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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]

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MessageSujet: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeVen 2 Oct - 19:11

Face à la porte, Tala ne savait plus vraiment ce qu'elle faisait là. Face à la porte, elle hésitait à rebrousser chemin, à partir aussi loin que possible d'ici pour ne plus jamais revenir. Face à la porte, Tala sentait son cœur battre à tout rompre, puis se serrer avant de menacer d'exploser. Et peut-être que c'était vraiment ce qui allait se passer, lorsqu'elle tenterait de frapper contre le bois du seul rempart la séparant d'Ashton. Peut-être que sa poitrine allait véritablement se déchirer sous le coup de la déflagration et peut-être qu'elle allait tout simplement mourir là, devant le panneau de pin contre lequel elle n'osait toujours pas toquer. Prenant une longue inspiration, Tala se rappela une énième fois ce qu'elle faisait là et pourquoi elle n'était pas partout ailleurs qu'ici. Elle devait faire taire Félicien et lui prouver qu'elle savait danser le tango mieux que lui, et que tout Paris, d'ailleurs. Oui, mais voilà, le soucis était qu'elle n'avait pas la moindre idée de comment se pratiquait cet art et que la seule personne vers laquelle elle avait pu se tourner n'était autre... qu'Ashton. À la simple mention de ce nom, la respiration de la jeune femme s'accéléra alors qu'elle accueillait un regain d'angoisse en son sein. Il la détestait, et elle le savait depuis le tout premier jour. Il la détestait, et depuis l'instant où il s'était rendu compte de la personne qu'elle était, il n'avait eu de cesse de le lui rappeler. Et si, aujourd'hui, il avait accepté de l'aider, c'était simplement pour faire plaisir à Ewen. À cette idée, le cœur de la jeune femme se serra davantage. Avec le temps, elle avait fini par apprendre à apprécier Ashton, et chaque fois qu'elle se rappelait qu'il ne l'aimait pas, cela provoquait chez elle une horrible pointe de douleur. Malheureusement, elle savait bien qu'il n'y avait aucun doute à avoir... Il y avait trop de choses qui le lui prouvaient tous les jours. À commencer par leur toute première rencontre. Un soupir discret quitta l'enceinte de ses lèvres. Si seulement ça avait pu n'être qu'un cas isolé... Mais non. Ce n'était que le début d'une longue liste. Dont l'un des événements, plus que tous les autres, avait absolument convaincu la jeune femme de la haine qu'il lui portait. C'était le jour où il lui avait rappelé le monstre qu'elle était. Par ce simple biais, il avait remué une plaie jamais cicatrisée et c'était là comme s'il annonçait au monde entier qu'il savait ce qu'elle souhaitait cacher plus que tout au monde : le fait qu'elle était une erreur de la nature. Dès lors, il était logique -et normal- qu'il la haïsse. Tala secoua la tête. Elle n'avait pas à lui imposer ça s'il ne le souhaitait pas... Mais en même temps, il était sa seule chance de réussite et-... La réalité la prit de court à l'instant où elle s'y attendait le moins : Ce qu'elle avait fait était de l'égoïsme pur et elle ne s'en rendait compte que maintenant. Une bouffée de culpabilité s'empara immédiatement d'elle. Mais ce fut grâce à cela qu'elle trouva enfin le courage de heurter la porte de son poing. Désormais, il fallait qu'elle assume. Ce soir, elle aurait tout le temps de se punir. Lorsque la porte s'ouvrit, elle se força à sourire.

« A-Ashton... ! Bonjour ! Co-... Euhm. T-tu... vas bien ? »

Encore une fois, ses interventions étaient à son image : pitoyables. Tala étouffa un soupir. Son élan de courage à présent retombé, elle se demandait ce qui lui avait pris et ce qui, indubitablement, la poussait à rechercher l'affection d'un homme la détestant. Parce que c'était bien le cas, pas vrai... ?

« J-je... Tu, euhm, te souviens... ? Ce... c'est aujourd'hui que... qu'on... enfin... »

Décidément... Elle-même s'irritait à chacun des mots qu'elle tentait de prononcer. C'était horrible. C'était pénible. C'était une perte de temps. Tala baissa les yeux, puis les releva pour croiser le regard si chaleureux et si particulier de son vis à vis. Son sourire, qui avait fui ses lèvres dès sa seconde tentative de prise de parole, se risqua de nouveau sur ses lèvres. Il fallait, de toute façon, qu'elle se rattrape.

« C-c'est... aujourd'hui que tu dois m'apprendre le tango... »

Cette fois-ci, la phrase était sortie plus simplement et de manière beaucoup plus fluide. Tala s'autorisa à se féliciter de cet exploit et, dès lors, se détendit.

« Mais... Si tu as changé d'avis... Parce que je suis nulle, hein, je peux comprendre... »

Elle se racla la gorge, se laissa un instant de répit durant lequel elle se réjouit de s'en être à nouveau sortie, puis planta définitivement ses iris si particuliers dans ceux d'Ashton. En un sens, c'était profondément ironique que Tala haïsse ainsi la part animale logeant en son sein, tant son regard rappelait parfois certaines des plus belles forêts par son éclat.

« J-je... J'ai... apporté le dessert... ? »

Tristement, la jeune femme constata que sa dernière intervention ressemblait davantage à une question qu'à une affirmation. Heureusement pour elle, le gâteau qu'elle portait à bras valait tous les aveux du monde. Reprenant une dernière fois son souffle -se sociabiliser lui paraissait être un véritable exploit- Tala marmonna quelques mots supplémentaires.

« J-j-j... euhm... Merci... »

Cela faisait longtemps, désormais, qu'elle côtoyait Ashton. Trois mois, si sa mémoire était bonne. Pourtant, et Tala ne pouvait pas le nier, elle peinait toujours autant à communiquer avec lui. Viendrait peut être le jour où elle saurait dépasser sa gêne pour ne plus ni l'agresser ni paniquer face à lui. Mais ce jour était encore loin et on ne verrait pas même l'aube de celui-ci tant qu'elle resterait persuadée qu'il la détestait. Une dernière fois, Tala reprit son souffle. Il y avait quelque chose qu'elle devait absolument dire à Ashton. Quelque chose dont il devait se douter, mais sur laquelle elle avait besoin de mettre des mots. Lorsqu'elle ouvrit la bouche, ses yeux hurlaient la difficulté de cette tâche.

« I-il... Pourras-tu... Y aller doucement... ? Parce que... j'ai peur, Ashton. »

A l'instant même où elle tint ces propos, les épaules de la jeune femme se délièrent. Tout irait bien, pas vrai ? Ashton comprendrait, pas vrai ? Il ne la brusquerait pas au point de... lui faire faire une crise de panique, pas vrai... ? Dans le doute, alors que la terreur menaçait de la parer de nouveau, Tala insista.

« J-je... J'ai vraiment très peur, Ash. Alors je t'en supplie... Sois doux. »

En vérité, c'était bien pire que ça. Plus que de la peur, c'était de la terreur que Tala ressentait. Et chaque seconde qui passait la terrorisait davantage.


Dernière édition par Tala Harcourt le Dim 4 Oct - 22:27, édité 1 fois
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeVen 2 Oct - 23:12

Un écho, comme un soupir lascif, résonance langoureuse au creux de ses tympans. La mélodie agitait ses membres, un par un. Elle était une main délicate parcourant son corps du cou au bas des reins, caressant ses jambes pour les pousser à se mouvoir. Et Ashton se mouvait, hypnotisé par le rythme saisissant qui l'animait soudain. Un déhanché souple, un pas sensuel. Ses doigts s'enroulèrent autour du pommeau de la poêle avec une élégance presque féline. Il fit sauter le risotto, déposa l'ustensile dans un même geste, se retourna majestueusement. Il glissa jusqu'à l'évier, posant immédiatement un pied loin derrière le premier et balançant ses cheveux de nuit en arrière. Il s'imaginait, là, tout contre les courbes voluptueuses de sa partenaire, de son amante d'une danse. La musique se jouait elle aussi dans son esprit, et toute cette langoureuse volupté ne lui venait que d'une imagination fertile, d'un désir profond de bouger selon les accords délicieux d'une ode à la luxure. Il parcouru du bout des doigts le haut de sa gazinière pour en tester la chaleur, satisfait de humer par la même occasion le parfum salivant du plat qu'il préparait.

« Perfecto... »

Quelques pas se dessinèrent d'eux-mêmes sur le parquet craquant de son appartement. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas dansé – quelques semaines seulement, quelques semaines de trop – et il se faisait un plaisir absolu de parcourir de sa sensualité la mélodie sensuelle du tango. Un sourire ravi s'épanouit sur son visage et le dévora un peu plus à mesure qu'il esquissait quelques gestes et qu'il touillait le plat. Ashton aimait cuisiner au moins autant qu'il aimait manger. Le fumet délicat du risotto s'était désormais répandu dans la pièce, de même que la chorégraphie entraînante dans laquelle il s'emportait lui-même. Il fit sauter la nourriture, la rattrapa, fit un tour sur lui-même. L'élégance et la pratique. Cuisiner, danser. Il s'amusait. Il s'entraînait. Car pour Tala, il devrait être le meilleur possible.

D'ailleurs, en parlant du loup...
Le mauvais jeu de mots apporta un sourire sardonique au visage du jeune homme tandis qu'il passait une main dans ses cheveux sombres pour les discipliner. Son regard pourpre coula vers la porte, comme désireux de la transpercer et de dévoiler derrière elle l'expression contrite de l'aura grise qu'il connaissait si bien.

