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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]

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Narcisse Williams
Dragon on the wire
Narcisse Williams

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MessageSujet: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeJeu 5 Sep - 20:42

La peur. Une peur viscérale qui pénétrait son esprit comme son corps, voilà tout ce qu'il était capable de ressentir en cet instant. Cela n'aurait pas dû être aussi violent. Il avait, après tout, l'habitude de ressentir cet atroce sentiment, violent et cruel. Il ne se passait pas une nuit sans que de terribles cauchemars ne le réveillent en sursaut, le laissant attendre en tremblant le lever du jour. Que son esprit se joue de lui, détectant des présences là où seul le vide résidait, n'était guère rare. Et l'obscurité, telle une toile vierge n'aspirant qu'à être peinte par son imagination trop influencée par son passé, n'avait de cesse de le tourmenter. Bien qu'il eût conscience de l'absurdité de son angoisse, bien qu'il sût que tout cela n'était que pur délire, jamais Narcisse n'arrivait à se débarrasser de cette abominable terreur qui menaçait de le rendre fou. A défaut de pouvoir faire mieux, il s'était habitué. Habitué à cette effroi qui le hantait. Sauf cette nuit. Cette nuit, c'était bien pire. Son épouvante n'avait jamais été à ce point virulente. Son cauchemar si réaliste avait enflammé ses sentiments négatifs. Il se sentait pris au piège, encerclé par ses peurs les plus folles. Chaque son, chaque relief, chaque sensation étaient perçus comme une nouvelle menace. Le silence, troublé seulement par le son irrégulier de sa respiration erratique, semblait matériel, paraissait l'étouffer lentement. Son songe, plus vraisemblable que jamais, avait dépassé les frontières de l'atroce. Les images se rejouaient inlassablement dans son esprit ; meurtres, sang, cadavres, armes, fuite... il ne pouvait oublier. Cette fois-ci était pire que toutes les autres. Son subconscient n'avait pu s'empêcher de recréer les derniers instants de ses proches. Comme si ce qu'il avait vu n'avait pas été suffisant, il avait fallu qu'il assiste à l'assassinat virtuel des personnes qu'il avait chéri plus que tout au monde. Son cerveau avait réussi à tout créer dans le plus parfait réalisme. Et le voilà, tremblant, seul dans le noir, à tenter désespérément de se calmer en serrant ses genoux contre lui, se berçant doucement pour essayer de retenir ses larmes. Pourquoi ?! N'avait-il pas assez souffert ?! Ce n'était donc pas suffisant ainsi ? Quand serait-ce convenable ?! Quand sa douleur prendrait-elle fin ? Il allait devenir fou, bon sang ! Sa prise frissonnante sur ses bras se resserra. Il ferma les yeux. L'impression de sentir le souffle putride d'un tueur contre son oreille le prit. Il plaqua ses mains contre son crâne, comme espérant que cela saurait arrêter ses délires cauchemardesques.
« Arrêtez ça... »
Supplique à un agresseur imaginaire, murmure dans les ténèbres nocturnes. A la faveur de la nuit, la panique s'accroissait et enveloppait le garçon de son sombre linceul. Comme le calme lui paraissait mensonge, comme la lune lui semblait moqueuse ! Soudain, il sentit. Une caresse, aussi légère qu'une brise, descendait le long de son dos. Trop. C'était trop. Il sursauta et s'écarta sans plus tarder du lit dans une frénésie totale, sa bouche s'ouvrant dans un hurlement muet. Dans son agitation, il perdit l'équilibre, atterrissant lourdement sur le dos. Des toussotements s'échappèrent d'entre ses lèvres après l'impact. A coup sûr sa chute lui créerait un bleu, mais en cet instant il n'en avait que faire. Seule cette abominable sensation avait de l'importance. Elle était si puissante, si dévastatrice, qu'il en ressentait les effets physiquement. Il respirait par de douloureux à-coups qui secouaient presque autant son corps que ses tremblements. Sous ses doigts l'acrobate sentit la douceur d'un drap. Si la situation ne lui avait pas donné envie de pleurer il en aurait ri. Un drap. Tel était le coupable de la caresse dans son dos qui l'avait terrorisé plus encore que ce n'avait été le cas avant. Ses paupières se fermèrent violemment, espérant apaiser le brasier de glace dans lequel il était pris. Il fallait se ressaisir. Il fallait se calmer et se redresser, sans quoi la folie le prendrait. Le dragon ne pouvait plus se sentir oppressé par son passé, c'était fini. Fini.
Tant de jolis mots et pourtant... pourtant rien ne s'était amélioré. Les ténèbres abyssaux de la nuit semblaient l'engloutir tout entier dans un monde de cauchemar, de peur et de violence. De la lumière. Il avait besoin de lumière; avec elle ses fantasmes morbides ne pouvaient plus apparaitre. Ils étaient prisonniers de l'ombre, tant qu'elle était inexistante, ils le seraient également. Ses poings se serrèrent dans une nouvelle détermination. Il pouvait le faire. Ce n'était pas réel. Tout se passait dans sa tête, trop obnubilée par son passé. Il était en sécurité. Tout allait bien. Se répétant ses arguments comme un mantra, il se remit lentement à genoux, les yeux toujours clos, tentant toujours vainement de ralentir sa respiration. Son corps tout entier était crispé, prêt à réagir au moindre danger. Là était le problème. Il n'y avait pas de péril. Pourquoi son esprit prenait-il un malin plaisir à le contredire à chaque fois qu'il se disait cela ? Doucement il se leva, ses jambes tremblantes comme des feuilles, se sentant dans cette position plus vulnérable encore aux maux qui l'accablaient. Ses poumons semblaient être de moins pourvus en oxygène. Sa tête lui tournait. Peut-être était-ce l'angoisse ? Il n'avait jamais rien ressentit de tel, jamais ses émotions n'avaient été assez fortes pour avoir des effets physiques ! Narcisse n'arrivait pas à se calmer. À chaque fois qu'un faible semblant de tranquillité lui revenait, un craquement de parquet se faisait sentir, ou un faible bruissement résonnait dans le vide du bâtiment, ravivant sa terreur toujours croissante. Il fit un pas peu assuré, suivit d'un deuxième, priant pour que le mur soit le plus prêt possible. Malheureusement il dut subir encore quatre enjambées pour arriver jusqu'à celui-ci, espérant de tout son coeur être contre celui qu'il voulait atteindre. Sous ses doigts, il put sentir la douce surface du bois de sa commode. Bingo. Pour un peu il en aurait versé les larmes qu'il retenait depuis le début. Sa main tremblante tâta le support de manière frénétique, faisant tomber plusieurs choses au passage, jusqu'à trouver ce qui semblait être l'objet de ses rechercher. Un petit paquet d'allumettes était posé sous sa paume. Un rapide soupir de soulagement perça ses lèvres. Il était proche du but, enfin. Tout serait bientôt un mauvais souvenir. Mais il fallait faire vite. Sans cesse, il entendait des craquements de parquet et autres bruits angoissants dans son dos. Sa panique ne semblait vouloir s'interrompre. Ses doigts frissonants saisirent une allumette tant bien que mal, la frottant contre la paroi rugueuse de la boîte pour créer une étincelle. Echec, aussi frustrant que terrifiant.
Reste calme. Détends toi. Reste calme...
Plus il se répétait, moins il croyait ses propres paroles. Ses jambes le soutenaient de moins en moins bien, l'angoisse les faisant tant trembler qu'elles s'entrechoquaient. L'acrobate tenta de prendre une profonde inspiration, ne parvenant qu'à faire siffler péniblement ses poumons. Il reprit. Second essai, seconde allumette. Le même bruit de frottement contre la boîte. Etincelle. Flamme. Miracle. Il la tint comme si elle était le Graal lui-même; à ces yeux elle n'était guère loin de la divine providence, d'ailleurs. Son regard s'arrêta sur un chandelier, composé de quatre bougies salvatrice. Il passa la flammèche sur chacune d'entre elles, éclairant faiblement mais sensiblement la pièce. Enfin. Ces jambes l'abandonnèrent finalement, le laissant glisser contre le mur jusqu'au sol. Trop. C'était juste trop pour lui. Il n'en pouvait plus. Il enroula ses bras autour de ses genoux, eux-même contre son torse nu, enfouissant son visage au creux de ses membres entrelacés. Les larmes qu'il avait tant retenues coulèrent le long de ses joues, ses sanglots n'arrangeant guère sa respiration déjà erratique.  

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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMer 18 Sep - 15:48

Ses yeux étaient clos. Sous ses doigts, les notes déferlaient comme une vague, puissante et forte, gracieuse et apaisante, emportant avec elle tous les maux du monde. Il n'avait nul besoin d'hésiter, il connaissait la mélodie par cœur. Il ne lui restait plus qu'à se laisser bercer par la musique et voguer vers d'autres horizons. Il rêvait. L'adrénaline qu'il sentait s'infusait en lui plus profondément chaque fois que l'un de ses doigts effleurait une nouvelle note lui donnait l'illusion de faire rebattre son cœur violemment, de faire pomper à nouveau des rafales de sang dans ses veines. Il se sentait revivre.

Dominik entama les dernières notes du morceau avec délicatesse et resta un moment immobile après la fin à savourer les dernières vibrations. Il ouvrit les yeux, revenant brutalement à la réalité, à la maison. Il se leva, repoussant les pans plus longs de son veston de pianiste vers l'arrière, de sorte à ce que ceux-ci voltigent gracieusement dans son dos, comme il aimait le faire pour avoir l'air professionnel. Il se tourna vers le public applaudissant et les salua d'un léger mouvement de tête, un sourire, petit mais significatif, flottant sur ses lèvres, triomphant. Le pianiste sortit en coulisses, aussitôt son sourire s'effaça, remplacé par son habituel air abattu. Son instant de bonheur venait de prendre fin.
Les coulisses étaient bondées. Il avait d’abord pensé rester pour assister aux autres numéros, mais l’envie s’était dissipée aussi soudainement qu’elle lui était venue en début de soirée. Découragé, il se faufila à travers la foule et gagna le premier étage. Il le trouva étonnement vide. Ils devaient sans doute tous être au rez-de-chaussée, à voir la foule d’employés qui se trouvaient hors scène plus tôt. Dominik effleura le à ses côtés du bout de ses minces doigts de pianiste. C’était une occasion en hors de tenter de s’accoutumer avec son don de revenant, qu’il n’appréciait guère, sans avoir l’air d’un demeuré. Doucement, il enfonça sa main, puis la retira aussitôt. Il lui sembla que quelque chose était différent tout à coup. Les sourcils froncés, il s’exécuta de nouveau. Toujours rien. Aucune sensation désagréable, semblable à celle qui nous secoue dans tout le corps lorsque l’on se cogne le nerf du coude. Le pianiste sourit, satisfait, tout en avança dans le long couloir pour se rendre à sa chambre. Plus joyeux que la norme de s’être enfin débarrassé de cet horrible sentiment, il voulut réessayer. Sans regarder, un sourire béat flottant sur ses lèvres, il traversa la main du bout de son bras, sans même se soucier des gens de l’autre côté qui ne verraient passer qu’une main dans le vide. Il gambadait presque, marchant d’un pas léger, les yeux toujours clos. Naturellement, tout ne pouvait pas aller si bien aussi longtemps. Trop encré dans ses pensées pour songer une seule seconde à ouvrir les yeux, il trébucha dans un pli du tapis, ce qui eut pour effet d’entraîner son corps en entier dans le mur.

