L'ambiance au café d'Allan Miller regorgeait toujours d'énergie et il faisait bon y vivre. Peut-être était-ce en partie grâce aux couleurs chaleureuses de la décoration... Mais il faut dire que cela devait également être tout simplement parce que l'on sentait que l'on était en présence de personnes sympathique. L'explication de cette harmonie et cette bonne entente était pourtant bien simple : chacun des employés acceptait les autres, quel que soit leur passé, quelles que soient leurs différences. À vrai dire, bien peu de questions étaient posées, chacun savait respecter le silence de l'autre, sachant qu'il valait souvent mieux ne pas rouvrir de vieilles blessures. Sans doute était-ce ce qu'appréciait Samuel, ce qui le poussait à continuer à travailler là malgré le malheur qu'il pouvait attirer où qu'il aille, même indirectement. Ainsi, ceux qu'il se plaisait à considérer comme des amis ou des frères, n'apprendraient sans doute jamais le monstre qu'il était réellement... Pourtant, d'un autre côté, il détestait cet inconnu, ce vide dans sa tête et dans son cœur. Tous ses souvenirs de son existence humaine lui avaient été enlevés, si ce n'est quelques bribes lui étant revenu lorsqu'il avait vécu avec Alicia, sa sœur. Qu'il nommait que très peu, d'ailleurs, même dans ses pensées... À quoi bon. Cela ne lui faisait que plus mal encore, transperçant son cœur d'un millier de couteaux... Qui plus est, en ce qui concernait ces informations passées aussi, un dilemme se posait. Ne valait-il pas mieux rester dans l'ignorance, parfois, et conserver une innocente pureté ? Si tant on peut toujours en avoir après avoir du sang sur les mains... Encore heureux que notre petit reflet ait un bon fond et qu'il s'émerveille d'un rien.

Oh. Samuel s'était encore perdu dans ses rêveries, ne voyant plus le temps passer. Heureusement, quelqu'un le secoua à temps pour sauver son gâteau... Ses petites œuvres d'art en sucre étaient exquises et aidaient à attirer la clientèle, alors il serait bien dommage que tous ses efforts soient anéantis avant même de quitter le four. Lui se contentait d'hausser les épaules avant de se remettre au travail : lorsque l'on ne pouvait plus rien goûter pendant des années, on finissait par porter une attention toute particulière aux saveurs. Parfois, il en venait à le regretter, pourtant. Lorsqu'on le comparait à un magicien, par exemple, ce qui le faisait pincer des lèvres amèrement... La magie... Il la détestait. Surprenant ? Non, non, pas vraiment, lorsqu'on connaissait la vérité. Tout le monde est fasciné par ces capacités surnaturelles, mais elles finissaient toujours par causer des soucis à quelqu'un... Par exemple, c'était elle qui avait fait de lui ce qu'il était. Derrière le beau, il y avait toujours le laid. Seulement, le temps n'était plus aux réflexions. Son gâteau en pâte d'amande et chocolat, la spécialité du jour, avait suffisamment refroidi pour être servi aux clients qui avaient attendus suffisamment longtemps pour le déguster, bien qu'ils avaient évidemment d'autres sucreries gardées au frais pour combler tous les goûts... Bref. Samuel confia donc ses petits plats à l'un de ses compagnons, dont le nom de la plupart lui échappait constamment. Quel étourdi il faisait, vraiment... En ce qui concernait la dernière part, le petit homme aux cheveux blancs s'interposa, proposant d'aller la servir. À la surprise générale, il va sans dire. Il était très rare pour lui de sortir de cuisine. Il était trop maladroit en ce qui concernait les contacts humains, trop timide... Mal à l'aise. De façon presque maladive. Peur à l'excès, si on veut. Seulement, aujourd'hui, il voulait faire un effort, ou du moins, essayer... De toute façon, il semblerait qu'une cliente insistait pour le rencontrer. Il tendit donc l'assiette contenant une part généreuse du dessert en personne à la demoiselle installée au comptoir. Oh, quel gredin. Il y avait là de quoi s'attirer les foudres de n'importe quelle femme n'étant pas trop gourmande. Trop de sucreries est mauvais pour la ligne, mais cela, il l'avait depuis longtemps oublié... Peut-être était-ce la raison pour laquelle il resta d'une politesse exemplaire au lieu de tourner les talons. À observer le comportement humain pendant des heures et des heures, on finit par en prendre modèle.

