Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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» Elysion Earth par Eglantine Jocor Sam 9 Nov - 16:31
Sujet: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Sam 1 Fév - 16:47
Haut les cœurs !
Il y a de l’amour dans l’air à l’approche de la Saint-Valentin. Ou pas ! Bons ou mauvais souvenirs, il y a toujours quelque chose à raconter lorsque l’on parle d’histoires de cœurs. Vous ne devez pas faire exception à la règle !
Histoire de reprendre le RP en douceur après les fêtes, le Lost vous propose un évènement autour des déboires ou réussites amoureuses de votre ou vos personnages. Court ou long, unique ou multiple, le format dépendra de vos envies et de votre inspiration.
1- Comment ça marche ?
C’est simple. Au bas de ce post, nous vous fournissons 14 pistes de récits autour de la fête de « l’amÛr ». À vous d’en sélectionner une, ou plusieurs et de nous faire découvrir ce qui a pu arriver à votre personnage.
Pas de longueur maximale ou minimale pour vos textes. Si ça vous convient, trois lignes peuvent largement suffire !
Pronom, temps d’écriture, mise en forme… Vous êtes libres de gérer le récit comme vous le souhaitez !
2 - C’est bien gentil, mais j’écris quoi ?
Le but est avant tout de reprendre votre personnage en main en douceur et sans contrainte. Donc vous pouvez écrire tout ce que vous voulez, tant que votre personnage est concerné.
Ne vous focalisez pas trop sur « l’amour » au sens premier du terme, surtout si ça vous bloque pour la suite. Rien ne vous empêche d’utiliser l’une des propositions pour quelque chose de vraiment décalé !
Ce genre de relations peut avoir eu beaucoup d’impact sur l’évolution de votre personnage, des choses parfois difficiles à traiter dans les fiches ou en RP. Cet évènement est le moment idéal pour le partager !
3 - Mais si je ne veux pas trop en dévoiler ?
Hors RP Autorisé ! Indiquez le en spoil et lâchez-vous ! Vous avez toujours rêvé de tester votre personnage en le mettant au XXIe siècle ? En le transformant en un samouraï ? Un héros de l’espace ? Parfait ! On a hâte de lire ça !
Cet évent durera jusqu’au 29 février. Nous vous laissons volontairement un peu de temps pour que vous vous laissiez tenter ! Et oui, on vous fait les yeux doux. Mais ça va avec le thème non ? ~
Parés ? Alors c’est parti !
Faîtes battre les cœurs !
Préparer un dîner en tête à tête Rendez-vous avec un admirateur secret Un gros râteau 🧪 Le filtre d'amour pour les nuls Un, peu, beaucoup, passionnément... En speed-dating Coup de foudre Baiser volé Je t'aime, moi non plus 🧸 Amour d'enfance Balade au bord de l'eau La bague au doigt Pas de danse Offrir des fleurs
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Wup:
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Jeu 6 Fév - 15:19
La grandeur des monts escarpés, troués d’une verdure souveraine, les ondulations irrésistibles des vallons ponctués d’étangs, la brise chargée d’iode, portée par l’océan dont les vagues s’échouent contre les parois acérées des falaises imprenables ou sur la douceur des quelques plages… Le froid mordant, l’humidité permanente, la caresse d’une pluie récurrente… Ce voyage, c’est peut-être avant tout un pèlerinage. Ashton retrace le chemin de ses souvenirs, prenant son temps en remontant la piste de son âge d’or, son corps absorbant presque par réflexe les sensations uniques de ce lieu dont il n’a finalement rien oublié de l’essence. Rien n’a changé, ou trop peu. Les bâtiments perdus demeurent isolés, monticules de pierres écrasés par la grandeur naturelle qui les entourent, croix christiques s’égarant sur les bords des sentiers, et cette météo si caractéristique des terres d’Ecosse, dont les autres pays se moquent mais qui ne fait qu’ajouter à ses charmes auprès de ceux qui y passent leur vie. Lui-même ne s’est jamais senti écossais, pourtant une nostalgie douce-amère s’est logée contre sa langue depuis qu’il a posé le pied dans le petit port d’entrée de l’île. Il a le coeur serré, aussi, le coeur battant, compressé d’une vieille angoisse excitée qui lui rappelle des jours heureux, où impatience et délice s’embrassaient sur la toile de cet amour impérissable.
Le paysage défile autour de lui et sa gorge se serre à mesure qu’il devient plus familier. Tout est plus réel soudain, plus tangible. Les souvenirs cessent de n’être que de vieilles images, qui défilent la nuit derrière ses paupières closes ou se rejouent en son coeur lorsque la mémoire s’impose. Ici, ils se teintent de vérité, de concret, chaque lieu comme une carte postale de cette époque révolue où il ne savait rien du monde qui dépassait une paire d’iris bleu-verts et de cheveux orangés. Mécaniquement, il avance. Il continue. Ce n’est pas sa destination, ce n’est pas son lieu, pas ici qu’il souhaite orchestrer des retrouvailles qui ne se joueront jamais que dans son imagination. Cet endroit-là se situe droit devant, au bout de la jetée, à flanc de falaise, au sommet de cette chute vertigineuse dont ses sueurs froides se nourrissent encore. Il le voit se dessiner, sinueux chemin de terre menant au vide, promesse d’une vue aussi splendide que douloureuse, et Ashton presse le pas sans vraiment le vouloir. Sa cage thoracique, brusquement, se fait trop étroite. Son coeur bat trop fort, ses poumons s’enflent trop vite. Il se souvient. Il se souvient. Et si c’est de cette vieille douleur ou d’une urgence incompréhensible dont son corps s’anime, peu importe, c’est en tout cas plus vite encore qu’il rejoint le bord de cette falaise.
C’est beau. L’océan, seule contrée dont il se revendiquerait citoyen, étend ses bras à perte de vue. L’eau sombre roule en quelques rubans blancs qui s’éparpillent sur la gigantesque surface, qui ondule comme un géant respire. Derrière, Skye offre son imprenable paysage, superbe et infranchissable, tout en nuances de verts et de gris, montagnes grandioses et vallées sublimes. De là, Ash se sent à la fois souverain et sujet, rendu plus grand par la splendeur d’une nature dont il n’atteindra pourtant jamais la cheville. C’est une sensation puissante, presque violente, qui recouvre son âme et imbibe sa chair. Et il observe. Il observe pour la première fois depuis plus de vingt ans ce panorama divin, des émotions indicibles brûlant son regard de larmes translucides.
C’est la dernière chose qu’elle a vu. C’est la dernière chose qu’elle a vu, Evelyn, ce glorieux tableau de vert et d’eau, avant de sombrer dans ses ténèbres funestes.
Un sourire douloureux lui tord les lèvres tandis qu’il pose son gros bouquet de fleurs devant le vide, là, tout au bout du chemin, à quelques pas de cette chute qu’il déteste autant qu’il la révère. Le vent cueille une pétale et l’embarque dans une valse tendre, et il la suit du regard, et dans sa lente descente son amertume l’accompagne.
Soupir.
Ashton s’assoit devant la mer et s’autorise un sourire. Vingt-trois ans. Vingt-trois ans qu’il n’a pas posé un pied ici, jamais, qu’il fuit cette île et toute la souffrance qu’elle lui évoque.
“Je t’ai amené des fleurs.”, commence-t-il.
Un rire lourd lui échappe tandis que ses doigts viennent chercher une larme. Il regarde dans le vague, se demande brièvement ce qu’il fiche ici.
“C’est ridicule d’être venu là, hein ? Je sais très bien où tu es.”
Sa main flotte au dessus de sa poitrine, siège maudit de son âme abyssale. Un nouvel éclat lui échappe.
“Je crois que je voulais me sentir proche de toi, ‘Lyn.”
Le nom a une saveur étrange sur sa langue, presque étranger, presque trop intime, et des fleurs sombres de culpabilité et d’amertume bourgeonnent dans sa poitrine à cette idée. Il ne lui a jamais parlé, il faut dire, jamais adressé le moindre mot, autrement que par des pensées désespérées ou des implorations enragées. Il baisse les yeux, honteux, observe avec attention l’herbe fraîche qu’il écrase.
“Je…”
Que dire ?
“J’espère que tu es contente.”, crache-t-il finalement.
Une main s’égare dans ses mèches brunes tandis qu’une émotion inconnue lui tord la gorge. Il déglutit; ça ne sert à rien. Le sentiment est là, qui pousse, qui rue contre ses organes et l’étouffe par son intensité. Un soupir tremblant s’empare de ses lèvres.
