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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 Clair de Lune [1890] - Terminé

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Ester Jones
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Ester Jones

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MessageSujet: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeLun 8 Aoû - 16:32

Toc, tac, toc, tac. Les bottines de la jeune femme martelaient d’un pas régulier les pavés humides de la capitale. Une averse estivale venait de lustrer les carrés de pierre et avait emplit l’air de son odeur caractéristique. Ce parfum de nature rendait habituellement nostalgique notre petite campagnarde. Ce soir là cependant, son esprit était occupé ailleurs. La tête haute, le regard aux aguets, elle ne voulait pas se perdre ! Les rues entremêlées de la ville ne lui étaient pas très familières, et encore moins dans ce quartier là.

La main serrée sur sa carte à moitié déchirée, elle vérifia son parcours. Le fiacre l’avait déposé ici… elle avait continué par-là, puis tourné à droite… puis là à gauche… oui, elle ne devait plus être très loin de sa destination.
Pourtant, elle avait toujours un doute… elle soupira, et resserra son châle autour de ses bras. Se devait être à cause du fantôme qui ne la lâchait plus depuis. Même si l’esprit se ne manifestait pas directement, elle la sentait tout près d’elle. Cette jeune mamie transparente était si perturbée, qu’elle n’était même plus sûre de son identité. Ces inquiétudes étaient si fortes qu’elles influençaient les pensées de la photographe. À cause de cela, la demoiselle vérifia trois fois de suite qu’elle avait bien lacé ses chaussures avant de partir.

« Allez ! Secoue toi ma vieille ! se dit-elle en tapant dans ses mains. Le cimetière doit être tout près ! »

Elle reprit ainsi sa route, baignant dans les reflets orangés du crépuscule.
Le cimetière… il était pour la plupart un lieu sinistre, triste, voire effrayant. Pour Ester en revanche, c’était un endroit tranquille, un brin mélancolique, mais idéal pour parler avec les morts. À cette heure de la journée en plus, les parisiens fuyaient ces coins lugubres au profit des quartiers lumineux, et vibrant de musique. Quoi de mieux pour s’entretenir avec un esprit errant (comme on les appelle) ?

Elle arriva à un grand carrefour, et consulta à nouveau sa carte. Ici, elle devait se diriger vers la droite… oui mais c’était quelle rue ? Il y en avait deux ! Ce devait être… la première… ou la deuxième ? Raah… voilà qu’elle hésitait encore !
Tandis qu’elle pestait contre son sens de l’orientation, une main se posa sur son épaule :


- Eh ben mam’zelle ! Ça va pas ? Vous êtes perdue ?

Ester poussa un petit cri de surprise et se retourna. Un papy, béret sur la tête, pipe au bec, et petite barbe au menton, lui sourit. Elle se rassura :

- Oui, je…
- Jeannot ! Arrête de draguer la minette et viens jouer !

Tous deux tournèrent la tête vers la nouvelle voix, et la petite rousse découvrit trois autres hommes assis à la table d’un café, cartes en mains. Poussée par la curiosité, elle s’approcha d’eux et demanda :

« Bonsoir messieurs, à quoi jouez-vous ?
- Au tarot ! Et vous, où allez-vous ?
- Je cherchais la direction du cimetière…
- À cette heure-ci ? C’est pas un endroit pour une demoiselle ! Joignez-vous plutôt à nous, il nous manque un cinquième !
- Une prochaine fois peut-être. Je dois retrouver quelqu’un…»

Bien que cela ne soit qu’une piètre excuse, cela devait suffire à les éconduire gentiment. Et en effet, après quelques soupirs de déception, le dénommé Jeannot lui montra la rue à suivre. Elle les quitta avec un sourire. Longeant la rue déserte, elle glissa sa main dans son sac, et attrapa la crosse de son arme. C’est bon, son révolver était toujours là. Ces joueurs de cartes n’avaient pas tort. Une femme seule dans les rues moins éclairée de la capitale, ce n’était pas très prudent. Mais Ester avait de quoi se défendre, alors elle pouvait se détendre.

Elle arriva enfin au cimetière, et plongea son regard dans ce nouveau paysage. Le dédale des tombes s’étendaient à perte de vu sous les rayons naissant de la lune. Elle en restait bouche-bée.
Finalement, ce n’était peut-être pas une si bonne idée de vouloir se rendre sur la tombe de son fantôme… enfin, maintenant qu’elle était là, elle n’allait pas faire demi-tour.

Suivant les indications mêmes approximatives de la dame, elle arriva quelques minutes plus tard devant la pierre qu’elle cherchait. La terre était encore meuble, et les fleurs se dressaient encore de toute leur fraicheur. Agathe Nazaire avait été enterrée récemment.

Ester s’agenouilla alors, la tête basse. Ses cheveux ondulés retenus par un simple ruban retombèrent en cascade sur ses épaules. Les yeux clos et les mains jointes, elle se mit à prier. Immobile, seules ses lèvres remuaient dans la quasi-obscurité.
Elle resta un long moment ainsi, jusqu'à ce qu'un bruit se fasse entendre non loin. Aussitôt, elle redressa la tête, la main sur la crosse de son arme.


HRP :


Dernière édition par Ester Jones le Mer 18 Juil - 14:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeDim 2 Oct - 15:28

« … Gégé, t’es sûr qu’il y avait pas de l’alcool là-dedans ? »

La matronne de la laiterie « Et puis tant pis » se gratta la tête, l’air perplexe. Son mari, à qui elle venait de chuchoter ces mots, avait l’air tout aussi confus qu’elle. Et pour cause : devant eux, ils avaient ou l’adoratrice la plus pure de fromage de la Terre entière, ou alors, une cinglée totale.

Il avait demandé en envoyant des lettres à tous les journalistes et écrivains du quartier à ce que quelqu’un vienne faire l’éloge de sa laiterie/fromagerie en vantant leur bonne senteur, l’atmosphère de son magasin, et les vertes prairies que le fromage lui-même évoquait, en gros, qu’on vienne décrire l’ambiance de tout chez lui… Et puis, quand on lui avait répondu qu’avec une lettre d’une telle sincérité et d’un tel bon cœur on ne pouvait lui refuser, il en avait sauté de joie au plafond. Et ensuite, en se renseignant, il avait été encore plus ravi quand on lui avait dit que les articles de Mlle Lydia Gray vendaient du rêve, qu’ils étaient merveilleusement imagés, et qu’on ne pouvait manquer de vouloir visiter l’endroit dont elle parlait avec tant de ferveur qu’on avait l’impression que tout là-bas était vivant. Lui qui était en concurrence permanente avec son voisin le « Maroilles » du Grand Nord cherchait à tout prix à gagner le dessus, d’où sa requête… Et il ne s’était pas attendu à ce qu’on le prenne au pied de la lettre.
Bon, d’accord. Faire l’effort de lire un article de la dame en question, ça l’aurait peut-être préparé à ça. Mais même. Ou alors, c’était peut-être juste qu’il avait formulé sa demande en de mauvais mots, et au mauvais endroit. Ou peut-être qu’on avait voulu lui faire des blagues.

Parce que pour l’instant, la jeune femme qui était en train d’interviewer son Brie de Meaux, en notant scrupuleusement les différences fondamentales entre celui-ci et le Brie de Melun selon l’avis d’un des intéressés, avait tout l’air ou de se payer leur tête, ou d’avoir vraiment des choses à raconter en parlant à un fromage, ce qui, des avis de tous les gens présents dans la pièce, était quand même franchement bizarre. Très intéressée, gribouillant au crayon dans son carnet et acquiesçant à de multiples reprises face à un interlocuteur invisible, et posant d’autres questions en se tournant parfois vers les autres fromages de l’étal comme s’ils avaient des choses à ajouter, le spectacle était… pour le moins particulier.