« Mademoiselle désirerait-elle autre chose ? »

En autant qu'elle ne se mette pas à poser mille questions à propos de cette décoloration horrible dont ce pauvre Samuel etait atteint... Quelques paroles n'allaient pas la tuer, tout de même, si ? Peut-être ? Tant pis... Il était trop tard pour faire marche arrière à present... Et puis, la vie était constamment remplie de dangers. Il avait eu la chance d'échapper à sa prison, il se devait de prendre de petits risques de temps en temps, n'est-ce pas ? Et puis, il avait envie de revivre, mais c'était aussi pour les autres, bien sûr, pour savoir quand s'arrêter au juste, dusse-t-il s'en brûler à jamais les ailes. Ce serait dommage pour cette rouquine, malgré tout. Quoique, il aurait peut-être fallu parler d'orangé pour être plus juste. C'était une couleur originale. Quoi qu'il en soit, elle avait une tête plutôt adorable. Tiens tiens... Il semblerait que son visage n'était pas étranger à Samuel, penchant légèrement la tête sur le côté alors qu'il réfléchissait. Il devait déjà avoir aperçu son reflet dans la glace, cherchant quelqu'un pour se défaire de mon ennui... Ou alors, c'était qu'elle traînait souvent dans le coin, sans qu'il ne puisse vraiment la remarquer avant aujourd'hui, son visage aperçu du coin de l'œil n'ayant accroché que le subconscient de Samuel. Son nom, lui, par contre, lui échappait complètement. N'empêche... Qu'est-ce qu'une jeune femme de son genre venait faire toute seule ici, dans un endroit sans doute bien souvent peu recommandé ? Un léger soupir lui aurait échappé des lèvres en temps normal, mais il en était incapable en public. Cela ne changeait pas le fait que ce comportement lui semblait stupide, s'il avait raison. Elle devait être en quête d'aventure... Pourquoi le danger attirait-il autant de personnes ? Sérieusement.

Encore un jour à faire ma petite fille bien élevée, pendant que je recherchais des pistes pour une prochaine histoire. Seuls mes frères et sœurs semblaient s'être aperçus à quel point j'étais distraite, mais lorsqu'on connaissait mon passe-temps il n'était pas bien compliquer de remarquer des étrangetés dans mon comportement. J'avais besoin de prendre l'air, de sortir trouver de nouvelles idées, mais à cette heure de la journée il était difficile pour moi d'aller à la rencontre de nouvelles personnes ou encore simplement d'aller me promener. J'eus alors une merveilleuse idée. Si je sortais pour aller me montrer dans Paris, me faire voir, apprêtée, un peu maquillée, alors mes parents penseraient-ils que je vais rejoindre un prétendant potentiel ? Ceci est sans doute une bonne idée. Faisant un clin d'oeil à mes petits monstres, je continuais à siroter tranquillement ma tasse de thé face à ma mère.

[color=orange]« Mère, puis-je sortir tout à l'heure ? J'ai un rendez-vous... »

Elle posa sa tasse, et me regarda le plus neutre possible avant d'afficher un large sourire. Je savais très bien ce qu'elle avait en tête et à dire vrai, j'attendais que cela...

« Ce serait-ce l'un de tes prétendants ? Te serais-tu enfin décidée à les rencontrer ma chérie ? »

Je soupirais un peu, encore et toujours cela... En ce moment c'était la lubie de ma mère, les demandes en fiançailles, tout ça... Mais bon si ça pouvait me permettre de m'échapper un peu, pourquoi pas jouer le jeu des amours. Posant à mon tour ma propre tasse je la regardais dans les yeux. J'étais devenue douée pour le mensonges ou plutôt pour mon jeu d'actrice... Après tout lorsqu'on possède une double identité, il faut savoir se protéger.

« En effet, je commence à y réfléchir, mère. »

« C'est très bien ma chérie, je suis heureuse que tu y prennes enfin au sérieux...[...] »

Elle continua comme ça encore plus de dix minutes en me donnant des conseils, que je me devais d'écouter puis enfin avec un large sourire, elle me dit de filer me préparer qu'elle allait en parler à mon père. Je soupirais à nouveau. Franchement, le mariage était quelque chose d'important, mais il fallait trouver la bonne personne, même dans les livres on arrive à démontrer qu'avec la mauvaise personne on est malheureux et moi je n'avais pas envie de cela.

Je me rendis alors dans ma chambre pour sortir telle une grande Dame, ou alors au moins comme une jeune fille bien élevée qui espère ne pas faire honte à sa famille. Je me vêtis d'une robe blanc cassé mi-longue pour une certaine liberté de mouvement, je mis aussi un sert tête blanc dans mes cheveux puis avec un petit sac remplit d'un mouchoir en tissu, d'un peu d'argent aussi et surtout un kit cahier et plume, je me mis en route.

De l'air... Enfin un peu d'air pur, du moins je l'imaginais, je pus sortir pour aller voir mon « rendez-vous » galant imaginaire.
Flânant dans les rues de Paris, j'étais émerveillée, pensant à pleins de choses en même temps, pensant à mon roman policier en cours avec l'histoire du Lost Paradise mais aussi pensant à une nouvelle que je pourrais écrire en parallèle.