“J’ai… J’ai merdé, sans doute plus de fois que tu ne l’aurais voulu, mais… Mais j’ai vécu. Je vis encore. Et quelle vie, hein ? Je fais plein de choses, je m’éclate et…”
Une perle salée s’égare dans le sourire qui bourgeonne progressivement sur son visage.
“T’as dû me maudire tellement de fois, ‘Lyn… Tu te souviens de la fois du pêcheur ? Je me suis fait éclater la tronche, haha… Puis, bon, ok, les combats clandestins, pas mon idée la plus brillante. Ni m’embarquer en douce dans un navire de pêche. Ne parlons pas de mes aventures à Lima... Je me demande ce que tu pensais à ce moment-là.”
Il se demande tellement de choses. Il voudrait pouvoir lui parler, comme ça, et obtenir ses réponses, ses conseils, sa sagesse. Il voudrait pouvoir l’entendre, la comprendre, sentir d’elle autre chose qu’une présence fantomatique qu’il devine parfois dans ses jours les plus noirs. C’est injuste, c’est une torture, de l’avoir si proche sans jamais l’atteindre, de la percevoir en lui sans être en mesure de la toucher. Sans doute est-ce pour ça qu’il est là, aujourd’hui, assis dans l’herbe, à parler tout seul devant ce paysage de souvenirs. Ici plus que nulle part ailleurs, il se sent avec elle. S’il ferme les yeux, il la sent presque, assise à ses côtés, dans ses grandes robes sombres, ses cheveux clairs épousant la brise maritime tandis qu’elle lui sourit.
Alors il l’imite, et il parle. Il parle de tout, de rien, de ses souvenirs, de ses projets, de sa tristesse et de l’espoir, sauvage, que ses efforts paieront et qu’il ne tuera plus, plus jamais, et de ses craintes et de ses joies, et de ces amis qui jalonnent sa route comme des fleurs printanières bordent les sentiers. Et il pleure, et il rit, et il vide ce coeur trop plein qu’il enfle à mesure que les années passent, et dont il ne sait quoi faire parce qu’il lui est dédié, à Elle, à Elle qui n’est plus là mais dont la présence le hante. Il lui dit qu’il l’aime aussi, que ça n’a jamais cessé, que la source ne s’est pas tarie et qu’il saigne encore chaque jour de cette absence qui l’éventre, et il lui avoue qu’il pense ne pas guérir, jamais, mais que ce n’est pas grave, qu’elle est tout ce qu’il a toujours voulu et qu’un jour il la retrouvera, ou peut-être pas, mais qu’en attendant il ne l’oubliera pas, qu’il ne le pourra pas.
Puis, après des heures, après des jours, il se lève. Ses doigts saisissent son bouquet, le tendent au dessus de ces vagues dévorantes qui lui ont tant pris et tant offert, et un dernier sourire courbe ses lèvres tandis qu’il livre un regard noyé de larmes à l’horizon.
“Tu me manques, Lyn.”
L’emprise se lâche; les fleurs tombent. Elles ne font pas de bruit en se laissant engloutir, pourtant c’est à elles qu’il dédie le sourire qui courbe tendrement ses lèvres.
“Je t’aime.”
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Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Sam 8 Fév - 16:30
Préparer un dîner en tête-à-tête
- Voilà m'sieur l'commissaire. Un gros filet mignon, comme vous m'l'avez demandé ! Vous avez bien choisi, c'est l'plus mignon ! ~
Aldrick eu un sourire amusé en payant son achat. Saluant le commerçant d'un signe de la tête en replaçant son haut-de-forme.
- Merci bien, M. Paleron, à bientôt.
En sortant de la boucherie, il prit garde à ne pas se cogner contre l'embrasure de la porte, traversa la rue dans son intégralité avant de bifurquer et de s'engager chez le caviste pour récupérer sa commande. Sa paie en prit un coup, mais il ne s'arrêta pas là et sitôt dehors, il se fraya un chemin entre les badauds pour finalement entrer dans la chocolaterie à l'angle. Le sourire chaleureux de sa voisine lui réchauffa les joues, tant et si bien qu'il se cogna contre le premier lustre de la boutique. Un juron transylvain salé lui échappa.
* Foutu luminaire ! *
Cela fit beaucoup rire un petit garçon, dont la mère avait pris soin de boucher les oreilles. Des fois que l'enfant ait un traducteur intégré de jurons.
* Sait-on jamais avec les enfants ce, qui leur passe par la tête, lorsqu'il s'agit de retenir des âneries, hein ? *
La petite brune vint à sa rescousse, s'assurant qu'il n'avait rien de grave avant de lui confier le coffret de chocolats maison qu'il était venu chercher. Il régla, évita lampe et visiteurs et s'en retourna dans son appartement d'un pas pressé.
* Dix-huit heures déjà. Elle ne va pas tarder ! Il faut que je me dépêche ! *
Avalant à une vitesse folle les quelques mètres qui le séparaient de son appartement, il engloutit les marches de l'escalier quatre à quatre, ouvrit en trombe, légèrement essoufflé mais satisfait de voir Chamallow sursauter. Le chat roux peinard venait de finir sa sieste d'une façon bien mouvementée.
- Non ce n'est pas pour toi. Inutile de tout renifler, tu n'auras rien.
Troquant son chapeau pour enfiler un tablier, Aldrick se mit à l’œuvre après un brin de toilette. L'heure suivante, la cuisine semblait être un champ de bataille sans nom, mais une odeur délicieuse embaumait la pièce. Le rangement fut plus rapide, la vaisselle à peine bâclée, le temps filait !
Lorsque l'on frappa à la porte, le brun avait tout juste fini de se préparer et de dresser la table, où deux grandes bougies trônaient fièrement. Son cœur manqua un battement crucial. Il avisa la photo décrépie sur laquelle un homme muni d'une canne se tenait, droit comme la justice. Ses iris couleurs ambre, dénotait avec sa chevelure brune, autant que les fleurs colorées du vase en dessous du cadre. Nouveau coup sur le bois, trois fois de suite, dans une rythmique qu'il connaissait par cœur. Il soupira et dans un sourire, alla ouvrir.
Majestueuse, elle se tenait là, face à lui, dans un manteau rouge cintré qui soulignait à merveille sa grâce naturelle. Le port de tête haut, comme à l'accoutumée, soulignait la noblesse de son rang. Elle l'observa silencieuse, sans tenir compte d'une mèche blonde qui s'était échappée de sa coiffure, tressée pour l'occasion. Ces grands cils papillonnèrent, pour chasser cette gêne nouvelle de son champ de vision. Jamais encore ses yeux n'avaient paru si bleus à l'agent. Ses doigts fins, masqués par des gants blancs en dentelle, effleurèrent son visage. Il frissonna intégralement, avant de l'inviter à entrer dans un baragouinage improbable, qui arracha à la belle un rire aussi cristallin qu'adorable. Le rouge aux joues, Aldrick ôta avec une délicatesse rare le pardessus de son invitée, l'invita à entrer d'un geste ample de la main et sans se faire prier davantage, à pas de velours, elle alla jusqu'à la table, la détailla avec curiosité, s'attarda sur la photo non loin et se tourna vers lui, d'un bloc, en faisant virevolter sa robe de mousseline et de satin dorés. Ses lèvres rouges, tremblantes, ne laissèrent échapper aucun son tant elle paraissait perdue. Aussi interloquée que troublée, les mots, pour une fois, manifestement, lui manquaient.
La question muette qu'elle lui lança, lui fit hausser les épaules avec gentillesse. Se rapprochant, il l'enserra doucement, avec une facilité et une aisance déconcertante, puis après un temps, ajouta sur un ton de confidence :
- Allons mère, comme si j'allais vous laisser seule le soir de votre anniversaire de mariage...
Un baiser tendre atterrit sur sa joue. Elle accepta le mouchoir qu'il lui tendit, y étouffant un sanglot avant de se reprendre, quand, à ses pieds un miaulement se fit entendre.
- Cet animal n'a aucun instinct de survie n'est-ce pas ? Confia-t-elle à son fils, dubitative. - Aucun. Confirma Aldrick avec dépit dans un soupir.
Cela fit rire Élise. Dès lors, le reste de la soirée s'annonçait sous de bons hospices.
Spoiler:
Oui, bon okay, c'est pas vraiment l'AmÛr auquel vous vous attendiez, mais ça compte aussi un peu, non ?