Tala était arrivée.
Tala, la seule louve qui prenait la mouche lorsqu'on avouait qu'on n'était pas plus humain qu'elle. Tala, la gamine qui était si facilement blessée qu'il lui avait fallu trois mois – trois, saperlipopette ! – pour espérer regagner ce qu'il avait apparemment brisé lors de leur première rencontre – et qu'il n'était toujours pas certain de réparer un jour, d'ailleurs. Tala, la demoiselle qui cachait sa bonté d'âme derrière quatre couches d'amertume, de colère et d'agressivité, comme par peur d'être aimée. En fait, Ash était même persuadé qu'elle était convaincue que le Monde la détestait, lui compris, à son grand dam. Tala, il l'appréciait. Au delà des limites très restreintes de son caractère, elle était de plutôt bonne compagnie et, pour peu que l'on fût attentif, il pouvait être fort amusant de la taquiner, chose qu'il avait tendance à faire outrageusement. Elle était drôle, parfois, souvent à son insu. Il y avait tant de choses qu'il eut voulu lui faire voir, aimer, vivre, au fond, à cette enfant. Elle semblait se refuser le bonheur pour des raisons qu'il pensait comprendre – comprendre trop bien. Mais là n'était pas le moment d'y songer. Pour la première fois, justement, elle lui avait fait l'honneur immense de bien vouloir s'offrir à lui pour quelques heures. Bien entendu, rajouta-t-il mentalement, pas pour une après-midi torride sous les couettes d'un lit chauffé d'un désir commun – il eut refusé de toute manière, elle était trop jeune – mais pour danser. Ashton était ravi.

La demoiselle resta un long moment devant la porte, au point où le garçon hésita à l'ouvrir à sa place. Toutefois, il n'en eut pas le temps, puisqu'elle finit par se décider à toquer. Enfin. Une pointe d'amusement se dessina dans son cœur. Il avança de quelques pas souples, sifflotant allègrement. Un splendide sourire se dressa sur ses lèvres lorsqu'il se dévoila enfin à la jeune femme. Pas une seconde il ne songea au fait qu'il n'était qu'en simple maillot, préférant offrir un regard pétillant de joie à son interlocutrice :

« Bonjour ! Comment vas-tu ? Ça me fait plaisir de te voir ! »

Il était sincère. Il l'était toujours. Comme à son habitude, Tala trébucha maladroitement sur ses mots avant de trouver un semblant d'équilibre. S'il devait être franc, il eut sans peine qualifié cela d'adorable. Il y avait quelque chose d'incroyablement fragile chez la demoiselle, quelque chose qui pouvait être à la fois attendrissant et triste. Il voulait la rendre forte, mieux, la rendre elle. La raison de ce manque de confiance résidait là : elle n'était pas... elle-même, pas ce que son être tout entier voulait qu'elle soit. Elle n'acceptait rien. Les yeux de braise se fixèrent sur elle, attentif qu'il était à la moindre de ces paroles. À la mention, du tango, il sourit davantage.

« Pour sûr, je m'en souviens ! J'adore danser, t'apprendre sera un plaisir... »

Il lui adressa un clin d’œil chaleureux, sensuel. Ainsi, il lui transmettait son amour pour leur sujet, pour elle, pour eux, ensemble, et pour le moment qu'ils allaient partager. Ashton adorait ces instants où sa vie se mêlait à celles des autres, surtout lorsqu'il s'agissait de personnes aussi intéressantes que Tala.

« Mais... Si tu as changé d'avis... Parce que je suis nulle, hein, je peux comprendre... »

Un sourire affectueux, et un air compatissant. Il eut peine à se retenir d'ébouriffer la chevelure de la jeune femme.

« Tu sais, j'ai été à ton niveau aussi... Tout le monde l'a été, en fait. Justement, c'est pour ça que je suis là ! C'est surtout à toi de te demander si m'avoir comme professeur est une bonne chose... »

Sur la fin sensuelle, un éclat de rire. Il voulait la rassurer. Il voulait qu'elle se sente à l'aise auprès de lui. C'était la première étape de la danse : la confiance, la décontraction, l'apaisement. Tala devait se créer un nirvana dans lequel se plonger pendant quelques minutes, un endroit où elle se sentirait bien. Son rôle était de l'y accompagner, rien de plus.

Cependant, avant tout cela, il leur faudrait manger, comme l'en rappela le gâteau gentiment apporté par la demoiselle. C'était tant mieux : ils pourraient s'apprivoiser mutuellement, profiter de quelques instants de paix avant de se lancer dans le merveilleux bain chaud de la danse latine. Ashton saisit délicatement la pâtisserie et laissa son sourire se teinter de reconnaissance :

« Génial, je n'avais justement pas prévu de dessert ! Merci bambola... »

Bambola. Oups... Restait à espérer qu'elle le prît bien. Il lui adressa une expression à demi amusée, comme pour s'excuser de s'être emporté. Parfois, elle pouvait réagir si violemment à de simples mots tels que celui-ci qu'il préférait prendre les devants.

Il s'apprêtait à se retourner, à inviter la demoiselle à pénétrer son appartement, lorsque quelques mots lui firent relever les yeux. L'hésitation, la peur, l'effroi. La panique qui semblait soudain agiter la moindre parcelle du corps de Tala. À vrai dire il ne savait trop s'il devait sourire ou se ternir. Il était touché par la confiance apparente qu'elle lui portait : avouer ses faiblesses – bien qu'il ne considérât pas cela ainsi, c'était un terme stupide employé par les humains qui étaient trop accroché à leur puissance pour accepter de se regarder dans le miroir – n'était pas chose facile. Le jeune homme la regarda donc droit dans les yeux, de ces regards puissants et intenses qui ne laissaient place à aucune discussion sur la sincérité de ses paroles :

« Tala, nous irons aussi lentement que tu en auras besoin. Si tu veux, nous pouvons même ne pas nous toucher aujourd'hui, ni même la prochaine fois. L'objectif, c'est que tu te sentes à l'aise et que moi aussi, pour que nous puissions nous amuser ensemble. Alors si tu as peur, si tu ne te sens pas de faire quelque chose, dis-le moi tout de suite et j'arrêterai. Nous n'avons pas besoin de nous presser. Ça ne me dérange pas d'attendre, au contraire. Je te promets de ne faire que ce qui te conviens. »

Un sourire, un sourire doux et calme qui appelle à la sérénité, puis une porte ouverte et une main tendue vers l'intérieur :

« Entre donc, nous allons nous mettre à table. Tu as déjà goûté du risotto ? »
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeDim 4 Oct - 23:54

La bouche de Tala s'ouvrit en un rond parfait à l'apparition même d'Ashton. Alors que tout, jusqu'à l'air qu'elle respirait, la déstabilisait pour un tas de raisons idiotes, le spectacle qu'on lui offrait désormais la figea tout simplement. Il était simplement vêtu d'un débardeur et on voyait tant de parties de son corps qu'un instant, la jeune femme fut tentée de se dissimuler les yeux. Elle se contenta néanmoins de rougir et planta son regard de forêt dans celui, écarlate, d'Ashton. Avec elle, c'était ces yeux-là qu'il conservait toujours lorsqu'ils n'étaient pas plus de deux, ces yeux qui, systématiquement, lui rappelaient une vérité qu'elle aurait souhaité étouffer, ou tout du moins, oublier. Elle n'était pas humaine, et lui non plus. Il avait l'oeil pourpre et noir, et ce regard valait tous les aveux du monde. Ils n'étaient rien d'autre que des créatures à des lieues de son humanité chérie, et cette vérité, cette absolue réalité, lui serrait le cœur à chaque fois qu'elle y repensait. Cette fois-là ne fit pas exception à la règle, et c'est la boule au ventre qu'elle chercha ses mots à tâtons pour nouer un dialogue dont elle ne parvenait que difficilement à esquisser les contours. Lorsqu'Ashton lui annonça que cela lui faisait plaisir de la voir, ses joues s'empourprèrent davantage alors qu'elle bredouillait une réponse des plus piteuses, à peine murmurée.

« M-merci, m-moi aussi je suis contente de te voir... »

Tout comme lui, elle en oublia de répondre à sa première question et de toute façon, la question en elle-même n'était pas foncièrement importante : Tala allait toujours bien, et ça ne changeait jamais. Elle n'avait pas le droit d'aller mal, pas elle. Et si, par malheur venait le jour où elle se sentirait triste, elle ne le montrerait pas. Elle se contenterait de souffrir en silence, parce qu'au fond, c'était tout ce qu'elle méritait, et rien d'autre. Toutefois, cette interrogation n'était pas à l'ordre du jour et la conversation reprit son cours normalement, entre les bafouillages de la jeune femme et les réponses enthousiastes de son vis-à-vis. Une première fois, alors qu'elle se perdait dans tant de doutes qu'elle aurait certainement pu s'y noyer, Ashton lui lança une bouée salvatrice qui la rassura légèrement. Un pâle sourire s'inscrivit sur les lèvres intimidées. L'éclat de rire inopiné manqua de la faire sursauter mais, bien heureusement, elle se retint. L'honneur désormais sauf, elle put tenter une réponse qui, immanquablement, serait maladroite.

« J-Je suis sûre que tu es le meilleur professeur de tout Paris e-et... »

Elle marqua un temps d'arrêt durant lequel elle détourna les yeux.