Cela me faisait tellement de bien d'être dehors qu'au bout d'un moment j'eus une soudaine envie de sucreries. Ce n'était pas bien, pas très conseillé, mais quand on a des envies il faut savoir les passer comme on dit. Je réfléchissais, comme je ne me promenais pas souvent la journée je ne connaissais pas vraiment les endroits où je pourrais satisfaire ma soif et surtout ma faim.

Je marchais assez longtemps, recherchant l'endroit idéal, un peu discret puis finalement je tombais sur un café, le « Café d'Allan », cela sonnait bien, et l'endroit semblait très sympathique. Tout le monde en entrant était accueillant et souriant, quelque chose que j'appréciais beaucoup et puis cet endroit m'inspirais !
J'avais décroché le gros lot, mais avant de me mettre à écrire, je devais satisfaire mes appétits. Je demandais alors le gâteau du jour, j'avais envie de goûter ce qu'il faisait de mieux ici, néanmoins il fallait attendre encore un peu. Souriant je pris un autre gâteau en attendant celui demandé. C'était un petit gâteau au chocolat et une sucrerie au dessus. Après la première bouchée, je fus réellement étonnée, agréablement surprise par le goût. C'était très très bon.

En même temps que je finissais mon premier dessert, le second fut finalement prêt. Je souriais, des étoiles dans les yeux, me demandant qui pouvait bien faire de telles merveilles, cela me donnait aussi des idées pour une nouvelle lyrique. Demandant à voir le chef, je brûlais d'excitation, ce n'était pas bien car je n'était pas camouflée mais tant pis. Ici personne ne me reconnaîtrait, je serai alors tranquille.

Un jeune homme s'avança alors puis me demanda si je désirais autre chose. Il était beau, les cheveux blanc, presque irréels, les yeux magnifiques, il était parfait. Il était un personnage de roman, de nouvelle parfait pour moi !

« Pourriez-vous m'accorder un peu de votre temps, après votre service, s'il vous plait ? »

J'étais polie, je ne voulais pas non plus le déranger pendant son travail, mais franchement il était parfait ! J'allais faire une syncope !

« Et puis, je voulais aussi vous dire que vos pâtisseries sont formidables. »

Il était beau, il savait cuisiner, il semblait mystérieux, comme si un voile planait sur sa véritable identité...
Je pars un peu loin là, mais j'espérais vraiment qu'il accepterai de passer un moment avec moi, j'étais un peu directe dans mes demandes, mais c'était ainsi, surtout lorsque l'inspiration se trouve juste sous mon nez.

Une chose était certaine, Samuel ne s'attendait pas à la réponse qui lui fut donnée. Certes, cette personne avait insisté pour le rencontrer, ce qui n'aurait d'ailleurs pas été possible s'il n'avait pas été d'accord, ce qui témoignait un certain intérêt. Seulement, il ne s'attendait pas à recevoir autre chose que des compliments sur ses pâtisseries, ce qui était presque devenu monnaie courante. Que quelqu'un désire s'entretenir plus longtemps avec lui ne lui avait nullement traversé l'esprit. Le contraire aurait été bien plus surprenant, avec sa dégaine de mort-vivant. Pourquoi se nourrir de faux espoirs ? Pourtant, les faits étaient là. Devant lui, une personne qui s'intéressait à lui, plutôt que d'être surprise, voir légèrement effrayée, et de tenter de détourner le sujet pour se débarrasser de moi au plus vite. Car c'était bien souvent le scénario auquel le reflet était confronté de façon quotidienne. Avec les humains du moins... Et pourtant, c'est parmi eux qu'il avait choisi de vivre jusqu'à maintenant, même lorsque cet homme-loup était venu lui parler de la face cachée de ce cabaret qu'il fréquentait si souvent, le Lost Paradise... Quoi qu'il en soit, Samuel ne savait pas si cette nouveauté était vraiment de bonne augure comme plusieurs se seraient plu à le croire. Pouvait-elle avoir découvert son secret ? Désormais que sa curiosité était piquée, refuser était pour le moins difficile. Il ne lui restait plus grand-chose à faire, de toute façon. Bien sûr, il ne se contentait pas de faire des pâtisseries, il pouvait aussi donner un coup de main pour la cuisine en général. Cependant, de ce côté, il n'était pas indispensable – c'était parfois même tout le contraire, avec ses rêveries éveillées ou ses maladresses – et il ne pouvait pas faire attendre cette fille éternellement. Ce ne serait pas bien galant, non ?

« Ce ne sera pas bien long, je vous rassure. » répondit-il donc avec un petit clin d'œil complice, plutôt que d'avoir l'air dragueur. Ou du moins, il avait fait de son mieux pour que ce soit le cas...

