’autre mâle dominant. L’incompréhension fronça ses traits.

- « Je ne touches pas aux femmes. » Protesta-t-il, dignement. « C’est déshonorant d’user de ma force contre elles. Elles ne sont pas nos égales, je… Outch ! »
- « Vous disiez ? »

Son pied venait de s’enfoncer violement dans les parties génitales du malheureux qui se plia de douleur. Une seconde, Rose avait glissé de côté, son coude s’abattit sans hésiter contre la colonne vertébrale de sa victime qui lâcha son arme en tressaillant. Coup de grâce. Des deux mains, elle agrippa la tête de Fortitudo et son visage entra en collision dans un craquement sourd avec l’os saillant de son genou replié. K-O technique, le géant s’effondra face contre terre dans un spasme final.

- « Amen, » se permit commenter la contrebandière avec un petit signe de croix moqueur.

Rose se tourna vers Edward, fière d’elle, prête à recevoir les louanges qu’elle méritait. Mais deux bras l’enserrèrent par derrière, l’immobilisant dans une clé de bras douloureuse. Elle laissa échapper un hoquet de surprise et de douleur mêlées. Une voix qu’elle connaissait bien résonna au creux de son oreille.

- « Il ne fallait pas sous-estimer celle-ci mon brave Fortitudo. C’est la plus dangereuse des deux. » Un petit rire satisfait. « Hello, Doll. It’s been a while. Je ne pensais pas qu’utiliser votre propre stratagème contre vous fonctionnerai. »

La langue d’Oswald Fawkes dessina le contour de son oreille faisant sursauter Rose. Elle voulut se dégager, le repousser dans un mouvement de dégout, mais il resserra son étreinte et son bras libre s’enroula autour de sa gorge. Elle voulut se saisir de son couteau mais il avait disparu, probablement tombé lors de son précédent vol plané.

- « Lâche…moi ! »
- « Allons, allons, c’est comme ça que l’on traite ses vieux amis ? »

Une réplique acerbe lui brula les lèvres mais l’étau autour de son cou se fit plus étriqué encore, si bien qu’elle se sentit suffoquer. Sa main libre s’agrippa à la manche de la robe de bure, tentant de griffer au travers, sans succès. Panique. Ses yeux cherchèrent ceux d’Edward. Ses doigts se portèrent sur son pendentif, qui demeura inerte.

- « Hush, hush Sweetie… Sois calme s’il te plait. La magie ne marche pas ici, seulement l’œuvre de Dieu. », annonça-t-il calmement, un sourire courtois aux lèvres. « Monsieur White. Je suis venu pour rendre la Justice. »
- « E-E… »
- « Shhhh… »

Oz fixait Edward de ses yeux verts, souriant toujours très poliment, alors même qu’il suffoquait sa prisonnière.

- « Elle est adorable n’est-ce pas ? Quand on y goûte une fois, c’est dur de s’en passer… Oh, mais peut-être n’en avez-vous pas eu l’occasion ? » Entre ses bras, Rose avait renversé la tête en arrière, tentant de grapiller le moindre petit gramme d’air. « Mais je m’égare. Mettez-vous à genoux je vous prie, pour que nous puissions rendre notre jugement. Sinon je crains que vous n’ayez jamais l’occasion de croquer votre petit chaperon. »
- « J-judex ? »
- « Tu vois bien que je suis occupé à châtier cette bête, Prudentia. »
- « J’avais dit qu’il fallait être prudent, j’avais bien dit. Mais personne n’est prudent, jamais, personne n’écoute la pauvre Prudentia ! »
- «  Judex ! »

Le déclic d’une sécurité qu’on désenclenche. Oz tourna la tête un instant seulement, relâchant son attention. Décision fatale car son bras bougea légèrement autour de la gorge de Rose, révélant un bout de peau.

Un hurlement de souffrance déchira le silence de la forêt artificielle. La contrebandière avait refermé ses mâchoires sur le bras de son agresseur. Ses dents s’enfonçaient profondément dans la chair blanche de Judex, ses cheveux crasseux tombant devant son visage, dissimulant deux prunelles dilatées et brulantes de furie. Elle aurait pu s’enfuir immédiatement après qu’il ait relâché son étreinte, mais elle mordit toujours plus puissamment dans l’épiderme de sa proie. Jusqu’à ce que le sang coule le long de son menton. Alors seulement, elle desserra les mâchoires et recula, faisant face à l’émissaire de Dieu.

- « Tu as toujours été le plus intelligent des deux. Mais elle a toujours été la plus féroce et la plus futée. » commenta sobrement Alexandre, le canon du fusil toujours rivé sur son vis-à-vis. Personne ne l’avait entendu arriver, et il venait de leur sauver la peau.

La saveur du sang emplissait la bouche de Rose. Elle eut un haut le cœur, mais refoula au fond de son esprit son dégout. Elle haletait, n’ayant pas encore récupéré son souffle. Combien de fois tenterai-t-on de l’étouffer ainsi ce soir ? Combien d’hommes encore la sous-estimerai ? Combien de fois devrait-elle encore prouver, que, c’était elle ce qu’il y avait de plus terrifiant dans la pièce ?

Encore un pas en arrière, son dos rencontra le torse d’Edward. C’était lui qu’elle cherchait. Sa main glissa dans la sienne, la tint avec la fermeté du dragon qui protège jalousement son trésor.

- « Personne ne le touche, » aboya-t-elle.
- « Et personne ne touche à ma sœur, » ajouta Alexandre, décrochant de sa ceinture un petit pistolet qu’il lança à Rose.

L’arme tomba à ses pieds comme par magie. Était-il possible que l’influence de Silas s’étende si loin de là où le jeune homme se trouvait ? La blonde la ramassa et découvrit avec satisfaction qu’il s’agissait d’un petit six coups, entièrement chargé. Ôtant la sécurité, elle braqua l’embout du canon vers Oz, alors qu’Alexandre changeait sa visée pour Prudentia et son comparse par précaution.  

- « Bien. Monsieur White à des questions pour vous. Vous allez y répondre bien gentiment. Si nous sommes satisfaits, je laisserai la justice humaine se charger de vous. Sinon… »
- « J-Judex s-s’il te plait, i-il faut que l’on soit précautionneux. »
- « J’espère que le prêcheur nous pardonnera… »
- « Je n’ai pas peur de toi, Rose ! Seul Dieu peut me juger, car ici, je suis la main de la Justice ! »
- « Taisez-vous ! »
- « J’ai encore l’espoir que nous n’ayons pas de compte à rendre à une bête et à sa catin. »

Un coup parti et la balle vint se loger dans le tronc d’un bouleau, à quelques centimètres de la tête du dernier locuteur. Il déglutit péniblement, recoiffant ses cheveux roux d’une main tremblante, n’osant plus prononcer une parole.

- « Oups. Heureusement pour vous que je ne suis pas un excellent tireur. »

Leur échange fût interrompu par le son retentissant de l’horloge centrale qui indiquait trois heures du matin. Le tintement métallique prenait une dimension irréelle sous le plafond de la pièce, résonnant plusieurs secondes après avoir été émis.

DONG.

DONG.

DONG.


Le silence se coucha dans la serre. Il ressemblait à s’y méprendre à celui du jugement dernier.
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeSam 8 Avr - 11:11

« D’où tenez-vous les noms que vous m’avez craché au visage pendant ce simulacre de procès ? »

Le regard d’Edward se planta dans celui d’Oz. Le loup blanc se trouvait près de Walter et Ursula, toujours dans les vapes. Prudentia et son acolyte s’étaient écartés à son approche, tout en fouillant leurs larges manches prêts à se saisir de leurs armes. L’éclat d’une lame brilla entre les mains de la femme, mais elle dut juger plus « prudent » de ne pas s’en servir, car rien ne sortit de sous le tissus. Le comportement de l’autre était plus incertain, mais l’arrivée d’Alexandre l’avait décidé à se tenir tranquille. Grâce au chasseur et à la retentissante démonstration de force de Rose, leur petit groupe avait repris le dessus.
L’horloge sonna. Tenu en joue, Oz ne se départit pas de son sourire et moins encore de sa confiance. Il répondit avec arrogance :

« C’est la justice divine qui nous les a soufflés. Il était temps que quelqu’un s’occupe d’un tel assassin. Dire que l’animal ne sait même pas combien de fois il a tué ! Haha !
Parce que vous, vous savez peut-être ? Grommela Alexandre. Vous l’avez rendu combien de fois votre petite sentence depuis qu’on vous a engagé.
Hmhm… Exactement trente-deux fois ! Oui, oui ! Il faut toujours tenir prudemment les comptes, pour ne pas se tromper ! Ainsi Dieu ne fait pas d’erreur et prudence reste mère de sureté.
Espérons que tu dis vrai !
Vous voyez ? S’amusa Oz. Rendre la justice, la vraie, ça ne s’improvise pas. Dieu nous a choisi, il m’a choisi, moi, afin de nettoyer ce sol crasseux des êtres abjects qui osent le fouler !
God… soupira le chasseur. White, il n’y a rien à tirer de ce genre d’individus, ils sont fêlés, croyez-moi ! »

Edward s’avança. Alexandre disait sans doute vrai, mais depuis qu’il y avait eu ces noms et il ne cessait de douter. Mihai… Mihai… Pourquoi ce prénom revenait ? Pourquoi avait-il le sentiment désagréable qu’il avait oublié quelque chose d’important à son sujet ?
Oz s’agita en le voyant approcher. Son sourire fou se crispa. Il eut un mouvement de recul, mais le loup blanc l’agrippa par le col et toute la physionomie du jeune homme se teinta d’un dégout  profond doublé d’un effroi monstrueux. Il hurla et se débattit, oubliant totalement l’arme de Rose toujours braquée sur lui :

« Ne me touche pas !! »

Edward attrapa son poignet, contrant un geste défensif. Une mouche prise dans un étau d’acier. Oz chercha à se libérer avec une énergie empreinte d’un désespoir flirtant avec la folie. Le loup blanc eut pitié. D’un geste vif, il lui retira sa robe immaculée et le rejeta sur le pavé. Le jeune homme tomba à genoux dans la poussière, salissant le pantalon de son complet blanc, mais peu lui importait. Hoquetant, il demeura atterré, le regard perdu sur cette main qu’un être comme Edward était parvenu à toucher.
Le lycanthrope ne lui accorda pas un regard et fit les poches à son uniforme. Il tira plusieurs papiers, certains semblaient codés, mais il trouva également une liste où son nom et celui de Rose figuraient. Le sien était annoté d’un triangle, celui de le contrebandière d’un éclair. Quatre autres étaient barrés, dont celui de Mme de Vermandois. S’y ajoutaient ceux de deux inconnus encore parfaitement lisibles, probablement les prochains sur la liste de ces illuminés, mais aucune trace de la famille Tallebot. Sur une autre feuille, il dégota les informations prononcées lors de son procès.
Comme s’il croyait pouvoir découvrir quelque chose entre ses lignes, il la parcourut avec attention  et rendit sa tenue à Oz en la lui jetant au visage. Un violent sursaut le réveilla. Il se hissa sur ses pieds, et rongés de fureur et d’angoisse, il hurla à l’adresse d’Edward :

« Il ne voudra plus de moi ! Tu m’as sali monstre ! Bête ! Animal ! Par ta faute le Prêcheur refusera que je rende la justice pour le Seigneur !
T’avais qu’à rep- commença Alexandre, avant d’étouffer un cri. Oswald ! »

Il venait d’ôter une fine lame de sa botte et appuyait sa pointe contre sa propre gorge. Sans trembler, jetant à Rose un regard suintant de fiel et de reproches, il ferma les yeux et le poignard traversa la chaire. Le sang coula le long de sa gorge, teinta de rouge ses vêtements immaculées, mais Oz continua de respirer et cette fois, il se mit à trembler.
Ses yeux verts se levèrent avec une incompréhension noyée d’un mépris dégouté vers ceux d’Edward qui ne lui rendit que son aversion. D’un geste, il arracha le couteau stoppé dans sa course par ses réflexes lupins. La lame avait entaillée sa paume, c’était son sang qui dégoulinait sur le corps de ce pauvre idiot. Alors que la Justice vacillait, Edward lui cracha d’un souffle glacé :

« Lâche. »

Il jeta l’arme qui glissa jusqu’à la botte de Rose. À l’autre bout du canon d’Alexandre, les murmures s’élevèrent :

« Quel manque de prudence d’empêcher ainsi le sacrifice d’une âme souillée…
J’espère qu’il ne l’a pas privé du pardon sacré.
Hm, c’est pourtant possible, Judex a pêché par orgueil, il n’a pas écouté Pudentia et désormais, il a perdu sa pureté.
C’est si bête, j’espérais que nous pourrions rentrer tous ensemble !
M-Mais… Grimaça Oz. Fortitudo, lui aussi il…
J’espère que tu n’as pas oublié nos lois. Le contact des enfants de Dieu, même corrompu, n’est pas interdit car ils peuvent toujours être sauvés. En revanche, celui d’un être né dans le four de Satan est formellement proscrit.
M-Mais il n’a touché que ma main ! Il suffira de la couper ! Je peux encore servir le Prêcheur !
La coup- souffla Alexandre. What the… Oz, mais qu’est-ce qu’ils t’ont fait !?
Nous lui avons donné la foi. »