Dominik se retrouva dans la chambre d’un autre employé. Au moment même où le pianiste faisait irruption dans la pièce, celui-ci s’affalait sur le plancher, bondissant hors de son lit. Le revenant sursauta et cru bon de se camoufler entre les tuiles pour éviter une crise cardiaque à son camarade. Celui-ci semblait en proie à une douleur atroce. Lorsqu’il se releva sur les genoux, Dominik le reconnut (et se demanda du même coup comment il avait fait pour ne pas le reconnaître plus tôt avec sa longue chevelure d’argent assez unique). Il avait atterrit dans la chambre de Narcisse. Qu’est-ce qui pouvait bien tracasser à ce point l’acrobate ?

La joie du pianiste avait disparu à nouveau, laissant place à un désarroi inexplicable. Il suivait attentivement les mouvements de Narcisse, impuissant. Il aurait voulu intervenir, faire quelque chose, n’importe quoi, mais se doutait bien que sortir de l’ombre subitement risquait d’accentuer la terreur ressentie par son camarade artiste. Songeant à quitter les lieux, trop accablé par la douleur que ce dernier lui transmettait involontairement et ne désirant pas qu’il voit sa tête flottant dans le vide, il recula pour s’enfoncer complètement dans le mur. Le parquet grinça et le mur l’accompagna d’un craquement sonore. Dominik s’immobilisa. Il souhaitait aider Narcisse, pas empirer sa situation! Il tenta de s’en aller en silence encore quelques fois, en vain. Comment pouvait-il faire autant de bruit en n’ayant aucun poids? Le pianiste commençait à en avoir assez des contradictions de règles des revenants. Il avait apparemment vraiment besoin d’un mode d’emploi pour arriver à y comprendre quelque chose. Pour le moment, il lui faudrait attendre que Narcisse se calme pour arriver à quitter sans l’alarmer.

L’acrobate avait réussi à trouver des allumettes. Une étincelle jaillie dans la nuit. Bientôt, la pièce se retrouva baignée dans une lumière apaisante. Le cœur de Dominik s’allégea, mais se resserra presque aussitôt à la vue des larmes s’échappant des yeux violets de Narcisse. Pendant un moment, le pianiste hésita. Que devait-il faire? Il mourrait d’envie d’aller le serrer dans ses bras, et à la fois de courir se mettre à l’abri, quelque part, de toute la douleur du monde qu’il ressentait. Son propre passé revenait à la charge, se bousculant dans son crâne, bouillant dans sa poitrine. Il piétinait son cœur à coups de talons. Son côté sombre l’avait rattrapé, comme il le rattrapait toujours. Il ne voulait pas rester seul.

Reconnaissant à la vie que Narcisse, les yeux fermés, n’aie pas encore remarqué sa tête qui sortait de nulle part, il s’avança, s’exhibant complètement dans la pièce. Tant pis s’il se faisait rejeter. Il devait au moins essayer. Ils étaient deux âmes en peine en quête d’un salut. Bien qu’il ne connaissait rien du passé de Narcisse, il le savait. Il le sentait au plus profond de ses entrailles. Et même si leur quête intérieure était différente, ils pouvaient toujours faire un bout de chemin ensemble.

Dominik s’approcha, le parquet crissant sous ses pas, et tendit la main pour finalement la déposer sur la tête du dragon. D’une voix calme et pleine d’ambition philosophique, il murmura.

« Lèves-toi et marche. Le salut se trouve au-delà de ce que tu vois. »

Précision:


Dernière édition par Dominik Steadworthy le Lun 2 Déc - 22:10, édité 1 fois
Narcisse Williams
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeLun 4 Nov - 22:55

Les larmes qui coulaient sur ses joues étaient à la fois salvatrices et douloureuses. L'eau s'échappait de ses yeux comme la matérialisation de ses émotions désormais trop fortes pour être contrôlées, apaisant son cœur de la plus infime des façons tout en lui rappelant quel point sa douleur était -trop- présente en lui cette nuit là. Sa peur était tenace, refusant de partir à la seule faveur de la lumière. Néanmoins Narcisse ne perdait pas espoir, tentant répétivement de respirer de manière stable tout en calmant les sanglots qui s'échappaient inéluctablement de ses poumons. Sa concentration était tant prise par ses tentatives vaines de se détendre qu'il en perdit le fil de la réalité un instant, manquant ainsi la personne qui venait de rentrer dans sa chambre par les murs, qui l'oppressaient depuis ce qui lui semblait être l'éternité. L'acrobate ne se rendit compte qu'il n'était pas seul que lorsqu'une main se posa doucement sur son crâne. Un sursaut violent le secoua tandis que son angoisse revenait en une vague dévastatrice. Son regard se leva rapidement mais avec réluctance, les « boum-boum » frénétiques de son cœur résonnant dans sa tête comme autant de coups de marteau.
Là, devant ses yeux encore emplis de larmes, se tenait un grand jeune homme que son esprit finit par reconnaître comme étant un pianiste du cabaret. Ses paupières s'ouvrirent plus encore sous la stupéfaction, ne prenant garde aux quelques larmes qui en profitèrent pour dévaler ses joues. Un soulagement immense s'empara de lui en même temps qu'une honte sans précédent.
« Lèves-toi et marche. Le salut se trouve au-delà de ce que tu vois. »
« Qu-Qu'est-ce que ? Vous... ? »
Narcisse avait parlé d'une toute petite voix, si bien que la moitié de ses bribes de phrases furent couvertes par l'énoncé de son vis-à-vis. Tant mieux. Les paroles qui lui avaient échappé moururent entre ses lèvres alors qu'il baissait les yeux, fixant les pieds de Dominik -s'il se souvenait bien-. Il s'était assez ridiculisé comme cela, avec sa voix tremblante digne d'un enfant apeuré et les sanglots qui avaient du mal à s'éteindre dans sa gorge. Le dragon préféra se concentrer sur ce qu'avait dit son interlocuteur. Sans doute était-il encore trop en état de choc pour tout comprendre, mais il savait que le pianiste lui donnait son soutien. Il tenta d'ignorer la flamme bienveillante qui se ralluma dans sa poitrine à cette pensée. D'ordinaire, il aurait probablement repoussé ce sentiment et sa cause venant d'une personne inconnue ou presque, mais là... Narcisse réalisa que, curieusement, il n'en avait aucune envie. Trop tourmenté, trop faible pour penser à se gérer comme il le faisait à son habitude, il se raccrochait à la chaleur dont- il s'en rendait compte- il avait un besoin presque vital en cet instant. Ses doigts frissonnants s'élevèrent lentement dans les airs pour venir se poser sur la main de son compagnon alors qu'un dernier sanglot s'étouffait entre ses lèvres.
À l'opposé de ce qu'elle lui transmettait, la peau de Dominik était froide et lisse. La sensation était étrange, pour lui qui était un être de feu, mais aussi étonnement apaisante. D'un autre côté, il était profondément difficile de nier qu'un rien eût pu lui paraître apaisant, en cet instant. Narcisse resserra son emprise sur la main de son vis-à-vis. Ce contact était son seul moyen de communiquer ce qu'il ressentait à ce moment -il n'avait aucune confiance en sa voix, probablement encore trop faible et tremblante pour parvenir à créer une phrase correcte-. Il espérait juste que ses doigts frémissants soient suffisants pour transmettre ce qu'il ne pouvait même pas décrire : un affreux mélange de confusion, de reconnaissance, de honte, de peur et de pleins d'autres sentiments sur lesquels il n'aurait su mettre un nom. Petit à petit, alors que son attention était portée sur ce curieux échange -qui n'allait peut-être que dans un sens-, sa respiration se calma, ses muscles se détendirent légèrement, ses frissons s'atténuèrent et les larmes cessèrent d'affluer ... Ces progrès étaient infimes, presque invisibles, mais l'acrobate n'eût su décrire à quel point il se sentait soulagé.
Son regard, désormais un peu plus calme, se plongea dans celui, couleur outremer, de Dominik. Il était curieux, interrogateur, et un peu effrayé tout de même. Effrayé de quoi ? Narcisse lui-même ne le savait pas. Puis les mots arrivèrent, s'échappant inéluctablement d'entre ses lèvres qu'il pensait scellées :
« Que faites-vous ici ? »
Pas d'animosité, rien, juste de une curiosité presque enfantine.
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeLun 2 Déc - 22:13

Le pianiste mijota de longues secondes sur ce qui, par inadvertance, avait surgit de ses lèvres. Est-ce que cela avait seulement un sens? Le temps qu'il en vienne à se demander si les revenants eux-même pouvaient être possédés par une autre entité, il senti une légère pression sur sa main, posée sur la tête du dragon. Il émergea de ses profondes pensées et baissa les yeux. Narcisse avait posé la main sur la sienne. Un étrange sentiment s'empara de lui. D'abord réticent, peu familier aux contacts depuis les années, il se laissa rassurer par ce geste qui, de toute évidence, témoignait une gratitude certaine. Ou un message en toute subtilité pour lui dire d'enlever sa main sans tarder. Mais en sentant Narcisse serrer sa main froide de ses doigts faibles et tremblants, il su que sa présence était appréciée. Il voulut lui sourire, mais ses joues semblaient soudainement paralysées. Il avait la nette impression que s'il tentait de bouger le moindre de ses muscles faciaux, il allait fondre en larmes. Subitement, comme ça. Sans préavis ni raison valable.

Il détourna le regard vers la fenêtre qui dévoilait un paysage nocturne immobile, comme une peinture qu'on aurait tout bonnement accroché au mur. Les nuages offraient différents tons de gris, voir même violets, et il lui sembla alors que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas vu la couleur du soleil. Ses rayons jaunes et chauds n'existaient plus que dans ses lointains souvenirs. Il sentait toujours la main de l'acrobate posée sur la sienne, et il cru soudain comprendre pourquoi les larmes lui venaient à ce moment. Si elles n'en étaient pas que de la tristesse même de Narcisse, elles montaient tout droit d'un sentiment fort désagréable : l'envie. Dominik se revoyait dans une situation semblable, nageant en plein désespoir, quand les plus noirs de ses démons donnaient l'impression qu'ils l'engloutissaient au plus profond de l'abysse. Et qu'il s'y noierait. Mais pour lui, personne n'était venu. Pas même le soleil. S'il en avait été autrement, peut-être n'en serait-il pas là, à se tourmenter l'esprit au-delà du monde des morts.

L'étreinte de Narcisse se resserra sur sa main et il détacha son attention du reflet de ses démons intérieurs à travers la vitre pour la reporter sur son collègue. Son regard se plongea brutalement dans celui de ce dernier, comme s'il venait d'entrer dans une sorte de vortex d'une courte durée. Les yeux de Narcisse dégageaient une multitude d'émotions pêle-mêle, mais Dominik réussit tout de même à capter ce qui semblait se passer derrière le voile violet de ses pensées. Soudainement, une voix s'éleva d'outre-tombe, comme une voix d'enfant délaissé, et il prit un temps au pianiste avant de réaliser que celle-ci s'échappait en fait des lèvres pâles du dragon.