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Frédéric Lenoir
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Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Mer 12 Fév - 22:45
🧸 Amour d'enfance
Paris, Mai 1900
Elle avançait à pas rapides, encombrée par sa lourde mallette, quand elle le vit sortir d'une ruelle. D'abord, elle crut avoir affaire à un fantôme et elle faillit trébucher en montant sur le trottoir. Il tourna la tête vers elle mais un cab passa entre eux et il ne la vit pas. Il avait une barbe d'une semaine et lui parut plus grand que dans son souvenir mais ses yeux, oh ses yeux noisette n'avaient pas changé. Elle porta la main à son cou, sentit son coeur s'emballer, prit d'un espoir fou. Elle hésita à peine une seconde, puis s'élança dans la circulation avant qu'il ne disparaisse à nouveau, comme autrefois. Elle le suivit sur deux rues avant de trouver le courage de l'accoster pour de bon. Que pourrait-elle bien lui dire ? Comment lui expliquer ? Devrait-elle se mettre en colère ? Une partie d'elle-même aurait voulu d'abord le gifler et lui cracher toute sa rancoeur au visage ensuite, avant de lui réclamer tout ce qu'elle s'estimait en droit de demander. Une autre partie d'elle, plus faible, plus désespérée, plus nostalgique peut-être, espérait au moins qu'il se souviendrait d'elle, qu'il ne l'aurait pas oubliée totalement, qu'il demeurait au fond de lui, comme au fond d'elle, un souvenir doux, un rien du tout, au moins assez pour se dire bonjour, peut-être expliquer, potentiellement... éventuellement espérer un peu d'aide, même juste une piécette, peu importe. Son coeur, son coeur lui, en suivant son parfum sur deux rues, en s'imprégnant de son image pendant ces cinq minutes, ne pouvait s'empêcher de s'éveiller un peu. Ce coeur de bois, muable, poreux, qui avait longue mémoire et qui, de son côté, priait la terre et le ciel pour que l'homme d'aujourd'hui soit resté le même artiste qu'autrefois, en qui un coeur semblable avait semblé battre le temps d'un été, il y avait si longtemps.
Il était sur le point de tourner vers les Buttes Chaumont quand il sentit quelque chose entrer dans son champs de perception. Il se retourna comme si on l'avait piqué. Les yeux étaient aussi verts qu'autrefois, quoique plus fatigués. Les boucles rousses s'étaient alourdies, assombries, mais pas assagies. Ses lèvres étaient entrouvertes sur un silence surpris, sa main était figée en l'air. Il leva la sienne comme pour la saisir, avant de se raviser. - Ho... Hortense ?! Elle eut un sourire timide, posa son sac en cuir usé, puis il ne sut plus interpréter son expression. Il voulut lui faire la bise, mais elle tourna le visage pour regarder derrière lui et ne le vit pas. Ensuite elle le fixa de ses yeux verts, aux nuances changeantes, et il se figea. - Freddy. Je suis désolée, il fallait que je vérifie. J'ai cru voir un fantôme, ou ton frère, mais... En fait c'est bien toi. - Ah... Non. Oui, Enfin... Morgan est là aussi. On est rev'nu d'puis un mois. - Un mois ? - Oui. - Déjà ? - Ben... Je... - ... - Tu euh... Tu vis toujours sur Paris, du coup ? - Oui, on vit toujours là. - T'y es rstée tout c'temps ? T'avais dit qu'tu détestais la ville, sauf les Buttes, me semble... - Oui. Je la déteste toujours. On est rentrés chez moi pendant des années, mais on a dû revenir il y a trois ans. Pour le travail et parce que c'était trop difficile. - Ah. Chui désolé... - Tu peux. On en a bavé, sans toi. T'es parti du jour au lendemain sans laisser d'adresse, Frédéric. - J'sais bien. C't'une longue histoire. Tu veux pas qu'on s'pose au parc ou kékpart ? Je... Chui content d'te voir, j'ai pensé à toi, tsé, c'est juste... - T'es un vrai imbécile, Freddy. Je te parle et tu n'écoute pas, comme toujours. Tu n'as pas changé. - Hein ? Mais non, mais, c'est juste qu'je... Attends. C'est qui "on" ? Elle soupira, un ange passa. Il remarqua sa robe usée - pas d'usure, mais abîmés çà et là comme si elle devait constamment être recousue, reprisée, réparée - ses chaussures vieilles mais cirées avec soin, son sac épais posé au sol. Ses épaules s'affaissèrent. Elle soupira à nouveau, le regard dur. - Où t'étais, Freddy ? Où vous êtes partis, toi et ton frère ? - ... On a sauvé not' peau. - ... - ...
Sans un mot, il prit son sac et le passa derrière son épaule. Elle le regarda fixement. - Ça pèse une tonne ton truc. - C'est ma couture. - J'me doute. T'allais loin ? - ... Par là.
Elle avait fini par décider de se taire, ils avaient fait le trajet presque en silence. Autrefois, elle l'aurait comblé en lui racontant tout et rien, sa journée, sa famille, ses arbres ; il aurait rempli l'espace en répondant des boutades, en jonglant avec un rien, en emplissant l'air de son rire franc. Aujourd'hui, elle se contentait de quelques mots, tandis qu'il expliquait d'une voix posée, parcimonieuse, ses voyages en mer avec Morgan, toujours Morgan.
- J'habite ici. Entre, tu comprendras mieux.
L'appartement n'était pas grand, c'était un petit deux pièces sobre, propre, et pauvre. Il comportait une table, une chaise, une machine à coudre, une cuisine sommaire, et dans la pièce suivante, un lit deux places et un nécessaire de toilettes. Et sur le lit, était assis un môme. Un gamin de huit ans peut-être, maigrichon, pâle, timide, aux boucles rousses et aux yeux noisettes derrière lesquels couvait une colère que l'ardennais connaissait bien. Et autour du petiot, une aura de magie crépitante, mouvementée, qu'il tentait de rentrer en lui-même mais ne parvenait qu'à condenser d'autant plus. Il ne fit pas le lien tout de suite.
- B'jour. - Bonjour m'sieur. - Frédéric, je te présente Sylvain. C'est mon fils. - C'est un mage. - Je... Je ne sais pas. Frédéric -- - Dis, gamin, tu d'vrais pas essayer d'tout rentrer comm' tu fais, ça va péter un d'ces quat'. - Fred-- - Il est où s'père, Hortense ? 'faut pas laisser un môme tout seul, ça y fait du mal, ça s'apprend ces trucs là ! Bordel, t'avais vraiment un truc pour les mages, toi, sérieux. J'comprends qu'tas été trist' pis qu't'as dû croir' qu't'aurais une dryade comm' toi mais m'dire ça comm' ça, c'est bon, j'sais qu'c'était dur mais j't'ai dit qu'j'y avait rien pu, j'vais pas t'la dézinguer, ta famille. Il est où s'père Hortense ? J'm'en fiche qu't'ai r'fait ta vie mais y peut pas l'laisser comme ça c'môme, sérieux ! ... Quoi, qu'est-ce qu'y a ? - Son père est là, Freddy. - Hein ? Y est mort ? C't'un fantôme ? T'sais qu'j'les vois pas, j'te l'ai dit avant, chui sûr que j'te l'ai dit. Pis j'-- - ... - Oh chui désolé, chiales pas, pardon, chui trop con. J'aurais pas dû dire ça comme ça... Tsais les marins c'pas mieux qu'les artist' pour c'qu'est des manières... - C'est pas ça. Jusqu'à ce matin je pensais son père mort, Freddy. Il... Sylvain a dix ans dans un mois. - ... - Tu comprends ? - ... - C'est ton enfant, Follet. - Oh bayard.
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Freddy parle en #cc6633.
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Dim 16 Fév - 9:15
Pas de danse
Cuba, 1870
“Sabes, nunca he visto caderas tan rígidas." (tu sais, je n’ai jamais vu des hanches aussi rigides)
L’éclat des rires rencontra celui des percussions tandis que deux regards bruns se mêlaient. Moqueuse. Elle était toute en sourire, toute en courbes, un amusement malicieux pétillant dans le sourire arrogant qu’elle lui adressa tandis qu’elle s’avançait vers lui. Et chaque pas était une danse à part entière, chaque mouvement une ondulation de cette peau de velours qu’il ne put s’empêcher de parcourir des yeux. Elle était féline. Elle était Belle.
Ashton ne s’était jamais senti aussi pateau, aussi peu mobile. A en juger par l’hilarité des musiciens, il n’était pas le seul. Un sourire mi-amusé, mi-gêné bourgeonna sur ses lèvres :
“No sé bailar. - Se nota.” ( Je ne sais pas danser. ça se voit.)
