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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]

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Ashton Lyn
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Ashton Lyn

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MessageSujet: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMar 7 Avr - 21:54

Ah, que de sensations... Autour de lui, la foule. Les dizaines, les centaines d'auras entremêlées comme des couleurs sur une palette ; les éclats de voix et de rire ; les chanteurs, les crieurs, les marchands, les acheteurs... Sur son corps, la caresse sensuelle du soleil sur sa peau à la manière d'une main de femme sous la chaleur de l'été. Un instant, ses pensées dérivèrent vers Cuba, vers la torpeur moite des après-midis caniculaires. Il en était si loin, de ces températures trop hautes et de ces rayons agressifs, mais au milieu de ce climat il retrouvait un peu du calme chaud qu'il affectionnait tant. Quoique calme ne fût sans doute pas le terme le plus approprié pour qualifier l'ambiance de ce beau jour de printemps. Il fallait dire que le marché aux puces portait bien son nom. On eut dit une masse grouillante et vivante, dotée d'une volonté propre qui ondulait entre les stands, et il adorait ça. Ainsi, attiré par les effluves de ce vieil endroit peuplé de gens de tous bords, il se trouvait à déambuler le long des comptoirs chamarrés d'objets divers et originaux, parfois s'arrêtant toucher, étudier les étranges spécimens qui ornaient les étalages, discuter avec le pucier aux accents parisiens. Plus que tout, c'était cette profonde lumière que dégageait ce lieu qui happait le jeune homme. Une aura vieille mais vraie qui animait chacun des passants qui, par chance ou par habitude, arpentaient l'étroite ruelle. Ashton était infiniment heureux d'avoir une après-midi libre, de pouvoir tâter cette atmosphère qui lui rappelait ses escapades à travers le monde. Au fond, le petit peuple restait partout le même, grandissait sous le même astre ardent et craignait les mêmes démons. À cette pensée, un léger sourire vint incurver ses fines lèvres, ses yeux baissés sur une statuette de bois qui faisait frémir une partie de lui de l'histoire chargée dont elle avait sans doute été témoin, alors qu'il jouait distraitement avec.

« Elle vous intéresse, mon bon monsieur ? Vous avez bien raison ! Elle est très particulière, très particulière vous dis-je ! Son passé est tout bonnement passiona- »

Il la coupa d'un doigt levé et d'un franc sourire. Oh, cette chronique, il ne voulait pas l'entendre. Il passait sa vie à déchiffrer l'histoire de chaque objet qui tombait entre ses mains, à tout savoir d'eux et à les répertorier. Désormais, il avait besoin du mystère qui émanait de ce cheval d'ébène. Il perça la femme de son regard noisette.

« Merci beaucoup, madame. Je pense la prendre... Combien ? »

S'en suivit une longue négociation, plus joueuse qu'agressive. Dans ce genre d'endroits un manque de débat était égal à un manque de respect, il le savait et s'en amusait pleinement, fit usage de ses charmes, de sa voix mielleuse et de ses yeux hypnotiques. Quelques minutes plus tard, après un baise-main et un salut poli, Ashton s'éloignait tranquillement du stand, sa statuette à la main et un éclat de satisfaction dans le regard.

Ce ne fut que quelques minutes plus tard, alors qu'il se prenait de nouveau à errer sans but précis, qu'il sentit. Une aura si singulière qu'il n'avait jamais rencontré qu'une fois. Une rencontre imprimée dans sa mémoire. Il fallait dire que de pareilles circonstances étaient difficiles à oublier. Par pur instinct, ses jambes s'immobilisèrent et il ferma ses paupières afin de savourer plus longtemps ce halo de douceur et de maturité qu'il sentait s’immiscer jusque dans ses entrailles. Oh, c'était cette mystérieuse demoiselle, une fille qui, vraiment, eut intrigué n'importe qui, lui plus encore que les autres. Il se souvenait sans peine de ce matin frais et ensoleillé par lequel il s'était aventuré sur la Passerelle de la Moselle pour voir une cascade de cheveux roses se balancer sur une robe blanche, de longues jambes pâles et des pieds nus glissant sur la rambarde de métal entre sécurité et vide. Dans sa mémoire se rejouait l'incroyable événement qui l'avait mené à rattraper la jouvencelle dans ses bras après qu'elle eût manqué de faire un remarquable plongeon dans la Seine. Le plus drôle avait sans doute été l'intérêt invraisemblable qu'elle avait porté à son apparence décalée. Elle ne rentrait pas dans les clous, et il aimait ça. Oui, il n'avait pas honte de l'admettre, Ashton avait été incroyablement curieux. Lorsque la bohème blanche s'en était allée sans un nom sorti de sa bouche, sans qu'il ait la moindre idée de son identité, il s'était pris à en vouloir plus, à désirer savoir. Un sourire éclaira son visage alors qu'il ouvrait de nouveau les yeux: il fallait croire que ses vœux avaient été exaucés...
Il se tourna et vit, observa la même apparence simple et belle, la longue chevelure rosée, la robe blanche et surtout, surtout ses pieds perpétuellement nus qui arpentaient la rue sans crainte.
Il l'avait retrouvée.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeSam 16 Mai - 2:13

Ses pieds nus dansaient sur le sol, portés par un vent de Liberté qu'elle était la seule à voir, à sentir, à goûter. Ses cheveux d'une couleur si originale, si nouvelle, si atypique, attiraient le regard plus sûrement que n'importe quoi d'autre au cœur des ruelles aménagées entre les stands bruyants. Mais ce qui, plus encore que tout le reste, marquait les esprits, c'était ce sourire flottant continuellement sur des lèvres que personne ne pourrait jamais approcher. Et puis il y avait sa robe... Cette robe d'un blanc si pur, si intense aussi, qu'on eut pu prendre sa détentrice pour une ange. Et peut-être que, d'une certaine manière, c'était ce qu'elle était. Car les anges sont libres et courbent le destin d'un simple mouvement de la main. Et l'homme en était presque certain : cette fille à la fois si envoûtante et pourtant terriblement déconcertante était seule gardienne de son propre futur, de sa Liberté. Tout en elle semblait le hurler. Alors lorsqu'elle posa les yeux sur lui, le marchand n'eut d'autre désir que de l'attirer à ses côtés, pour espérer ne serait-ce qu'un instant enserrer les poignets si frêles de celle qui lui paraissait capable de soulever les montagnes en le souhaitant tout simplement. Ses lèvres s'incurvèrent en un sourire absolument fasciné alors que la jeune femme approchait de lui. À chacun de ses pas, l'émerveillement qui semblait s'être épris de lui ne faisait que grandir davantage. À chacun de ses regards, le monde lui semblait devenir vain et pourtant d'une rare intensité. À chacun de ses sourires, le pauvre marchand avait l'impression de se perdre dans la courbe de ses lèvres. Cette fille était spéciale. Et s'il ne savait pas exactement l'expliquer, il en était persuadé. Lorsqu'elle ouvrit la bouche, l'homme déconnecta définitivement des bruits de la foule alentours. Soudain, il n'y avait plus que sa voix. Une voix aux folles allures de mélodie. Une voix qui semblait avoir le pouvoir de l'emporter à jamais. Et elle n'avait fait que le saluer. Vint l'instant où ce fut à son tour de s'exprimer. Lorsqu'il le fit, il ne put s'empêcher de trouver sa voix pitoyablement pâteuse.

« B-bonjour mademoiselle... »

Fut tout ce qu'il parvint à dire à cette bien étrange jeune femme. Cette dernière se contenta de sourire encore davantage, laissant le vent jouer dans ses cheveux bien plus étendus qu'il n'en avait eu l'impression, au premier abord. Son regard, sans qu'il ne le veuille véritablement -sans doute était-ce inconscient- descendit le long de cette chevelure interminable, détaillant les courbes de la jeune femme avec une attention presque impolie tant elle était intense. Mais cette dernière ne sembla pas même s'en offusquer et, sans comprendre pourquoi, l'homme se mit à la désirer. C'était une impression bien étrange, que lui même ne saisissait pas, comme si cela lui venait d'une entité extérieure dont il ne pouvait pas même entendre le frémissement. Soudain, il se rendit compte que la demoiselle n'avait pas dit un mot depuis qu'elle l'avait salué, et qu'elle avait même détourné le regard pour observer les objets étalés sur son stand. Le marchand se prit à souhaiter de toute son âme qu'elle lui adresse une nouvelle fois la parole, qu'elle pose à nouveau sur lui ce regard au sein duquel il désirait se perdre et que, rien qu'un court instant, elle soit à nouveau sienne.

« Puis-je vous aider à faire votre choix, mademoiselle... ? »

Inconsciemment, sa voix s'était voulue plus douce, plus suave, plus... séductrice. Mais, à son grand désarroi, la concernée ne sembla pas même relever le ton qu'il avait employé. Ce fut tout juste si elle releva les yeux, armée de son fidèle sourire qui semblait désireux de ne jamais quitter ses lèvres. Puis ces dernières se délièrent et le marchand sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Imbécile.

« Oh, je dois vous avouer que j'ai presque l'impression que cette flûte murmure mon nom... Elle est tout simplement magnifique. C'est votre œuvre ? »


L'homme ne put retenir le sourire enchanté qui mangea bientôt son visage. Son travail plaisait à la demoiselle, et cela avait le don de le réjouir.

« Effectivement. Je n'en suis pas peu fier, d'ailleurs. Les motifs que vous voyez tout du long m'ont pris des mois à graver...
- Et bien ça en valait la peine. Combien la vendez-vous ?
- Cent vingt francs. Elle les vaut largement ! »


À l'instant même où le marchand prononça cette phrase, il se maudit pour les dix années à venir. Ce prix, c'était celui qu'il annonçait à ses clients potentiels afin qu'ils le débattent ensuite. Mais avec cette annonce, le sourire de la jeune femme s'était envolé. Et avec lui, c'était certainement toutes ses chances de la conquérir qui disparaissaient. Pourtant, quelques instants plus tard, celle-ci retrouva son sourire, plongeant une main dont il aurait voulu s'emparer dans des poches qu'il remarqua à peine. Le tintement des pièces qui tombèrent sur le comptoir le ramena brusquement à la réalité, et bientôt, il se rendit compte qu'elle lui avait offert la somme indiquée. Le marchand écarquilla les yeux. Mais s'il annonçait, à présent, un tout nouveau prix à la jeune femme, il avait peur qu'elle ne se détourne à jamais de lui... Il accepta donc l'argent et lui tendit la flûte lui-même. Lorsqu'elle s'en empara, leurs doigts se frôlèrent une brève seconde, seconde qui fut suffisante pour électriser tout son corps. Le sourire qui s'inscrivit de nouveau sur ses lèvres était une invitation à la voir rester, mais, encore une fois, sa vis-à-vis ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Au lieu de ça, elle passa la lanière de cuir qui retenait la flûte autour de son cou et y porta les lèvres. Le marchand s'attendit à la voir en jouer, mais il n'en fut rien. La frustration qui naquît alors au fond de son cœur ne devait jamais guérir.

« Vous... êtes musicienne ? »

La demoiselle sembla surprise par la question qu'il venait de lui poser, comme si la réponse avait été évidente. Bien sûr que oui. Une personne étrangère au quatrième art ne faisait guère ce genre d'achats. Aussi écarquilla-t-il les yeux lorsqu'il vit la belle secouer doucement la tête. Un instant, son cœur hurla à l'hérésie sans qu'il ne comprenne pourquoi, puis elle ouvrit la bouche.

« Je serai bien incapable d'arracher la moindre note à cet instrument... et vous ? Ne seriez-vous pas musicien, à vos heures... ?
- J'ai cessé de jouer lorsqu'il a fallu que je suive les pas de mon père. »



Répondit-il avec un brin de nostalgie. La jeune femme lui rendit un doux sourire qu'il ressentit comme énigmatique. L'espace d'un instant, il souhaita en arracher tous les secrets, persuadé d'entendre une voix lui murmurer qu'il ne saurait jamais. Les mots qu'elle lui offrit ensuite ne firent qu'accroître le désir coupable qui menaçait de le dévorer.

« Je comprends mieux, maintenant... »

Ce furent-là les derniers mots qu'elle lui adressa. Lorsqu'elle se détourna, le marchand eut beau chercher, il ne trouva rien à lui dire pour la convaincre de rester. C'était comme si, tout d'un coup, tout un monde s'était creusé entre eux, et il se sentit soudain condamné à voir disparaître celle dont, l'espace d'un instant, il s'était épris. Quand elle eut disparu à l'angle d'un autre stand, ses sentiments s'estompèrent avec elle. L'homme devait rester convaincu d'avoir eu à faire à une apparition divine pendant les trente prochaines années.


~


La muse poussa un soupir alors que les dernières notes du piano l'abandonnaient à jamais. Elles étaient si douces, si pures, qu'un instant, elle avait senti son cœur se subjuguer pour cet ancien musicien qui gâchait le talent qui courait entre ses doigts. Car s'il était doué pour graver de merveilleux motifs sur ses instruments, c'est ceux-ci qu'il aurait dû manier. Hélas, l'homme semblait désormais sourd à leurs suppliques, les ignorant superbement et torturant les espoirs d'Elise. C'était sûrement mieux ainsi, d'un certain côté. Les notes l'avaient tant touchée, tant emportée, que si l'homme face à elle avait désiré sa présence rien qu'un peu plus, s'il avait osé formuler ses désirs inavoués, elle aurait voué sa vie à l'artiste qu'elle avait ressentit en lui, offrant à ce dernier les clés d'un monde de pure inspiration. Dans son esprit s'était d'ailleurs joué un futur potentiel aux côtés de celui qui, sans le savoir certainement, avait laissé passer la chance de fréquenter une muse des années durant. La jeune femme accéléra le pas, désireuse désormais de s'éloigner au plus vite de la mélodie de cet homme qu'une part d'elle continuait indéfiniment à appeler de tout son être, de toutes ses forces. À vrai dire, cela faisait depuis Chopin que cette sensation formidable ne s'était pas emparée d'elle au point de lui donner envie de fuir, et cela l'ennuyait terriblement. Bientôt, la muse se mit à courir entre les passants, au hasard des mélodies parvenant à ses oreilles, se laissant guider au son plutôt qu'à la vue. Lorsqu'elle s'ouvrit de nouveau au monde, ce fut pour découvrir un stand rempli de très nombreux jouets qui, bien vite, lui arrachèrent un sourire ravi. Magnifique, envoûtant, merveilleux. Ce furent les trois mots qui lui vinrent à l'esprit lorsque la jeune femme se mit à détailler chacun des jouets qui s'y trouvaient. Là, un train de bois dont le circuit, gigantesque, faisait le tour du stand entier. Ici, des marionnettes de tissu dont elle eût rêvé les voir s'animer. Partout, des jouets de toutes les couleurs, de toutes les formes, de toutes les tailles, attirant son regard à chaque instant, à chaque seconde, toujours plus intensément. Puis ses yeux tombèrent sur un ours en peluche de bonne taille qui lui vola irrémédiablement son cœur. Son poil, d'un brun tendre, semblait si doux qu'elle se voyait déjà s'y perdre avec délice. La douceur de sa fourrure trouvait écho dans un regard qui semblait hurler à la muse de lui offrir un câlin. Mais surtout, ce qui achevait de la convaincre, c'était ses petits bras qu'il tendait vers elle comme s'il l'avait attendue des années durant. Oui, ce Teddy, comme elle avait pris l'habitude d'appeler ce genre de peluche il y a quelques siècles, était fait pour elle. Et elle était faite pour lui. Ainsi que pour la trentaine d'autres du même genre qui l'attendaient sagement dans sa chambre, au cabaret. Mais il fallait la comprendre, aussi. Depuis que Chopin était... parti, elle n'avait plus de bras dans lesquels s'endormir le soir venu. Et cette sensation lui manquait horriblement. C'était comme si un vide s'était creusé à l'intérieur de son cœur sans qu'elle ne parvienne jamais à le combler. La marchande sembla enfin capter le regard de la demoiselle et lui offrit un merveilleux sourire auquel lui répondit immédiatement la jeune femme.

« Il vous plaît à ce point ? »

Sa cliente potentielle hocha instantanément la tête, ne laissant absolument pas planer le doute sur l'amour qu'elle semblait déjà porter à la peluche. La commerçante sembla ravie et son sourire se fit plus large.

« Il est à vous pour seulement 50 francs. N'est-il pas adorable... ?
- Oh si ! Je vous le prends ! »



Les yeux de la marchande s'illuminèrent alors qu'elle reprenait la parole.

« N'allons pas si vite, voulez-vous... J'ai là bien des choses intéressantes qui pourraient également vous enchanter... Avez-vous déjà fait des bulles, mademoiselle... ? »

Lorsqu'Elise secoua la tête, la commerçante sut qu'elle avait gagné.

« Tenez, je vais vous montrer. »

La vendeuse attrapa un flacon en verre et précisa à sa cliente de faire très attention en le maniant. Elle en sortit ce qu'Elise prit tout d'abord pour un pinceau mais qui se révéla être un bâton surmonté d'un ovale, puis elle souffla. Ce qui s'ensuivit fit bondir le cœur de la muse dans sa poitrine alors qu'elle ouvrait la bouche en un rond parfait, l'air émerveillée.

« C'est magnifique... C'est la musique qui prend vie... »

La vendeuse ne devait jamais comprendre les paroles d'Elise, qui, seule, pouvait entendre le spectacle auquel elle assistait. En s'envolant, il semblait en effet que les bulles interféraient avec les mélodies des gens alentours, les transformant, les magnifiant, et ne leur rendant que leur forme originelle lorsqu'elles éclataient. Et quelle beauté dans chacune de ces bulles ensorcelantes ! Dès la première d'entre elles, Elise fut convaincue.

« Je vous prends ça aussi. »

Devant l'enthousiasme de sa cliente, la vendeuse décida d'en profiter.

« Ces petits flacons sont un peu magiques, vous l'avez bien remarqué... Aussi dois-je vous informer que leur prix peut paraître un peu... élevé.
- Ça ne fait rien, je le prends, j'insiste.
- Bien mademoiselle. Le tout vous fera donc 80 francs, en comptant la peluche, bien évidemment. »
 
 


Elise n'hésita pas une seule seconde à vider le reste de ses poches sur le comptoir, arrachant un gigantesque sourire à la marchande qui venait de faire sa journée. Elle lui tendit peluche et flacon et, avant même qu'elle ne réalise, la demoiselle avait déjà filé. La vendeuse haussa les épaules et reporta son attention sur les autres passants, qu'elle se remit à alpaguer.


~


Elise serra sa nouvelle peluche contre son cœur avec un sourire satisfait. Même si elle avait dépensé là tout son budget du mois, elle était ravie. Ses nouveaux trésors suffisaient amplement à son bonheur, plus encore que tout l'argent du monde. Toutefois, par acquis de conscience, la muse plongea les doigts dans l'une de ses larges poches afin de compter l'argent qu'il lui restait. Lorsqu'elle se rendit compte que celle-ci était vide, son sourire s'estompa instantanément. Vide, hein ? C'était impossible. Au delà des pièces, dans cette poche-là, il y avait... autre chose. Et cette autre chose manquait à l'appel. Si perdre tout son argent ne dérangeait absolument pas la jeune femme, ceci, en revanche, la contrariait énormément. Sans réfléchir, elle fit volte-face et se remit à courir en sens inverse. Il fallait qu'elle le retrouve. Elle se refusait définitivement à le perdre. Tout sourire perdu, toute insouciance oubliée, la muse dû pourtant bien vite se rendre à l'évidence. En courant, elle diminuait ses chances de retrouver ce si précieux objet. S'arrêtant net, Elise laissa errer son regard sur le sol jusqu'à ce qu'une mélodie étrangement familière lui parvienne aux oreilles. Lorsqu'elle releva les yeux, ce fut pour croiser le regard de l'homme de la dernière fois. Ashton, celui du pont. Un nouveau sourire parvint à s'épanouir sur ses lèvres alors qu'elle s'élança devant celui qui, visiblement, lui était envoyé par la providence. C'est sans même hésiter une seule seconde qu'elle lui sauta au cou, visiblement ravie de le voir. Un instant, elle ferma même les yeux pour savourer la musique de cet homme, une musique si originale qu'elle n'en avait jamais entendu de semblables de toute sa vie. Puis le souvenir de l'objet perdu se fit plus intense, et elle relâcha celui qu'elle ne connaissait que parce qu'elle était un jour littéralement tombée dans ses bras plutôt que dans la Seine. La moue contrariée qui s'afficha sur son visage la poussa à serrer sa nouvelle peluche contre elle. La muse ferma une nouvelle seconde les yeux, savourant rien qu'un peu plus la mélodie d'Ashton. Peut-être qu'il l'aiderait, si elle lui demandait... ?

« Vous êtes toujours aussi magique... »

Lui dit-elle enfin, après avoir retrouvé son sourire. Magique, chez elle, se rapprochait très certainement de la définition d'extraordinaire ou même plus simplement d'original, ce à quoi Ashton semblait parfaitement correspondre. Et pour cause. Ses yeux s'arrêtèrent alors sur chacun des tatouages du jeune homme, sur chacun de ses piercings et également sur la moitié de son crâne qui était rasée, achevant, étonnamment, de la mettre en confiance. À l'idée d'avoir perdu l'objet qu'elle s'apprêtait à évoquer, la muse laissa un voile chagrin recouvrir son doux visage. Mais lorsqu'elle ouvrit de nouveau la bouche, elle articula parfaitement, sans une once d'hésitation.

« Dites, Ash'... J'ai perdu un bouton de manchette, sur le marché, et je dois absolument le retrouver... Vous m'aideriez à le retrouver ? Hein ? S'il vous-plaît ! Après, je vous promets de vous montrer quelque chose de vraiment très magique ! »

L'expression « chercher une aiguille dans une botte de foin » n'eut sans doute jamais autant de sens qu'en cet instant-là.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMer 20 Mai - 19:54

Leurs yeux s'étaient rencontrés. L'instant s'échappa et virevolta dans les airs, s'envola, joua avec le vent. Ils étaient hors du temps. Ashton se figea bien volontiers et fixa de son regard si intense la femme qui lui faisait face. Sans pouvoir l'expliquer, il sentit des frissons parcourir son échine, la flamme de l'inspiration naître dans ses veines. Il n'était pas artiste mais il s'en sentait soudain l'âme. Son cœur se rétracta avant de se gonfler, plein de sang et de vie, battant dans tout son corps une symphonie de mots, poésie de sa propre nature. Il battit doucement des paupières, cherchant à mettre le doigt sur cette sensation nouvelle qui s'élevait en la seule présence de cette divine créature. Soudain, le désir. Il voulait en savoir plus, connaître, palper, toucher, sentir cette fille presque inconnue tombée dans ses bras comme un cadeau du destin. Vérifier, peut-être, qu'elle était réelle, et pas seulement le fantasme vaporeux qui donnait l'impression de la constituer. Un sourire s'épanouit sur le visage poupin de la belle et brusquement, il était poète, musicien, danseur. Ses yeux perçants se prirent à détailler le corps qu'elle osait révéler à la lumière du Jour comme pour le défier de lui faire de l'ombre. On eut dit qu'un artiste avait trempé sa plume dans une fontaine d'ambroisie et avait laissé son encre, empreint du goût des dieux Olympiens, parcourir une feuille pour créer les contours, les reliefs et les couleurs de cette femme. S'il avait un jour ressenti de l'attirance pour elle, celle-ci était désormais effacée : il s'agissait là d'un chef d’œuvre qu'on ne touche pas, d'un joyau si brut qu'on ne devait le toucher sous peine de le souiller à jamais. Et puis il y avait l'innocence qui irradiait d'elle comme les rayons du soleil, une innocence que jamais il ne songerait à rompre. Elle était parfaite telle qu'elle était. Puis elle bougea, et l'instant céda un peu plus à chacun des mouvements que la fille initiait en sa direction. Son éternel sourire suave aux lèvres, il la laissa venir, presque timide à l'idée de faire face à pareille créature. Ce fut tout naturellement qu'il l'enserra de ses bras lorsqu'elle enroula les siens autour de son cou dans un geste étonnement familier qu'il n'interpréta autrement que de la pure affection. Il sourit davantage et laissa son menton se poser sur l'épaule pâle et nue tandis que sa compagne du moment fermait ses délicates paupières.

« Vous êtes toujours aussi magique... »

Un léger éclat de rire s'échappa des lèvres pleines du jeune homme alors qu'il se redressait doucement, saisissant une mèche rosée entre ses doigts dentelés pour la replacer derrière l'oreille de la demoiselle. La voix de cette dernière était fidèle à ce qu'elle avait été la première fois : une musique au goût d’Éternel. Son sourire s'élargit encore, malgré les passants qui les dévisageaient une fois de plus. Son regard perçant rencontra de nouveau celui de la belle.

« Oh, je crains que ce ne soit l'inverse, belleza. »

Belle dont elle avait hérité le surnom, qui avait caressé ses lèvres comme une évidence. L'espagnol seyait cette femme chantante à la perfection, épousait si bien ses formes et son allure qu'il se prit l'envie de lui parler dans cette langue familière à son cœur. Mais le visage, le beau et doux visage de la créature -car elle n'eut su être humaine- se voil-a d'une peine d'enfant. Il se prit à vouloir arracher l'amère douleur de la peau de cette femme, quitte à s'en brûler les doigts. Sans s'occuper des regards insistants des piétons -il n'était pas de ce monde de codes et n'en comprenait pas les rouages-, il lia ses mains dans le dos de cette belle fille et attendit qu'elle daignât lui exposer son histoire.

« Dites, Ash'... J'ai perdu un bouton de manchette, sur le marché, et je dois absolument le retrouver... Vous m'aideriez à le retrouver ? Hein ? S'il vous-plaît ! Après, je vous promets de vous montrer quelque chose de vraiment très magique ! »


La familiarité qui semblait caractériser la dame ne l'étonnait guère plus, elle qui semblait hors du Temps et de la réalité. Sa demande, en revanche, l'emplit d'incrédulité. Un bouton de manchette... Son regard noisette se perdit sur le marché au puce, sur la foule grouillante qui ondulait entre les stands et sur le sol, masse noire de jambes innombrables cachant presque sa couleur même. Il battit des cils.

« Belleza... »

Les mots s'éteignirent quand les pensées évoluèrent. Les iris bleutés, aux reflets si particuliers qu'ils ressemblaient parfois à des boutons de roses, s'étaient accrochés aux siens et avaient implanté en lui la certitude qu'il ne saurait jamais dire non à cette fille. Ashton sourit de nouveau : avait-il seulement compté dire non une seule fois ? Il haussa donc des épaules, le visage joueur et le rire dans le cœur, et se pencha sur cette personne. À vrai dire, il était également curieux de tout ce qu'elle pouvait lui faire découvrir, à lui pour qui la présence la plus magique en ces lieux n'était autre qu'elle.

« Seulement si j'ai le droit à votre nom en cadeau, alors. »

Alors qu'il attendait la réponse, ses sens se concentrèrent sur les alentours, sondant les auras, écoutant les paroles jetées dans le vent, cherchant un quelconque indice sur un éventuel bouton de manchette. Il saisit presque inconsciemment la main de la demoiselle et y déposa un baiser.

« Avez-vous une idée de l'endroit où vous l'avez perdu, señora ? »


Il fallait bien commencer par le commencement, même si son instinct lui soufflait que les chemins, en compagnie de cette personne, étaient plus sinueux qu'avec quiconque, et que le sens en serait déterminé par les envies seules de la créature. Une créature qui, définitivement, lui faisait penser au vent qui balayait les océans.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeSam 23 Mai - 0:24

L'inverse. Elise eut, le temps d'une courte seconde, un sourire désabusé par le côté surréaliste de cette affirmation. A vrai dire, elle ne comprenait pas, ne pouvait pas comprendre comment un être avec une telle musique, une telle profondeur dans les notes qui se dégageaient de lui, pouvait affirmer pareille bêtise. Elle n'était pas plus magique que lui et, tristement, ne le pourrait certainement jamais. Mais cet état de peine ne teinta l'esprit de la muse que quelques rares secondes, bientôt dépassé par le plaisir qu'elle ressentit à l'idée qu'Ashton ait pu lui attribuer un surnom. Belleza. Ce mot seul aurait suffit à ravir Elise pour les trois jours à venir, mais qu'il soit prononcé par cet homme qu'elle appréciait déjà tant ne faisait qu'accentuer le bonheur qui s'empara brusquement d'elle. Belleza. Ce mot, cet unique mot, réveillait en Elise une tendresse passée par cette douceur toute simple qui s'en dégageait lorsqu'on le prononçait. Belleza. Ce mot roulait sur sa langue avec délice, caressant son oreille du même temps, murmurant à la muse tout un monde par sa simple existence. Ce fut certainement à cet instant, lorsqu'elle savoura le surnom qu'il lui attribua, qu'Elise décida de voir en Ashton un ami. Ce fut certainement à cet instant qu'elle lui offrit à jamais sa confiance. Ce fut certainement à cet instant qu'Elise accepta de mettre sa vie entre ses mains. Et sa vie, aujourd'hui, se résumait en un objet unique, un souvenir plus fort que tous les autres, quelque chose qu'elle avait égaré et qu'elle ne se pardonnerait jamais d'avoir perdu. Un simple bouton de manchette. À l'inestimable valeur. Elise était prête à passer l'éternité à le rechercher, peut être même encore davantage, et ce dès maintenant. C'est tout naturellement que la muse se blottit donc contre Ashton avant de planter son regard dans le sien, dans ces yeux d'une intensité rare qu'elle ne comprenait pas, n'entendait pas. Elise était de ces êtres si sensibles à la musique qu'ils en oubliaient de l'être au reste, qu'ils en oubliaient d'écouter ces autres choses.
Pourtant, la muse savoura le temps que dura le contact visuel qu'elle avait instauré, peut-être tout autant que le mot unique qu'il prononça tout d'abord en guise de réponse et qui incurva ses lèvres en un merveilleux sourire. Pourtant, la muse ne quitta absolument pas ce regard dans lequel elle acceptait de s'égarer lorsqu'il sembla brièvement chercher ses mots. Et lorsqu'il lui apprit qu'il ne savait pas même son nom, ses yeux s'écarquillèrent sans quitter les siens, sujets à une surprise qu'elle ne s'expliquait pas. Mentalement, la muse se remémora leur rencontre si particulière qui avait donné à Ashton des allures de sauveur dès le tout premier jour. Elle se rappela leur longue, très longue discussion, la façon avec laquelle il lui avait offert son nom, l'avait écoutée, lui avait répondu, cette manière si particulière de lui donner des réponses qui n'en étaient que parce qu'elle le voulait bien et avec laquelle il avait séduit la muse. Elle se souvint ensuite des heures qui avaient défilées en sa compagnie, tant et si bien qu'il lui avait semblé que la nuit était brusquement tombée, longtemps avant l'instant où elle aurait dû recouvrir la capitale. Puis ses souvenirs la guidèrent vers l'instant de son départ, l'instant où, telle une comète, elle avait enflammé le ciel avant de soudainement disparaître, comme si elle n'avait été rien d'autre qu'un rêve égaré. Effectivement elle ne lui avait pas même offert un nom, rien d'autre qu'un sourire. Celui qui naquit alors sur ses lèvres fit écho à ce dernier alors qu'enfin, elle ouvrait la bouche pour lui offrir cette identité qui, d'une certaine manière, scellait l'avenir de la muse. Elle le reverrait. Maintenant, c'était sûr. Ashton ferait, pour un temps tout du moins, partie de sa vie. Et cette simple idée suffisait à la réjouir.