« Que faites-vous ici? »

C'était en effet une très bonne question. Dominik hésita un instant, puis resserra son étreinte sur la main de Narcisse pour l'aider à se relever, le temps qu'il réussisse à trouver une réponse appropriée. S'il se lançait dans le récit interminable de ses aventures « intramurales », la crédibilité de sa présence en ces lieux ne serait plus. Il balbutia quelques mots incompréhensibles, même pour lui, et sentit ses jambes tressaillir alors qu'elles s'enfonçaient subtilement dans le plancher. Tentant par tous les moyens d'éviter à Narcisse de le remarquer, il s'engagea dans un discours improvisé.


« Les nuits sont longues au Lost. Personne n'a vraiment envie de les passer seul... Je me disais seulement que, vu votre état, vous aimeriez de la compagnie et du support... ­­»


Réalisant la gaffe qu'il venait de faire en parlant de l'état de Narcisse alors qu'il n'aurait dû n'en savoir rien, et sentant son corps qui ne cessait de s'enfoncer, il tenta un rattrapage rapide.

« Parce que je me doutais bien que quelque chose n'allait pas... Voyez-vous j'ai comme qui dirait des sortes de...visions. Je suis un peu comme Dieu. »

Dominik s'enfonça brutalement jusqu'à la taille, où il resta immobilisé. Décidément, les mensonges le rendaient un peu comme Pinocchio. En soupirant, il s'accouda contre le plancher, le menton dans la paume et jeta un regard lassé et triste vers Narcisse.

« Vous allez mieux...? »
Narcisse Williams
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Narcisse Williams

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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMer 15 Jan - 15:41

C'était une nuit bien étrange, Narcisse s'en fit la remarque. Oh, ce n'était pas négatif, loin de là. Il semblait que le destin avait enfin décidé de lui accorder un peu de réconfort, et ce sous la forme d'une rencontre des plus inattendues. Le jeune homme se reconnectait doucement avec la réalité alors qu'il observait minutieusement son vis-à-vis. Au premier abord, Dominik n'était peut-être pas le genre de personne à attirer tous les regards, bien qu'il possédât un certain charisme. Pourtant, il se dégageait de sa musique comme de lui une profonde mélancholie. Il eût presque pu en être la personnification. Ses grands yeux étaient si tristes... Et soudain le dragon comprit. Comprit ce qui était si bizarrement familier dans la silhouette du pianiste. Ils avaient vraisemblablement plus en commun qu'un simple lieu de travail: quelque chose les affligeait et les empêchait d'avancer. Cette constatation emplit Narcisse d'un mélange de sentiments étranges. Une chaleur qui n'avait pas lieu d'être se manifesta: il n'était pas seul. Ca, et une curiosité plus grande encore sur la raison de la présence du musicien dans sa chambre.

Une pression plus forte sur sa main le sortit de ses pensées. Il accepta volontiers l'aide de Dominik pour se relever, légèrement nerveux quant à la résistence de ses jambes. Contre toute attentes, celles-ci remplirent leur fonction avec une relative fermeté. Soufflant un petit "merci", le dragon reporta son attention -qui s'était portée sur ses pieds durant les dernières secondes- sur son vis-à-vis. Celui-ci venait de prendre la parole, et ce qu'il disait était... étrange. Narcisse fronça les sourcils et pencha la tête sur le côté dans une expression de perplexité. Comment diable le musicien avait-il su qu'il était dans un état pareil ? Peu désireux de reprendre la parole malgré une curiosité grandissante, le jeune homme continua d'écouter. La pensée lui vint brèvement que son interlocuteur avait semblé plus grand lorsqu'il était assis, mais il n'y prêta pas plus attention que cela. Lorsque Dominik déclara avoir des visions et être un dieu, Narcisse haussa les sourcils d'un air sceptique tandis que les bords de ses lèvres se relevaient imperceptiblement. Le pianiste essayait-il de lui remonter le moral en lui racontant des histoires ou tentait-il d'éluder la question ? Le dragon n'eut guère le temps de répondre à ses questions; le musicien disparut soudain de son champ de vision. Surpris, il tourna brèvement la tête sur les côtés avant de poser son regard écarquillé sur Dominik. Ce dernier était encastré dans le sol jusqu'à la taille. Narcisse commença à paniquer, pensant que le plancher avait rompu, avant de réaliser que son vis-à-vis avait apparemment la faculté de traverser les murs. Voilà qui expliquait beaucoup de choses... Malgré ses efforts pour se contenir, le jeune homme ne put retenir un léger sourire amusé d'éclairer son visage alors qu'il s'accroupissait devant le pianiste.
« Un dieu, hein ? », dit-il sans animosité aucune, son amusement se trahissant dans sa voix.
Il regagna son sérieux en remarquant l'air presque désespéré de son vis-à-vis. Celui-ci ne tarda pas à lui demander s'il allait mieux, et Narcisse se fit un plaisir de répondre tout en lui tendant la main pour l'aider à se redresser. Curieux comme la situation venait de s'inverser...
« Je vais bien mieux, je crois. Merci beaucoup... »
C'était la vérité. Sa peur avait maintenant complètement disparu ou presque, devenant sous-jacente et sans importance. Pour cela, il n'avait qu'une seule personne à remercier, et elle se trouvait piégée dans le sol de sa chambre. Une bien étrange situation.
« Ce genre de... d'incident, ça vous arrive souvent ? »
Il n'avait pu s'empêcher de poser la question. C'était comme si les mots se bousculaient hors de sa bouche en formant des phrases au hasard. Certes, c'était une question qu'il se posait, mais elle était également fortement impolie. Embarrassé par son effronterie, l'acrobate rougit un peu tout en bafouillant qu'il était sûrement indiscret et que Dominik n'avait pas besoin de répondre si cela l'importunait.

Décidément, cette soirée était assez hors du commun.
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMar 21 Jan - 21:39

Narcisse s'était accroupi devant le pianiste, question de se mettre au même niveau. Toutefois, cette situation rendait Dominik mal à l'aise et il avait l'impression, bien qu'il savait que ce n'était nullement son intention, que le dragon le narguait. Mais il voyait qu'il était amusé et cette pensée le rassura. L'idée de savoir qu'il avait pu lui réchauffer le cœur et lui coller un semblant de sourire dans le visage lui faisait plaisir. Pour une fois, il avait su être utile au bon moment, à première vue. Et en entendant Narcisse le remercier, il sourit à son tour. À quoi bon s'en faire s'il était à demi enfoui dans le sol? Tout compte fait, c'était une situation plutôt cocasse... et inattendue. Il prit avec reconnaissance la main que lui tendait son collègue artiste. Bien qu'accroupi, Narcisse lui semblait plus grand que jamais. Ses yeux violets semblaient luire dans le noir. Il le transperçaient comme s'ils avaient voulu lui transmettre un message.

« Ce genre de... d'incident, ça vous arrive souvent ? »

La question lui fit l'effet d'une claque au visage, tandis qu'il s'extirpait du sol. Le dragon était visiblement bien amusé de sa maladresse, mais il avait tout de même mis le doigt sur le problème. Dominik baissa la tête, envahit par un mélange de honte et de découragement. Si seulement il pouvait éviter de se mettre constamment dans des situations fâcheuses comme celles-là. Le pianiste risqua un œil sur le visage de Narcisse. Puis, un petit rire le secoua.

« Ça m'arrive... Parfois. Tout le temps. »

Même après quatre années d'errance sur Terre, il ne contrôlait toujours pas ses nouvelles (plus si nouvelles que ça) capacités de revenant. C'était en soi assez pathétique. Mais l'essentiel n'était pas là. Il ne pouvais simplement pas rester là à s'apitoyer sur son sort alors qu'il avait devant lui un homme encore en détresse seulement quelques minutes plus tôt. Soudain, son regard s'attrista de nouveau. Comment avait-il pu songer lui venir en aide sans même oser lui demander ce qui le tracassait. Il avait eu l'air si... effrayé et tourmenté. Il était vrai que la nuit n'était jamais rassurante, mais le Lost grouillait de gens à toutes les heures. Leurs voix éclairaient la noirceur et offraient une présence constante. Non, c'était autre chose. Un homme de sa corpulence ne pouvait certainement pas être terrorisé que par le noir de la nuit. Il le revoyait, tapis dans son coin, les membres tremblants, les yeux baignés de larmes. Sa curiosité parasite tendait à prendre le dessus, mais il ne devait pas la laisser faire. Narcisse semblait beaucoup mieux maintenant. Qu'arriverait-il si par mégarde...

«Puis-je me permettre de vous demander... ce qui vous tourmentait ainsi, mon jeune ami?»

Et voilà. La ligne était lancée. Il n'aurait pu résister très longtemps. C'était comme une seconde nature chez lui. Il venait à peine d'ouvrir la bouche qu'il savait déjà que le mieux était de la refermer sur le champ. Cependant, il était déjà trop tard. Il devait terminer. Dominik connaissait très bien les risques que cela entraînait. Le mal était fait. Le reste était de savoir si le crocher s'était piqué droit dans son cœur, ou sur un poisson bien grouillant apportant une réponse croustillante sans plus. Il ne lui restait maintenant plus qu'à espérer.
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMar 28 Jan - 18:20

Au vu de la réaction de Dominik, sa question avait fait mouche. Narcisse se sentait embarrassé et profondément coupable ; le pianiste l'avait aidé à faire face à ses démons, et son seul remerciement était une interrogation stupide. Sa gaucherie en matière d'éloquence agaçait véritablement le dragon, parfois. En sa faveur, il pouvait toujours dire qu'il n'était pas dans son état ordinaire, mais cela ressemblait plus à une excuse lamentable qu'à une explication logique. Cependant, le jeune homme ne put empêcher sa curiosité de revenir au galop en regardant la réaction de son collègue. Il semblait presque que son esprit se focalisait sur toutes les émotions qui ne relevait pas du domaine de la peur ou de la tristesse dans un espoir de se sortir de transe. À son grand dam, cela fonctionnait à merveille. Narcisse écouta donc attentivement la réponse de son interlocuteur, qui ne tarda pas à venir après que celui-ci se soit redressé. Celle-ci ne suffit malheureusement pas à assouvir complètement sa soudaine soif d'informations, mais elle n'en fut pas moins intéressante. Ne pas s'habituer à sa nouvelle nature devait être particulièrement difficile. Ou du moins le dragon se doutait-il que le pianiste n'était pas né ainsi. Relativement satisfait de la réponse qu'il avait reçu, il hocha silencieusement la tête. Le silence s'installa pendant quelques secondes, jusqu'à être troublé par une question :
«Puis-je me permettre de vous demander... ce qui vous tourmentait ainsi, mon jeune ami?»
Narcisse se figea. Un affreux mélange de honte, de peur et de tristesse l'assaillit. Néanmoins, comment pouvait-il en vouloir à Dominik ? Après tout, lui-même venait de poser une question à la fois indiscrète et malpolie, et n'importe qui eût eu envie de connaître les raisons d'une telle panique. Croisant le regard de son collègue, l'acrobate se demanda s'il devait mentir. Il fallait dire que la vérité était des plus humiliantes, et il se voyait difficilement répondre qu'il avait peur de simples rêves. Pourtant, le jeune homme ne se sentait pas capable d'offrir un mensonge à la personne qui lui avait été d'une aide précieuse quelques instants auparavant. Ce n'eut pas été juste. Ses yeux se focalisèrent sur le sol, plus dans un espoir de ne pas avoir à regarder la réaction de son vis-à-vis que parce qu'il était extraordinaire. Il passa sa main droite dans le creux de son cou, hésitant. Pouvait-il vraiment se confier à un inconnu ?
« Des... des cauchemars. C'est stupide, j'en ai conscience, mais... »
Plus il ouvrait la bouche, plus il se trouvait l'air ridicule. À franchement parler, lui-même n'avait aucune idée de ce qu'il allait dire après. C'était la première fois que le dragon parlait à quelqu'un de ses... soucis. Jamais il n'eut pensé en discuter ainsi avec quiconque, et pourtant il était là, en face d'un homme qu'il connaissait tout juste. Ce lien étrange et douloureux qui l'unissait à Dominik n'était peut-être pas qu'une illusion, après tout. Néanmoins Narcisse ne savait pas s'il devait aller plus loin dans son explication. Tiraillé entre deux chemins, il hésitait encore. Curieusement, il avait découvert que le fait de formuler son problème à voix haute était assez appaisant. Cependant, n'ayant jamais eu le courage de le faire auparavant, le jeune homme ne se sentait pas la force de continuer. Il releva légèrement la tête, cherchant presque la réponse dans les yeux de son collègue.
« Le Passé a des manières bien cruelles de se manifester, vous savez. »
Une fois de plus les mots lui avaient échappé, à croire que c'était intentionnel. Peut-être était-ce cela, au fond. Telles un étrange appel à l'aide, ses pensées se formulaient à voix haute. Dans tous les cas, l'acrobate ne pouvait désormais plus reculer. Il venait de parler, bien que de manière détournée, de son plus grand secret. À la fois terrifié et soulagé, Narcisse se tordillait un peu sur place sous l'appréhension. Le bon choix ou non, il serait bientôt fixé.