« J-je suis contente que ce soit toi... »

Rouge écrevisse n'était peut-être même pas suffisant pour définir l'état de ses joues lorsqu'elle replanta ses iris si particuliers dans ceux encore plus étranges d'Ashton, et parla du gâteau. De nouveau, celui-ci répondit avec tant d'enthousiasme que Tala se sentit presque perdue, persuadée qu'elle était qu'il la détestait. Le doute, plus sain, naquît justement en son sein quant à cette certitude qu'elle nourrissait depuis maintenant trois longs mois. Toutefois, elle n'eut pas le temps de se questionner bien longtemps qu'Ashton s'emparait du paquet. Afin d'être certaine qu'il ne la frôle pas, elle recula précipitamment les mains du dessert, manquant presque de le faire tomber. La culpabilité qui, pour un temps, s'était faite absente, revint lui murmurer de tendres poésies dont chacun des mots se voulait plus coupant qu'une lame de rasoir. Mais celle-ci fut avortée à l'instant précis où le jeune homme l'appela bambola. Tala écarquilla les yeux sous la surprise et ouvrit même légèrement la bouche tandis que ses joues se teintaient encore davantage de leur couleur si compromettante. Bambola... Tala n'avait aucune idée de ce que cela pouvait bien signifier, et cela aurait tout aussi bien pu être une insulte qu'elle ne s'en serait pas rendue compte. Mais quand même... Le sourire qu'Ashton lui adressa après sa ''gaffe'' n'était pas moqueur, bien qu'amusé, et on ne surnommait pas les gens qu'on haïssait, si... ? Tala se troubla, cherchant une réponse impossible à trouver dans le regard de son vis-à-vis. En désespoir de cause, elle détourna les yeux, toujours aussi gênée, à l'instant même où Ashton faisait mine de faire volte face en direction de son appartement. Mais elle ne pouvait pas le laisser faire ça. Elle devait lui dire. Elle devait lui expliquer. Alors que son estomac nouait des nœuds métaphoriques de plus en plus serrés, elle délivra les mots douloureux qui la hantaient et la rendaient si pitoyable, si épouvantable, si détestable. Elle avait peur. Elle était terrorisée. Elle ne supportait pas l'idée du moindre contact et revoyait Louis à chaque fois qu'elle cherchait à l'envisager. Elle revivait son sourire, ses éclats de rire, cette impression canaille qu'il dégageait tout le temps et qui, à bien des aspects, était si semblable à ce que diffusait Ashton autour de lui, quelques fois. Et après ça, une fois qu'elle se souvenait de tant de bonheur, elle subissait le sang, partout, sur elle, sur le sol, sur ses lèvres, sur ses mains, et les larmes. Les larmes qui dévalaient ses joues sans discontinuer. Puis le choc. L'impression inaltérable de se sentir profondément sale, de savoir qu'on a pris la vie de celui qu'on avait tant aimé et auquel on aurait voulu offrir son avenir. Lui avoir tout volé, simplement parce qu'il avait osé l'approcher... Sous le flot de souvenirs, sa peau se glaça, se crispa, son sourire fondit terriblement et elle eut l'envie de fuir. Alors qu'elle lançait un regard plein d'un désespoir grandiloquent à Ashton, celui-ci prit la parole et la délivra de l'horreur. Ce jour-là, Tala se sentit profondément reconnaissante envers lui.

« Tala, nous irons aussi lentement que tu en auras besoin. Si tu veux, nous pouvons même ne pas nous toucher aujourd'hui, ni même la prochaine fois. L'objectif, c'est que tu te sentes à l'aise et que moi aussi, pour que nous puissions nous amuser ensemble. Alors si tu as peur, si tu ne te sens pas de faire quelque chose, dis-le moi tout de suite et j'arrêterai. Nous n'avons pas besoin de nous presser. Ça ne me dérange pas d'attendre, au contraire. Je te promets de ne faire que ce qui te convient. »

Les mots tombèrent chacun leur tour comme autant de délivrances. Doucement, progressivement, la terreur tenace qui semblait vouloir s'installer au plus profond de son cœur s'estompa. Il n'allait pas la forcer à le toucher, à revivre l'erreur, sans qu'elle-même ne se sente prête. Mais le serait-elle suffisamment pour un jour risquer la vie d'Ashton... ? Elle n'avait pas le droit, elle ne pouvait pas courir ce risque, et elle se devait de le dire. Il ne méritait pas ça. Quand bien même il l'aurait haïe de toute son âme, il ne méritait pas ça. Pourtant, alors que l'occasion de le lui dire se présentait, Tala la laissa passer en fuyant. Lâche. Elle n'était rien d'autre que ça. Un monstre plein d'une lâcheté nauséabonde dont elle devrait, tôt ou tard, parvenir à se guérir pour libérer le monde de sa présence.

« M-merci... N-non, je n'en ai jamais goûté... Qu'est ce que c'est... ? »

En guise de sourire, un filet si faible qu'il valait tous les aveux du monde. Elle pénétra cependant dans l'appartement sans plus faire d'histoire et suivit Ashton aussi docilement qu'il lui était donné de le faire. Une fois assise, la jeune femme se mura dans un silence qui dura de longues minutes, les yeux perdus dans le vague. Car bien que rassurée par les propos de ce dernier, Tala restait... préoccupée. Tant et si bien qu'elle ne put garder le silence plus longtemps. Il ne méritait pas de mourir. Personne ne le méritait. Personne d'autre qu'elle-même...

« J-je... »

Débuta-t-elle difficilement. Quelques secondes passèrent, suivies par de nombreuses autres.  

« Pour... le contact. C'est... Beaucoup plus compliqué que ça, Ashton... »

Sa voix n'était qu'un murmure mal assuré. Mais, et elle le savait, elle devait continuer. Prenant une longue inspiration, Tala s'autorisa à formuler les mots qu'elle ne prononçait jamais.

« J-je ne sais pas si je pourrais te laisser me toucher un jour. »

Presque immédiatement, sa gorge se serra. C'était trop dur, de se mettre face au monstre qu'elle était. C'était trop dur, mais nécessaire. Il devait pouvoir comprendre... non ? Après tout, lui-même possédait ce regard hypnotisant qui avait le don de la rendre à sa nature véritable à l'instant où elle le croisait...

« … Je ne suis pas quelqu'un de bien. »

Furent les seuls mots qu'elle parvint à offrir au jeune homme. C'était plus qu'elle n'en avait jamais offert à personne avant ce jour, et elle priait désormais pour qu'il ne la rejette pas. Pourtant, c'était tout ce qu'elle méritait. Les monstres de son genre n'avaient droit qu'à la mort.

« J-je ne suis pas venue sur Paris pour... les bonnes raisons. »

Cette fois-ci, c'était certain, elle n'en dirait pas plus sans qu'on ne l'y pousse frontalement, et encore. C'était plus que ce qu'elle n'avait jamais dit, et c'était déjà trop dur. Avalant difficilement sa salive, elle se risqua à croiser le regard ensanglanté. Ensanglanté... Quelle ironie. C'était comme si, face à cet homme qu'elle entraînait potentiellement dans une danse avec la mort, Tala revoyait l'urgence de ses révélations. Le rouge de ces yeux-là ne devait rien teinter d'autre. Et pour ça, elle devait le mettre en garde. Le mettre en garde contre le monstre qui hurlait en elle et qui, lorsque la lune se faisait pleine, transcendait son corps pour se révéler au monde. Un monde qui, immanquablement, finissait en pleurs à son réveil.

« J-je suis... désolée. »

À moins que les larmes qui, toujours, sillonnaient ses joues soient les siennes. Elles étaient alors la cristallisation malheureuse de chacun de ses crimes. Elles étaient alors autant de poignards trouvant systématiquement le chemin de son cœur... Un cœur plus noir que la nuit. Le cœur d'un monstre. Car les monstres avaient bien un cœur, tout juste bon à être transpercé. Et ça, Tala le savait mieux que personne.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeLun 5 Oct - 22:20

Parfois, Tala le surprenait. Une attention, un geste, un mot qui remettait en question toute sa ligne de conduite, et il se trouvait soudain à se demander comment il avait pu ignorer cette partie là de la jeune femme.  

« Je suis contente que ce soit toi. »
, avait-elle dit.

Il y avait comme deux Tala. Celle qu'elle montrait généralement au monde, la jeune femme pétulante et agressive, qui avait apparemment confiance en ses convictions et qui semblait coïncider avec l'image qu'elle souhaitait renvoyer. Et puis il y avait la craquelure dans la façade, la personnalité tout juste suggérée qui, du moins le suspectait-il, était en réalité bien plus proche de ce qu'elle était vraiment... de ce qu'elle se refusait tant à être. Bien malgré elle, Tala n'était là rien de plus qu'une môme traumatisée et mal dans sa peau, craintive et animée d'un profond désir d'être aimée, d'être sauvée peut-être. Les rougeurs sur ses joues, l'incertitude dans le regard vert, autant d'indices qui le poussait vers cette conclusion. Cette fille là, celle qu'il voyait à présent, était presque adorable dans sa manière d'être, et l'eut été plus encore à ses yeux s'il n'était animé de la terrible certitude que tout ceci était le résultat d'une panique face à laquelle il demeurait impuissant.

Il était touché, sincèrement, de la gratitude que portait Tala à son égard. C'était un sentiment agréable, loin de l'apparente froideur qui avait animé leur relation durant les derniers mois. Ashton lui-même était reconnaissant : il avait tout fait pour réparer leur désagrément, mais seule une éventuelle action de la part de la demoiselle aurait pu améliorer la situation. C'était ce qu'elle avait fait aujourd'hui, et il ne pouvait que s'en réjouir.

« J'espère être à la hauteur de tes attentes, ma chère... »

Un clin d’œil malicieux, un sourire charmeur, le canidé restait le même peu importe l'interlocuteur. Ce genre de choses faisait partie de ce qu'il était au quotidien. Chez lui, pas de façade, pas de masque, pas de faux-semblant. Il était lui, il était Ashton Lyn, chien des Enfers, monstre délicieux et garnement charmeur, énergumène bienfaisant et étrange inconnu. On l'aimait souvent, le détestait tout autant. Il essayait de s'approcher des gens, toujours, leur montrait sa personnalité et les laissait alors juger de lui. D'une certaine manière, il espérait que Tala, un jour, parviendrait à suivre cette conduite. C'eut été mieux pour elle, pour tout le monde. En discutant avec elle, il espéra convier ses sentiments, son profond désir de l'ancrer dans une réalité qui lui échappait, de lui donner sa bienveillance, et cela sembla fonctionner. Il sentit la tension descendre chez son vis-à-vis, à peine, si peu que c'en était presque frustrant. Mais c'était déjà ça, il devait s'en contenter.