« Elise. Je m'appelle Elise. »

Lorsqu'elle prononça son nom, le souvenir de celui qui le lui avait offert s'imposa dans son esprit, rappelant du même coup à la muse ce qu'elle avait perdu. L'air contrarié qui ne semblait pas capable de s'imposer plus de quelques secondes sur son visage revint la hanter, diminué cette fois-ci par la certitude qu'elle avait de retrouver son si précieux objet. Certitude qui se trouva renforcée par les mots qui quittèrent bientôt les lèvres du jeune homme après que celles-ci se soient égarées sur sa main. Oui, décidément, Ashton parvenait à lui donner confiance avec une facilité déconcertante.

« Absolument pas ! »

Répondit-elle le plus naturellement du monde, comme si cela ne posait aucun problème qu'elle ne sache pas par où commencer. De plus, ce n'était pas tout à fait vrai. Elle se souvenait précisément de l'endroit où elle avait fait ses derniers achats, le stand où elle avait adopté son Teddy et où elle avait trouvé son merveilleux flacon magique. Sa main s'empara de celle d'Ashton dans un mouvement presque automatique, absolument dénué d'arrières pensées et dû à la simple tendresse qu'elle se prenait à ressentir pour le jeune homme. Puis la muse s'élança sans plus attendre, laissant à Ashton le soin de comprendre qu'elle avait décidé d'un endroit pour débuter leurs recherches. Lorsqu'ils arrivèrent au stand de jouets, la vendeuse adressa un air hostile au duo, sans doute persuadée que la jeune femme qu'elle avait arnaquée revenait pour récupérer ce qu'on lui avait extorqué.

« Désolée mademoiselle, je ne reprends aucun article. »

Si le ton peu affable de la commerçante surprit la muse, cette dernière n'en laissa rien paraître, secoua intensément la tête et serra son Teddy de sa main libre dans un mouvement instinctif. Elle l'aimait déjà absolument, cet ourson en peluche, et l'idée de s'en séparer lui était tout bonnement insupportable, comme le regard de détresse qu'elle envoya à Ashton en informa le monde entier.

« Je ne veux pas vous rendre Teddy ! Je l'aime tellement... ! »

La marchande se sentit instantanément rassurée, jusqu'à ce qu'elle se souvienne qu'elle avait surtout arnaqué la demoiselle sur tout autre chose. Elle prit un air encore plus sévère, ouvrit la bouche pour annoncer à sa cliente qu'elle ne reprendrait pas non plus le flacon, mais celle-ci la devança, comme si elle avait lu dans son esprit.

« Chuuuuut ! S'il vous plaît, ne dites rien, je ne viens pas non plus vous le rendre. En fait je suis ici pour savoir si... »

Cette fois-ci, la vendeuse laissa un sourire satisfait s'emparer de ses lèvres alors qu'elle tournait la tête pour dévisager l'homme qui accompagnait la jeune femme. Son sourire fondit instantanément lorsqu'elle remarqua l'accoutrement de ce dernier, puis revint quand elle se rappela qu'il s'agissait là d'un client. Un client qui devait sans doute être tout aussi naïf que la demoiselle, s'il avait accepté de la suivre après qu'elle lui ait annoncé le prix de l'ourson... Elle ne laissa pas terminer Elise et prit de nouveau la parole, désireuse d'arnaquer l'homme à son tour.

« Je ne dirai rien, mademoiselle, ayez confiance... Je suppose que c'est un cadeau pour ce jeune homme... ?
- C'est une surprise, n'ajoutez rien madame, s'il vous plaît ! »


La marchande hocha bien évidemment la tête -le client était roi tant qu'il ne venait pas lui faire la moindre réclamation- et poursuivit.

« Bien, bien... Pour un jeune homme comme vous... »

La commerçante disparut un instant sous son stand et revint avec une très, très vieille boîte à musique qu'elle ouvrit avec douceur. La mélodie qui s'en échappa poussa Elise à écarquiller les yeux alors qu'elle dévisageait la petite figurine dansante qui lui ressemblait à s'y méprendre. Et pour cause.

« Quelque chose me dit que cette merveilleuse boîte à musique vieille de plusieurs siècles plairait énormément à monsieur... De plus, le petit personnage que vous voyez ici représente Euterpe, que je ne vous présente pas. Je suis certaine qu'un homme aussi... original que vous sait forcément de qui il s'agit, n'est-ce pas ? Vous vous doutez bien qu'un tel objet possède un... certain prix. Aussi... cette boîte à musique est à vendre à 95 francs. Je suis sûre que vous comprenez pourquoi. Pas vrai... ? »

Un requin sur le point de dévorer sa proie n'aurait pas offert d'autre sourire que celui que fit ensuite la marchande à Ashton lorsqu'elle acheva de présenter l'objet.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeJeu 28 Mai - 22:47

La voix d’Élise était toute particulière. Elle résonnait dans ses oreilles comme une musique matérielle qu'on pourrait toucher et sentir, palper à son gré et humer selon ses plaisirs. Ashton aimait l'écouter, ses intonations chantantes, son ton doux et innocent. Il n'avait jamais rencontré quelqu'un de tel et il se félicitait de pouvoir fréquenter cette femme aux cheveux de fleurs. Nul besoin d'écouter les mots qu'elle prononçait par dizaines, il la comprenait sans l'entendre.
Élise.
Un nom qui voulait sans doute tout dire, tout en ne signifiant rien. Il sentait pourtant que tout avait un sens dans l'identité de cette créature, se délectait déjà de chaque fait qu'il apprendrait sur elle et son existence ésotérique. Son sourire s'agrandit et s'accrocha à son visage, ne perdant pas même du terrain lorsque son interlocutrice dévoila son ignorance totale de l'endroit où pouvait se trouver l'objet qu'elle cherchait. Bien au contraire, un éclat de rire s'échappa de ses lèvres percées. Elle était si différente, unique, profondément, à jamais sans doute. Lorsqu'elle saisit sa main, il prit le temps de savourer le contact. Elle le guida, aérienne et volatile, le long des stands dont il salua certains marchands. Le mouvement l'avait ramené à la réalité dont il avait perdu le fil, le poussant à reprendre contact avec cette humanité qui l'entourait. Humaine, la commerçante qu'il rencontra ensuite l'était. Sa mine renfrognée, sa posture sèche, son regard bougon... elle ne semblait pas contente de les voir. Ashton pencha doucement la tête sur le côté, curieux d'apprendre comment il était possible de renier une existence telle que celle d’Élise.

« Désolée mademoiselle, je ne reprends aucun article. »

Il commença à comprendre. L'aura qui émanait de cette femme puait l'avarice et son corps lui soufflait que son cœur tendait vers l'appât du gain plutôt que celui de l'Art. La peluche que sa jeune compagne tenait dans ses frêles bras prenait soudain tout son sens...

« Je ne veux pas vous rendre Teddy ! Je l'aime tellement... ! »

Le sourire d'Ash demeurait, perdu dans l’Éternité que sa nouvelle connaissance semblait créer autour d'elle. Il avait à ses côtés un enfant du Temps, témoin innocent de l'Histoire qui s'égrainait entre ses doigts. Ses doigts se resserrèrent sur la main qu'il tenait, il s'avança plus près pour sentir tout contre lui la chaleur de cet être millénaire. Car il la percevait inlassablement, cette sagesse enfantine, cette vieillesse juvénile. Le dialogue qui s'en suivit viola cette idée si poétique d'un coup d'habile langage d'une commerçante véreuse, ce qui ne fit qu'accentuer son hilarité. Elle n'avait aucune idée du client sur lequel elle était tombée, cette pauvre femme. Pour sûr, sa boîte était belle, d'un vieux bois vernis dont on sentait s'échapper le poids des années, une musique douce et la stature d'Euterpe en son centre qui lui conférait un charme non négligeable. Cependant l'allure, bien que tout à son avantage, trahissait sa relative jeunesse. Des années, sans doute, des siècles, rien n'était moins sûr. Il sourit toutefois à la dame et, désireux de jouer à ce jeu avec elle, parcourut la boîte de ses longs doigts.

« Des siècles, disiez-vous ? Savez-vous exactement combien ? »

La réponse, il la connaissait déjà, mais il se délecterait sans mal de la mine décomposée de la vendeuse qui s'enfoncerait sans doute dans un énième mensonge. Tandis que son regard parcourait la silhouette innocente d’Élise non sans un sentiment de déjà-vu, un profond désir de donner une bonne leçon à la marchande gronda en lui. Il fit mine de songer un instant puis releva le doigt.

« Mais non, j'ai une bien meilleure idée ! Laissez-moi faire. En tant qu'archiviste je devrais y parvenir, n'est-ce pas ? »

Son sourire, charmeur, dévastateur, et soudain dangereux. Il posa sa grande main sur l'étalage et s'avança doucement vers la femme au fur et à mesure que ses paroles s'échappaient de sa bouche dans un subtil coup de bluff. Jouer au poker avec les pires tricheurs de la planète lui servait enfin.

« Le bois, ce style épuré et pourtant si détaillé...», commença-t-il.

Quand enfin il fut tout près de l'oreille de l'arnaqueuse arnaquée, il lui souffla:

« Un véritable bijou du XIXème siècle, ne pensez-vous pas ? »

Son regard de braise transperça la commerçante alors qu'il se reculait, lentement, séducteur dans le moindre de ses mouvements. Ses doigts entrelacés avec ceux d’Élise amenèrent la main de celle-ci à ses lèvres et il y déposa un doux baiser sans que ses yeux ne lâchent ceux de la marchande. Il la tenait. Et dans ce jeu impérial, il était le roi. Bien malgré elle, cette dame allait apprendre à ne pas s'amuser à piller l'esprit des plus crédules. Ashton n'était pas de ceux qu'il était bon de duper, il allait le prouver et inscrire cette réalité dans la mémoire de cette marchande qui se croyait requin. La boîte jouait une délicate musique de fond pour cette fable moderne. Il sourit plus encore.

« Je suis d'accord avec vous, ma bonne dame. Une breloque mérite son prix, toujours. Je pense qu'elle doit bien valoir... au moins l'équivalent de cet ours, hm ? Qu'en pensez vous ? Sept francs, peut-être ? »

Oh, la boîte en valait plus, cela ne faisait aucun doute. Ils le savaient tous deux et sa mine horrifiée en témoignait sans peine. Toutefois il ne s'arrêta pas là. Jouant avec l'objet qu'il imaginait déjà chez lui, posé sur une étagère comme le trophée de sa journée, il sourit et adressa un regard pétillant de joie à son adversaire.

« Mais dites... Comme j'ai deviné, j'ai le droit à une ristourne, n'est-ce pas ? »

Il décida alors d'augmenter le volume de sa voix, de manière à en faire profiter le maximum. Faire de la publicité à cette charmante personne était une digne rétribution de ses efforts. Tout cela n'était qu'une vaste comédie dans laquelle il entraînait Élise, la faisant virevolter dans ses bras.

« Parfait, c'est parfait ! Une boîte à musique pour cinq francs, vous me dites ! Ah ma bonne dame, vous illuminez ma journée ! »  

Les passants se retournèrent, s'avancèrent, observèrent la jolie breloque qu'Ashton échangeait contre quelques pièces. Bientôt la marchande fut entourée de clients à qui elle devrait vendre des objets bien moins cher qu'elle ne l'avait espéré. Le sourire du jeune homme s'agrandit alors qu'il prenait celle que tout le monde pensait son amante dans ses bras, l'air résolument heureux. Après tout, il venait d'acquérir une bien belle boîte pour cinq francs ! Il se pencha vers sa douce compagne et souffla à son oreille.

« Que pensez-vous d'aller chercher ailleurs notre bonheur, belleza ? »

Le surnom chantant s'échappait de ses lèvres malgré lui, se refusant à s'effacer de l'identité de la Belle. Il l'appréciait déjà tant que c'en était amusant. Cette demoiselle était d'une compagnie qui lui plaisait fort, et son apparent désir de la protéger le menait à son secours, encore, toujours. Toutefois, quelque chose lui disait que ce n'était là que le début... Ses amis commerçants saluèrent son geste d'un éclat de rire général auquel il répondit d'une révérence caricaturée. Ashton était un être de la rue, une âme du peuple. Il se délectait des aléas de l'urbanité et se complaisait dans son désir de parler aux petites gens. Il resserra son emprise sur la main d'Elise et se pencha de nouveau sur elle pour pénétrer son regard.

« Et si vous me disiez à quoi ressemble ce bouton de manchette ? »
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeSam 30 Mai - 0:49

Le sourire d'Ashton rassura Elise à tout jamais. Elle ne perdrait pas Teddy, il regagnerait sa chambre avec elle, ce soir, et ne l'abandonnerait pour rien au monde. C'était sans doute ce que la muse préférait, chez les peluches. Le fait qu'elles acceptent toujours les câlins et qu'elles ne la quittent pas. Aussi la demoiselle en avait-elle accumulées autant qu'il lui avait été possible de le faire, recouvrant son lit de celles-ci, et ne trouvant le sommeil que lorsqu'elle s'était assuré de la présence de chacune. Qu'un être millénaire, qu'une créature éternelle, apporte tant d'importance à de simples bouts de tissus rembourrés devait étonner, parfois, souvent, mais elle n'en avait que faire. De ça, et de tout le reste. C'était comme si l'avis des gens la contournait, la dépassait, ne la frôlait pas même et s'échouait lamentablement sur le mur le plus proche, à jamais déçu de ne pouvoir blesser sa victime. Elise était de ces êtres que l'on ne rencontre qu'une seule fois dans sa vie, de ces chances qu'il fallait savoir saisir et qui jamais ne repassent. Elise était un souffle d'air frais en plein désert, de ceux qui indiquaient une oasis et que perdre de vue une seule seconde revenait à perdre à tout jamais. Et ça, Ashton semblait l'avoir compris. Il avait su, deviné, appris presque instinctivement comment accorder sa voix, ses sourires, ses gestes, pour rassurer la muse qui, au contact de ses doigts, retrouva jusqu'à sa joie, définitivement persuadée que Teddy ne repartirait pas. La suite se passa très vite, Elise suppliant pratiquement la marchande de ne pas divulguer son secret, et la commerçante se demandant si elle ne pourrait finalement pas extorquer plus d'argent encore à cette fille ou même à son ami. Puis vint l'instant de la boîte à musique. Elise avait beau se creuser la tête, elle ne se souvenait pas d'avoir un jour posé pour qui que ce soit d'autre que l'homme qui s'était occupé de la tombe de Frédéric. Un certain... Auguste Clésinger, si sa mémoire était bonne. Et si la muse avait un doute sur le nom de l'artiste, ce dont elle se souvenait plus sûrement que tout au monde était ce jour fatidique durant lequel elle avait tant pleuré. De plus, la blessure était encore suffisamment douloureuse pour que la demoiselle atteste que la boîte n'avait pas tous les siècles que la marchande annonçait. Loin de là, même. En tout et pour tout... Elle devait avoir une trentaine d'années, bientôt quarante. Cependant, alors qu'Elise ouvrait la bouche pour contredire cette femme qui avait su si bien l'arnaquer une vingtaine de minutes plus tôt, Ashton fut plus rapide et proposa de dater lui-même l'objet. Sans vraiment savoir pourquoi, la muse eut la certitude qu'il saurait lui attribuer un âge exact. Alors, quand son ami étudia la boîte à musique, Elise se fit extrêmement attentive, cherchant à comprendre comment ce dernier pouvait la dater d'un simple regard. Sans s'en rendre compte, elle donna d'ailleurs du crédit à celui qui deviendrait un frère pour elle et la marchande se sentit défaillir. Sur qui était-elle donc tombée ?!

« Un véritable bijou du XIXème siècle, ne pensez-vous pas ? »

Tout le corps de la commerçante sembla se raidir sous des mots que n'avait pu percevoir la muse. Cette dernière décida donc de serrer son Teddy dans ses bras, se détournant d'une conversation qui ne la captivait déjà plus.
La marchande aurait sans doute voulu faire de même, oublier cet homme qui perçait à jour ses entourloupes et continuer à arnaquer de pauvres innocents. Hélas pour elle, Ashton ne semblait pas désireux de terminer la partie, et ce malgré le regard haineux qu'elle lui lança. C'est à peine si elle n'eut pas l'impression de le ragaillardir, d'ailleurs, car celui-ci amena la main de celle que la femme devinait être sa compagne, sinon son amante, à ses lèvres dans un geste provocateur. Ce... sale type avait-il décidé de la venger ?! Et si tel était le cas, comment allait-il s'y prendre... ? Doucement, la main de la commerçante se glissa sous le comptoir, à la recherche des 80 francs qu'elle avait extorqué à Elise. Les lui rendre lui semblait soudainement être la meilleure option qui soit, et en vitesse. Hélas pour elle, le jeune homme fut plus rapide, et ses mots réduisirent à néant tous les espoirs de la vendeuse qui avait cru qu'elle pourrait s'en tirer. Avalant sa salive, la femme écouta bien malgré elle ce qu'elle percevait comme des menaces.

« Je suis d'accord avec vous, ma bonne dame. Une breloque mérite son prix, toujours. Je pense qu'elle doit bien valoir... au moins l'équivalent de cet ours, hm ? Qu'en pensez vous ? Sept francs, peut-être ? »

Sept francs. Sept misérables francs pour une boîte qui lui en avait coûté le triple ! Si la marchande avait été capable de tuer du regard, Ashton serait déjà mort.

« Mais... Ashton, tu as tort, Teddy valait 50 francs, pas juste sept ! »

Et son amie serait morte avec lui. La marchande trouva d'ailleurs le temps de tourner des yeux assassins vers elle, juste avant que ce... cet escroc -il n'était rien d'autre que ça!- reprenne la parole pour lui demander une ristourne. La commerçante s'étrangla presque, se sentit clairement défaillir, voyant filer entre ses doigts tout l'or qu'elle avait escompté. Elle tenta donc.

« Vous... vous n'y pensez pas sérieusement... Un prix si bas ne saurait être réd-... »

Mais elle n'eut jamais le temps de terminer sa phrase. Ashton, alias le sale type, ouvrit de nouveau une bouche qu'elle aurait voulu fermer à coups de marteau pour annoncer A VOIX HAUTE une réalité qu'il avait lui-même créé de toute pièce. Le sourire qu'elle lui adressa fit de l'ombre à la banquise elle-même tant il était froid. Le ton qui l'accompagna se voulut encore plus glacial.

« Ahaha... Allons, allons mon bon monsieur... ne criez pas ainsi, nous sommes en public et tout un chacun a droit au calme... De plus, sachez qu'il est bien normal pour un commerçant de faire un geste pour un client si adorable... »

Ses yeux démentaient la moindre de ses affirmations alors qu'elle tendait la boîte à musique à Ashton, , mais cela ne suffit pas à détourner l'attention des badauds alentours. Ceux-ci rejoignirent bien vite son stand, ce qui poussa la marchande à fusiller une dernière fois du regard l'homme qui venait de définitivement lui pourrir sa journée. Hélas pour elle, Ashton ne le remarqua même pas, trop occupé qu'il était à soulever la jeune femme qui l'accompagnait dans ses bras. Celle-ci éclata d'un rire ravi et la marchande décida de maudire le couple pour la centaine d'années à venir.

« Que pensez-vous d'aller chercher ailleurs notre bonheur, belleza ? »

Le surnom arracha un nouveau sourire à la muse qui n'avait apparemment pas suivi ce qu'il venait de se passer, n'ayant d'ailleurs retenu que l'essentiel. Ashton était heureux, alors elle aussi. Elle hocha donc la tête avec enthousiasme, semblant bien se moquer qu'on puisse la prendre pour l'amante du jeune homme qu'elle accompagnait. Pire encore, elle embrassa la joue du concerné sans aucune gêne lorsqu'il se pencha vers elle, un sourire enchanté aux lèvres. Ce qui suivit ne fit que la faire sourire davantage alors que, mentalement, elle se remémorait ce bouton de manchette qu'elle avait observé des milliers de fois sans jamais s'en lasser. Il était le dernier souvenir tangible d'un être aujourd'hui disparu et qu'elle ne reverrait jamais. Il était son plus précieux trésor, elle qui possédait pourtant plus encore. Et le perdre blessait son cœur plus sûrement que tous les mots du monde...

« Il est fait d'or et est finement ouvré. Le dessin est aussi doux que son propriétaire l'était. Ce sont deux roses entrelacées qui y sont gravées, de façon si réussie qu'on se prend à les observer durant des heures. Oh Ashton, croyez-moi, c'est le plus beau de tous les boutons de manchette ! »

Dit-elle avec le plus grand de tous les sourires. En parler la ramenait en un temps aujourd'hui révolu qui continuait pourtant de peupler le moindre de ses rêves. Elle ne se souvenait que trop bien du visage à qui avait appartenu ce bouton de manchette dont elle ne se séparait jamais et cette simple réminiscence lui semblait plus douce encore que le pelage de son ours en peluche. Ses yeux se perdirent dans ceux de son vis-à-vis alors qu'elle abandonnait un temps le présent pour ajouter.

« Je n'avais pas le droit de le perdre, il faut vraiment que je le retrouve... Et je crois savoir où il peut être. »

Ses doigts relâchèrent ceux d'Ashton pour se glisser autour de la flûte qu'elle arborait au cou, puis la muse rendit sa main au jeune homme. Le visage du commerçant précédent s'était imposé à son esprit sans qu'elle n'y puisse rien, et dans les faits, l'idée qu'elle ait pu oublier son si précieux trésor aux côtés de cet homme semblait crédible. Il l'avait en effet tellement troublée qu'elle en avait oublié jusqu'à la réalité, perdue dans une mélodie qui l'envoûtait plus encore que toutes les autres. Face à celle-ci, même ce que dégageait Ashton devenait fade.

« Oui... Décidément, il ne peut être que là-bas ! »

Dit-elle en entraînant une nouvelle fois son ami à sa suite.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeDim 7 Juin - 16:00

Un sourire satisfait illuminait le visage d'Ashton, si bien que son piercing devenait semblable à un croissant de Lune contre sa bouche rieuse. La mine courroucée de la marchande qu'il venait d'arnaquer ne faisait que nourrir son indomptable irrévérence. Cette jouissive liberté lui rappelait le temps révolu où, n'ayant pas un sou en poche, il avait été contraint de voler de la nourriture sur les marchés de La Habana et de fuir la rage vengeresse des vendeurs. Il se souvenait, encore à ce jour, de l'adrénaline palpitant dans ses jeunes veines tandis qu'il tentait d'échapper à un poissonnier rancunier dont il avait chapardé une carangue. Il sourit davantage à la mémoire de ce cher Eliecer et ne fut ramené à son Paris actuel que par la main délicate d’Élise au creux de la sienne. Il se concentra de nouveau sur la ville Lumières, ses passants, ses rues ensoleillées par le Printemps et, plus encore, sa charmante compagne. Ah, la belle jeunette eut trouvé à Cuba les plus nombreux et les plus talentueux des courtisans. Au demeurant cependant, il doutait fort qu'elle en eût eu conscience. Cette pensée mena un sourire amusé à s'épanouir sur son visage, ne détachant pas ses yeux de ceux, bleuets, de la demoiselle.
Le bouton de manchette.

Un objet en soi dérisoire, qui semblait pourtant agiter le cœur de la créature plus qu'aucun autre événement ne le pouvait – pas même une monstrueuse arnaque. Un objet tout particulier, donc, puisqu'il tenait dans la vie de la jeune femme une part primordiale. Un objet qu'il devait retrouver parmi la capitale française et, pire encore, une rue encombrée de personnes de tous bords, de tous horizons. Ce qu'il aimait tant dans cet endroit se retournait soudain contre lui. Chienne de vie. Ashton sourit un peu à sa petite boutade mentale avant de se recentrer sur leur conversation. Il tenta ensuite de visualiser le bouton, ses ornements dorés et son motif fleuri. Emportée par le tourbillon de ses esprits, Élise ne lui laissa cependant pas le temps de trop réfléchir alors qu'elle l'emportait avec elle vers un lieu qui, selon elle, devait être la clef de leur réussite. Si la fine silhouette de la demoiselle se glissait aisément entre les passants, il n'en était pas de même pour son imposante stature, et il se prit à s'excuser à mesure qu'il rentrait en collision avec quiconque se mettait en travers de son chemin. Derrière le pas aérien de la demoiselle, il marchait aveuglément, ne s'interrogeant que sur la nature si poétique et particulière de cet être presque immatériel. Sa destination importait peu face à la beauté de cette âme envoûtante. C'est alors qu'il se souvint de l'objet qu'était supposée lui montrer la vendeuse déçue. Son sourire se fit malicieux.

« Belleza... Puis-je au moins savoir ce que vous pensiez être quelque chose de vraiment très magique ? »

La curiosité reprenait doucement ses droits sur un esprit gouverné seulement par l'hypnotisme fou d'une créature onirique. Désormais conscient qu’Élise s'était sans doute faite arnaquer une fois de plus et que la découverte en question serait plus drôle que merveilleuse, il avait hâte de savoir de quoi il s'agissait. Leur rythme avait légèrement ralenti, laissant le temps à ses songes vagabonds d'errer sur la large rue. Lorsqu'il faisait attention, Ashton était quelqu'un de fondamentalement efficace, ce qui ne l'empêchait pas de constamment se déconcentrer s'il se laissait aller. Il accrochait à tous les détails, les odeurs, les motifs, les textures, les personnes, et attachait une pensée à chacun d'entre eux sans perdre le fil d'une conversation. Une capacité surprenante qui lui venait sans doute de ses nuits en mer, à surveiller les flots capricieux de la Grande Bleue tandis qu'il discutait avec les matelots. Son regard noisette tomba sur une petite fille blonde aux joues rosées couvertes de tâches de rousseurs. Son visage prit d'abord un air attendrit, puis se renfrogna légèrement lorsqu'il constata les larmes qui coulaient contre la peau jouvencelle de la gamine, seule. Il resserra son emprise sur la main de sa compagne, quémandant son attention.

« Regardez là-bas... Peut-être cette enfant saura-t-elle trouver votre bouton, señora. Nous devrions l'aider. »

Il l'entraîna doucement après avoir de nouveau déposé un tendre baiser sur ses doigts de pianiste. Ses yeux dévorèrent ceux de la demoiselle dans un désir ardent de la convaincre. Paris était une magnifique ville, mais comme tous les endroits démesurément peuplés, le marché aux puces était dangereux pour un petit s'il ne savait s'y repérer. Cette fillette était seule dans un milieu populaire où il ne faisait pas bon être un enfant perdu. Ashton s'approcha à pas rapides et s'accroupit devant la jolie poupée, un doux sourire aux lèvres. Le regard vert, effaré qui lui répondit acheva de le convaincre. Après tout, s'il parvenait à retrouver un bouton de manchette dans pareil endroit, il trouverait bien les parents de cette jeune demoiselle. Il posa sa statuette sur le sol poussiéreux et tendit la main vers l'enfant. Hésitante, d'abord et à juste titre, celle-ci finit par se laisser aller lorsque les doigts du canidé vinrent essuyer ses larmes. Une attitude sans doute appuyée par la présence d’Élise, qui semblait fasciner la fillette au moins autant que ses tatouages. Elle renifla, prit une petite respiration tremblante, et parut se retenir de pleurer. Le sourire d'Ashton s'agrandit.

« Excusez-moi, mademoiselle. Nous cherchons un bouton doré et un adulte ou deux... Vous ne les auriez pas vus, par hasard ? »

« Vous, demanda la petite, vous cherchez maman ? »

Une expression douce au visage, il hocha de la tête. Le regard de l'enfant s'embua de larmes et elle se laissa aller à une mine triste. Observant finalement le sol, elle murmura :

« J'sais pas où elle est... »

Le jeune homme adressa des yeux pétillant à Élise tandis qu'il haussait des épaules. Tout cela n'était qu'un jeu méthodique pour que leur petite interlocutrice accepte de partir avec eux et, accessoirement peut-être, de les aider. Si elle connaissait le quartier, elle serait un atout précieux dans leurs recherches, sans compter qu'elle serait infiniment plus en sécurité auprès d'eux qu'à l'angle d'un immeuble.

« Tu veux bien nous aider à la chercher, alors ? C'est très important, nous cherchons un trésor ! Quelque chose de vraiment très magique... »

La voix grave et secrète amena un étonnement ébahi s'épanouir sur le visage de la fillette. Les mots d’Élise résonnaient dans les oreilles juvéniles comme une promesse de jeu éternel. Un petit sourire incurva les fines lèvres, toute peur oubliée.

« Maman est allée chercher un trésor ? », s'enquit-elle, toute excitée.

« Tout à fait. C'est pour te le donner après, mais chhhh, c'est une surprise. »

Elle hocha frénétiquement de la tête, ses mèches blondes flottant dans le vent au gré de ses paroles. L'aura de l'enfant était apaisante et douce, pareille à une caresse. Entouré ainsi de deux êtres gracieux, il se sentait profondément paisible. Il adressa un clin d’œil à sa nouvelle connaissance.

« Je peux te porter si tu veux, mais cela signifie que tu auras une tâche importante à accomplir... Prête ? »
Hochement de tête.
« Tu dois veiller sur la statuette de Stewball. Stewball, c'est ce cheval. Il est très précieux. Tu vas devoir le protéger, d'accord ? »

Hochement de tête.
Les petites mains saisirent précautionneusement la statue de bois et la serrèrent contre le buste de la fillette. Les yeux bruns pétillaient quand il la souleva pour la poser contre sa hanche. Sa main n'avait pas une fois quitté celle d’Élise, à qui il adressa un sourire embarrassé. Il ne lui avait pas demandé son avis une seule fois, à cette créature divine qui le laissait profiter de sa présence vaporeuse, à cette enfant sage dont il devait chercher le trésor. Quelque chose en lui savait, il y avait comme une profonde certitude dans son cœur... Elle comprendrait.

« Que pensez-vous de notre nouvelle alliée, belleza ? »

Buhuhu:
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeVen 12 Juin - 1:31

« Belleza... Puis-je au moins savoir ce que vous pensiez être quelque chose de vraiment très magique ? »

La muse secoua la tête, plusieurs fois, comme si l'idée même de révéler son secret l'outrait plus que de raison. Le regard qu'elle lui lança était plein d'une terrible indignation, indignation qui trouva écho dans les mots qu'elle prononça bientôt.