Hop ~:
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeDim 2 Mar - 3:46

Et la bourde. Il était indéniable qu'il avait plongé son collègue dans un état de malaise. Si seulement sa curiosité ne prenait pas toujours le dessus... Il baissa les yeux, sans toutefois retirer ses paroles. Il aurait pu tout bonnement s'excuser, dire que ce n'était pas du tout de ses affaires, et s'en aller. Mais non. Ça aurait été mal se connaître lui-même. Il avait envie de savoir. Après tout, ne l'avait-il pas sauvé des griffes de la Panique et de son acolyte la Peur? Il exagérait comme il savait si bien le faire, mais il n'en restait pas moins une petite touche de vérité. Il attendrait le temps qu'il faut, il lui fallait cette information. Autant peu de gens connaissaient sa propre histoire, autant personne ne la lui avait réellement demandée. Cela l'arrangeait d'une façon, mais d'une autre, il mourrait d'envie d'avoir quelqu'un qui puisse le comprendre, quelqu'un à qui tout déballer quand la noirceur revenait, quand ses yeux ne voyaient plus que le passé, quand son cœur se déchirait encore et encore... Cette personne pouvait être Narcisse.

« Des... des cauchemars. C'est stupide, j'en ai conscience, mais... »

La suite sembla s'étouffer sans sa gorge. Les cauchemars... Il y avait belle lurette que Dominik ne dormait plus. Pourtant, des cauchemars, il en faisait toujours... Il n'avait pas besoin qu'il fasse nuit, il n'avait pas besoin de fermer les yeux. Ses cauchemars à lui étaient collés sur ses rétines et imprégnés dans sa moelle.

« Le Passé a des manières bien cruelles de se manifester, vous savez. »

Dominik aurait pu croire qu'il parlait à un miroir et que Narcisse n'était que la simple réflexion de lui-même. Les paroles de l'acrobate le mettaient dans un état qu'il s'efforçait à comprendre, en vain. Quelque part entre l'émoi et la compassion, il sentait ses yeux se mouiller et tout en lui se secouer. Il braqua son regard bleu sur son collègue, sur son deuxième lui, et inspira profondément avant d'attirer brutalement Narcisse dans ses bras. Il n'avait jamais été très délicat. Sur le coup, il n'avait pas su quoi faire face à ce sentiment insoutenable, cette boule qui s'était logée au niveau de son ventre. C'est tout ce qu'il avait trouvé, sans vraiment y réfléchir. Les mots n'auraient pas su exprimer à l'acrobate combien il était à la fois heureux et désolé d'être tombé sur lui et combien il le comprenait. Il espérait que ce geste permettrait à Narcisse de concevoir toutes ces choses non-dites, et qu'il saisirait ainsi que cette rencontre n'était sans doute pas un hasard. S'ils se serraient les coudes, ensemble, peut-être que les cauchemars s'effaceraient. Peut-être...

Devant le long silence imperturbable qui s'était installé, Dominik réalisa l'absurdité de son impulsion. Ils n'étaient pas encore si proches. Bien que ce câlin super-puissant aie pu être vu comme une source de réconfort, deux hommes au beau milieu de la nuit dans une chambre en plein câlin pouvait introduire un léger sentiment d'embarras. Il eut envie de desserrer son étreinte, mais il n'y arrivait pas. Il y avait si longtemps que personne ne l'avait étreint. Il y avait tant de rage, de peine et de confusion qui lui rongeaient l'esprit. Il en avait tant besoin.

« Pardon... »

Sa voix avait été à peine perceptible. Ce n'était que par principe, il ne desserra pas pour autant son étreinte. Tant pis si Narcisse le prenait mal. Il n'avait pas ressenti une telle chaleur envahir son cœur et penser ses blessures depuis des années. Enfin, le monde était un peu moins froid.

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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeVen 7 Mar - 12:59

Narcisse attendait peut-être une remarque sarcastique, inconsciemment. Il lui était impossible d'imaginer quelqu'un lui offrir une compassion qu'il ne s'accordait pas lui-même. Avoir peur de son propre passé lui semblait ridicule, risible, et c'est ainsi qu'il pensait voir les autres réagir. Pourtant, il n'entendit rien. Pas de ricanement, et lorsqu'il releva les yeux il ne constata même pas de haussement de sourcil sceptique. Une sincère surprise prit place dans son regard. Vraiment ? S'était-il trompé en pensant être grotesque, tout ce temps ? L'espoir d'être accepté malgré son attitude enfantine gonflait son coeur. D'aucun aurait sûrement pensé qu'une si faible estime de soi était nefaste et ne pouvait que bloquer le jeune homme un peu plus dans ses relations avec autrui, et c'était probablement le cas, mais ce dernier ne pouvait s'empêcher de se dénigrer. Après tout, il ne pouvait concevoir qu'un adulte ait peur d'affronter ses angoisses. Et pourtant, dans le regard de Dominik, il ne percevait ni moquerie ni sarcasme mais plutôt un mélange d'émotions qu'il n'arrivait pas bien à discerner. C'est à cet instant que le dragon cessa de voir un étranger un peu hors du commun en face de lui. Il y avait là quelqu'un qu'il pourrait considérer comme un ami, à qui il pouvait et pourrait parler sans crainte d'être jugé. C'était incroyablement plaisant, comme si l'étincelle qui s'était rallumée dans son coeur lors de sa rencontre avec le pianiste avait fini par se transformer en flammèche qui irradiait son corps d'une chaleur bienfaitrice.

Ce à quoi Narcisse ne s'attendait pas, c'était ce qui arriva par la suite. Sans aucun signe précurseur, Dominik l'attira contre lui avec force et l'enserra de ses bras. Le dragon se figea, désorienté, crispé. Il ne savait comment réagir à ce geste. Il ne savait plus. Cela faisait si longtemps... On eut dit qu'il avait oublié, oublié ces bases de tendresse qui sont communes à tous.

L'enlacement du pianiste dégageait une puissance rare, une multitude d'émotions qui ne demandaient qu'à se montrer, et en même temps elle était réconfortante. Soudain Narcisse se sentit, plus qu'accepté, compris et presque... oserait-il dire apprécié ? Par la suite son coeur prit le devant sur son cerveau; il ne comprit plus trop ce qu'il faisait, ou comment il le faisait. Ses sentiments, ceux qu'il croyait avoir refoulés, cachés, et certains qu'il ne connaissait même pas, se mirent à bouillonner en lui comme du magma dans un volcan, remontant doucement vers la surface en détruisant une à une le peu de barrières qu'il avait réussi à reconstruire depuis sa crise de panique. Ses mains tremblèrent légèrement, puis de plus en plus, jusqu'à ce que des frémissements agitent son corps tout entier. Il prit quelques respirations tremblantes, dans l'espoir vain de contenir les émotions qui émergeaient de tout son être.  

 « Pardon... »

Le dragon ne comprit pas tout de suite ce que Dominik voulait dire. Il lui fallut un moment pour assimiler l'ambiguité de la situation, et encore un peu plus pour réaliser qu'il n'en avait curieusement rien à faire. C'était étrange et surprenant, de sa part, mais c'était bien vrai. Peut-être était-il déjà bien au dessus de cela, après les événements précédents... Son collègue ne semblait pas non plus prêter attention au problème. Ce n'était pas quelque chose d'habituel chez deux "inconnus", néanmoins, encore une fois, Narcisse sentait qu'entre lui et le pianiste il y avait quelque chose de particulier et de rare. Un lien inexplicable mais bien réel qui les unissait, et même s'il avait été créé par la douleur et la peine, peut-être leur permettrait-il un jour de relever la tête. La seule possibilité d'une pareille entente enflammait de nouveau les sentiments de l'acrobate. Doucement, timidement, ses mains vinrent se retrouver derrière le dos de Dominik pour s'accrocher à sa chemise. Ce dernier représentait un peu, en quelque sorte, une bouée de sauvetage salvatrice au milieu d'un océan noir et douloureux. Sans trop comprendre, Narcisse posa son front sur l'épaule de son collègue... de son ami, peut-être, il ne savait plus trop. Il se sentait curieusement bien, apaisé par cette étreinte innatendue et bienfaitrice. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait accepté, apprécié et compris. Cela faisait un bien tel qu'il ne pouvait le décrire. Un mélange de sentiments étranges mais chaleureux envahit son coeur déjà gonflé d'émotions en tous genres. Le jeune homme se sentit soudain partagé entre des larmes de joie et un sourire éclatant... Les deux surgirent. Il laissa les perles d'eau salée couler sur ses joues, alors que ses lèvres s'incurvaient spontanément.

 « Merci. Merci. Merci. »

Le dragon ne voyait pas quoi dire d'autre. Il se sentait infiniment mieux; sa respiration s'était faite plus aisée, son coeur moins lourd. Il était bien, et cela le soulageait.

Cette soirée n'était peut-être pas si mauvaise que ça, après tout...
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeDim 15 Juin - 6:48

Combien de secondes, voire de minutes passèrent? Il n'aurait su le dire. Ils restaient là à s'étreindre tout bonnement et c'était bien ainsi. Ils n'avaient besoin de rien de plus. Ce genre de moment arrivait si rarement dans une vie qu'on ne pouvait simplement le laisser filer. Ils ne pourraient certes se vider entièrement de toute l'énergie négative qui les habitait, mais il y a un début à tout. Dominik sentait qu'il ne s'agissait pas d'un cas isolé. Cette étreinte reviendrait. Il le savais bien. Cette nuit, une nouvelle amitié était née. Puis un murmure s'éleva dans son dos.