Il se laissa emporter dans un éclat de rire, lui aussi, se laissa conquérir surtout par la main souveraine qui se posa nonchalamment sur son torse. Les doigts glissèrent vers le bas, éveillant dans leur sillage des frissons qu’il tenta en vain de faire taire. Leurs regards ne se lâchèrent pas.
Elle ne lui avait rien demandé. Sa voix grave et chaude était un ronronnement dans ses oreilles, une musique qu’il se trouva le besoin de réécouter. Elle ne lui avait rien demandé et elle était en parfait contrôle, puissante et souveraine contre lui, qui osait à peine bouger, qui savait à peine bouger.
Ashton était intrigué. Ashton, pour être honnête, était un peu envoûté.
La descente tactile s’acheva sur sa hanche. Celia haussa brièvement ses sourcils fournis, air de défi, un “bah quoi ?” silencieux face à sa propre surprise. Il étouffa un rire.
“Je vais te montrer comment on bouge.”, fredonna-t-elle.
Il hocha la tête, elle appuya. Ses doigts accompagnèrent les mouvements de son bassin, obligèrent ce corps rigide à se détendre, argile meuble entre ses mains expertes. Sur la droite, sur la gauche, cercle sensuel des reins novices; Ash suivit le geste d’un regard curieux, tentant progressivement de l’anticiper, de l’accompagner, de forcer une souplesse jamais acquise. Un instant, il en oublia la chaleur de ce contact, la sensation de cette peau délicieuse contre la sienne.
A droite. A gauche. A droite. A gauche.
Le murmure des musiciens reprit progressivement, au tempo des pas qu’ils esquissaient contre le sol poussiéreux. Celia s’empara de ses doigts et les guida, une main sur sa hanche, l’une dans la sienne. Et elle lui sourit, Celia, de ces sourires qu’on n’oublie pas, charmeur et puissant et sensuel et solaire, et ses longues boucles sombres dansèrent avec leurs corps, s’enflammèrent des gestes qu’ils esquissaient. Il se perdit dans son regard, il s’oublia dans les mouvements qu’elle dévoila. Et ils accélérèrent, puis ralentirent, et ils tapèrent des orteils sur cette terre d’ocre, et ils tournoyèrent au rythme de la mélodie qui résonnait entre les murs colorés.
Elle ne le lâcha pas des yeux.
Sa peau était chaude sous sa main. Ses cheveux brillaient dans l’éclat du soleil d’été. Ils sentaient la sueur et la clope, et le mauvais rhum et la terre, et ils s’en foutaient parce qu’ils dansaient. Ashton sentit gonfler en son coeur une sensation d’euphorie inexplicable, une impression qui parfait des pieds et remontait aux prunelles, qui brillaient d’un bonheur indicible. C’était un second poumon, un nouveau souffle, quelque chose de plus grand que lui, qui l’emportait, qui le transcendait, et il sut à cet instant même qu’il n’arrêterait jamais.
Ils poursuivirent un instant; ç’aurait pu être des heures, puis Celia fit signe à leurs compagnons qu’ils pouvaient estomper leurs efforts. Elle le fixa ensuite, lui, de cet air moqueur et puissant qui le fascinait, lui décocha ce même sourire qui le dévorait, et lâcha, sans équivoque :
“Tu es nul.”
Ah. Il n’eut pas le temps de formuler sa déception, toutefois. Une main joueuse se posa dans ses cheveux et força son crâne à descendre au niveau de la Belle. Une voix joueuse, un ton sensuel se glissa au creux de son oreille :
“Mais je vais t’apprendre.”
Un sourire ravageur bourgeonna sur ses lèvres.
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Edward White
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Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Dim 16 Fév - 19:12
En speed-dating
Edward ne reconnut pas la pièce, quoi qu’elle ressemblât au Lost. Sa disposition surtout. Le bar à sa gauche, les portes des cuisines juste derrière, la scène au fond, vide, mais éclairée. Les rideaux étaient ouverts, pourtant le tissu rouge constellé de cœurs blancs, lui était inconnu. De même que la banquette où il était assis. Épaisse et molletonnée, elle formait un carré presque fermé qui isolait sa table du reste de la salle. Autour de lui, des ombres colorées, attablées, discutaient dans un murmure monotone et constant. Impossible d’en saisir le moindre détail. Le ballet des serveurs lui parut mécanique, presque orchestré. Pourtant le rythme était trop rapide et trop sec pour coller avec la mélodie suave et caressante qui baignait les lieux. – La carte monsieur. Un dépliant étroit lui glissa entre les mains. Il ne s’entendit pas remercier le serveur transparent, déjà repartit. Machinalement, il vérifia la qualité générale avant de s’intéresser à son contenu. Une teinte rose fanée, des lettres manuscrites aux boucles énormes et florales au milieu de textes plus rigides, mais élégants. Il la referma, crut lire le nom de l’établissement, mais l’oublia aussitôt. Alors il la rouvrit, sans savoir ce qu’il cherchait, ni même s’il avait faim.
Les oubliées.
Soudain, un chuchotement très proche lui fit relever la tête. Edward sursauta. Assises à sa table, se trouvaient deux femmes assez âgées qui discutaient tout en le regardant en coin. Il ne les connaissait pas, mais elles lui parurent suffisamment familières pour le mettre mal à l’aise. Sur la défensive, il demanda : – Qu’est-ce que vous voulez ? Elles ne durent pas l’entendre, car elles poursuivirent leur échange comme si de rien n’était. Cela agaça le loup. Il s’agita, se pencha un peu plus sur la table qui les séparait, espérant mieux cerner leurs figures, mais en vain. Il eut l’impression désagréable que, chaque fois qu’il en observait une en détail, les traits de l’autre bougeaient, s’estompaient ou se renforçaient. Son malaise, lui, demeurait. Elles furent servies sans qu’il ait souvenir de les avoir entendues commander. Il discerna à peine les gants blancs du serveur lorsqu’il déposa devant elles, deux plats en sauce dont l’odeur lui retourna le cœur. Ça sentait la maison. Sa maison. Il en avait déjà mangé, il en était certain. Il voulut demander la même chose, mais la carte n’était plus là. – Qu’est-ce que vous mangez ? Les assiettes continuèrent de s’alléger sans qu’il obtienne une réponse. Toujours à bavarder, à l’ignorer. Sa patience s’effrita. – Qu’est-ce que c’est ce plat ? D’où il vient ? Entre deux regards mauvais, elles rirent. La fourchette pleine disparut dans la bouche de l’une, l’autre planta la sienne dans un juteux morceau de viande. N’y tenant plus, le loup blanc se dressa et abattit violemment ses paumes sur la table : – Répondez ! Enfin, elles se figèrent et se turent. Edward, plus essoufflé qu’il n’aurait dû, plus affamé qu’il n’aurait cru, scruta les plats presque vides. Puis l’une d’elle murmura, sa bouche grimaçante cachée derrière sa serviette : – Quel sauvage. – Oui… Il est effrayant. – Heureusement que nous avons Vladimir. – Oui… heureusement. – Donnez-moi ça !
Gigi.
– Oh trésor, si j’avais su que vous aviez si faim, j’aurais demandé un petit déjeuner plus conséquent ! Face à lui, la louve souriait. Avec une grâce langoureuse, elle tendit sa main gantée par-dessus la table et effleura celle d’Edward. Il la regarda faire, découvrant entre ses doigts, les restes broyés d’un croissant. Il était debout, il avait faim, horriblement faim, mais il n’était plus certain qu’elle puisse être comblée par un aliment, quel qu’il soit. Gigi fit claquer sa langue. Sa caresse glissa jusqu’au poignet d’Edward et remonta agréablement sous sa manche. Le loup blanc frissonna et cela la fit rire. – Vous connaissez la devise de ma maison. Je ne laisse jamais repartir un loup, sans qu’il soit rassasié. Elle se leva à son tour avec ce petit mouvement de reins qui n’appartenait qu’à elle. Entre ses dents blanches, elle coinça le gant de sa main libre et le retira, lentement. L’autre remontait toujours sur ce bras solide, dévoilant une peau plus marquée par les coups que par les caresses. La soie tomba au milieu des débris de viennoiserie. Ses boucles brunes, soudain libres de leur chignon, se mouvaient sauvagement autour de son visage. Elle se rapprocha encore. Un sursaut fit reculer Edward, mais trop tard. Le piège se referma à l’instant où les doigts nus de la louve s’emmêlèrent à ses cheveux. Son corps devient chaleur, son regard animal et sa faim redoubla. Il l’étreignit, elle lui ôta sa cravate. Il la mordit, elle ouvrit sa chemise. Il retomba sur la banquette, elle le surplomba avec délice. Il ferma les yeux.