Elle était apparue de nulle part, silencieuse, sans odeur, Edward lui même en fut surpris. Femme aux longs cheveux blonds et à la peau pâle, le haut de son visage était abrité sous une large capuche. Elle se tenait très droite, les mains jointes sur son cœur, dans une attitude de pénitence et de prière qu’appuyait un sourire doux. Alexandre tourna son révolver vers elle, mais Edward crut percevoir une hésitation dans son geste et l’inquiétude commença à le tirailler.
Prudentia et son camarade la rejoignirent rapidement, se campant chacun à l'un de ses bras. Oz n’esquissa qu’un pas. La voix tremblante, il implora :

« Fides… Je vous en prie. Parlez au Prêcheur pour moi…
J’ai vu le doute s’insinuer dans ton cœur quand la main d’un monstre retenu la lame de notre Seigneur.
Il m’a eu par surprise ! Je l’ai haï pour s’être interposé alors que je comptais m’offrir à notre cause !
Dois-je en déduire que tu crois toujours en elle ?
Oui ! Je donnerai ma vie pour…
Ta vie n’a plus de valeur pour le Seigneur, Oswald Fawkes. Pour retrouver une place à ses côtés, tu dois prouver que tu as toujours une foi aveugle en lui.
Je ferai tout ce qu’il me demandera !
Dans ce cas… »

Un flash. Silencieux, mais d’une puissance telle qu’il déchira la nuit. Aveuglé, Edward se fia à son ouïe et entre les exclamations furieuses d’Alexandre, il perçut le son d’un froissement de tissus. Son cœur accéléra. Le chasseur poussa un cri, mais le loup ne s’en soucia pas. Il se fia à l’odeur de son sang, du métal, quelques pas, les couleurs commençaient à revenir, dansant devant ses yeux qui ne voyaient plus. Geste vif. Il se pencha, sa main trouva le manche du poignard qu’il empoigna, il le brandit avec une vivacité animale, s’arrêtant, le souffle court, lorsqu’il perçut un soupir comblé au bout de sa pointe. Frisson.
Lorsque la luminosité s’estompa enfin et que la pénombre les enveloppa à nouveau, les cartes avaient été rebattues. Pris en tenaille entre Prudentia et son acolyte, Alexandre était bloqué. Rose avait été désarmée et mise un genoux à terre. Son pistolet se trouvait entre les mains d’Oz, dont le regard s’éleva, hagard, vers Fides. Un sourire fanatique épousa doucement ses lèvres et ce mouvement, si infime soit-il, fit perler un peu de sang sur son cou, chatouillée par la pointe acérée de la dague tenue par Edward.
Le loup blanc serra les dents. Cette illuminée paraissait au bord de l’extase et lui trancher la gorge lui parut, à cet instant, la pire idée qui soit. Il songea à s’approcher, à lui appliquer le même traitement qu’à Oz, mais à peine un geste esquissé et il la vit appuyer davantage son cou contre la lame et la perle rouge s’allongea en une fine estafilade. Dans cette tension formidable où personne n’osait respirer, Oz leva l’arme et la braqua sur Edward. Fides eut un gémissement dégoulinant de plaisir qui glaça le sang du loup. Ses mains toujours jointes, elle souffla avec une passion transportée :

« Pas lui… Elle ! »

Toute couleur disparut du visage d’Oz. Ne faisant pas l’erreur de sous-estimer une seconde fois Rose, il tourna immédiatement le canon de l’arme vers elle, mais sa main se crispa sur la crosse. Il inspira :

« Je croyais qu’en tant qu’enfant de Dieu…
Discuterais-tu ses ordres ? Coupa Fides, cette fois d’un timbre atone, vidé de toute empathie.
Non, je…
Oswald réfléchissez, intervint Edward. Ce choix n’a aucun sens !
Oui ! Aucun ! Se pâma Fides dans un soupir délicieux. Ah, mais pourquoi s’en soucier quand on a la foi ? Tue la et sauve ton âme de pêcheur… Oui ! Oui ! Tue la !
Rose ! »

Le coup de feu explosa sous la verrière.


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeSam 8 Avr - 21:35

« Dans toute blessure par balle, le projectile écrase et détruit les tissus qu’il pénètre puis provoque des lésions supplémentaires dues à la cavitation temporaire. Les lésions seront plus importantes lorsqu’il y a déformation et fragmentation de la balle. La priorité est d’écarter toute hémorragie immédiatement décelable. Par principe il faut arrêter ce saignement le plus tôt possible. Pansement compressif, linge propre appuyé directement et tenu en place, garrot si besoin. La position allongée est, à priori, la plus appropriée, mais selon la situation et le ressenti du blessé on peut adapter sa position à sa demande. Il faut au maximum éviter que le blessé s’endorme ou perde connaissance. Une perte de conscience peut dans certain cas, entraîner la mort. »


La balle perfora la peau de Rose dans un éclair de douleur. La lumière déclina lentement dans son esprit puis cessa complétement d’exister.  


***

ACTE ?
Scène ??????


(La scène se déroule dans un grand jardin ombragé. Tout à l’air terriblement paisible. Des exclamations de joie se font entendre sur la pelouse. Oz s’amuse avec Zeus, le chien de la maison. Alexandre est assis sur la terrasse, il boit un café en lisant le journal tout en profitant du soleil printanier ; Adelaïde et Rose, ses sœurs, sont assises à ses côtés sous un grand parasol. L’aînée s’amuse avec un jeu de carte, fixant l’horizon de ses yeux pâles et vides. Aveugle, elle ne peut pas voir l’air contrarié de la blonde )

ADELAÏDE : S’il-te-plait Rose, rien qu’une fois !
ROSE, dans un mouvement de main agacée : Je t’ai dit que je n’aimais pas ça ! Pourquoi est-ce que tu insistes autant ?
ADELAÏDE : Mais enfin ! Tu n’as pas envie de savoir ce que te réserve ton futur ?
ROSE : Pas vraiment.
ADELAÏDE, obstinée : S’il-te plait…
ROSE, laissant un silence se coucher entre elles avant de céder, de mauvaise grâce : Bon… Rien qu’une fois alors…

(L’aînée trépigne de bonheur et bat les cartes entre ses mains squelettiques. Elle les étale sur la table devant elle d’un geste habile.)

ADELAÏDE : Choisis en trois. Ne les retourne pas tout de suite. C’est bon ? Parfait, tournes les à présent. Comment sont-elles ?
ROSE, se grattant l’arrière de la tête : Euh… Il y a « L’amoureux » et « La Force »
ADELAÏDE, la coupant : À l’endroit ou à l’envers ?
ROSE : À l’endroit. La dernière … Il n’y a pas de nom dessus … ?
ADELAÏDE : La Mort.

( Le visage d’Adelaïde devient pensif. On entend toujours le rire d’Oswald en arrière-plan.)

ROSE : Qu’est-ce que ça veut dire ?
ADELAÏDE : Je n’en suis pas certaine. Tu peux me donner la tasse d’Alexandre ?

(La jeune femme se lève et va récupérer le récipient vide. Un peu de marc de café git en son fond. Délicatement, elle la pose dans les mains de sa sœur. Ses doigts osseux se referment sur la soucoupe. Elle y renverse brusquement le dépôt. Un peu de café entache sa robe. Pressante, elle tend la coupelle à Rose.)

ADELAÏDE : Que vois-tu ? Dis-moi, vite !
ROSE, un peu apeurée : Je ne sais pas ! Un animal... Un chien ! Non… Un loup ? Un loup !

(Alexandre se lève, alarmé par le ton de leurs voix. Il tape dans la main d’Adelaïde qui lâche la tasse. Elle se brise au sol dans un tintement de porcelaine brisé.)

ALEXANDRE : Ça suffit Ady !
ADELAÏDE, couvrant ses oreilles de ses mains, elle se met à hurler de terreur, ses yeux morts voient quelque chose qui échappe aux autres.
ALEXANDRE, la giflant pour la faire taire, dissimulant son effroi : Des loups, il n’y en a pas ici !
ADELAÏDE, d’une voix qui n’est pas la sienne : Pas encore…

(Le temps s’est figé autour d’eux. Alexandre est immobile, arrêté en plein élan. On n’entend plus ni Oz, ni Zeus. La scène entière se décline en nuances de gris. Seule Rose et la chose qui a pris l’apparence d’Adelaïde sont en couleur et se meuvent. L’air se brouille autour de la chose. Une grande silhouette floue apparait. )


LA CHOSE, avec la voix d’Aldrick : Tu dois y retourner.
ROSE : Où ça ? Qui êtes-vous ?
LA CHOSE : Là-bas. Tu sais qui je suis, gardienne.

(Rose recule, fait non de la tête. La chose s’avance. Ses yeux brillent d’une lueur bleutée.)

LA CHOSE : Si. Tu ne dois pas mourir aujourd’hui. (En voyant Rose reculer encore, elle comprend qu’elle ne peut la convaincre que d’une manière. La voix change à nouveau. Elle devient celle du roi des loups. ) Edward t’attend. Il a besoin de toi.
ROSE, s’arrête. Ce prénom, il lui est familier. Il lui est cher. Elle laisse la chose s’approcher : Je l’aiderai.

(La chose s’approche, l’enlace. Elle pose ses lèvres sur les siennes. Rose cesse à nouveau d’exister.)


***

Le corps de la contrebandière se redressa brusquement. Il ouvrit deux prunelles irréelles qui se fichèrent dans celles d’Oz, toujours immobile. Le révolver était tombé à ses pieds. Toutes les veines de son corps étaient visibles, illuminées de bleu.

Lentement, le corps se défit de l’étreinte de son frère, qui s’était jeté à  ses côtés à peine s’était-elle effondrée. Les mains de Rose palpèrent sa blessure, l’endroit où la balle s’était enfoncée, un peu à droite de la jonction de l’épaule et du torse, en dessous de la clavicule. Elles déboutonnèrent lentement le vêtement tâché de sang et découvrirent son torse, sans gêne aucune. Les doigts trouvèrent la cavité où s’était logé la balle et s’enfoncèrent dans la chair. Le visage de Rose ne dévoila pas une once de souffrance alors que ses doigts trituraient la peau meurtrie.

Enfin, l’index et le pouce se refermèrent sur le projectile, l’extrayant sans hésiter. Un bruit de succion et il gisait dans l’herbe. La chair se referma avec la malléabilité de l’argile.

- « Je vous avait dit d’avoir foi ! Dieu ne fait jamais rien au hasard, tout se déroule selon son plan ! » Exulta Fides, les yeux roulant d’extase.
- « J’espère tout de même que la fille va survivre. Elle n’a pas encore été jugée n’est-ce pas Judex ? Judex… ? »
- «  Prudence, prudence… Qui sait si ce n’est pas l’œuvre du Malin ? »

Judex, à quatre pattes, vomissait l’intégralité de son estomac. Fides laissa échapper un petit rire dément, interrompu par la voix désincarnée de Rose.

- « Son corps ne supportera pas que nous intervenions à nouveau. » Une pause. « Son temps est compté, Eduard Wolkoff. »

Elle s’adressait à Alexandre et Edward, mais aussi, dans une certaine mesure, à Oz. Un regard d’avertissement au lycanthrope, à nouveau, des mots qui semblaient important mais qui ne vinrent pas. Et l’entité disparu. Le corps de Rose s’affala subitement dans l’herbe.

Alexandre la ramassa entre ses bras, mais a demi-consciente, elle se débattit. Elle avait si chaud ! Elle voulait rester dans l’herbe, sentir la fraicheur de la terre contre sa joue. Tout son corps la brulait de l’intérieur. Elle voulut enlever totalement sa chemise, mais son frère la retint de justesse, tentant au mieux de la rhabiller.

- « C-chaud… »
- « C’est une sorcière, Prudentia vous l’avait bien dit. Le Seigneur met son âme au bûcher. »
- «  Taisez-vous » aboya Alexandre. « White, aidez-moi, il faut l’emmener à la source ! »
- « Non ! Nous devons la juger ici. Ayez foi et Dieu lui permettra de survivre jusqu’à la fin de son procès ! »
- «  Ne racontez pas de bêtises ! Elle va mourir ! »
- « Je n’espère pas, ce serait fâcheux. Le Prêcheur nous punirait. La fille a un rôle à jouer.  »
- «  Judex ! »

Oz se redressa péniblement. Il essuya sa bouche d’un revers de main, chancelant.

- « Rose Walkson, l’heure du jugement de Dieu a sonné. Par ce jugement, nous remettrons la brebis égarée dans le troupeau du Seigneu-… »
- « Espèce de… Tu vas la laisser crever ?! »
- « L’espérance d’une vie nouvelle ne passe que par… »
- «  White ! »

Contre lui, Rose s’agita. Transpirante, essoufflée, des larmes de fatigue coulaient sur ses joues sales. Elle voulait parler, dire à Edward qu’elle allait bien pour le rassurer, mais elle ne put que poser ses yeux sur lui, sans avoir la force de prononcer une parole. Furibond face à l’état de sa cadette, Alexandre s’était redressé, prêt à forcer le passage. Il attendait l’aval du lycanthrope et son aide pour ficher le camp de cet asile de fous. Dans son dos, Judex, imperturbable, avait commencé son énumération macabre à l'aide d'une nouvelle liste tendue par une Fides au comble de la délectation.