« Hn, hn ! Si je vous le dis, ça ne sera plus une surprise et ça perdra un peu de sa magie... ! Vous devrez vous montrer patient mais vous verrez, vous ne serez pas déçu ! »

Le souvenir, merveilleux, du spectacle des bulles interférant avec l'univers musical qui était le sien revint à l'esprit de la jeune femme, qui s'arma bientôt d'un sourire émerveillé. Ses yeux se tournèrent vers Ashton, pétillants d'une joie peut être un peu trop extrême pour une simple surprise, comme si le monde, aux yeux d'Elise, bénéficiait d'une aura de Bonheur dans laquelle elle baignait constamment. Cette aura semblait bien le lui rendre, comme le prouvait la situation actuelle. En effet, bien qu'elle ne regardât absolument plus le chemin qu'elle empruntait, Elise ne bouscula personne. Elle continua à slalomer entre les passants le plus naturellement du monde, comme si cette habilité avait été innée chez elle. Ce qui, visiblement, n'était que très moyennement le cas d'Ashton...
Quand la muse s'en rendit compte, elle se retourna complètement vers lui et plaça son autre main sur celle qu'elle tenait déjà, adressant un énième sourire au jeune homme.

« Attendez Ash, je vais vous guider ! »

Et, sans perdre son sourire, elle continua son chemin en marche-arrière, les yeux plongés dans ceux d'Ashton, comme s'ils sondaient son âme à la recherche de quelque chose qu'elle était seule à connaître. Mais bientôt, le regard de la muse se fit plus distant et ses doigts relachèrent brièvement la main d'Ashton, afin de se refermer sur ce qu'elle découvrit être du vide. Le souvenir de son bijou perdu voila les iris bleutés de la jeune femme qui fit la moue. La demoiselle baissa la tête et, après un dernier sourire un peu forcé à son ami, se retourna en direction du chemin, rendant Ashton à la foule qui se remit à le bousculer. Elle, plongée dans une mélancolie qui parvenait pourtant à la rendre belle, fixait à présent désespérément un sol vide de toute trace du bouton de manchette.

« J'espère qu'on va le retrouver... »

Murmura-t-elle plus pour elle-même que pour qui que ce soit d'autre. Alors, ses yeux tombèrent sur le sol et, plus précisément sur un petit bout de papier en piteux état.

« Ohhhh ! Regardez Ashton ! »

Dit-elle en s'emparant de son nouveau trésor, qu'elle déplia ensuite très délicatement. Il apparut bien vite que le morceau de papier n'était autre qu'un billet. Un billet qui remboursa absolument tout l'argent qu'elle avait pu perdre chez la marchande.

« C'est un billet de cent francs... J'en ai de la chance ! »

Et, comme s'il s'agissait là de la chose la plus normale du monde, Elise reprit sa route, désormais toute guillerette. Cette joie ne devait être que de courte durée, puisque la muse fit l'erreur de replonger sa main dans la poche abritant ordinairement son bouton de manchette.
Une nouvelle fois, les doigts de la muse se refermèrent sur un vent qui devint soudain amer. Cet objet, ce tout petit objet, représentait à lui-seul le souvenir de toute une vie, celle d'un homme aux cheveux châtains foncés qu'Elise n'avait jamais pu oublier. Et elle l'avait perdu. Cette vérité serra plus encore le cœur de la jeune femme alors qu'elle fermait les yeux le temps d'une seconde. Alors, le monde entier disparut au profit d'un univers de souvenirs dans lesquels la demoiselle accepta de se perdre avec délice.


~


« Qu'est-ce que c'est... ?
- Ça, Abigaëlle, c'est un bouton de manchette.
- Tu peux m'appeler Euterpe, je te l'ai déjà dit, ça ne me dérange pas quand on est tous les deux !
- C'est que je n'ai pas encore l'habitude...
- C'est pas grave, j'aime bien aussi Abigaëlle ! Et à quoi ça sert, un bouton de manchette ? Hein ? Dis !
- Je vais te montrer. Tu veux bien me les tenir pendant que je prépare tout comme il faut ?
- Oui, avec plaisir ! »



Tendrement, l'homme passa ses bras autour de la taille de la jeune femme, alors que celle-ci semblait n'avoir plus d'yeux que pour les boutons dont elle avait la garde. Ses iris bleutés, visiblement fascinés, arpentaient chacun des détails présents sur les bijoux, avec une attention toute particulière, comme si ceux-ci étaient condamnés à disparaître dès qu'elle les lâcherait du regard. Alors qu'il redressait ses manches, Abigaëlle prit la parole d'un ton rêveur, de cette voix qu'il aimait tant et surtout pour toujours.

« Deux roses entrelacées à tout jamais... Je trouve ça très romantique, pas toi ?
- Certainement, mais je t'en prie, va au bout de ta pensée Euterpe.
- Et bien... c'est comme si elles se juraient un amour éternel, comme si elles s'étaient mutuellement promis de ne jamais s'abandonner, et c'est sûrement vrai, car dans l'or où elles s'inscrivent, nulle possibilité de fuite. C'est beau, non... ?
- C'est magnifique, Euterpe. Vraiment. »


La main de l'homme s'égara sur l'un des bras de la muse qui détourna les yeux pour enfin croiser les siens. Le sourire qui naquit sur les lèvres de la demoiselle se fraya un chemin jusqu'à son cœur et le poussa à prendre à son tour la parole.

« Tu m'en donnes un... ? »

La jeune femme hocha doucement la tête et lui tendit bientôt l'un des deux boutons de manchette, ramenant celui qui restait jusqu'à son cœur. À bien y regarder, ceux-ci semblaient captiver la petite muse plus que de raison, trouvant en son âme des échos dont il n'avait -et n'aurait certainement jamais- aucune idée. Un tendre sourire se posa sur ses lèvres alors qu'il terminait d'attacher le premier bouton. Calmement, il prit une décision qui devait toucher Euterpe jusqu'au plus profond de son cœur.

« Il te plaît tant que ça, ce motif... ? »

La demoiselle se contenta de hocher une nouvelle fois la tête, replongeant ses yeux dans ceux, éternellement fascinés, de l'homme sur les genoux duquel elle était assise.

« Alors je t'offre le bouton de manchette que tu tiens dans tes mains et conserve celui-ci. Comme ça, tant que tu le garderas, ce sera comme si nous étions ces roses... »

Ces mots devaient s'inscrire en lettres de feu dans l'esprit de la muse. Et le brasier ne devait pas même s'être éteint un siècle plus tard.


~


La brûlure de la réalité fut pour Elise bien plus cruelle que le brasier qui continuait de la consumer malgré les années. C'était le manque, encore une fois, qui la ramena au présent, présent dans lequel Ashton venait d'embrasser ses doigts après lui avoir offert quelques mots qu'elle n'avait pas même entendu. Un sourire s'inscrivit pourtant sur ses lèvres alors que ses yeux se perdaient dans ceux, si intenses, de son ami qui déjà, la captivait  de nouveau. Les filaments de souvenir s'estompèrent sous l'impact de ce regard-là et Elise décida qu'elle le suivrait jusqu'au bout du monde.
Le bout du monde, ce jour-là, se révéla être l'endroit même où ils étaient, puisqu'Ashton l'entraîna jusqu'à une toute petite fille à l'air égaré. En attestaient les larmes qui coulaient le long de ses joues sans discontinuer et, Elise comprit en cet instant précis qu'Ashton l'avait remarqué depuis le début. Un sourire, de ces sourires attendris qu'on ne réserve d'ordinaire qu'aux jeunes enfants, s'empara de ses lèvres face à cette réalité. Lorsqu'enfin, ils se retrouvèrent face à la petite demoiselle, celui-ci ne fit que s'élargir davantage. Les longs cheveux blonds de l'enfant, qui tombaient en cascade sur ses frêles épaules, ses yeux d'un vert actuellement désespéré et les petites tâches de rousseur peuplant ses joues, toutes ces petites choses la rendaient Belle, de ce B majuscule dont seules se parent  les dames. Et puis il y avait cette mélodie, cette tendre mélodie qui se dégageait de ce petit bout de femme, cette douce mélodie d'enfant aimé, d'enfant choyé, d'enfant heureux.
Ashton sut immédiatement quelle attitude adopter avec la petite demoiselle, alors même qu'Elise était de nouveau sujette aux souvenirs. Une brève seconde, l'image d'Amadeus s'était superposée à celle de l'enfant, achevant de convaincre la muse qu'il était temps pour elle de retrouver le bijou auquel elle tenait tant. Pourtant, elle ne pressa nullement Ashton alors que, déjà, celui-ci tentait de rassurer la jeune demoiselle.
Et Elise devait bien l'avouer, son ami était vraiment très doué avec les enfants. L'idée qu'il leur faille trouver un trésor en même temps que la mère de la petite arracha un énième sourire à la muse, sourire qui trouva écho sur les lèvres de la fillette qui, déjà, se sentait prête à partir à l'aventure. Oui, vraiment, Ashton avait un véritable don avec les enfants. En avait-il côtoyé, durant les voyages dont il avait sous-entendu l'existence ? En avait-il eu à lui, un jour ? Elise n'en avait strictement aucune idée et cet état de fait la rendait curieuse. La jeune femme se promit donc de questionner le jeune homme plus tard, quand tous deux seraient de nouveau seuls. Elle se refusait à prendre le risque de rouvrir une plaie dans le cœur de son ami s'il avait, à une époque, bel et bien eut un enfant. Au lieu de ça, elle le regarda prendre la petite fille dans ses bras, comme si cela avait été naturel pour lui. Oui, décidément, il y avait anguille sous roche. Haussant cependant les épaules, la muse se reconcentra sur le présent, seul temps dont elle disposerait jamais. Le passé, dont elle se souvenait pourtant si bien, ne reviendrait plus et le futur ne paraîtrait pas encore. Et Elise savait mieux que quiconque l'importance de profiter des gens tant qu'ils étaient encore là : viendrait le jour où Ashton disparaîtrait, et ce jour-là, il ne serait plus temps de regretter ses manques de concentration. Elle adressa donc un sourire à Ashton, puis à l'enfant, et répondit d'un ton joyeux.

« Ce que j'en pense ? Hmmmm... Je ne sais pas trop... »

Elise remarqua presque immédiatement l'air soucieux qui s'imprima sur le visage de l'enfant, mais n'en tint pas compte. Au lieu de ça, elle mima un peu plus la réflexion, comme si elle n'avait jamais su les mots qu'elle s'apprêtait à prononcer. Se dressant sur la pointe des pieds, la muse se pencha sur l'oreille de l'enfant et lui murmura ce qui n'était, à vrai dire, qu'un demi secret.

« Moi, j'ai la sensation que tu es encore plus magique que le trésor pourtant très magique que nous cherchons... »

Le visage de l'enfant s'illumina, alors qu'elle hochait la tête d'un air de conspiratrice, se penchant vers la muse pour pouvoir lui répondre.

« C'est vrai, maman me le dit souvent... !
- Et bien ta maman a vu parfaitement juste ! Et tu sais comment je le sais... ? »


La petite se rapprocha un peu plus d'elle en secouant la tête, soudain profondément attentive à chacun des mots quittant les lèvres de sa vis-à-vis.

« C'est parce que moi aussi j'ai un talent vraiment très magique... Et si tu me dis ton prénom, et bah je pourrais même deviner ton pouvoir ! Ça te dit ? »

L'enfant n'hésita pas même une seconde, en oubliant presque la perte de sa mère le temps d'une conversation.

« Madeleine ! Je m'appelle Madeleine.
- Et bien Madeleine, je vois en toi le pouvoir de retrouver tout ce que tu veux, simplement en le souhaitant. Et si tu nous décris à quoi ressemble ta maman tout en voulant la retrouver très, très fort, je suis prête à parier que d'ici quelques heures nous l'aurons retrouvée. Prête ? »


Madeleine hocha donc la tête, faisant voler quelques unes de ses mèches blondes au passage. Elle ferma bientôt les yeux, du plus fort qu'elle le put, et se mit à décrire sa mère.

« Ma maman, elle est vraiment très belle. Elle a des cheveux comme moi, mais elle a les yeux comme le ciel. Et puis elle est graaaande... mais plus petite que le monsieur...
- Ashton, il s'appelle Ashton. Et moi, c'est Elise ! Tu saurais me dire ce qu'elle portait comme tenue, aujourd'hui ?
- Oui ! Maman a mis sa jolie jupe aujourd'hui, celle qui est toute colorée, j'aime bien quand elle la met... et puis elle a mis son caraco avec les jolis boutons ! Quand je serai grande, j'en veux un tout pareil.. !
- Oh, et bien j'ai hâte de la voir, ta maman ! Alors il faut vite qu'on la retrouve. Pas vrai Ashton ? »



Et sans même attendre la réponse du jeune homme, Elise fendit la foule à la recherche d'une femme vêtue comme l'avait décrit la petite Madeleine. Bientôt, la voici qui lâcha la main d'Ashton pour se ruer en direction d'une gigantesque silhouette vêtue d'une jupe colorée et aux cheveux d'un blond tirant vers le roux.

« Madame ! Madame ! Est-ce que vous auri-... »

Elise ne termina cependant pas sa phrase. Ce qu'elle avait pris pour une grande femme se révéla être une montagne de muscles très masculine, qui dévisagea la muse avec un air très peu aimable, presque colérique.

« C'est MOI que tu appelles madame ? »

La concernée ne sembla pas même décontenancée par le ton que l'homme employa, hochant cependant la tête d'un air désolé.

« Oui, je suis navrée mais... si je peux me permettre, vous dégagez une musique très très douce, presque féminine, et puis... pourquoi vous portez une  jupe, si vous ne voulez pas qu'on se méprenne ? »

De toute la tirade, l'homme ne retint que deux choses, ne comprenant absolument pas le reste. Féminine et jupe. Et ces deux mots suffirent à le faire entrer dans une colère noire.

« Féminine ? FÉMININE ?! Moi, madame, JE SUIS UN FIER ECOSSAIS DU CLAN BUCHANAN DONT JE PORTE FIEREMENT LES COULEURS SUR MON KILT !
- Oh ? Kilt ? C'est comme ça que vous appelez votre jupe ? Mais vous savez... la féminité, ça n'est pas un défaut, quoiqu'en pensent nos contemporains ! »


L'air incrédule qui s'afficha tout d'abord sur le visage de l'écossais valait toutes les déclarations du monde. Il ne croyait pas que cette fille se permette de tels propos à son égard. En continuant sur sa lancée, la muse insultait en effet tout un clan et... s'en attirait les foudres.

« Est-ce que tous les Buchanan portent des jupes comme vous ? »

Cette fois-ci, c'en fut trop pour l'homme qui leva une main gigantesque dans le but de faire taire la muse.




Vive l'écosse !:
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMar 16 Juin - 22:42

Ashton avait l'impression de se perdre dans l'absolue singularité de cet instant. L'arrivée d’Élise dans sa vie semblait avoir jeté un sort voluptueux sur lui, l'enveloppant d'un drap de poésie et de vertu. Il restait hébété de la présence mystique, de l'aura onirique de la jeune femme dont un simple sourire paraissait capable d'émerveiller le monde lui-même. Il observa en silence l'échange entre le regard bleuet et celui, vert pomme, de la petite fille, un sourire éclairant ses lèvres. Comme il l'avait prévu, sa charmante compagne accepta sans peine de jouer dans la pièce qu'il lui proposait. Un fait dont il n'était pas peu fier et qui l'emplissait de soulagement. Les yeux devinrent pensées, les pensées devinrent paroles, et le jeune homme se trouva au centre d'un dialogue dont la profonde innocence réchauffa ses entrailles.

   La mère de la petite Madeleine semblait être de ces personnes dont la beauté naturelle soufflait délicatement les âmes. Une femme, en somme, qu'il reconnaîtrait sans peine, pour peu qu'elle fût encore sur le marché.

« Oh, et bien j'ai hâte de la voir, ta maman ! Alors il faut vite qu'on la retrouve. Pas vrai Ashton ? »

Une fois de plus, il sourit. C'était l'un de ces sourires qui veulent parler, et dont les mots s'envolent dans les esprits pour y imposer une vérité, une pensée. Un sourire qui signifiait « Oui ». Il installa correctement l'enfant dans ses bras, confortablement calée contre sa hanche, avant de suivre le pas volatile d’Élise. Il marchait aveuglément, le regard perdu dans la foule à la recherche d'une silhouette semblable à celle qu'il cherchait, comptant sur ses autres sens pour lui indiquer vers où se diriger. Les auras s'entremêlaient, se fondaient les unes dans les autres à la manière d'une brume légère, et Ashton ne distinguait rien, ou du moins pas assez pour tirer une image claire des dizaines de vies qui palpitaient dans cette rue seule. Alors seulement, ses yeux vinrent à la rencontre de ceux de Madeleine, qui lui offrit un timide sourire.

« Dites, vous pensez que maman est partie ? Loin, je veux dire. »

Le canidé sentit son cœur se serrer au ton suppliant qu'employait la fillette pour parler de sa plus grande peur. Non, suppliait son regard vert. Bien entendu, il ne pouvait lui offrir aucune autre option. Il refusait d'admettre qu'un parent puisse abandonner une si jolie petite à la merci d'un Paris de fin du siècle, d'autant que Madeleine paraissait pleine d'une affection candide que seule une bonne famille pouvait pourvoir. Un air heureux au visage, il déposa un baiser sur la joue ronde de l'enfant.

« Bien sûr que non, elle est à la recherche de ton trésor ! Nous devrions aller le cher- »
« C'est MOI que tu appelles madame ? »

Le regard d'Ashton, alerte, coula sur la large stature d'un homme dont l'accoutrement ne pouvait être qu'écossais. Devant son compatriote courroucé, Élise souriait, confiante alors même qu'elle s'était glissée hors de son étreinte sans qu'il ne le sente. L'expression de liesse du canidé se crispa et il avança à grands pas vers les deux individus en espérant que sa compagne n'aurait pas aggravé leur situation avant que ses pas ne le mènent à elle. Mal lui en prit : elle parla et, si la douce voix se trouva dissimulée par le torrent de foule autour d'eux, la réponse, elle, retentit entre les murs comme sortant d'un cor de chasse.

« Féminine ? FÉMININE ?! Moi, madame, JE SUIS UN FIER ECOSSAIS DU CLAN BUCHANAN DONT JE PORTE FIEREMENT LES COULEURS SUR MON KILT ! »

La bourde. Alors que les pas du jeune homme l'amenaient rapidement vers les deux individus, la voix d’Élise s'imprima clairement dans son esprit. Sa douce compagne ne connaissait vraisemblablement rien au comportement radicalement patriotique de ceux dont le nom se rattachait à l'Écosse, et sa réflexion sur la "jupe" de son interlocuteur finit de le convaincre du cruel manque de diplomatie dont la belle avait tendance à faire preuve. S'il ne s'attendait pas à voir apparaître un sourire amusé sur le visage bourru de son compatriote, Ashton fut surpris de la violence de sa réaction. Le poing, si épais, rattaché à un bras tout de muscles fait, dont un seul coup serait sans doute capable de briser la délicate créature, s'éleva dans les airs dans le but évident de frapper. La petite Madeleine se cacha promptement les yeux et réfugia son visage poupin au creux de son cou tandis qu'il accourait vers la scène, un large sourire aux lèvres. Il devait compter sur son tact pour se sortir de cette situation : un combat finirait sans doute par l'envoi à l'hôpital de ce brave monsieur, et par son arrestation en place publique, un fait dont il se fût facilement passé. Heureusement, le canidé était doté d'un atout majeur : écossais, il l'était aussi. Le regard pétillant, il s'introduit entre l'homme et son amie, l'air parfaitement heureux de rencontrer un concitoyen.

« Ma, ma, a fellow Scottish gentleman ! I didnae think I would meet such a fine man the day ! » (Et bien, et bien, un camarade, gentleman écossais ! Je ne pensais pas que je rencontrerais un tel gentilhomme aujourd'hui !)

Cela faisait bien quelques années que le chien des Enfers n'avait pas laissé son accent natal s'échapper de ses lèvres. La langue était fluide contre sa bouche, imprimée dans son être sans doute. C'était le dialecte de ses souvenirs les plus lointains, et le parler l'emplissait d'une nostalgie bienvenue. Immédiatement, la surprise se lit dans les iris sombres de son interlocuteur, son bras figé dans le mouvement colérique qui avait bien failli coûter au visage d’Élise sa beauté innée. Dans le regard de l'homme se glissa ensuite un brin de suspicion curieuse qui rassura Ashton.

« Ye're Scottish ? » (T'es écossais ?)
« Ay ! », répondit-il de manière avenante.
« An is the litt'l girl wi ya ? » (Et la petite fille avec toi ?)

Madeleine comprit, par instinct sans doute, qu'elle avait gagné l'attention du grand écossais. Elle se redressa légèrement, toujours fermement agrippée à la vieille blouse du jeune homme qui la portait, avant de fixer son vis-à-vis de ses yeux verts craintifs. Il fallait croire que, plus encore que le patriotisme ou la diplomatie, l'innocence était capable des plus majestueux miracles. Le courroux de leur interlocuteur parut fondre comme neige au soleil ; il détendit complètement son bras et déposa sa grosse main sur sa hanche, adressant tout de même un regard mauvais à Élise.

« She is wi ya, too ? » (Elle est avec vous aussi ? »
« Ay... But she doesnae understand what a kilt is: she's niver seen one before. »

Un froncement de sourcils significatif indiqua au jeune homme que la voie de la franchise était une route semée d'embûches. Il ne se décontenança pas, n'ayant après tout rien à se reprocher, et sourit patiemment. Ashton était de ce genre de personnes déconcertantes dont les réactions n'égalaient jamais ce à quoi on pouvait s'attendre. Dans son regard, pas une once de colère. Au contraire, les iris noisette se fixaient intensément sur ceux de son vis-à-vis avec un calme séducteur propre à son attitude habituelle. Il y avait quelque chose en lui, quelque chose de profondément inscrit dans son être dont il avait pleinement conscience. Quelque chose d'unique qui palpitait dans chacun de ses gestes, chacune de ses expressions, dans son aura et dans son corps et qu'aucun humain ne parviendrait sans doute jamais à comprendre. Croiser le canidé, c'était faire face à une peur attractive, une impression de pouvoir charismatique et indiscutable, de danger plaisant. L'homme ne ferait pas exception. Il adressa un sourire confident et agréable à celui-ci, puis se détourna vers Élise , laissant cette fois-ci ses yeux se teinter d'amusement.

« Belleza, ce vêtement se nomme un kilt car c'est un accoutrement traditionnel écossais masculin. Les hommes en sont fiers, il ne vaut mieux pas leur dire que tu les trouves féminins, parce que dans leur culture, ça ne l'est pas, d'accord ? »

Il termina son explication par un clin d’œil complice qui invitait la douce créature au jeu et à la détente, espérant de tout cœur que cet événement n'aurait pas effrayé la demoiselle. Tendant doucement sa main vers celle de la jeune femme, il caressa tendrement ses doigts puis se tourna vers son interlocuteur.

« I am fairly sure that she will niver criticize your kilt again, ma good sir. » (Je suis certain qu'elle ne critiquera plus votre kilt, mon bon monsieur.)

Il resserra son emprise sur le dos de la petite fille qu'il tenait doucement dans ses bras, la remis en place contre sa hanche, et laissa Élise s'approcher de lui tout en lui imposant un court retrait. Si un coup devait partir, Ashton serait en mesure de le contrer et, fût-il incapable de le faire, il ne craignait aucun poing. L'écossais ne parut pas enchanté de la certitude qu'il lisait dans le regard du canidé. Se renfrognant, il croisa les bras, déclenchant un frisson dans l'échine de Madeleine. L'homme n'était visiblement pas habitué à l'absence de peur dans le regard de ses vis-à-vis, son imposante stature aidant à le rendre menaçant au quotidien. Un danger dont le canidé n'était visiblement pas conscient le moins du monde, à raison sans doute puisque cela contribuait à lui conférer une impression d'assurance culottée qui plaisait sans doute à l'écossais. Le gosse était un garçon de chez lui, pas de doute.

« Je ne sais pas si je dois vous laisser partir pour autant. Vous m'avez causé du tort.»

Ashton haussa un sourcil interrogateur, incrédule. L'éclat de malice qu'il voyait briller dans le regard de l'homme l'inquiétait un peu, à vrai dire, et il redoutait la demande qui -il le savait- n'eut su tarder. Aussi se pencha-t-il doucement contre l'oreille d'Élise, son souffle chaud transmettant sensuellement ses murmures jusque dans l'esprit de la créature.

« Faites attention à ce qu'il va dire, belleza. Méfiez-vous de ce genre de personnages. »

La belle était, de toute les femmes qui parcouraient cette rue, la plus singulière, la plus merveilleusement onirique. Son essence même semblait être créée dans le but de créer un désir incompréhensiblement doux. Elle était addictive, sans doute, et l'orgueil blessé de l'écossais risquait de la prendre pour victime. Un fait qu'Ashton n'eut su tolérer. Le canidé saisit alors une dernière chance de renverser le jeu en leur faveur, un sourire embarrassé aux lèvres.

« Nous sommes sincèrement désolé, monsieur, de vous avoir importuné à ce point, mais je ne vois pas ce que nous pourrions faire de plus... »

Alors, l'homme sourit:
« J'aimerais un service de la demoiselle ici, déclara-t-il en désignant Élise du doigt. Après tout, c'est elle qui est en tort.»
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeDim 5 Juil - 23:54

Volatile, ingénue, juvénile, inconnue, songe cruel ou tendre réalité, la muse observait celui qui la menaçait sans même ciller, sans même se protéger, comme si le coup lui-même allait la traverser sans jamais pouvoir la frôler, comme si elle n'avait jamais été tangible autrement qu'en le souhaitant, création d'un esprit rendu fou par une passion dévorante. Elise observait, souriante, apaisée, sans peur aucune et sans hésiter, l'homme qui voulait lui faire payer un affront dont elle n'avait pas idée. La curiosité pour seul péché, la muse plongea son regard dans celui de l'écossais, question muette à peine formulée, remplie d'une innocence millénaire. ''Pourquoi vouloir m'effacer ?'' Une seconde, l'homme suspendit son geste, puis l'arrêta définitivement avant d'avoir ne serait-ce qu'éraflé sa pauvre joue. Dans ses yeux, ni peur ni haine, ni douleur, ni peine, créature mystique sans crainte aucune, se drapant de la terreur pour se couronner du bonheur, Elise laissa la main s'apaiser, se baisser, charmée par une voix qu'elle appréciait déjà et qu'elle espérait entendre résonner pour toute l'éternité. Un sourire, un regard, un accent mélodieux qu'elle savoura pleinement, quelques mots d'une langue qu'elle n'avait pas entendue depuis longtemps, qui surent toucher le cœur de l'homme dans un premier mouvement. Le second fut amorcé en un instant d'innocence par l'enfant qui du haut des bras protecteurs observait une scène à laquelle elle n'aurait jamais voulu assister. Puis vinrent les mots, et avec eux, la compréhension. Cette dernière frappa le cœur de la muse, épée de vérité, gommant le doute dans ses prunelles à la manière d'une caresse et y imprimant l'absolue certitude qu'on lui apprendrait le monde. Elise plongea son doux regard dans celui, si intense, d'Ashton et laissa sur ses lèvres se dessiner un sourire.

« Il fallait le dire plus tôt ! »

Mais déjà, la voici qui virevoltait, abandonnant les tendres iris pour la férocité de l'écossais, plongeant sans peur dans les yeux colériques.

« Je trouve ça très joli, moi ! Et puis je suis désolée de vous avoir offensé, je ne pensais pas du tout à mal vous savez ? »

L'océan regagna les côtes et elle offrit à Ashton le plus beau de tous ses sourires. L'amusement caressa son visage tandis que la tendresse couronnait sa chevelure aux couleurs si particulières, qu'on ne lui pardonnait que lorsque l'on apprenait d'où elle venait. ''Lost Paradise.'' Phrase miraculeuse, phrase ensorcelée, passe-partout permettant au monde de justifier chacune des lubies de la demoiselle alors qu'elle ne leur demandait rien. Les regards la frôlaient sans jamais la toucher, hermétique qu'elle était au monde de jugements qui pourtant l'entourait, forte d'une aura magnétique qui toujours touchait les cœurs et déchaînait les passions sans jamais les laisser pénétrer dans cet univers qu'ils enviaient sans même le comprendre. Soudain, quelqu'un tendit la main, effleurant la sienne tout en perçant sa bulle sans que la muse ne le repousse. Bien au contraire, justement, elle accrocha ses doigts à ceux de cet homme qu'elle ne connaissait pas et qui, pourtant déjà, possédait le droit de pénétrer le rêve qu'elle semblait être pour tout un chacun. Poésie, mélodie, tragédie, fantaisie, qui qu'elle soit, quoiqu'elle soit, Elise arrachait au monde ce qu'il avait de plus beau et illuminait le cœur des hommes d'une lueur inoubliable. Cette extraordinaire lueur trouva bientôt écho dans le regard de l'écossais alors que la créature offrait ses faveurs à Ashton en serrant son bras de la plus tendre des manières. Soudain, l'homme comprit qu'il avait outragé quelque chose approchant le divin, frôla du doigt une compréhension innée et apprit le ciel et ses étoiles en perdant ses repères dans les yeux bleutés de la muse. Soudain, l'homme se sentit l'âme du poème, les mains du musicien, le talent de l'écrivain et la légèreté du danseur. Soudain, l'homme n'eut plus le désir de la laisser partir. Il devait la garder à ses côtés, la faire sienne d'une manière ou d'une autre, et cela se devait de durer pour l'éternité. Il ne devait, ne pouvait, ne voulait pas la laisser s'enfuir. Alors même que l'homme n'avait jamais rien eu d'un artiste, il se sentait soudain dépassé par une inspiration qu'il ne pouvait pas même saisir et qui contrôlait désormais chacun de ses gestes, chacune de ses pensées, et chacune de ses paroles. Ce fut parce qu'Elise était ce qu'elle était que les mots fusèrent seuls, sans qu'il n'y puisse rien. Ce fut parce qu'Elise était ce qu'elle était qu'il accrocha ses yeux aux siens dans l'espoir de voler sa si précieuse essence. Et ce fut parce que lui n'était que ce qu'il était qu'il se méprit sur ce qu'il ressentait, sur la douce caresse que produisaient ses sens au contact de la muse.

« Je ne sais pas si je dois vous laisser partir pour autant. Vous m'avez causé du tort.»

Les yeux de la demoiselle s'élargirent et c'est avec un plaisir malsain qu'il y pénétra davantage, s'accrochant comme il le pouvait à la pulsation extraordinaire qui s'emparait de lui à chaque fois qu'il approchait ne serait-ce qu'un doigt de cette créature tout droit sortie d'un rêve. Sa main se leva, tendre plutôt qu'assassine, et se glissa contre la joue d'Elise sans que celle-ci ne cherche à s'éloigner. Qu'elle était belle... Qu'elle était merveilleuse... Qu'elle était attirante... Son index s'accrocha lentement aux cheveux de la jeune femme et parcourut la mèche dans laquelle il s'entrava sans la lâcher. Et il allait devoir la laisser partir loin de lui... ! Non, décidément, il ne pouvait pas, c'était impossible, il ne supporterait pas cette idée. Il la lui fallait. Il devait pouvoir la garder à ses côtés d'une façon ou d'une autre. Ses yeux accrochèrent ceux de l'homme, qu'il jaugea. Et ce fut encore cette inspiration qu'il ne maîtrisait pas qui parla en son nom.