« Un risotto est un plat absolument délicieux qui nous vient de nos amis les italiens, ma chère. Riz, lardons, champignons, un peu de carotte... Oignon... Comme je ne savais pas si tu aimais ou non l'alcool je n'ai pas mis de vin blanc. J'espère que tout te va ? »

Il n'eut plus manqué que cela. Lui, tentant de faire un plat tout simple et tout bonnement succulent pour sa compagne, simplement pour se rendre compte qu'elle détestait cela. Il haussa des épaules : au pire, il cuisinerait de nouveau, ce n'était pas grave. Il mangerait aisément le plat pour deux à lui tout seul, et s'arrangerait pour satisfaire les goûts de la jeune femme. Ce n'était pas plus compliqué. Ashton avait cette manière de se laisser faire ses propres choix, de rationaliser ce qui lui venait et de tout rendre le plus simple possible. Un problème ? Pas de soucis, il le contournait. La vie était plus aisée ainsi.

Laissant Tala entrer dans l'appartement, il se dirigea immédiatement vers la cuisine de manière à surveiller sa poêle. La pièce à vivre, il l'espérait, ne déplairait pas à son interlocutrice. Elle n'était ni rangée ni désordonnée, mais dans cette sorte de bazar organisé, un fouillis de babioles en tous genres qu'il collectait sur les marchés et qu'il se prenait à poser partout. Ses étagères en débordaient, sa commode en était décorée, et il n'y aurait bientôt plus de place pour quoi que ce fût. Le sourire du jeune homme était ravi lorsqu'il l'adressa à sa compagne :

« Bienvenue chez moi ! »

L'endroit était spacieux, du moins était-il organisé pour, et baignait dans un peu de lumière, un luxe dont peu de parisiens pouvait se vanter. Ashton avait vécu dans bien plus lugubre, et de toute manière peu lui importait. Ici, c'était son chez-lui, son foyer, l'endroit où il se sentait bien, où il se sentait en sécurité. C'était un sentiment précieux dont il ne voulait se défaire.

« J-je... »

Le jeune homme, concentré sur sa poêle, releva la tête. Il y avait quelque chose dans la voix de Tala, comme un... aveu ? Un léger sentiment d'appréhension souffla sur ses entrailles. Il ne savait trop à quoi s'attendre, aussi décida-t-il d'attendre. Parfois, c'était la meilleure solution. Toutefois, les déclarations timides de la jeune femme ne firent que confirmer ce qu'il savait déjà : elle se détestait. Elle se trouvait mauvaise quand elle n'était que perdue, elle se considérait comme un poids quand elle n'était qu'une plume. Un léger sourire se dressa sur les lèvres d'Ashton, presque amusé. Savait-elle seulement à qui elle s'adressait ? Un chien des Enfers pouvait-il prétendre être moins monstrueux, moins détestable que quiconque ? Il ne pensait sincèrement pas. Il fallait dire qu'il s'en fichait. Être bon, être mauvais... il était au-delà de ce débat. À quoi bon se poser la question lorsqu'on connaissait déjà la réponse ? Et si Tala était quelqu'un de méprisable, qu'en avait-il donc à faire ? Rien. Il n'était personne pour en juger, ne s'en prétendait pas capable et se délestait allègrement de toutes ces foutaises. Il l'aimait bien ? Il restait. Il ne l'aimait plus ? Il partait. Ce n'était pas plus compliqué que ça, et aucune notion de morale n'avait quoique ce soit à voir là dedans. Doucement, désormais certain de sa réponse, il éteignit le feu et laissa le riz grésiller dans la poêle brûlante.

« Nous sommes deux, dans ce cas. »

Aucune accusation, aucune désapprobation non plus. Il ne connaissait pas assez Tala pour lui prouver qu'elle avait tort, et tenter de le faire n'eut réussi qu'à la conforter dans cette idée. Un sourire délicat aux lèvres, il se retourna vers elle, transperça le regard vert embué de larmes du sien, du regard pourpre et noir, du regard infernal qui avait été plus d'une fois qualifié de monstrueux. Le désarroi de la demoiselle ne le dérouta pas. Il le comprenait, il l'acceptait. Toutefois, il ne pouvait souffrir qu'elle se pensât inférieure à lui ; car il le voyait : elle se sentait désespérément hors de sa portée. Ce n'était pas le cas. Si elle se considérait comme une créature, il était pire. Comme une meurtrière ? Il était un terroriste.

Il ne s'avança pas vers elle, de peur qu'elle ne paniquât. Au lieu de cela, il alla chercher les deux assiettes, les posa sur le comptoir et, toujours un doux sourire aux lèvres, entreprit de les servir. Lorsqu'il parla, sa voix était presque soufflée :

« Il y a des choses que tu dois savoir sur moi, Tala. Des choses dont tu ne sembles pas te rendre compte mais qui me rendent incapable de te tenir rigueur d'une quelconque erreur. Je n'ai pas fait mieux que toi. Venir à Paris ? J'ai fui. Et je n'ai pas fui des gens biens. J'ai passé la plupart de ma vie à fuir mes erreurs, d'ailleurs, quoique le mot soit fort petit pour exprimer ce que j'ai fait. Oh, j'en ai fait des choses, crois-moi. Des horribles, des graves, des terribles. C'est passé. Mais en moi vit un Chien des Enfers, et il a soif de sang, de chaire et d'âmes. Je ne peux pas toujours... »

Il hésita à continuer, se demanda si avouer ses crimes l'aiderait ou le condamnerait. Étant Ashton, il opta pour la franchise :

« Je ne peux pas toujours l'en empêcher. C'est dur, c'est affolant, mais c'est comme ça. Heureusement, notre duel compte plus de victoires de mon côté que du sien. »

Il se tourna vers Tala, cette fois-ci, en posant les assiettes :

« Je me fiche de qui tu es, ça n'a pas d'importance. Ou plutôt, je me fiche de ce que tu penses être. Bonne, mauvaise, c'est une qualité qui ne m'intéresse pas. J'ai été ami avec les pires crapules. Si tu ne veux pas me toucher parce que tu ne te sens pas de le faire, c'est normal. Mais ne pense pas que ta présence puisse d'une manière ou d'une autre me causer du tort. C'est impossible. Comme me tuer. »

Un sourire diablement malicieux dévora son visage. Ce n'était pas tout à fait vrai, certes, mais Ashton ne ressentait ni le besoin ni l'envie de soulever l'exception de son immortalité.

« Beaucoup ont essayé, aucun n'y est parvenu. Il faut dire que même me brûler vif n'y ferait pas... Enfin, il faut bien des avantages à être une créature, hm ? »

Il dédramatisait clairement la situation. Il parlait comme s'il s'agissait là d'une conversation normale, entre amis, entre confidents, qu'il n'y avait rien d'anormal à parler du fait d'être un monstre aux yeux de tous. Ashton s'en moquait bien, de toutes ces conventions. De là où il venait elles ne sauvaient pas tout le monde. Chacun évoluait comme il le pouvait. Un sourire ravi au visage, il écarta la chaise de Tala, en bon gentilhomme, et lui fit signe d'y prendre place. Il s'assit face à elle et planta son regard dans le sien.

« Tala. Quoique tu dises, je resterai ici, parce que c'est un engagement que j'ai pris avec toi, et rien qu'avec toi. Tout ce qui se passe ici reste entre nous, il n'y aura ni quiproquo ni dispute à ce sujet. Je t'aime bien, je t'apprécie même beaucoup, alors j'aimerais que nous puissions nous faire confiance. C'est tout ce que je te demande. Une fois cela fait, alors nous pourrons nous toucher, et danser. Avant, nous pouvons parler en apprenant les pas, ce sera aussi bien. »
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeMar 6 Oct - 23:33

Ashton ne savait pas si elle aimait l'alcool. Un sourire tristement ironique s'installa sur ses lèvres le temps d'une seconde. Tala ne l'aimait pas, non, c'était pire que ça. À force de se perdre dans la terreur, elle avait fini par le considérer en ami. Sa gorge se serra alors qu'elle hochait doucement la tête pour ne pas alerter son vis-à-vis. Ça faisait partie de ses problèmes. Ça lui appartenait, et ni lui ni Ewen n'avaient besoin d'en entendre parler. Jamais. Et certainement pas aujourd'hui. Non, aujourd'hui, la priorité était de... protéger Ashton d'elle-même. Et puis... ce que le jeune homme avait énuméré avait l'air délicieux. Le tout, couplé à l'odeur, lui donnait l'eau à la bouche. Car comme tout monstre qui se respecte, Tala sentait la douce effluve jusqu'ici.

« T-tout me va, merci... »

Elle ajouta, après un temps.

« E-et ça sent vraiment très bon... »

Cette phrase lui serra le cœur et lui rappela l'urgence des révélations à venir. Alors, Tala parla. Elle expliqua l'horreur, le monstre et l'erreur, pesant ses mots, peinant à les formuler mais s'y forçant. Elle n'avait pas le choix. Elle devait protéger Ashton. Elle devait le sauver d'elle-même. Il ne devait pas mourir par sa faute, elle n'avait pas le droit de le mettre en danger et cela passait par des révélations plus atroces les unes que les autres. La réalité la dégoûtait, et les larmes lui montèrent bien vite aux yeux, nées de l'amertume, de la terreur et de la peine. Pourtant, elle se refusa à les laisser couler. Elle n'avait pas le droit d'être un poids pour cet homme, ni pour personne. La seule chose qu'elle avait à leur offrir était sa mort et, Tala le savait, celle-ci finirait tôt ou tard par survenir.