Ledit Gégé se gratta la tempe, puis sa démangeaison se répandit jusque sur son crâne chauve et puant.
« Non, je te jure qu’il y avait rien… »
Il jeta un œil aux alentours, et vit que ses clients habituel semblaient un peu… perdus eux aussi. Il aperçut aussi Madame Michou qui, venant d’entrer, avait les yeux rivés sur l’étrange journaliste, et qui, jugeant que la situation était étrange, avait choisi de faire demi-tour à reculons à pas de loup. De là, il déduisit que l’étrange personnage était nuisible pour son magasin, et il se déplaça lentement derrière elle, pour se pencher et murmurer :
« Euh, mademoiselle… Si vous voulez, je vous donne des échantillons comme ça vous pourrez continuer plus tard, hein ? On a beaucoup de monde d’un seul coup… »

« Et donc, vous disiez qu’on vous a sacré ‘Roi des Fromages’, c’est ça ? »
Lydia l’ignora complètement. De façon étrange, il apparut que les informations qu’elle obtenait du fromage étaient, effectivement, justes. Perplexe, le commerçant attrapa une bonne tranche en présentation de chacun de ses fromages et les envoya à la va-vite dans un panier qu’il comptait lui fourrer entre les pattes, et ce fut au moment où il lui retira le brie que la jeune femme releva les yeux vers lui et protesta haut :
« Mais qu’est-ce que vous faites ?! »

« Il faut que je reprenne les affaires, je vous l’ai dit ! Désolé – je compte sur vous pour nous faire un bel article ! »

« Oui mais ça ne va pas être possible si-»

La protestation de Lydia s’effaça en même temps que le fromager filait de l’autre bout des étals, avec son interlocuteur. Elle se releva, faisant une grosse moue, essaya une ou deux nouvelles fois de s’approcher mais se fit bloquer par la foule des gens qui avaient décidé d’acheter leur fromage, et, frustrée, décida de s’en aller.


Elle fila à grandes enjambées, râlant sur l’absence totale de bienveillance de ces gens qui faisaient de mal à de si braves personnes que les fromages aux seuls desseins de s’emplir la panse, et choisit de trouver un autre endroit où finir de faire son article, car elle n’était pas certaine que ce pauvre brie dont elle avait une tranche continuerait à survivre bien longtemps. Celui-ci la rassura très vite, comme elle l’installait sur un banc avec ses autres amis, ça leur faisait juste un peu mal, mais pas autant que de les manger.

Mais, lui apprit-il, même si ça faisait mal, ce n’était pas grave… Car, pour un fromage, c’était le but ultime de leur vie ! L’interview prit alors une toute autre allure, Lydia écoutant passionnément toutes les anecdotes du Brie et de ses amis, en pleine rue, et notant tout scrupuleusement, encore une fois.
Ce n’est qu’à la nuit tombée que son entretien dût prendre fin, car après tout… Et bien, elle ne voyait plus rien. Et même si sa plume, sa fidèle plume, n’avait pas forcément besoin de beaucoup de lumière non plus… Là, il n’y avait vraiment plus rien. Lydia se releva et rangea Lili, sa plume, après l’avoir remerciée.

« Merci bien, messieurs ! Je crois que j’ai tout. Je vais rentrer, est-ce que vous voulez venir, et… »  Elle fit un petit sourire gentil, « Est-ce que vous voulez que je vous trouve un endroit où vous accomplir, du coup ? »
Ennuyée, elle admit qu’elle ne pourrait jamais manger un ami, et qu’elle ne pourrait jamais se débarrasser d’eux. Mais son hôtesse, peut-être… ?

Pourquoi pas, après tout ?

Il fut décidé à l’unanimité qu’elle rentrerait et donnerait les fromages à son hôtesse qui avait plein d’enfants, et à qui ça ferait du bien, à moins de rencontrer des gens qui auraient encore plus besoin de calcium. Lydia fut émue d’une telle bienveillance de leur part et se mit à pleurer en pleine rue, alors qu’un badaud passant derrière la considéra avec peu ou prou autant de perplexité que s’il avait vu un ver de terre armé d’un couteau sautillant autour d’une poule. Sa crise de larmes passée, Lydia prit tous ses fromages dans le panier et choisit de rentrer à pied jusqu’à chez elle, en suivant les instructions des sols, comme d’habitude. Après tout, il fallait maintenant apprendre aux murs toutes ces nouvelles choses qu’elle avait appris… Leurs murs externe et eux n'avaient pas souvent l'occasion de parler avec des fromages, au moins, en tout cas, à moins qu'ils ne soient à proximité d'un restaurant ou d'une terrasse.


… Sauf que, entre-temps, elle se perdit. Bah ouais. Si vous parlez à toutes les rues du monde, à toutes les plaques de noms des avenues, vous vous perdez très vite… Surtout quand votre conversation, parfois, tourne à l’ubuesque. Suite à une série d’associations d’idées, les plaques de rues, apprenant qu’il y avait beaucoup de fromage dans son sac, qui cherchaient à s’accomplir et savaient que Lydia ne mangerait pas tout, et que le fromage, c’est plein  de calcium, et que les squelettes, c’est fait d’os, qui ont besoin de calcium, les plaques l’orientèrent tout naturellement vers le cimetière…

Et c’est ainsi que le bruit qu’entendit Ester provint en réalité de Lydia, qui arriva avec son brie de Meaux en main, au milieu des tombes dont chacune retenait son intérêt pour l’homme ou la femme enterré en-dessous, et qui demanda tout haut à son fromage :

« Je ne vois personne qui ait besoin de calcium ici… A qui est-ce que vous voulez demander ? »
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeVen 25 Mai - 18:08

Qui pouvait bien aller au cimetière à une heure pareille ? Surement quelqu’un de louche, non ? On n’allait pas au cimetière en pleine nuit. On y allait la journée, pour nettoyer les tombes, changer les fleurs et se recueillir. La nuit, on ne voyait même plus les fleurs. Mais du coup, ça faisait de l’apprentie photographe quelqu’un de louche aussi ? Bah… ce ne serait pas le pire adjectif qu’on ait pu lui donner.
Divagante mais méfiante, elle quitta temporairement la tombe de son fantôme du moment pour s’approcher de « l’intrus ». Elle avançait lentement pour ne pas faire trop de bruit, et aussi parce qu’elle se sentait de plus en plus lourde.


- Qui est-ce Mlle Jones ? Qui est-ce ! Il va nous attaquer c’est ça ? Oh non, pitié ! Pas encore…

Ester tourna la tête alors que l’esprit se mettait à gémir. Las, la demoiselle soupira. Cette ombre de grand-mère – étrangement luisante dans l’obscurité nocturne – reposait littéralement sur la jeune femme. D’accord c’est à la jeunesse de soutenir leurs aînés, mais là ! C’était un peu trop. Elle se retint de lui dire qu’elle lui pompait l’air - sans se rendre compte qu’en effet, la défunte pompait effectivement son énergie et nourrissait son angoisse. À la place, elle prit une profonde inspiration et afficha un grand sourire.

« Rassurez-vous… tout va bien se passer. De toute manière vous ne risquez plus rien ! Et puis… tapote son sac avec son arme, sinon j’ai de quoi nous défendre. »

Mme Nazaire sembla se calmer quelque peu, mais ne la lâchait pas. Mais pourquoi avait-elle si peur ? C’était sans doute lié aux causes de sa mort, mais malgré ses tentatives, Ester n’avait toujours pas pu savoir de quoi il s’agissait.
Elle reprit sa progression. Elle pouvait se défendre oui, mais pour tirer encore fallait-il voir la cible. A mesure qu’elle s’approchait, l’esprit se faisait toujours plus lourd. Ester fit volte-face excédée, comme si ça pouvait faire tomber cette grand-mère transparente et rouspéta à mi-voix en s’agitant :


« ça suffit ! Faites un effort aussi ! écar… »
Alors qu’elle piétinait contre cette toile invisible, sa bottine glissa sur une feuille morte et trop surprise pour réagir, elle s’étala de tout son long dans un cri de surprise. De fait, Agathe Nazaire s’écarta effrayée, avant de se pencher à nouveau sur elle.

- Allons Mlle Jones ! Relevez-vous ! Vite ! Je croyais qu’on ne devait pas vous voire dans de tel lieu !
Exaspérée et fatiguée de cette longue journée, la photographe se redressa lentement sur ses coudes. Elle rétorqua amère, vers son fantôme :
« Tout va bien… j’ai rien de cassé. C’est trop aimable de d’mander ! »

Elle regarda autour d’elle. Avec toute cette agitation, son révolver était sorti de son sac. Ses yeux s’ouvrirent grand. Tout mais pas perdre son révolver ! Elle en avait besoin et elle y tenait tellement ! Heureusement, la gravure sur la crosse luisait dans la nuit. Elle l’aperçut rapidement. Assise au sol, elle l’attrapa vivement et le fourra de nouveau dans ses affaires.
La discrétion dans tout ça ? Elle l’avait complètement oublié. De toute manière, avec la chute qu’elle venait de faire, inutile d’espérer encore passer inaperçue. Elle se frotta le genou. Elle allait avoir un bleu, pour sûr ! En fait, une goutte de sang y perlait même.