« J'aimerais un service de la demoiselle ici, déclara-t-il en désignant Élise du doigt. Après tout, c'est elle qui est en tort. »

Elise ne comprit pas, et dans son regard naquît l'incertitude, incertitude qui créa une faille dans sa bulle intemporelle. L'écossais s'y engouffra, toute colère oubliée au profit d'une attirance malsaine qu'il ne parvenait pas à refréner. Mais en toute vérité, en avait-il seulement envie... ? Désirait-il sincèrement s'empêcher de ressentir ces impressions pleines d'une intensité sans pareille ? La réponse lui paraissait évidente, comme si au fond de lui s'était imprimée la conviction la plus absolue qui soit : cette fille qui lui permettait de frôler le Nirvana devait lui appartenir. Oui, mais comment... ? Comment la rendre sienne, face à ce concurrent impromptu qu'il maudissait un peu plus à chaque instant ? Comment la lui prendre ? Comment la lui voler... ? Comment la posséder sans qu'elle ne puisse jamais s'échapper ? Comment s'approprier la merveilleuse aura qu'elle dégageait... ? Une nouvelle fois, son regard s'accrocha à la chevelure de la belle et fila tout du long, la dévêtant au passage. Il ne comprenait pas et ne comprendrait certainement jamais qu'il ne la désirait pas vraiment ainsi. Il leva de nouveau les yeux vers la muse, le souffle affolé par les pensées qui le traversaient. L'homme confondait l'inspiration qui le possédait littéralement avec tout autre chose, et c'est cette confusion qui dicta les mots qui suivirent.

« Offrez-moi quelque chose qui vous tient profondément à cœur... et vous ferez mienne votre journée de demain. Vous serez mon guide dans la capitale, je veux voir le monde par vos yeux rien qu'une fois... ! »

Instinctivement, les doigts d'Elise se glissèrent dans l'une de ses poches à la recherche d'un bouton de manchette qu'elle n'avait plus. Un soupir de soulagement plus tard, la muse se rendit cependant compte que la seule chose à laquelle elle tenait n'était autre que sa longue chevelure. Elle lança un regard plein de détresse à Ashton, et c'est à lui qu'elle s'adressa dans un murmure qui fit bondir de jalousie l'écossais face à elle.

« Ashton, je ne veux pas donner un seul de mes cheveux... ! »

Oh non, vraiment, elle ne se voyait pas faire ça, c'était tout bonnement hors de question. Mais que pouvait-elle lui offrir d'autre en guise de dédommagement... ? C'était vrai qu'elle était en tort, mais sa chevelure lui tenait vraiment à cœur et...
Dans un mouvement inquiet, Elise frôla sa robe. Une illumination traversa son regard bleuté et elle glissa une main sur l'une des bretelles de sa tenue dans le but évident de la faire chuter. Elle murmura.

« Je vais lui offrir le vêtement que je porte, je préfère encore ça, à choisir. »

Lorsque l'homme comprit, un sourire malsain se glissa sur son visage, sourire que la muse ne sembla pas même remarquer. Elle alla en effet jusqu'à ajouter tout haut quelques mots qui satisfirent  l'homme encore davantage. Elle serait d'ici demain. Et ça n'avait pas de prix.

« Je vous accompagnerai, c'est d'accord. Je vous ferai visiter tout ce qu'il y a de beau à voir dans la ville Lumière en espérant que vous saurez apprécier tout ce que j'aime ici ! »

L'homme hocha la tête. Parfait, c'était parfait.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMer 8 Juil - 19:22

L'étincelle. La sempiternelle brûlure, infernale, léchant les entrailles des hommes. Les reflets sombres dans le regard. Les frémissements fébriles dans les mains moites. L'agitation du corps. Les papillons au creux de l'estomac. La lueur. La plaie. La haine. La peur. L'envie. Le sulfureux, le douloureux, le capricieux. Le Désir. Le Désir avec un grand D, le malsain, l'obsessionnel, le captivant.

Ashton l'avait vu, l'avait vu tant de fois, trop sans doute, posséder les âmes faibles des hommes qui se laissaient prendre au cœur par une silhouette hasardeuse. Il avait été témoin de l'impitoyable déchéance qui arrachait alors ces pauvres bougres à leurs vies pour les rendre plus colorées et plus mornes, plus douloureuses et plus palpitantes. Mais surtout, il avait été spectateur de l'incroyable force de leur obsession, du terrible changement dans leurs âmes, de l'ombre lugubre qui leur prenait tout ce qu'ils possédaient pour nourrir leur propre passion. Il avait assisté au spectacle étrange d'un homme rendu maladivement jaloux, paranoïaque, malade de son désir inassouvi, d'un homme dont la violence était nourrie de son amour déplacé, d'un homme meurtri par sa haine farouche et sa tentation. Ashton avait vécu tout cela, à plusieurs reprises, la profonde détestation qu'il avait pu s'attirer involontairement en volant la femme promise sous le nez d'un fou de désir. Ashton savait cette émotion, et il savait la reconnaître. Ce qu'il voyait se refléter dans le regard vert de l'écossais n'eut su souffrir d'aucune ambiguïté. Cette obsession mortelle était là, bouillante et vive, ancrée dans le corps du gaillard comme les tatouages sur sa propre peau.  

Le canidé fronça légèrement des sourcils et raffermit sa prise sur la stature de Madeleine, soudainement protecteur alors que l'idée d'un affrontement semblait se confirmer. Dans la mesure du possible, il garderait celui-ci verbal. Le jeune homme ne ressentait aucune attirance pour la violence, la voyait simplement comme un ultime moyen de dissuasion ou de défense. Frapper ce pauvre bougre ne lui apporterait rien d'autre que la satisfaction brève et infructueuse de savoir son ego détruit à tout jamais. Si la chance restait de son côté, il n'en aurait nul besoin. Il devrait agir en finesse, en subtilité, être l'anguille entre les chevilles de cet individu, glisser entre ses doigts et ses pensées.

« Offrez-moi quelque chose qui vous tient profondément à cœur... et vous ferez mienne votre journée de demain. Vous serez mon guide dans la capitale, je veux voir le monde par vos yeux rien qu'une fois... ! »

Un sourire sardonique éclaira le visage d'Ashton, perpétuellement suave, séducteur dans son sarcasme. Cet homme se fourvoyait grandement s'il le pensait assez naïf pour le laisser faire sans sourciller. Il voyait clair dans son jeu, dans son regard rendu malsain par la tentation et dans les tremblements fébriles qui agitaient sa large stature.  À ses côtés, Madeleine se tendit, accrochant ses petites mains dans le tissus de sa blouse comme s'il détenait le pouvoir de la protéger de l'aura dérangée que dégageait l'écossais. Sans doute n'avait-elle pas tort. Il sourit à la petite fille et déposa un baiser délicat contre sa tempe tiède. Élise, elle, affichait une mine contrite qui attendrit la poitrine du canidé.

« Ashton, je ne veux pas donner un seul de mes cheveux... ! »

Un léger sourire aux lèvres, l'intéressé laissa le bout de ses doigts caresser la joue de la jeune femme tandis qu'il se penchait vers elle :

« Vous n'aurez pas à le fai- »

« Je vais lui offrir le vêtement que je porte, je préfère encore ça, à choisir. »

Le premier réflexe du garçon fut d'éclater d'un rire joyeux, sidéré qu'il était de cette créature onirique dont le monde semblait se régir en autarcie, séparé du sien par un millier de barrières vaporeuses. Il y avait quelque chose d'incroyable chez Élise, quelque chose d'immatériel et de profondément merveilleux qui le ravissait au plus haut point. En revanche, la soudaine lueur qui anima les prunelles vertes de l'écossais ne lui plurent qu'à moitié. Il se décida donc à prendre ce détestable individu à son propre jeu. Oh, il n'avait pas idée, pas idée de ce qu'impliquait réellement le jeu délicieux de la séduction. À quoi bon posséder une si belle femme ? Élise était faite pour se mêler avec le vent, pour être le perpétuel inconnu de l'équation, une vague en mer, indomptable, impalpable. Ashton ne voulait surtout pas changer cela. Il glissa sa main sans le dos de la demoiselle pour la poser sur sa hanche et la ramener contre lui pour souffler dans son oreille de la plus sensuelle des manières :

« Nul besoin de cela, belleza. »

Il déposa un baiser sur la joue qui s'offrait à lui, fixant volontairement son regard sur l'homme tandis qu'il pressait ses lèvres contre la peau délicate, puis chuchota :

« Je m'occupe de tout. »

Il se redressa pour adresser un splendide sourire à Madeleine, qui l'observait toujours de ses grands yeux verts inquiets. Il ne porta aucune attention à l'air furibond qu'affichait le soupirant d’Élise, se concentrant pleinement sur le visage poupin de la petite fille.

« Je vais te confier à la demoiselle ici, d'accord ? Je reviens tout de suite. »

La concernée hocha doucement de la tête et il la souleva pour baiser son front avant de la déposer dans les bras de sa compagne. Il leur adressa un clin d’œil complice, désireux de leur convier son aisance. Il se tourna vers l'homme, pleinement sérieux cette fois-ci. Dans son dos, Élise ajouta:

« Je vous accompagnerai, c'est d'accord. Je vous ferai visiter tout ce qu'il y a de beau à voir dans la ville Lumière en espérant que vous saurez apprécier tout ce que j'aime ici ! »

Mais à peine un sourire satisfait apparu sur la face carrée de l'écossais qu'Ashton venait gâcher son plaisir. Il lui offrit une mine avenante et séductrice, s'approchant doucement de lui pour le fixer droit dans les yeux avec une intensité qui ne pouvait qu'impressionner.

« Elle n'ira nulle part car elle n'a pas à le faire, n'est-ce pas monsieur ? Son crime n'est après tout pas à la hauteur de la punition dont elle est victime et je pense qu'une personne raisonnable telle que vous est capable de savoir quand elle va trop loin. »

Il avança d'un nouveau pas pour se trouver à quelques centimètres seulement de l'homme, pénétrant son espace vital sans pitié aucune. Le canidé se savait menaçant et n'hésitait pas à s'en servir. Cela n'irait pas plus loin que cette présence physique immuable qu'il imposait à son vis-à-vis, du moins pas si cela s'avérait suffisant, mais il n'éprouvait aucune gêne à se montrer tel qu'il était, puissant et dangereux peu importe l'adversaire. Il s'approcha de Madeleine et lui demanda son sac, duquel il sorti la boîte à musique qu'il avait gagné auprès de la marchande véreuse. Il la tendit machinalement à son interlocuteur, un sourire malicieux aux lèvres:

« Cela devrait vous suffire, monsieur. J'ose espérer que vous saurez vous montrer aimable et que vous serez suffisamment avenant pour pardonner notre maladresse. Je ne vous laisserai cependant pas emporter cette demoiselle avec vous, veuillez m'en excuser. »

Son regard noisette aux doux reflets bordeaux resta ainsi, fixé à celui de l'homme avec délicatesse et dangerosité, un mélange enivrant d'exotisme et de sensualité qui fleurait bon la menace et la politesse.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMar 14 Juil - 1:29

Le son délicieux d'un éclat de rire parvint à ses oreilles et teinta son monde d'une joie rayonnante. Soudain, l'écossais, ce qu'elle lui devait, tout semblait dérisoire, rien n'avait plus d'importance, rien d'autre que ce rire terriblement vivant qui résonnait dans tout son univers. Sa mauvaise humeur ne fut bientôt plus qu'un lointain souvenir et c'est un sourire ravi qui prit d'assaut son visage lorsqu'Ashton glissa une main jusqu'à sa hanche pour la ramener contre lui. Puis la voix s'éleva, presque caresse au creux de son oreille. Elise, si sensible aux sons qui l'entouraient, l'adopta immédiatement, et à tout jamais.

«  Nul besoin de cela, belleza. »

Sans se l'expliquer, la jeune femme eut l'absolue conviction qu'il avait raison et qu'elle ne devait absolument rien à l'homme face à elle. Son sourire prit un peu plus de place sur les lèvres qu'elle lui offrait désormais sans résister et c'est avec un plaisir non dissimulé qu'elle accueilli le baiser qui vint sublimer sa joue.

« Je m'occupe de tout. »

Ces mots, plus encore que tout le reste, ancrèrent définitivement la confiance qu'elle plaçait déjà en lui. Elle hocha doucement la tête, en oubliant jusqu'à l'homme qui lui demandait réparation pour ne se concentrer que sur son ami et la petite Madeleine qui, du haut des bras d'Ashton, lançait un regard paniqué sur le monde. Elle réceptionna l'enfant avec douceur et passa une main attendrie dans ses cheveux.

« Ashton, c'est le plus fort, tu n'as même pas à avoir peur, d'accord ? »

Sa voix, murmure confidentiel, parvint à arracher un faible sourire à la demoiselle qui hocha la tête et tourna les yeux vers le concerné. Celui-ci leur fit un clin d'oeil, clin d'oeil qui trouva rapidement écho dans le cœur d'Elise qui ne paniquait absolument pas. Pourquoi aurait-elle dû paniquer, de toute manière ? Ashton était là et l'écossais lui-même ne lui voulait pas vraiment de mal. Il voulait simplement qu'elle l'emmène visiter la flamboyante capitale française dans l'espoir de comprendre une vision du monde qui, malheureusement, lui resterait à jamais inaccessible. Lui ne pouvait pas entendre comme elle le faisait, lui ne pouvait pas s'émerveiller du moindre son qui caressait son ouïe, lui ne pouvait que voir ou écouter un univers ne divulguant sa véritable mélodie qu'à la muse. Cette dernière embrassa la joue et, une seconde, se sentit navrée pour le pauvre écossais. Elle pouvait au moins lui accorder cette visite...

« Je vous accompagnerai, c'est d'accord. Je vous ferai visiter tout ce qu'il y a de beau à voir dans la ville Lumière en espérant que vous saurez apprécier tout ce que j'aime ici ! »

Après ça, la muse laissa faire son ami pour ne se concentrer plus que sur la fillette terrorisée qu'elle tenait à bras.

« Et toi, Madeleine, tu es née à Paris ? Tu connais bien la ville, d'ailleurs ? »

Dans un premier temps, la petite demoiselle se contenta d'approuver silencieusement, n'osant visiblement pas délier ses lèvres. Qu'à cela ne tienne ! Elise se fit un devoir de lui rendre un véritable sourire.

« Tu en as de la chance, d'être née ici ! »

Madeleine se contenta de hausser les épaules. Elle était peut être un peu jeune pour comprendre pleinement la ville où elle avait vu le jour, mais Elise allait lui prouver qu'il y avait plein de merveilleux aspects dans Paris et que tous méritaient de sourire.

« Je suis sûre que tu connais au moins mille boulangers ! Tu as une pâtisserie préférée, d'ailleurs ? Moi j'aime bien les éclairs au chocolat... ! Entre nous, ce sont les meilleurs que mon ami Zeus ait jamais produit. Mais ça, il ne faut pas lui dire, parce qu'il se met facilement en colère... Ce sera notre petit secret... ! »

Un clin d'oeil plus tard, l'enfant lui offrait un merveilleux sourire amusé.

« D'accord, je ne dirai rien du tout, je ne veux pas qu'il se mette en colère, moi... ! Mais tu voudrais bien lui demander de m'en faire ? Je voudrais bien y goûter... »

Elise éclata d'un doux rire, puis hocha la tête avant de déposer un baiser sur la joue de la petite fille.

« Il t'en fera avec plaisir ! C'est ça, ta pâtisserie préférée ?
- Hn, hn, moi, ce que je préfère, c'est la tarte aux fraises...
- Ah oui ? Tu m'en feras goûter une, un jour ?
- Oh oui alors ! Maman elle fait les meilleures du monde ! Tu verras, ce sera même meilleur que les éclairs de Zeus ! »

L'hilarité de la muse se renforça. Zeus aurait certainement défié la mère de Madeleine en duel, après ça. Mais heureusement pour l'enfant, le dieu des dieux n'avait pas fait parler de lui depuis très, très, très longtemps... trop longtemps, même.

« Je n'en suis pas si sûre...
- Et bah moi si !
- Il faut vite retrouver ta maman pour qu'elle puisse me prouver le contraire, alors ! »

Le sourire reconnaissant que lui adressa la petite Madeleine arracha à la muse une mimique attendrie. Ashton vint les couper, récupérant quelque chose dans son sac mais Elise n'en fit pas cas.  Elle passa la main dans les cheveux de la fillette et s'apprêtait à poursuivre sur tous les merveilleux magasins de jouets que recelait la capitale -avec Teddy en guise de preuve- lorsque des élans de voix la sortirent brusquement de la bulle d'innocence qu'elle avait créé autour de sa compagne.

« Une BOÎTE A MUSIQUE ? UNE BOÎTE A MUSIQUE ?! MAIS JE N'EN AI RIEN A FAIRE, MOI, DE VOTRE BOÎTE A MUSIQUE !! »

Dans ses bras, l'enfant sursauta et l'étreinte d'Elise se fit plus protectrice. Les caresses s'accentuèrent dans les cheveux de Madeleine qui dissimula bien vite son visage dans le cou de son amie. La muse jaugea l'homme du regard, soudainement bien sévère. Elle s'avança dans la direction des deux hommes, sans crainte aucune.

« Ça tombe bien, moi je l'aime beaucoup, cette boîte à musique. Je peux la garder, du coup ? »

L'écossais écarquilla les yeux alors que la muse subtilisait son lot de consolation sous son nez et lui dédiait un regard qu'il croyait ne jamais pouvoir apercevoir sur un tel visage.

« Vous faites peur à mon amie, alors moi, je considère que je ne vous dois plus rien. Pas vrai que j'ai raison Ashton ? Un homme qui fait sciemment peur à une enfant ne mérite rien de ma part, hein ? »

Elle adressa un joyeux sourire à son ami sous le regard abasourdi de l'écossais qui n'avait toujours pas réussi à décocher le moindre mot. Elise en profita et murmura quelques paroles à la petite fille toujours blottie contre elle.

« Tu veux bien ouvrir le sac d'Ashton, princesse... ? »

Madeleine hocha la tête, tournant vers la muse un regard incertain. Elle lui ouvrit pourtant le sac où Elise rangea la boîte avec des mouvements d'une douceur presque palpable. La jeune femme embrassa les cheveux de l'enfant qui replongea immédiatement la tête dans le cou de son amie et ajouta d'un ton attendri.

« Merci ma belle... N'aie pas peur, je te promets qu'il ne t'arrivera rien, d'accord... ? Ashton est là pour nous protéger, de toute façon ! »

La petite fille serra plus fort sa protectrice alors qu'un peu du stress qui la consumait s'envolait. L'écossais sembla retrouver ses esprits à ce moment-là et ouvrit la bouche dans un méchant rictus. Seulement... Il fit l'erreur de lancer un regard à Ashton et soudain, il se rappela qu'il avait peur. Cet homme, face à lui, dégageait quelque chose de terriblement menaçant, quelque chose d'intangible qui le prenait aux tripes et les lui broyait de la plus belle des manières. Une seconde, l'écossais eut l'impression qu'il courait vers la mort en défiant son vis-à-vis et une goutte de sueur dévala lentement sa tempe gauche. Il avala difficilement sa salive, fusilla Ashton du regard, tenta de paraître sûr de lui alors que tous ses gestes trahissaient la terreur qui l'envahissait, et s'exprima enfin.

« Je... je suppose que je me suis un peu emporté... N'est-ce pas ? Haha... Un écossais doit savoir quand il va trop loin et c'est sûrement mon cas... Je vais donc vous laisser partir, nous serons quittes, comme ça... »

Mais Elise fronça les sourcils et secoua la tête. Elle voulait plus.

« Je souhaite que vous vous excusiez auprès de Madeleine, monsieur. »

L'écossais lui lança un long regard colérique et apprit du coin de l'oeil qu'il n'aurait jamais dû faire ça. Il laissa son humeur s'adoucir alors que sa poitrine se serrait. Mais pas de peine, de peur.

« … Je suis navré de vous avoir effrayée, mademoiselle. »

Les mots lui arrachèrent la gorge, mais le sourire satisfait que lui adressa Elise le consola presque. Les yeux d'Ashton le dissuadèrent cependant de poser la moindre question supplémentaire et il recula d'un pas. Alors seulement, il se sentit soulagé. La muse, pour sa part, découvrit avec satisfaction que Madeleine se sentait déjà mieux. Celle-ci sortit la tête de l'épaule de son amie et lança un long regard reconnaissant à l'étrange duo l'ayant prise sous son aile.

« Merci... »

Murmura-t-elle tout bas. La jeune femme qui la tenait toujours à bras lui ébouriffa les cheveux et lui répondit d'un ton enjoué.

« Pas de quoi ! Maintenant, il faut se remettre en route ! Un trésor nous attend, et ta maman aussi ! »

La muse tendit la main vers Ashton et lui adressa un merveilleux sourire.

« Tu viens Ash ? »
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeJeu 16 Juil - 0:29

« Une BOÎTE A MUSIQUE ? UNE BOÎTE A MUSIQUE ?! MAIS JE N'EN AI RIEN A FAIRE, MOI, DE VOTRE BOÎTE A MUSIQUE !! »

Ashton haussa un sourcil dubitatif à l'adresse de son interlocuteur. Il se voulait menaçant, le vaurien, quand il n'était jamais qu'un homme, quand il n'était jamais qu'un mortel. Le poing qu'il dressait n'était qu'un grain de sable fouettant délicatement la joue du canidé. Il n'était pas impressionnant, il n'était pas intéressant. Il n'était qu'une caricature de lui-même, un pathétique stéréotype qui se complaisait dans la peur qu'il inspirait à une enfant.

« Ça tombe bien, moi je l'aime beaucoup, cette boîte à musique. Je peux la garder, du coup ? »

Un sourire malicieux s'épanouit sur les traits du garçon tandis qu'il défiait l'écossais du regard. La voix délicate d’Élise, musique à ses oreilles, maniait son innocence comme la plus tranchante des lames, tailladant sans pitié l'orgueil de leur adversaire commun. Et Ashton se délectait de la mine dépitée de l'écossais comme d'une pâtisserie. Un éclat de rire s'autorisa même à s'échapper de sa bouche pleine tandis qu'il se penchait sur son interlocuteur pour répondre à la demoiselle :

« Oh Belleza, je t'en serais fort reconnaissant. Il semblerait que ce monsieur manque de bonnes manières... »

Le ton, jovial. La voix, légère. La face avenante du chien noir n'en paraissait pas moins dangereuse, pas moins terrible. Peut-être était-ce son attitude, sa manière de piétiner sans s'en soucier les limites de l'espace vital de son opposant, de s'approcher de lui sans gêne, tout en volupté et en délicatesse qui lui conférait cette atmosphère dérangeante. Au fond, ce n'était pas important. L'être des Enfers avait toujours eu conscience du délicieux mélange qu'il incarnait et il n'hésitait pas, n'hésiterait pas à faire usage de tout le péril qu'il représentait. Ashton était la conscience tirée d'une existence démoniaque, il n'en était ni séparé ni indissociable, et utiliser cette partie de lui ne le dérangeait pas, surtout si cela pouvait éviter un affrontement physique en place publique. Madeleine avait eu suffisamment d'émotions fortes pour la journée, il n'en doutait nullement et ne souhaitait pas rajouter à ses malheurs. Et au vu de la mine courroucée d’Élise, il n'était pas le seul à penser ainsi.

« Vous faites peur à mon amie, alors moi, je considère que je ne vous dois plus rien. Pas vrai que j'ai raison Ashton ? Un homme qui fait sciemment peur à une enfant ne mérite rien de ma part, hein ? »

L'intéressé, se rendant par ailleurs compte du réflexe de tutoiement qui l'avait soudain saisit, comme s'il parlait à une vieille amie, à une sœur, sourit encore davantage. À vrai dire, désormais, il s'amusait presque. Apprendre une bonne leçon à des imposteurs semblait être sa mission du jour et il se faisait un plaisir d'en faire un jeu. Il pencha donc suavement la tête sur le côté et avisa l'écossais d'un sourire :

« Je ne pense pas, Élise, en effet. »

Ses interventions restaient succinctes, ponctuelles, inoffensives en apparence. Sa voix, pourtant, son aura, son regard, graduellement, devenaient plus sombres. L'homme devait comprendre et, s'il en croyait le visage fermé qui lui faisait face, c'était un objectif qu'il remplissait sans peine. Une goutte de sueur dévala langoureusement la tempe de son interlocuteur tandis que celui-ci tentait lamentablement de s'expliquer :

« Je... je suppose que je me suis un peu emporté... N'est-ce pas ? Haha... Un écossais doit savoir quand il va trop loin et c'est sûrement mon cas... Je vais donc vous laisser partir, nous serons quittes, comme ça... »

C'était tout de même fou, comme les êtres pouvaient être guidés par leur peur. Il ne s'agissait pas là d'une émotion qu'Ashton se plaisait à inspirer, bien au contraire, mais le constat était sans appel : ce manège était parfois tristement nécessaire. Lorsqu'il se trouvait en pour-parler avec de tels personnages, de ceux qui se sentent puissants et qui veulent le prouver, de ceux qui ne savent jamais que provoquer les plus vulnérables qu'eux, il n'était malheureusement pas rare que la courtoisie soit futile. Un fait qui désespérait plutôt le canidé, lui qui comprenait si peu la raison de tant d'orgueil.

« Je souhaite que vous vous excusiez auprès de Madeleine, monsieur. »

Lorsqu'Élise reçut un regard colérique en réponse, Ashton fit de même. Ce triste représentant de son pays d'origine devait, lui aussi, apprendre de ses erreurs et il aimait à croire que les événements de cette journée l'aideraient à mûrir un peu.

« … Je suis navré de vous avoir effrayée, mademoiselle. »

Là, et seulement là décida-t-il de reprendre une attitude avenante et courtoise. C'était ainsi qu'il voyait les choses: un conflit ne devait pas s'éterniser, la violence sur principe lui semblant après tout profondément stupide. La rancœur n'était jamais à ses yeux qu'un fardeau inutile qu'un individu s'infligeait à lui même. Si l'écossais avait appris son erreur, ou du moins ne les importunait plus, il n'avait aucune raison de lui en vouloir ou de chercher à prolonger cet affrontement. Il tendit la main à son adversaire, un léger sourire aux lèvres et sa voix suave réchauffant l'atmosphère :

« Hé bien voilà, j'espère que vous passerez un agréable séjour à Paris. Au revoir, sir. »

Il saisit avec plaisir la main tendue d’Élise et se pencha sur Madeleine en lui tendant délicatement son bras libre. La petite fille observa un instant sa main puis leva sur lui son impressionnant regard verts. Ashton lui adressa un sourire malicieux avant d'ébouriffer les fins cheveux de l'enfant. Il lui fit un clin d’œil complice:

« Oh, j'en connais une qui veut rester avec Tata Élise ! »

La petite fille hocha frénétiquement de la tête, lui arrachant un éclat de rire. Le canidé, pour une raison qu'il ignorait, ne pouvait s'empêcher d'adorer les bambins. Peut-être était-ce à cause de la vision, nullement biaisée par une éducation réfractaire, qu'ils portaient sur le monde ? Ou peut-être leur franchise inouïe était-elle la responsable ? Le jeune homme n'en était pas certain mais il se plaisait à se tenir en la compagnie des enfants et, toujours, cela semblait réciproque. Il resserra son étreinte sur la main de sa compagne et reporta son attention entière sur elle. Les yeux bleutés croisèrent les siens, le happèrent de nouveau tout entier dans un monde onirique connu seulement de la belle. Ashton s'y perdit un moment, puisant tout son plaisir de la brillance ésotérique de ce regard venu d'Ailleurs, avant de déposer un nouveau baiser sur les doigts de la demoiselle. Alors, il murmura:

« Oui, allons-y... »

Il mena tranquillement le pas, désireux sans doute de s'éloigner de cet endroit plein de conflit, ondulant patiemment à travers la foule. Il connaissait une bonne partie des marchands de cette rue, certains auraient sans doute vue la mère de Madeleine et, avec un peu de chance, le bouton de manchette finement ouvragé qu'ils cherchaient.

Cette pensée raviva en lui le feu bouillonnant de la curiosité. Il y avait tant de choses qu'il ignorait, qu'il désirait savoir plus que tout. Pourtant la présence d’Élise formait comme une barrière opaque aux questions. Elle était encerclée d'une bulle confectionnée par ses soins, éloignée de ce monde dont elle perforait la tranquillité par son seul magnétisme. À chaque seconde il se voyait plus fasciné encore, hypnotisé par le charme naïf de la belle et son aura voluptueuse qui flottait à la manière d'un halo tout autour d'elle. Elle était le soleil, il était l'ombre... Étaient-ils faits pour se rencontrer, finalement ? Cette question apporta un doux sourire à ses lèvres. Il se pencha sur elle, les yeux pétillants de ce malice si jeune qui s'emparait parfois de son visage:

« Avez-vous une idée d'où se trouve notre trésor, capitaine ? »

Il évita un carton d'un pas dansant et, se tournant légèrement pour marcher dos à la foule, adressa une mine espiègle à la demoiselle. Il était désormais temps de s'amuser, ne serait-ce que pour calmer la nervosité de l'enfant qui les accompagnait. Sa perception si particulière du monde le protégea d'une quelconque collision, il évitait sans peine chaque personne qui croisait son chemin et profitait pleinement de toutes les expressions que lui offrait la belle.

« Peut-être devrions-nous chercher une carte ? Qu'en penses-tu, Madeleine ? Connais-tu quelqu'un qui pourrait nous en trouver une ? »

La petite fille lui offrit un grand regard avant de poser un petit doigt pensif contre ses lèvres. Ses longs cils blonds battirent doucement et elle plissa ses lèvres, songeant à tous les endroits où trouver un plan qui les mènerait à l'incroyable trésor qu'on lui vantait. Elle tapota son menton pour imiter l'expression que prenait parfois sa maman, puis laissa son visage s'éclairer.

« L'antiquaire ! »

Les antiquités, c'était de vieilles choses, les cartes au trésor étaient forcément vieilles, alors c'était forcément le bon endroit ! Un sourire ravi s'épanouit sur le visage de Madeleine qui, déjà, avait oublié sa mésaventure. Ashton fit écho à sa joie en éclatant de rire. Il adressa un clin d’œil à Élise avant de se retourner vers la foule qui parcouraient la rue.