« Nous sommes deux, dans ce cas. »

Les mots d'Ashton lui arrachèrent un sursaut alors qu'elle relevait le regard pour croiser le sien. Dans ses yeux, l'incertitude, couronnée par la haine d'elle-même, régnait en maître absolu. Dans son cœur, l'espoir enchaîné depuis trop longtemps se débattait en vain. Sa bouche s'ouvrit légèrement. Soudain, elle manquait d'air. Une main s'agrippa à un meuble, tandis qu'elle écoutait Ashton débiter la suite de ses paroles. Ces dernières furent pour Tala comme autant de bombes à l'assaut de son armure. Au fur et à mesure que le canidé parlait, ses défenses tombaient une à une, la laissant de plus en plus à nue devant celui qui lui faisait face.

« … Je ne peux pas toujours l'en empêcher. C'est dur, c'est affolant, mais c'est comme ça. Heureusement, notre duel compte plus de victoires de mon côté que du sien. »

à cet instant précis, un rire amer comprima la poitrine de Tala. Avant qu'il ne se méprenne, la jeune femme expliqua.

« T-tu es courageux, Ashton. Et tu vaincs cette... partie de toi. Alors que moi... Je suis faible. Et lâche. »

Sa gorge se serra davantage, et c'est avec difficulté qu'elle ravala ses larmes. Elle devait au moins réussir à ne pas pleurer, elle n'avait pas le droit, ne pouvait pas, ne devait pas. Tala croisa les bras, détournant de nouveau le regard pour ne pas avoir à affronter celui de son vis-à-vis.

« … Mais ne pense pas que ta présence puisse d'une manière ou d'une autre me causer du tort. C'est impossible. Comme me tuer. »

Le mot tuer atteignit ses oreilles à la manière d'un coup de fouet : rapide et incisif. Cette fois-ci, l'air lui manqua, et toute la tension qu'elle accumulait sur ses épaules tomba d'un coup, d'un seul. Une première larme, vile traîtresse, coula le long de sa joue. Son armure toute entière était désormais à terre et c'est avec un simple bouclier qu'elle faisait face au jeune homme. Un jeune homme qui n'en avait vraisemblablement pas terminé avec elle. Alors qu'elle prenait place sur sa chaise, une seconde goutte d'eau salée rejoignit la première, et Tala se prit à souhaiter qu'il n'y en ait pas de troisième. Elle ne pouvait pas se tromper plus que cela.

«  Tala. Quoique tu dises, je resterai ici... »

Ce fut un véritable déluge qui dévala les joues de la jeune femme. Il resterait ici, même après ses révélations. Il ne la jugerait pas, ne la détesterait pas, et ne la fuirait pas. Il ne la condamnait pas, et-...

« Je t'aime bien, je t'apprécie même beaucoup, alors j'aimerais que nous puissions nous faire confiance. C'est tout ce que je te demande. »

Nouveau sursaut. Si Tala n'avait pas été assise à ce moment précis, il y avait fort à parier qu'elle se serait tout simplement effondrée au sol. Au lieu de ça, elle le fit sur la table, laissant un premier sanglot la consumer alors qu'elle peinait à accepter les informations qu'on lui offrait, la tête cachée dans ses bras. Son cœur était à nu, sa vie entière défilait sous ses yeux, portée cette fois par des paroles d'une infinie douceur, des paroles qui, par le pardon qu'elles lui offraient, déchargeaient des années de douleur. Une part d'elle-même les désirait, les appréciait, en redemandait, souhaitait finir dans ces bras-là pour épancher une peine qui lui semblait millénaire. L'autre se rappelait, se souvenait, comprenait qu'il s'agissait là d'un pardon immérité et hurlait à Ashton de la haïr. Dans son âme se jouait un combat dont elle était le témoin impuissant. Son corps fut secoué d'un nouveau sanglot qui la terrassa plus encore. Un temps, seul le bruit de ses larmes perdura. Elle avait mal. Son être était divisé en deux parties distinctes, et chacune de ses pensées la tirait d'un côté ou de l'autre, la déchirant toujours plus. Elle avait mal. Elle avait mal et n'y pouvait rien. Elle souffrait. Elle souffrait terriblement, et ne devait rien en dire. Et pourtant, le désir de le hurler à la face du monde la consumait toute entière. C'était une guerre dans laquelle personne ne pourrait jamais vaincre. C'était une guerre dont l'issue ne serait rien d'autre que la mort... Ce fut cette ultime pensée qui la rappela à la réalité. Comme Il l'avait si bien dit, elle était un danger. Ils étaient des dangers. Cette bataille fut remportée par la voie de la raison, ou tout du moins ce qui, aux yeux de Tala, s'en rapprochait le plus.

« J-je ne devrais même pas être en liberté, Ashton. J-je dois payer pour tout ce que j'ai fait, je devrais être en prison, enfermée pour toujours ou j-... »

Devrait être morte. Ce furent les mots qui se refusèrent à quitter ses lèvres mais qui s'imprimèrent dans le silence avec une facilité déconcertante, comme si cela avait toujours été leur place. Tala se prit à prier qu'Ashton ne comprenne pas. Un troisième sanglot secoua son corps -ou peut être son âme- puis plus rien. Les larmes s'étaient taries sous la résignation de ses propres pensées. Elle ramassa les morceaux de son armure brisée et, petit à petit, la reconstitua.

« J-je suis désolée. Je me suis emportée, je... n'aurais pas dû. Je suis ridicule. »

Un vague sourire, plus faux que tous les autres, se glissa sur ses lèvres. L'apparence était sauve, le cœur restait brisé.

« Nous pouvons bien évidemment nous faire confiance. Si... tu consens à oublier mes quelques écarts de conduite. Qui ne se reproduiront plus. »

Le sourire s'accentua malgré les yeux encore rougis qu'elle essuya rapidement. Elle se pencha vers son assiette et s'empara de sa fourchette.

« Mangeons. Je meurs de faim et ce plat me donne terriblement envie. C'est comme la paella. Tu es un fin cuisinier, Ash. »

L'enthousiasme était feint, creux, plus vide encore que son précédent sourire.

« Je n'avais jamais mangé italien. À vrai dire... Je ne suis même pas certaine de pouvoir situer l'Italie sur une carte vierge. »

Après le sourire, après l'enthousiasme, le rire, tout aussi laid que le reste, tout aussi inexistant que les deux autres.

« Tu te rends compte ? Heureusement, toi, tu es moins sot que moi... »

Car elle était, bien évidemment, idiote, en plus de tout le reste. Tala ne valait rien, du moins le pensait-elle absolument. Son changement de sujet maladroit le montrait aisément : on n'avait que faire de la peine d'une fille comme elle. Elle ne méritait pas d'attention, pas d'affection et désormais, tout était rentré dans l'ordre. Tala avait ravalé sa peine aussi vite qu'elle l'avait pu et ne la vomirait que ce soir, lorsqu'elle serait seule et se punirait d'avoir souhaité, ne serait-ce qu'un instant, un peu d'amour de la part de son vis-à-vis...

« Tu as beaucoup voyagé, toi, n'est-ce pas ? »

La question, bien que sincère, était comme tout le reste : effroyablement vide.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeMer 7 Oct - 18:52

Tala était tout bonnement incroyable de méchanceté envers elle-même. Faible ? Lâche ? Comment pouvait-on penser cela de soi-même ? Si encore c'était vrai, il eut accepté, au moins partiellement, mais la jeune femme paraissait bien loin de ces qualificatifs. Ashton était déconcerté. Lui-même se connaissait de nombreux défauts, mais il n'avait jamais été aussi loin, ne s'était jamais laissé partir jusque dans la haine de ce qu'il était. Il ne parvenait pas à comprendre. Pourquoi ? N'avait-on pas appris à cette fille la vie de Légendaire ? N'avait-elle pas cherché à voir de quoi il en retournait ? Faire des erreurs, fuir... Chez les créatures tels qu'eux le moindre faux pas se transformait en bain de sang immédiatement, mais cela ne les rendait pas plus responsables. Ils étaient tous deux des meurtriers malgré eux, et il ne doutait pas un instant que son interlocutrice luttât contre ses instincts plus fort que quiconque. Ne voyait-elle donc pas son propre courage ?

Ses paroles poussèrent le canidé à continuer, à persévérer dans son argumentation. Elle n'était pas un danger, pas pour lui. Elle n'était pas un monstre, pas comparée à lui. Elle n'était pas anormale, pas avec lui. Elle était Tala, il ne voulait rien de plus de sa part. Il ne pouvait pas exiger d'avantage, si ? La logique de la louve lui échappait complètement. Car à chaque parole supplémentaire, la double réaction qu'il obtenait ne faisait que le dérouter un peu plus. D'une part, les larmes salvatrices, de l'autre le déni le plus absolu. D'un côté le trouble profond, la fragilité, de l'autre la froideur absolu d'un esprit corrompu par lui-même. À défaut de savoir quoi faire, il poursuivait encore et encore, cherchait à lui expliquer, à lui faire comprendre. Ils étaient pareils. Ils étaient bien ensembles. Ils souffraient du même mal.

Elle sanglota. La digue qui durant si longtemps avait été débordée s'était enfin brisée. Ce spectacle soulagea Ashton en partie. Voir quelqu'un lâcher n'était pas plaisant, ne l'était normalement pour personne, mais il avait pleine conscience de la signification toute particulière de ce moment. Pour la première fois sans doute, Tala parlait avec quelqu'un qui comprenait ses erreurs, leurs erreurs. Pour la première fois, Tala rencontrait une personne qui lui prouvait que son cas n'était pas isolé, qu'elle n'était pas le seul... monstre ? Ce nom n'avait jamais dérangé le jeune homme, mais la persécutait-il ? Quelque chose lui soufflait que oui. C'était une sensation déplaisante dont il voulait la débarrasser.