- «  Henry Walkson, Ava Walkson... Non... Non ! Attendez, ceux-là ne sont pas innocents...»
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMar 11 Avr - 20:41

« C’est maintenant que vous vous en souciez ?! »

Ses mains tremblantes nouées autour du papier, Oz leva un regard hagard en direction d’Edward. Certain de voir ces iris disparates ivres de colère, il fut plus décontenancé encore en les voyant baignés de dépit. L’animal semblait faire preuve d’empathie. Pour une raison qui dépassait Oswald, il lui sembla que cette créature infâme comprenait la guerre furieuse qui lui déchirait l’âme. Son corps glacé ne s’était pas remis du coup de feu. Il refusa de poser un regard sur celle dont il avait tenter de voler la vie, se raccrochant à cette image effrayante de son corps à moitié nu, enveloppé de magie, mais ce ne fut pas suffisant.
Un doute violent lui perça le cœur et le mal contagieux se répandit en une fraction de seconde à chaque parcelle de son corps. Il était la justice. Depuis qu’on lui avait montré la voie, jamais sa main n’avait flanché, mais cette soirée venait de mettre à mal tout ce à quoi il s’était raccroché au cours de ces dernières années. Le dégoût l’enveloppa, il se sentit de nouveau submergé par une forte nausée et vacilla. Sa gorge émit un son inarticulé, étranglé, couvert par les exclamations hallucinées de Fides :

« Ciel, réjouis-toi ! Le nom des innocents sera chanté au nez de l’enfant qui s’est écarté de ton chemin sacré ! Et vous, réjouissez-vous aussi ! Car c’est notre foi en Dieu qui rétablira la justice en la jugeant ! »

Folle. Mains serrées contre son cœur, elle se cambra en arrière au son d’une intense exclamation de joie. Sa capuche tomba, révélant un visage fin, encadré de mèches d’or collées à sa peau par la sueur. Bouche grande ouverte, les joues rougies d’un plaisir intense, elle fixait le dôme de verre de deux yeux vides qui avaient, il y a longtemps, perdus la vue.
Edward vit Alexandre défaillir. Ses jambes s’étaient dérobées sous son poids et celui de Rose. Il était retombé à terre, la serrant toujours contre elle, mais son attention n’était plus que pour Fides. Sa figure avait prit une teinte malade, d’un blanc si mortifère qu’il paraissait être face à un revenant. Entre ses lèvres, un nom filtra, étranglé, comme écorché par des milliers d’épines :

« A-Ady… »

Edward se jeta sur lui. Détournant son visage de celui de Fides, il eut un geste qu’il n’aurait jamais cru possible ; il le prit dans ses bras. Il l’étreignit, vraiment, sa sœur et lui, les serra d’un geste de réconfort qui n’était qu’une façade pour lui glisser quelques mots :

« Pour Rose. Comptez jusqu’à trois. »

Le chasseur tressaillit. Un sursaut d’amour-propre le poussa à se dégager d’un mouvement d’épaule qui, de toute façon, était déjà fortuit. Edward s’était détourné. Alors qu’il était prêt à se relever, il hissa le poignard qu’il n’avait pas lâché et d’un geste, il l’enfonça dans le pied de Fides. La lame le traversa comme du beurre, s’enfonçant jusqu’à la garde et transperçant le pavé. La femme poussa un cri de douleur et de plaisir mêlés et des larmes ruisselèrent sur ses joues sous lesquelles s’étirait un immense sourire.

Un.

Déjà debout, l’ombre du loup assombrit ses traits d’homme sous les mèches folles de ses cheveux noires. Edward n’attendit pas. Il avait entendu le rouquin bouger, ses bottes au talon droit fraichement réparé l’avait immédiatement dénoncé. Un geste sur le côté, main tendue, droit vers sa face saupoudrée de tâches de rousseurs. Il évita, évidemment, c’était exactement la réaction que le lycanthrope attendait. Une brève seconde, l’homme lui présenta son dos. Ce fut assez pour qu’il l’attrape par la capuche et, tirant d’un coup sec, il l’étrangla à moitié tout en le jetant à terre.

Deux.

Patiente, Prudentia attendit l’opportunité idéale et attaqua en traitre. Tirant de sa manche la miséricorde dont Edward avait aperçu la lame, elle profita que le loup blanc ne soit pas encore totalement redressé et s’élança pour lui transpercer le crâne. Elle aurait certainement réussi son coup, si une exclamation de mise en garde étouffée n’avait pas filtré à travers les lèvres d’Oz. Inversant immédiatement son premier mouvement, Edward se baissa davantage, surprenant Prudentia dont le coup porta dans le vide. Entrainée par son propre élan, elle passa par dessus le dos du loup blanc et s’écrasa en partie sur les jambes de son camarade.

Trois.

Comme foudroyé, Alexandre fut instantanément remis sur pieds. Rose serrée contre lui, il s’élança en direction de la porte de la serre. Edward assura ses arrières. D’un coup de talon, il écrasa la main de Prudentia qui lâcha son arme dans un cri navrant. Le loup s’en empara et d’un coup, il cloua son bras droit et la jambe gauche du rouquin. Celle belle brochette se tortilla de douleur, laissant le champs libre à Edward pour récupérer deux dagues similaires à celle d’Oz que tous deux portaient également dans leur botte. Dans un rugissement furieux, il embrocha ces papillons immaculés, traversant l’épaule du rouquin qui cherchait à atteindre le manche de la miséricorde et perforant la paume frémissante de Fides alors qu’elle hésitait à se libérer. Un nouveau soupir de douleur délicieuse s’arracha à ses lèvres, mais Edward n’en eut cure.
Il acheva de libérer Walter et Ursula, hissa l’homme sur son épaule et souleva la femme sous son bras. Il ne pouvait pas les laisser là. La porte de la serre venait de se refermer, signe qu’Alexandre l’avait franchie. Le loup blanc s’élança dans ses pas, mais à la limite de la transe, Fides s’écria :

« Oui ! Oui ! Je t’ai compris ! Tu leur as infligé les pires maux, les pires tourments, tu les as poussés à survivre en embrassant le mal et à présent tu nous les offres ! Leur force d’âme est si éclatante ! Ah ! Le Prêcheur a raison ! Oh oui ! Comme je les aime, comme je les veux ! Il nous les faut !
Qu-Qu’est-ce que…
Oswald ! »

Edward lui tendit la main. Le garçon, livide, déchiré de l’intérieur, observait son monde s’écrouler. Entre ses doigts tremblant, la liste n’était plus qu’un papier froissé. Fides poursuivait ses déclarations hallucinées, bercée par le gémissement douloureux de ses deux complices. La Justice à laquelle Oz s’était raccrochée de tout son être s’émiettait devant lui et il se sentit défaillir avec elle. Ses jambes se mirent à trembler, mais lorsqu’elles cédèrent, une poigne forte et solide lui évita la chute. Pour la troisième fois, son regard se porta sur celui d’Edward et le mélange de dégoût qui l’animait se teinta d’une puissante incompréhension qui demandait à être élucidée. « Pourquoi ? » Ce mot hanterait désormais son esprit jusqu’à ce qu’une réponse lui soit faite, mais à quoi bon désormais ? Il sentait que le courage lui manquait, que la fatigue le submergeait, jamais il ne pourrait…

« Ne fuyez pas. »

Trois mots. Trois mots qui réveillèrent une part de lui qu’il avait oublié. Trois mots qu’il avait lu et relu sans cesse des années plus tôt, à la lumière de la lune, quand tous dormaient, mais que l’enfant qu’il était rêvait du monde meilleur que les livres de chevalerie lui promettaient. Oz se redressa. Ses jambes ne tremblaient plus. Au creux de sa main crépita le son d’une feuille que l’on froisse à l’excès. L’orgueil le poussa à se dégager de cette aide qu’il exécrait encore, mais il finit par souffler :

« Il faut bouger. »

Edward ne se le fit par dire deux fois. Laissant derrière eux le quatuor de cinglés, Oz et lui quittèrent la serre au son sec du claquement des lourdes portes.

Direction la source.


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeJeu 13 Avr - 15:25

«  The little girl was running, running, running, running, into the dark deep woods.
Her mother had told her, you can run, but you can’t hide. The wolf is always going to find you.
He will : sunk his fangs into your flesh, into your throat, choke you, tear you apart
Bones,
Blood,
and Teeth.
Until there is nothing left but yourself.
You can’t escape the wolf.
He will grow inside of your body, shadow in your footsteps,
Mimicking your human self, but he will always belong to the woods.
Wild, wild girl, let him rise or crush him down under your heels.
Side with him or be his doom,
Either way you will suffer.
The little girl was running, running, running, running, into the dark deep woods
Her mother told her : “you cannot love the beast”.
Then, her daughter turned to her, looking through her soul with predatory yellow eyes.
She growled : “ But what if I do? What if I did ?”
And the mother screamed, screamed, and screamed... »


Rose ouvrit les yeux.
La voix avait disparu, la laissant seule. Le plafond éclatant de lumière l’éblouit et elle referma les paupières.
Elle voulait connaître la fin de l’histoire. Elle avait déjà entendu ce récit, mais elle n’arrivait pas à se souvenir de comment il s’achevait. Ce sentiment de familiarité lointain la frustrait, elle n’arrivait pas à le saisir. Il arrivait quelque chose à la fillette. À la fin, elle devenait autre chose.

- « Rose, est-ce que ça va ? »

Then, her daughter turned to her, looking through her soul with predatory yellow eyes.
She growled :


- « But what if I do? What if I did ? »
- « Hein ? »

And the mother screamed, screamed, and screamed...

- « But she was the wolf already. »

Alexandre l’observait sans comprendre, inquiet à l’idée qu’elle ait perdu la tête. Entre ses bras, dans l’eau tiède de la source, Rose se redressa.  Elle porta la main à son torse, là où la balle l’avait supposément heurtée, mais elle n’y découvrit qu’une peau lisse, malgré le sang qui teintait sa chemise. Elle avait subitement très faim.

- « Tu commences à me causer du soucis… »
- « Non, je vais bien… Je veux dire… Mieux. Où sont les autres ? » interrogea-t-elle en sondant l’endroit du regard, mais la salle était vide.
- « Ton fiancé ne devrait pas tarder j’espère. J’ai envoyé les trois mousquetaires chercher des vêtements et des serviettes. »
- «  Et Madame Tallebot ?»
- «  Partie chercher son mari. »

Rose se laissa retomber dans le bassin, éclaboussant son aîné d’un millier de gouttelettes. Doucement, elle se laissa glisser sous la surface. Le silence se fit.  Elle n’avait pas de souvenirs concrets de ce qui s’était passé. Oz avait tiré, elle avait perdu connaissance et brusquement, elle avait eu très chaud, comme si son corps brulait de l’intérieur. Le reste était flou. Elle se doutait qu’il l’avait touché, qu’elle avait beaucoup saigné au vu de ses vêtements, et surement, la magie du pendentif était intervenue. C’était la seule explication logique à sa survie. Mais cette voix dans sa tête et cette envie dévorante…

Lorsqu’elle ressortit, ses poumons quémandant de l’air, elle aperçut la silhouette blanche d’une personne en robe de bure à côté de celle du lycanthrope. Un sursaut d’abord, mais bien vite, elle se détendit. Oz, l’air malade et confus, la regardait fixement sans bouger.

- « Tu aurais pu me tuer ! » protesta-t-elle, la mine renfrognée.

Un geste leste et elle se hissa en dehors de la source. Ses cheveux et ses vêtements dégoulinants d’eau perlaient sur le sol avec la régularité des secondes qui s’écoulent. Elle s’avança vers les deux hommes, Alexandre sur ses talons.

- « Heureusement pour moi, tu es toujours aussi mauvais tireur. »
- « J-je… »
- « C’est bon, on oublie ça. Chaque famille a ses petites disputes et ses différents je suppose. »

Alexandre n’avait pas l’air forcément d’accord avec les propos de sa sœur, mais il n’ajouta rien de plus, se contentant de surveiller Oz d’un œil menaçant, comme pour le dissuader de tout nouveau coup d’éclat.

La contrebandière ne partageait pas son inquiétude. Elle avait grandi avec Oswald, et elle avait la certitude qu’il ne serait plus un danger pour eux. D’autant que si Edward l’avait ramené avec lui, c’était qu’il devait partager son avis. L’ancien juge serait surement à même de répondre à certaines de leurs interrogations.

Le frère, la sœur, et l’homme de dieu échangèrent quelques mots en anglais sous l’impulsion du plus âgé. La discussion animée fût interrompue par l’arrivée d’Henriette, les bras chargés d’une pile de tissus disparates. Silas et Elizabeth la suivaient de près.

- « Rose chérie ! Vous nous avez fait une peur bleue ! Je vous ai ramené de quoi vous habiller convenablement. Pour vous aussi M. White ! Papa n’a pas votre carrure, mais j’ai trouvé des vêtements d’Hector qui pourraient vous convenir. »

À cette dernière phrase, la contrebandière retint avec peine un éclat de rire. Imaginer l’élégant loup-garou dans les atours d’un ogre tenait du comique. Elle ne contredit pas Henriette cependant et accueillit avec plaisir les vêtements secs. Elle se plaça dos au petit groupe et commença à se déshabiller sans attendre. Immédiatement, Alexandre, Oz et Silas se détournèrent, ces deux derniers visiblement gênés.