- Mlle Jones…
- Qui-y-a-t-il Mme Nazaire !
- Je crois que quelqu’un vous a entendu.
La demoiselle tendit l’oreille. Tout à l’heure oui, elle avait cru entendre quelque chose. Mais à présent, c’était comme si le bruit s’était volatilisé. Il y avait-il vraiment un autre uluberlu dans les parages pour venir faire un tour au cimetière ? La photographe haussa les épaules, toujours le cul par terre. A l’heure qu’il est, ce qui importait le plus était de trouver la cause du décès de cette Agathe Nazaire ; qu’elle puisse l’apaiser... non s’apaiser toutes les deux un petit peu !

A tous les curieux:
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeVen 1 Juin - 22:28

Ce soir là, je sortais du commissariat avec entrain. La journée avait été bonne et j'avais une excellent soirée en perspective. Deux jours auparavant, le journal avait parlé d'un nouveau restaurant dans le nord de la ville, une ouverture que les connaisseurs attendaient car le chef s'était fait remarquer par son excellence quelques années auparavant. Les premières critiques gastronomiques étaient excellentes !

Moi qui aime particulièrement les plaisirs de la vie et, entre autres, ceux de la bouche, je ne pouvais pas manquer ça ! J'avais alors fait en sorte de terminer à une heure correcte ce soir là et sortais, donc, d'excellente humeur du commissariat pour héler un fiacre.

« Avenue Gambetta, s'il vous plaît » annonçais-je en m'installant.

Le chauffeur fouetta le cheval et le véhicule s'ébranla, remontant la rue entre les piétons et les bicyclettes avant de s'engager sur la place de la Bastille quelques instants après. Je regardais l'endroit par la fenêtre. La ville brillait de la pluie qui était tombée pendant l'après midi, j'aimais bien cette atmosphère spéciale où les piétons hésitaient à reprendre possession des lieux en guettant l'humeur du ciel. Celui-ci, d'ailleurs, achevait de s'assombrir, les dernières lueurs rougeâtres du crépuscules disparaissaient petit à petit déjà remplacées depuis longtemps par l'éclairage public qui faisait tomber une étrange lumière sur les trottoirs. Le fiacre s'engagea alors dans la longue et étroite rue de la roquette, oscillant sur les pavés mal alignés. Je m'accrochais aux rebords de la banquette pour me stabiliser, le trajet n'était pas très confortable. Je repensais un instant aux roulis doux de la Seine, nettement plus agréables et me disais que jamais les véhicules à roue ne surpasseraient en confort les voyages maritimes. Finalement, le fiacre émergea près du Père Lachaise et le contourna par le nord pour s'arrêter au rond point qui faisait l'angle au nord du cimetière. Je réglais ma course et sortais à la recherche de ma destination.

J'étais au milieu de l'avenue et l'adresse de ma destination n'était pas très claire… J'allais donc devoir arpenter la rue dans un sens puis dans l'autre pour trouver mon restaurant. Peu importe, j'aimais bien cet air frais, je décidais de commencer en m'éloignant du cimetière par la portion de la voie qui allait vers la Place Gambetta. Il fallait bien choisir une route. Je remontais donc la rue d'un pas alerte en scrutant dans la semi-obscurité les devantures des échoppes et des bistrots. Arrivé à la Place Gambetta je dus me rendre à l'évidence, je m'étais trompé de côté. Je repartais donc vers mon origine avec l'intention de parcourir la portion de l'avenue qui longeait le cimetière. Mais je fus interpellé avant de rejoindre l'angle du cimetière.

« Hey, Monsieur ! Vous, le roux ! Vous êtes perdu ? Vous cherchez quelqu'un ? »

Il n'était pas rare qu'on me remarque pour la couleur de ma tignasse mais je n'ai jamais trouvé cela très agréable. Contrarié, je me tournais donc vers le papy qui m'avait ainsi parlé pour le rabrouer mais je n'eus pas le temps…

« Oh ! Jeannot, c'pas comme ça qu'on parle aux gens ! »
« Oui, mais elle était rousse aussi, la gamine, tout à l'heure… peut-être qu'ils doivent se voir, non ? »
« Ou peut être pas, qu'est-ce t'en sais ? »
« Mais elle est partie au cimetière, à c't'heure, chuis inquiet moi, elle avait un joli petit minois »
« Roh ! L'avait l'air de savoir c'qu'elle faisait, non ? »
« Mais si c'est lui qu'elle devait retrouver, elle est toute seule là bas ! »

Il me fallut un instant pour comprendre les échanges des deux hommes. Il me fallait faire omission d'un accent assez prononcé et des déformations du langage provoqués par le pastis. Leurs deux compères riaient sous cape en les observant. J'essayais de classer les informations dans mon esprit organisé et méthodique de policer et je les interrompais.

« Vous avez croisé une jeune femme rousse qui se rendait seule au cimetière ? »

« Tiens, tu vois, j'avais raison, c'est lui qu'a rendez vous avec elle ! »
« Il n'a pas dit ça, idiot ! »

Puis, se tournant vers moi :

« Oui, nous l'avons vu, elle devait rejoindre quelqu'un, mais à c't'heure y a p'us grand monde qui va traîner parmi les tombes, voyez... »

J’acquiesçais. Je n'avais pas réservé ma table, je n'étais donc pas pressé. Cela ne me coûtait donc rien de faire un petit détour par les allées du cimetière pour m'assurer que la demoiselle ne courrait aucun danger. Pas acquis de conscience professionnelle… Rien d'autre. Le fait que la demoiselle soit rousse avec un « joli minois » n'avait rien à voir là dedans… L'image d'Allan me vint à l'esprit… « Chevalier Roux »… oui, probablement… peu importe. Je souris, remerciais les papys et reprenais ma route vers le cimetière pendant qu'ils reprenaient leur partie.

Alors que j'entrais dans le cimetière, je croisais une jeune femme en pleine conversation avec elle même, me sembla-t-il. Elle n'était pas rousse, je pris une autre direction pour ne pas déranger ce conciliabule avec son ombre… ou son sac de course, je n'étais pas bien certain.

J'errais dans les allées au hasard à la recherche d'une présence mais il n'y avait pas âme qui vive dans ce cimetière et j'allais repartir quand j'entendis un bruit de chute et un cri. Aussitôt sur le qui-vive, je glissais la main à ma poche pour saisir mon arme et courrais vers l'origine du son. La demoiselle rousse était-elle en train de se faire enlever ? Au détours d'un fourré, je l'entendis avant de la voir, elle semblait irritée mais en pleine forme. Quand je débouchais à l'angle de l'allée où elle se trouvait, elle se frottais le genou. Etait-elle blessée ? Si c'était le cas, ça ne semblait pas trop grave.

« Qu'y a-t-il Mme Nazaire ? »

Je cherchais autours du regard. Où était l'autre personnes ? Je ne voyais rien bouger dans les buissons ni près des tombes. A qui parlait-elle ? Etait-ce le rendez vous des gens qui se parlaient à eux-même, ce soir là, au Père Lachaise ? Je n'y avais peut être pas ma place, alors…

La demoiselle s'était relevée et regardait autours d'elle. J'étais parfaitement immobile et elle ne sembla pas me voir. Je l'observais en silence, profitant de l'instant. Elle était bien rousse, comme l'avait annoncé le vieil homme mais je ne discernais pas son visage. Finalement, je me décidais et, rangeant mon revolver dans ma poche, je sortais de l'ombre et m'avançais vers elle. Mais quand mes yeux rencontrèrent les siens et que ses traits m'apparurent, je restais surpris un instant. Je connaissais cette demoiselle et notre dernière rencontre n'avait pas été dans les meilleures conditions… Impossible de me rappeler de son nom, néanmoins… mais il ne me semblait pas que c'était « Nazaire »…

Me rendant compte que je la dévisageais de manière peu polie, je m'inclinais devant elle en me découvrant puis, un grand sourire aux lèvres, d'un ton légèrement charmeur, je la saluais.