Samuel retourna donc en cuisine sans plus attendre, histoire de s'assurer que ses petits desserts étaient au point, puis il se contenta de prévenir le chef de la maison qu'il prenait congé. Il repartit ensuite chercher cette jeune femme dont l'identité lui était toujours inconnue, mais qui ressemblait presque à un petit soleil. Il la prit par la main et la conduisit gentiment derrière la boutique, l'autre étant occupé à tenir des rafraîchissements. La cour arrière était plutôt grande et entourée d'une clôture, mais les clients préféraient la terrasse en général... Ils seraient donc bien tranquille pour discuter. Pas forcément loin des oreilles indiscrètes, mais à voix basse pour des sujets plus délicats, personne ne devrait les entendre. Il lui présenta donc une chaise et posa les verres d'eau sur la petite table autour de laquelle ils pourraient parler avant de s'asseoir à son tout, un sourire poli aux lèvres. Désormais, il fallait trouver un moyen de lever le voile sur tout ce mystère sans pour autant avoir l'air impatient.

« Nous ne nous sommes pas présentés en bonne et due forme... Samuel Roderick, enchanté. De quoi vouliez-vous discuter ? »

Ce fut seulement à partir de ce moment-là qu'il réalisa son erreur. Il n'avait pas remis en question un seul instant qu'ils ne se connaissaient pas le moins du monde. Et si jamais elle avait connu l'ancien Samuel ? Il viendrait alors d'avouer qu'il ne se souvenait pas d'elle, ce qui pouvait être particulièrement blessant, même si ce n'était franchement pas de sa faute. Des questions le torturaient à présent. Saurait-il être malgré lui fidèle à son ancienne personnalité ? Comment répondre à ses questions, si elle en posait ? Inutile de se voiler la face. Ses souvenirs envolés, il ne le pourrait tout simplement pas. Restait à voir s'il lui semblerait mieux d'être honnête ou d'improviser... Tout dépendrait probablement de sa vis-à-vis. Si sa façon d'être et de parler lui semblait agréable, sans pour autant être idiote, peut-être s'ouvrirait-il un peu...

Je regardais ce beau jeune homme, franchement, il m'aurai dit de l'attendre deux heures, trois, plus, je serai restée car...jamais je ne pourrais laisser un tel fil d'inspiration m'échapper et revenir à un autre ! Ah ça jamais ! Il était hors de question que je sorte d'ici sans lui avoir parler du pourquoi du comment il m'avais tapé dans l’œil. Le jeune homme semblait un peu surpris par ma requête, j'avoue que ce n'est peut-être pas souvent que quelqu'un qui ne vous connais ni d'Eve ni d'Adam, demande à vous parler. Franchement mais imaginez si ça vous arrive tout le temps, franchement pour ma part, je finirai chez moi et je ne sortirai plus.
M'enfin, voilà, je souhaitais lui parler et pas forcément de pâtisseries, aussi bonnes soient-elles... Mon mystérieux personnage, me demanda gentiment de patienter qu'il revenait dans pas trop longtemps. Je ne voulais pas qu'il s'arrête comme ça alors que peut-être il n'avait pas fini, je ne sais pas trop moi, mais bon, c'était plutôt gentil et attentionné de sa part.
Il revint peu de temps plus tard puis il me prit par la main me guidant dans quelque chose que je pouvais considérer comme une arrière boutique, une arrière cour. C'était une sorte de vaste jardin bien entretenu, mignon tout de même et assez calme. C'était parfait. Il me présenta alors une chaise où je pris place avec un petit sourire, puis il posa des verres d'eau sur la table, c'était un hôte parfait qui devait sans doute se poser des questions.


« Nous ne nous sommes pas présentés en bonne et due forme... Samuel Roderick, enchanté. De quoi vouliez-vous discuter ? »


« Je me présente aussi, Emilie Nightstar. »


Je fis une petite pause puis je devins très sérieuse car j'allais enfin en venir au sujet de ma demande, et puis parce que c'était quelque chose de très important pour moi.


« Je ne sais pas vraiment comment formuler cela, ce n'est pas très commun, mais tant pis. Voilà. Vos gâteaux m'ont faite voyager à travers les saveurs tout cela, c'est pourquoi j'ai eu envie dans un premier temps de vous voir, et j'ai trouvé ce que je cherchais pour un ami. Vous êtes le genre de personnage principal que mon ami aimerait beaucoup utiliser entre guillemets pour ces nouvelles. »


Je soufflais un peu, le regard brillant, puis continuais...


« C'est sans doute un peu bizarre, mais voulez vous me parler un peu de vous et m'aider à trouver des informations pour mon ami écrivain ? »


C'était trop bizarre comme approche, mais voilà, je ne pouvais pas donner mon nom de plume à n'importe qui et j'étais assez pressée par le temps. En plus il était possible qu'il s'en contrefiche alors, je devais tenter le tout pour le tout.
Je stressais un peu, me demandant si j'avais bien fait de l'aborder de cette manière, alors pour me calmer un peu je bus une gorgée d'eau.