« J-je ne devrais même pas être en liberté, Ashton. J-je dois payer pour tout ce que j'ai fait, je devrais être en prison, enfermée pour toujours ou j-... »

Il avait vu juste. Cela ne le satisfaisait pas le moins du monde. Un instant, son sourire fut presque désolé. Il la regarda, regarda sincèrement cette gamine qui crachait sur la vie autant que la vie crachait apparemment sur elle. Il n'avait pas de pitié, pas de sympathie : cela n'amenait jamais à rien. Mais il la comprenait mieux que quiconque, cette impression d'être un poids pour le monde. Il y a longtemps, presque trop, ce sentiment était le sien.

« Tu devrais disparaître ? C'est ce que tout le monde se dit à un moment, Tala. Moi le premier. Mais ça n'avancerait à rien. Ça ferait juste encore une perte, pour tout le monde. »

Son visage regagna petit à petit un air content, un air ravi, presque nostalgique. Il voulait lui apprendre à vivre et à comprendre la vie. C'était important, capital même. Son regard, lorsqu'il le porta sur elle, pétillait de bonheur :

« Finalement, est-ce que vivre pour eux n'est pas plus bénéfique ? Tu peux apporter beaucoup au monde, Tala, tu dois seulement y croire. »

Elle pleurait toujours, elle sanglotait, se brisait pour, peut-être, mieux se reconstruire. C'était ce qu'il espérait, du moins. Il lui proposa la confiance mutuelle, un début d'amitié sans doute. Il s'engageait auprès d'elle, elle devait en faire de même. Il voulait qu'elle en fasse de même. C'était tout ce qu'il osait espérer. Qu'elle se livre, qu'elle lui parle. Cherchant à ne pas la presser, à conserver le calme si ténu de la demoiselle, il continua de manger, constatant non sans plaisir que son plat était aussi bon qu'il en avait l'air. Mais ses espoirs tombèrent bien vite à l'eau. En une phrase.

« J-je suis désolée. Je me suis emportée, je... n'aurais pas dû. Je suis ridicule. »

Phrase peu sincère qui vit l'apparition de beaucoup d'autres, dont le seul avantage était d'être suffisamment vides et inopinées pour lui permettre de voir au travers. Il se sentit immédiatement fort contrarié, incapable d'empêcher son incroyable frustration de conquérir tout son corps. Les mauvaises habitudes de Tala reprenaient le dessus, et le profond sentiment d'impuissance qui le saisit alors manqua de le faire tiquer. Au lieu de cela, il afficha un sourire et, terminant son assiette – qu'y pouvait-il ? Un chien des Enfers avait toujours faim – se redressa.

« Bon, nous allons faire quelque chose. »

Un sourire malicieux se glissa sur ses lèvres, de ces expressions presque félines qui envoûtaient parfois, inquiétaient souvent. Ash avait quelque chose derrière la tête.

Se levant, il alla se poster au milieu du salon, dont il avait poussé quelques meubles pour pratiquer sa discipline favorite. Le regard qu'il fixa sur Tala était plein d'attente, d'amusement et, s'il était franc, de défi. Elle voulait mentir ? Il allait contourner sa technique.

« Me rejoindras-tu ? Je veux te faire faire quelque chose. Tu me fais confiance ? »

Elle avait tout juste le choix, si elle voulait maintenir le front qu'elle se forçait à porter. Cette fois-ci, il ne cachait rien de néfaste, aucun piège, aucune entourloupe. Il voulait lui faire pratiquer... un exercice. Elle devrait le prendre ainsi. Il leva les mains en l'air en signe d'innocence, fixant de ses yeux pourpres ceux de jade.

« Je te promets de ne pas te toucher et de ne rien faire de mal. »

Il la savait hésitante, était même persuadé qu'elle ne voulait pas vraiment et une part de lui restait persuadée qu'elle refuserait. Néanmoins Ashton ressentait comme un besoin de lui montrer, une urgence palpitante et une excitation tout juste contenue. Il ne devait pas la brusquer. Il devait rester calme et doux, une plume et un mur à la fois, quelqu'un sur lequel elle puisse s'appuyer sans crainte. Il serait son rempart. Alors il attendit. Il attendit de voir doucement sur le visage poupin la méfiance s'évaporer, attendit de pouvoir observer le choix dans le regard émeraude, attendit d'être le spectateur du premier mouvement. Lorsqu'elle hésita de nouveau, il sourit. C'était une expression toute simple, un air content et ravi qu'il portait sans cesse, comme une promesse. Elle ne craignait rien, à ses côtés. Il voulait simplement essayer quelque chose.

Il patienta ainsi jusqu'à la sentir à sa gauche, légèrement en retrait. Un hochement de tête, un remerciement soufflé dans la petite pièce. Soudain, il parlait :

« Je ne te demanderai pas de parler. Les mots ça ne sert pas toujours à grand chose, et si tu ne les aimes pas, rien ne sert de le faire. Alors tu n'as pas besoin de me le dire. Ce que tu peux faire, en revanche, c'est t'exprimer avec autre chose. »

Il lui adressa un regard pétillant de joie :
« Avec ton corps par exemple. Mais pas tout de suite. Avant... Tu dois me faire confiance, d'accord ? Suis-moi. »

Charismatique mélange de sensualité et de candeur, la voix d'Ashton prononçait des ordres comme des conseils. Ce n'étaient même pas des commandes, en soi. Il désirait simplement qu'elle essayât avec lui. Si elle ne pouvait être franche avec ses mots, peut-être le pourrait-elle au moins avec ses membres. Il fallait seulement qu'il l'aide à faire le premier pas. Pour la rassurer, pour lui montrer le chemin, il fut le premier à fermer ses paupières. Le néant était apaisant, l'avait toujours été. Lentement, il relâcha tout son corps.

« Essaie de t'imaginer être de la guimauve. Tu en as déjà goûté ? C'est délicieux, et c'est absolument mou. Tu dois être molle. Regarde : si tu me pousses maintenant, je tombe. »

Un éclat de rire pour dissimuler un acte de confiance. Il avait sans doute l'air ridicule, mais ne s'en préoccupait pas. À quoi bon ? C'était le principe même. Le voyant ainsi, elle comprendrait qu'il ne retiendrait rien contre elle. Elle devait savoir qu'il ne se moquerait pas d'elle. Pas cette fois.

« Ne pense à rien, ce n'est pas le but. Tu te laisses aller. Essaie de le faire, s'il te plaît. Ce n'est rien de mauvais. »

C'était même tout le contraire. Immédiatement, il entama de profondes respirations qui achevèrent de le détendre. Cet exercice lui procurait toujours un bien fou, un sentiment de paix qu'il adorait par dessus tout. Il espérait désormais le transmettre à Tala. Pour la suite des événements, il devait être certain qu'elle soit relaxée, suffisamment du moins pour qu'il puisse s'attendre à la voir le suivre. Un sourire se dressa sur son visage, plus fort et plus délicat que tous les autres.

« Maintenant, une fois que c'est fait, tu vas... penser à une musique. Dis-toi que c'est la musique de tes sentiments. Tu es la seule à l'entendre. Je n'en saurai jamais rien, d'accord ? Ce sont tes sentiments. Tu dois les laisser aller et guider ton corps et... »

Il préférait faire une démonstration. Lentement, sa main s'agita, puis le mouvement remonta le long de son bras et saisit ses épaules. Il pensa à Elise, songea que sans doute cette technique lui plairait, se remémora de tous les moments qu'ils partageaient ensemble. Il se souvint de sa vie, de la douceur des matins à Cuba et de la chaleur caniculaire des après-midis en Inde. Il se rappela la joie, la tristesse. Quelques notes se formèrent dans sa tête et il se trouva bientôt à humer une mélodie hasardeuse, esquissant quelques pas sur le parquet. Ce qu'il faisait ne ressemblait à rien, c'était même tout bonnement risible, tant les gestes étaient mal improvisés et la chorégraphie maladroite. Mais la danse le relâchait. Il se vidait l'esprit quelques instants et, bientôt, son sourire s'élargit. Les mouvements furent plus larges, plus épanouis, son visage aussi.

« Je ne te regarde pas faire, souffla-t-il. Tu peux faire comme bon te semble. Essayer ou te rasseoir, je te laisse le choix. J'aimerais simplement que tu comprennes l'objectif de la danse... C'est comme un dialogue, mais il est muet, et ton seul interlocuteur, c'est toi-même. Peu importe ce que tu fais, je ne pourrai pas te voir, c'est une bonne occasion, ne penses-tu pas ? »
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeJeu 8 Oct - 1:35