« Belle soirée pour une balade entre les tombes, n'est-ce pas ? »
Ester Jones
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeLun 4 Juin - 18:32

Ester suça son pouce une seconde et l’appliqua sur son égratignure. Il fallait qu’elle arrête le saignement, même léger, si elle ne voulait pas tâcher sa robe. Elle n’en avait pas trente-six non plus. Déjà qu’elle allait encore passer pour la dernière des maladroites si on voyait sa blessure puérile…
Elle se releva ensuite avec détermination, comme si elle ignorait finalement la remarque de son fantôme. Celui-ci pourtant, en dépit de son visage flou, avait l’air indéniablement soucieux. On l’aurait entendu et alors ? La photographe mit les mains sur ses hanches. Elle aurait mit sa main au feu que sa discrétion était déjà partie se coucher ! Alors un peu plus, un peu moins…


« Bon ! Retournons sur la tombe, dit-elle enfin pour se remotiver.
- La tombe ? Laquelle ? Ah oui, c’est vrai ! La mienne… »

L’esprit commença alors à voleter dans une direction, et la petite rousse le fixa. D’un part parce qu’il lui semblait qu’elle n’allait pas dans la bonne direction ; d’autre part, parce que dans la nuit, elle lui semblait moins flou que d’ordinaire. Bien que ça ne soit pas encore net, elle discernait mieux les pans de sa robe de nuit qui ondulaient, ses cheveux noués en natte dans son dos, ou encore la forme carré de son alliance à son doigt, qu’elle n’avait pas quitter.
Les yeux de la médium s’étaient habitués à l’obscurité et dans le même temps, on aurait qu’ils percevaient mieux la vieille femme.
Finalement, elle regarda autour d’elle. Si le fantôme n’allait pas au bon endroit, encore fallait-elle qu’Ester, elle, retrouve la bonne direction.

C’est un bruit tout près qui attira son attention. Elle se retourna pour découvrir une silhouette émerger entre les tombes. Elle plissa des yeux pour mieux la voir. Celle-là c’était pas un revenant ! Déjà parce que les revenants ne faisaient pas les mêmes bruits, et en plus, cette carrure-là n’était pas transparente, mais bien en chair et en os. Il y a avait de quoi se poser la question ici, les revenants y’en n’avait pas qu’un. Ester était même surprise de ne pas avoir été harcelée plus que ça depuis son arrivée.
C’était un homme qui se tenait en face d’elle. Elle hésita une seconde à fuir en courant, mais finalement, elle resta immobile. Elle mit la main sur son arme par prudence et, poussée par la curiosité, chercha à savoir à qui elle avait vraiment à faire. Elle l’avait déjà vu quelque part en plus. Elle le savait, pour sûr ! Mais où ?
Alors qu’elle ouvrait la bouche pour lui adresser la parole, il s’inclina devant elle et la salua d’un ton presque mielleux.
Le son de sa voix retentit comme un détonateur dans sa mémoire. La photographe mit une main sur sa bouche, retenant un juron. Il était là aussi, au Musée ! Le jour où ça avait complètement dégénéré. S’en souvenait-il ? Elle oui. Elle en avait été malade pendant quelques jours et puis… elle n’avait pas fait particulièrement bonne impression… Elle grimaça. Bien des semaines étaient passées depuis cet incident, mais ce n’était pas de ces évènements qu’on oubliait facilement. Elle répondit avec surprise :


« Mais qu’est-ce que vous faites là ? À cette heure-ci ?
- Mlle Jones, qui est-ce ? s’enquit Mme Nazaire qui l’avait rejointe, puisqu’elle ne la suivait plus.
- Je veux dire… bonsoir monsieur l’agent, reprit-elle de crainte de le froisser et pour répondre à la grand-mère, je… vous cherchez quelque chose ?
- Oh ! C’est un policier, merveilleux ! déclara-t-elle comme si sa crainte s’était subitement envolée. Vous n’avez qu’à lui parler de notre affaire ! Il pourra nous aider ! C’est son métier après tout. »

Ester serra ses doigts sur son arme pour éviter de rabrouer l’esprit. Bien sûr ! Et elle lui dirait quoi ? « Au fait m’sieur ! J’ai un fantôme là, sur mon épaule, on dit qu’elle est morte d’une mauvaise chute, mais moi je suis sûre que c’est l’oeuvre de quelqu’un ! Vous voulez pas m’aider à trouver ? ». Non, impossible. Elle offrit à son vis-à-vis un sourire de façade tandis que son coeur battait la chamade dans sa poitrine. Être prise pour une folle par un inconnu, ça ne l’enchantait guère, mais par un homme des forces de l’ordre, c’était encore pire ! Il ne fallait pas qu’elle attire trop les soupçons.

« C’est qu’il est beau garçon dites-moi ! renchérit la vieille femme en allant l’examiner de près. Ah… si j’avais rencontré quelqu’un comme lui quand j’avais votre âge - ou peut-être un peu plus jeune…
- Mais v… »
Ester, vexée de la remarque indirecte sur son âge, commençait à lui répliquer que « de tout manière elle était morte ! » mais s’interrompit en s’apercevant que l’officier pouvait l’entendre. Elle fit mine de remettre une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, pour le leurrer.
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeMer 6 Juin - 13:57

Ah ! Elle m'avait reconnu. Sa réaction me fit sourire mais je me retins de rire pour ne pas être impoli. Je détaillais son visage sous le clair de lune. D'abord elle fut surprise puis elle grimaça. Etait-ce le souvenir de cette matinée au Louvre qui lui était désagréable ? Elle s'était particulièrement fait remarquer ce jour là. Mais je ne remettais toujours pas la main sur son nom. Aldrick la connaissait, j'en étais certain. Elle était journaliste ou photographe d'après mes souvenirs. Mais il s'était passé tellement de choses ce matin là… Impossible de retrouver les détails.

La surprise lui fit lâcher une remarque tellement spontanée que je me mis à rire alors qu'elle se reprenait aussitôt. Elle me donnait du Monsieur l'agent, pourtant ma redingote bordeaux n'était pas vraiment conventionnelle pour un policier. Je notais aussi des crispations dans son attitude. Elle commença une phrase qu'elle arrêta aussitôt en se recoiffant. Elle ne semblait pas du tout à l'aise. Peut être même pensait-elle que je me moquais d'elle. Je me repris donc.

« Je ne suis pas en service, Mademoiselle, pourtant c'est bien pour vous que je suis là. L'histoire est cocasse, permettez moi de vous la narrer. Il se trouve que vous avez inquiété... Jeannot sur le boulevard. » J'étais allé chercher le prénom du vieux dans ma mémoire in extremis. Je trouvais amusant de l'évoquer ainsi… « Alors, tout en jouant aux cartes, il guettait les passants à la recherche de votre rendez vous. Quant à moi, je cherchais une adresse. Me voyant errer, il s'est imaginé que je vous cherchais. N'est-ce pas comique ? Aux gens simple d'esprit, il suffit d'un rien pour faire des liens. Il a pensé que nos chevelures se devaient de nous rapprocher. Alors il m'a prié de m'assurer de votre sécurité et ma guidé vers vous. Me voici donc. » Je m'inclinais de nouveau pour la saluer encore dans une révérence exagérée. « Billy Langevin, pour vous servir »

Content de ma tirade, je lui fis un sourire que je voulais complice et prenais le temps d'observer l'effet que j'avais eu sur elle avant de regarder autours de nous les tombes alignées. Si le clair de lune me permettait de deviner les expressions de son visage pâle, l'ombre était bien trop grande pour lire les noms écrits dans la pierre.

L'une des tombes était plus fraîchement fleurie que les autres, je me penchais pour tenter de lire le nom. Je devais être ridicule, le nez sur la pierre, mais je manquais de lumière… Agathe Nazaire. Oh ! Voilà qui expliquait probablement la présence de la jeune fille. N'était-ce pas le nom que j'avais entendu en arrivant ? Elle venait se recueillir devant la tombe d'une proche décédée récemment. Et moi, je faisais des blagues, ce n'était pas le moment ! Je me redressais lentement en réfléchissant.