Elise.
L’étreinte sur sa gorge le fit hoqueter. Son sang se glaça quand il comprit. Échevelée, enragée, Élise Voelsungen voulait sa mort. Elle vociféra. Ses yeux rouges, vides de larmes, étaient percés de deux iris glacés et fiévreux. Ses lèvres, contractées en une horrible grimace souriante, donnaient à sa figure déformée, un mélange de dégoût et de satisfaction. Edward saisit sans force ses bras vengeurs. Il ouvrit la bouche, mais elle renforça son étau et il s’étrangla. – Tais toi ! Tais toi ! Elle hurlait, crachait dans leur langue natale. Tout son poids pesait sur sa gorge. Il sentit ses ongles percer sa peau, vit son sourire s’étirer à mesure qu’il pâlissait, que son pouls ralentissait. – Tu n’es qu’un monstre ! Tu dois périr Vyresh ! Tu sais que j’ai raison ! Il savait. – Tu n’es pas digne d’être… Mais ça changerait. Elise cria sous la surprise. Durement repoussée, elle renversa la table, perdit l’équilibre et chuta. Enfin libre, Edward prit une grande bouffée d’air, sa main plaquée sur sa gorge. Pantelant, le souffle chaotique, il dut s’appuyer sur le dossier de la banquette pour réussir à tenir debout. – Je vais me racheter. Au sol, la louve aboya, le visage dissimulé par sa chevelure folle : – Jamais ! – Je deviendrai meilleur ! Elle se crispa, un hoquet la secoua. – Tu seras toujours mauvais ! – Je te prouverai le contraire. Du bout des doigts, elle effleura un couteau tombé près d’elle. – Je te tuerai ! – Pour Yvan. Le saisit. – Ne prononce pas son nom ! Et frappa.
Anastasia.
La pression amicale sur son épaule s’effaça. Ani s’avança, puis s’assit face à lui. Elle récupéra distraitement l’une des cartes à disposition et la consulta tout en entamant une transformation méticuleuse de sa serviette en confettis. – Je sais ce que tu t'es dit : « C’est louche qu’elle m’invite. » Donc avant que tu te fasses des idées, non Ed, il n’y aura jamais rien entre nous. J’aime vraiment Vladimir. – Je ne me faisais pas d’idées, mais maintenant j’ai la nausée. Merci. Il se jeta au fond de son dossier en bougonnant et elle gloussa, fière d’elle. Sa serviette ne ressemblait déjà plus à grand chose, alors elle commença à torturer la carte. – La « bavette à l’échalote » me tente bien. Tu sais ce que tu prends toi ? Il n’avait pas regardé. À vrai dire il s’en moquait. L’angoisse, mêlée à une colère lointaine, lui comprimait l’estomac. La raison lui échappait. Tout ce qu’il savait, c’était que ce moment serait désagréable. Autant y mettre un terme. – Ani… – Oui je mangerai tes légumes. Mais tu devrais te forcer un peu ! – Jamais. Et puis ce n’est pas ce que je voulais dire ! – J’en envie de tester leur « trio de viande rouge » aussi. Hm… C’est dur de choisir ! On partage les plats ? Elle releva la tête, avisa son air renfrogné et haussa les sourcils : – Quoi ? – Pourquoi tu m’invites ? – Tu es mon beau-fr- – Arrête. Elle soupira et son assurance disparut. D’un geste fébrile, elle repassa une mèche d’ébène derrière son oreille, le regard fixé sur la table. Edward s’agaça. Rejetant tête en arrière, il scruta un plafond trop haut pour être distingué et abandonna : – Crache le morceau. – Ne commence pas. Je fais de mon mieux, mais ce genre de chose… C’est pas mon truc. – M’en mettre plein la tronche ? Tu te défends d’habitude. Silence. Bizarre… Le loup blanc se redressa et découvrit la mine circonspecte de sa belle-sœur. Elle cligna des yeux deux ou trois fois, puis éclata de rire. À son tour de ne plus rien comprendre. Deux mains sans corps déposèrent devant eux des plats jamais choisis. La viande juteuse et parfaitement cuite de son assiette le fit saliver. Ani piqua dans la sienne avec un entrain renouvelé. – Non Ed. Cette fois c’est pour te dire merci. Il s’arrêta avant de planter ses crocs dans sa fourchette. Le feu brûlant qui lui réchauffa les joues se propagea en une chaleur plus douce dans le reste de son être. Un sourire idiot fendit son visage. – Merci ? – Ne m’oblige pas à répéter ! C’est suffisamment gênant comme ça ! – Mais merci pourquoi ? Une excuse pour l’entendre, encore. – Pour ta viande ! – Non ! Il protégea son assiette et mordit à pleines dents dans sa fourchette.
Cordélia.
Une saveur atroce et indescriptible envahit son palais. Amer, pâteux, gluant, le corps étranger se disloqua et chercha à pénétrer sa gorge. Un haut-le-cœur souleva Edward qui se mit à tousser. Sa main collée contre ses lèvres il cracha, sans pouvoir s’en empêcher, les restes d’un chou de Bruxelles. – Répugnant. Droite et fière, ses cheveux blancs noués en une indéfectible queue de cheval, les iris d’acier de Cordélia transpercèrent ceux d’Edward. D’un coup de couvert maîtrisé, elle planta un, deux, trois légumes et les fit disparaitre entre ses lèvres sans le moindre soubresaut. – C’est ça notre roi ? Incapable de se tenir ? Il s’était essuyé les mains et la bouche sans un mot. Un besoin d’insolence le chatouilla. Le regard sombre, il repoussa son plat végétarien jusqu’au bord de la table, elle fronça les sourcils. – N’y pense même pas. – Pourquoi ? Toujours à critiquer, toujours à demander de faire mieux, de faire différemment. Juste pour le plaisir de le contrarier. Jamais il ne la contenterait, il le savait. Elle refusait de lui dire pourquoi. – Tu crois que parce que tu as trouvé un enfant à confier à ma fille tout t’es permis ? L’assiette glissa un peu plus loin. – Je n’ai jamais dit ça. – Tu penses que tu es pardonné parce que tu es… « stable » maintenant ? Que tu assumes tes responsabilités ? Encore. – Non. – Tu attends des « hourras » et des « mercis » alors que tu ne fais qu’éponger ta dette ? Plus loin. – Non ! – Tu sais que ce sera jamais suffisant ? Stop. – Je sais. Il inspira profondément. – Mais peu importe. Le plat vola, balayé par la force du loup. Il explosa contre la banquette, son contenu se répandit au milieu de la porcelaine brisée. Cordélia se leva, effrayée : – Eduard ! – Je suis le seul à décider de la façon dont je dois la payer. La deuxième assiette subit le même sort.
Dolores.
– Mon légume préféré, c'est le rutabaga parce qu'il a un nom rigolo. J'aime beaucoup les salsifis aussi pour la même raison. Je crois que celui que j'aime le moins c'est la carotte, parce que déjà le mot carotte n'est pas super original, et puis j'ai toujours trouvé louche que ce soit orange comme ça, comme si le légume voulait se faire passer pour une orange, l'air de rien. Franchement je suis sûre qu'elles cachent quelque chose. Tu ne veux vraiment pas goûter la soupe ? Je l'ai préparée avec beaucoup d'amour, j'ai même pris le soin de nommer tous les légumes que j'ai découpé. Il y avait Brundula, Grochnunu, qui était assez désagréable en passant, et Pl, oui pour celui-là j'avais pas d'idée et il pleuvait du coup j'ai pensé à Pl. C'est un peu compliqué à prononcer cela dit, est-ce qu'il faut dire plutôt pleuh, ou peul ? De toute manière elle est dans la soupe maintenant. Ah je vais te redonner une couverture ne bouge pas. Regarde, elle ne te dit rien ? Même si je te montre l'énorme trou qu'il y a au milieu ? Oui c'est celle que mon père t'avait donnée quand tu étais venu chez nous, et tu avais mis un gros coup de griffe. Je l'ai gardée oui, elle a ton odeur et ce sera toujours utile, comme aujourd'hui d'ailleurs. Tiens regarde, si je fais passer ta tête par le trou, on dirait un poncho ! Bon comme tu ne veux pas de ta soupe, je vais tout de suite désinfecter les plaies. Allez arrête de faire la grimace, tu devrais avoir l'habitude maintenant. Tu sais, des fois je me demande si tu ne m'as pas fait venir à Paris pour te permettre de faire n'importe quoi avec l'assurance que je m'occuperai de toi une fois rentré. Je n'ose même pas imaginer l'état dans lequel tu serais si je n'étais pas là. Enfin je ne me plains pas, au moins je sais que je peux t'aider à panser certaines blessures. Pas toutes évidemment, car môssieur est trop orgueilleux pour ouvrir les plus profondes, mais au moins les petites comme celle-là, j'en fais mon affaire. Tiens lève le bras gauche. La jambe droite maintenant. Non il n'y a pas de raison particulière, j'avais juste envie. Bien voilà, il faut finir de te sécher maintenant. Oh, à tes souhaits !