- « J’espère pour toi que le bébé va bien » grommela Alexandre à l’adresse de son cadet.
- «  Quoi ? Quel bébé ? »
- « Celui de Rose. Et de White »
- « What the… ?! »

Oswald s’étouffa et Alexandre dût lui taper vigoureusement dans le dos pour l’empêcher de passer l’arme à gauche. Encore une fois, Rose fût contrainte de refréner le fou rire qu’elle sentait monter en elle.

Elle finit de boutonner sa chemise, mais quelque chose sur sa peau retint son attention. Là où la balle avait transpercé la chair, sur la peau sans cicatrices, il y avait un petit point bleu. Minuscule, presque invisible mais pourtant là. À partir de lui semblaient commençait à s’étendre de petites stries, comme des veines ou des tentacules. Son cœur manqua un battement. Elle termina de fermer le vêtement avec empressement et se tourna vers le petit groupe.

- «  Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »

La question était principalement destinée à Edward. C’était lui qui avait voulu qu’ils restent. C’était lui qui avait vu en dernier la joyeuse bande d’illuminés. Si ça ne tenait qu’à elle, encore une fois, elle aurait souhaité rentrer, manger, fumer une cigarette, prendre une douche, dormir dans des draps propres et chauds. Dans cet ordre ou dans un autre, peu lui importait. Mais si le loup désirait continuer à creuser, elle resterait, elle aiderait.

- « Oz, la folle furieuse en bleu, elle… Elle ne ressemblait pas comme deux gouttes d’eau à Ady ? »
- « Hein ? Qu’est-ce que tu racontes ? Pas du tout. »

Le blond l’observa de haut en bas, l’air concerné, comme si il n’était pas en pleine possession de ses capacités. Alexandre eut l’air sincèrement désemparé, et ne rétorqua rien plus. La contrebandière n’avait aucune idée de quoi ils voulaient parler. L’air autour d’eux se tendit.

Henriette risqua une intervention.

- « Si Papa est mis au courant, je pense qu’il voudra prévenir la police. »

Rose hocha lentement la tête en signe de compréhension. Logique pour un ancien militaire de vouloir faire intervenir les autorités compétentes. Rassurant aussi.  

- « Si votre père fait venir les forces de l’ordre, nous devrons partir, Oz, Alexandre, Edward et moi. Pour des raisons différentes, il vaut mieux que nous évitions de soulever trop de questions auprès d’eux. »
- « Mais alors … ? » interrogea Silas.
- « Pas de mention de nous ce soir. Vous inventerez bien quelque chose. »

Oz risquait de se retrouver derrière les barreaux dans le meilleur des cas. Alexandre s’exposerait à une tempête médiatique et potentiellement un procès. Elle-même ne voulait rien à voir avec la police qui fouinait trop dans ses affaires. Si Edward était cohérent, il voudrait éviter de se retrouver à nouveau dans une histoire qui l’exposerait aux yeux du public, si peu de temps après l’Heure Pourpre.

- « Edward. Quoi que tu veuilles faire, je te suis. »
Traduction du poème:

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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeDim 16 Avr - 23:06

« On devrait rentrer. »

Edward avait troqué les loques de sa chemise pour celle bien trop large d’Hector. Il avait beau en avoir fermé la quasi totalité des boutons, le col bâillait sur son torse couvert de vieilles cicatrices. Il enfila la veste de l’ogre après en avoir retroussé les manches, mais conserva son pantalon qu’il préférait troué et déchiré, mais fermement ancré sur sa taille, à cette espèce de masse de tissus dont une jambe était assez large pour accueillir les deux siennes.
Son regard s’accrocha à celui de Rose. Il ne changerait pas d’avis, il y avait bien réfléchi. Il se doutait qu’Oswald n’aurait pas grand chose à lui apprendre sur son passé, mais la folie de Fides lui laissait également bien peu d’espoir à ce sujet. Et puis, il craignait que la contrebandière insiste pour se joindre à lui. Deux fois qu’elle manquait d’y passer et les paroles de l’artefact ne l’avait pas quitté ; son corps ne supporterait pas un nouveau coup d’éclat. De plus, il se faisait tard et malgré l’effet de la source, lui aussi commençait à fatiguer. Il se mit à rêver d’un bon bain et de se laisser engloutir par un grand lit aux oreillers moelleux ; un paradis qui devrait attendre encore un peu.
Edward soupira. Son regard se braqua sur Oswald, qu’il vit se tendre, sans réellement parvenir à déterminer quel sentiment l’assaillait. Il l’interrogea :

« Les Tallebot ne risquent rien ?
Non. Leur famille n’a jamais été ciblée. Notre… L’Ordre s’arrange pour faire expier de petits pêchers en s’assurant leur collaboration pour atteindre de plus gros poissons.
Fini les menaces ?
Vermandois ayant payé, je pense que oui. Et après le loupé de ce soir, ils chercheront une autre façon de vous atteindre Rose et vous.
Qu’ils essaient de retoucher à ma sœur, tiens… cracha Alexandre. »

Edward ne releva pas l’absence de considération à son propos. De toute façon, il ne comptait pas attendre cette bande de fou furieux les bras croisés. S’il s’était abstenu de presser Oz comme un citron pour en extraire toute information, c’était uniquement en raison du trop grand nombre d’oreilles indiscrètes présentes dans la pièce. Les Tallebot et leurs invités avaient couru suffisamment de danger pour toute une vie, aussi ne leur demanderait-il qu’un dernier coup de main.

« Henriette, croyez-vous possible de nous exfiltrer ? Si l’efficacité de votre père est aussi haute qu’on le dit, j’ai peur que nous manquions de temps pour nous expliquer avant l’arrivée des forces de l’ordre.
Ou-Oui je pense, mais enfin, vous n’allez pas rentrer à pieds ! S’horrifia la jeune femme en étreignant Rose. Ce n’est pas bon pour votre fiancée, ni pour le bébé ! »

Oz s’étrangla à nouveau, visiblement l’information avait du mal à passer. Edward jeta un regard en coin à la contrebandière, curieux de savoir jusqu’à quand elle comptait les faire marcher, puis il affina sa demande :

« À vrai dire, j’espérais que vous puissiez nous fournir une voiture. La nôtre nous attendait pour minuit, le conducteur a dû repartir depuis longtemps.
Oh… Eh bien, ce doit être possible. Nous pourrions toujours harnacher les chevaux, mais il faut que je réveille notre cocher. Il dort à poing fermé à cette heure-ci.
Silas peut peut-être s’en occuper, proposa Elizabeth. C’est lui qui conduit mon cabriolet lorsque je dois aller en ville. Je sais que c’est un véhicule beaucoup plus petit qu’un coupé, mais…
Je vais le faire, assura le jeune homme. Les rues seront désertes, alors même au commande d’une diligence ce sera moins complexe que les boulevards de Londres aux heures de pointes. »

Elizabeth lui adressa un regard plein d’admiration et Edward se demanda où diable était passé le timide garçon qui ne parvenait pas à balbutier trois mots en début de soirée. Tout le monde se mit d’accord pour quitter la salle avant le retour des époux Tallebot. Seuls Ursula et Walter, guéris et ronflant de concert, demeurèrent dans la pièce.
Guidés par Henriette, le petit groupe franchit les entrailles du manoir, puis ses couloirs et ses escaliers d’un bon pas, pour enfin déboucher du côté des écuries. Grâce à Silas, la chance leur sourit à nouveau, leur apportant sur un plateau un fiacre tout équipé, presque prêt à quitter les lieux. Henriette en fut très décontenancée, mais Alexandre comprit de quoi il s’agissait en repérant le blason qui ornait la portière des passagers :

« C’était la voiture de Vermandois, dommage qu’elle n’en ait plus besoin.
J’ai vérifié les harnais, tout est en place, annonça Silas.
Tenez, enfilez ça, lâcha Henriette en lui tendant un chapeau et un épais carrick bien trop grand pour lui. »

Le jeune anglais s’emmitoufla en la remerciant et se hissa à la place du conducteur. Il comptait sur sa chance pour le guider à bon port, soit jusqu’au QG de Rose, bien plus proche du manoir Tallebot que le cabaret. En sentant sa poigne sur les rênes, les chevaux s’agitèrent un peu. L’attente les avait engourdi et l’idée d’une promenade, même tardive, les enchantait. Elizabeth et Henriette allumèrent les deux lanternes à huile, de chaque côté de la voiture, tandis qu’Oz et Alexandre ouvraient les grandes portes des écuries. Edward resta le plus loin possible des chevaux que sa présence risquait de rendre nerveux. L’aînée des Tallebot promis de les excuser auprès de son père et de raconter à la police qu’ils étaient partis en même temps que le reste des invités. Elle et Elizabeth embrassèrent Rose chacune sur une joue, lui faisant jurer de leur donner des nouvelles et quand tout fut acté, le quatuor se hissa dans le fiacre. La porte claqua, les rênes fouettèrent gentiment les deux chevaux pressés et la voiture se mit en branle au son caractéristiques des sabots battant la terre et du craquement de ses roues. Guidé par Silas, le coupé s’engouffra dans la nuit.
De longues minutes s’écoulèrent sans qu’un mot ne soit soufflé. Edward tendait l’oreille et Oz fixait avec inquiétude la petite fenêtre. Tous deux s’attendaient à ce que leur fuite soit écourtée d’une minute à l’autre, mais l’attelage continua sa course d’un bon train. Bras croisés, Alexandre finit par souffler, non sans reproche :

« J’en déduis que vous ne les avais pas tué ?
À quoi bon ? se défendit Edward. Ils auraient été remplacés et je préfère affronter un ennemi que je connais.
Et puis ils n’ont rien fait, c’est moi qui ait tiré, renchérit spontanément Oz, puis détournant les yeux. Mais ce n’est pas ce qui était prévu. On devait sauver Rose, la purifier, comme on… comme l’Ordre le fait avec les autres enfants de Dieu.
Et White aussi vous vouliez le purifier ?
Si le Seigneur l’avait voulu, oui. Mais jusqu’à maintenant les êtres comme lui ont toujours été condamnés à mort à la suite de leur procès.
Pas possible, s’étonna faussement Edward. »

Oz lui jeta un coup d’œil en biais. Il était assis à sa diagonale, Alexandre à sa droite et Rose face à lui. Nul doute qu’il aurait apprécier pouvoir le jeter hors du fiacre d’un bon coup de pied tant sa simple présence le déboussolait. Elle le secouait d’un mélange de sentiments qui allait du dégoût profond et inexplicable à une gratitude qui lui donnait la nausée. Il soupira et laissa sa tête tomber en arrière.

« Damn… Je pensais bien faire. Les listes d’innocents, les procès, la justice pour ceux qui ont été oubliés… Ça paraissait cohérent ! Mais quand j’ai vu ces noms… Those fucking arsehole… »

Il se recroquevilla, enfouissant son visage entre ses mains pour étouffer sa furieuse envie de hurler. Alexandre jeta un coup d’œil à Rose. Sa sœur avait beau ne rien avoir entendu de l’énonciation d’Oz, il se doutait qu’elle devinerait ce dont il était question à sa simple réaction et guettait une potentielle nouvelle crise d’angoisse.

« Qui vous fournissait ces listes ? Demanda Edward.
Fides. Elle nous disait que c’était le Prêcheur qui les écrivait sous l’impulsion du Seigneur.
Et ça t’a pas paru bizarre ? Grimaça Alexandre.
Non, pas après l’Heure Pourpre.
Et ce Prêcheur ? Insista le loup blanc.
Je n’ai jamais vu son visage, c’était interdit. C’est Fides qui le rencontrait le plus souvent. Nous, ça n’arrivait lors des jours saints. Alors on lui renouvelait notre foi et notre loyauté. D’ailleurs je ne connais même pas son grade.
Son grade ?
Well… Si ce que Fides m’a dit est juste, alors la structure de l’Ordre s’inspire de la hiérarchie Céleste. Les Vertus sont cinquième position.
Cinquième sur ? Questionna Alexandre avec la certitude qu’il n’apprécierait pas la réponse.
Neuf…
Holy shit ! »

Edward n’aurait pas dit mieux.

Le reste du trajet leur permis de dégager quelques informations supplémentaires, toutes très incertaines pour Oz. Le jeune homme qui, jusqu’alors, croyait dur comme fer en cette organisation, doutait à présent de tout ce qui la concernait. Fides demeurait une pièce clé du puzzle, mais Oswald ne la connaissant pas très bien, il put uniquement leur apprendre qu’elle parlait parfaitement l’anglais et que, quoi qu’aveugle elle adorait les jeux de cartes. Deux informations qui ne furent pas sans troubler à nouveau Alexandre
Puis le fiacre ralentit. Par la fenêtre Edward reconnut la blanchisserie qui se trouvait dans la rue occupée par l’immeuble de Rose. Son ouïe fine reconnut également les exclamations et les disputes qui se rapprochaient à toute allure de leur voiture. Le comité d’accueil, évidemment. Coup d’œil pour Rose, un soupir affaissa ses épaules anguleuses :

« Je préférais l’araignée géante et l’armée de morts-vivants finalement. »


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMar 18 Avr - 17:12

Rose regardait les rues défiler à toute vitesse derrière les vitres de la voiture, accoudée à la fenêtre, le menton posé dans le creux de sa paume. Même l’allusion d’Oz à ses géniteurs ne parvint pas à troubler ses pensées. Elle avait réalisé quelque chose ce soir, et elle venait de prendre une décision en conséquence.