« Merci. Merci. Merci. »

Le pianiste fronça les sourcils. Des remerciements... pour quoi faire? Cette étreinte reviendrait, oui. Plus tard. Dominik s'éloigna et regarda Narcisse un instant. Il rayonnait. Pas réellement, pourtant il lui semblait qu'il éclairait la chambre jusqu'alors plongée dans l'obscurité... ou alors ses yeux s'étaient habitués à l'éclairage depuis le temps. Il comprit alors pourquoi Narcisse avait prononcé ce mot. Il l'avait vraiment aidé, plus qu'il ne l'aurait imaginé. Cela procurait une sensation bien étrange au revenant. Il ne savait plus s'il devait être ravis ou mal à l'aise devant tant de reconnaissance. Il avait seulement fait ce que son instinct lui dictait de faire. Il n'avait pas besoin d'autant d'éloges (oui, pour lui, s'en était). Inspirant profondément, il attrapa Narcisse par les épaules et le regarda tout droit dans les yeux.

« Nul besoin de me dire merci, mon cher ami. C'est tout naturel. »

Il le regarda encore un moment dans les yeux, puis laissa aller son emprise. Le pauvre devait être épuisé après tant d'émotions. Le pianiste glissa alors la main dans sa poche et en sortit sa montre. La nuit était bien avancée et dans quelques heures le soleil pointerait à l'horizon. Si l'acrobate voulait être en mesure de se remettre sur pied pour la journée qui s'amorçait, il devait prendre du repos. Il entoura les épaules de Narcisse de son bras et l'entraîna vers le lit défait où il reposait plus tôt. Dominik ou la nounou improvisée à votre service!

« Vous devez être très fatigué maintenant. »

Sans même le laisser répondre, le pianiste fit asseoir son nouvel ami sur le matelas, faisant fi de toute résistance. Tout en continuant de le forcer, AHEUM, de l'aider, il posa sa tête sur son oreiller et tira les couvertures jusqu'à son menton.

« Dormez, il vaut mieux. »

Le pianiste sourit légèrement et s'éloigna tranquillement vers la sortie de la chambre. Tirant une seconde fois sa montre de sa poche, il soupira et s'arrêta. Il venait de se débarrasser de sa seule distraction? Qu'allait-il bien pouvoir faire du reste de la nuit...


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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeDim 24 Aoû - 23:19

C'était fou, presque inconcevable. En quelques secondes, en un geste si simple, il avait la sensation d'avoir retrouvé une partie de lui-même. Une partie de lui-même dont il n'avait pas eu conscience de l'absence. Son cœur était gonflé de sentiments qui lui avaient semblé hors de portée pour trop longtemps. Cette sensation était si puissante qu'elle en devenait presque effrayante.

Puis soudain, deux mains sur ses épaules. Deux yeux uniques plongés dans les siens. Il y eut un bref moment de flottement durant lequel Narcisse se tendit sans comprendre pourquoi. L'appréhension des mots, la peur du rejet. La vérité, c'était qu'il voulait s'accrocher à ce sentiment de chaleur dans sa poitrine pour l'empêcher de disparaître. Une part de lui aurait peut-être même, candidement, souhaité figer ce moment dans l'éternité par pure et simple terreur de voir cette sensation s'éteindre comme une bougie dans le vent. Pendant si longtemps, il s'était senti glacé jusqu'aux os sans comprendre pourquoi... Il ne pouvait plus faire marche arrière, plus maintenant. Dans les tréfonds de son esprit, pourtant, une voix lui soufflait qu'il n'avait rien à craindre. Pas là. Pas face à ce musicien mélancolique qui avait sauvé sa soirée -et bien plus encore.

« Nul besoin de me dire merci, mon cher ami. C'est tout naturel. »

Un petit sourire timide se dressa sur ses traits, brièvement. Le fait que son... il pouvait l'appeler ami désormais, n'est-ce pas ? Le fait que son ami ait agit non pas par intérêt ou par acquis de conscience, mais simplement parce que c'était apparemment pour lui naturel était important. L'acrobate n'aurait su dire pourquoi, mais quelque part cela l'était. Intimidé et légèrement embarrassé par ce fait, il se concentra sur ses propres mains, jouant allègrement avec ses doigts. D'ordinaire déjà peu enclin à prendre une quelconque initiative, il était maintenant semblable à une véritable guimauve. C'est pourquoi il ne réagit pas lorsqu'un bras vint se glisser contre ses épaules, pas plus que lorsqu'il se fit guider jusqu'à son lit. La voix du pianiste s'enregistra vaguement dans son cerveau embrumé. Il savait ce qu'il se passait, mais ne cherchait pas à le comprendre outre mesure. Le fait que son camarade s'apprêtait à sortir de sa chambre ne prit place dans son esprit que lorsqu'il se retrouva allongé sous sa couette. Une soudaine panique le prit.

Non. Il ne voulait pas se retrouver seul. Il ne pouvait pas se retrouver seul. Même s'il s'était pleinement calmé, le jeune homme avait peur que cela ne soit pas suffisant pour qu'il puisse supporter le restant de la nuit avec les ténèbres pour seule compagnie. Et puis une petite partie de lui-même lui soufflait qu'il était dans son intérêt de pousser les choses plus loin avec Dominik. Ils étaient à peine plus qu'étrangers pour l'instant, même si leur ressemblance était indéniable et qu'ils s'appréciaient d'ores et déjà. Il n'en fallut pas plus à Narcisse pour se décider. Au diable sa timidité ! Il rejeta sa couette en arrière d'un geste dramatique et se jeta de manière presque désespérée vers son compagnon.

« Attendez ! »

Pour une raison ou une autre, sa voix sonna beaucoup moins ferme et beaucoup plus pitoyable que prévu. Au point où il en était, de toute manière... Il y avait ça, et le fait qu'il s'était accroché au poignet de son ami pour le retenir. Efficace mais complètement mortifiant. Soudain Narcisse se rendit compte qu'il avait l'air d'un parfait andouille, pour rester poli. Il leva un regard hésitant vers le pianiste, le rouge aux joues. Il y eut un moment de flottement, encore. Vite. Il fallait trouver une explication, une diversion, quelque chose pour justifier ces actions ridicules ! Doucement, presque à contre-cœur, il relâcha son emprise sur l'avant-bras de Dominik et se redressa.

« Je... euh... Je ne dormirai plus, de toute façon. Pas après ça. »

C'était vrai, et pas seulement pour cette nuit. Les images sanglantes se rejouaient dans son esprit dès qu'il s'aventurait à contempler l'idée de dormir. Non, probablement se contenterait-il d'attendre que le sommeil le prenne de force, dans un jour ou deux, avant de réellement s'assoupir. Toutefois, il ne pouvait nier que son cauchemar n'était là qu'une vulgaire excuse pour justifier une pensée qu'il ne pouvait dire à voix haute: il ne voulait pas que Dominik s'en aille. L'acrobate était animé de ce genre de panique infantile qu'il ne pouvait ni expliquer ni contrer. C'était plus fort que lui. Il baissa ses yeux sur le parquet, une fois de plus, et contempla les rainures qu'il arborait d'un air penaud. Ses pieds s'incurvèrent en des mouvements de va-et-viens répétitifs qui trahissaient sa gêne plus qu'aucun mot.

« Que diriez-vous de... euhm... de discuter ? Si cela ne vous dérange pas, bien sûr ! »
, s'empressa-t-il d'ajouter

Il ne savait pas bien ce qu'il faisait, mais au point où il en était il doutait que sa rencontre avec le pianiste soit due à une quelconque maîtrise de sa part. Il n'y avait rien de cela, mais plutôt une volonté de se dévoiler un peu tel qu'il était. Cela ne lui faisait pas de mal, jusqu'à présent, pourquoi ne pas continuer ?

Milles excuses:
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMar 10 Mar - 3:43

Le fantôme consultait sa montre depuis un bon moment, essayant de figurer ce qu'il pourrait faire pour combler tout le temps qu'il restait à la nuit. Il verrait après pour la journée. Cependant, la voix s'élevant soudain dans son dos mit fin à ses réflexions et étira un léger sourire sur son visage. Il ne voulait pas l'avouer, mais c'était en fait ce qu'il espérait, même s'il avait si soigneusement bordé Narcisse quelques instants plus tôt. Ce dernier avait d'ailleurs empoigné son bras pour l'empêcher de partir. Ce geste frappa Dominik droit au cœur. Il en était à ce point désespéré..? Au point de vouloir passer plus de temps avec le revenant le plus emmerdant et désespéré à son tour de la planète (ou du moins du cabaret...parce qu'il était le seul)?

Il se retourna pour faire face à l'acrobate. Il l'observait, incrédule, tandis que ce dernier tentait tant bien que mal d'expliquer son geste. Cela amusait bien l'Anglais. Le voir bredouiller en cherchant des mots sensés alors qu'il n'y en avait pas. Le voir s'enfoncer à expliquer sa réaction spontanée comme un cri du cœur alors que cela ne s'expliquait pas. Il devait admettre que c'était un peu étrange, mais il se reconnaissait de plus en plus en Narcisse, et cela avait pour effet de le faire l'apprécier encore plus. Et, à vrai dire, il était plutôt soulagé que ce soit réciproque. Évidemment, l'acrobate ne l'aurait pas retenu si ce n'était qu'il appréciait sa compagnie. Rares étaient les personnes qui appréciaient traîner avec quelqu'un d'aussi inhabituel que lui. Il aurait pu faire profession en tant que broyeur de noir, si cela avait pu être possible. Quoi que pianiste pouvait aussi être considéré comme un dérivé assez proche. Il n'avait qu'à jouer quelques notes mélancoliques et l'usine à broyer du noir s'activait en lui. Bref, non seulement était-il loin d'être synonyme de joie et d'allégresse, mais il agissait également d'étrange façon de temps à autres. Surtout si l'on note que, juste quelques minutes auparavant, il s'était infiltré dans la chambre de son nouvel ami par le mur. Mais mis à part cela, rien ne clochait chez lui, non, non. Le pianiste était donc bien content d'avoir quelqu'un de plus avec qui passer du temps et à qui, il en avait le profond sentiment, il pouvait faire confiance.

« Que diriez-vous de... euhm... de discuter ? Si cela ne vous dérange pas, bien sûr ! »

Pour aucune raison bien précise, Dominik sentait que l'air était tendue. Narcisse était visiblement encore mal à l'aise d'avoir réagit si impulsivement. Il le comprenait, après tout. Le pauvre devait se sentir tout vulnérable de s'être dévoilé ainsi. Une petite blague était sans doute de mise, aussi douteuse soit-elle, comme toutes les blagues du revenant.

« Me déranger...en effet. C'est bien fâcheux, mais en effet, cela me dérange. Si vous voulez bien m'excuser. »

L'Anglais tourna les talons et se dirigea vers la porte, qu'il passa sans un mot de plus et referma sans fracas mais sans toutefois être délicat. Une fois dans le couloir, il éclata d'un rire silencieux qui ne dura que quelques secondes. La tête que devait faire l'acrobate! Une fois qu'il se fut arrêté, il se racla la gorge tout en replaçant son veston et ouvrit la porte de nouveau. Il prit la parole à la seconde où il passa le pas sans vraiment porter attention aux alentours.