Madame Jò
– Oh, non non non ! Mon chou, on ne s’essuie pas le nez avec la manche de son son habit, ce ne sont pas des façons. Penaud, le loup baissa la tête. Elle avait raison, mais il avait oublié. Il renifla bruyamment. – On ne renifle pas non plus ! Kamilia Jó Bárány, plus connue sous le nom de Madame Jò, tira de son noble décolleté hongrois, un mouchoir en tissu qu’elle déplia d’un geste énergique. Elle l’agita au vent en étendard des bonnes manières. – N’avez-vous pas votre mouchoir ? Il fouilla ses poches et en sortit un carré de coton immaculé au pourtour brodé d’une dentelle fine. Un véritable trésor de délicatesse qu’il s’apprêtait à souiller. Sa bienfaitrice identifia ses doutes et l’encouragea : – Ne vous inquiétez pas, il est prévu pour cela. Alors il se moucha. Sans discrétion, sans pudeur. L’action avait quelque chose de bizarre et de non naturelle. Il fallait bien réfléchir pour ne pas se tromper. Il s’essuya la truffe au mieux, puis replaça le tout en boule dans sa veste trop étroite. Madame Jò sourit et le félicita. Cela lui fit plaisir et il lui rendit son sourire. – Bien. Voyons si les leçons sur le repas sont comprises. Deux mains gantées déposèrent une assiette sous sa truffe, il la détailla avec appétit. Une sauce forestière parfaitement lisse coulait lentement sur un épais carré d’agneau tendre et juteux. Un accompagnement de champignons de toutes sortes, caramélisés à souhait, attendait en bordure d’un tout petit tas de pommes de terre anormalement appétissant. Il voulut y plonger les doigts, mais un raclement de gorge lui rappela la bonne conduite à tenir. Des rails de couverts s’étirèrent de part et d’autres de son plat, tous différents, mais tous semblables. Il était certain de connaître la réponse, mais elle lui échappait. Alors il se concentra. – Je vous aide. C’est le plat principal. Il prit un air plus confiant, mais n’était pas plus avancé. Hésitation. Sa main passa et repassa au-dessus des couteaux, ralentit souvent, pencha pour un, mais un froncement de sourcil le fit dévier vers un autre qu’un faible hochement de tête confirma. Les fourchettes suivirent la même absence de raisonnement et, enfin, il put manger. – Régalez-vous mon chou. Elle repoussa son assiette vide et s’accouda à la table, les mains jointes sous son menton. Son sourire gonfla ses pommettes au-dessus desquelles s’embrasa un regard émeraude. – Savez-vous quelle idée extraordinaire j’ai eu cette nuit ? Il redressa la truffe, pencha un peu la tête. Sa fourchette débordante se rapprocha de sa bouche entrouverte, mais il écoutait. Madame Jò avait toujours d’étranges idées et il aimait les entendre. – Changeons votre nom ! Que diriez-vous… D’Edward White ? Il s’étouffa.
Évelina.
– Mange doucement Eduard. Tu as le temps. Il leva très légèrement la tête et tomba, sans pouvoir se rattraper, dans d’abyssaux yeux bruns. Évelina se tenait droite, la longue chevelure noire encadrait son visage de craie aux traits fatigués, mais admirables. Elle l’observait en silence, bienveillante et patiente. Un masque de sérénité sous lequel se heurtaient un nombre incalculable d’émotions. Il l’avait écouté, sans la croire. Une peur sauvage, un instinct farouche lui dictait une conduite qu’il savait aussi absurde que nécessaire. Pourtant il voulait lui faire plaisir. Violemment, totalement, avec une rage et une passion incontrôlable qui le dévorait vivant. Alors il mangea plus doucement, du bout des doigts, mais referma son bras autour de son plat, le protégeant jalousement. Il pensait qu’elle serait contente, mais il crut qu’elle allait pleurer. Son cœur se fendit en deux, il eut envie de pleurer aussi. Mais Évelina se reprit et la main fébrile qu’elle avait portée à sa bouche horrifiée, retrouva très tranquillement le bois de la table. Sa voix était parfaitement tranquille lorsqu’elle abandonna : – Ici personne ne prendra ton repas. Allons redresse toi mon chéri, tu vas te salir. C’était si dur. Il obéit un peu, mais son angoisse ne le quittait pas. Il devait manger maintenant, prendre des forces pour survivre. Un effort supplémentaire fut encouragé par un sourire. Mais ses mains puissantes restaient agrippées à son assiette. Lâcher prise. Juste un peu. Pour elle. Un son sec. La vaisselle, en miettes, lui resta entre les doigts. Déferlantes de panique et d’excuses se mêlèrent à ses paroles sans mot. Des sons à l’intonation inégale, des grondements inarticulés accompagnèrent ses mains énormes et impotentes qui tentaient de recoller des morceaux au milieu des restes du repas. Qu’est-ce qu’il avait fait ? Qu’est-ce qu’il avait fait ? – Eduard, tout va bien. Assise à ses côtés, Évelina enserra délicatement ses poignets et les retira du chaos. Il tremblait, gémit ce qui ressemblât à une demande de pardon. Elle resta parfaitement calme et commença à essuyer ses mains. Il s’était coupé. Elle nettoya la plaie, puis la couvrit d’un léger baiser. Il s’apaisa immédiatement. Elle reporta sur lui son regard insondable et glissa, de la tendresse plein les lèvres : – Tu t’en souviens. Il se souvenait.
Elvira.
– Hm ? C’est quoi cette tête ? J’ai quelque chose sur le visage ? Du dos de la main, Elvira essuya sa jolie bouche et ses joues trop rondes qui la rajeunissait. Installée à sa gauche, leurs épaules se seraient presque touchées si elle n’avait pas été si petite et lui si grand. Elle l’avisa à nouveau et comme il ne la quittait pas des yeux, elle recommença avec plus d’application, puis se fâcha tout à fait. Un coup de poing énergique, mais sans force heurta son épaule : – Mais dis moi à la fin ! Abruti de loup ! Il sourit. Un vrai, grand et beau sourire. – Non. C’est plus drôle comme ça. Elle le fusilla de son regard anisé, puis reporta toute sa frustration sur la cuisse de faisan grillé qu’elle tenait entre ses doigts. Il transpirait quelque chose d’animal et de sauvage dans ses gestes vifs, tout en demeurant terriblement séduisants. Une bouchée : – C’hui chûre j’ai rien. Il croqua dans la sienne. – P’t’êgre. Elle déglutit et agita la main, avec le petit air supérieur des dames de la haute. – On ne parle pas la bouche pleine, lycan. – Tu l’as fait il y a deux secondes ! – Tu as une preuve ? – Ma bonne foi. Elle explosa d’un rire adorable, à peine plus aiguë que son timbre habituel. Edward se renfrogna faussement, masquant difficilement sa joie. Il avait le cœur dans les oreilles et le feu aux joues. – Tu es insupportable. – Pour ça que tu m’aimes. Elle ne répondit pas, elle ne répondait jamais. Elle termina son repas en se léchant les doigts. Le geste semblait innocent, mais il s’en dégagea une telle sensualité que le loup fut certain qu’il était parfaitement calculé. Il déglutit péniblement. Dans sa tête, son désir explosa en un bruyant feu d’artifices. Il entrouvrit la bouche. – Tu payes. Douche froide. – Q-quoi ? – Je t’attends dehors. – Mais Elvi je… Elle s’éloigna et s’effaça derrière les ombres dansantes des clients et du personnel. Edward s’était levé, il vida ses poches en catastrophe. Rien. Fouilla celles de sa veste et en arracha littéralement son porte-feuille. Il le renversa, le secoua, mais pas le moindre centimes ne tomba. – Elvira ! Il scruta la foule à sa recherche. Les silhouettes informes et volubiles n’ondulaient plus, leurs regards vides le fixaient avec insistance. Des murmures pleins de fiels et de reproches gonflèrent dans la salle. Il les sentit lui transpercer le crâne. Il fallait payer. S’il payait il pourrait la revoir. Enfin, quelques billets craquèrent sous ses doigts. Il les jeta rageusement sur la table, mais une autre addition apparut. Puis une autre, encore. Elles s’empilèrent jusqu’à tout recouvrir. Il ne voyait pas les montants, mais il les savait énormes. Il chercha d’autres billets, d’autres pièces, n’importe quoi. Autour de lui, les murmures augmentèrent. Tous s’étaient rapprochés et commentaient d’un ton sifflant et empoisonné, le moindre de ses gestes. Plus d’argent, alors il laissa sa montre à gousset, sa veste de tailleur, ses chaussures de bonne facture. Il abandonna les clefs du cabaret, son titre de juge et sa couronne de roi.