La remarque du lycanthrope fini pas la ramener à la réalité. Elle lui décocha un coup de coude qui dans son langage un peu particulier, se voulait réconfortant.

- « Ils ne vont pas te manger. »

Le fiacre s’arrêta. En dehors les éclats de voix se firent plus pressants et Silas leur répondait avec une assurance qu’ils ne lui avaient pas connu en début de soirée. Ajustant une mèche rebelle, Rose s’adressa aux passagers, avant qu’aucun d’entre eux n’ai pu esquisser un geste pour sortir :

- « Je ne sais pas s’il est prudent de nous séparer ce soir. » Son regard coula vers Edward, mais repassa rapidement sur Oz et Alexandre, « Si vous souhaitez, il y a de la place ici. Oz, tu sais combien de temps vous deviez rester à Paris ? »
- « Un mois minimum d’après le Prêcheur. Mais nos instructions ne sont transmises  que le jour même donc surement plus longtemps après l’échec de ce soir. »

Cette réponse conforta la contrebandière que rester groupés n’était pas forcément la pire des idées. L’immeuble était bardé de protections magiques en tout genre grâce à Sima, et sa localisation était plutôt méconnue contrairement à la résidence des de la Tour ou du cabaret. Et puis, Oz n’avait plus d’autre endroit où aller. D’autant que c’était pratique pour eux de l’avoir sous la main dans le cas ou d’autres détails concernant l’Organisation lui reviendraient. Mais après tout, les trois hommes étaient libres et assez grands pour juger des risques qu’ils encourraient.

- « C’est une proposition. Réfléchissez-y. » insista-t-elle tout de même, en ouvrant la porte.

A peine eut-elle mis un pied sur la première marche que deux bras la soulevèrent du sol pour la déposer délicatement sur la terre ferme. Les longs cheveux noirs de Sima glissèrent contre sa joue. Se redressant, elle déploya face aux trois hommes toute la hauteur de son mètre quatre-vingt-trois. Sa peau pâle, presque grise et ses yeux d’acier cerclés de noir firent frissonner Oz de la tête aux pieds, et il manqua la dernière marche du piédestal. Une main ferme le rattrapa de peu, en laissant échapper un juron en italien. Si Sima était habillée d’un élégant costume trois pièces, on ne pouvait en dire autant de Julius, qui grommelaient dans un pyjama en coton informe.

- « Evan vient de partir avertir Eques que vous êtes toujours vivants. Ange est resté à l’entrepôt.»
- « Bien. Merci. »

Rose les laissa là pour remercier Silas et lui assurer de toute sa reconnaissance. Si ils avaient besoin de quelque chose à l’avenir, lui et Elizabeth, elle ferait en sorte de les aider.
Julius entra dans une conversation animée avec Alexandre qui tentait de lui expliquer le déroulé de la soirée. Sima, suivit la contrebandière du coin de l’œil, comme si elle avait deviné que sous sa chemise, encré dans sa peau, se cachait une petite, une minuscule tâche bleue qui n’avait pas disparue.

Si Oz avait été soulagé à l’entente d’un nom familier au milieu de tous ces inconnus, il demeurait que la vue de la grande Mage lui inspirait un terrible effroi. Il se rapprocha d’Edward : mieux valait un être qui le dégoutait mais qui lui conférait de la sureté à un qui le jaugeait froidement. Manque de chance, Sima s’approcha du loup en deux grandes enjambées, faisant sursauter le blond. Elle le dépassait d’une demie-tête.

- « White. Toujours un plaisir de vous voir. »

Difficile à dire si elle était sérieuse ou non. Ses traits demeuraient impassibles et son visage stoïque, quelque soit la situation. Rose ne l’avait vu sourire qu’en de rares occasions, et uniquement quand cela la concernait. Elle semblait avoir les hommes majoritairement en aversion.

Julius quant à lui, avait décidé de retourner se coucher, et ne se préoccupa pas plus de savoir qui était Oz, ou même ce qu’Edward faisait là. À cette heure, ci, il s’en lavait les mains. Et puis Sima était assez terrifiante pour s’en charger si ils leur cherchaient des noises. On l’entendit râler en italien jusqu’à ce qu’il claque la porte de son appartement.

- « Depuis que vous n’êtes plus Juge vous vous laissez aller. » fit-remarquer Sima en toisant les vêtements du loup-garou.
- « Sima. »
- « Simple constatation. »

Rose s’était rapprochée du trio après que Silas eut acquiescé vigoureusement à toutes ses recommandations. Alexandre les rejoignit.

- « Je pense que je vais rentrer au manoir. Adelaïde doit m’attendre… » hasarda-t-il d’un ton hésitant. « Et puis, je ne suis ni un fugitif, ni une cible à priori. »
- « Non en effet » confirma Oswald.
- « Oz, la chambre de bonne sous les combles n’est pas occupée. Elle est à toi si tu veux. »

Le garçon sembla hésiter. Ses prunelles glissèrent jusqu’à Edward, qu’il désigna de l’index, en fronçant les sourcils.

- « Et lui ? »
- « J’ai… une chambre d’ami. »

Enfin, un bureau qui pouvait en faire office en cas de besoin. Cette fois, ce fût Oz qui empêcha Alexandre de s’étouffer en lui assenant de grandes claques énergiques dans le dos.

- « Qu- ? Comm- ? Ta réputati-… C’est risq… »
- « Trop tard pour ça. Je t’apprends pas comment on fait les bébés, pas vrai ? »

Rose savait qu’elle usait et abusait un peu trop de ce mensonge. Mais après tout, si cela lui déplaisait, libre à Edward de la démentir et de révéler le pot aux roses. Elle, elle n’avait pas l’intention de le faire tout de suite. Sans qu’elle sache pourquoi, elle trouvait ce mensonge confortable, presque réconfortant. Alors si le lycanthrope ne pipait mot, elle n’allait pas bouder son plaisir. Sima l’observa avec un drôle d’air en biais.

- « Tu es enceinte ? »
- « Unhun. »
- «  De White ? »
- « Yup.»

La contrebandière vit immédiatement que la Mage n’en croyait pas un mot, ou que du moins, elle en doutait fortement, mais elle n’ajouta rien de plus. Elle se contenta d’une nouvelle œillade assassine en direction dudit White.

Alexandre grommela qu’il allait demander à Silas si il pouvait le rapprocher du manoir et s’éloigna. Oz fini par accepter la chambre qui lui était offerte et Sima fut chargée par Rose de l’y amener, et de lui trouver des vêtements de rechange, moins voyant que son costume immaculé. Ils aviseraient de la marche à suivre au matin, mais Oswald Fawkes allait très certainement devenir un nouveau locataire avec lequel il allait falloir composer.

Enfin, la blonde leva la tête vers le loup blanc. Elle avait quelque chose à lui demander, mais elle doutait que ce soit le lieu et le moment. Peut-être que si il acceptait son offre, elle poserait sa question. Si il refusait, elle serait inquiète, mais essayait de se rappeler qu’il dirigeait après tout un cabaret rempli de créatures magiques à même de se défendre. Où de se faire capturer d’un coup de filet à cause de la présence de leur patron par une bande d’illuminés. Ça dépendait de si on voyait le verre à moitié vide ou à moitié plein.

Machinalement, elle se mit à triturer une mèche de cheveux qui était encore plus en bataille que le reste de sa tignasse.

- « Si tu veux rentrer, il va falloir que tu te dépêches, Alexandre a presque décidé Silas. » elle leur coula un coup d’œil rapide avant de continuer : « Mais si tu veux rester,  j’aimerai autant qu’on monte, je suis gelée. »
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMer 19 Avr - 22:52

« Rentrons dans ce cas. Je rejoindrai le cabaret une fois le jour levé. »

Il fit un signe à Silas, qui leur répondit par un grand sourire et un énergique mouvement de la main. Le salut d’Alexandre fut plus mitigé. Il siffla un anglais qu’Edward devina bien peu flatteur à son sujet, puis gagna l’intérieur du fiacre, jugeant certainement inutile de parlementer avec sa sœur. À la seconde où la voiture se mit en route, la porte de l’immeuble se referma sur le pas fatigué d’Edward et Rose.
Le loup blanc demeura silencieux, perdu dans ses pensées. Il espérait pouvoir échanger un peu avec la contrebandière avant de goûter à un sommeil bien mérité, mais il sentait que la fatigue l’embrouillait. C’était peut-être un contre coup de la source. L’endroit les avait revigoré, mais à présent qu’ils s’en étaient éloignés, la magie n’opérait plus et privé du shot d’enchantement et d’adrénaline, corps et esprit s’engourdissaient. Il étouffa un bâillement et vécut comme un aperçu du paradis son entrée dans l’appartement chaud et douillet de Rose. Enfin douillet… L’endroit était à l’image de sa propriétaire, mais un tapis un brin molletonné aurait suffi à combler Edward.
La vue d’un divan lui donna instantanément envie de s’y affaler, mais céder ne lui laissait aucune espoir de réussir à s’en relever avant quatre ou cinq heures de sommeil. Une inspiration. Sa nuque était d’une raideur… Il la massa un peu, puis renonça, ses bras et ses mains lui paraissaient peser une tonne.

« Rose… »

C’était sa voix ? Ah… Oui. Il avait parlé par réflexe en la voyant s’éloigner. Sans savoir pourquoi, cela l’avait inquiété. Pourtant elle avait l’air d’aller bien, du moins pour une revenante. Mais avait-elle seulement une idée de ce à quoi elle avait échappé ?
Il s’avança, une brume opaque obscurcissant un mélange de questions trop complexes pour être formulées après une telle soirée. Le loup prit le relais sur l’homme épuisé. Sa main glissa de long du bras de la jeune femme. Il en cherchait distraitement les doigts lorsque la porte de l’appartement fut vivement ouverte ; volonté manifeste d’une entrée aussi bruyante que remarquée.
Un sursaut. Il s’écarta pour faire face à un danger potentiel et sentit son cœur s’emballer, mais très vite, l’inquiétude retomba. Ses iris dépareillés croisèrent le regard métallique et dur de Sima, dont l’air impassible laissait entrevoir un soupçon de satisfaction. Elle referma la porte avec une délicatesse exagérée et s’avança dans leur direction d’un pas qu’Edward sentit faussement détaché.

« C’est encore un sacré numéro que tu as ramené. Je crois qu’il ne m’aime pas trop.
Vous qui êtes pourtant si sympathique… ironisa Edward.
Vous aussi, vous trouvez ? »

Sa phrase se voulait aussi neutre que le marbre, pourtant le loup blanc aurait juré qu’elle était hérissé d’épine. Il haussa les épaules et s’appuya sur un petit guéridon en suivant d’un œil les agissements de la mage possessive.
Sima était arrivée avec une épaisse couverture en laine, dont elle enveloppa méthodiquement Rose. Ses gestes se voulaient purement professionnels, mais ils s’adoucissaient systématiquement à l’approche de la demoiselle. Son regard cerclé de noir l’analysa en détail, tout en les informant qu’Oz s’était endormi avant même qu’elle n’ait le temps de lui rapporter des draps pour son lit. Son attention s’arrêta sur l’artefact. Elle passa le doigt dessus, comme pour le nettoyer et fronça imperceptiblement les sourcils. Bref moment de réflexion, puis ses yeux s’illuminèrent le temps de souffler à sa protéger :

« Tu devrais aller prendre une douche pour te réchauffer, je tiendrais compagnie à ton invité en attendant. »

Edward se crispa. Sous sa poigne le plateau du meuble se fissura légèrement. Il vit Rose s’éloigner docilement. La mage ne s’adonnait qu’exceptionnellement à ce petit truchement, mais le loup blanc avait la méthode en horreur. La fatigue aidant, son ressentit se transforma en un sec aboiement :

« C’est trop vous demander de la traiter comme une adulte ?
Et vous ? Vous n’étiez pas censé la protéger ? Trancha la mage d’un ton qui aurait rendu une guillotine sympathique.
C’est ce que j’ai fait.
De mauvaise grâce alors. La maladie a l’air d’avoir plus progressé en une soirée qu’au cours de ces six derniers mois.
Ne commencez pas, se hérissa le loup. Cette mission était très loin de ce qu’Eques nous avait dépeint. C’est même un miracle que nous soyons encore en… Q-Qu’est-ce que vous faites ?
Vous y avez touché ? Interrogea Sima en reprenant ses distances avec le lycanthrope.
Quoi ? À l’artefact ? Non, je…
C’est faible, mais je perçois encore sa signature sur vous. »

Edward regarda ses mains, comme s’il craignait d'y déceler quelques éclats bleutés. Évidemment, il ne vit rien, mais sa transe lui revint à l’esprit en même temps que son séjour dans l’esprit de la contrebandière. Sima le fixa sans ciller, mais ce n’était pas vraiment lui qu’elle regardait. Paraissant suivre quelque chose dans l’air, son regard pivota en direction du corridor emprunté par Rose. Le loup vit sa haute silhouette se tendre de façon inhabituelle. Trop épuisé pour en chercher le sens, il l’interrogea, plus calme cette fois :

« Avez-vous du nouveau au sujet de l’artefact ?
J’avance difficilement, annonça-t-elle en retrouvant son impassibilité. Parfois j’en viendrai à espérer qu’il soit habité. Par un esprit scellé ou une chose de ce genre, histoire que je puisse directement le questionner.
Eh bien… Il s’avère que je lui ai parlé.
Quoi ?! Comment vous… ?
Je ne sais pas, coupa Edward en croisant le regard enflammé de Sima. Il avait l’air de… parler à travers Rose.
Il la possédait ?
Non… Enfin je ne crois pas, ou en tout cas, pas contre son gré. Plutôt comme un relais ? Il a sauvé Rose et semble se manifester en réponse à ses émotions les plus fortes, mais il m’a aussi donné le sentiment… d’appeler à l’aide.
Lui ? Ou elle ? »

Edward releva la tête. Sima le fixait, droite et raide, avec un inquiétant sérieux. Trop fatigué, le loup blanc fut incapable de comprendre ce qu’elle sous-entendait. La mage le remarqua à son air perplexe et balaya la question d’un revers de main.