« Génial, j'en connais précisément un ! En route, matelots ! »

Son ton jovial cachait sans peine la vérité: l'antiquaire qu'il connaissait était en réalité un simple marchand de vieilleries en tout genre. Qu'importe, ils trouveraient bien de quoi convaincre l'enfant du bienfondé de leur mission, et cela leur permettrait d'arpenter le chemin à la recherche de leurs deux trésors. Ashton adressa un regard plein d'affection à Élise, dont il tenait doucement la main, habité de la certitude qu'il se souviendrait longtemps de cet après-midi chaleureux.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeLun 20 Juil - 17:44

Alors Madeleine voulait rester avec elle... ? Elise se sentit ravie de l'apprendre et le sourire qui mangea son visage aurait rendu jaloux le soleil lui-même. D'ailleurs, ce fut à cet instant précis qu'un nuage passa devant l'astre, comme si celui-ci eut été désireux de dissimuler aux yeux du monde son incapacité à égaler la luminosité des sourires de la jeune femme. Cela ne dura qu'un instant, le temps pour Elise de déposer un tendre baiser sur la joue de la petite fille. Cette dernière en sembla enchantée et enfouît bientôt son visage dans le cou de la muse, voulant recevoir un peu de la douceur qu'elle semblait dégager si naturellement. Ses traits s'illuminèrent lorsque ce fut le cas.
Elise, pour sa part, dédia son attention au jeune homme qui les accompagnait, se perdant avec un plaisir sans nom dans ces iris si particuliers qui parvenaient à la fasciner comme nuls autres avant eux. Pour une femme qui entendait plus qu'elle ne voyait, réussir à attirer son regard de cette manière relevait de l'exploit, pratiquement du miracle, la musique vainquant presque systématiquement tout spectacle visuel. Heureusement pour lui, Ashton semblait bénéficier des deux aspects en question, ayant été gâté par la nature. En effet, la muse s'était surprise à aimer entendre retentir les notes qui accompagnaient le jeune homme, et ce d'une telle manière qu'il lui arrivait de clore les yeux dans l'unique but de répondre à ce désir.
Lorsque les lèvres se posèrent à nouveau sur ses doigts, une sensation qu'elle ne maîtrisait ni ne comprenait parcourut son corps, lui arrachant un énième sourire qu'elle autorisa à rayonner de la plus belle des façons. En fait, il semblait que lorsque la muse se laissait aller à la joie, le monde autour d'elle s'éclairait, ou tout du moins, s'épanouissait d'une bien étrange manière. L'eau murmurait plus tendrement les mélodies qui la traversaient, les fleurs se déployaient davantage sur son passage, les gens retrouvaient sans raison l'envie de savourer leur journée et, de manière générale, la moindre pierre autour d'elle devenait œuvre d'art, intense source d'inspiration pour qui saurait s'en saisir. Alors, quand Ashton offrit à Elise une raison de s'ouvrir à la Terre toute entière, le cœur des badauds se gonfla d'un flot de beauté incommensurable. À leur droite, un homme se découvrit poète et dédia ses premiers vers à cette femme volatile sans pour autant frôler autre chose que l'énergie vaporeuse qui l'entourait.

Elle est cette fleur,
Dont le cruel parfum,
Me tue un peu plus à chaque heure,
Et qui pourtant me pousse à désirer ma triste fin.

Elle a ce sourire,
Qui m'a rendu martyr,
Et qui à l'aube d'un jour nouveau,
Me pousse à supplier le retour au tombeau.

Elle a ce regard aux allures de mirage,
Qui sacrifie mon cœur à la rage,
Et scelle mon âme dans la déraison,
Cette femme, mon dieu, est ma prison.

Pour un souffle d'elle,
Je me condamnerai à repousser l'Eternel,
Pour un seul de ses soupirs,
J'abandonnerai jusqu'à l'air que je respire,

Afin qu'un jour, enfin,
Je puisse combler la faim,
Qu'elle a fait naître en mon sein,
Le jour où j'ai croisé cet être divin.


Les vers lui échappèrent, bientôt les mots lui manquèrent, et c'est désespérément qu'il tendit les bras vers celle qu'il était condamné à ne plus jamais croiser. Son cœur, ce jour-là, trouva la mort en même temps qu'il goûta la vie, triste existence sacrifiée à l'éphémère, pourtant magnifiée par un soupçon d'éternité. Elise, pas même un instant, ne se retourna. Déjà, un univers tout entier l'appelait loin de lui, et c'est l'âme en péril qu'il regarda fuir celle qui, le temps d'une courte seconde, avait illuminé sa vie.
La voix de l'homme qui avait le droit de la côtoyer, de la regarder, de bénéficier de cette merveilleuse caresse de l'esprit résonna et la lui retira si sauvagement qu'il en eut le souffle coupé. Sa main se leva, impuissante alors que la muse disparaissait dans une foule qui la lui vola définitivement. D'elle, il ne lui resta que des mots, comme seule preuve de l'existence de cette apparition miraculeuse. D'elle, il dût faire le deuil sans même savoir son nom. D'elle, il n'en garda qu'un pâle souvenir, bien loin de la réalité saisissante qui marqua son âme à jamais.

« Je vais vous décevoir, moussaillon... Je n'ai absolument aucune idée d'où chercher. »

Ses yeux papillonnèrent, son visage se contracta dans une moue faussement navrée, et son regard porta plus de mots qu'elle n'en prononça jamais.

« Je me demande bien comment faire, maintenant... ! »

Invitation au jeu acceptée, partagée, même, et dirigée vers la petite fille qui, désormais, parcourait le monde de deux iris innocents. Ashton la comprit au premier coup d'oeil, suivant un chemin qu'il avait lui-même tracé et sur lequel il avait guidé la muse, comme s'il existait un passage intangible entre leurs mondes, comme si celui-ci avait toujours été là, n'attendant que l'instant de sa découverte. Ce garçon lui plaisait de plus en plus, lui avait sûrement toujours plu, et la muse en arriva à la conclusion que leur rencontre avait peut être été écrite dans les étoiles depuis le tout début.
Conclusion qui devint certitude à l'instant même où le jeune homme reprit la parole. Décidément, il était doué avec les enfants, comme le montra bientôt la petite fille qu'elle tenait toujours à bras et qui prit très au sérieux la mission qu'on lui confiait. L'air réfléchi de l'enfant arracha d'ailleurs un sourire attendri à la muse, au passage, qui déposa un énième bisou sur l'une de ses joues rondes. C'est à cet instant que son visage s'éclaira de la plus jolie des manières, attestant qu'elle avait eu la plus belle des idées. Elle ouvrit la bouche en un mouvement triomphal et hurla la profession à laquelle elle pensait et qui pourrait, à coup sûr, leur fournir une carte. Elise éclata d'un rire enchanté. Cette enfant était tout simplement exquise et il était obligatoire qu'ils finissent par retrouver sa mère. Elle tourna les yeux vers Ashton et serra plus tendrement sa main dans la sienne, comme si ce simple lien signifiait tout un tas de choses inaudibles, dont, parmi elles, la confiance la plus absolue qui soit. Lorsque celui-ci lui offrit un clin d’œil, la muse laissa son sourire s'élargir d'une telle manière que, de nouveau, le cœur des passants qu'ils croisèrent se gonfla d'un flot d'inspiration continu. Et c'est sans un regard pour eux qu'elle suivit son ami, ses iris toujours accrochés aux siens dans une valse d'une douceur incontestable. Pas un seul instant, la muse ne rompit la danse. Ce fut seulement lorsqu'ils arrivèrent au stand que Madeleine quémanda son attention pour qu'elle la dépose à terre afin de farfouiller dans les différents objets de ''l'antiquaire.'' Alors qu'elle s'exécutait, Elise salua le marchand. Elle ne pouvait prendre le risque de lui laisser le temps de rompre l'enchantement dans lequel ils avaient bercé l'enfant. Le ton qu'elle emprunta alors eut pu donner au monde entier la furieuse impression qu'elle confiait sa vie entre ses mains.

« Bonjour monsieur... Je m'appelle Elise Barcarolle et suis le capitaine d'une expédition des plus périlleuses, commença-t-elle en fixant son vis-à-vis le plus sérieusement du monde. Nous... recherchons un... trésor... terriblement précieux, si vous voyez ce que je veux dire... »

Les yeux du concerné s'écarquillèrent sous la surprise qui s'emparait déjà de lui, comme si l'histoire qu'on venait de lui conter le subjuguait. Et c'était sûrement vrai. Elise semblait naturellement douée pour tout ce qui avait trait à l'art et, si elle-même n'en avait absolument pas conscience, il n'en allait pas de même pour  son entourage. Un sourire s'inscrivit sur ses lèvres, alors qu'elle poursuivait.

« Vous avez très bien compris, monsieur... et mon ami ici présent, dit-elle en indiquant Ashton, m'a dit que vous sauriez nous procurer de quoi... retrouver ce fameux trésor, comme l'antiquaire exceptionnel que vous êtes, bien évidemment. »

Un coup d’œil de l'homme incrédule en direction d'Ashton le rassura, et c'est un sourire plus paisible qui se glissa sur ses lèvres lorsqu'il fit comprendre à la muse qu'il suivrait le jeu.

« Oh, je vois... Je suppose que je ne dois m'entretenir ni avec vous, mademoiselle, ni avec Ashton...
- Effectivement pas... Il vous faudra discuter avec notre chercheuse de trésors professionnelle, Madeleine. Ni Ashton ni moi n'avons le talent nécessaire pour lui arriver ne serait-ce qu'à la cheville. Durant ce temps, nous... nous chargerons de la... sécurité. Pas vrai, Ash ? »

Avec un grand sourire, celle-ci s'empara de nouveau de la main de son ami, qu'elle avait lâché au moment de faire descendre leur jeune amie.

« Madeleine, viens un peu par ici mon ange, notre antiquaire doit s'entretenir avec toi ! »

L'enfant, qui tenait une sorte d'éventail argenté, le reposa délicatement avant de courir vers les deux jeunes gens.

« Ah oui ? Demanda-t-elle de sa petite voix enfantine.
- Absolument ! Souviens-toi, tu as le pouvoir magique nécessaire pour retrouver tout ce que tu désires, tu es donc la mieux placée pour trouver ce dont nous aurons besoin... ! »

L'enfant hocha la tête d'une façon si solennelle qu'elle en devint comique, et débuta une conversation avec le vieil antiquaire qui se prêta volontiers au jeu. La scène fut tout d'abord couvée par le regard attendri de la muse, qui tira ensuite Ashton jusqu'aux différents objets présents sur le stand. Tous semblaient la fasciner, deux globes de verre dans lesquels se trouvait une poudre colorée en particulier. La muse en lâcha même la main d'Ashton pour s'emparer de l'un d'entre eux, qu'elle fit lentement tourner sur lui-même pour admirer ce qu'elle identifia être du sable rouge.

« Regarde Ashton, comme c'est beau... »

Ses gestes, d'une douceur indéniable, glissèrent le long de la paroi de verre dans le but de ne jamais perdre le contact visuel avec la fine poudre colorée. Lorsqu'elle redéposa le globe, ce fut pour apprendre qu'il s'agissait là d'ocre, un sable venu du Roussillon, dont la muse tomba irrémédiablement amoureuse. Son regard fut brusquement attiré par un sablier rempli de la même poudre, dans différentes teintes d'une beauté à couper le souffle. Alors le cœur de la muse s'enticha de ce qu'elle identifia comme une merveilleuse œuvre d'art.

« C'est tout simplement magnifique... »

Le prix lui-même ne parvint pas à stopper les élans de son âme. Cent francs. Cent francs pour ce sablier de verre soufflé à la main et de sable enchanteur. Cent francs que la muse retira prestement de ses poches, cent francs qu'elle avait trouvé au sol plus tôt dans la journée et qui, déjà, disparaîtraient dans un achat.

« Il me le faut, Ashton, heureusement que j'ai trouvé ce billet, plus tôt dans la journée ! »


En route vers le trésor:
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeVen 7 Aoû - 7:34

Comme prévu, l'être des songes avait capté les siens. Elle les avait saisis entre ses doigts de fée – et qui sait, peut-être en était-elle une ? –, les avait sublimés, les avait magnifiés entre ses émotions, et les avait rendus beaux. C'était un adjectif qu'Ashton n'employait que rarement, un artifice à ses yeux, et rien n'eut pu effacer le mot qui lui vint à l'esprit. Il n'y avait rien de beau en lui, ni dans son monde d'ailleurs. Il y avait de quoi s'émerveiller, de la magie, de la grandeur, de la puissance, mais pas de beauté. C'était là quelque chose qu'il réservait aux femmes et Élise s'en saisissait avec la plus grande joie, modelait sa définition du mot et du monde, se l'appropriait avant de s'éclipser. Elle était une brume délicate et parfumée qui jetait autour d'elle une vapeur agréable. Elle jetait dans le cœur des hommes un feu qui les consumerait pour l'éternité, et personne ne saurait jamais si cela était une bonne chose ou non. Encore en cet instant, il avait la sensation qu'elle était intangible, qu'à tout moment la main piégée dans la sienne allait devenir fumée et qu'il se trouverait à la place de tant d'autres. Était-ce si grave ? Il n'en était pas convaincu. Son tourment, en tout cas, n'eut su perdurer aussi longtemps que ceux des pauvres mortels qu'Elle croisait. Il était, lui aussi et tout à sa manière, un brin de vent. Cette comparaison ne lui seyait guère, trop belle, trop pure à ses yeux pour qualifier l'être de misère qu'il était, mais elle illustrait fort bien la situation aux prises de laquelle se trouvaient tous ceux qui le croisaient, qui l'avaient croisé. C'était moins vrai désormais sans doute, puisqu'il semblait avoir trouvé foyer à Paris mais avant, oui, bien avant, il avait été la brise. Il avait été le vagabond. Toujours sur le départ ou à deux doigts de le prendre, jamais ancré dans une terre, trop libre pour accepter d'appartenir à autre chose que le monde entier. Il comprenait Élise, un peu, sur ce point du moins. Tous deux semblaient perpétuellement de passage. Comme pour la retenir encore un peu, il resserra son étreinte sur sa main gracile et s'approcha du stand auquel ils venaient de parvenir.

Là se tenait l'antiquaire. Ce n'était en fait qu'un vieux marchand avec qui il parlait souvent, un bon compagnon de discute et un fin connaisseur de vin. Sa boutique, contrairement à celle de l'arnaqueuse précédemment rencontrée, regorgeait toujours des plus fins trésors et Ashton adorait s'y perdre, d'autant plus que son propriétaire en profitait pour lui offrir quelques sujets de débats intéressant. Norbert Boulanger qu'il s'appelait, le vieux bougre. Norbert et ses pattes de mouches chaleureuses, Norbert et son large sourire bon enfant, Norbert et ses grosses mains riches d'un savoir-faire hors-norme. Il l'adorait, cet ancien.

« Nanar ! », le salua-t-il en tendant chaleureusement son bras libre.

Une brève étreinte fut partagée entre les deux hommes, l'intéressant riant allègrement au surnom pour le moins original et unique qu'utilisait le canidé depuis bien trop longtemps. Il posa ses larges doigts sur l'épaule de son cadet et leva son petit nez pointu vers lui.

« Ne m'appelle pas comme ça, Ash, allons. Sois sage, pour une fois. »

Les grands yeux foncés, eux, pétillaient d'un malice qui témoignait d'une vérité universelle : l'âge du corps et l'âge de l'esprit sont deux entités totalement différentes. Ashton, lui, éclata d'un rire jovial rempli d'amusement tandis que son interlocuteur penchait la tête sur le côté pour accueillir ses deux compagnes. Et il vit dans le regard du vieux monsieur s'allumer une étincelle longtemps éteinte à la vue d’Élise, observa le frémissement nouveau dans le corps soudainement plus droit, moins voûté, plus jeune. La simple vue de cette demoiselle semblait faire des miracles, un fait qui lui arracha un large sourire. Elle était son miracle tout particulier, pour aujourd'hui, il se devait d'en profiter.

« Je te présente Élise, elle a une demande pour toi... »

L'homme se pencha sur la demoiselle, hypnotisé sans doute par sa beauté onirique, par son air d'être ici tout en n'y étant pas, rendu aveugle et fou, l'espace d'un instant, par un être qui dépassait toutes ses notions de réalité. Mais il n'eut le temps de dire quoique ce fût que celle-ci se lançait dans l'incroyable explication de la mission qu'ils avaient transformée en jeu. Un moment durant, Norbert se tourna vers lui, cligna des yeux et ne sembla comprendre que lorsqu'Ashton lui adressa un signe de tête en direction de la petite Madeleine. Là alors, le regard du marchand s'éclaira, et il s'approcha de l'enfant pour lui poser quelques questions. C'était elle le capitaine, après tout. Un sourire ravi s'épanouit sur le visage ivoirien du canidé tandis qu'il se tournait vers sa complice. Leurs regards s'accrochèrent quelques secondes et ils reçurent chacun la sagesse de l'autre, d'une existence millénaire sans doute, dont il sentit le fardeaux des âges, à l'expérience colorée d'un vagabond perpétuel. Il lui sembla soudain qu'il était là en présence d'une personne qui à tout jamais le comprendrait, l'écouterait du moins, et cette impression donna à son sourire une brillance plus fantastique encore.

Puis les yeux de la belle dérivèrent, et la réalité revint pour le frapper en plein visage. Ashton n'avait pas même réalisé qu'il en était sorti. Cette révélation le surprit grandement, le chamboula une minute avant qu'il ne passe à autre chose. Norbert venait de lui asséner un coup de coude dans le creux des hanches, seul endroit accessible sur la haute stature du garçon. D'un ton de secret, il lui souffla :

« Une nouvelle conquête ? »

Un éclat de rire s'échappa des lèvres percées de l'intéressé tandis qu'il secouait négativement la tête. Non, oh non, il s'agissait là de quelque chose qu'il ne pouvait se permettre. Élise ne pouvait se contenter d'un homme comme lui, il était trop et trop peu à la fois, elle avait besoin de tellement... mieux, sans doute, tel était le mot. Et son désir pour elle s'éteignait à mesure qu'il apprenait à la connaître. Elle était hors des sentiers battus, même des siens, et la forcer à s'y tenir eut été une source de malheur. Il adressa un sourire calme à son interlocuteur :

« Absolument pas, je la connais à peine. »
« Oh, ça ne te dérange pas d'habitude ! »
« Hahaha ! Certes mon ami, certes. Mais regarde-la. Regarde cette femme. Elle est trop libre, elle ne peut souffrir que je la vole, et je n'en ai pas le droit. Elle est son propre capitaine, sa propre chef, sa propre maîtresse. Elle est libre, et elle est hors du temps. Elle a besoin d'un homme qui puisse l'aimer à sa juste valeur, et je ne suis pas cet homme. »

Norbert afficha un air désolé et lui adressa un haussement de sourcil. Il croisa ses bras, s'apprêtant à lui offrir une splendide leçon de morale jusqu'à ce qu'une petite main ne tire le tissus de son pantalon. Son attention se concentra immédiatement sur Madeleine, qu'il souleva dans ses bras avant de se tourner de nouveau vers son cadet, une expression sévère au visage :

« Tu as besoin d'une femme, Ashton, tu te fais vieux ! Et cette demoiselle est toute faite pour t- »
« Qui çaaaaa ? »

Le jeune homme éclata de rire et déposa un baiser sur la joue de l'enfant, qui fut saisie d'un joli gloussement. Il caressa sa joue rosée du doigt et se tourna vers son vieil ami avec un sourire amusé :

« Nanar, tu aurais une carte de Paris et un vieux compas ? Je pense pouvoir servir de navigateur. »
« … Je t'apporte ça. Mais ne pense pas que tu t'en tireras comme ça ! »

Il s'en tirerait comme ça, ils le savaient tous deux. Il s'en tirait toujours comme ça. Ashton sourit, Norbert s'éclipsa avec sa petite comparse. Aussitôt, comme appelée par sa soudaine solitude, Élise reparut et, dans ses doigts, un sablier coloré gisait. Dans ses yeux, il lut l'émerveillement d'un enfant. De sa bouche s'échappaient des paroles délicates, musique aux oreilles qui les accueillaient. Il se pencha sur elle, observa attentivement l'objet tandis qu'elle en parlait. C'est alors qu'un nombre en particulier le fit relever la tête.

« Attendez belleza, attendez. Vous avez trouvé... cent francs ? Vraiment ? »

Le billet était là, preuve tangible et palpable d'une réalité qu'il ne concevait que difficilement. S'il devait être d'un côté de la chance, il était du mauvais – ce qui s'entendait aisément, on ne portait pas malheur sans en subir soi-même les conséquence, c'était dans l'ordre des choses. Ashton cligna de nouveau des paupières, incrédule, puis éclata de rire. Décidément, cette demoiselle était incroyable.

« Cela vous arrive-t-il souvent ? En tout cas oui, profitez-en ! Je vous négocierai un prix. »

Et il le ferait. Avec des années d'expérience derrière lui, le garçon savait marchander avec subtilité et grâce, obtenant la plupart du temps des objets de valeur à moindre coût. Là où il ne pouvait compter sur la fortune, il misait sur ses connaissances. Elles, au moins, étaient une constance.

C'est à cet instant que revint Norbert, un rouleau entre les doigts. Et dans le rouleau, une carte, une vieille carte qui semblait plus vieille encore que son propriétaire. Celui-ci offrit un large sourire aux jeunes gens avant de se pencher sur Elise avec un sourire :

« Oh, le voudrez-vous ? Je vous... Oh Ash je connais ce regard, tu vas encore m'arnaquer. »
« Je n'arnaque pas, je discute, mon cher. »
« Le final est le même, j'ai moins de monnaie dans la poche. Allons, sois sage, tu as un trésor à chercher. »

À ces mots, il posa un compas de plusieurs siècles d'âge sur la petite table qui faisait l'angle de sa boutique et adressa un clin d’œil complice à son cadet. Madeleine fut posée délicatement sur le vieux bois et, tandis qu'elle jouait de ses petites jambes dans le vide, ses grands yeux opalins fixaient avec émerveillement le matériel ancien.

« Tu vas trouver le trésor ? »
« Nous verrons, mon capitaine ! »

Alors il posa ses doigts sur la carte, saisit le compas entre ses doigts et dessina du doigt les carrés dessinés par les plis du vieux papier. La magie pouvait commencer.

Durant quelques minutes, il fit pétiller ses yeux d'une nostalgie bienvenue, s'agita avec adresse au dessus du papier âgé, fit défiler les fausses techniques marines dans un spectacle si authentique qu'on eut pu y croire. Il se releva et, tâtant son menton, offrit son attention à Elise:

« Je crois qu'il nous manque quelque chose, belleza. Je crois qu'il nous manque le Temps. Sauriez-vous le trouver ? »

Norbert leva les yeux au ciel, conscient déjà qu'il venait de passer une bonne occasion de vendre son sablier un peu plus cher que prévu. Ashton lui sourit et entrelaça de nouveau ses doigts à ceux de sa belle. Il les embrassa et la fixa avec délice :

« Quel sera votre choix ? »
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeSam 26 Sep - 15:35

Hypnotisée. Elise, en cet instant, n'était rien d'autre que cela. Envoûtée, perdue dans un temps qui ne reviendrait jamais, révolu pour toujours et pour lequel rien ne servait d'attendre. Amoureuse. C'était peut-être ce qui se passait, ce qui se nouait entre elle et l'objet chargé de symbolique, lorsque Norbert vint la rejoindre.

« Oh, le voudrez-vous ? »

De ce que put lui dire le marchand en cet instant, Elise n'entendit jamais que cette unique phrase, tant elle était captivée par l'objet. Le moindre grain de sable, qu'il soit de la couleur du sang ou de celle de l'or, attirait son regard jusqu'à ce que celui-ci ne puisse plus se détacher de lui. Alors, c'est d'une voix émerveillée qu'elle murmura des mots dont elle fut l'unique auditrice. À côté d'elle, la conversation avait repris, sans qu'elle ne prenne même la peine de tendre l'oreille : c'était comme si elle n'appartenait plus qu'au sablier qu'elle tenait entre ses doigts, comme si sa réalité toute entière se limitait à sa seule existence. Et peut-être, au fond, était-ce le cas.

« Oh oui, je le veux absolument... »

Un souffle, rien de plus, exprimant tout l'amour qu'elle pouvait ressentir pour l'objet. Un instant, encore, Elise se contenta de cet univers limité dans lequel elle s'ancrait sans peine, puis, lorsque carte et compas furent déposés sur table, la réalité la sortit de sa rêverie, pour mieux l'y replonger. À la différence près que, cette fois, elle exprima la moindre de ses pensées à l'oral, de ce ton qu'ont parfois les enfants face à ce qui leur semble extraordinaire. Alors qu'Ashton s'emparait du compas, un doigt attendri se glissa sur les plis de la carte.

« Regarde, Ash... c'était avant le risurgimento... »

Sa main se promena sur l'Italie alors simple utopie. Puis, elle se dirigea vers la Grèce, où elle arrêta son index dans une caresse presque tendre.

« το δόμος  μου... »

Un sourire émerveillé naquît sur ses lèvres alors qu'elle laissait enfin la place à Ashton. Visiblement, parler du passé lui avait beaucoup plu, même si elle était la seule à comprendre sa dernière phrase. Et peut-être que, pour une fois, elle ne l'avait fait que pour elle, d'ailleurs... Les mains savantes de son ami s'activèrent sur la carte, et bientôt, il sembla à Elise qu'elles étaient douées d'une vie propre. Captivée qu'elle était par les mouvements du jeune homme, la  muse fit place à un profond silence, coupé uniquement par les respirations enthousiasmées qu'elle laissait filtrer d'entre ses lèvres. C'était une danse, une valse savamment exécutée par les doigts, le compas et la carte. C'était une danse suivant une musique imaginaire que la demoiselle se fit un devoir de percevoir, de créer. Chacun des gestes d'Ashton, exécutés d'une main rendue tendre par la concentration, se voulait sulfureux tango, se récriait ballet artistique et se nommait salsa endiablée. Chacun des gestes d'Ashton embrassait une chorégraphie imaginaire dont elle ne parvenait pas à percer le secret. Chacun des gestes d'Ashton la captivait suffisamment pour qu'elle se perde à nouveau dans son propre monde.
Bientôt, Elise ne capta plus que cela, plus que ces pas fantasques qu'elle était certainement la seule à interpréter comme tels. C'était une danse. C'était une danse à laquelle elle voulait participer. C'était cependant une danse à laquelle elle ne participerait jamais. Chine, France, France, Chine, Japon, Corée et Amérique. Sud, Nord, Nord, Sud, Antarctique, puis Afrique, Maroc et Guinée, Egypte et Algérie. Puis Royaume Ottoman, Quelques pas sur la Grèce et retour en France. Départ en Hongrie pour mieux rencontrer l'Autriche, passage en Vénétie et arrivée dans Paris. Elise suivait, appréciait, embrassait chacun des gestes de son ami dans un silence presque religieux. Sur ses lèvres, un sourire attentif s'était frayé un chemin, possédant désormais jusqu'au regard de la muse. Lorsque tout fut suspendu et qu'Ashton l'apostropha, cependant, ce fut la surprise conquérante qui s'empara d'elle, noyant son regard dans un océan de questions. Pourquoi ? Pourquoi cesser ces pas pour lesquels elle s'était découverte cette passion dévorante, brûlante ? Pourquoi la priver de ce tendre plaisir alors qu'elle en redemandait encore et encore ? Pourquoi lui interdire de percer le secret d'une chorégraphie qu'elle appelait de toute son âme... ? Selon son ami, il s'agissait là d'une question de Temps. N'avaient-ils pas tout le temps du monde ? L'éternité leur tendait les bras avec tant de tendresse qu'il suffisait simplement qu'ils s'y abandonnent. Rien qu'un instant de plus, une seconde ou bien un an, une toute petite année pou-...

« Je suis sûre qu'Elise va réussir... ! »

Regard perdu en direction de l'enfant. Si petite, si fragile, si vulnérable, si... humaine. Vie définie, éternité simplement fantasmée, à peine rêvée que déjà limitée, tout juste née et déjà condamnée. Elise oubliait. Elle oubliait trop souvent que le temps n'offrait ses faveurs qu'à quelques rares privilégiés et que si elle en faisait partie, il n'en allait pas de même pour ses proches. Pour aucun d'entre eux. Tous, déjà, étaient promis à Hadès, et c'est leur mort qu'elle voyait lorsqu'Ashton lia ses doigts aux siens. Soudain, le sablier lui sembla n'être qu'une plaisanterie malvenue lui rappelant un destin qu'elle n'acceptait qu'à moitié. Tous étaient voués à mourir. Et désormais, Perséphone n'était plus là pour l'entendre murmurer ses suppliques. La joie d'Elise, une brève seconde, se teinta d'une lassitude déçue. Une part d'elle-même était déjà en deuil de ces gens qu'elle rencontrait à peine.
Les lèvres d'Ashton se posant sur une main qu'elle lui abandonnait la ramenèrent cependant à la réalité, et c'est un sourire qu'elle leur offrit à tous trois alors qu'elle se ressaisissait. C'était justement parce qu'ils allaient mourir qu'elle devait profiter de leur présence autant que possible. Elise n'avait guère le temps de s'arrêter sur ces sordides détails. Il fallait qu'elle vive, vive à l'unisson avec ces gens, et qu'elle profite du temps qui leur était imparti. Reprenant des accents de gaieté, elle afficha bien vite une mine concentrée. Le temps... C'était une question difficile, car elle-même n'en tenait que très rarement compte. Le temps... Il était pourtant le symbole de tout être sur Terre et c'était vers lui qu'elle devait présentement se tourner pour que la mission puisse continuer. Le temps... Doucement, ses doigts se refermèrent sur le sablier, qu'elle se prit à dévisager.

« Le sable s'écoule à la manière du temps qui nous fuit... »

Sa voix, tendre murmure, se fit plus forte lors de sa réplique suivante.

« Le sablier est la clé. »

De retour dans le jeu, toute contrariété oubliée, la muse serra plus fort ces doigts qu'elle devrait relâcher d'ici quelques décennies. Elle tourna ensuite le regard vers Norbert, à qui elle adressa un sourire flamboyant.

« Nous allons vous prendre cet artefact. Je sens en lui un grand pouvoir... Il nous permettra d'atteindre le trésor avec bien plus de rapidité que si nous nous contentions de le chercher sans lui. Son prix... Cent francs, c'est bien ça ? »

La surprise la plus totale se peignit sur le faciès du marchand qui s'était déjà imaginé ruiné par Ashton. En silence, certainement sous le choc, Norbert hocha la tête, lançant quelques oeillades à son cadet, juste au cas où.

« Et bien j'ai trouvé ce billet, tout à l'heure, alors c'est parfait ! »

Le sourire de la muse ne reçut qu'un regard écarquillé en guise de réponse.

« T- trouvé... ? Vous voulez très certainement dire qu'il s'agit là d'une partie de votre salaire, n-... ?
- Non, non, je l'ai trouvé tout à l'heure en marchant ! Ça m'arrive souvent, vous savez ? Et puis je trouve des trèfles à quatre feuilles, aussi, c'est joli les trèfles, moi j'aime bien en faire des bouquets ! Tiens, si vous voulez, un jour, je vous en offrirai un !
- Et à moiiii ? »

Elise tourna des yeux amusés vers Madeleine, et hocha doucement la tête avant d'embrasser sa petite joue.

« Pour toi, je t'en ferai une couronne, princesse... »

Cette réponse sembla satisfaire l'enfant qui lui rendit un délicieux sourire, mêlé de quelques éclats de rire.

« Oh ouiii ! Parce qu'on se reverra, hein ?
- Evidemment ma petite fleur... ! Après tout, nous avons quelques pâtisseries à nous échanger, pas vrai... ? »

Un clin d'oeil plus tard, la petite rayonnait de bonheur. Elise, c'était sa nouvelle amie, d'abord, et savoir qu'elle pourrait la revoir à souhait gonflait son petit cœur de joie. Il faudrait qu'elle la présente à maman, quand ils l'auraient retrouvée. Et puis même qu'Ashton aussi, d'abord.