Quand il n’eut plus rien à offrir, on réclama son corps. Non ! Il avait payé. Il était libre.
Alors l’établissement s’éventra, la lumière l’enveloppa et à son tour, il s’effaça.
B.O.N.U.S - - - - - -
Andréa.
Dans un premier temps, l’éclat de l’aube aveugla Edward et il referma les yeux. Un souffle chaud et régulier contre son bras l’invita à les rouvrir. La douce clarté du matin dessina, tout contre lui, la silhouette endormie d’Andréa. Ses cheveux noirs en désordre, masquaient à peine son visage juvénile qu’un sommeil profond rendait plus innocent encore. Il était recroquevillé, ses bras nus, repliés contre son maigre buste, semblaient vouloir dissimuler l’hideuse cicatrice qui dévorait sa peau. Ses poings fermés, mais pas clos, tressaillaient de temps en temps, comme s’ils interprétaient une mélodie onirique qu’il était le seul à entendre. Ses pieds dépassaient de la couverture, comme toujours. Edward sourit. Avec une délicatesse paternelle, il dégagea doucement son visage et murmura : – Je crois que je n’aurais pas dû t’expliquer le « Speed dating » hier soir. Andréa bougea légèrement. Un petit soupir s’échappa de ses lèvres et il s’enfonça de quelques centimètres supplémentaires sous la couverture. Son oncle arqua un sourcil, amusé. – Je vois. Comme ils étaient seuls, comme personne ne saurait jamais, Edward se rapprocha. Il embrassa tendrement son neveu parmi ses mèches éparses et après l’avoir soigneusement couvert, il se leva.
H.R.P:
Alors… Je suis peut-être parti un peu loin, mais j’avais envie d’essayer cette idée. J’espère que ça vous plaira )o)
Pour ceux que ça intéresse :
Explications /!\ Spoils:
Toutes les femmes qu'Edward a croisé ici ont eu une influence sur sa vie.
Les oubliées : Ses grands-mères dont il n’a qu’un vague souvenir.
Gigi : Louve qui l’a accueilli à Paris
Elise : Maman d’Aldrick
Anastasia (Ani) : Sa belle-sœur
Cordelia : La mère d’Ani
Dolores : Le fantastique Docteur Kellerstein qui a eu la gentillesse d’écrire sa partie dans son style si unique. Merci Dotty !
Madame Jò : Celle qui a transformé Eduard Wolkoff en Edward White
Evelina : La première (sa mère)
Elvira : Elle
Le bonus était la cerise sur le gâteau, un petit peu de fan-service personnel.
Par ailleurs : Fred > Un papa Freddy ! oAo J’ai trouvé l’idée géniale et en même temps flippante. Des minis-toi perdus dans Paris. T’as intérêt à gérer toute ta marmaille avant que la ville explose ! xD Aly > Joli ! J’avais pas vu venir le coup d’Elise. Finalement elle a un cœur ! (Oui je dis ça à chaque fois) Tu me fais jamais des petits plats comme ça à moi ! Ashton > Yeah /o/ Préférence pour la deuxième, mais yeah quand même ! Deux ambiances très différentes c’est fort. Pas facile d’imaginer Ashton raide comme un piquet en plus XD
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Wup:
Ryden Haesmar
Who will save you now ?
Messages : 332 Date d'inscription : 24/10/2014 Localisation : Près des femmes ou des cadavres
Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Sam 22 Fév - 15:36
Rendez-vous avec un admirateur secret
Dissimulé dans l’ombre d’une église, vous apercevez une porte rouge. Au premier abord, elle n’a rien de particulier, mais vous savez, derrière celle-ci, un tout autre univers s’ouvre à vous. Vous lisez l’écriteau. Aussitôt vous sentez votre cœur palpiter. Votre esprit est déjà fébrile à la simple idée de ce qui vous attend. Le grand jour est enfin arrivé. Il vous attend. Vous vous apprêtez à pénétrer à l’intérieur, mais vous arrêtez votre mouvement à mi-chemin. Le doute vous submerge soudainement. Est-ce que tout est parfait ? Vos vêtements ? Votre coiffure ? Peut-être devriez-vous remettre cette rencontre ?
Non !
Vous prenez une grande respiration, puis vous vous examinez. En vous penchant, vous sentez une mèche rebelle vous chatouiller la joue. Vous essayez de la discipliner, mais après deux tentatives, vous abandonnez. Peut-être est-ce mieux ainsi. Après tout, elle vous donne un petit côté sauvage. Finalement, vous prenez votre courage à deux mains et vous entrez à l’intérieur. Aussitôt une bourrasque de chaleur vous frappe. Votre odorat, en ébullition, capte des effluves à la fois familiers et exotiques. Vous ne savez pas où porter votre regard. Il y a un tel tumulte. Une femme d’une grande beauté et à la chevelure de feu vous accueille d’un sourire coquin. D’une petite voix hésitante, vous demandez à voir le Démon. Elle vous sonde un instant. Vous apercevez alors une étrange expression sur le visage parfait de la dame. Vous essayez de l’interpréter. Qu’est-ce qu’elle signifie ? Vous la connaissez, vous le savez. Vous avez la réponse sur le bout de la langue, mais elle se refuse à vous. Finalement, la femme hausse légèrement les épaules en acquiesçant. Puis, elle vous dirige vers le lieu de votre désir.
Après quelques pas dans un long corridor, elle vous désigne une porte.
- Bienvenue dans l’Éden. Installez-vous confortablement, il arrivera dans un instant.
Vous entrez à l’intérieur. Dans la chambre, vous découvrez en son centre un magnifique pommier garnit de délicieux fruits. Sous ses branches trône un lit à la fois coquet et étrangement simple, mais vous le voyez à peine. Ce qui vous intrique est cet arbre. Comment fait-il pour survivre dans cet environnement pourtant inhospitalier ? Vous vous en approchez et fixez ses racines. Mais comment !? Votre vue vous joue-t-elle un tour ? Le pommier semble profondément ancré dans le plancher de bois comme s’il s’agissait de la terre.
Puis, vous vous résignez à comprendre. Après tout, vous n’êtes pas venu ici pour résoudre un mystère. Alors, vous vous assoyez sur le lit et attendez. Les secondes passent, interminables. Vous sentez votre sang bouillir d’impatience dans vos veines.
C’est alors qu’il fait son entrée. Cela fait des semaines que vous l’épiez et maintenant il est là, à moins d’un mètre ! Cet homme, que dire, cet Adonis se tient devant vous dans toute sa splendeur ! Vous n’en revenez pas. Votre souffle se coupe. Ce doit être en rêve. Un merveilleux rêve. Vous souhaitez ne jamais vous réveiller. Un frisson d’extase vous parcourt l’échine en sentant son regard ambré scruter chaque parcelle de votre corps. Mais lorsque ses iris se fixent dans les vôtres, votre respiration s’accélère. Il vous dévore, vous transperce. Vous avez soudainement l’impression d’être l’unique objet de son désir. À cette pensée, une explosion de chaleur vous envahit. Votre cœur bat la chamade. Peut-on mourir d’envie ?
En le voyant s’approcher lentement de vous, tel un prédateur, vous reculez sur le lit. Plus les centimètres disparaissent entre vous et plus vous la sentez, cette aura qui se dégage de lui. Cette sensualité bestiale, malveillante et pourtant si enivrante, si envoûtante. Un petit hoquet de surprise s’échappe de votre bouche lorsque vous sentez le tronc du pommier entre vos omoplates. Amusé, il vous décoche un sourire ravageur. Dès ce moment-là, vous le savez. Vous êtes complètement sous son emprise, mais ça vous est égal. Vous n’arrivez plus à penser normalement. Même le quitter des yeux vous est tout simplement inconcevable. Vous comprenez enfin pourquoi il se fait appeler le Démon. Et pourquoi Ève n’avait aucune chance contre le serpent dans l’Éden.