« Je n’ai pas trouvé l’origine de l’artefact, mais je pense en avoir repéré deux traces de sa présence dans les siècles passés.
Quelque chose d’encourageant ?
À vous d’en juger. Il a peut-être appartenu à Cléopatre, ainsi qu’à Jeanne d’Arc.
Je vois… »

Deux femmes puissantes au destin tragique. Bon sang…
Edward passa une main sur son visage aux traits tirés. Il sentait que Rose refuserait d’abandonner l’enquête sur l’Ordre tant que la menace ne serait pas écartée, mais l’idée de les affronter en la mettant à nouveau en danger l’inquiétait. Dans un monde idéal, la belle anglaise aurait été assez raisonnable pour patienter, mais à force de la côtoyer, le loup blanc s’était mis à percevoir en elle ce feu ardent qui pousse toujours plus loin son propriétaire au risque de le consumer entièrement. Lui même étant atteint de ce mal quasi suicidaire, leur duo paraissait destiné à jouer leur vie en dansant sur une corde raide.

« Êtes-vous blessé ? Finit par demander Sima, presque à regret.
Non. Par chance le manoir de Tallebot disposait d’une sorte de source régénérante.
Vraiment ?
Oui. Vous… Vous voudriez l’étudier ? Ils nous doivent une faveur alors…
Pourquoi pas, lâcha-t-elle d’un ton qui se voulait atone, quoi que perlé d’un visible intérêt. Je vais faire du thé. Ne mâchouillez pas les accoudoirs pendant mon absence. »

Edward leva les yeux au ciel et fut ravi de l’entendre quitter les lieux. Son attention se reporta un instant sur la petite bibliothèque du salon dont il consulta distraitement les livres. Classiques anglais, italiens, quelques ouvrages français également. Mais au moment où il se demandait si l’un d’eux avait la préférence de Rose, une agréable odeur de savon lui chatouilla la truffe.


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeJeu 20 Avr - 17:20

-« She, A history of adventure. C’est mon préféré. »

Rose s’était glissée derrière le lycanthrope, encore humide de sa douche. Elle terminait de sécher ses cheveux, une serviette éponge sur les épaules, pour éviter de tremper sa chemise de nuit. Dressée sur la pointe des pieds, elle sortit le livre de l’étagère, et observa la couverture neuve.

- « Il n’existe pas en français, mais je pourrais te raconter l’histoire si tu veux. »

Sima revint chargée d’un plateau avec des tasses de thé fumantes, ouvrant bruyamment la porte d’un coup de pied pour signifier son arrivée. Elle déposa son chargement sans délicatesse sur la table basse. Macarons et grenades tanguèrent dans leurs assiettes.

- « Vous pouvez aller vous doucher aussi White, vous êtes plus sale qu’un souillon. »
- « Il y a des serviettes propres dans la salle de bain. Et de l’eau chaude grâce aux améliorations de Sima. »
- « Filez, je vais vous chercher des vêtements à votre taille. Je les poserai devant la porte. » indiqua la Mage de mauvaise grâce.

Pourtant, la brune ne bougea pas d’un iota, scrutant le loup de ses prunelles sombres, l’incitant silencieusement à disposer. Lorsqu’il sembla s’être éloigné vers la salle d’eau, elle se baissa, tendant son thé à la contrebandière.

- « Tu ne me proposes pas de me traduire des romans, à moi. »
- «  Arrête de jouer avec ma tête et j’y réfléchirai. »
- «  Oh. Tu t’en es rendu compte. »
- « Pas moi. L’artefact. »

Sima la regarda intensément, comme si elle voyait quelque chose à travers elle ou peut être à l’intérieur d’elle. Elle marqua une pause, grimaça et fini par s’éloigner en marmonnant qu’elle allait chercher les vêtements pour White.

Restée seule, Rose tritura nerveusement le tissu de la chemise, à l’endroit où la tâche bleue se trouvait désormais. Elle avait été surprise par le contact de la main d’Edward sur sa peau quelques minutes plus tôt. Troublée même. Tellement qu’elle avait joué le jeu de Sima, et était partie s’enfermer dans la salle de bain pour cacher son émotion. Et lorsque ses yeux s’étaient posés sur son reflet dans le miroir, elle avait été tellement étonnée de voir ses joues rosées, que la surface du miroir s’était craquelée dans une gerbe d’étincelles bleutées.

Visiblement, cette soirée lui avait conféré encore moins de contrôle sur l’objet magique qu’elle n’en possédait à l’origine. En soupirant, elle entreprit de grignoter une grenade pour calmer ses nerfs. L’exercice était fastidieux mais gratifiant. Aussi elle ne vit pas revenir Sima avec des vêtements pour Edward, pas plus qu’elle ne lui prêta attention lorsqu’elle s’affairait autour d’elle, arrangeant la « chambre d’ami » pour qu’elle puisse y accueillir un invité.

Rose ne leva la tête de son occupation uniquement lorsqu’elle entendit la porte de la salle de bain s’ouvrir à nouveau. Elle avait sommeil, mais elle voulait demander plusieurs choses au patron du cabaret. Toutes ne pourraient pas être dîtes ce soir, mais elle savait par où elle voulait commencer.

- « Tu peux prendre la chambre. Je dormirai dans le bureau. »

Les yeux de Sima roulèrent dans leurs orbites d’agacement. D’un geste brutal, elle colla une tasse dans les mains du lycanthrope, et lui marcha volontairement sur le pied à titre de vengeance personnelle.  

- « Vous comptez rester debout longtemps ? » demanda-t-elle, acerbe.

Calmement, la contrebandière s’essuya les mains dans un mouchoir. Ce qu’elle allait dire n’allait plaire à personne. Surement pas à Sima, ni à Alexandre, et encore moins à Oz. Peut-être même pas à Edward lui-même. Pourtant elle interrogea calmement :

- « Edward, tu m’avais dit que tu cherchais une secrétaire, non ? J’aimerai prendre le poste. »

Avant qu’on n’ait pu lui refuser, s’opposer ou se récrier, elle expliqua :

- « L’Ordre va chercher à nous atteindre à nouveau, Oz l’a confirmé pas vrai ? Je veux être là où ils seront la prochaine fois qu’ils apparaîtront. Et on sait tous les deux que c’est probablement toi qu’ils viseront en priorité. »

Être secrétaire d’Edward White voulait dire passer beaucoup plus de temps avec lui qu’actuellement. Ça voulait dire, qu’elle pourrait le garder à l’œil si l’Ordre revenait. Ça signifiait que si jamais il voulait l’évincer et se charger de ce mystère tout seul, elle s’en apercevrait.

- « Et ton véritable travail ? » protesta Sima, en bouillant de l’intérieur.
- « Mon véritable travail, on sait bien toutes les deux que je l’ai délaissé depuis l’Heure Pourpre. C’est Ange et Julius qui s’en chargent désormais. »
- « Mais-… »
- « Je veux aider, » coupa Rose. Elle riva ses prunelles bleues dans le regard bigarré de son vis-à-vis. « Je veux comprendre pourquoi est-ce qu’on ne peut pas me séparer de ce… cet artefact. Je veux faire quelque chose d’utile avec. »
- « Tu peux le faire avec moi ! »
- « Je n’ai pas besoin d’être payée. Et puis, je suis magique aussi maintenant. En quelque sorte… Tu peux m’employer. S’il faut que je porte ce stupide brassard je le ferai. »

Sima se redressa, et claqua violement ses paumes sur le bois de la table basse. Tout son corps, de sa posture à ses traits grimaçants hurlaient sa désapprobation.

- « White, dites-lui que c’est l’idée la plus stupide que vous ayez entendu ! »

Rose lui jeta un coup d’œil agacé, mais la Mage resta solide sur ses positions. La blonde ramena ses jambes sous elle, et le tissu blanc dévoila le bas de sa cuisse. Elle ne chercha pas à le remettre en place.

- « Si tu refuses, je ferai les choses à ma manière. »

Sous-entendu, seule. Sans supervision d’aucune sorte. Encore plus effrayée par cette perspective, Sima changea de stratégie.

- « Tu ne seras jamais capable d’obéir à quelqu’un ! »
- «  Je peux obéir si la personne est plus légitime. »

Cette réponse cloua le bec de la magicienne qui se laissa tomber dans son fauteuil en se tenant la tête.

Rose avait failli mourir ce soir, à plusieurs reprises, mais elle demeurait étrangement sereine. Des bribes de souvenirs lui revenaient en flash, éclairant ses moments d’absence. Elle se sentait à la fois épuisé et électrisée. Cette chose, lui conférait une puissance qu’elle n’avait pas connue jusqu’alors. Elle lui permettait de jouer d’égal à égal avec les Légendaires les plus puissants. Et surtout, l’artefact lui permettait de protéger ceux qui lui étaient chers.

La jeune femme hésita, et finalement, se permit de poser ses doigts sur ceux du roi des loups.

- « J’aiderai pour le cabaret, » promit-elle d’une voix douce. «  Et… et pour tout le reste. »

Le silence se coucha dans le salon. Le pouce de la contrebandière caressa la peau fine dans le creux du poignet de cette main qu’elle avait capturé. Le thé trembla dans les coupelles, comme ébranlé par une force invisible.

- « White, c’est le moment de décliner … » gronda Sima, de plus en plus hésitante quant à une issue favorable pour cette conversation.
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeSam 22 Avr - 15:22

Edward écarquilla les yeux et entrouvrit la bouche. Puis il la referma et se mordit discrètement la langue. Un petit éclair de douleur lui certifia que non, il ne rêvait pas ; Rose venait bel et bien lui proposer de devenir sa secrétaire. De toutes les réflexions qui lui avaient traversées l’esprit depuis leur départ du manoir Tallebot, il devait admettre que celle là ne l’avait pas même effleuré. Figé pieds nus sur le tapis du salon, une goutte s’égraina de sa longue chevelure d’ébène qu’il avait pourtant ramassée dans un semblant de chignon bas.

Ploc.

L’échange se poursuivit sans qu’il intervienne, jusqu’à ce que la mage le somme de se prononcer. Il ferma les yeux, tourna la tête, massa son front de sa main libre, réfléchissant à toute allure à ce qu’il pourrait lui proposer. Une grande inspiration souleva son large buste lorsqu’il décida de faire à nouveau face à Rose, tout en supportant l’aura meurtrière de Sima.

« Je ne suis pas sûr que ce soit nécessaire. »

La mage eut un geste sec et appuyé en direction d’Edward, mais ce dernier avait clairement vu passer un éclair de sidération sur ses traits. Sa tasse tourna entre ses grandes mains, puis il la déposa sur la table basse, s’asseyant en tailleurs sur le tapis pour ne plus avoir à se plier en quatre pour leur parler. Son attention s’accrocha à la jambe découverte de Rose et du bout des doigts, et craignant qu’elle prenne froid, il rabattit doucement le tissu tout en argumentant :

« Ils n’attaqueront jamais au cabaret, pas après le loupé de ce soir.
Et même s’ils essayaient, vous n’avez pas besoin de Rose. Vous avez bien assez de petits soldats pour vous protéger.
Mes employés ne sont pas à ma solde, s’agaça le loup blanc, puis inspirant, il se tourna plus sereinement vers Rose. Ces types sont patients. Tu as bien vu combien de victimes a fait Madame de Vermandois avant qu’ils décident à l’utiliser pour nous piéger. Ils n’agiront pas sur un coup de tête.
Dans ce cas, je vote pour que vous ne quittiez plus votre établissement et toi, tes appartements.
Ce n’est pas ce que j’ai dit, objecta Edward. Mais je crois qu’on a du temps. D’autant plus que lorsque j’ai quitté la serre avec Oz, Fides a baragouiné un truc sans queue ni tête à propos de notre force d’âme. Elle a dit qu’elle nous aimait et qu’elle nous voulait. »

Le regard de Sima s’étrécit en deux fentes menaçantes. Le loup blanc fut à peu près sûr que si la Foi s’était montrée à cet instant précis, la mage l’aurait déchiquetée à coup de dents. Les concurrents masculins l’horripilaient, mais elle pouvait les gérer. Ce n’étaient que des hommes après tout. Qu’une autre femme empiète sur ses plate bandes, en revanche, c’était hors de question.
Edward dissimula son sourire derrière sa tasse et opta avec plaisir pour la laisser dans le flou. Une gorgée de thé le réchauffa et il poursuivit :

« Et puis il leur manque la Justice maintenant. Ils ne pourront pas tenir un procès tout de suite.
Ils recrutent ? Questionna Sima en se redressant dans son fauteuil.
Oubliez. En tant qu’être né dans le four de Satan, vous n’avez aucune chance d’être embauchée.
Tseuh… Ils ne s’en rendraient même pas compte. »

D’un geste dédaigneux, Sima prit un bout de grenade dont elle égraina un à un les pépins avec une nonchalance hautaine, mais après la petite démonstration de ce soir, Edward ne pouvait être aussi catégorique qu’elle. L’Ordre avait beau paraitre composée d’illuminés, il soupçonnait le groupe d’être régi par un code suffisamment strict pour les mettre à l’abri des Légendaires trop curieux. La trahison devait donc être rare et sévèrement réprimée et c’était ça qui le taraudait le plus. Son regard se reporta sur Rose.