« Mon dieu Ashton, cette demoiselle est extraordinaire... »

Cette phrase eut le don de faire rire la muse qui tendit au pauvre Norbert abasourdi son joli billet, qu'il empocha.

« Je suis ravie d'avoir fait affaire avec vous, mon bon ami.
- Pas autant que moi, mademoiselle...
- Hélas, il est temps pour nous de reprendre notre périple. Les minutes nous fuient et le trésor s'éloigne un peu plus de nous à chaque instant. Notre épopée ne nous attendra pas. C'est pourquoi nous devons prendre congé. »

Et, lâchant la main d'Ashton, elle serra chaleureusement celle que Norbert lui tendit.

« Je comprends et vous souhaite bonne route. N'hésitez pas à repasser, mademoiselle, ce sera un véritable plaisir que de vous recevoir à nouveau dans ma modeste boutique.
- Comptez sur moi ! »

Elle tendit ensuite les bras à Madeleine, qui revint s'y blottir avec plaisir. Cette dernière s'empara d'une des mèches de la muse, avec laquelle elle se mit bientôt à jouer. Elise, attendrie, rendit sa main à Ashton, lui lançant le regard le plus doux de tout son répertoire.

« Nous revoilà partis, monsieur le navigateur... ? »

Mais c'est sans attendre sa réponse qu'elle esquissa un premier pas, suivi d'un second. Si le destin était avec eux, ils ne tarderaient désormais plus à trouver la mère de Madeleine. Et Elise le savait, le destin était toujours avec elle.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMar 29 Sep - 22:44

Cent francs.
Cent damn francs. L'impossible en billet. Et au bout de ce qui n'avait jamais été pour lui qu'un vague fantasme, les doigts graciles d'une créature plus onirique encore. Les yeux d'Ashton s'écarquillèrent momentanément.

« Belleza... »

Il était, de même que Norbert, ébahi par la chance affolante de la demoiselle. Celle-ci, pourtant, semblait se contenter de l'utiliser à bon escient – chose qu'il approuvait pleinement. Son air innocent alors qu'elle tendait la somme aberrante au marchand arracha un éclat de rire au canidé. Incroyable. Cette fille était incroyable.

« Ash, elle... »
« Apparemment. »

Le sourire de Norbert n'avait jamais paru plus épanoui. Et pour cause : aujourd'hui, il aurait gagné une bonne partie de son salaire mensuel. Ashton lui donna un coup joueur dans le bras.

« N'en profite pas trop, old man ! »
« Oh, j'en profite bien assez, penses-tu ! »

Ils partagèrent un instant d'hilarité. Le regard que le garçon adressa alors à Élise traduisait un malice presque enfantin. Il adorait ces moments de partage, ces souvenirs exceptionnels et pourtant si simples qui s'accumulaient au fil du temps pour forger une mémoire d'or. C'était ce genre d'images qui accompagnaient le jeune homme en quittant un pays. Toutefois, il n'y avait là aucune perspective d'éphémérité, seulement le plaisir de savourer le foyer qu'il s'était créé. Il était un homme de vie ; il la goûtait, la croquait, la dévorait. Il prenait ce qu'on voulait bien lui donner et en savourait la moindre parcelle. Aujourd'hui c'était avec Élise, demain peut-être une autre. Il s'en moquait. Il virevoltait. Il partageait. Son sourire était une rébellion pacifique contre un monde qui parfois, souvent, ne cherchait pas à le comprendre. Il ne comprendrait jamais son bonheur, de toute manière. Il était libre, de cette liberté tranquille qui ne souffrait d'aucun arrachement, d'aucune violence, seulement la consistance brumeuse d'une fumée délicate. Et il était heureux.

« Con mucho gusto, belleza... »

Sans même demander son avis à Norbert, il déposa une bise sur sa joue, une tape dans son dos. Le temps que l'homme ne réponde d'un coup à l'arrière de son crâne, il s'était éclipsé. Quelques foulées suffirent à rattraper Élise. Il enroula un bras autour des épaules de la demoiselle, en profitant pour tapoter le bout du nez de Madeleine d'un doigt. La petite fille éclata d'un doux rire auquel il répondit volontiers, le regard pétillant. Dans le dos de sa compagne, pour ajouter à la joie de l'enfant, il lui adressa quelques grimaces. La gamine posa ses minuscules mains sur sa bouche pour étouffer son hilarité, pour son plus grand plaisir. Ashton ne pouvait le nier : il était doué avec les enfants, et cela l'emplissait de joie. Il avança au même rythme que la belle, savourant l'odeur parfumée de ses cheveux roses, appréciant la sensation de son corps tout près du sien, gardant toutefois son attention sur le reste de la rue. Il lui fallait trouver une mère éplorée, blonde et, s'il écoutait sa fille, fort jolie. Une tâche qui eut été amplement plus simple si le marché aux puces n'était parcouru par une foule de plus en plus dense. Ses sens peinaient à décortiquer la myriades d'informations qu'ils récoltaient à la minute, en extraire un détail en particulier semblait presque impossible.

Presque.
Un sourire malicieux se dressa sur les lèvres du canidé tandis qu'il repérait une dame. Un air apeuré au visage, celle-ci arpentait la rue en quête d'on-ne-savait quel trésor perdu. Un trésor qui, sans aucun doute, prenait le visage d'une fillette au doux regard, à l'âme gentille et au corps de poupée. Ashton ne pouvait désormais plus nier la chance qui semblait l'accompagner dès lors qu'Elise était à ses côtés. Cette jeune demoiselle pouvait-elle réellement conjurer la malchance qu'il transmettait par définition ? Il n'en savait pour l'instant rien, n'en avait pas le temps, mais... bientôt. Bientôt viendrait le temps des interrogations.

« Madame ! Madame ! »

Peine perdue. Loin de sa propre capacité auditive et perdue dans ses sentiments d'angoisse, sa destinataire resta sourde à ses appels. Le jeune homme se tourna vers Madeleine, l'air tout à fait calme.

« Est-ce que c'est ta maman, poupée ? »

Un bref hochement de tête. Ashton répondit d'un sourire, et posa une main sur l'épaule d'Elise. Il fallait qu'il se dépêche. Le moindre retard pourrait le mener à manquer la mère de Madeleine : une impensable faute lorsqu'on considérait le temps que cette mission leur prenait déjà. Qui savait quand le destin, de nouveau, se montrerait suffisamment clément pour les mettre sur le même chemin ? Non, il devait s'en occuper.

« Puis-je vous la confier ? Je reviens tout de suite ! »

Il était déjà parti.

Sa haute taille ne le priva aucunement de son habituelle agilité. Il ondula entre les passants avec vitesse, ne perdant pas un instant son objectif des yeux. Un instant, il espéra que la femme ne prendrait pas peur en le voyant se précipiter sur elle. Il accéléra. Chaque enjambée le rapprochait de son but et, si quelques protestations se firent entendre, les excuses qu'il prononça semblèrent calmer les éclats de rage. Tant mieux : il n'avait absolument pas le temps

« Madame ! »

Elle se tourna, il ralentit. Un large sourire s'afficha sur le visage ivoirien d'Ashton tandis qu'il s'approchait d'elle. Son regard perçant rencontra celui, apeuré, de la mère. Celle-ci était apparemment angoissée par sa simple présence, ne restant sans aucun doute que dans l'espoir qu'il possédât quelque nouvelle quant à sa fille perdue. Heureusement pour elle, c'était le cas.

« Madame, cherchez-vous votre fille ? Madeleine ? »

Une lueur d'espoir dans les yeux clairs.

« Oui. Oui ! L'avez-vous vue ? »
« Oh, j'ai fait bien plus que ça, madame. Elle est... »

Il se tourna et, non sans une pointe d'amusement ironique, constata l'ampleur de la foule qui lui faisait face. Et dans cette foule, point d’Élise en vue. Un sourire légèrement crispé s'afficha sur le visage du canidé, qui ne pouvait désormais qu'espérer ne pas faire face aux foudres d'une mère déchaînée.

« Hé bien, vous ne voudrez jamais me croire... »

Voilà qui s'annonçait compliqué.

MA FIIIIIIIIIIILLLEEEEE:
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeDim 4 Oct - 22:15

La main sur son épaule fut comme une caresse qui enchanta tout son corps. Elise adressa un grand sourire à la silhouette qui, déjà, s'éloignait. Aujourd'hui, elle passait une bonne journée, et ce malgré son bouton de manchette égaré. Aujourd'hui, elle apprenait à découvrir un jeune homme à la mélodie si atypique qu'elle aurait pu rester de longues minutes à ses côtés, les yeux clos, simplement pour écouter. Évidemment, cela faisait partie des choses qu'elle ne pouvait pas se permettre. Alors Elise se contentait de voler quelques notes au passage et de se concentrer sur ce que la vie lui offrait. Présentement, on lui avait donné la chance de rencontrer une petite fille à la douceur exquise, transparaissant jusque dans la musique qu'elle déversait sur le monde.

« Tes cheveux sont trop beaux Elise... ! »

Un léger rire s'empara de la jeune femme tandis que Madeleine tressait quelques unes de ses mèches. Cette enfant était adorable et, le temps d'une seconde, Euterpe laissa les souvenirs l'assaillir. Se rappeler était chez elle un réflexe contre lequel elle ne pouvait rien. Et, de toute façon, la demoiselle aimait bien trop se perdre dans le passé pour tenter ne serait-ce qu'une fois de l'en empêcher.

« J'ai connu un petit garçon, il y a très longtemps, qui aimait autant mes cheveux que toi...
- Oh, et comment il s'appelait ?
- Ça, c'est un secret. Mais si tu me promets de ne le dire à personne, je veux bien te le dire...
- D'accord, je promets ! »

La petite était bien évidemment sincère, aussi Elise lui offrit-elle le nom de l'enfant auquel elle faisait référence. Cela n'éveilla rien chez la fillette, qui se contenta de hocher la tête d'un air entendu, fière d'être la détentrice d'un secret absolu.

« Et tu sais ce qu'il adorait faire, avec mes cheveux... ?
- Non, quoi donc ? »

Elise caressa la joue de Madeleine avant de lui faire un clin d'oeil.

« Il aimait par dessus tout... que nous tressions ensemble des couronnes de fleurs.
- Ohhhh ! Moi je ne sais pas en faire...
- C'est facile ! Tu veux que je t'apprenne ? »

Evidemment, sa jeune amie hocha joyeusement la tête. La muse lança un dernier regard à Ashton qu'elle devinait difficilement à travers la foule compacte les séparant, puis haussa les épaules. Il parviendrait bien, de toute façon, à les retrouver. Elle faisait confiance à sa chance pour rendre l'issue de cette histoire absolument favorable. C'est sur cette réflexion qu'elle s'enfonça à contre-courant au milieu des passants, à la recherche d'un endroit où trouver des fleurs. Après plus d'une dizaine de minutes de marche durant lesquelles elle avait porté Madeleine, Elise s'apprêtait à renoncer lorsqu'elle remarqua les grilles d'un cimetière... Pour la muse, ce fut une véritable illumination. Toutes les tombes étaient fleuries, sans exception, et un sourire vainqueur s'inscrivit sur les lèvres de la jeune femme.

« Madeleine, je crois que nous avons trouvé nos fleurs... »

L'enfant sembla contrariée, son visage affichant clairement une moue dubitative et marquée par tant d'hésitation qu'Elise pouvait déjà imaginer les rides de stress qui se graveraient un jour sur son joli minois.

« Mais c'est interdit... Non... ? »

La voix de la petite fille n'avait été qu'un murmure, et Elise savait qu'il s'agissait là de ce qu'on lui avait répété durant des années. Un sourire malicieux s'inscrivit bientôt sur son propre visage.

« En temps normal, sûrement... Mais j'ai là un ami qui me laissera volontiers lui emprunter quelques fleurs... »

Madeleine hésita entre se réjouir et compatir, puis opta finalement pour la première solution après que son amie lui ait fait un clin d’œil. Celle-ci s'engouffra dans le cimetière à la recherche de celui qui, désormais, reposait ici, mais l'avait côtoyée de son vivant. Sans surprise, la tombe était jonchée de fleurs plus belles les unes que les autres, laissées là par autant d'amateurs de musique. Elise déposa la petite fille à terre, qui la regarda avec de grands yeux curieux.

« Ton ami devait être beaucoup aimé, pour avoir autant de fleurs à ses pieds...
- Oh oui. Et c'est pour cela qu'il nous laissera bien en emprunter quelques unes... »

L'enfant hocha la tête et s'installa à même la tombe, visiblement rassurée par la présence des différents bouquets. Elle ne semblait pas savoir qui était le musicien à qui elles emprunteraient les compositions florales, et Elise ne pouvait pas lui en vouloir au vu de son jeune âge. En fait, elle ne pouvait en vouloir à personne, à ce sujet-là. L'artiste gisant là, comme tant d'autres avant lui, avait marqué le monde et s'était consumé à la manière d'une comète, si rapidement qu'il n'en restait que quelques éclats à jamais immortels. Les gens, en règle générale, oubliaient terriblement vite. Euterpe se savait être une exception, d'autant plus que, pour elle, 30 ans n'étaient rien d'autre que l'équivalent d'un mois pour le reste du monde. En sachant cela, elle comprenait aisément l'oubli de tous ces gens qui ne vivaient certainement pas assez longtemps pour voir et savourer les choses comme elle le faisait. Madeleine, par exemple, était tel un bourgeon à peine éclos et déjà sur le point de faner. Leurs existences étaient trop courtes, trop fragiles pour qu'elle puisse même exiger d'eux ne serait-ce que de retenir un nom unique. Alors Elise acceptait. Ce qu'elle ne savait cependant pas, c'est que dans les mémoires ces grands hommes persisteraient pour traverser les siècles de la même manière qu'elle le faisait.

« Oui, tu as raison... Tu... tu peux les cueillir s'il te plaît... ? »

Un léger rire s'échappa d'entre les lèvres rosées de la jeune femme lorsqu'elle attrapa plusieurs bouquets au hasard. Jonquilles, tulipes et leurs cousines pivoine, pensées, renoncules et lys furent bientôt déposées sur la tombe. Madeleine regardait les fleurs d'un air émerveillé, air qui se fit plus intense encore lorsqu'Elise s'empara d'une première fleur qu'elle commença à tresser avec l'une de ses sœurs. Très vite, la jeune femme réalisa une véritable œuvre d'art.

« Waaaaaw... Je peux l'avoir ? »

Demanda timidement l'enfant subjuguée. La muse secoua cependant la tête, provoquant chez Madeleine un élan d'une déception si vive qu'elle en eut presque mal au cœur. Bien vite, elle s'expliqua.

« Ce n'est pas encore fini, princesse... Il manque un élément essentiel, que je t'avais promis... »

Fouillant dans sa poche, Elise en extirpa quelques trèfles à quatre feuilles, qu'elle entremêla dans sa composition sous les yeux ravis de l'enfant. Puis elle déposa la couronne sur sa chevelure dorée et, satisfaite du résultat, l'embrassa sur le front.

« Tu es tout simplement superbe, Madeleine. Ça te va vraiment bien. Et même mieux qu'à moi... »

Les joues de la petite fille rosirent de plaisir alors qu'elle prenait à son tour la parole.

« Merci Eliiiiise ! »

Elle déposa un baiser sonore sur la joue de son amie et se blottit tout contre elle.

« Diiiiis ? Tu crois qu'on pourrait en faire une pour maman... ?
- Oh oui ma belle ! Et même une pour Ashton, si ça te dit !
- Ouiiii !
- Tiens, viens-là, je vais te montrer plus doucement. »

La jeune demoiselle s'installa sur les genoux d'Elise qui se remit bientôt à l'ouvrage, guidant les gestes de l'enfant dans ses premiers pas vers l'art. Plus tard, Madeleine se découvrirait peut-être une véritable passion pour les fleurs grâce à ce jour précis.

« Plus doucement, Madeleine. La pensée est fragile mais bien moins que la jonquille qui sous les assauts de tes doigts se ploiera puis se déchirera. Il faut que tu sois aussi douce que lorsque tu coiffes les cheveux de ta poupée, d'accord... ? »

L'apprentie d'un jour hocha la tête et adapta ses gestes, bénéficiant bientôt de l'approbation de la muse.

« Voilà, comme ça, c'est très bien, tu te débrouilles comme une chef... ! »

Elise était absolument sincère et s'occupa intensément de la réussite de la première couronne. Lorsque celle-ci fut achevée et que Madeleine exposa sa joie, elle la partagea.

« Oh bravo Maddie ! Je suis sûre que ça plaira énormément à ta maman ! Maintenant, il ne nous reste plus qu'à les attendre ici alors que nous réaliserons la seconde couronne. D'accord mon ange ? »

La gamine était bien évidemment d'accord et se remit bientôt à l'ouvrage, restant tout contre son amie. Maintenant, c'était à Ashton de jouer. La chasse au trésor venait de se métamorphoser en jeu de piste dont la récompense n'était autre que les deux demoiselles. Il ne restait plus au canidé qu'à se remettre en route, avant qu'un papillon ne vienne changer les plans de la muse...
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMar 6 Oct - 22:03

Tandis qu'Ashton affrontait le regard affolé de la mère de Madeleine d'un sourire sensuel, il fit un bref récapitulatif de la situation. Il était certes dans une foule dense et compacte, qui eut empêché quiconque d'observer autour de lui avec précision et, s'il n'avait été inhumainement puissant, et amplement plus grand que la moyenne, il eut pu se voiler la face en se disant qu’Élise était bel et bien restée au bon endroit et l'avait attendu avec l'enfant dans ses bras. Seulement voilà, il était un chien des Enfers, et pouvait sans doute repérer une âme aussi singulière que celle de la créature à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Et d'âme il ne sentait point.

« Je vous en supplie, commença-t-il, n'appelez pas la police. »

Il n'eut plus manqué que cela. Le canidé avait bien assez visité le commissariat à son goût, ne souhaitait d'ailleurs pas ajouter enlèvement à la longue liste de soit-disant crimes qui constituaient son casier judiciaire, et se doutait que sa disparition de Saint-Ouen n'eut fait qu'aggraver la situation. Car il lui faudrait chercher la demoiselle onirique, chose qu'il ne pouvait point faire avec des menottes au poignet.

La mère de Madeleine, elle, semblait pour le moins courroucée. Elle croisa ses bras, un air à la fois sévère et désespéré au visage tandis qu'elle le fusillait du regard. Ashton se prit alors à songer qu'elle ressemblait tout à fait à l'image qu'on se faisait d'une maman modèle. Il sourit malgré lui en affrontant les larmes qu'elle menaçait de laisser couler.

« Où. Est. Ma. Fille ? Ne me mentez pas ! »

Il eut sincèrement voulu l'aider, c'était d'ailleurs précisément son but, mais il n'en avait pas plus de certitude qu'elle. Ce qui était fâcheux. Face au volume croissant de la voix de la femme paniquée, plusieurs têtes se tournèrent à leur égard. C'était mauvais, tout ça, très mauvais. Il n'attendit pas une seule seconde supplémentaire : saisissant doucement le bras de son interlocutrice, il la mena sur le côté, au bord d'une ruelle adjacente. Le seul avantage de sa situation résidait apparemment dans le fait qu'il n'avait pas l'air de laisser le choix à la mère éplorée. Ash se sentait un peu sale.

Ne prêtant pas attention à ce sentiment, il se pencha sur son vis-à-vis, posant ses mains sur ses épaules et lui offrant un sourire aimable. Il désirait plus que tout la rassurer, lui permettre de respirer un peu avant de lui annoncer les faits.  

« Madame, j'ai besoin que vous m'écoutiez... J'ai une bonne nouvelle et une... moins bonne, dira-t-on. »

Elle haussa un sourcil sceptique, il s'autorisa à sourire davantage.

« J'écoute. »
« Bonne ou mauvaise ? »
« Vous vous moquez de moi ? », répliqua-t-elle sèchement.
« J'aimerais bien. »

C'eut été plus simple et bien moins humiliant, à vrai dire. En attendant la réponse, il chercha de diverses formulations qui eussent pu l'aider à ne pas se faire arrêter et à calmer la terreur profonde que ressentait sans aucun doute la génitrice de Madeleine. Celle-ci, déjà, semblait moins triste. Les larmes s'étaient évaporées de ses yeux bleus, remplacées par un océan tumultueux... de l'agacement, sans doute.

« Mauvaise. »

Aille.

« Je... ne sais pas exactement où se trouve votre fille. »
« QUO- »
« MAIS ! »

Un instant de silence. Son interlocutrice paraissait fort sceptique, et à deux doigts de lui adresser un soufflet. Perspective qui, aussi attrayante puisse-t-elle sembler, ne le séduisait pas le moins du monde. Il ne perdit pas un instant supplémentaire :

« Mais... Je sais avec qui elle est, et je sais qu'elle est en sécurité. »

Du moins l'espérait-il vraiment, vraiment très fort.
Le regard de la mère de Madeleine traduisit un profond sentiment de malaise, et il ne pouvait guère l'en blâmer. Perdre sa fille, croire qu'un bandit l'a enlevée, pour finalement se rendre compte qu'il l'a récupérée avant de l'égarer à son tour devait être pour le moins éprouvant. Malgré tout Ash ne pouvait s'empêcher d'être foncièrement amusé par cette situation. C'était de sa faute : il eut dû s'en douter. Comment demander à une créature de la brume de s'arrêter un instant ? Non, impossible. Quel idiot ! C'en était risible. Et s'il avait appris quoique ce fût de la jeune femme, il était prêt à parier que celle-ci avait simplement vu un papillon, ou été prise d'une envie passagère d'aller cueillir des billets de cent francs. C'était certain.
Restait à expliquer cela à une humaine tout ce qu'il y avait de plus normale.

« C'est une longue histoire. Elle est avec une amie. Le seul soucis, comme je vous l'ai dit, madame, est que je ne sais pas où elles sont. En vous repérant, j'ai couru et en me retournant... Je m'excuse. »

Lui-même était conscient de ne pas avoir l'air désolé du tout. Son sourire était bien trop amusé pour cela. La femme sembla le remarquer, haussant un énième sourcil sceptique. L'espace d'un instant, il se demanda si cette expression caractérisait le tempérament de cette demoiselle ou si elle lui était spécialement réservée. Toujours était-il qu'elle était méfiante - et au vu de son propre physique, il comprenait.

« Dois-je seulement vous croire ? »

Un haussement d'épaules. Il pencha la tête sur le côté, charmeur. C'était le genre de jeu auquel il aimait jouer. Une sorte de "loup", un jeu de poursuite au cours duquel l'un tentait de rattraper l'autre et de gagner pouvoir et influence sur lui. Seulement Ashton s'était amusé auprès des pires, des meilleurs, maitrisant l'art de manipuler les mots à la perfection. C'était tant mieux, de toute manière: il ne pouvait se permettre de perdre la mère de Madeleine. Pas après tout le mal qu'il s'était donné pour la retrouver. Il avait même perdu sa fille pour le faire ! Cette pensée lui arracha un bref éclat de rire, tant le paradoxe était ridicule. Cette situation toute entière l'était, en fait. A vrai dire, il adorait ça. Il s'appuya contre le mur, perça le regard bleuté du sien:

« Non. Mais pouvez-vous prendre ce risque ? »

Elle ne pouvait pas, ils le savaient tous deux. Un instant toutefois, peut-être pour faire bonne figure, son interlocutrice parut hésiter. Cela demeurait compréhensible: il avait pleine conscience de ne pas porter sa bienveillance sur son visage. Il attendit donc patiemment, nullement pressé, un sourire suave aux lèvres et un pétillement joueur dans le regard.

« Prenez donc vos responsabilités. Et si vous mentez, vous aurez affaire à mon mari. »
« A vos ordres, madame... »

Il lui tendit le bras, qu'elle saisit avec méfiance. Ashton s'en amusa, laissa même un éclat de rire franchir sa bouche, puis adressa un sourire charmeur à son interlocutrice:

« Comment vous appelez-vous, madame ? »
« Cela ne vous concerne pas. »
« Hahaha ! Bien, bien. Mon nom est Ashton Lyn, vous pouvez m'appeler comme vous voulez. »
« Mh. »

Les minutes suivantes virent la lente et progressive détente de la mère de Madeleine, qui finit par répondre bien malgré elle à quelques questions. Elle se nommait donc Patricia Lefoll, et venait régulièrement aux puces. C'était tout ce que le canidé était parvenu à arracher d'elle et, à vrai dire, cela le ravissait presque plus que d'obtenir des informations. Ce qu'il savait également, c'était qu'elle était une bonne personne, une bonne maman, mais il n'avait pas besoin d'une quelconque question pour être au courant de cela. Il avait vu tellement de parents négliger, maltraiter leurs enfants que voir des exemples pareils réchauffait son cœur. Il était content pour Madeleine.

Le silence tomba, confortable, presque agréable. Cependant, Ash se connaissant fort bien, il sut immédiatement qu'il ressentirait un besoin insupportable de le briser. Ce moment survint quelques instants plus tard.

« Ne vous en faites p- »

VLAM!
« Au vol ! Au vol ! »
« Là ! »

Un garçon déboula soudain dans la rue, les bras pleins de choses qui ne lui appartenaient pas. Leurs regards se croisèrent un moment, puis le voleur prit une nouvelle ruelle, sur le côté. Des bruits de pas retentirent: il était suivi. Quelques silhouettes ne tardèrent d'ailleurs pas à se détacher de la foule grouillante qui agitait les puces et... contre toute attente, le désignèrent du doigt.

« C'est lui ! »
« Pardon ?! »

Trop tard: on l'avait pris en chasse. Pour rien. Cette fois-ci, s'il se faisait arrêter, il aurait de véritables arguments. On n'avait pas idée de poursuivre un innocent lorsqu'on avait vu le coupable de ses propres yeux, tout de même !

Ashton n'avait pas vraiment envie de passer la nuit au commissariat. Fort heureusement pour lui, il possédait un atout précieux: ses réflexes. Saisissant le poignet de la jeune mère, il entreprit de... courir. Vite. Loin. Sous les cris de ses assaillants, malgré le handicap non négligeable de tirer quelqu'un de plus lent que lui, le canidé se précipita dans la rue adjacente, tourna à droite au hasard.

La seule chose qu'il repéra fut le cimetière.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeVen 9 Oct - 22:43

Elise regardait l'enfant tresser les fleurs et devait avouer qu'elle était vraiment très douée. Ses doigts s'agitaient tendrement sur les pétales des fleurs, les caressaient, les assemblaient sans jamais faillir et cette couronne était, incontestablement, la plus belle des deux qu'elle avait faites. Un sourire attendri se glissa sur ses lèvres lorsque Madeleine tira la langue pour mieux se concentrer. Elle n'avait jamais vu d'adultes faire une telle chose, pas même Amadeus qui, pourtant, le faisait étant tout jeune. Cette habitude, ce léger tic, était renié par ceux qui se pensaient si matures et si sûrs d'eux. De temps, ils n'en avaient que pour les ennuis, jamais pour ce qu'ils nommaient enfantillages et qui n'étaient que des jeux, qu'une façon de voir le monde dans son ensemble, ses moindres détails et ses murmures les plus doux. Car le monde parlait, et l'on apprenait aux enfants à se rendre sourds à une voix qui pourtant les charmait depuis leur naissance. Une fois devenus adultes, ils oubliaient l'existence même de ce chant si tendre qui avait pour but de les guider et sans lui, ne savaient plus vraiment sourire. À quoi bon sourire lorsqu'on oubliait le sens même du mot plaisir dans une vie si courte qu'un simple siècle suffisait à l'abréger... ? Elise, qui jouissait pourtant de l'immortalité, ne les comprenait pas. Elle ne saisissait pas quel plaisir il pouvait bien y avoir à abandonner le bonheur au profit d'une situation plus stable et d'un jeu des apparences où le seul gagnant serait la mort. La mentalité elle-même laissait la muse muette de stupeur. Comment pouvait-on accepter de trimer, de souffrir, au nom d'un lendemain meilleur ? Pourquoi ne pas chercher immédiatement à atteindre cet idéal ? Pourquoi supporter au lieu de trouver une solution qu'au demeurant, ils ne cherchaient même pas ? Non, Elise ne comprenait vraiment pas les adultes et c'est pourquoi elle préférait la compagnie des enfants, tellement plus rafraîchissants et si plein d'une innocence, trésor absolu pourtant voué à disparaître.

« Tadaaaaaaa ! »

La voix de la petite fille la sortit de sa rêverie et Euterpe baissa les yeux pour observer son travail. Sa couronne de fleurs, désormais achevée, était véritablement superbe. La jeune femme égara un doigt sur le cheminement de la création, testant la solidité des tiges entrelacées avec l'expérience des millénaires passés. Elle n'eut rien à redire, arracha simplement l'épine d'une rose un peu trop acérée, puis embrassa la chevelure d'or.

« C'est parfait mon ange. Tu es une vraie magicienne, c'est absolument magnifique. »

Madeleine lui adressa un sourire enchanté puis embrassa les deux joues de la muse en guise de remerciement. Après ça, elle se leva et indiqua de la main deux formes à l'autre bout du cimetière. Elise tourna les yeux vers le spectacle que souhaitait lui montrer la jeune demoiselle et fronça des sourcils. Que pouvait-il bien se passer... ?

« C'est maman ! Je reconnais sa robe ! Maman ! Maman !! »

Et l'enfant courut comme une flèche en direction des deux silhouettes. Elise se releva avec empressement, prenant soin d'attraper les couronnes de fleurs au passage. S'il s'agissait bien de la mère de la fillette, l'autre personne ne devait être autre qu'Ashton.

« Maddy ! Attends-moi ! Ne cours pas si vite ! »

Oh, la petite demoiselle ne courait pas si vite que cela, puisque la muse la rattrapa plutôt rapidement. Une fois qu'elle fut à sa hauteur, elle attrapa sa main et la laissa filer de nouveau, certaine désormais qu'elle ne craignait rien.

« … -leur ! Rattrapez-le ! »

Hein ? Ashton, un voleur ? Cela ne coïncidait pas vraiment avec l'image qu'elle se faisait du jeune homme, mais ce n'était pas là le soucis. Il pouvait bien faire ce qu'il voulait, elle n'était, après tout, pas là pour le juger. Ce qui la dérangeait dans cette situation, c'était la présence de la petite blondinette. Celle-ci n'avait rien demandé et n'avait pas besoin d'être mêlée à ce genre d'histoire. Elle avait suffisamment vécu de choses dans la journée pour que cela lui suffise pour au moins dix années et Elise se refusait à lui faire subir une course poursuite potentiellement violente. Qui savait ce qui attendait réellement Ashton si ses assaillants le rattrapaient ? Madeleine était trop jeune, trop fragile et trop innocente pour supporter le spectacle qu'ils pouvaient potentiellement lui offrir.