« Je rigolais. Ce serait un plaisir de discuter avec vous. »

Pour une raison évidente, le pianiste sentait cette fois une forte odeur de malaise. Ou peut-être n'était-ce qu'une illusion?
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeSam 18 Avr - 16:30

Pour une raison idiote, sans doute, Narcisse avait peur. Cette fois-ci, point de trace des démons de son Passé, mais le présent en lui-même, et plus particulièrement son interlocuteur. Si l'acrobate savait fort bien analyser les comportements des étrangers, dès qu'il était touché de près ou de loin par une situation il perdait ses moyens et lisait mal les signes qu'on lui adressait. Avait-il été trop direct ? Trop familier avec une personne qui, au fond, ne le connaissait que depuis quelques minutes ? Pourtant le jeune homme avait l'impression d'avoir face à lui un ami de longue date... Sa gorge se serra un instant, gêné qu'il était, et son battement de cœur sembla accélérer. Il y avait en lui comme un mélange savant d'adrénaline et d'appréhension qu'il comprenait mal et qui le mettait mal à l'aise. Cependant il sentait une sorte de profonde sécurité auprès du pianiste, avait la sensation qu'il pouvait se libérer toujours un peu plus si c'était en sa compagnie. Il lui offrit un sourire embarrassé, presque invisible. Si petit résultat d'un effort qui lui semblait surhumain. Pour palier à sa propre nervosité, aussi malvenue fût-elle, il se mit à triturer maladroitement ses longs doigts pâles. Bouger était devenu pour lui un moyen comme un autre de pallier à sa sociabilité décadente. Ce fut ainsi qu'il attendit une réponse qui, il s'en doutait, le rassurerait sans doute.

« Me déranger...en effet. C'est bien fâcheux, mais en effet, cela me dérange. Si vous voulez bien m'excuser. »

Des pas, un claquement de porte. Narcisse resta figé dans une incompréhension totale durant un petit instant, puis les rouages de son esprit se réenclenchèrent un à un pour laisser place à une panique croissante. Pour la première fois depuis longtemps il était absolument incapable de saisir une situation. Avait-il fait quelque chose de mal ? Trop familier, ce devait être ça... Il avait dû finir par gêner Dominik avec ses pathétiques élans d'affection désespérée. Quel idiot... Quel idiot ! Et il s'était emballé tout seul, sans aucun doute, avait laissé son cœur partir à la volée dans un tourbillon qui n'avait sa place que dans les poèmes romantiques. Il se mordit la lèvre, incapable pour autant d'esquisser le moindre mouvement, de peur peut-être de réveiller la terrible honte qui allait sans doute peser sur lui dans les prochaines minutes. Vraiment, il ne pouvait pas y croire. Il resta donc coi, les bras ballants contre son corps rigide... Jusqu'à ce que la porte s'ouvre de nouveau pour dévoiler... Dominik. L'esprit de l'acrobate s'embruma si bien qu'aucune pensée claire ne parvint à se former dans le chaos qu'il était devenu.

« Je rigolais. Ce serait un plaisir de discuter avec vous. »

Il y eut un long moment de flottement avant qu'enfin les pensées de Narcisse ne se réveillent. Une... blague ? C'était une blague ? Une vague d'embarras et de soulagement déferla sur son pauvre corps. Il s'empourpra fatalement et baissa les yeux, ne sachant trop comment réagir. L'air se tendit un instant, alourdi sans doute par le profond malaise que ressentait le jeune homme. Réagis, trouve quelque chose... Sois vivant, un peu !, se réprimanda-t-il. Il pouvait avoir confiance en Dominik, après tout... Il ne jugerait pas ses propres réactions, si ? Se laissant finalement aller, l'acrobate fit s'échapper un léger rire, plus nerveux que réellement amusé, de ses lèvres.

« O-Oh... Me voilà rassuré... »

L'embarras, voilà sur quoi il mettrait plus tard la culpabilité de la phrase qui sortit, sans qu'il ne sache trop comment de lui quelques secondes plus tard :

« O-On ne me l'avait jamais faite... Haha... »

Pathétique. Narcisse se trouvait tout bonnement pathétique. Comment pouvait-il espérer avoir une conversation digne de ce nom avec un ami quand il n'était pas capable de lui offrir une phrase correcte ? S'empourprant d'avantage, il essaya pourtant d'entamer la discussion qui lui tenait tant à cœur. Auprès du pianiste, il pouvait tenter ce qu'il voulait, il en était persuadé. Ce fut donc avec un léger sourire qu'il prononça quelques mots supplémentaires :

« Pourtant je viens d'un cirque, les blagues sont monnaie courante, là-bas. »

Priant pour que sa misérable tentative d'instaurer un dialogue aisé ait fonctionné, il baissa de nouveau les yeux et fixa le plancher qui, depuis sa rencontre avec Dominik, était devenu ô combien intéressant.

Oups !:
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMar 14 Juil - 6:36

Il n'aurait jamais dû faire cette blague. Quel imbécile! Dominik avait d'abord cru que cette plaisanterie pourrait détendre un peu l'atmosphère, mais visiblement cela l'avait plutôt alourdi davantage. On aurait pu entendre une flatulence de mouche tant le silence de malaise était bien établi. Il se racla un peu la gorge, s’apprêtant à faire des excuses plus que nécessaires. Il n'en eu toutefois pas le temps, son compagnon s'étant emparé du tour de parole en premier. L'acrobate semblait faire des efforts surhumains pour éviter qu'il ne se sente mal d'avoir fait une blague qui, de toute évidence, n'était pas drôle, plus comme une plaisanterie peu plaisante.

« Pourtant je viens d'un cirque, les blagues sont monnaie courante, là-bas. » 

Le pianiste haussa les sourcils. Des fibres de vieux souvenirs lui revinrent à l'esprit. Plus jeune, Dominik adorait les cirques. Il se souvenait de l'excitation que cela lui procurait quand il apprenait qu'un cirque était en ville. Tous les tours exécutés et les acrobaties, tous les personnages mystérieux et talentueux, tout le fascinait. Bien évidemment, ses parents trouvaient plutôt ça de mauvais goût, comme tout ce qu'il aimait d'ailleurs. Revenant soudainement à la réalité, milles questions assaillaient son esprit. Il se sentait redevenir un gamin intérieurement. S'assoyant en tailleur sur les lattes de bois du plancher, la curiosité légendaire de l'Anglais prit toute la place.

« Wow, ça devait être fantastique... Être constamment avec tous ces gens peu ordinaires, tous ces artistes, l'ambiance festive flottant toujours dans l'air... Un instant, ne serais-je pas en train de décrire le cabaret? Peu importe. »

À bien y penser il n'avait que de très vagues souvenirs de ce dont il avait été témoin au cirque. Sa mémoire ne lui procurait que certaines images, comme des photographies. Néanmoins, les questions qu'il s'était posées à ces moments-là étaient encore claires dans son esprit.

« Oh, et les animaux! Y avait-il des animaux? Des chevaux, peut-être? Oh, ou bien des tigres! Est-ce que les tigres mangent parfois les dompteurs? Est-ce une vraie barbe que possèdent les femmes nommées selon cettedite pilosité faciale? Combien y avait-il d'artistes? Faisiez-vous beaucoup de tournées? Oh, et pourquoi donc n'en faites-vous plus partie? »

Dominik s'était tellement emballé par ses souvenirs et sa curiosité qu'il n'avait pas songé avant la dernière minute pourquoi Narcisse était maintenant au Lost Paradise et non dans sa troupe de cirque. L'avaient-il mis dehors? Si oui, pour quelles raisons? Pour l'avoir vu performer à plusieurs reprises sur scène, le pianiste pouvait dire que son collègue était très doué dans son domaine. Ce ne pouvait donc pas être à cause de ses piètres performances, il en était certain. Il réfléchissait, émettant d'autres hypothèses dans sa tête, quand il se rendit compte que son compagnon de répondait pas. Il était vrai qu'il avait posé de nombreuses questions. Ce dernier devait être confus.

« Pardon, je ne voulais pas faire brûler votre cerveau avec toutes mes questions », s'excusa-t-il en émettant un petit rire, trouvant l'image d'un cerveau bouillonnant plutôt drôle.


Dernière édition par Dominik Steadworthy le Lun 29 Fév - 15:14, édité 1 fois
Narcisse Williams
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeJeu 16 Juil - 16:59

Le cirque. À la seule évocation de cet endroit lui revenait la mémoire d'une période transitoire et délicieuse sans doute, pour qui n'avait été habité des sombres pensées qui le hantaient alors. Narcisse laissa le voile des souvenirs, certains doux, d'autres moins, envelopper son regard tandis qu'il le portait sur son interlocuteur. Il s'assit sur le rebord de son lit, tout proche du vide, comme par peur de se laisser happer de nouveau par le sommeil et les draps trempés de sueur. Là, il entrelaça ses doigts, gêné peut-être de l'histoire qu'il s'avouait posséder. À vrai dire lui-même n'était pas certain de ce qu'il ressentait. Tout était flouté par une forme de fatigue qui s'approchait plus de la lassitude que de l'attirance pour Morphée et son monde cauchemardesque, si bien qu'il ne savait plus, ne comprenait plus les émotions qui le traversaient. Ce qui importait, pour le moment, c'était la personne avec qui il partageait tout cela. À l'entente de la voix singulière de cette dernière, il releva la tête.

« Wow, ça devait être fantastique... Être constamment avec tous ces gens peu ordinaires, tous ces artistes, l'ambiance festive flottant toujours dans l'air... Un instant, ne serais-je pas en train de décrire le cabaret? Peu importe. »

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de l'acrobate, amusé. Il était vrai que le Lost avait ce quelque chose de féerique qui ne disparaissait jamais vraiment, cette atmosphère singulière dans laquelle il pouvait de nouveau se sentir normal. Le cirque avait été ainsi pour lui, à une époque, dans un degré moindre. L'ambiance n'avait jamais été aussi propice à l'épanouissement, plus stricte, plus froide que celle qui planait en cet endroit et, surtout, il avait été le seul Légendaire. Au milieu des soit-disant anomalies, il avait été la principale. Bien entendu il avait été l'unique informé de ce fait, mais l'isolement qui s'en écoulait avait été d'autant plus douloureux qu'il sortait alors d'un endroit peuplé de personnes comme lui. Ce souvenir lui arracha une brève grimace puis il releva la tête vers Dominik et força un semblant de sourire à revenir sur ses lèvres :

« C'était plus ou moins ça... Dans un cirque les gens sont plus ordinaires qu'on ne le croit... Mais c'était bien, sans doute... Oui, ce devait être bien. »

Il n'en était pas certain lui-même, et cela se sentait. Malgré la proximité de la période, il n'en gardait que très peu de souvenirs, seulement une vague impression de mal-être qui n'avait jamais été causée que par lui-même. Le cirque avait été un bon endroit, mais il n'y avait pas trouvé sa place. Toutefois, observer le pétillement singulier dans les yeux outremer de son collègue adoucissait sa mémoire, et il n'eut aucun mal à conserver la candeur de son sourire tandis qu'il parlait de nouveau :

« Oh, et les animaux! Y avait-il des animaux? Des chevaux, peut-être? Oh, ou bien des tigres! Est-ce que les tigres mangent parfois les dompteurs? Est-ce une vraie barbe que possèdent les femmes nommées selon cette dite pilosité faciale? Combien y avait-il d'artistes? Faisiez-vous beaucoup de tournées? Oh, et pourquoi donc n'en faites-vous plus partie? »

Narcisse s'autorisa à cligner des paupières, soudainement bombardé de questions diverses dont il ne savait pas quoi faire. Il ouvrit la bouche puis, peinant à trouver ses mots, la referma. Une vague d'embarras déferla sur lui et il passa une main pâle dans ses cheveux argentés tandis que son regard coulait timidement de Dominik au plancher. Seule la voix rassurante de ce dernier alors qu'il s'excusait parvint à le sortir de cet état et il battit de nouveau des paupières pour se remémorer comme il put les interrogations qu'il lui avait adressé :

« C-Ce n'est rien je... »

Il laissa ses yeux s'égarer un instant vers la fenêtre et détailla la brillance de la Lune avant de revenir sur son ami. Là, il s'autorisa un nouveau sourire tandis qu'il répondait enfin :

« Il y avait des chevaux, mais pas de tigres. Les femmes à barbe que j'ai connues étaient vraiment... euh, poilues. Elles me charriaient, parfois, d'ailleurs... »

Un léger éclat de rire s'échappa de ses lèvres à ce souvenir. Narcisse était androgyne, il le savait, et cela passait par une absence quasi-totale de pilosité, ce qui avait beaucoup amusé les membres du cirques, en particulier celles qui faisaient un numéro précisément autour de cela. Il croisa délicatement ses chevilles et tourna la tête sur la droite, regardant dans le vague comme pour y revoir le théâtre de son Passé.