Non, ce n'était pas une heure pour venir se recueillir sur la tombe de sa grand-mère… La jeune femme n'était-elle pas journaliste ? Il y avait autre chose. Je le sentais. Ah ! Je pensais à Jean qui me disait toujours que j'avais du flair. Peut être était-ce ça. Ou simplement des raisonnements logiques… Et je pouvais tout aussi bien me tromper complètement. Au pire, je risquais un soufflet. Je savais la jeune femme prompte à en donner sans raison apparente et si j'étais dans l'erreur, c'eut été justifié. L'idée me fit sourire, j'aimais prendre ce genre de risque. Je décidais donc de tenter un coup de bluff. Me tournant lentement vers elle, je pris le temps de la regarder un instant et nonchalamment, je demandais :

« De quoi est décédée votre amie ? »
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeMer 6 Juin - 18:07

Alala ! Ces manies de femmes potiches… se recoiffer, se re-farder, réajuster sa toilette, prendre une mine outrée pour un oui ou pour un non, etc. Ester avait beau trouver ça ridicule, elle en usait quelques fois comme maintenant. Ça avait un avantage certain, ça détournait facilement l’attention ! Et cette fois-ci ne dérogeait pas à la règle. L’agent n’avait soulevé ses étranges mimiques et commençait à s’expliquer. Mais cela ne la rassura guère, au contraire, elle se contint pour masquer son anxiété montante.
Son esprit (à elle) fumait à essayer de tisser entre eux les éléments que lui annonçait le roux. Elle se les répétait incrédule : « pas en service… pour Moi ? Mais pourquoi et c’était qui se Jeannot ? Sur le boulevard ? ». Elle décrocha son regard inquiète de son visage pour réfléchir une seconde. Le boulevard… elle reparcourut mentalement les rues pour saisir de quoi il parlait.

« Ah oui ! Les joueurs de tarot ! » souffla-t-elle pour elle-même.

Il enchaînait, elle remit les turbines de son cerveau à plein régime. D’accord, elle resituait ce dont il parlait, mais ça n’expliquait rien encore ! Elle suivit le reste de sa tirade, et en fin de compte, se refusa à en comprendre toutes les subtilités. En vérité, elle s’était même arrêtée de réfléchir après « rendez-vous ». Elle avait presque oublié cette histoire. Diantre ! Si on lui avait dit que ça allait lui retomber dessus…

« Il est un peu sévère avec ces messieurs ! rétorqua le fantôme qui l’écoutait attentivement. Des « simples d’esprits » ? Sans eux, on n’aurait pas trouvé le cimetière ! Mais bon, il a raison. À leur place j’aurais pensé la même chose… »

Ester était toujours dans ses pensées. Elle, avoir un rendez-vous dans un cimetière ? C’était aussi improbable que courant.
L’improbable c’était le rendez-vous. Certes, elle participait à quelques diners mondains dans le cadre de son travail, mais de réel entretien organisé, elle n’en avait pas, et n’en cherchait pas vraiment.
Le courant c’était le cimetière. Autrefois, c’était un endroit judicieux pour y rencontrer ses revenants. À la capitale… elle commençait à changer d’avis !
Mais un rendez-vous dans un cimetière… Quelle idée ! « Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même Ester, tu as menti, te voilà punie. C’est logique voyons » soupira-t-elle pour elle-même.

Pendant ce temps, « Billy Langevin » se courbait en signe de salutation. Trop crispée pour exécuté à son tour une révérence, elle hocha la tête et répondit machinalement d’une voix fébrile :


« Ester Jones, enchantée de faire votre connaissance… »

Les présentations échangées, le policier s’avança vers les tombes. Elle s’écarta pour le laisser passer - et garder une certaine distance entre eux. Ne sachant ce qu’il voulait, elle le regarda faire sans rien dire. Il cherchait à lire les noms. Mais que cherchait-il comme ça ? N’avait-il pas dit qu’il était là pour elle. Eh bien ! Elle était en face de lui, pourquoi allait-il sur les pierres tombales ? Elle haussa bientôt les sourcils. Pourquoi s’arrêtait-il justement sur la tombe de sa défunte ?

« Oh ! Regardez comme il est perspicace ! Il s’est tout de suite orienté sur ma tombe. Il a senti quelque chose, c’est sûr ! Je vous avais dit qu’il fallait lui demander son aide. »

La médium ne partageait pas son avis. Pour elle s’était trop beau pour être vrai. Elle ne comprenait pas comment il en arrivait là. Elle déglutit et tenta de nouveau de détourner son attention, alors qu’il fixait la pierre :

« Eh bien vous voyez… je suis là, et tout va bien ! Vous n’avez pas à vous inquiéter ! »

Mais il se tourna vers elle, l’interrogeant indirectement sur Agathe Nazaire. Ester tressaillit. C’était bien envers son fantôme plus qu’un autre qu’il en avait. Mais comment il…? Stupéfaite, elle bredouilla :

« Mon amie ? Eh bien en fait elle… elle s’interrompit et tenta de feindre l’ignorance. Mais de qui vous parlez exactement ! »

Elle resserra son châle (de la même teinte que la redingote de Billy) autour de ses épaules. Puis elle remit une main sur sa hanche, incapable de lâcher son arme de l'autre.

« Mais pourquoi vous dites ça ? Vous savez bien qu’il parle de moi enfin. Auriez-vous oublié que je suis morte mon enfant ? Vous voyez bien qu’il est devant ma tombe ! »

Ah les fantômes... toujours à voir ce qui les arrangent ! Et notre photographe dans tout ça, pour quoi elle allait passer ce soir là ?
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeMer 13 Juin - 13:39

Ester Jones. Alors que je cherchais son nom dans mon esprit (dont l'organisation était similaire à celle de mon bureau), elle me le disait et la lumière se fit. Et une autre information s'y liait automatiquement : Ester Jones, photographe. Je ne m'étais pas trompé, elle travaillait bien pour la presse.

Mon petit discours ne semblait pas lui avoir fait grand effet mais je ne me démoralisais pas pour autant. Je savais bien qu'il n'était pas possible se s'allier les gens en une tirade à chaque fois. Parfois il en fallait deux. Je souris intérieurement avant de commencer mon examen des tombes avoisinantes. Je la regardais attentivement lorsque je lançais mon coup de bluff concernant la tombe fraîche. J'étais habitué à lire les moindres détails sur les visages des gens mais ce clair de lune n'était pas si clair que ça et ma tâche était donc plus compliquée. Néanmoins je ne manquais pas la crispation de son visage. Bingo ! J'avais fait mouche. La demoiselle sembla prise au dépourvue et commença à répondre puis elle se ressaisit et nia carrément l'évidence en me demandant de qui je parlais. Au moins, elle ne m'avait pas giflé.

Je fit un sourire entendu et hochait doucement la tête, continuant à l'observer avant de me tourner de nouveau vers la tombe en question. La terre était fraîchement retournée, les fleurs n'avaient pas encore commencé à faner… Le cercueil avait assurément été enseveli le jour même. Pas d'erreur possible. Je pris le temps de réfléchir. Son silence pouvait avoir une cause personnel et je risquais de la blesser ou la rebuter en creusant ces choses intimes. Son silence pouvait aussi avoir une cause professionnelle. Était-elle en train de faire une enquête ? La mort de cette vieille femme (d'après les dates) était-elle suspecte ? Je n'avais pas accès aux dossiers de cet arrondissement donc je ne pouvais que faire des suppositions mais je doutais que l'ont ait enterré le corps si une enquête policière était en cours. Mais le fait que la police ne soupçonnait rien n'était pas une raison suffisante pour dire qu'il n'y avait rien à soupçonner, j'étais bien placé pour le savoir.
Devais-je continuer sur ma lancée et poursuivre mon coup de bluff ou valait-il mieux être transparent et avouer le subterfuge ? Elle semblait méfiante et j'avais l'impression qu'elle voulait se débarrasser de moi.

Et moi, que voulais-je ? Je me tournais de nouveau vers elle et lui fit un sourire. Elle était agréable à regarder, c'était un fait. Et dîner en charmante compagnie était une perspective sympathique. Je décidais de jouer franc-jeu. J'inclinais légèrement la tête comme pour rendre les armes.