Tout explosa. Le cœur de Tala, son âme, ses armes, ses larmes, tout, absolument tout, s'effondra avec les premiers mots d'Ashton, sans lui laisser aucun répit. Elle n'était soudainement plus rien, plus rien d'autre qu'une plaie à vif, une plaie qui s'était mortellement infectée et qui, lentement, était en train de s'offrir à la mort. Et il le savait. Il le savait, et il le disait. Il le disait, et il la regardait tout en le faisant. Ashton ne craignait rien, ne savait rien, ne se préoccupait de rien, et pour la première fois de sa vie, de cette nouvelle vie qu'on l'avait obligée à se construire dans les larmes et dans le sang, il lui sembla apercevoir un mince faisceau de lumière. Les sanglots défilaient, la secouaient, la torturaient, et la douleur la déchirait. Sa vie toute entière était à nouveau pesée par un Dieu qui l'avait abandonnée depuis longtemps et, avant même que celui-ci ne puisse rendre son verdict, sa haine vint la condamner, s'infiltra par tous les pores de sa peau, noya son regard et rendit toute tentative supplémentaire aussi vaine que pourrait l'être un navire pour braver les flammes. Il n'y avait pas d'espoir pour les lâches, pas plus qu'il n'y en avait pour les monstres. Et Tala répondait à chacun de ces critères. La seule façon dont elle pourrait aider le monde était dans sa propre mort. Un sourire ironique plana sur ses traits fatigués, puis le masque reprit sa place sur le visage brisé.
Tala mentit. Beaucoup, peut-être trop, laissa un sourire de façade animer son visage et débuta son repas enveloppée d'une armure de mensonges tous plus vides les uns que les autres. À mesure qu'elle ouvrait la bouche, ils la recouvraient, la chérissaient, la berçaient dans un monde d'illusions pour mieux pouvoir la torturer de leurs caresses aux allures de rasoir. C'était facile, de mentir. Il suffisait de se laisser aller, de parler et de laisser couler, de ne pas retenir et de pourtant tout contenir, de s'étouffer pour mieux se protéger. C'était facile, de mentir, et Tala se laissa prendre au jeu sans plus résister. À quoi bon ? Elle n'avait pas besoin de lumière. Elle n'en méritait pas. L'accepter aurait été une façon de la salir, de la rendre aussi monstrueuse qu'elle, et cette splendide lueur d'espoir n'avait pas à être abîmée par elle, non. Il y avait certainement quelqu'un, ailleurs, qui la mériterait et qui saurait s'en saisir, et Tala n'avait pas à priver cette personne-là de cette chance.

« Bon, nous allons faire quelque chose. »

Elle sursauta. Le nez plongé dans son assiette à terminer son plat -succulent au demeurant- elle ne s'était pas attendue à une telle réponse. Le silence d'Ashton suite à ses propres paroles l'avait tout d'abord déstabilisée, puis elle s'en était accomodée : s'il ne répondait rien, elle n'avait pas à se justifier davantage.

« P-pardon ? »

Comme toujours, la jeune femme se sentit pitoyable. Ses réponses étaient pitoyables, son attitude était pitoyable et elle-même, du plus profond de son âme, était pitoyable. Ne se décourageant cependant pas -il était nécessaire de faire bonne figure- elle regarda Ashton se lever sans comprendre et s'installer au milieu du salon. Lui-même semblait s'amuser, comme en témoignaient sourire et regard, bien qu'elle ressente autre chose dans ce dernier, comme une pointe de... défi. Décidément, elle ne parvenait pas à suivre. Sa tentative pour noyer son vis-à-vis sous les faux-semblants avait-elle été concluante, ou... ?

« Me rejoindras-tu ? Je veux te faire faire quelque chose. Tu me fais confiance ? » 

Une part d'elle-même hurla que c'était bien le cas, qu'elle lui faisait confiance et qu'il ne devait pas en douter. La seconde, plus sinueuse mais aussi plus présente, hésita. Que voulait-il lui faire faire... ? Avait-il été dupe ou allait-il une nouvelle fois déjouer ses mensonges un à un jusqu'à ruiner les bases toutes neuves de son armure... ? Dans ce cas, elle ne pouvait pas prendre ce risque. Ce n'était pas un jeu auquel elle voulait jouer, pouvait jouer, sans risquer de se fragiliser plus encore qu'elle ne l'était déjà. Le prix à payer était trop grand. Et s'il la touchait, elle-...
Il leva les mains en l'air et planta ses yeux dans les siens, comme s'il lisait en elle. Tala eut un bref mouvement de recul, instinctif, et lui rendit un regard incertain. Jusqu'à ce qu'il ouvre à nouveau la bouche et déverse en elle un flot de confiance instinctive.

« Je te promets de ne pas te toucher et de ne rien faire de mal. »

Il venait de promettre de ne pas faire ce qu'elle craignait le plus. Il l'avait promis, et Ashton était du genre à tenir ses promesses. Il l'avait promis. Logiquement, elle pouvait lui faire confiance, non... ? Oui, mais si ça n'était pas le cas... ? De longues minutes passèrent, durant lesquelles elle laissa l'incertitude la plus totale marquer ses traits. Puis Tala décida qu'elle ne pouvait pas laisser le doute s'emparer d'elle, pas encore. Forte de la conviction selon laquelle Ashton était un homme de parole, elle le rejoignit, se plaçant tout de même à quelques pas de distance.

« Je ne te demanderai pas de parler. Les mots ça ne sert pas toujours à grand chose, et si tu ne les aimes pas, rien ne sert de le faire. Alors tu n'as pas besoin de me le dire. Ce que tu peux faire, en revanche, c'est t'exprimer avec autre chose. Avec ton corps par exemple. Mais pas tout de suite. Avant... Tu dois me faire confiance, d'accord ? Suis-moi. »

Il y avait trop de joie dans ses propos pour que ceux-ci soient innocents. Ashton vivait trop bien ses mensonges et Tala ne pouvait pas croire qu'il les avait tous avalés. Il y avait cette première rencontre qui, toujours, martelait son esprit et lui rappelait qu'il n'était pas vraiment dupe. Un énième regard méfiant plus tard, elle l'observa fermer les yeux et se détendre comme elle ne le pourrait jamais. Elle était toujours sur le qui-vive, crispée au possible et jamais en sécurité. Où pouvait-elle l'être lorsque le monstre vivait en son sein... ?

« Essaie de t'imaginer être de la guimauve. Tu en as déjà goûté ? C'est délicieux, et c'est absolument mou. Tu dois être molle. Regarde : si tu me pousses maintenant, je tombe. »

De la guimauve. Ashton voulait qu'elle se prenne pour de la guimauve. Petite, elle avait eu droit à cette douceur plus d'une fois et se rappelait la mollesse de cet aliment, mais, très honnêtement, elle ne se sentait pas capable de la reproduire. Elle était plus dure qu'un bout de bois... ! Et puis il y avait cette dernière phrase, comme un test, un défi, quelque chose qui la rendait immanquablement méfiante. Voulait-il vérifier qu'elle ne le ferait pas ou... s'abandonnait-il sincèrement à elle... ? Elle ne savait pas, et le doute la rongeait bien trop fort pour qu'elle se risque elle-même à fermer les yeux, de toute façon.

« Ne pense à rien, ce n'est pas le but. Tu te laisses aller. Essaie de le faire, s'il te plaît. Ce n'est rien de mauvais. »

Une nouvelle fois, il sembla à Tala qu'Ashton venait de lire en elle, comme le prouva le léger sursaut qui s'empara d'elle. Un regard en coin lui apprit qu'il n'en avait rien vu et la jeune femme se décrispa légèrement. Elle aurait été bien en mal de lui expliquer pourquoi elle avait paniqué, après tout. Au lieu de ça, elle décida une nouvelle fois de lui faire confiance, et ferma les yeux à son tour. Au début, elle se crispa dans un réflexe naturel : aveuglée, elle était vulnérable. Mais bientôt, en exécutant les exercices de respiration du jeune homme, Tala sentit son corps céder et se détendit légèrement. Avec le temps, elle se sentit même plus légère et décrispa certaines parties de son corps. Elle était encore très loin d'être aussi molle qu'une guimauve mais au moins, désormais, elle était tout aussi loin du bout de bois.

« Maintenant, une fois que c'est fait, tu vas... penser à une musique. Dis-toi que c'est la musique de tes sentiments. Tu es la seule à l'entendre. Je n'en saurai jamais rien, d'accord ? Ce sont tes sentiments. Tu dois les laisser aller et guider ton corps et... »

Tala dût rouvrir les yeux pour découvrir ce qui suivit. Ashton dansait, et il dansait visiblement bien. De plus, ces mouvements qu'il était le seul à comprendre semblaient lui apporter, pour une raison qu'elle ne comprenait pas, une satisfaction certaine. Un temps, la jeune femme se prit même à l'envier. Puis elle s'offrit de nouveau à l'obscurité pour suivre les instructions du canidé. Une musique... Le mot était vaste, et elle n'était pas de ces hommes et de ces femmes pour qui la musique naissait naturellement. Pourtant, Tala pensait pouvoir le faire. Elle devait parvenir à le faire, de toute manière. Et puis la perspective qu'Ashton ne la regarde pas la rassurait, car elle avait un peu honte. Honte de se montrer autrement que pour mieux se dissimuler, honte de la personne qu'elle était et honte de vivre.

« Oui... C'est une bonne occasion, c'est vrai... T-tu me promets de ne pas regarder, hein...? »

Après ça, Tala tenta véritablement de se lancer. Ce fut là l'un des échecs les plus cuisants de toute son existence. Quoiqu'elle fasse, aucune note ne naquît dans son esprit. Quoiqu'elle tente, ses bras restaient ballants, jamais guidés par la mélodie qu'elle était censée créer sans y parvenir. Pourtant, elle essayait. Elle tentait de reproduire sa froideur, son plaisir de la solitude et le fait qu'elle était une femme forte qui n'avait pas besoin de contact en vain. Elle essayait, mais rien ne naissait dans son esprit, rien d'autre qu'une frustration terrible et colérique qui s'abattit bientôt sur le monde. D'un mouvement rageur, elle se jeta sur le canapé sans même ouvrir les yeux, simplement à l'instinct. Heureusement pour elle, elle n'en prit nullement conscience et enfouit son visage dans un coussin où elle rumina tristement. Au bout de quelques instants, elle protesta.

« ... C'est nul. Je n'y arrive pas. »

Un temps, le silence. Puis, plus bas, si bas que seul un légendaire aurait pu l'entendre, elle ajouta.

« … Je suis nulle. »

Très ironiquement, face à l'honnêteté qui perça sa carapace, une première note naquit dans son esprit. Tala éclata d'un rire sans joie et se laissa aller à cet élan de vérité qui semblait l'emporter.