« Je ne suis pas resté très longtemps parmi eux, à vrai dire. Je... Je ne m'y sentais pas chez moi. »

Il planta de nouveau son regard dans celui de Dominik, pour le jauger sans doute, curieux et un peu honteux de parler tant de lui. Encore une fois, au vu des événements de la soirée, la suite de la conversation semblait tout à fait logique, mais il n'était pas tout à fait habitué à s'ouvrir aux autres et le changement lui paraissait brutal. Il déglutit faiblement et baissa les yeux sur le sol, jouant de ses doigts tandis que le silence se réinstallait brièvement. Narcisse lui-même voulait savoir, connaître un peu plus de l'homme qui l'avait sorti de sa transe paniquée, consolé, aidé. Il ouvrit sa bouche, laissa échapper un peu d'air puis se ravisa. L'acrobate ne savait pas parler, pas comme cela du moins, c'était un exercice difficile qu'il s'imposait trop brusquement. Pourtant...

« Vous êtes pianiste depuis longtemps ? »

Narcisse ne parlait pas, mais il pouvait essayer.
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMer 25 Nov - 13:44

Les anecdotes évoquées par l'acrobate stimulaient l'imagination du pianiste. Il ria légèrement avec son compagnon lorsque celui répondit à son interrogation sur lesdites femmes à barbe. Depuis toujours, il adorait les histoires, plus particulièrement lorsqu'il s'agissait de récits véridiques d'années antérieures, des moments laissés au passé mais à jamais gravés dans les mémoires. Ces souvenirs avaient quelque chose d'énigmatique et précieux. Parfois, ils étaient la seule chose à laquelle un homme pouvait s'accrocher, bien que le plus souvent ils n'étaient qu'éléments destructeurs. Du moins dans son cas. Il se rappelait toutefois avoir écouté mille fois son grand-père, qu'il avait très peu connu, lui raconter la vie au début du siècle ou l'arrivée d'innovations qu'ils connaissaient aujourd'hui. Voir ses yeux pétiller au songe de moments importants de sa vie l'avait toujours fasciné.

Dominik se sentit soudain d'un ridicule incomparable, sans qu'il n'en connaisse vraiment la raison. Le bombardement de questions avec lequel il avait assailli Narcisse, peut-être, l'obligeant presque à répondre. Ou bien était-ce parce qu'il s'était mis à l'aise sur les lattes défraîchies du plancher comme un enfant naïf prêt à recevoir ses présents la veille de Noël? Il ne pouvait se l'expliquer. Cependant, voir son collègue baisser le regard si souvent le laissait sur l'idée qu'il l'importunait. Peut-être en faisait-il trop? Il voulait réellement l'aider à retrouver le moral, ne serait-ce qu'un léger soupçon de bonne humeur, mais c'était loin d'être une tâche aisée. Lui-même avait bien du mal à garder le sourire. Sans doute s'y prenait-il de la mauvaise façon. Il devait trouver un autre moyen.

Il regardait à son tour le sol, réfléchissant aux paroles de son collègue sur le chez soi, se demandant s'il avait même un jour su ce que cela signifiait. Reportant son regard profond sur Narcisse, resté dans le silence depuis un moment, il chercha quoi ajouter pour faire taire le malaise qui s'installait à nouveau. Mais ce dernier prit la parole à nouveau.

«Vous êtes pianiste depuis longtemps?»

L'Anglais prit quelques instants à répondre. Il n'avait pas songé que la conversation puisse se retourner vers lui si soudainement. Après tout, c'était sans aucun doute mieux ainsi, le temps que l'acrobate se remette de l'attaque qu'il avait subie en cause à sa curiosité trop imposante.

« Oui, plutôt. Depuis tout jeune, à vrai dire. C'était...Cela importait beaucoup pour mes parents. Tout le monde joue dans la famille, alors... »

Il s'arrêta un moment. Il n'aimait pas vraiment penser à ses procréateurs. Il n'avait jamais été très proche d'eux, ceux-ci étant bien souvent trop occupés pour porter attention à lui, d'autant plus qu'il n'était pas l'enfant parfait qu'ils avaient toujours rêvé d'avoir. Il revoyait leurs visages, desquels ils lui avaient donné certains traits. Sévères, angoissés, absents.

Il leva les yeux au plafond un court moment question de chasser ces viles pensées. L'heure n'était pas à la déprime. Il aurait suffisamment de temps pour cela plus tard.

« En fait, je détestais au tout début, rit-il. Devoir m'asseoir des heures durant pour jouer des morceaux qui ne ressemblaient à rien me répugnait. »

Il y avait bien longtemps qu'il n'avait pas songé à cette période de sa vie. Sa jeune enfance lui semblait si lointaine. Il n'était définitivement plus le même Dominik qu'auparavant, énergique et rieur. Il était vrai qu'il aimait toujours à s'amuser de temps à autres, mais ce n'était pas aussi simple qu'à cette époque, du fait qu'il ne parlait qu'à peu de gens.

Au moins, en cet instant, il avait quelqu'un avec qui dialoguer. Il se sentait étrangement bien en la présence de Narcisse. Il n'avait nullement l'impression de devoir prouver quoi que ce soit, ni de devoir jouer un rôle hypocrite. Malgré les longs silences qui s'insinuaient parfois entre deux phrases, il sentait que quelque chose prenait tranquillement forme entre leurs discours maladroits et les temps espaçant leurs mots. Il ne savait pas exactement quoi, si c'était une amitié ou autre, mais c'était quelque chose. Aussi, ce quelque chose l'incitait un peu plus aux confidences.

«Parfois, je me dis que j'aimerais retourner à cette époque. Tout semblait être plus simple...non?»
Narcisse Williams
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeJeu 3 Déc - 23:12

Narcisse ne parlait pas beaucoup, mais il écoutait bien. Trop timide, trop discret sans doute pour susciter chez ses interlocuteurs l'envie de débattre, il se trouvait occasionnellement à devoir entendre les complaintes de certaines personnes, qu'il connaissait parfois très peu. Il était une ombre, une poupée, un objet du décor qu'on oubliait sans doute un peu trop souvent, et l'acrobate était persuadé que c'était pour cette raison seule qu'il connaissait beaucoup de détails sur la plupart de ses anciens collègues du cirque. C'était moins le cas au cabaret mais, avant, on lui confiait bien des secrets. On parlait, on parlait, on dévoilait tout un tas de choses, comme dialoguant avec un vieux miroir ou une peluche d'enfance, et puis on se réveillait, surpris, se demandant presque pourquoi le jeune homme aux cheveux argentés était là à écouter. Mais au fond, prêter son oreille, c'était tout ce que Narcisse pouvait faire. Il ne savait rien accomplir d'autre. Apparemment, cela suffisait. On ne s'en était en tout cas jamais plaint, de ce qu'il savait.

Le silence était peut-être le meilleur réconfort. Narcisse aimait le silence, lorsqu'il ne berçait pas ses pensées cauchemardesques. C'était un joli néant, un rien que l'on pouvait combler de tout, une grande toile vierge que l'on pouvait choisir de laisser telle quelle ou de peindre d'une myriade de couleurs. Le laisser planer sur une pièce ne le dérangeait pas, d'autant plus lorsqu'il était utile à autrui. Ce n'était pas vraiment du silence: quelqu'un parlait. Dominik parlait, et sa voix occupait l'espace sans qu'il ne le fasse intentionnellement. Ses mots étaient lourds à entendre, plus encore à porter supposait-il. Sans doute le pianiste avait-il besoin de se dévoiler, lui aussi. Sans doute cette discussion l'apaiserait-elle un peu. Il serait moins triste en sortant, espérait-il. Narcisse avait la sensation que c'était un bien maigre service à rendre, la moindre des choses vraiment, lorsqu'on considérait tout ce que le pianiste avait fait pour lui depuis leur rencontre nocturne. D'une certaine manière, le dragon avait besoin de rendre la pareille à son collègue. Son regard améthyste fixé sur la silhouette longiligne du revenant, il écoutait donc avec attention, comme buvant les paroles qui s'échappaient dans les airs.

Ce qui le rassurait, aussi, était la maladresse de Dominik. Ils n'avaient pas à faire tout un tas d'efforts pour s'adresser l'un à l'autre. Ils pouvaient se montrer dans l'ensemble de leur imperfection, montrer à quel point ils étaient défaillants dans un monde d'éloquence, et ce n'était pas grave. Ce n'était pas grave, car au fond ils étaient semblables. Face au pianiste, l'acrobate avait moins peur, moins peur de lui-même aussi. Communiquer, si c'était avec lui, paraissait plus simple. Il pouvait juste être... lui. Fort de cette certitude, Narcisse se redressa dans son siège et, fixant de ses yeux violacés ceux de son interlocuteur, sourit. Tout simplement. Parce que c'était ainsi qu'il se sentait.

« Sans doute... Nous avions moins de soucis... »

Son regard, un instant, se voila de souvenirs perdus, et son cœur se gonfla d'une mélancolie bienvenue. Son compagnon le poussait à voir le beau dans un Passé qui lui faisait horreur. Il en avait longtemps cauchemardé, mais cette nuit il se remémorait. C'était une action si juste, si vraie, si aisée qu'elle l'en emplit d'une plénitude légère.

« Mon enfance était plus aisée que la vôtre, non ? Je n'avais pas d'obligations, e-enfin... pas vraiment. Tout était... plus simple, oui... Pas de soucis... Pas de peur... »

Une ombre funeste sur le visage blême.

« … Pas de morts... »

La bulle éclata brusquement et, comme se réveillant en même temps, Narcisse se sentit de changer de sujet. Son but n'était pas de parler de lui-même, certainement pas de cela. Qu'est-ce qui lui prenait donc, tout d'un coup ? On n'avait pas idée de se confier ainsi à... à quiconque, vraiment. Dominik n'avait rien demandé dans cette affaire. Il n'était qu'une victime innocente de la détresse pathétique du dragon, et celui-ci ne pouvait tolérer de le forcer à endurer encore une fois ses lamentations. C'en était assez, non ? Ils pouvaient passer à autre chose. Oublier... tout ça, tout ce qu'il avait dit, sot qu'il était. Le pianiste était autrement plus intéressant que lui. Une part de lui demeurait déçue, déçue de ne pouvoir se remémorer un passé heureux sans sentir un linceul planer sur lui, mais ce n'était pas grave. Pas pour l'instant, n'est-ce pas ? Il pouvait encore évoluer, non ? Il n'était pas irrécupérable ? Pas plus que Dominik, pas plus que quiconque ? Papillonnant des paupières, le jeune homme s'arracha à sa torpeur désespérée pour se tourner vers celui qu'il osait considérer en ami.