« Excusez moi, c'était un coup de bluff. Je ne sais pas de qui je parle. Je vous ai juste entendu prononcer un nom en arrivant. Le nom écrit sur cette tombe fraîche d'aujourd'hui. Et je suis incroyablement curieux, c'est probablement une déformation professionnelle… Je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'une jeune femme seule fait au milieu du cimetière après la tombée de la nuit. »

Je marquais une pause tout en faisant un signe pour lui indiquer que je ne demandais pas de réponse. Un homme, plus ou moins inconnu, l'abordait au milieu du cimetière, la nuit… j'avais beau avoir justifié ma présence, il était logique qu'elle soit méfiante. Je poursuivis.

« Je ne peux que vous réitérer ma proposition, mademoiselle, si je peux vous être de la moindre utilité, c'est avec plaisir que je vous apporterai mon aide… mais si ma présence vous dérange, je ne souhaite pas vous importuner d'avantage. Je cherchais ce nouveau restaurant dont tous les journaux parlent, je retournerai donc à ma quête si vous le souhaitez. »

Mon sourire c'était effacé, j'étais parfaitement sérieux. Légèrement attristé qu'elle se méfie de moi, mais je ne pouvais pas lui forcer la main. Je reculais d'un pas, probablement allait-elle me congédier, quand je vis une ombre passer entre les tombes et s'approcher de moi. Mon regard suivi le mouvement et je perçus deux yeux curieux brillant dans le noir. Je souris et m'accroupis avant de tendre la main en frottant mes doigts les uns contre les autres. Le bruit fit approcher le félin qui vint, d'abord hésitant puis plus assuré, frotter sa tête contre ma main en recherche de caresses. Quand il fut sortit totalement de l'ombre, je ne pus retenir un petit rire en lui grattouillant la tête.

« C'est le rendez vous des roux, ce soir, dis donc... »


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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeLun 18 Juin - 23:54

Ester Jones était tendue. Jongler entre les propos des vivants et des morts, elle le faisait régulièrement, mais ce n’était pas pour autant une partie gagnée d’avance. Elle se mordillait l’intérieur de la joue, pour se retenir de regarder sa grand-mère-morte, ou tout autre gaffe du même genre. Le policier, lui, il souriait. Elle fit la moue une seconde. Eh ben voilà ! Elle avait mordu à l’hameçon, comme une débutante ! N’apprendrait-elle donc jamais ? Elle lui avait répondu, trop vite, trop directe. Casse-cela ne tienne, tout n’était pas encore perdu ! Elle avait répliqué, par un leurre plus qu’évident, mais encore restait-il à voir comment il s’en saisirait.

Pour l’heure, ce Langevin ne faisait que lui sourire, encore. Serait-il en train de se moquer ? Il ne la lâchait pas des yeux. Elle commença à rougir. Bien qu’elle ait compris qu’à Paris se faire dévisager c’était plutôt courant, elle ne s’y faisait pas. Ce n’était pas pour rien qu’elle était derrière l’objectif, ce n’était pas pour être devant ! Elle n’aimait pas être le centre d’intérêt, sauf peut-être parmi ceux qu’elle connaissait ? Et là, elle ne connaissait pas !


- Regardez-moi ces yeux de biches que vous lui faites ! Vous allez lui donner le béguin avec ça… rit la défunte qui les observait comme si elle était au théâtre.

L’acteur principal reprit la parole, et les deux femmes se pendirent à ses lèvres. Ses paroles tombèrent juste à nouveau. Sa sincérité surpris presque la jeune rousse, et la rasséréna quelque peu. Elle décolla enfin les doigts de son arme, et les sortis lentement de sa sacoche. D’un geste silencieux, elle joignit ses mains dans son dos et plia et déplia ses articulations, pour dissoudre ses crispations.
Les arguments de cet homme, aussi, étaient somme toute cohérents. Puisqu’elle avait parlé comme si le cimetière lui appartenait telle une âme solitaire dans le désert – alors que pour elle, il était loin d’être désert – elle s’était vendue elle-même. Elle ressentit même une pointe de culpabilité. Les interrogations de l’agent étaient légitimes, ou tout du moins, elle les avait eu avant lui. Une femme femme n’avait rien à faire dans un lieu si lugubre, encore moins en pleine nuit. Ce n’était pas convenable. C’était ce que tout le monde pensait, n’est-ce pas ? et Ester passait son temps à se demander ce que les autres pouvaient s’imaginer d’elle. Elle eut alors envie de se justifier - rien qu’un peu -  mais un signe de la part du policier l’arrêta.


- Voilà un homme plutôt conciliant, commenta dame Nazaire, J’en connais qui vous aurait assénée de questions, moi la première sans doute…

Ester darda sur elle ses yeux verts, mais la voix du roux lui évita de répondre. Elle reporta son attention sur lui. Son air jovial avait laisser place à davantage de réserve. Elle le considéra avec calme, nouant ses bras devant elle. Pour une fois qu’on lui offrait soit de l’aide, soit de la laisser tranquille, ça méritait réflexion. Que faire ? Les hochements de tête du fantôme en disait long sur son avis, mais poussait la photographe à davantage de réserve. L’esprit de contradiction sans doute ? Ou le sage réflexe de ne pas se fier tête baissée aux envies des non-vivants…
Même en acceptant sa compagnie et son soutien, l’affaire était délicate à amener, si ce n’est par le truchement de mensonges qu’elle craignait de voir démasquer rapidement. Mais elle n’avait pas non plus envie de refuser un coup de main…

L’arrivée d’un chat suspendit sa décision. L’animal ce rapprocha peu à peu de l’homme et se laissa faire. Elle regarda la scène avec curiosité.

- Oh ! Il me rappelle mon Jacob ! Il était tout aussi affectueux avec moi, fit remarquer la « dame blanche ».
Ester haussa un sourcil. Ne s’arrêterait-elle donc pas à déblatérer son opinion toutes les deux minutes ? Enfin, la photographe avait beau râler en elle-même, elle laissait souvent faire, car c’était ainsi qu’elle obtenait les détails les plus croustillants dont elle avait besoin. L’observation de l’agent à la suite, la fit davantage sourire. Elle s’accroupit, mais ne bougea pas d’un pas. Elle rétorqua avec une légère de déception :


« Je ne sais pas comment vous faites ! Ces boules de poils ne cessent de me fuir, dès que je m’approche ! »
Un frisson lui parcourut la nuque. Son sourire se figea. Un esprit venait de passer derrière elle, pas aussi enjoué. Pour ne pas couper la conversation étrangement, elle renchérit avec une taquinerie ;
« Seriez-vous fin gourmet tous les deux ? »

Mais le nouveau revenant prit forme tout près d’elle, face à madame Nazaire. Le chat et Ester tournèrent la tête vers lui, alors qu’il grognait :
« Dites ! C’est pas bientôt finit vot’ cirque ?
- Shhh ! Les interrompez pas ! le congédia la vieille femme en agitant la main, sans même lui accorder un regard.
- Vous ‘fichez d’moi ? On n’entend qu’vous ici !
- C’est plutôt vous qui êtes sourd ! » répondit-elle.
La petite rousse tenta de les ignorer, en fixant les yeux du chat. Elle se demandait si finalement, il ne valait pas mieux préférer la compagnie de cet agent de police, plutôt que de ces revenants ! Mais Agathe enchaîna subitement en se tournant enfin vers lui :

«  Je vous dis que… Iiiiiii ! E… Ester ! »
Elle vint alors s’agripper avec une force insoupçonnée aux épaules de la demoiselle. Sursautant, tant par le cri, que par cette prise sur son dos, cette dernière bascula en arrière et tomba sur ses fesses. Elle regarda vers le nouveau venu, mais ne distingua rien immédiatement.
« Il est comme… dans ma chambre… je l’ai vu ! Je le savais il… Ah !La voix terrorisée de la défunte se coupa.
- Qu… »
Pas le temps de prononcer un mot de plus que l’esprit d’Agathe s’était évanouie, laissant notre apprentie photographe avec une légère douleur à la poitrine. Elle pâlit.