- Êtes-vous prêtes à goûter au fruit défendu, mes chères amies ? Deux petites têtes reptiliennes sortent soudainement du feuillage. Leur langue bifide vous frôle le nez, captant votre odeur, mais vous en avez à peine conscience.
- Laissez-moi vous présentez les deux amours de ma vie : Torture et La Mort. Vous voyez les deux serpents descendre de leur branche et s’enrouler autour des bras musclés de l’homme. Celui-ci les approche avec tendresse de son visage et les observe à tour de rôle.
- Ou est-ce La Mort et Torture ? Je n’arrive jamais à les différencier. Peu importe, ne sont-elles pas magnifiques ? C’est à ce moment-là que vous sentez la jalousie vous consumer. Vous décelez dans son regard un amour passionnel. Mais est-ce vraiment les reptiles l’objet de sa dévotion ou plutôt ce qu’ils représentent ? La réponse vous importe peu, vous voulez ÊTRE cette adoration ! Vous le DEVEZ !
- Savez-vous d’où vient leur nom ? Son regard revient sur vous, dès lors, vous vous sentez à nouveau sous son emprise. Toute jalousie vous quitte. Vous secouez machinalement la tête de droite à gauche. Encore une fois, vous vous en foutez de la réponse. Vous désirez seulement entendre cette voix, cette mélodie de sensualité. Vous ne voulez pas qu’elle s’arrête. Elle doit continuer. Vous en avez besoin.
- De leur venin. Son regard se décroche du vôtre et va vers le serpent à sa droite. Une morsure de La Mort et, comme l’indique son nom, vous mourrez à coup sûr dans d’atroces douleurs, mais rapidement. Il tourne ensuite son attention vers le reptile à sa gauche et lui grattouille le dessous du menton. Tandis que, ma préférée, Torture, son poison agit lentement, mais il vous fait vivre une expérience extrêmement terrifiante.
Vous le voyez se pencher vers vous et vous adresser un sourire aguicheur. Avec une voix lascive, il vous murmure :
- Cependant, détrompez-vous, elle est tout aussi mortelle que l’autre. Alors, avez-vous une préférence ? Il se redresse. Ah ! Mais que je suis bête ! Vous n’avez pas votre mot à dire. Mesdames, c’est à votre tour.
Aussitôt vous voyez les deux serpents quitter les bras de l’homme et disparaître dans le feuillage du pommier. La panique vous envahit. Vous entendez le frottement de leurs écailles sur les branches. Vous savez qu’elles se rapprochent de vous. Mais vous êtes incapable de les repérer. Vous sentez votre cœur s’affoler. Vous cherchez une échappatoire. Soudain votre terreur s’intensifie. Votre regard vient de croiser le Sien. Ce que vous lisez sur son visage vous affole. Il n’y a plus rien de langoureux dans ses iris ambrés. Au contraire, il a tout du prédateur vicieux s’amusant avec sa proie. Sans vous laisser le temps de réagir, il vous attrape les pieds et vous tire vers lui. Il vous plaque ensuite solidement contre le matelas. Vous vous débattez. En vain. Il est plus fort que vous. C’est alors que vous les voyez. Ces deux yeux aux pupilles verticales. Elle est là, à vous scruter froidement, au-dessus de vous. Est-ce Torture ou La Mort ? Vous voulez crier, supplier, mais rien ne sort. Votre peur vous paralyse.
Et soudain, vous la sentez. Cette douleur. Cette terrible douleur qui éveille vos nerfs. Vous sentez deux crochets perforés votre chair, tout près de votre clavicule. Mais comment ?! Puis vous comprenez qu’il s’agit de l’autre serpent.
- Ppp…pour… ? Arrivez-vous à dire en fixant à nouveau votre regard dans celui de l’homme.
Avec un sourire carnassier, il vous répond en se délectant de vos derniers instants :
- Pourquoi ? Parce que l’obsession est un très mauvais défaut.
Vous sentez alors une larme couler le long de votre temple et vous comprenez enfin l’expression que vous avez vue plus tôt sur le visage de la femme.
Mais il est trop tard. Beaucoup trop tard.
_________________ Je vous insulte en #330000
Comment décrire Ryden ?
Ouadji Oursou
Who is in control ?
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Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Dim 23 Fév - 14:03
🧸 Amour d'enfance
Delphes, plusieurs siècles avant votre naissance.
Étendu dans l’ombre d’un olivier, un jeune garçon écoute distraitement la vie tumultueuse des paysans en contrebas. Il entend les marchands tenter de convaincre les passants, un fermier s’époumoner contre son âne et il y a cette voix. Parmi tous les autres sons, elle est là, au-dessus de lui, aussi claire, douce et cristalline que de l’eau. Elle a toujours été là. Partout où il va, elle le suit. Ils sont indissociables. Elle le fait rire lorsqu’il s’ennuie, le réconforte quand il est triste, lui donne du courage quand il a peur. Cette voix, il ne peut concevoir la vie sans l’entendre. Même en cet instant, elle ne cesse de parler.
- Aïe ! Il se redresse soudainement en ouvrant les yeux et se frotte le front. Il découvre devant lui une branche cassée. Il lève la tête et l’aperçoit. La coupable. Cette fillette qui lui adresse un grand sourire semi-désolé, semi-innocent. Pour toute excuse, elle lui crache un pépin d’olive avant d’éclater de rire avec un air de défi. D’un bond, le gamin se lève. La guerre est déclarée entre eux ! Mais plus rapide que lui, il la voit sauter de l’arbre avec une agilité féline. Il la poursuit alors qu’elle court vers la prairie en criant de joie.
Arrivée en haut de la colline, elle s’arrête soudainement et se retourne vers lui. Un énorme sourire élargit encore plus ses traits enfantins. Le gamin l’a rejoint quelques secondes plus tard, plus intrigué que jamais, et c’est là qu’il aperçoit la plus belle créature au monde. Elle se tient paisiblement, à une cinquante de mètres. Sa longue robe blanche parsemée de taches noires au niveau des genoux virevolte légèrement au gré du vent. Elle relève la tête, dévoilant une tignasse frisottée qui dissimule un visage d’ébène. Et ses magnifiques oreilles, que dire ! D’une longueur parfaite, elle se dévoile timidement à travers son épaisse chevelure. Avec ses yeux d’un noir de jais, elle les observe un instant, intriguée, hume l’air avec son joli petit mufle, puis se met à sautiller de joie. Ils la voient sauter à droite, à gauche, tourner sur elle-même. Elle les a reconnus. Les deux gamins se lancent alors un regard complice et à l’unisson, ils crient d’une voix remplie d’excitation :
- LES BÊÊS Sitôt dit, sitôt ils dévalent la pente pour rejoindre le troupeau de moutons en ricanant bêtement. À leur approche, de nombreuses têtes se lèvent, certaines curieuses, d’autres inquiètes. Plusieurs bêtes se mettent à bêler fortement, à trépigner le sol, avertissant leurs congénères d’un possible danger, mais cessent dès qu’elles reconnaissent l’odeur particulière des deux petits bipèdes. Habituées à leur présence, la plupart retournent à leur occupation première tandis que les gamins courent entres-elles. Ils finissent par rejoindre leur amie, une jeune brebis d’un an, et lui sautent au cou. Tous les trois tombent à la renverse. Puis, comme tout enfant de leur âge, ils se mettent à jouer ensemble, sautant et s’imitant les uns les autres jusqu’à l’épuisement, oubliant tous les tracas de leur jeune vie.
*** ***
Étendu dans l’herbe haute, le gamin admire le coucher du soleil sous ce paysage montagneux. Du haut de la colline, il voit sa ville s’éclairer lentement de feu. Soudainement, le vent souffle une douce brise chaude. Il tourne son regard vers le petit être, qui sommeille, emmitouflé dans le pelage de la brebis. Un tendre sourire apparaît sur son jeune visage. Même lorsqu’elle dort, il continue à entendre cette voix qui lui est si chère.
Non, le sphinx ne peut concevoir sa vie sans elle.
Pour les fins connaisseurs:
Vous aurez peut-être compris que la race de moutons décrite est le Nez Noir du Valais et qu’il est impossible de les retrouver en Grèce. Eh bien, je vous répondrai : Vous avez parfaitement raison ! Mais ils sont tellement mignons !! Et puis, on peut bien se permettre un peu de fantaisie, non ^^
Edward White
l Dans l'ombre du loup l BIG BOSS l
Messages : 2449 Date d'inscription : 21/12/2010
Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020 Dim 8 Mar - 21:48
Merci à tous les participants !
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Sujet: Re: Histoires de cœurs - Saint-Valentin 2020