« Quand vous êtes-vous mis à aimer le piano ? S-si vous... détestiez tant cela... »

Il ne finit pas sa phrase, ne savait même pas quoi dire d'ailleurs. Détournant brièvement le regard, l'artiste maudit son incapacité à rebondir sur un sujet. Il ne voulait pas parler de lui, voulait en apprendre sur sa nouvelle connaissance... C'était tout ce qu'il demandait : un peu de repos. Se confier était épuisant. Se confier était pénible. Il avait besoin d'une petite pause, minuscule, un instant de rien, un instant à se concentrer sur quelqu'un d'autre que lui. Et son compagnon était tellement fascinant, tellement spécial à sa manière... N'était-ce pas normal de désirer en savoir plus à son sujet ? Narcisse baissa les yeux et fixa les lames de plancher, espérant ainsi dissimuler son embarras. Ridicule. Il était tout bonnement ridicule. De bout en bout.

Un soupir déchira le silence, puis...

« Pourquoi jouez-vous du piano, finalement ? »

Il y avait un tas de raisons pour poser cette question, et en même temps il n'en avait aucune. Il se demandait simplement si, finalement, Dominik n'était pas plus à plaindre que lui, ou s'ils étaient similaires jusque dans le second souffle que leur donnait leur passion. Son intérêt était aussi sincère que la gêne qui envahissait encore ses joues tandis que, timidement, il relevait la tête vers son interlocuteur.

Narcisse réalisa à cet instant que, pour quelqu'un qui ne parlait pas, il s'exprimait beaucoup ce soir.
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MessageSujet: Re: "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik]   "Les cauchemars ne sont en fait que des rêves, en plus réalistes." [Dominik] I_icon_minitimeMer 2 Mar - 7:07

Dominik n'avait que de vagues souvenirs du début de son enfance, mais les moments restés dans sa mémoire semblaient tous entourés d'un aura de bonheur et de simplicité. Il savait que c'était la naïveté des enfants, leur manque de connaissances sur le monde réel qui les entourait, qui les rendait si purs et heureux, qui rendait tout plus beau et facile. Jusqu'à ce que ceux-ci frappent le dur mur de la réalité. Le revenant aurait tant aimé pouvoir se retrouver face à lui-même, face à l'enfant qu'il avait jadis été. Un naïf petit humain aux joues rondes, déformées par un sourire stupide dans ses habits propres, inconscient des atrocités qui se produisaient partout, tout près. S'il pouvait se retrouver nez à nez avec cette version antérieure de lui-même, il lui dirait de ne surtout jamais changer. La vérité faisait bien plus de dommages qu'on ne pouvait se l'imaginer.

Il fût soulager d'entendre que Narcisse semblait penser de même. Il avait eu peur de créer un autre malaise. Après tout, il ignorait comment l'enfance de son collègue s'était déroulée. Il admettait qu'il ne faisait pas toujours preuve de tacte et parlait souvent avant de penser aux conséquences. Pourtant, Dominik savait mieux que personne que le passé était, pour la plupart, un chemin glissant sur lequel peu désiraient s'aventurer.

Le pianiste arqua un sourcil lorsque Narcisse mentionna que son enfance avait probablement été plus simple que la sienne. Il était vrai qu'il avait eut des obligations différentes que d'autres et que cela ne lui plaisait pas toujours, comme à n'importe quel enfant que l'on vient déranger dans son univers, mais au moins il n'avait pas eu à travailler comme certains enfants pauvres. Point de vue social, il se trouvait plutôt chanceux, à vrai dire, bien qu'il n'ait jamais vraiment senti qu'il appartenait au monde artificiel de la haute société. Il ne s'y était jamais réellement senti chez lui. Chez soi. C'était une notion dont il n'avait jamais vraiment compris les fondements. Plus il se posait la question, plus il se demandait s'il s'était réellement déjà senti chez lui quelque part, en fait, comme s'il était au bon endroit au bon moment ou comme s'il appartenait à un milieu. Le cabaret était bien évidemment rempli de gens semblables les uns aux autres malgré leurs différences notables, mais était-ce suffisant pour en conclure qu'il y était chez lui?

L'Anglais laissa son regard parcourir le vide un moment, puis le releva aussi qu'il entendit la suite des propos de Narcisse. Des morts? Il observa le visage soudain assombri de l'acrobate, intrigué par ce qui pouvait bien se cacher dans les souvenirs derrière ces mots. Qu'était-il arrivé? Le regard violet de son ami sembla un instant s'être perdu dans une bien triste toile de son passé, quelque chose de peu souhaitable avait dû se produire. Dominik resta silencieux, mais sa curiosité avait encore une fois été piquée. Il se retint toutefois, sachant qu'il n'aimerait pas lui-même qu'on l'aborde sur de douloureux détails de sa vie antérieure.

Il aurait souhaité être plus près de l'acrobate déjà. Il n'osait pas interrompre le voyage mental dans lequel Narcisse était plongé, mais il aurait voulu pouvoir faire quelque chose pour l'en extirper et le faire sentir mieux. Trouver quelque chose à dire pour le détourner de la souffrance enfouie dans son coeur. Ne pas avoir à endurer l'horrible sensation de n'avoir rien à dire, d'avoir envie de rester tout en voulant fuire, de ne songer qu'au silence pesant tout aussi envahissant qu'un cri strident. Il aurait aimé pouvoir chasser les mauvaises pensées de son collègue en un claquement de doigts en sachant déjà ce qui pourrait le faire sourire. Puis, soudain, la faible voix de Narcisse dissipa l'absence de bruit du temps qui s'était installé.

« Quand vous êtes-vous mis à aimer le piano ? S-si vous... détestiez tant cela... »

Le musicien releva la tête, comme surpris d'une telle question. Il resta immobile un instant, l'air ébahis, tentant de remettre les pièces du puzzle de sa mémoire dans le bon ordre. À l'entente de la question de Narcisse, il se remémora tout de suite le vieux piano de l'auberge près du East End, où il se rendait régulièrement jadis, et où il avait rencontré Sylwia. Dominik chassa cependant rapidement ce souvenir. Il jouait déjà pour le plaisir depuis longtemps avant même qu'il ne découvre cet endroit. Il n'était même pas certain lui-même du moment où il avait commencé à apprécier. Puis l'acrobate précisa sa question, troublant encore davantage les pensées du pianiste. Il ne savait tout simplement pas.

« Très bonnes questions... Je jouais parfois avec ma mère. Elle tenait à ce que mon jeu soit parfait, pour que je puisse performer lors des réceptions. Réceptions desquelles j'essayais de m'éclipser avant qu'elle n'appelle mon nom, ajouta-til en riant. Malgré le fait qu'elle me corrigeait tout le temps, cela faisait partie des rares moments que je passais seul avec elle.»

Un léger souvenir empreint de nostalgie naquit sur son visage. Cela faisait des lunes qu'il n'avait pas repensé à cette période de sa vie. Il revoyait les longs doigts gracieux de sa mère effleurer les notes d'ivoire, le corrigeant à chaque erreur. Dominik! Concentres-toi. Il revoyait le sourire amusé de son père chaque fois qu'il jouait faux. Il revoyait la grande fenêtre du salon, donnant sur le jardin, à travers laquelle son esprit s'était évadé un nombre incalculable de fois chaque fois que l'inspiration lui manquait. Il vivait à cette époque dans une grande demeure remplie de meubles, mais qui était pourtant si vide. C'était en s'exerçant à jouer quelques heures avant un bal qu'il l'avait remarqué pour la première fois. Le silence et le vide qui régnait malgré la présence de ses parents et des servants. Le vide et la solitude. Ils étaient tous seuls, mais aimaient à se bercer d'illusion et à croire qu'ils ne l'étaient pas, organisant des réceptions absurdes avec des tonnes de gens qu'ils ne connaissaient à peine. Le monde dans lequel il vivait alors était bâtit sur des nuages de mensonges et de perversions. Seule la musique brisait le silence. Elle parlait pour ceux qui n'en avait pas le courage. Elle détenait la vérité.

Après cette révélation, Dominik n'avait ensuite plus joué pendant un bon moment jusqu'à ce qu'il découvre par hasard la vieille auberge. Ses souvenirs avaient jaillis tous à la fois, d'un seul coup, l'étourdissant. Le revenant se souvint alors qu'il n'avait répondu à la question de Narcisse que très vaguement. Comme toujours, il avait laissé ses pensées vagabonder dans les dédales de ses souvenirs. Comment devait-il expliquer tout ce qui venait de lui traverser l'esprit à son compagnon? Ou peut-être tout cela n'importait-il pas vraiment?

« Pardonnez-moi, cela remonte à bien loin... »

L'auberge. Non, c'était bien là. Maintenant qu'il y pensait bien, c'était à cet endroit qu'il s'était senti envahit d'une nouvelle passion pour le piano. Il avait prit place nonchalemment sur le banc en un craquement. Les notes poussiéreuses étaient mal accordées, certaines ne produisait même presque plus de son. Elles étaient abîmées par le temps et le manque de soin. La mélodie qui en découlait racontait une histoire opposée à celle qu'il avait toujours entendu, celle de vies se résumant au travail ardu et acharné, celle de vies meurtries par le monde qu'il connaissait. Mais malgré cela, malgré les imperfections, il pouvait entendre l'espoir murmuer au travers des harmonies. L'espoir de s'échapper vers une vie meilleure, l'espoir qui pompait dans le coeur de chaque homme. L'espoir traduit par le sourire qui naissait sur leurs lèvres au son des notes fausses et imprécises. La musique n'était pas un bruit de fond couverte par des conversations futiles. Ces gens-là l'écoutaient et se laissaient transporter par elle. Elle était ce qui, en partie, leur donnait la force de continuer le lendemain.

« Je... Je crois que j'ai commencé à vraiment aimer le piano quand je me suis mis à jouer pour les bonnes raisons. »

Il n'était pas certain si cette réponse était assez précise, mais il ne savait pas comment la mettre en mots autrement. Repenser à cette partie de son passé lui avait laissé une sensation étrange dans l'abdomen. Dominik se demanda alors comment se portaient ses parents depuis qu'il les avait quitté. Pensaient-ils toujours à lui de temps à autres? Il se surpris à se demander ce que ceux-ci penseraient de lui s'ils étaient là, et s'il était toujours en vie, idéalement. S'ils savaient qu'il était devenu un pianiste apprécié dans un cabaret réputé de Paris. Seraient-ils fiers?

« Et je joue... pour rendre au monde un peu de sa beauté perdue. Et pour rendre les gens heureux, en quelque sorte, je crois. Au moins pour un moment.»

Il sourit légèrement à l'intention de l'acrobate pour tenter d'avoir l'air un tant soit peu normal, malgré les silences qu'il avait laissé se glisser entre ses réponses. Il aurait aimé développer davantage, mais en était étrangement incapable. Malgré ce qu'il disait, il lui restait toujours cette impression qu'il rendait les gens plus tristes qu'heureux. Et alors qu'il ne savait plus quoi ajouter, il entendait toujours la voix de sa mère qui l'interpellait résonner dans sa tête.
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