« Je suis désolée, je dois dire que j'ai un peu de mal à dire ce genre de choses... »


Je souris un peu contrite, mais c'était vrai, j'étais un peu plus douée à l'écrit qu'à l'oral. En partie l'une des raisons qui expliquait le fait de prendre un nom de plume. Pouvoir se cacher derrière son propre personnage, maintenant, le défit restait de convaincre Monsieur Roderick de m'aider, et de m'en dire plus sur lui. Je soupirais un peu, j'étais trop nulle à l'oral pour aborder les gens pour ce genre de choses, vraiment, surtout me faire passer pour quelqu'un d'autre avec mes propres habits de Dame.

Si ça se trouvait, il aimait peut-être la littérature et tout ce qui y est affilié, alors peut-être connaîtrait-il mon « ami », en tout cas, ce serait plus facile, je crois, sinon, tant pis, j'essayerai de faire avec s'il ne me chasse pas avant de la boutique.

Décidément, cette personne regorgeait de surprises. Samuel s'attendait à ce qu'elle lui parle de pâtisseries, tout simplement, puisque c'était ainsi qu'elle l'avait abordé, mais cela ne semblait pas être le cas, puisque sa demande était supposée être atypique. Il n'y avait donc pas d'autre alternative qu'attendre, au cœur du silence oppressant. L'imagination était décidément un terrible fléau, faisant craindre le pire. Pardon ? Avait-il bien entendu ? Elle voulait faire de lui une source d'inspiration pour un bouquin ? Il se demandait s'il devait en rire ou pleurer. Certes, c'était la première fois qu'on lui demandait cela, mais ce ne devait pas être une demande si rare que cela... À son avis, c'était assez flatteur comme proposition, mais c'était tout simplement impossible. Il s'était toujours efforcé de rester invisible, afin d'éviter les problèmes. Pour lui et pour les autres. La réponse s'imposait d'elle-même, sans même avoir besoin de réfléchir. Ce serait un refus nef et catégorique. Seulement, il n'avait pas été assez rapide, et la rouquine rajouta quelques mots. Elle était timide, cela se voyait clairement... Samuel soupira légèrement. Il n'avait plus envie de l'envoyer balader aussi méchamment qu'il l'avait prévu en premier lieu. De toute façon, ce n'était pas vraiment son genre d'agir ainsi... Il était détaché, solitaire, voir froid parfois, mais jamais cruel. Peut-être pouvait-il tenter de lui expliquer un peu la situation ? Elle l'avait touché, avec son sourire maladroit... Et puis, qui sait, peut-être connaissait-elle déjà un peu ces dangers secrets qui se cachaient dans la capitale...

« Vous savez, petite étoile, chaque renseignement à son prix, et je doute que vous et votre ami souhaitiez payer celui-ci... Il vaut souvent mieux ne pas fréquenter les gens comme moi. »

Elle croirait peut-être à des menaces indirectes, si elle était du genre à se choquer facilement, mais au moins, elle comprendrait le danger encouru sans que Samuel n'ait à lui expliquer quoi que ce soit de précis, ce qui la mettrait déjà en danger. Et puis, il ne voulait même pas imaginer ce qui arriverait à ce pauvre écrivain, qui serait directement impliqué, lui ! Certes, les humains étaient sans doute bien plus en danger dans l'ignorance neuf fois sur dix, mais il n'y pouvait rien. Personne ne le croirait, de toute façon. Cela faisait des décennies que des créatures toutes plus étranges que les autres parcouraient les mêmes rues qu'eux et pourtant, ils préféraient être aveugles, ignorants. Était-ce la peur, l'admiration, autre chose ? Cela avait peu d'importance, au fond. Le résultat final était le même... Et cela ne lui plaisait pas.

« Soyez plus prudente à l'avenir... S'il vous plaît. »

S'il ne désirait pas lui faire peur, c'était sans doute raté. En autant qu'elle ne soit pas davantage intriguée par tout cela et lui demande de révèle aussitôt tous ses secrets... M'enfin, ne savait-elle pas où elle était tombée ? Quelques voyous travaillaient dans ce café. Ils avaient gagné leur pardon et n'avaient plus de mauvaises intentions, certes, sans quoi Alan les auraient jeté dehors, mais ce n'était pas moins dangereux pour autant pour les jeunes femmes de son âge qui se promenaient toutes seules, franchement. Leurs ennemis auraient pu resurgir n'importe quand... Ils étaient une bande unie et tenaient à défendre leur clientèle, mais on ne sait jamais ce qui pouvait arriver. Disons que Samuel ne faisait pas exactement confiance aux humains, ou même à qui que ce soit...