« Bah ! Au moins on l’entend plus ! »

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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeVen 22 Juin - 11:34

Alors que je parlais, je la vis se détendre peu à peu. Peut être était-ce la perspective de pouvoir me congédier sans scrupule qui la rassurait ? Peu importe, j'aurai probablement l'occasion de recroiser cette demoiselle un jour. Les photographes sont souvent dans les jambes de policiers, non ? Si elle se méfiait encore de moi ce soir là, ça ne serait peut être plus le cas après quelques rencontres étranges… Entre son comportement au musée du Louvre quelques semaines auparavant et sa présence seule dans un cimetière ce soir là, Ester Jones me semblait un personnage très intéressant et j'avais vraiment envie d'en apprendre plus sur elle. Et son apparence n'y était pas non plus pour rien dans cette envie de la connaître mieux, il me fallait bien l'avouer.

Alors que je grattouillais la tête du chat roux, la jeune femme s’accroupit pour venir à notre niveau et fit un commentaire sur la situation. Bien qu'elle restait à une distance raisonnable, c'était pour moi un début de communication plus spontanée et cela me fit plaisir. Elle baissait sa garde. C'était un pouvoir propre aux chats, ça, de mettre les gens en confiance. Il faut dire que les chats ont un sixième sens et s'ils s'approchent de quelqu'un c'est que celui-ci est bon, non ? Vu comme le chat roux se mettait à ronronner, je devais être vraiment inoffensif à ses yeux…

J'allais répondre sur un ton badin à la remarque de la demoiselle quand je sentis le chat se figer sous mes doigts. Il se ramassa sur lui même et cessa de se frotter à moi. Son regard était dardé vers la jeune fille et je le sentais sur la défensive. Que venait-il donc de se passer pour que son attitude change ainsi d'un coup ? Je gardais ma main, apaisante, sur lui sans plus le caresser pour éviter de me faire griffer…

Suivant le regard du chat, je posais des yeux interrogatifs sur la demoiselle au moment où celle-ci tomba en arrière. Il me semblait me souvenir qu'elle était en train de se relever d'une chute quand j'étais arrivé. C'était donc la seconde fois qu'elle se trouvait à terre dans ce cimetière. Que se passait-il donc ? La jeune femme semblait inquiète ou surprise, je n'aurais su le dire précisément. Son regard cherchait autours d'elle, à droite et à gauche à la recherche de quelque chose que je ne discernais pas mais que le chat, grognant désormais, semblait voir. Elle sembla commencer une phrase qu'elle interrompit aussitôt alors qu'une bourrasque de vent manquait de me déstabiliser moi aussi. Le chat se tendit d'avantage encore et je retirais ma main de son dos par précaution mais il ne bougeât pas.

Je posais un instant les yeux sur le chat qui fixait avec défiance un point au dessus de la jeune fille. Elle même semblait avoir fixé son regard sur ce même point. Mais je ne voyais toujours rien. Je discernais très bien la photographe, toujours à terre, grâce au clair de lune, il me semblait impossible que je ne vois pas l'intrus. Je restais immobile, à observer la scène pour comprendre.

Ma promiscuité avec les chats errants venait de mon enfants à courir sur les ports. J'avais donc régulièrement vu des chats changer de comportement à l'approche d'une personne ou pour des raisons incompréhensibles à cause d'un coup de vent ou du passage d'un nuage dans le ciel. L'attitude du chat, bien qu'elle soit très agressive, ne me surpris donc pas plus que ça. C'est le fait que la jeune femme semble sensible au même stimulus inconnu que le chat que je trouvais étrange.

Je regardais attentivement autour de moi mais il n'y avait aucune présence ni animale ni humaine autre que la photographe, le chat et moi. Je décidais qu'il était absurde de m'affoler pour un coup de vent et une réaction féline étrange. Je caressais de nouveau le chat en murmurant :

« Là, là… ça va... »


Et celui-ci sembla réagir à ma voix. Il grogna une fois vers le vide et se calma, reprenant une attitude d'observateur. Lentement, pour ne pas faire fuir l'animal, je me relevais, dépliant mes jambes et mon dos avant de tendre la main vers la jeune femme à terre pour l'aider à se remettre debout.

« Le vent s'est levé, la nuit va se refroidir. Avez vous encore à faire ici ou devons nous rejoindrez l'avenue ? »

Je fixais mon regard clair dans l'émeraude de ses prunelles. J'avais repris contenance après l'instant de surprise devant sa réaction et j'incarnais le calme et la sécurité. J'avais failli lui demander si elle avait vu un fantôme mais elle m'avait semblé trop déstabilisée pour une blague de ce genre et j'étais bien trop rationnel pour croire à ces sornettes.

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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeDim 1 Juil - 18:27

Ester avait le souffle coupé. Le regard accroché à ce nouvel esprit, elle restait figée, incrédule, sa douleur à la poitrine. Mais elle avait beau fixé ce fantôme acariâtre, elle ne distinguait rien de plus que sa silhouette fumante et indistincte. Elle aurait bien pris son appareil pour regarder au travers et… sans appareil, et sous les yeux de l’homme en face d’elle. En fait, non, impossible.
Son visage souffrant reçu les yeux luisant et méprisant du défunt, puis il s’évanouit à son tour. Comme s’il l’avait libéré d’un maléfice, elle se remit à respirer, le cœur battant.

Elle tourna à nouveau la tête vers le policier, tandis qu’il s’évertuait à calmer la boule de poil entre eux. Évidemment, lui n’avait rien vu, rien entendu. Mais à ce point ? Même pas un murmure ? Tout avait été si violent pour notre petite photographe. Elle était toujours aussi surprise du décalage qu’elle ressentait avec « le reste des mortels », lors de ce genre d’incidents.
Encore sonnée, elle ne se formalisa donc pas de l’inattention du jeune homme. Elle tentait surtout de se calmer pour apaiser les tensions qui étreingnaient encore sa poitrine. M. Langevin lui tendit la main, bien que le but était évident, elle observa alternativement ses doigts et son visage sans réagir. Elle l’écouta parler et seulement après posa ses doigts tremblants sur sa paume. Sa prise était sûre et calme, elle se releva en un instant. Elle planta à nouveau ses pupilles dans les siennes. Il était confiant, mais trop éloignée de la réalité de notre médium, pour qu’elle n’entre dans son jeu.

Ses yeux retombèrent au sol. Elle réfléchit tout en réajustant sa saccoche sur son épaule, le poids de son arme l’entrainait régulièrement vers le bas. Rester ici ou reprendre l’avenue ? Elle tira son châle sur ses épaules, alors que le matou la guettait, prêt à jouer avec les pans du tissu. Que pouvait-elle faire encore ici ce soir ? Agathe ne se montrerait plus tant que l’autre serait dans le coin, et l’autre, ne semblait pas près à discuter tranquillement autour d’un thé. Elle aurait pu essayer de le convaincre, mais... non. Ester n’avait ni le courage, ni l’énergie de poursuivre cette affaire sur l’heure. Elle releva la tête vers l’agent, la voix un peu fébrile.


« Vous avez raison... rejoingnons l’avenue. »

Et puis, qui disait avenue, disait le chemin de la maison. C’était une bonne idée ça, de rentrer à la maison, de retrouver les bruits feutrés du parquet, le moelleux du lit, la douceur des draps... et de dire au revoir à cette fichue journée !
Elle lâcha la main de Langevin et commença à marcher vers la sortie. Au premier pas, elle hésita, sa douleur à la poitrine se faisant plus prégnante. Mais plus elle faisait de pas, plus le mal s’estompa.
Le cou un peu plié, elle avançait en suivant les pavés des allées principales. Quand même... la réaction d’Agathe avait été particulièrement vive ! Alors qu’elle était mielleuse envers le policier depuis cinq minutes, elle avait subitement paniquée. « Comme lui... » qu’elle avait dit...


« Comme lui, ça veut dire que ce n’est pas lui, mais qu’il lui ressemble... mais en quoi ? Elle se mit à réfléchir tout haut, et s’interrompit en retrouvant l’ombre rousse à côté d’elle.