« Il m'a tout pris, TOUT ! Il faut lui faire payer ! »

La voix désespérément remplie de colère du premier homme lui apprit que l'issue d'un affrontement serait défavorable. Elise lança un regard absolument sceptique en direction d'Ashton qui n'avait... Strictement rien dans les bras. Si voleur il y avait dû avoir, c'était plutôt elle qu'il eut fallut accuser : D'une main, elle tenait une enfant qui n'était pas la sienne, tandis que de l'autre elle transportait tant bien que mal une peluche absolument énorme ainsi que des couronnes de fleurs. Sans oublier le sac d'Ashton où se trouvaient la boîte à musique, le petit cheval, le sablier et le produit magique.

« Maddy, attends ! Nous avons une nouvelle mission, il faut sauver notre navigateur et ta maman des vilains pirates ! »

L'enfant se stoppa net et tourna ses grands yeux pleins de vie vers Elise qui lui adressa un tendre sourire.

« Et pour ça... J'ai besoin que tu gardes tous nos précieux artefacts. D'accord ?
- M-mais maman...
- Je te promets de te la ramener au plus vite. »

Madeleine sembla convaincue et abandonna un oui d'une toute petite voix au moment où les poursuivants d'Ashton pénétraient à leur tour le cimetière. Elise prit le temps d'embrasser l'enfant et de lui faire promettre d'attendre son retour à cet endroit précis et nulle par ailleurs. Après ça, Euterpe se mit à son tour à courir et... percuta de plein fouet l'homme en tête.

« Aïe ! Aïe, aïe, aïe, aïe ! Ma cheville, je crois que je me la suis brisée ! J'ai tellement mal... ! »

Le premier homme, tombé aussi, porta un regard furibond sur Elise avant de vraiment voir à qui il avait à faire. En croisant les yeux océan de sa vis-à-vis, quelque chose se révéla en lui et sa colère diminua de moitié. Sans se l'expliquer, il sentait son cœur battre plus fort, il la voyait rayonner alors qu'il n'en était rien et il n-...

« Pierre ! Ton voleur s'enfuit !!
- M-mon quoi ?
- Parbleu, Pierre, réveille-toi ! Ton voleur s'enfuit !!
- Hein ? Ah... Oui... Ce... c'est rien Jean. Je... Je suis occupé, là. Mademoiselle, comment se porte votre cheville... ? »

Elise comprit à la première réplique dudit Pierre qu'elle avait gagné. Mimant une absolue douleur, elle secoua la tête.

« N-non... Je ne suis même pas sûre de pouvoir marcher... »

Elle afficha la moue la plus contrariée de son répertoire et décida de ferrer le fameux Jean à son tour. Mais si Pierre semblait avoir développé un amour inné pour l'art, il n'en allait visiblement pas de même pour son compagnon. C'est pourtant lui qu'elle regarda droit dans les yeux lorsqu'elle tenta de se relever. Tenta seulement, et fit semblant de retomber.

« A-Aïe !
- Doucement mademoiselle ! Ne forcez pas ! Nous allons vous aider ! Pas vrai Jean ? Tiens, file chez la vieille Martine, au coin de la rue. Elle aura de quoi guérir cette méchante cheville. »

Elise planta de nouveau son regard dans le sien, dans le plus bel appel à l'aide de toute sa vie. D'aucun diraient que Calliope, pour charmer Ulysse, usa du même stratagème. Jean résista un instant puis, ne pouvant soutenir l'aura divine de la muse, ne put que céder. Un éclair de satisfaction passa brièvement dans les iris azurés. Puis...

« …Cette cheville... ! C'est affreusement douloureux. Comment vais-je faire... ? Je dois m'occuper de Madeleine et-...
- Madeleine ? »

Elle sut immédiatement que le cœur de Pierre se refermait sous ses assauts et s'empressa de rectifier. Il ne fallait pas qu'il se rappelle pourquoi il courait, ou tout du moins cela ne devait pas reprendre une place plus essentielle dans son existence que de rester auprès d'elle.

« M-ma jeune sœur. C'est l'enfant qui attend, là-bas, avec tous nos paquets. »

Pierre tourna la tête en la direction de Maddy, qui attendait sagement le retour de son amie. Celle-ci agita timidement la main, et Elise lui indiqua de venir. Contre toute attente, la douceur de Madeleine joua pour beaucoup dans l'issue de cette rencontre.

« Viens petite, n'aie pas peur, je ne vais pas te faire de mal ! Ta sœur s'est blessée et je m'occupe d'elle en attendant le retour de mon ami, mais tout va bien. »

La jeune enfant lança un regard perdu à sa compagne qui lui fit signe de jouer le jeu. Pierre interpréta cela pour de la crainte et tendit l'une de ses grandes mains vers elle.

« Je te promets que tu n'as rien à craindre. »

Madeleine approcha donc. Un regard apprit à Elise qu'Ashton n'était désormais plus visible. Il n'y avait plus de risque que Pierre se souvienne de lui. Lorsque Jean revint et appliqua le cataplasme qu'il avait ramené de chez Martine, Euterpe lui adressa le plus beau de tous ses sourires et afficha un air ébahi.

« C-ce... C'est magique ! Je n'ai même plus mal ! »

Pierre tenta bien de la retenir mais ce fut en vain. C'est à peine s'il obtint la promesse de la recroiser un jour. Quelques instants plus tard, alors qu'il était reparti après s'être assuré qu'Elise pouvait marcher, il n'était plus qu'un vague souvenir. La muse n'avait à présent qu'un seul objectif : Retrouver Ashton qu'elle sentait si proche d'elle.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeLun 12 Oct - 23:57

Il y avait comme une étrange impression de Liberté à la fuite. Avoir le choix entre confronter, assumer, être responsable et être tout l'inverse, choisir tout de même de prendre la poudre d'escampette et d'appartenir à la catégorie des moins bons, des lâches sans doute, juste parce qu'on le voulait ainsi. Sentir le vent fouetter sa peau alors qu'on courait contre lui dans l'espoir d'échapper à des poursuivants en quête de vengeance plus souvent que de justice. La bulle d'hilarité qu'apportait l'adrénaline folle et irrationnelle, qui donnait envie de rire aux éclats et de jouer avec le monde comme on jouait avec les sentiments de ses adversaires. Et rire, rire à la face rougeaude des hommes qui se prétendaient capable de vous ôter vos ailes mais qui succombaient lentement au manque d'adrénaline et à la colère palpitante qu'on fait battre dans leurs veines. Bondir par dessus les obstacles, ne prendre ni le temps de s'excuser ni celui de réparer, n'être rien d'autre qu'un voyou, un gosse des bas quartiers et rien de plus qu'un garnement immoral. Tandis qu'il fuyait ses poursuivants, Ashton renouait avec une partie de son passé qui, peut-être, lui manquait un peu. C'était une brève sensation que celle de la Liberté à majuscule, majestueux sentiment dont l'euphorie était presque addictive et qui, sous peine de soudain regain de conscience, pouvait aisément entraîner à faire le pire en pensant le bien. À vrai dire Ash n'était pas certain d'avoir jamais quitté son statut de filou, n'était pas certain de jamais le vouloir.

« Figurez-vous que ça me rappelle de vieux souvenirs ! »
« Génial ! Ça me fait une belle jambe ! », rétorqua Victoria.

Un éclat de rire s'échappa du canidé infernal tandis qu'il accélérait de nouveau le mouvement, menaçant d'arracher la mère de Madeleine à son équilibre. La pauvre femme semblait loin de tels divertissements, éloignée de tout ce qui pouvait la sortir du droit chemin qui était tout tracé pour elle. Aujourd'hui, il avait envie de lui faire goûter la saveur boueuse et toxique de la brousse, de ces voies qu'on ne traçait jamais qu'avec ses deux mains cloquées, qui éreintaient au point de l'évanouissement mais qui laissait derrière eux une délicieuse impression d'accompli. Il voulait lui faire croquer la vie. Il voulait lui faire comprendre, aussi. À quel point rester dans les clous était facile mais si peu gratifiant. À quel point fuir une arrestation arbitraire pouvait être diablement grisant.  

« Avouez que c'est terriblement amusant ! »
, tenta-t-il de nouveau.
« NON ! »

L'hilarité d'Ashton s'échappa dans les airs comme un air de révolte. Il se moquait bien de ses assaillants. En réalité, il comptait même s'arrêter lorsque ceux-ci n'en pourraient plus, abandonneraient l'idée saugrenue de le capturer tandis qu'ils n'avaient aucune preuve. Alors ils s'expliqueraient. Pour le moment, il profitait de quelques minutes durant lesquelles il n'était plus rien d'autre qu'un hors la loi. Et puis il y avait le cimetière, dans lequel il sentait les présences distinctes d’Élise et de Madeleine. Ce que la créature avait bien pu faire avec une enfant dans un tel endroit ? Seul le futur lui donnerait la réponse. Il n'était lui-même pas certain de vouloir trop creuser le sujet : pas par peur d'être choqué – tâche quasi-impossible s'il en était une – mais par désir de mystère. Élise semblait si onirique... chercher à la rationaliser, c'était déjà la perdre. Il la laisserait donc vaquer à ses occupations saugrenues – quoiqu'il ne fût pas certain d'être bien placé pour employer ce terme, vues ses propres manières de se distraire – et se contenterait de faire partie de sa vie lorsqu'elle le voudrait bien. C'était une relation peu compliquée comme il les aimait.

Ce fut d'ailleurs Élise qui prit soin d'intervenir. Il sentit sa divine présence – car il y avait quelque chose de divin en elle, il en était plus que certain – avant même qu'elle n'agît. Et n'eut-il pas été pressé, il serait resté simplement pour le splendide spectacle qu'elle promettait d'offrir. Elle eut fait une actrice des plus talentueuses, il l'admettait sans peine. Le charme inhumain qu'elle dégageait ne semblait d'ailleurs qu'ajouter à sa prestation de haute volée. Elle avait été touchée d'une grâce qu'aucun mortel n'eut jamais pu espérer saisir, d'un panache inaccessible à la terre entière et d'une âme sans aucun pareil. Nul ne pouvait rivaliser avec elle, nul ne pouvait espérer la voler à son immortalité ou au monde qu'elle s'était forgée. Ceux qui prétendaient le faire, que ce fût par jalousie, par désir ou par envie, se brûlaient tôt ou tard les ailes, comme n'allaient pas tarder à le découvrir ses poursuivants. Un sourire malicieux se glissa sur les lèvres du jeune homme alors qu'il se glissait dans une ruelle adjacente. En toute logique le chemin le mènerait vers le cimetière qui, s'ils n'étaient pas totalement dépourvus de chance, contiendrait l'aura innocente de la petite Madeleine. Si la gamine avait disparu, il ne resterait plus qu'à... Improviser, comme toujours.

« Mamaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan ! »
« Madeleine ! »

Ashton lâcha le bras de la jeune mère afin qu'elle puisse filer dans les bras de sa fille. Les retrouvailles, presque désespérées, apportèrent un sourire touché à la bouche percée du canidé. Il appréciait les fins joviales, et celle-ci en faisait partie. Restait désormais à retrouver Élise avant que celle-ci ne disparaisse, comme toujours, comme trop de fois déjà. Il ne la perdrait plus, c'était décidé. Sans un mot, il se recula. Les deux demoiselles avaient besoin de temps pour elles, de temps pour se retrouver et profiter l'une de l'autre en cette journée placée sous le signe de l'espoir. Il leur offrit un dernier sourire avant de disparaître.


Ils se croisèrent à l'intersection, comme guidés l'un vers l'autre par la force de leurs cœurs. Ash planta son regard noisette dans celui, bleuté, de son interlocutrice, pétillant de plaisir. Ses doigts, automatiquement, vinrent trouver ceux de la jeune femme pour les guider à ses lèvres. Il honora chaque phalange du bout de sa bouche, se délecta des multiples émotions qu'il lisait dans les yeux outremer de la demoiselle.

« Belleza, permettez-moi de vous dire que vous avez été fantastique... »

Un clin d’œil. Il se redressa, tendit un bras musclé pour l'offrir au sien et une main pour saisir le sac. Un gentilhomme n'eut su autoriser la belle créature à porter pareil fardeau, après tout. Quelque chose, toutefois, soufflait à Ash qu'il s'agissait là de bien plus que ça, comme un instinct de protection mutuelle qui, peut-être, perdurerait des âges durant.

« Merci de m'avoir sauvé. », se permit-il donc d'ajouter.

Il se sentait bien auprès d'elle. C'était une sensation presque euphorisante, un sentiment qui saisissait tout son corps à la manière d'une drogue très douce qui l'envelopperait dans du coton. Cela, toutefois, n'avait rien à voir avec ce qu'elle était, ou ce qu'elle représentait. Il s'agissait simplement d'eux, et de cette alchimie qui en ce jour semblait les caractériser, les unir dans un but commun... but qu'ils ne devaient d'ailleurs pas perdre de vue. Il se tourna donc vers Elise, prit soin de désigner le cimetière d'un signe de tête.

« Madeleine a retrouvé sa mère... Elles sont toutes les deux heureuses, me semble-t-il. »

Un sourire d'enfant, puis :

« N'avons-nous pas un bouton de manchette à récupérer, ma belle ? »
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeJeu 15 Oct - 14:21

Un sourire, un rideau qui se tire, un salut au public, et déjà, un départ loin de toute cette histoire. La muse s'envola, s'éloigna, disparut de la vie de ces deux hommes comme si elle n'avait été qu'un rêve pour rejoindre l'un des siens, l'un de ceux qui, comme elle, étaient comparables au souffle de vent qui jamais ne s'attarde. Et soudain, il était là. Là, au coin de cette rue empruntée par hasard, comme si le destin, ou une quelconque force invisible les avait guidés l'un vers l'autre. Il était là, tel un songe retrouvé, et déjà, leurs doigts se liaient pour ne former plus qu'un. Ils étaient de la même espèce, de ceux qui jamais ne s'attardent et brûlent pourtant les cœurs d'une marque indélébile. Des baisers rencontrèrent chacune de ses phalanges, s'y arrêtèrent pour y inscrire un nom en lettres d'or,  et un sourire émerveillé leur répondit. S'il n'était pas né musicien, s'il n'avait pas non plus vocation à le devenir, il possédait une mélodie qui l'envoûtait, caressait son cœur, son esprit, son âme, pour mieux l'y accrocher. Par cette simple mélodie, non, par tout ce qu'il était, Ashton parvenait à créer un pont entre son monde et une réalité où elle ne s'ancrait jamais vraiment. Les premiers mots qu'il lui offrit furent compliments.

« Pourtant, ce n'est pas là ma véritable force... »

Un brin de mystère, distillé sans même qu'elle ne le souhaite sincèrement. Ne jamais s'accrocher au monde, comme si celui-ci avait la possibilité de l'emprisonner, cette réalité, pourtant si intangible, semblait représenter la muse dans son essence même. Elle s'empara du bras qu'on lui tendait, s'ancrant certainement un peu grâce à ce simple contact, offrit le sac si volumineux qu'elle portait, puis répondit aux phrases qui suivirent par un simple sourire. Les  mots n'avaient pas toujours besoin de naître pour être compris, pour s'accomplir, et Elise avait la sensation farouche que son vis-à-vis n'avait pas besoin d'eux pour la comprendre. C'était comme si, en plongeant ses yeux dans ceux d'Ashton, le monde lui paraissait soudainement plus clair, plus réel, aussi, et comme si pourtant, elle se sentait voler loin, loin de cette réalité qui ne lui convenait pas vraiment. C'était étrange, d'ailleurs, qu'il soit son ancre, son seul point d'attache, comme si lui, lui l'être à la musique digne d'un poète mais qui pourtant n'en était rien, l'hypnotisait, elle, Elise, et non pas Euterpe. Tout en lui l'attirait, tout en lui la subjuguait, et c'était magie que cette réalité-là.

« Madeleine a retrouvé sa mère. »

Cette information ne fit que couronner plus encore le jeune homme qui se tenait face à elle, révolutionnant chez la muse l'art même de sourire. Il était un prince fondateur, avait bâti navires et ponts d'orfèvre pour atteindre sa demeure et désormais, il contaminait tout son monde de sa simple existence. Il était magie, il était musique, il n'était pas musicien, il était tellement plus.

« Peut-être la recroiserons-nous un jour, si le destin nous le permet. »

Fut sa seule réponse intelligible. Le reste ne fut que jeu de regards, sourires en cascade et gestes au sens affolant. Il était son prince. Il gouvernait un monde sans royaume, et peut-être, peut-être que pour la première fois, Elise s'accrocherait à un être qui n'était pas né pour la musique. Mais déjà, elle s'envolait, rencontrait des songes d'éternité qui n'étaient que chimère, caressait des rêves d'une main amoureuse, rêves qui la fuyaient de par son essence même. Cet homme ne serait jamais que de passage dans son océan d'éternité, simple vague à jamais inscrite dans la source des souvenirs. Il avait un début, il avait une fin. Elise n'était pas régie par les mêmes lois, et jamais, non, jamais, elle ne pourrait le considérer comme un ami à chérir. Elle avait trop souffert, au contact des hommes. Souffert de la perte, du désespoir et du sentiment d'abandon, et elle ne voulait plus cela. Alors, Elise lui retira sceptre et couronne, sans parvenir pour autant à lui reprendre son titre. Pour une journée, peut-être mille autres, elle pouvait bien lui céder ce droit... ? Elle n'aurait qu'à l'effacer le jour où les années caresseraient à leur tour son visage, reproduisant là la même erreur qu'avec Ludwig. Son cœur se serra, sa gorge se noua, et un bref instant, une peine fugitive voila le chemin entre leurs deux âmes. Elle mourut dans la voix du jeune homme et Elise lui offrit un tout nouveau sourire où pointait certainement un peu de reconnaissance, aussi.

« Oui... Je n'avais pas le droit de le perdre. Pas lui. J'ai déjà brisé tant d'interdits avec son détenteur... ! Je ne peux pas poursuivre mon œuvre avec lui. »

À nouveau, Elise s'absorba dans ses tristes pensées. À nouveau, elle s'offrit à l'angoisse, et au désir de retrouver le bijou, ce bijou sans lequel elle ne sortait jamais et qui représentait certainement l'essence-même de son âme. Si elle était née musique, elle était devenue, par delà les siècles, Elise. Elise, Elise à qui on avait adressé une lettre sous la forme d'une mélodie, une mélodie qui, toujours, lui arrachait larmes et sanglots à son écoute. Tous mettaient ça sur un élan de mélomanie là où il n'y avait que l'amour le plus pur comme raison de sa peine. Serrant la main offerte par Ashton, Elise entremêla solidement leurs doigts, comme si cela pouvait l'empêcher de disparaître. C'était un rêve. Une vague chimère, c'était son lot d'éternelle que de voir mourir ceux qui pénétraient dans son monde. Puis, Elise fit ce qu'elle savait faire de mieux, elle courut à la recherche de ses souvenirs. À droite, à gauche, tout droit, puis de nouveau à droite, avant de faire demi-tour, une dernière fois à gauche et-...

« Vous... »

Son regard azuré rencontra celui de l'homme qu'elle avait laissé là, plusieurs heures auparavant, le musicien qui s'ignorait, l'artiste qui se perdait loin de son art sans même en avoir conscience. Le souffle coupé, elle dévisagea la joie qu'elle voyait naître dans les yeux face à elle.

« V-vous êtes revenue... »

La stupeur, le plaisir, le désir, tout cela mêlé en un seul être, tout cela inscrit dans un cœur bondissant à l'assaut de celui de la muse.

« J-je... j'ai perdu un objet très précieux, auquel je tiens énormément. Il est pour moi plus important que tout l'or de ce monde... Je dois le retrouver et-...
- Par pitié, mademoiselle, laissez-moi vous aider dans votre quête. J-je... depuis que je vous ai vue, j-...
- Non ! J-je veux dire que... c'est impossible. Ashton, ici présent, se charge déjà de me venir en aide. Nous serions de trop si nous étions trois. »


À cet instant précis, la muse se prit à prier qu'il n'ait pas suffisamment d'audace pour formuler à haute voix le vœu qu'elle sentait poindre en lui. Il ne devait pas lui demander de l'accompagner, ou elle ne pourrait se résoudre à l'abandonner, et fuirait Paris en sa compagnie, l'Europe, peut-être aussi, le monde, même, s'il osait le lui demander. Elle n'était que musique, et lui n'était qu'artiste en devenir, maltraité par ses propres choix. Il avait joué, il avait abandonné. Il avait joué, il avait rêvé, il n'était désormais plus que l'ombre de lui-même, et la vie qu'il souhaitait si ardemment n'était qu'à un pas de lui. Un pas, un seul, un mot, une phrase, rien qu'une et-...

« Mademoiselle, pardonnez-moi d'insister, m-mais je ne peux me résoudre à vous laisser repart-...
- NON ! Je ne PEUX pas ! Je ne VEUX pas ! »

Puis les yeux s'écarquillèrent face à la folie de ses propres paroles, puis les yeux s'embuèrent face à l'angoisse naissant en son sein, puis les yeux se fermèrent à la recherche d'une porte de sortie, n'importe laquelle, qui puisse chasser la mélodie de son esprit rendu fou par la beauté du morceau. Soudain, une note, une autre, une troisième, s'entremêlant à sa gauche. Puis un chant, un espoir, une musique fantastique, fantaisiste, qui parvenait à la subjuguer suffisamment pour provoquer l'oubli. Sursaut de conscience. Ashton. Ses yeux se rouvrirent pour se clore aussitôt. Il fallait qu'elle se concentre, qu'elle oublie, qu'elle chasse de son esprit l'odieux désir ayant pour vœu de la consumer.

« J-je... suis simplement venue chercher le trésor de toute une vie. Je devrais repartir, je suis désolée, je ne peux pas accéder à vos désirs, je ne peux pas, je ne dois pas, je ne peux plus... ! S'il vous plaît, ne me demandez plus de vous céder, vous me torturez, et je ne pourrais jamais vous l'accorder. »

L'homme passa de joie à peine, les mots de la muse écrasant son cœur sous trop de douleur. Il avait mal. Il avait terriblement mal et rien ni personne n'aurait pu amenuiser la souffrance qu'il se découvrait. Un bref instant, il eut l'impression qu'on lui refusait jusqu'à son oxygène.

« M-mais...
- Je vous supplie de comprendre. Par pitié, entendez-moi. Je suis simplement venue retrouver ce bouton de manchette. L'auriez-vous vu... ?
- Vous ne pouvez pas me faire ça, mademoiselle, j-...
- L'auriez-vous vu ? »

Son ton, sur cette dernière phrase, s'était fait plus dur, plus incisif, plus terrible aussi. Elle ne pouvait pas lui céder, ne devait pas. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ce fut pour qu'ils se plantent dans ceux d'Ashton dans un hurlement muet. Elle avait besoin d'aide. Immédiatement. C'était un duel qu'elle ne pouvait pas mener seule. En refusant l'artiste face à elle, c'était son âme qu'elle reniait. Il fallait que quelqu'un lui vienne en aide... !



Le musicien gâché parle en...:
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeVen 16 Oct - 22:45

« Peut-être la recroiserons-nous un jour, si le destin nous le permet. »

Ashton n'avait jamais cru au Destin. C'était un trop grand mot, trop flou, trop éloigné d'une réalité dans laquelle il s'était toujours identifié. Cette notion lui volait son hasard chéri, ces risques quotidiens dans lesquels il se sentait vivre, cette liberté folle qui l'animait depuis le premier pas qu'il avait posé sur un bateau. Il n'avait pas d'attaches et ne se rendait compte qu'il était Libre, avec cette majuscule immuable, que lorsqu'on tentait de lui en imposer comme ce piètre mot le faisait. Il était indépendant, refusait de donner du pouvoir à quelque chose dont personne ne savait rien. Pourtant, entre les lèvres rosées d'Elise, son cœur se laissait aller à donner du sens à ce terme. Peut-être la signification d'un mot était-elle donnée, au fond, par la personne qui le susurrait.

Il sourit. C'était de ces expressions toutes simples qui s'affichaient parfois sur son visage, sans fioritures ni manières, sans faux-semblants et sans mensonges, pleines d'une sincérité qui, pour certains, parfois, faisait mal à voir. Ashton était trop honnête pour les hypocrites. Il les giflait avec sa vérité, les blessait avec la réalité de son monde, imparfait mais tellement plus vivant que le leur. Il dévorait la vie avant qu'elle ne passe, il était un funambule en équilibre sur le fil rouge que sa compagne s'amusait à appeler destin, naviguait dans les eaux troubles de la Vie avec un sourire aux lèvres et de la chaleur dans le cœur. Il n'avait besoin de rien d'autre. Il était riche de son expérience, de sa mémoire faite de gens faciles et d'amitiés doucereuses, de personnes originales et de rencontres normales. Élise était un joyau dans sa collection de reliques. Une relique, un souvenir, une mémoire attachée à un objet ou individu, semblable à ce bouton que recherchait la jeune femme. Instinctivement, il tendit la main et, du bout des doigts, frôla la joue offerte.

« Ce n'est pas un droit, belleza, c'est juste la vie. Parfois il faut perdre des choses pour en retrouver d'autres. Lorsque vous retrouverez votre bouton il deviendra à vos yeux plus beau encore. »

Un sourire délicat, moins joueur peut-être que ceux qui avaient jusqu'alors habité ses traits, trouva son chemin jusqu'à ses lèvres. Il suivit du regard la courbe mouvante, la vague rosée des cheveux oniriques alors qu'elle se retournait pour courir vers l'inconnu d'une rue qu'elle avait tout juste arpentée. Lui vint soudain la pensée qu'il y avait de la sagesse dans cette folie là. Une forme de désespoir mélancolique agitait les gestes de la demoiselle, un second souffle qui la poussait à avancer, toujours, à dévorer la vie non pas par envie mais par besoin, comme si cesser un instant pourrait lui voler le Temps, comme si tout lui échappait et qu'elle tentait inlassablement de rattraper les grains d'un sablier qui se voulait éternel. C'était impossible, elle était impossible. Elle était hors du monde, elle était hors de sa réalité, hors de tout ce qui était palpable et mesurable. C'était une impression, elle était une impression. Rien de véritable, peut-être, seulement un fantasme si euphorique qu'il en semblait grotesque une fois terminé. Un fantôme, une nymphe, une brume, une vague. C'était tout ce qu'il savait, tout ce qu'il savait d'elle. Elle était une bulle, un trou noir, un vide qui remplissait tout son espace, un raz-de-marrée qui caresse la peau tout en balayant les entrailles, une tornade aux allures de brise. L'espace d'un instant, elle avait volé son espace-temps. Et Ash n'eut aucun mal à comprendre l'élan de profond désespoir qui anima le visage du marchand lorsqu'elle annonça son départ. Il n'eut aucun mal à comprendre l'insistance, guidée par une affection que l'homme lui-même semblait incapable de saisir. Il n'eut aucun mal à comprendre les larmes brillantes dans le regard ravivé d'un individu qui n'avait jamais vécu et qui découvrait face à lui une femme qui pouvait lui offrir un monde.

Mais c'était Élise. On ne la touchait pas, on ne la forçait pas, on ne la brusquait pas. Elle était furtive, elle était immatérielle, elle était ailleurs. On ne la faisait pas souffrir, on ne la faisait pas partir. Ashton avait senti dès le départ, sans trop savoir comment ou pourquoi, la détresse soudaine et brutale de la créature qui le faisait frissonner depuis leur rencontre. Désormais les deux interlocuteurs paraissaient aussi meurtris l'un que l'autre, et si la sécheresse dans la voix de cristal eut pu paraître méprisable, le canidé ne voyait là que la traduction d'un mortel héritage qui tourmentait sa compagne. Alors il agit. C'était aisé, facile, incroyablement bête. Un pas, et il pénétrait dans le monde triste d'un homme qui n'avait rien à faire là, qui était malheureux visiblement, et d'une femme qui ne voulait pas l'aider sous peine de s'animer elle-même d'une souffrance qu'elle ne désirait plus endurer. Un sourire aimable se glissa sur le visage blême du garçon tandis qu'il se plaçait exactement entre eux, un bras contre Élise, un regard pour son vis-à-vis.

« Excusez-moi monsieur, j'aimerais que vous m'écoutiez un instant. »

Il fallait rompre le charme, briser les entraves délicates qu'avait inconsciemment placées la créature sur ses poignets rompus par la monotonie. L'aura de cet homme là était dangereuse. Morne, tellement morne qu'un sursaut de vie pourrait bien le rendre fou, fou d'amour, fou de désir, une transe qui pourrait le détruire ou le sauver. Ashton resserra son étreinte sur Élise. Il l'avait sentie partir. Il avait senti le lien entre leur mondes se distendre et s'estomper, cette impression terrifiante de disparaître aux yeux d'un être qui avait l'air de constituer sa réalité quelques instants. Mais le sort n'était pas le même pour lui. Il demeurait conscient, patient, pensant. Il n'était pas le pantin d'un sentiment gargantuesque. Il restait libre, il restait grand, et c'était peut-être pour cela que, des deux hommes, Elle semblait le choisir. Il pouvait se lever à ses côtés et l'accompagner. Son sourire s'agrandit. Il comprenait.

« Auriez-vous vu un bouton de manchette ? Il est doré, avec quelques fioritures... deux roses me semble-t-il, entrelacées. Remarquable, non ? »

Le désarroi sur le visage terne, les yeux tristes et le soudain regain de Vide dans l'âme de quelqu'un qui ratait sa vie. Son interlocuteur, toutefois, parut sincèrement rechercher dans sa mémoire les traces du trésors que tous deux cherchaient. Un élan de sympathie saisit le cœur du garçon. Ce gaillard était en train de tout gâcher. Il ne vivrait que très peu mais il vivrait  mal, louperait ses rêves et écraserait ses ambitions. Là où il eut pu être une étoile, il choisissait de demeurer insecte. Élise l'avait compris tout autant que lui, et cela semblait la faire souffrir plus que de raison.

« Je... »

La voix, hésitante. Le timbre confus, le visage flétri de peine. Il cachait quelque chose et, un instant, Ashton eut presque envie de le laisser faire. Que pouvait-on encore arracher à ce pauvre homme ? Son quotidien semblait convenable là où il n'était que torture. Il était si fragile... Les lèvres du garçon se pincèrent un instant. Cette fragilité n'était pas qu'un hasard. Elle était inhérente à son aura même, presque palpable dans ce qu'il dégageait. Pour la première fois, leurs regards se croisèrent vraiment. Le canidé vit tout. Toute cette conscience soudaine d'une vie lamentable que jamais on ne pourrait réparer, tout ces remords d'instants gâchés, tout cet être qui n'avait jamais vraiment existé et qui ne s'en rendait compte que lorsque l'Existence s'apprêtait à le saluer. Savait-il ?

Le marchand baissa les yeux, chercha quelque chose dans sa poche. Ash se pressa à Élise. Il ne lui dirait pas. Ne lui dirait sans doute jamais. Il était habitué à la Mort, la connaissait presque trop bien, savait la saveur douce et amer qu'elle apportait aux lèvres tandis que l'odeur salée des larmes qu'elle répandait montait au nez. Il ne l'imposerait pas à sa compagne. Bientôt, elle oublierait. Ashton, lui, donnerait quelques instants de vie à ce monsieur, et lui apporterait une pérennité de souvenir.