J'avais peu, trop peu de chances de convaincre Samuel Roderick, pourquoi ? Eh bien parce qu'à force d'observer et d'écrire sur les gens on prend de sales manies, de sales habitudes, alors chaque interlocuteur et souvent analysé, regardé d'une façon que seuls les autres personnes comme vous peuvent comprendre avec un souci du détail assez important je dois dire. Et là je pouvais lire dans ses yeux que ce serai un refus, il soupira ce qui m'annonça qu'il ne savait pas vraiment comment me le dire et donc que j'avais encore une chance. J'avais dit peu après tout et non plus du tout. J'étais têtue et je voulais vraiment en savoir plus, il avait une certaine « aura » qui m'intriguais et qui faisait ressortir mon côté plus professionnel. Mais bon, si je ne pouvais pas en savoir plus pour mon livre ou quoi alors j'essayerai d'en savoir plus pour mon profit personnel. J'aimais beaucoup ses cheveux, son regard qui semblait avoir gravé les traces d'un passé... Enfin, voilà je deviens poétique et ce n'est apparemment pas mon jour.

Il m'appela « petite étoile » ce qui me surpris un peu, je penchais la tête légèrement sur le côté écoutant à peine la suite. Il essayait de me faire peur, eh bien c'était plutôt raté, disons qu'après avoir survécu de nuit à une bagarre entre deux hommes ivres, sa menace n'était pas super convaincante mais bon. Il avait dit quelque chose d'intéressant, pour avoir des informations il faudrait en « payer le prix ». Puis il me demanda d'être prudente à l'avenir. Je ne pus réprimer un léger sourire, ce n'était pas ma faute, c'était des menaces et en même temps il était gentil. C'était mignon. Je le regardais alors droit dans les yeux, un demi-sourire aux lèvres, et très sincère.

« Vous en avez trop dit ou alors pas assez, dans les deux cas, la menace même sous-entendue ne fonctionne pas avec moi. »

C'était vrai, je ne mesurais peut-être pas les risques, mais bon, au lieu de simplement me dire qu'il ne voulait pas, il avait dit que je craignais quelque chose et qu'il fallait payer le prix pour toutes informations, donc il y a un moyen de savoir, mais il ne me le dira pas parce que c'est « trop dangereux ». Donc il en a trop dit et il est mal barré parce qu'il ne se débarrassera pas de moi aussi facilement.

« En suivant un raisonnement logique et en tenant compte de ce que vous avez dit je vais prendre le première option. », je soufflais et fis une pause disons à ce moment là parce que ça donnait un air mystérieux et dramatique à mes paroles. J'essaye de m'améliorer à l'oral, me disputez pas !

« Vous avez dit que mon ami et moi-même ne serions pas prêts à payer le prix. Quel est-il ? Peut-être que nous voudrons... », ajoutais-je avec un immense sourire sur le visage.

Il ne m'avais pas eue ! Tant pis pour lui et puis au pire je pouvais essayer de l'avoir à l'usure. J'avoue que je n'aimais pas ces méthodes, mais bon, parfois la fin justifie les moyens et il cuisinait super bien alors je pouvais revenir quand il voudrait !

« Alors ? »

Oui, j'étais plutôt contente de moi, parce que j'étais parvenue à lui parler et à le mettre légèrement au pieds d'un mur, et puis ça pouvait être intéressant comme rencontre et échange, n'est-ce pas ?
Comme un policier et son indic', les informations ont un prix... Maintenant il faut savoir si nous sommes prêt à le payer ~

Samuel n'aimait pas du tout la tournure que prenaient les choses. Il avait toujours détesté ce genre de situation incontrôlable, à vrai dire, où tout semblait vouloir lui donner tort. Un simple sous-entendu et le voilà avec une demoiselle trop curieuse pour son propre bien sur les bras... Il ne lui restait que deux options, désormais : être honnête ou prendre la fuite... Seulement, prendre cette décision ne serait pas facile. Bon dieu ce qu'il aurait donné pour avoir une cigarette là tout de suite. Au lieu de cela, il devait se contenter de jouer nerveusement avec les pans de sa veste. Se retenant de peine et de misère à ne pas les déchiqueter à pleine main...

« Et si vous commenciez par jouer cartes sur table vous aussi... Qui est votre ami, quel genre de textes écrit-il au juste ? »

Malgré la gravité inquisitrice qui aurait pu être cachée dans ces propos, son ton très calme démontrait bien tout le contraire. C'était en fait une simple question pour gagner du temps, il n'était pas encore décidé à tout lui révéler... En ce moment, il mesurait tout simplement la portée des mots qu'il aurait à dire. Et puis, si cet homme mystérieux écrivait du réalisme plutôt que du fantastique, faire des révélations ne servirait pas à grand-chose, à part lui causer du tort bien peu nécessaire... Ou était-ce vraiment le cas ? N'était-ce pas seulement lui qui se faisait des idées ? Après tout, au pire des cas, elle croirait probablement qu'il était fou ou qu'il avait une imagination débordante et l'affaire finirait aussi facilement. De toute façon, elle n'avait pas l'air de vouloir lâcher le morceau. Il n'avait jamais rencontré quelqu'un d'aussi têtu auparavant ! Parler n'était pas raisonnable, mais qu'y pouvait-il, vraiment ? Et puis... Ici, elle ne risquait pas de se faire attaquer par ces esprits cruels...