Elle fuit son éventuel visage interrogatif, et le dos un tantinet plus courbé, tentait de se faire oublier. Ils atteignirent le portail et elle se tourna dans la direction d’où elle était venue. À l’arrêt, elle pivota néanmoins la tête vers le policier. C’était ici que leurs routes se séparaient, non ?
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeMar 10 Juil - 13:21

La jeune femme semblait reprendre doucement contenance mais je voyais bien qu'elle était encore préoccupée. Elle avait saisit ma main d'un geste ferme pour se relever et l'avait gardée. Avait-elle confiance en moi ? Réclamait-elle ma protection ? Ou ne s'en était-elle juste pas rendue compte ? Mon calme commençait à déteindre sur elle. Elle réfléchit un instant à ma question. Je ne m'attendais pas à ce qu'il lui soit compliqué de décider entre rester et partir mais visiblement elle pesait le pour et le contre de chacune des deux options. Sans que ça semble conscient, une main toujours dans la mienne, elle réajustait sa tenue alors que je l'observais à la lumière de la lune. Plus petite que moi, elle avait un visage fin et une silhouette bien dessinée. Elle était agréable à regarder, impossible de ne pas s'en rendre compte. Elle semblait presque fragile au milieu de ce cimetière mais je ne pouvais ôter de mes souvenirs la gifle qu'elle avait infligée à une inconnue quelques semaines plus tôt ni l'attitude nettement plus dynamique et insouciante qu'elle avait eue au Louvre. Avait-elle réellement essayé de voler un artefact dans la vitrine brisée ? Tout ceci avait été tellement rapide et confus…

Sa voix me sorti de mes pensées. Nous partions. Elle se détacha de moi et s'éloigna d'un pas d'abord lent et hésitant puis de plus en plus tranquille. Je mis mes mains dans mes poches et lui emboîta le pas. Je marchais un ou deux pas derrière elle et observant alternativement la grâce de son cou et les alentours. Le chat ne nous avait pas suivi. Elle murmura quelque chose. Croyant qu'elle s'adressait à moi j'allongeais mon pas pour me retrouver à sa hauteur mais elle se tut. Visiblement sa réflexion ne m'était pas adressée et ma présence n'était pas des plus bienvenues. Je lui fis un sourire mais elle se détournait déjà. Je laissais échapper un léger et discret soupire. Elle était vraiment difficile à approcher, cette Ester Jones…

Nous arrivions vers la rue et elle s'était encore plus renfermé sur elle même. Quand je mis le pied sur le trottoir je me rendis compte que nous n'étions pas sortis par la grille que j'avais utilisée en arrivant. Nous étions plus bas sur l'avenue et je vis l'enseigne éclairée du restaurant que j'avais cherché dans l'autre partie de la rue. Elle se tourna vers moi comme si elle attendait quelque chose de moi. Et toute son attitude laissait à penser que ce quelque chose était l'autorisation de partir au plus vite… et seule. Je lui fis un sourire en hochant légèrement la tête. Il me semblait inutile de l'inviter à dîner avec moi, nous n'avions clairement rien à nous dire et l'ambiance aurait été des plus pesante si tant est qu'elle eut accepté une telle proposition, mais je le fis tout de même… je désignais le restaurant et pris la parole :

« Ma destination est ici, j'ai entendu beaucoup de bien de cette adresse et je vais la tester ce soir. Voulez vous venir avec moi ? Ou bien souhaitez vous que je vous hèle un fiacre ? »

Malgré l'heure, la rue était bien fréquentée et il me semblait dangereux qu'une jeune femme comme elle s'avance sur la chaussée pour interpeller un véhicule lancé à pleine vitesse.

Spoiler:
Ester Jones
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Ester Jones

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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeMer 18 Juil - 0:03

Sortis du cimetière, l’éclairage public les accueillit en douceur, comme pour leur signifier qu’ils s’étaient extirpé de la morosité et des dangers. Les bruits de circulation et des passants leurs parvinrent. Fini le silence des morts, (enfin pour la plupart des gens) et revoici le chahut des vivants !
Pour l’instant, le bruit des mondains rassurait un peu la photographe. Les gens de chair et d’os, une fois qu’un mur se dressaient entre eux et la médium, ils devenaient plutôt inoffensifs.

Le policier aussi avait l’air plus à l’aise. Il lui souriait et hochait la tête. Elle le fixa une seconde.
Etait-il trop poli pour faire la moindre remarque, ou était-il aveugle à toutes les bourdes qu’elle enchaînait ce soir-là ? Elle-même avait conscience qu’elle avait baissé sa garde, que toutes ses élucubrations depuis le début de leur échange étaient douteux, faillibles. Ou peut-être était-ce seulement elle, qui savait qu’elle avait fait mieux pour dissimuler sa singularité ? Dans tous les cas, ça allait plutôt l’arranger. Ça faisait moins de questions, et donc, moins d’ennuis en perspective.
Après tout, même si Langevin se montrait plutôt prévenant, elle n’arrivait pas à le voir autrement que comme un policier. En plus s’en était un qui avait un certain grade, donc un certain pouvoir.
De base, Ester n’avait rien contre les forces de l’ordre. C’était même une bonne chose. Ça dissuadait les plus colériques de se faire justice eux-mêmes, et de devoir ensuite réparer les pots cassés. Oui, la police était une bonne idée… mais tant qu’elle restait éloignée de la photographe. Surtout depuis les évènements au Musée, elle considérait qu’elle l’avait vu d’un peu trop près ! C’était devenu comme les exorcistes ça ! Moins elle les voyait, mieux elle se portait. Et surtout, depuis, elle préférait rester à l’écart, pour être sûre de se tenir à carreaux et ne plus rien avoir à se reprocher.

Enfin… tout cela remuant indistinctement dans son esprit, elle se mit à marcher un peu dans la rue. Ça valait sans doute mieux que de rester planter devant les grilles du cimetière non ? Pendant ce temps, le roux lui proposait d’aller dîner ensemble. Elle en hoqueta de surprise. Elle ? Vraiment ? Mais cet homme avait bu avant même de la voir ! Il n’y avait pas d’autres explications. Jamais elle n’avait été invité si rapidement. Enfin si, au travail s’était déjà arrivé. Mais elle le mettait toujours sur le compte de ses hommes prêt à tout pour espérer payer moins cher. Là… elle n’avait même pas son appareil sur elle, pas plus qu’elle n’avait mentionné son activité. Alors il n’avait aucune raison de l’inviter, là, sans crier gare ! Elle s’empourpra. Derrière ses tâches de rousseur, elle avait toujours l’espoir que ça ne se remarquait pas.
Elle se retourna face à lui, mais ne parvint à le regarder dans les yeux. Elle balbutia avec politesse :

« Veuillez m’excuser… j’ai déjà soupé et je me sens un peu souffrante. Il serait plus raisonnable que je prenne congé, si vous le voulez bien. »

Il accepta. Elle inclina la tête et laissa l’homme la précéder sur le bord de la route, pour arrêter un véhicule. Elle l’observa de dos, soulagée de savoir qu’elle allait rentrée. Sa carrure avait l’air solide, normal en même temps vu son métier. La chevelure cependant était plus indisciplinée, et ses habits presque aussi chics que ceux qui venaient se faire tirer le portrait. A bien y regarder, il n’avait pas l’air d’un policier si on ne se fiait qu’à sa silhouette. Dans l’attitude, si, il l’exprimait davantage. Il aurait sans doute fallut une prise un peu plus haute que d’habitude, pour qu’il ne soit pas trop imposant… ou peut-être décalé un peu sur… stop ! Ce n’était plus l’heure de faire une photographie !

Elle secoua la tête et aperçut un fiacre qui ralentissait à leur hauteur. Il arrivait à point nommé. Elle vérifia sa bourse, indiqua une rue au chauffeur, puis salua l’agent :

« Merci pour votre aide M. Langevin… »
Tiens, mais au fait, c’était quoi son grade exactement ? Elle avait complètement oublié de lui demander. Ce n’était pas très convenable d’ignorer ainsi le statut de son interlocuteur, mais il était trop tard.
« Je vous souhaite une bonne soirée, et un bon appétit. »

Le fiacre démarra bientôt. Elle regarda la silhouette de son escorte imprévu sautiller en s’éloignant sur les pavés et s’affala un peu sur le siège. Drôle de soirée, loin de se passer comme elle l’avait prévu ! Et ce Langevin finalement, accepterait-il de l’aider s’ils se croisaient à nouveau ?
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitimeMer 18 Juil - 17:07

La suite des aventures de Billy se passera au restaurant.
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MessageSujet: Re: Clair de Lune [1890] - Terminé   Clair de Lune [1890] - Terminé I_icon_minitime

 

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