« Je... crois que... »

La voix était serrée par les larmes et le doute. Il n'en fallut pas plus au canidé. Prenant le risque de s'éloigner d'un pas de sa compagne, il s'approcha de l'homme et, sans plus chercher, sans vergogne et sans vertu, posa sa main sur son épaule. Son sourire, alors, était sincère. Je sais qui vous êtes, semblait-il souffler. Tout va bien.

« Cet objet est très précieux pour elle, monsieur. Si vous lui donnez, vous aurez le droit à sa gratitude éternelle. »

Vous aurez le droit d'exister avec elle, à travers ce petit bouton.
Un hochement de tête.
Son interlocuteur ressortit doucement ses doigts de sa petite poche, dévoilant ainsi l'artefact doré. Il était modeste, simple, rien de plus que ce à quoi on pouvait s'attendre de la part d'un article si insignifiant. Et c'était fou, vraiment, combien un si petit accessoire pouvait posséder de pouvoir sur les individus autour de lui. Il était spécial, le demeurerait sans doute à jamais aux yeux bleutés de la femme qu'il accompagnait. Ashton le prit tout en resserrant son étreinte sur l'épaule du gaillard.

« Merci monsieur. »

Une pause.

« Nous allons nous en aller maintenant, si vous le voulez bien. »

Un sourire doux d'un côté, un regard brillant de l'autre. Le corps frémissant de l'homme fléchit sous le poids d'un nouveau désespoir. Le regard, brûlant de douleur, se glissa jusqu'à la frêle silhouette de la femme qui l'avait envoûté. Un regain de vitalité, soudain, brusquement.

« M-Mademoiselle ! Puis-je... simplement vous demander quelque chose ? »

Il y avait une part de résignation dans ce ton là, une certitude sans doute que sa requête ne verrait pas naître de réponse. L'inconnu sourit au bord des larmes.

« Simplement... Une poignée de main ? »

Ashton se tourna vers Élise. Accepterait-elle ? Il ne lui en voudrait pas de refuser. Elle souffrait assez, souffrirait peut-être plus en cédant, ne voulait pas s'encombrer d'un souvenir si terrible pour son voyage à travers la vie. Le canidé s'offrit un visage aimable et aimant à son adresse. Il désirait la réconforter, comme un besoin de trêve, une pulsion de mieux, une envie de paix. Cet homme là n'avait plus longtemps à vivre, ils avaient tout à faire.

Avaient-ils le temps de partager un toucher ?
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeMar 20 Oct - 19:10

La main glissa sur sa joue et les mots qui suivirent ne furent que l'extension de cette caresse. Il avait sans doute raison, même s'il ne saisissait pas, ne comprenait pas ce qu'elle entendait par là. Il avait certainement raison, même, et Elise décida de le croire.

« Parfois, la vie est triste, Ashton... »

Plus de deux-mille ans d'existence lui permettaient de l'affirmer, et chacun de ses souvenirs était encré en elle à tout jamais, comme si, de page vierge, elle était devenue roman à elle-seule, pleine des histoires de mondes aujourd'hui disparus. Elle n'était que ça, un étonnant recueil à qui elle donnait des couleurs et qu'elle continuait de porter continuellement contre son cœur. Un voile de tristesse était passé sur son doux regard à la pensée des mots qu'elle avait prononcé, mais celui-ci s'estompa. Il n'y avait pas de peine à avoir, il fallait continuer de s'émerveiller, encore et toujours, de tout ce que la vie lui offrirait. Ashton était l'un de ces cadeaux, présents éphémères qui jamais ne durent, mais qu'elle devait savourer tant qu'elle le pourrait. C'était le lot des immortels, de côtoyer la mort de si près qu'ils eurent pu la toucher, mais de toujours, toujours, gagner la bataille, continuer à avancer, se relever, ne jamais disparaître et vivre pour ceux qui avaient échoué. Elle vivait pour Beethoven, mais aussi pour Chopin, sans oublier Mozart, Bach, et des personnes encore plus lointaines. Elle vivait et devait Vivre plus encore que tous les autres, avec le poids de toutes ces vies croisées, accumulées, qui n'avaient pu la suivre. Elise vivait, et c'est cette vie qui circulait dans ses veines qui lui rendit son sourire.

« Mais vous avez raison. Elle en vaut la peine et n'en est que plus belle. Allez, venez, nous avons à faire. »

Et, sans plus attendre, elle fit ce qu'elle savait faire de mieux. Elle s'envola à la poursuite d'une existence qu'elle vivait au nom de millions de personnes. Ses pas furent danse savante et nombre de fois, elle esquiva des passants qui voulurent se mêler à son chemin. Un chemin qu'elle ignorait, qui la guidait vers une voie jamais arpentée ou peut-être vers des souvenirs, ce si précieux souvenir qui rythmait son existence à chacune des secondes qui défilaient entre ses doigts. Elle ne pouvait pas rattraper le temps qu'elle perdait. Elle ne l'avait jamais pu et ne le pourrait jamais. Elle était condamnée à se souvenir, prisonnière du temps qu'elle était, sans jamais parvenir à oublier. Chaque sensation, chaque sourire, chaque geste était gravé en elle pour l'éternité, et c'est par ce biais qu'elle rendait les mortels immortels, dans une valse fantomatique qu'ils ne touchaient jamais vraiment. Elle était vie lorsqu'ils étaient morts, elle était sourire lorsqu'ils étaient peine, et elle était mémoire lorsqu'ils étaient souvenirs... Complémentarité aux allures de tragédie, elle poursuivait une route sur laquelle il lui arrivait de se perdre, mais toujours en avant, jamais en arrière. Toujours avancer, jamais reculer, ne jamais se le permettre, ne jamais même le pouvoir, et rêver. Rêver d'une existence qu'elle ne toucherait jamais ailleurs qu'en souvenir lorsque venait la nuit. Ah, Morphée... Lui ne l'avait jamais abandonnée, continuait de la suivre et, chaque soir, de lui offrir ses bras. Il était mesure de son passé, de son présent et de son avenir, seule constante dans une vie aux allures d'infini. Puis il y eut l'homme, cet homme qu'elle avait enterré sous le poids de sa mémoire, simple détail dans une existence millénaire. Il la regardait, et il jouait. Il jouait de cette musique angélique qui émanait de son âme et qu'inconsciemment, elle chérissait avec force. C'était une force envoûtante, de celles contre lesquelles on ne résiste jamais vraiment, de celles qui écrivent un destin sans qu'on n'y puisse rien et qui nous emportent à jamais loin de tout ce que l'on connaît. C'était l'une de ces forces qui coulait dans les notes de son âme, et c'était souffrance que de tenter d'y résister. Un geste, un mot de cet homme aurait détruit tous ses efforts et voici qu'elle serait partie, abandonnant une vie à la stabilité branlante qu'elle s'était pourtant construite au cœur de Paris. Elle abandonnerait Ashton et sa musique si intense, elle abandonnerait le cabaret et chacun de ses artistes, elle abandonnerait Edward et sa mauvaise humeur, et puis tout, toute la ville de Paris, tout ce qui constituait son actuel présent au nom de quelques notes envolées dans les airs par la force de l'âme musicienne qui coulait dans le sang de cet homme-là. Et il le savait. Il savait qu'elle était à sa merci, il savait qu'elle l'aimait déjà de tout son cœur, ce traître qui toujours, s'accrochait à ce qu'elle devait refuser, se déchirant dans ses refus et mourant un peu plus à mesure que les siècles passaient.  Il était tout ce qu'elle avait toujours désiré, il avait ces doigts de fée qui dansent sur les touches d'un clavier ou sur les cordes d'une guitare. Il était un ange auréolé de gloire qui n'attendait plus qu'elle pour s'envoler. Déjà des plumes lui poussaient et sa main, inexorablement, se tendait vers lui. Entre eux, il n'y avait plus qu'Ashton, Ashton auquel elle se raccrochait avec la force d'un désespoir qu'elle était seule à créer. Partir aurait été si simple, si beau, si intense aussi... ! Rien qu'un pas, et c'était sa vie qu'elle conjuguerait par le bonheur. Si elle ne partait pas, c'était son essence même qu'elle reniait, c'était la douleur qui la tuerait, non, la crucifierait sur la croix d'une routine qu'elle haïssait. Oh oui, qu'elle la haïssait. Elle, elle voulait créer, voulait voir la flamme s'illuminer dans le regard de celui qu'elle suivrait, et c'était soudain en son pouvoir, de partir pour une vie de création qu'elle désirait plus fort que de simplement respirer. C'était une Ode à Mozart, Beethoven ou même Chopin qui lui tendait les bras. C'était un pas, un seul, qui la sauverait de son avenir à Paris et le magnifierait d'une force à peine désirée. Ce n'était rien, un pas. Elle avait toute une vie pour revenir à Paris. Il ne lui restait plus qu'à céder et puis tout abandonner pour tout reconstruire. C'était tellement simple, cent ans d'une vie de mélodie vers laquelle elle se tendait... Jusqu'à ce qu'il ne m-...

Non. Non, elle ne pouvait plus, ne voulait plus souffrir de la perte. Pas comme ça. Elle ne voulait plus sentir son cœur se déchirer, mourir un peu avec l'artiste qu'elle avait appris à aimer tendrement, et ne voulait plus vivre cette horreur qui toujours, la saisissait jusqu'à ce qu'à nouveau le flux l'emporte. Elle en avait marre, de vivre pour les autres. Elle voulait vivre avec eux et non plus pour eux, elle voulait les serrer dans ses bras, se souvenir avec eux et non plus d'eux, elle voulait vivre... ! Le souffle de sa propre pensée la terrassa et, inexorablement, les larmes lui montèrent aux yeux. Elle ne devait pas, et se devait de lui dire. Il était nécessaire qu'elle refuse, et pour ça, un nom, rien qu'un, celui d'Ashton, minuscule bouclier entre une vie de misère et la vie la plus grandiose qui soit, au nom de la musique. Elle devait se raccrocher à lui, garder les yeux fermés et s'accrocher à lui avec la force d'un désespoir qu'elle détestait. Elle devait arracher le morceau de son cœur tombé au combat et se relever, et puis fuir. Elle ne devait plus le laisser l'amadouer, lui, l'artiste, le musicien, le doux amant du rêve qu'elle chérissait depuis trop longtemps déjà. Elle ne devait pas, et surtout, ne pouvait pas.

«  Merci monsieur. »

Soudainement, un espoir. Celui de retrouver son bijou, son bouton de manchette, le souvenir d'un homme qu'elle avait aimé au point de s'en brûler les ailes. Des ailes avaient repoussé, puis étaient de nouveau parties en fumée, la faisant chuter sur la tombe d'un homme qu'elle avait adoré, lui aussi, un meilleur ami, Frédéric. Et désormais, tout en elle appelait à la repousse de ces ailes enchanteresses qu'elle vouait à disparaître. Ses yeux s'ouvrirent, emplis d'une force nouvelle, celle des souvenirs. Il était là. Le précieux bijou, l'amour de toute une vie, ce seul souvenir, cette caresse sur sa joue, des milliers de murmures à son oreille, les portes d'une existence à jamais refermée. C'était comme si Ludwig lui tendait les bras, et soudain, elle fut happée par l'envie de le retrouver, lui, et aucun autre. Soudain, il n'y avait plus que ce bouton, ce précieux bijou qu'elle avait laissé filer et qui, enfin, lui revenait. Un sourire naquît sur ses lèvres à la manière d'une rose tandis qu'elle renouait avec le flux des souvenirs.

« Merci... »

Sa voix, pleine de larmes, se perdit dans un simple mot, le premier qu'elle prononçait depuis qu'Ashton s'était chargé de la protéger. L'homme, soudain, prit la parole, l'arrêta dans ses retrouvailles et elle lui fut toute acquise.

« Une poignée de main ? »

Ce fut bien davantage qu'elle lui offrit. Elle contourna son présentoir, et le prit dans ses bras avec toute la douceur qui régissait son âme. Il était un musicien, il était tellement plus que ce à quoi il aspirait, et elle se devait de lui dire. Elle ne pouvait pas le laisser gâcher son existence, et même s'il devait ne jamais la conjuguer avec elle, il devait au moins s'en rendre fier.

« Moi aussi, j'ai quelque chose à vous demander... »

L'homme se tendit vers elle comme si elle avait été tout son monde. Un sourire naquît sur un visage baigné de larmes, larmes qui s'étaient mises à couler à l'instant même où elle l'avait serré contre son cœur.

« Par pitié, jouez. Prenez le piano, le violon ou même la flûte, et par pitié, créez. Votre vie n'aura de saveur que lorsque vous le ferez, croyez-moi, s'il vous plaît, n'en doutez plus, vous n'êtes pas à votre place, ici, votre place est parmi les étoiles... »

Après ça, elle le relâcha, et bien qu'il tenta de la garder à ses côtés, elle ne put le lui accorder. Elle devait partir, ils devaient partir, et ne plus jamais se revoir. Tout ce qu'elle espérait, c'était qu'il l'écoute, qu'il accepte de suivre son chemin sans plus s'en effacer. Lorsqu'elle se tourna à nouveau vers Ashton, ses yeux étaient plein de larmes incomprises. Elle était bouleversée. Et c'est d'un ton peiné qu'elle s'adressa à Ashton.

« P-pouvons-nous partir, à présent... ? J'ai besoin de m'en aller. »

Son timbre de voix n'était que supplique lorsqu'elle tendit la main à Ashton pour qu'il l'emporte dans un tout autre monde où la musique n'avait pas sa place. Ce qu'elle lui demandait, c'était de l'arracher à son univers pour ne plus la laisser défaillir. Tout, plutôt qu'ici, tout plutôt qu'aux côtés de cet homme qui, toujours appellerait son cœur. Puis ses larmes coulèrent enfin. Mais c'est un sourire qui se fit maître de ses lèvres.

« Si... vous n'avez rien à faire, j'aimerais que nous restions un peu plus longtemps ensemble, Ashton. »

Cette fois-ci, la supplique était partie. Il ne s'agissait là que d'une question qui accepterait le refus. Pourvu qu'il lui rende le bouton de manchette avant de disparaître... Néanmoins, quelque chose lui disait qu'il ne refuserait pas. Et la vie lui donna raison. Lorsqu'ils furent à plusieurs rues de là, Elise laissa libre cours à son désarroi. Un profond soupir quitta l'antre de ses lèvres pour venir mourir dans les airs.

« Je... suis désolée que vous ayez eu à assister à cela mais... merci. »

Le sourire qui perdura sur ses lèvres se teinta de reconnaissance. Elle avait de la chance de l'avoir rencontré et désormais, elle se sentait redevable de l'aide qu'il lui avait apportée. L'espace d'un instant, Elise eut l'impression d'avoir trouvé son ancre.
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeJeu 22 Oct - 18:14

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres d'Ashton tandis que son regard se perdait sur la rue bondée. Il avait été bien stupide de prétendre dicter les actions de sa compagne. Sot, sot à la manière d'un enfant, inexpérimenté. C'était le premier vol d'Icare, et l'ivresse de sa liberté avait bien failli lui coûter ses ailes. On ne prévoyait pas l'imprévisible. On ne demandait pas à Élise de faire quelque chose, on ne partait pas du principe qu'elle le ferait, ou pas. Elle était trop immatérielle pour cela ; ses seules attaches étaient faites d'elle-même. Charmeur, il tourna enfin les yeux jusqu'aux silhouettes enchevêtrées de la créature et de l'homme en sursis, son corps face à la foule. Ce moment ne lui appartenait pas, après tout. Il n'avait pas à en profiter. Tant qu'il les sentait présents, il n'avait nul besoin de les épier. À cela il préféra l'élégante mise en place du stand, qu'il détailla en la parcourant lentement. Des bijoux, des instruments, quelques pièces de rechange pour des appareils à musique... Du coin de l’œil, le canidé observa de nouveau le marchand qui était passé à côté de sa vie. Ce qu'il songea alors ne fut que confirmé par les paroles qu'annonça ensuite Élise.

« Par pitié, jouez. Prenez le piano, le violon ou même la flûte, et par pitié, créez. Votre vie n'aura de saveur que lorsque vous le ferez, croyez-moi, s'il vous plaît, n'en doutez plus, vous n'êtes pas à votre place, ici, votre place est parmi les étoiles... »

Un sourire suave, doux et amusé à la fois, s'épanouit sur son visage. Sans pouvoir expliquer comment, le musicien raté penserait alors que cet homme là n'avait pas tout à fait l'air humain. Et il aurait raison. Ashton était de ces créatures qui transparaissaient la monstruosité de leur nature, si inquiétant qu'il se demandait régulièrement comment donc tant de gens parvenaient à s'approcher de lui. Saisissant du bout des doigts une vieille clef de boîte à musique, et songeant que son porte-feuille n'en était plus à ça près, il se rapprocha du marchand.

« Combien me vendrez-vous ceci, mon cher monsieur ? J'aimerais un souvenir de cette journée et voilà qui me semble parfait, ne pensez-vous pas ? »

Un éclair de surprise dans le regard sombre.

« M-mais enfin, ce n'est qu'une clef, elle est parfaitement inutile... »

Devant l'air certain du canidé, l'homme sembla se résigner. Pour être accepté d'une merveille pareille, et par cela il désignait la plus divine femme qu'il lui eut été donné de rencontrer, qui avait de par ses bras enchanté un monde auparavant terni et soudain éclairé sa pensée, ce gaillard là devait avoir quelque chose de spécial. En réalité, il était spécial. Tout son être le criait. Un sourire aux lèvres, un sourire triste, un sourire d'adieu, et le marchand tendait la main presque à contrecœur :

« Je ne sais pas... Deux centimes de franc ? »
« C'est un plaisir de faire affaire avec vous. »

Alors que le garçon plaçait quelques pièces dans sa paume, l'homme se trouva soudain tiré au dessus de son stand. Ainsi, penché au dessus de son étal, l'oreille contre la bouche d'un inconnu bien trop imposant pour être ordinaire, il sentit soudain une peur incompréhensible s'emparer de son cœur. Face à la menace, soudain, sa rencontre incroyable avait disparu de son esprit. Il se prit à frémir. Mais déjà, Ashton lui soufflait :

« Monsieur, je vous conseille de bien suivre le conseil de mon amie ici présente. Mieux vaut profiter de la vie pendant qu'on le peut, et ne pensez-vous pas que trépasser en tentant d'accomplir un rêve fou est plus recommandable que de mourir sans avoir existé ? »

Le ton suave, mielleux, presque dangereux. L'homme, de nouveau, frissonna en hochant la tête. Les paroles de son interlocuteur avait pris un air de menace en son oreille, si bien qu'il n'était pas certain d'avoir rêvé ou non la perniciosité dans la voix de velours. Un regard apeuré, et il était délivré du canidé, qui s'empressa de passer un bras affectueux autour des épaules de sa compagne. Brusquement, le musicien réalisa qu'il n'avait pas salué sa Muse. Sa gorge se serra autour d'un cri viscéral :

« Attendez ! »

Ils étaient déjà partis.
Observant ses mains, alors, le marchant rêvé flûtiste se demanda à quel point ces deux jeunes gens avaient vu en son avenir.


« Si... vous n'avez rien à faire, j'aimerais que nous restions un peu plus longtemps ensemble, Ashton. »

Un sourire charmeur.

« Avec plaisir, belleza. En réalité, j'aimerais même que nous restions en contact. Je vous ai perdue de vue une fois, il me serait gré de ne pas recommencer. »

À ces mots, un clin d’œil malicieux. Il se jouait désormais de leur situation, redevenue légère dès lors qu'ils s'étaient suffisamment éloignés du musicien qui avait manqué sa vie. Ashton joua avec sa clef du bout des doigts, hésitant à la déposer ou non dans son sac. Décidant finalement de la garder encore quelques instants dans sa main, il serra sa belle plus fort contre lui, savourant du regard les envolées mystiques de son aura pastelle. Il demeurait péniblement curieux, et les sachant seuls, ensemble, son esprit éprouvait un mal croissant à se détacher des questions qui fourmillaient dans son esprit.

Repérant du coin de l’œil une ruelle vide, l'imposant jeune homme les guida jusqu'à elle. Il était des dizaines de choses qu'il désirait accomplir, la première étant de percer le secret de sa compagne. Un secret qu'il espérait accessible à lui. Sans crainte aucune, il s'avança dans la pénombre immuable de la rue humide. Un sourire charmeur se glissa sur ses lèvres lorsqu'il entendit Élise s'excuser et le remercier d'une traite. Il déposa immédiatement un baiser sur sa tempe, savourant le contact le temps qu'il dura. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait croisé personne qui eut accepté ce genre de gestes ! Ashton trouvait l'attitude de sa compagne terriblement rafraîchissante.

« Allons, belleza mía, une compagnie aussi charmante que la votre ne mérite ni excuses ni gratitude ! »

Un éclat de rire, puis une pensée, furtive. Il se tourna vers elle.

« Puis-je vous tutoyer ? J'ai du mal avec le vouvoiement anyway, et j'aimerais être plus proche de vous... » (de toute manière)

Une fois ça demande acceptée – car il était certain que cela serait le cas, au vu de la proximité physique qu'il partageait déjà avec la jeune femme – il adressa un bref regard derrière lui. Ses sens l'informèrent bientôt qu'ils étaient suffisamment isolés pour n'attirer l'attention de personne, et encore moins celle d'oreilles trop attentives pour être innocentes. Il saisit délicatement les doigts de la demoiselle, les porta à ses lèvres, l'attira à lui. Ses mains ainsi posées sur les hanches de la jeune femme, et sentant qu'elle n'était guère offensée, ni même effrayée par son attitude, il la fit reculer jusqu'au mur. Le regard qui plongea dans l'océan des iris de son interlocutrice était d'un vermeil qui rappelait la couleur hypnotique du sang. Il s'approcha doucement d'elle, étonné de ne pas l'effarer plus que cela, et posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis trop longtemps :

« Qu'es-tu, Élise ? »

Charmeur, il pencha la tête sur le côté, laissa un sourire dévastateur hanter son visage tandis que quelques furtives paroles lui échappaient de nouveau :

« Si tu me réponds, je te dirai ce que je suis... »

Un pétillement dans les yeux démoniaques, le ton mortellement séducteur, grave et doux, susurré tout contre la fragile silhouette de sa partenaire. L'essence même d'Ashton semblait déborder de tout son être. Il était impulsif, mortellement, jouait avec la mort pour mieux se sentir en vie. Sa partenaire du jour était Élise.

Peut-être le resterait-elle ?
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MessageSujet: Re: A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle]   A la recherche de... quoi ? [ft Elise Barcarolle] I_icon_minitimeJeu 29 Oct - 19:06

Sa peau contre ses lèvres, ses hanches offertes aux caresses de ses mains, le dos contre le mur, Elise n'avait désormais plus d'yeux que pour celui qui, en plongeant son regard dans le sien, l'avait envoûtée à jamais. Un sourire, d'abord discret, puis de plus en plus marqué, s'inscrivit sur ses traits alors qu'elle explorait les iris couleur coquelicot qui s'étaient fichés dans les siens sans aucune pitié et qui, désormais, l'envoûtaient terriblement. Les flammes encadrées par la noirceur de l'obscurité dansaient, dansaient, dansaient, et parvenaient à parcourir un chemin vierge de tout passage depuis plus d'un demi siècle. Lorsqu'elles forcèrent les portes de son bastion, Elise laissa grandir son sourire et l'offrit au jeune homme dont elle ne parvenait plus à se détacher. De toute façon, elle n'en ressentait pas l'envie. Elle avait simplement le désir de rester là, dans cette ruelle distendue par les univers qu'ils parcouraient sans un mot, aux côtés de celui qu'elle découvrait autrement qu'humain. Lorsqu'il parla, la muse n'entendit que sa voix, sans comprendre le moindre des mots qu'il prononça. Son monde n'était soudain plus rien d'autre que le regard passionné de cet homme là, galvanisé par des notes si belles et si originales qu'elles volaient la prestance d'une réalité qu'Elise n'aimait jamais qu'à demi. Une fois encore, son sourire se fit plus marqué, alors qu'en elle naissait l'étrange sentiment qu'elle refoulait sans arrêt, qu'elle étouffait systématiquement mais qui, toujours finissait par revenir à la charge : l'espoir que l'éternité ne serait plus sœur de solitude. Et cette fois-ci quelque chose, un instinct, une douce impression, lui murmurait qu'elle avait raison, qu'elle voyait juste.

« Mirabilis es... »

Les mots lui échappèrent sans qu'elle n'y puisse rien et la ramenèrent dans un sursaut de réalité qui lui permit de nouveau d'entendre la voix, chantante, sensuelle, exquise, de l'homme face à elle.

« Si tu me réponds, je te dirai ce que je suis... »

Répondre à quoi... ? Elise ne savait pas, ou, si elle avait su, ne savait plus. Cette possibilité, plus que toutes les autres, lui donna matière à rire et quelques éclats de celui-ci s'envolèrent dans les airs à la recherche  d'un endroit où s'échouer, loin, loin de cet univers qu'ils dérangeaient par leur simple existence. Car bien que symboles de joie, ils la séparaient de l'existence unique, presque mystique, non, absolument mystique, de l'homme qui toujours lui faisait face. Alors, Elise répondit seule à la question dont elle n'avait nulle réponse, son sourire émerveillé toujours placardé sur ses traits.

« Je sais déjà ce que tu es, Ashton Lyn... »

Un temps, un silence, que seule brisa la mélodie de son partenaire, puis la suite, l'impulsivité des paroles qui couronnent celui à qui elles sont destinées.

« Tu es mon avenir... »

Oui, son avenir. Il était son futur, c'était certain. Aucun humain ne possédait pareil regard, et la certitude née précédemment ne faisait que grandir, offrir à cet homme sceptre et couronne en plus de son titre, le titre plein de gloire qui était désormais le sien, lui qui avait su outrepasser les règles établies et pénétrer dans un monde qui n'appartenait qu'à elle. Il avait réussi, et plus elle le regardait, plus Elise avait l'envie de rester à ses côtés. C'était différent de toutes ces fois où elle avait offert un peu de son âme à un artiste. Car cette fois, Ashton n'était ni musicien ni rien de tel. Il n'était que lui-même. Et c'est cette furieuse réalité qui poussa la muse à passer les mains autour de son cou, dans une caresse à la douceur infinie, sœur de la sensualité qu'elle dégageait sans même en avoir conscience. Cet homme était magique. Et Elise était de plus en plus envoûtée par sa présence, comme aimantée par lui, inéluctablement attirée qu'elle était par les vérités qu'il lui avouait autrement que par les mots. C'est pour cette raison, et tant d'autres informulables, qu'elle se hissa sur la pointe des pieds et lia leurs lèvres dans un baiser plein d'une passion qu'elle n'avait pas l'envie de réprimer. Le baiser qu'elle lui offrit ce jour-là se voulait preuve de l'attachement naissant qui ne ferait que se renforcer dans les jours à venir.
Lorsque leurs lèvres, enfin, se délièrent, le sourire de la muse y revint pour ne plus jamais les quitter. Son regard s'ancra de nouveau à celui de son vis-à-vis et Elise décida de ne pas immédiatement le lâcher. Au lieu de ça, elle savoura un instant le silence, puis prit la parole, retrouvant petit à petit une fascination plus douce, plus distinguée, plus humaine, peut-être. C'est ce retour à la réalité qui lui permit d'aborder des sujets plus variés et moins énigmatiques que ceux formulés jusqu'à lors...

« Il faudra revenir me voir au Cabaret, Ashton... »

Elle s'expliqua.

« C'est là où je vis, depuis tout récemment. C'est tellement vivant, comme endroit... ! Je pense que je m'ennuierais en habitant ailleurs qu'entre ses murs, et puis ainsi, j'ai accès à bien plus de spectacles que le reste du monde, puisque j'assiste à chacune des répétitions des artistes. D'ailleurs, nos artistes sont merveilleux. Ils sont comme toi, enfin plus ou moins, mais tu me comprends, pas vrai ? »

Sans attendre de savoir si tel était le cas -c'était forcément le cas- Elise poursuivit.

« Et puis même si mon patron n'est pas toujours de bonne humeur, c'est quelqu'un qui aime sincèrement l'art. Mais tu dois le connaître au moins de vue, je crois que tout le monde sait qui c'est dans Paris, même si moi, je ne le savais pas avant d'arriver au Cabaret. Il a un regard atypique, lui aussi. Un œil couleur sang et un couleur océan. C'est un curieux mélange, mais vraiment, ça rend plutôt bien. Et puis on a les meilleurs artistes du monde, en plus ! Sauf peut-être en musique, mais c'est mieux comme ça. On dirait que nos acrobates sont dotés d'ailes alors que ce n'est même pas le cas ! Enfin je ne crois pas, sinon, c'est que je ne suis pas au courant... Je demanderai à Narcisse s'il peut voler tout le temps, mais je ne pense pas. Pour Reilly, j'en suis sûre en tout cas ! Mais lui, ce n'est pas un artiste, enfin si, mais pas comme ça ! Il ne se produit pas sur scène ! Enfin oui et non... Il est sur scène, d'une certaine manière, puisqu'il fait les costumes. Je me demande s'il pourrait m'apprendre, d'ailleurs... Je sais un peu coudre, puisque je répare mes robes, mais pas comme lui ! Oh, il faudra que tu viennes voir ! »

Cette fois-ci, elle baissa le ton.

« Même si c'est interdit, on s'en moque. On dira rien à Edward... »

Sa voix redevint plus forte.

« De toute façon, je pense qu'il me disputerait juste. Moi j'aimerais bien être une artiste, mais je ne peux pas, c'est dommage hein ? Du coup je me contente d'inspirer les gens. Tu aimes l'art, Ashton ? Parce que moi j'adore ça. Tu n'en pratiques pas, pas vrai ? J'ai raison, hein ? Dis ! Mais même si j'ai raison, je veux qu'un jour on dessine, pour que je vois comment tu fais ! Tu sais dessiner des moutons ? Si oui, tu m'en dessineras un ? Un tout mignon, tout doux ! Tiens, ça me fait penser, tu aimes les peluches ? Tu en as chez toi ? Moi je trouve ça adorable, les peluches, d'ailleurs, j'en ai tout tout plein ! Mais tu dois t'en douter, puisqu'aujourd'hui, j'ai Teddy ! Tu m'aimes ? »

Un silence, comme dans l'attente d'une réponse. Puis...

« Moi aussi je t'aime, Teddy. »

Le sourire de la muse devint plus candide, plus enfantin, et un instant, on eut pu douter qu'il s'agissait là d'une créature millénaire... Puis son regard se troubla.

« Mais on ne restera pas ensemble pour toujours. Parce que toujours, ça n'est jamais qu'une utopie que personne ne peut atteindre... »

Après ça, la muse poussa un soupir, puis retrouva son sourire, comme si rien ne s'était passé.

« Tiens, Ashton, tu veux que je te montre ma surprise... ? »

Non, vraiment, il ne s'était rien passé. Après tout, la phrase qui précédait sa dernière intervention n'en était qu'une parmi tant d'autres. Il n'y avait aucune raison de s'arrêter sur celle-ci plutôt que sur une autre, pas vrai... ?
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