« Pour répondre à votre question. Vous... disparaitriez, purement et simplement. Vous seriez emportés par ceux qui sont piégés de l'autre côté du miroir. »

En théorie, ce serait à peu près à ce moment que les éclats de rire devraient commencer, sans quoi tout serait perdu, tel un château de cartes qui s'effondre. Samuel ne voulait pas qu'elle le croit. Ce serait la catastrophe sinon. Mais s'il ne pouvait éviter ce mauvais sort, ce qui semblait être le cas... Un autre avertissement était peut-être de rigueur. Juste afin de s'assurer qu'elle ne se lance pas une bêtise, du genre tenter de contacter un autre de ses semblables... Si jamais elle réussit à le faire, la barrière entre ces deux mondes s'effondrerait peut-être alors, et les disparitions augmenteraient de telle façon à ce qu'ils ne puissent plus être ignorés...

« Je vous le répète. Soyez prudente. La curiosité est un vilain défaut et les âmes des jeunes passionnés sont délicieuses... »

Cette fois, son ton était beaucoup plus sombre. Il retourna s'asseoir, un peu plus loin et il se prit la tête dans les mains, désespéré, presque détruit... Ses traits étaient encore plus pâles qu'en temps normal, comme s'il allait disparaître en un instant. Il faut dire qu'il n'avait jamais avoué cela à qui que ce soit, auparavant. D'un côté, son fardeau serait peut-être un peu moins lourd ainsi. De l'autre, cela n'en était que plus dangereux pour la rouquine. Une petite étoile qui allait brûler et s'éteindre... Il était certain qu'aucun autre sort ne pouvait lui être réservé, à présent. Elle finirait comme sa sœur. Qui sait si lui-même ne s'en prendrait pas à elle... Quel terrible déchirement, pire encore que celui qui l'habitait quotidiennement.

Il n'était, après tout, qu'un homme qui n'avait pas eu de chance. Au fond de lui ne restaient finalement que deux émotions. Incroyablement seul. Infiniment triste.

Ce cher Samuel semblait ne plus avoir réellement le contrôle de la situation, de mon point de vue, il devait sans aucun doute réagir et vite sinon, je l'aurais à l'usure. Oui tout ceci était pour moi autant un jeu qu'un travail. Je rechercher des sujets passionnants pouvant transporter mes lecteurs autant que moi à écrire pour eux. J'écrivais dans le seul et unique but de faire plaisir mais aussi de m'évader. Ma passion était le seul moyen que j'avais trouvé pour vivre une vie différente que celle que l'on m'a tracé. Pourtant lorsque Monsieur Roderick me demanda quels genres de textes mon « ami » écrivait, je pris mon temps pour ne pas me laisser emporter par mes sentiments. Chose pas si facile que cela.

« Il écrit sur tout ce qu'il trouve intéressant, tout ce qui pour faire voyager même un peu ses lecteurs. Il essaye de toucher à tout, en passant du roman lyrique au roman policier et au roman plus fantaisiste, fantastique. »

Une réponse simple nette, qui ne trahissait rien de mon secret. Je pouvais alors souffler un peu. Je le regardais, me demandant si mes paroles l'avait convaincu de me parler. De nous parler à Liam et moi. Ces deux parts de ma personne n'était pas souvent aussi conjointes dirons nous que lorsque je parlais de littérature. Et puis, mince, je voulais en savoir plus sur le jeune homme. Même si à la rigueur je ne pouvais pas écrire sur lui ou en m'inspirant de lui. J'avais décidé alors je ferai.

« Pour répondre à votre question. Vous... disparaîtriez, purement et simplement. Vous seriez emportée par ceux qui sont piégés de l'autre côté du miroir. »

Je le regardais, me demandant le véritable sens de ses paroles. Parler de disparition oui, j'avais trouvé, par contre, la fin de sa phrase était plutôt teintée de mystère, comme quoi je ne saisissais pas entièrement toute la portée de cette conversation. Cela devrait me faire peur, mais au contraire, cela attisait ma curiosité.

« Je vous le répète. Soyez prudente. La curiosité est un vilain défaut et les âmes des jeunes passionnés sont délicieuses... »

Et là... bah disons que je n'y pouvais rien, je lui souris, des yeux dans les yeux, toujours. Je le fixais puis décidais enfin de lui répondre.