« Si tu veux vraiment venir au cabaret, tu es la bienvenue.
Qu-Quoi ? S’étouffa Sima.
Mais il faudra d’abord s’occuper d’Oz. Je doute que l’Ordre le laisse s’en tirer comme ça, il en sait beaucoup trop. Votre immeuble est protégé, mais tu crois vraiment qu’il va rester sagement ici priant pour qu’on ne vienne pas le tuer ?
Vous n’avez qu’à le prendre lui dans votre cabaret, proposa froidement la mage en broyant, d’un coup de dent, une graine de grenade qu’elle imaginait être le crâne du roi des loups.
Bien sûr, il va adorer l’idée. »

Sima haussa les épaules et tourna la tête. Est-ce que c’était sa faute à elle si le nouveau risquait de devoir rester ici et Rose avec ? Elle le supporterait avec joie — enfin une joie très modérée, inutile d’exagérer — si cela évitait à sa protégée de terminer dans la tanière de cette boule de poils.

« En fait je pense qu’Oz peut être notre joker, enchaîna Edward en jetant un coup d’œil vers les étages. Il pourrait faire un excellent appât. »

Ce n’était qu’une bride d’idée, mais c’était celle qui lui paraissait la plus prometteuse. Il n’était pas sûr qu’Oz accepterait et plus incertain encore du choix de Rose, mais la nature d’Edward était celle d’un prédateur et débusquer leur proie tant qu’ils avaient l’avantage lui paraissait la meilleure marche à suivre.
Ses iris dépareillés cherchèrent ceux de Rose. Dès qu’il les eut trouvés, il expliqua calmement :

« Je ne te demande pas de décider tout de suite et puis, il faut qu’on lui en parle d’abord, mais Eques sera sans doute prêt à nous aider et je peux aussi demander à d’autres connaissances de nous seconder une fois qu’on saura ce qu’on veut faire.
Et je suis toujours là hein. Si jamais vous avez besoin… je ne sais pas… d’un médecin ? D’une mage ? Enfin c’est vous qui voyez. »

Edward baissa la tête dans un soupir excédé. Puis il se redressa, termina son thé d’un trait et après avoir reposé sa tasse, il se leva, non sans un certaine réticence de son corps.

« À vrai dire, j’ai quelque chose à vous demander.
Tant que cela ne concerne pas une demande en mariage ou votre installation ici…
En tant que Mage, j’imagine que vous avez déjà pratiqué la médiation ?
Euhrm… Hm… É-Évidemment ! »

Le loup blanc haussa un sourcil devant ce mensonge. Vraiment ? Il aurait cru la pratique était commune chez les utilisateur de magie. Haussement d’épaules. Il s’installa aux côtés de Rose, à demi-assis sur l’accoudoir du divan. Ses joues étaient en train de chauffer et son cœur s’emballait. Une émotion idiote qu’il devait à la crainte de passer pour le dernier des farfelus.

« Écoute Rose… Après ce qui s’est passé aujourd’hui, j’ai eu disons… une sorte d’idée sous la douche. »

Il s’attendait à une pique de Sima, mais la mage demeura exceptionnellement silencieuse. Sans doute réservait-elle ses balles à plus tard, aussi Edward poursuivit :

« On sait que l’artefact et toi êtes fortement liés, mais en l’ayant vu à œuvre, j’ai aussi l’impression qu’il n’arrive pas à te parler directement à moins que tu sois inconsciente ou endormie très profondément. Ce… C’est quelque chose qui se rapproche beaucoup de la lycanthpopie. »

Il passa une main sur sa nuque, un brin mal à l’aise. Il avait beau être roi des loups-garou, à l’exception des longs entretiens avec son neveu, il n’avait eu que très rarement l’occasion d’évoquer ce genre de sensations et se trouvait particulièrement maladroit dans ce genre d’exercice.

« Je le fais depuis longtemps — méditer je veux dire — ou ce qui s’en rapproche. Ça me permet de disons… rejoindre le loup… »

Edward sentit ses oreilles s’embraser de gêne et le gloussement de Sima se renfrogna. Il voulait juste aider. La mage n’avait aucune piste tangible concernant l’artefact, mais lui savait de quoi l’objet était capable ; l’armée de morts-vivants balayée d’un hurlement, la balle mortelle arrêtée dans sa course, les plaies refermées et ce baiser…
Détournant le regard, il commença à s’attaquer nerveusement au bois de l’accoudoir et marmonna :

« Alors ? Qu’est-ce qu’on fait ? »



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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeDim 23 Avr - 18:03

Son regard passa d’Edward à Sima puis de Sima à Edward avant de sur ses propres mains. Elle les observa, les tourna, les retourna, comme si elle pouvait y lire ce que l’on attendait d’elle. Un instant d’indécision. Rose fini par demander avec hésitation :  

- « Tu veux que… moi, je médite ?

Elle avait appuyé sur le « moi » du bout de la langue. Dans n’importe quel autre contexte, avec n’importe qu’elle autre personne, elle aurait ri de la suggestion jusqu’ à en avoir mal au ventre. Mais elle voyait à quel point cela avait couté au lycanthrope de leur faire cette confidence. Elle jeta un regard glacial à Sima qui étouffa définitivement son gloussement pour se figer dans son fauteuil, un brin froissée.

- « Peut-être que tu pourrais me montrer comment faire ? Si tu penses que ça peut être utile ? » Elle tourna la tête, détaillant sans y prendre garde ses cheveux d’ébène, encore humides, collés à sa peau «  Mais … Je… Je ne sais pas si je serais capable de me vider la tête. »

Ni même de rester immobile plus de quelques secondes. Et pourtant, à cet instant, elle se tenait parfaitement figée, l’esprit absent, ses prunelles rivées sur la bouche d’Edward. Elle eût soudainement envie de l’attirer à elle, dans un étonnant sentiment de déjà-vu qui la surprit et la retint tout à la fois. Elle détourna la tête pour éviter de céder à ces envies illisibles mais dévorantes.

Car Rose n’avait jamais eu peur d’échouer ou de décevoir. Elle savait qu’elle pouvait se relever, retenter sa chance autant de fois qu’il le fallait. Cependant c’était un tout autre exercice qu’Edward lui proposait. Un qui ne demandait pas d’être capable de se redresser encore et toujours, un qui ne demandait pas de se battre contre soi-même, contre les autres. Et ça, elle ne savait pas si elle pouvait y arriver. Rose réalisa qu’elle était réticente à l’idée que le loup se rende compte qu’elle était faillible. Incapable de faire de l’artefact une défense utile. Elle déglutit difficilement. Tenter de noyer le poisson.

- « Je ne suis pas sure qu’il veuille me parler » avança-t-elle.
- « Vous partagez un corps. Je pense que si je devais m’associer à quelqu’un, j’aimerai lui en parler avant… »
- « Oui mais… »

Elle n’acheva pas. Rose ne trouvait pas d’argument valable à opposer à la Mage. D’autant plus qu’elle ne voulait pas lui avouer qu’elle n’avait pas tant l’impression que l’objet voulait former une alliance. Plutôt qu’il voulait prendre possession des lieux. Ou du moins, l’intégrer dans un plus grand « tout ». Elle préféra changer de sujet, recentrer l’attention sur quelque chose qu’elle maîtrisait.

- « Dans tous les cas, Oz sera partant. Il me doit bien ça après ce soir. On déterminera la marche à suivre et il exécutera, je m’en porte garante. »
- « Hallelujah, la grenouille de bénitier va être utile ! »
- « Quoi que l’on prévoie de faire, il faut que ce soit voyant. Qu’ils sachent qu’Oz sera là. Mais assez intime pour qu’ils ne craignent pas de s’exposer… »
- « Comme un mariage ? Ou un enterrement ? » railla Sima, en haussant un sourcil, la dernière partie de sa phrase prononcée directement à l’attention de l’intrus.
- «  Peut-être… »
- «  Celui de qui ? »
- « Bonne question. »
- « Pas celui de Oz en tout cas. Sa mort ne les attirerait pas, ils en seraient trop satisfaits. Et ils ne croiraient pas à un mariage si rapide et si exposé. »

La contrebandière soupira et à son tour, passa une main sur sa nuque. En réalité, elle avait une idée, soufflée par Sima sans qu’elle ne s’en aperçoive. Ils pouvaient bien sûr, jouer le jeu plus longtemps que prévu, Edward et elle, et organiser une fausse réception de fiançailles. Mais après s’être vu poliment refuser son offre par le roi des loups, la contrebandière n’avait pas envie de suggérer autre chose tout de suite. Elle se sentait assez blessée dans sa fierté pour ce soir.

Ce n’était pas tant le fait d’être écarté qui l’avait heurté. Plutôt la délicatesse avec laquelle il l’avait fait. Elle était la bienvenue au cabaret, MAIS ce n’était pas nécessaire. MAIS avant, il fallait penser à Oswald. MAIS bien entendu, elle était la bienvenue.

- «  Je… »

Il fallait dire que Rose n’avait pas franchement l’habitude d’offrir son aide, encore moins lorsque cela l’impliquait émotionnellement et personnellement. Et réflexion faite, oui, être mise de côté lui avait porté un coup au moral. C’était un moyen pour Edward de lui signifier qu’il  n’avait pas besoin d’elle. Ou qu’il préférait quelqu’un d’autre pour remplir cette fonction. La piqure de la vexation perça son cœur. Pourtant, elle savait taper à la machine sans fautes et elle n’avait aucun problème avec le téléphone. Contrairement à lui. Imbécile.

Plus elle y pensait, plus elle se sentait atteinte dans son orgueil. Elle allait faire les choses toute seule, puisque c’était ce qu’elle faisait de mieux visiblement. Qu’il se débrouille. Rose se redressa brusquement, raide comme la justice, et se mit à farfouiller dans le petit meuble fissuré par la poigne du lycanthrope quelques minutes plus tôt. Elle en sortit un paquet de cigarette, qu’elle ouvrit plus brusquement qu’elle n’aurait dû.

Enfin, elle remarqua le drôle d’air qui était apparu sur les traits de Sima. La brune la fixait avec intensité. Elle tirait une certaine satisfaction de la voir éloignée de l’homme qui s’était assis à ses côtés. Rose réalisa. Oh. Oui. Ils attendaient qu’elle finisse sa phrase. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien leur dire sans exposer sa frustration ?

Restée debout, la contrebandière entrouvrit la fenêtre et plaça une cigarette entre ses lèvres sans l’allumer immédiatement. Elle inspira profondément, et expira bruyamment, comme si elle avait retenu sa respiration trop longtemps. Non. Elle n’avait pas besoin de faire ça. Elle allait être honnête et tant pis si cela déplaisait aux présents. Toujours affronter. Rose ferma la vitre et repris sa place sur le divan, l’air déterminée. Sa main agrippa fermement le bras du lycanthrope qu’elle força à s’asseoir à côté d’elle. Une teinte vive colora subitement ses joues et ses doigts se refermèrent autour du menton de son vis-à-vis pour s’assurer qu’il l’écouterait.

- « J’aimerai que tu essayes de m’enseigner la méditation, mais je n’ai aucune garantie que j’y arriverais. » Rose s’arrêta, sembla peser le pour et le contre, avant de reprendre : « Tu sais, je … Je proposais de travailler pour toi, parce que j’avais envie de… de passer plus de temps avec toi je suppose. En plus des raisons que j’ai déjà évoqué. Et parce que je suis inquiète pour toi. Je ne voulais pas te mettre en porte à faux. Désolée. »
- «  Je voulais dire à propos de Oz et de l’Ordre, mais dites le si je dérange. »

Rose relâcha son prisonnier.

- « On patiente. Je parlerai à Oz pour qu'il soit notre appât. En attendant, on essaye de comprendre si je peux faire quelque chose de l'artefact. Ça te convient Edward ? »
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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMar 25 Avr - 18:39

Edward cligna des yeux en entendant Rose s’excuser. Est-ce qu’il… avait dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Sur l’instant, privilégier leur revanche sur l’Ordre et la sécurité d’Oz lui avait paru le plus opportun, mais la réaction de la contrebandière le fit douter. Oui, il avait bien compris. Elle voulait venir au cabaret pour le protéger sans pour autant s’incruster et il ne doutait pas qu’elle fasse une excellente secrétaire — à vrai dire il doutait de peu de chose la concernant — mais son absence faisait courir de grands risques à Oswald et le loup blanc n’était pas sûr que…
Une petite lumière s’alluma dans son esprit.