« Vivre sans faire comme nous le sentons, comme nous le désirons, n'est pas vraiment vivre. Vivre dans la peur des autres, peur du futur, c'est limiter son champ de vision. »

Je regardais Samuel s'installer plus loin, plus...désespéré je dirais, c'était étrange de voir cette personne comme effondrée alors que quelques instants auparavant il était plutôt flippant. Enfin, il ferai peur à n'importe qui avec ce genre de paroles, je pense...
Je me levais doucement, puis m'approchais de lui, posant délicatement une main sur son épaule. Puis je décidais d'abandonner un peu, en quelque sorte.

« Si vous le voulez vraiment, mon ami n'écrira rien. Néanmoins à titre personnel je dois avouer que je vous aime bien. Seriez-vous d'accord pour faire connaissance avec moi ? Je promet de garder le tout pour moi. »

J'ai sincère, je ne voulais pas non plus qu'il se mette dans un sale état. Franchement, je voulais mieux le connaître, alors avec ou sans livre, inspiration, c'était la même chose. En tout cas, une chose était sûre, je n'allais pas le laisser comme ça. Comme nous étions à l'abri des regards, des gens, je le pris contre moi, lui faisant un petit câlin moi, la chaise et lui. Il me tournait le dos, mais n'avait rien demandé non plus donc je ne dirais rien.

« Buvez une peu de thé, ça ira un peu mieux sans doute... », lui dis-je d'une voix douce, gentille avant de le lâcher un peu et de lui rapporter sa tasse et la théière.

Ah, de toute son existence, Samuel n'avait jamais encore rencontré une personne aussi gentille. Il faut dire qu'avant, lorsqu'il était prisonnier, il ne s'intéressait pas réellement aux gens, ne faisant que les observer avec indifférence, puisque leur sort serait finalement le même... Réduits à une traînée de poussière. Il en irait de même pour cette jeune femme semblant pourtant aujourd'hui pleine de vie. Pourquoi son sort ne le laissait-il pas indifférent ? Peut-être était-ce son statut d'étrangère qui l'aidait en ce sens. Parce qu'elle était malgré tout d'accord pour lâcher l'affaire. Qu'elle semblait s'en faire pour lui. Son câlin ne l'avait pas laissé indifférent non plus. C'était à vrai dire la première fois qu'on lui témoignait une telle forme d'affection. Évidemment, c'était peut-être arrivé par le passé sans qu'il arrive à s'en souvenir, comme un million d'autres détails, mais cela n'avait alors aucune importance. Pas jusqu'au jour où il retrouverait la mémoire, car oui, il continuait d'espérer même si tout cela semblait perdu d'avance. Malgré tout, cette naïveté l'énervait un peu. On ne pouvait pas tout résoudre aussi facilement que cette petite étoile semblait le croire. Elle était ignorante, tout simplement. Et même si c'était sans doute mieux ainsi, Samuel était un peu amer. Personne ne semblait connaître quoi que ce soit à propos du monde d'où il venait. À l'exception de la personne qui l'y avait envoyé, évidemment, mais à supposer que ce dernier soit toujours vivant, il n'allait quand même pas faire la conversation à son bourreau... Il l'imaginait plutôt du genre à vouloir le renvoyer dans cet endroit maudit dont il avait eu tant de mal à se sortir.

« Je ne veux pas de thé. Je voudrais juste avoir un semblant de vie normale. » soupira-t-il, bien las de toujours vivre avec l'angoisse collée à la peau.

Être déchiré entre l'envie de vivre et celle de disparaître, ce n'était franchement pas une partie de plaisir. Il ne savait même pas si la seconde option était réellement une possibilité, puisqu'il n'avait plus qu'une partie de son âme. Il alla jusqu'à jeter la tasse par terre dans un élan de colère, la laissant se briser en mille éclats, se fichant bien de s'être coupé. Le patron n'allait sans doute pas être content, mais tant pis. Tout le monde devait se douter qu'il n'avait pas toute sa tête de toute façon, à présent. Au moins, la théière n'avait pas subi le même sort, ne l'ayant que repoussée un peu de la main. Peut-être aurait-il dû écouter plus attentivement cet Edward... Peut-être avait-il quelques réponses, lui, puisqu'il s'occupait de ce cabaret rempli de créatures surnaturelles... Finalement parmi tout cela, il ne s'était même pas demandé s'il avait effrayé Emilie avec son comportement. Ce qui paraissait évident, c'est qu'il ne savait pas y faire en matière de relations ou de conversations. Peut-être pourrait-elle l'aider un peu, à sa façon, si elle le désirait bien et si elle ne prenait pas peur une fois encore...

« Pardonne-moi. Pose tes questions et je verrai si j'y répondrai ou non... » finit-il tout de même par dire, se rendant compte qu'il était peut-être allé trop loin cette fois...