Oh…

Ooooooooh…

Edward sentit son cœur s’emballer. Habituellement, il avait du flair pour ces sujets là, mais il fallait croire que la fatigue l’avait comme enrhumé. Pris dans ce brouillard, le prédateur avait légèrement occulté celle qui semblait courir après son cœur depuis la fin de cette folle soirée. Naïveté, ou volonté de se préserver ? Un mélange des deux sans doute. Mais à présent que cette brume s’était dissipée, la proximité de Rose resplendissait d’un nouvel éclat.
Le regard d’Edward croisa le sien à l’instant où elle lui demandait son avis. Il eut un léger blanc, se demanda si la détermination pouvait être mieux portée par une personne et désireux de faire bonne figure, il se redressa à son tour, masquant d’un mouvement de tête les pensées qui le troublaient. Un sourire fatigué s’étira sur ses lèvres et il acquiesça :

« Faisons ça.
Ça quoi ? Soupira Sima. Méditer et penser à un piège ? Vous n’avez pas plus flou comme plan ?
Il est quatre heures du matin, grimaça Edward. Vous n’avez donc aucune pitié ?
Pi-quoi ? Sourit la mage. »

Le loup blanc soupira. Il se laissa tomber au fond du divan avec la certitude qu’il serait incapable de s’en relever, passant ses mains sur ses traits ravagés par la fatigue, il bâilla sans pouvoir se retenir et s’accouda au dossier. Ses doigts pris dans ses mèches sombres maintenant sa tête à peu près droite, il réfléchit tout haut :

« Voyons… Nous devons avoir facilement une semaine de tranquillité. Je penche pour deux mais Oz nous le confirmera demain.
C’est peu…
C’est mieux que rien. La priorité va être de trouver des informations au sujet de cet Ordre. Il doit être ancien, mais il a dû prendre de l’importance après l’Heure Pourpre, donc sa mégalomanie est sans doute plus récente que ça.
Le bigot n’a pas ces infos ?
Ce n’est pas certain. Ce dont je voudrai surtout être sûr c’est savoir qui s’occupe des traitres. Je doute que ce soit les Vertus, mais est-ce qu’il faudra craindre ce qui est au-dessus ou en-dessous ?
Je vois… Si Blanche Biche n’en sait pas plus, j’essaierai de voir ce que je peux trouver dans les bouquins. »

Edward coula un regard compatissant à Rose. Sima semblait avoir prévu un accueil dans les règles de l’art pour le pauvre Oz et même après cette terrible soirée, le roi des loups ne pouvait que compatir à ce qui l’attendait. Il espérait que la contrebandière équilibrerait un peu la balance, mais il glissa tout de même :

« Julius devrait savoir y faire avec lui. Il a un truc avec les casse-pieds.
Eh ! Je peux très bien…
De mon côté je vais rentrer au cabaret et envoyer quelques courriers. Je ne pourrai pas venir demain, mais mercredi après midi on pourra se voir pour débuter la méditation si ça te va ?
Mercredi ? Bon… Je me débrouillerai pour être là et éviter que ça dégénère.
En fait… »

Sima se redressa sur son siège. À son regard aiguisé comme une pointe de flèche, Edward se doutait qu’elle n’attendait qu’un mot de trop pour décocher son tir. Elle devait avoir prévu une liste longue comme le bras d’arguments expliquant pourquoi il était hors de question de les laisser seuls. Mais le loup blanc n’eut pas la force d’arrondir les angles et la fatigue aidant, il lâcha de but en blanc :

« Je pensais utiliser ce qui reste de la Curia.
Bah tiens. Et pourquoi pas partir vous isoler tous les deux en montagne et méditer nus sous une cascade ? »

Edward fronça les sourcils. Elle ne le prenait toujours pas au sérieux ? Vraiment. Irrité, il répliqua d’un ton aussi calme que piquant :

« À vrai dire c’était ma première idée, alors si elle vous convient…
Qu… N-Non ! s’étouffa Sima. Hors de question ! Ce n’est… Je veux dire, c’est n’importe quoi. Enfin Rose, dis lui !
Écoutez, s’agaça Edward. La Curia est toujours parfaitement sécurisée, on y sera à l’abri et le lieu est baigné de magie. Il n’y a pas un de vos proverbes qui dit que la magie appelle la magie ?
Eh… Comment vous savez ça vous ?
Jakob m’a expliqué deux ou trois trucs pour que je lui foutes la paix quand on a enchanté le cabaret.
Tout ce que je dis c’est que je n’en vois pas l’intérêt, trancha-t-elle avec un sec mouvement de mains. À moins que vous n’ayez pas confiance en vos capacités à enseigner la méditation à Rose ?
Ça n’a rien à… Bon, bon ! Si en tant que médecin, vous croyez que c’est mieux, nous commencerons ici. »

Sima appuya d’un signe de tête cette sage décision, mais elle se crispa en l’entendant la renvoyer à son statut de soignante vis à vis de Rose. Le loup blanc n’avait clairement pas dit son dernier mot, mais la méditation ne porterait sans doute pas immédiatement ses fruits et permettre quelques essais à Rose dans un environnement familier ne pouvait pas leur faire de mal.
Il se tourna vers elle et son agacement fondit comme neige au soleil. Ses épaules se détendirent, tout comme ses traits et il lui demanda d’un ton si doux qu’il se surprit lui-même :

« Est-ce que ça te conviendrait ? »

Il oublia d’attendre sa réponse.
Méditer — puisque ça s’appelait ainsi — lui était venu naturellement, des années plus tôt, à un moment où il s’était senti dangereusement glisser vers la folie. La pratique lui avait, sinon sauvé la vie, au moins préservé son esprit.
Il ignorait si cela pourrait aider Rose, mais il l’espérait sincèrement et voulut se montrer rassurant. Quand à savoir s’ils y arriveraient, après leur victoire face à madame de Vermandois et l’Ordre, il se sentait capable de surmonter bien des obstacles à ses côtés.

« Ce sera nouveau pour tous les deux, mais ça te laissera moins de bleus que l’entrainement. »

Un immense sourire réveilla ses traits. Il avait un charme gamin et sauvage, une expression qu’on lui voyait peu, mais qui flamboyait de sincérité et peut-être aussi d’un peu d’impatience.

« Tu pourras toujours venir au cabaret quand on en aura fini. On passera du temps ensemble, mais personne pour essayer de nous tuer cette fois. »


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MessageSujet: Re: En piste [PV Rose |1891][Terminé]   En piste [PV Rose |1891][Terminé] - Page 2 I_icon_minitimeMer 26 Avr - 18:02

Rose sentit l’air lui manquer. Sans s’en rendre compte, elle avait retenu son souffle, en apnée inconsciente, les joues gonflées d’anticipation. Tout son visage la chauffait, et l’idée qu’elle devait à présent être écarlate ne l’effleura même pas tant elle avait bloqué sur ce tout petit, minuscule bout de phrase.

Est-ce que c’était une véritable option pour la méditation ? Parce que d’un coup, étrangement, elle se sentait beaucoup plus motivée par l’exercice. Pour des raisons assez évidentes. Quoi que… Pas sûr que rester immobile, complétement nue, en face d’Edward White soit une tâche aisée. C’était ce même principe qui l’agaçait tant dans les musées. Vous pouvez regarder, mais pas toucher. Tout de suite, l’apprentissage deviendrait beaucoup plus frustrant.

Ou alors, ils pouvaient laisser tomber complétement cette activité pour s’adonner à une autre qui nécessitait beaucoup moins de fixité et plus de… disons flexibilité.

- « Rose ? »

La contrebandière tourna la tête vers la Mage qui la regardait avec beaucoup d’insistance, les sourcils froncés comme si elle avait pu lire ses pensées. D’écarlate, elle vira à cramoisie.

- « White te parle je crois. Ses lèvres bougent et des sons sortent de sa bouche, ce qui doit être sa manière de s’exprimer, même si rien de ce qu’il dit n’a de sens. »
- « Oh… O-Oui, bien sûr, c’est parfait ! »

Elle hocha vivement la tête pour appuyer ses propos – plus vivement qu’elle n’aurait sans doute dû- tentant de rassembler ses esprits vers des pensées plus appropriées.

- « Tu pensais à autre chose là. À quoi ? »
- «  Ed-… Euh, au fait que je préférais la Curia. »
- « Non. »

Croisant les bras sous sa poitrine, la magicienne se montra catégorique dans son refus. Rose abdiqua seulement parce qu’il était tard, et qu’elle savait qu’elle finirait par imposer sa vision des choses à l’usure. Et que la dernière proposition du lycanthrope lui donnait envie sourire de toutes ses dents, peu importe ce qu’en pensait son envahissant chaperon.

- «  Très bien. On a mérité un peu de repos. »

Sous-entendu, si la Mage pouvait débarrasser le plancher et aller se mettre au lit, ce ne serait pas plus mal. Pourtant, elle ne bougea pas de son fauteuil, semblant même s’y enfoncer encore plus profondément. Son regard se fit insistant, cherchant à capter les prunelles grises de Sima qui le soutint sans ciller, mais préféra jouer la carte de l’incompréhension. Les deux femmes s’observèrent en chien de faïence durant de longue secondes. Si il existait un décrypteur de paroles silencieuse, on aurait pu y lire le dialogue suivant :

ROSE : Va te coucher.
SIMA : Sinon quoi ?
ROSE : Mais rentre chez toi !
SIMA : Pour te laisser avec cet animal ? Plutôt mourir.
ROSE : Ton vœu risque de se réaliser plus vite que prévu.

La brune finit par lever les mains en signe d’abdication et se redressa enfin de son assise. Elle s’assura de lancer une œillade assassine au loup blanc une dernière fois avant de tourner les talons.

- «  Pensez à bien claquer la porte en partant. Rien n’est plus doux pour m’aider à m’endormir que le bruit d’un homme qui s’en va enfin. À mercredi White. »

Qu’il n’en doute pas une seconde, elle serait au rendez-vous. Et elle franchit le seuil de l’appartement en silence, adressant un signe de la main à sa protégée avant de disparaître.

Restée seule avec le loup blanc, Rose hésita. Il avait dit qu’il allait rentrer au cabaret envoyer quelques lettres. Mais quand le jour se serait levé non ? Il n’allait pas partir tout de suite ?

Malgré sa détermination et sa volonté de rester forte en toutes circonstances, la contrebandière sentit son assurance vaciller. Certes, elle était épuisée, et dormir lui apparaissait comme le saint Graal. Mais le visage sans vie de ses parents était encore frais dans son esprit. Trop. Beaucoup trop. Elle craignait de se coucher seule, avec pour seule compagnie ces revenants qui reviendraient immanquablement la hanter dès qu’elle aurait fermé les yeux.

Peut-être aurait-elle dû demander une de ses potions pour dormir à Sima avant qu’elle ne s’en aille. Mais cela serait revenu à avouer sa faiblesse. D’autant que la Mage aurait cherché à savoir ce qui pouvait à ce point faire vriller ses nerfs, et Rose n’en avait pas franchement envie.

Un coup d’œil au loup affalé sur son divan. Il n’avait pas l’air de vouloir s’en extirper tout de suite. Volte-face, direction la chambre.

- « Attends-moi une seconde. »

Peu importait toute la confiance qu’elle portait au loup blanc, elle n’allait certainement pas s’abaisser à lui demander de lui tenir compagnie. Un aveu de faiblesse, quel qu’il soit, était toujours un peu honteux dans la vision de la contrebandière. Mais elle pouvait un peu tricher.

Lorsqu’elle revint au salon, Rose avait les bras chargés d’une montagne de tissus vichy blanc et bleu, si monstrueusement grand qu’il la dissimulait presque entièrement. Elle s’avança en tâtonnant, ses pieds nus avançant prudemment sur le parquet avant de laisser tomber son chargement sur Edward.

D’un geste, elle déplia l’immense édredon de plume et se glissa dessous. Installée à l’autre bout du large divan, la couverture remontée jusqu’au menton, elle étendit les jambes jusqu’à ce que ses orteils touchent la jambe du lycanthrope. Elle aimait ce léger contact, la chaleur d’un autre corps contre le sien la rassurait. Mais elle aurait préféré mourir mille morts plutôt que de l’avouer.

- « Eduard. C’est joli dans ta langue. »

Elle s’était souvenue de ça, tout à l’heure dans le cab. L’artefact connaissait son nom, la manière de le prononcer, l’accent qu’il fallait emprunter. Le bijou savait, donc, Rose aussi. Elle avait prononcé ce prénom avec la rondeur du « r », le claquement du « d » final, le piquant du « u ». La douceur d’une personne sincère.

Laissant sa tête tomber entre les coussins, la jeune femme ferma les yeux. Ses pieds pressèrent inconsciemment un peu plus fort dans la chair de son comparse.

- « Mihai… I like it too. »

Elle resta ainsi, étendue sur le divan, les yeux clos, avec la respiration tranquille des gens apaisés.
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