« C'est pas la peine de vouloir m'aider, Ashton. Je suis une cause perdue. On n'aide pas les causes perdues. Je vais rentrer, tu seras mieux sans moi. »

Pourtant, elle ne se releva pas, resta là, la tête dans son oreiller, plus immobile que jamais. Le silence reprit ses droits avant qu'elle ne le rompe à nouveau.

« … J'ai pas vraiment envie de partir... »

Toujours effondrée dans son coussin, Tala laissa lentement les mensonges fuir une vérité qui glissait sur sa peau avec fluidité.

« En fait, je suis ridicule. J'ai pas envie de partir. J'ai pas envie que tu veuilles que je parte. J'ai envie que tu me dises de rester, et je voudrais vraiment te dire la vérité, Ash, mais j'y arrive pas. C'est plus fort que moi, je ne dois rien dire, je ne peux rien dire, je ne veux rien dire, aussi. Ce doit être ça. Je suis tellement pitoyable, tellement lamentable que je souhaite rester dans ma nullité. »

Un éclat de rire plus vide encore que les précédents s'éleva dans les airs.

« J'espère que tu me pardonneras... »

Puis, une dernière fois, Tala s'accrocha à l'espoir qu'Ashton semblait représenter par sa simple présence. Par cette révélation, elle sentit une fièvre imaginaire lui monter, alors que ses joues se teintaient de la rougeur de la honte.

« … En fait, je crois que j'ai peur de tout, Ash. Même de ça, même de te dire la vérité. Parce que j'ai peur que tu puisses me voir comme moi je me vois. »

Un dernier geste, un dernier souffle, offert dans un élan de vérité qui expira avec cette énième prise de parole.

« Je crois que j'ai peur que tu m'abandonnes. T-tu sais... ? Il y a longtemps il... Il y avait quelqu'un qui... qui... que je... I-il y a longtemps, il y avait quelqu'un pour qui j'aurais donné ma vie. Et finalement, c'est moi qui la lui ai prise. Alors qu'il m'aimait sincèrement, et qu'il était prêt à accepter n'importe quoi venant de moi, Ash. »

Un court instant, on eut pu croire qu'elle s'arrêterait là. Mais il n'en fut rien. Son cœur entier se sacrifia au nom des mots qui quittèrent bientôt ses lèvres.

« Il était même prêt à accepter le monstre et moi je... Je l'ai tué. Je l'ai tué, Ashton. J'ai tué la seule personne qui m'a aimée jusqu'à la mort. »

Le coussin, devenu soudain le plus précieux de tous ses alliés, étouffa sa voix en même temps que ses larmes. Tala eut la pensée qu'elle n'aurait jamais dû dire ces mots-là, puis elle s'abandonna à la peine. Cet instant faisait partie de ceux, si terribles, où les bras de Louis lui manquaient. Mais la réalité si cruelle se chargeait de lui rappeler que plus jamais elle ne pourrait s'y trouver. Simplement car elle avait tué la seule personne avec qui elle se sentait vraiment en sécurité. Elle avait condamné le seul endroit qu'elle aurait pu définir comme un havre de paix à cause de sa monstruosité. Tout était à cause d'elle. Et c'était pour ce crime, ainsi que tous les autres qu'elle n'avait pas même le droit de désirer s'y replonger... Car désormais, elle était seule. Seule dans une obscurité qui la terrifiait et dans laquelle elle s'était irrémédiablement perdue.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeVen 9 Oct - 23:21

« ... C'est nul. Je n'y arrive pas. »

Cela était, pour le moins, une évidence. Un sourire amusé se dessina sur les lèvres d'Ashton tandis qu'il interrompait son mouvement. Presque à contrecœur, il s'arracha au jardin secret qu'il avait constitué dans son esprit pour revenir à la réalité. Une réalité dans laquelle l'attendait une jeune femme en manque de... tout. C'était fou, ce besoin terrible de vie qu'il sentait émaner d'elle, cette dualité entre rage de vaincre et profond laisser aller. Il ne parvenait pas à s'y habituer. À chaque fois qu'il se tournait vers elle, sentait son aura, la voyait, c'était la même chose. Déconcerté, interloqué, presque choqué. Une âme grise. Une âme floue, qui n'avait ni forme réelle ni couleur, telle une sombre tâche que traînerait Tala et qui, au lieu de flotter légèrement autour de son corps, pesait sur chacun de ses membres. Comme si sa vie elle-même voulait échapper à son ressort. D'une certaine manière, cela lui allait bien. Elle fuyait, elles fuyaient. À vrai dire Ash avait su dès sa proposition que la louve échouerait. Comment aurait-elle pu réussir ? L'objectif de cet exercice était de se recentrer sur soi-même, impossible donc de l'accomplir si on refusait de se regarder dans le miroir. Toutefois, il ne pouvait nier une certaine fierté à savoir que la jeune femme avait au moins essayé : il n'en avait pas espéré tant. Loin de ce qu'elle semblait penser, Tala était loin d'être une cause perdue.

« Je vais rentrer, tu seras mieux sans moi. »

Faux. Elle mentait encore, se mentait à elle-même et se voilait la face avec un tissus si épais qu'il doutait de sa capacité à le lui arracher. Elle se cherchait des excuses. Le canidé se tourna pleinement vers elle, observa de son regard pourpre la silhouette recroquevillée sur le canapé, le visage enfoui dans un coussin comme pour oublier jusqu'à sa présence en ce lieu. Une légère frustration se fit sentir. Il eut voulu la voir, la confronter. C'était impossible.

Il ouvrit la bouche, près à rappeler à la jeune femme qu'il n'était pas né de la dernière pluie et que ses mensonges s'essoufflaient bien vite en sa présence, mais elle le devança :

« … J'ai pas vraiment envie de partir... »

Un sourire s'épanouit sur le visage blême du chien des Enfers. Enfin. Enfin, elle était franche. Cela lui coûtait-il donc à ce point ? La vérité était dure, certes, mais quelqu'un pouvait-il se permettre de vivre en se dissimulant à elle ? Ashton était persuadé que non. Tala, bientôt, prouva son hypothèse. Car comme si sa langue déliée aspirait maintenant à livrer le moindre de ses secrets, la louve se mit à parler. Parler comme elle avait pleuré : désespérément, pleinement, avec une sorte de terreur viscérale dans le regard qu'il comprenait tout juste. Elle avoua tout, ses sentiments, ses terreurs, alla même jusqu'à dévoiler ses envies. Il sourit davantage, ravi de voir que la jeune femme acceptait enfin de se confier. Puis il attendit le reste, de peur de l'arrêter dans une lancée phénoménale s'il osait lui répondre. Cela viendrait en temps et en heure.

Le flot furieux de paroles ne cessa qu'après plusieurs tirades, tirades au cours desquelles il en apprit beaucoup plus sur la jeune femme que quiconque auparavant, du moins fût-ce son avis. Tout devint alors plus clair, pour lui comme pour elle semblait-il. Elle observait enfin son identité telle qu'elle était, à nue et sans aucun masque, aucun maquillage et aucun mensonge. Elle, et juste elle, et elle se regardait comme la personne qu'elle avait toujours été. Ce que Tala semblait toutefois oublier, c'était qu'un individu dans toute sa modestie ne pouvait être parfait. Elle ne parvenait guère à se rappeler qu'en chaque être vivant demeurait un monstre, chacun de catégorie différente mais tous aussi voraces les uns que les autres. Oui, ils étaient des créatures, des bêtes, des choses, et lorsque celles-ci s'arrachaient à leur pouvoir ils se réveillaient avec du sang sur les mains et la mort dans l'âme, ramenés brusquement à une réalité qu'ils n'avaient jamais demandée : celle du meurtre. Cela faisait d'eux des coupables, et il ne le niait pas. C'était une vérité immuable que nul ne pouvait effacer. Néanmoins, cela ne faisait pas nécessairement d'eux des responsables. Qu'un humain, et Ash défiait n'importe lequel d'entre eux, tentât de maîtriser le Chien, qu'il essayât de l'enfermer derrière les barreaux de son esprit et y parvînt au prix du sang et de la douleur, alors seulement il concéderait d'être considéré comme fautif. Il en allait de même pour la louve. Tala avait du, sans aucun doute, affronter une nature qu'elle se pensait la seule à endosser, et ce depuis son âge le plus tendre. Pouvait-on seulement lui demander de maîtriser un corps qu'elle ne connaissait pas ? Lui-même était bien trop proche de cette expérience pour répondre à la positive. Il ne savait que trop bien la sensation déroutante d'être dans une catégorie que nul n'a rencontré et que tous pensent endémique. Toutefois selon lui, loin de les rendre immonde, cette particularité les rendaient... spéciaux. Ils étaient riches de leur différence, ils devaient en faire un joyau, quelque chose dont on eut pu se vanter. Ashton n'avait aucune honte d'être celui qu'il était, Tala n'eut pas dû en avoir non plus. Mais il comprenait.

On ne sortait jamais de la mort d'un être aimé indemne, plus encore si sa disparition était – involontairement ou non, directement ou non – de sa faute. C'était de ces sensations que ne quittent pas le cœur et le corps avant que celui-ci ne trépassât, de ces terribles sentiments d'alourdissement de l'âme, une pesanteur coupable qui tuait de l'intérieur. Ash savait. Et soudain le comportement de la demoiselle avait tellement, tellement plus de sens. Au puzzle, on avait ajouté une pièce qui avait ajouté à l'image d'ensemble des contours si définis qu'on eut pu espérer voir le dessin s'échapper de son enveloppe de bois et, sait-on jamais, s'envoler. Il voulait faire voler Tala. Un air doux s'imprima sur son visage alors qu'il s'avançait vers la jeune femme pour s'asseoir, en tailleurs, devant elle.

« Je suis désolé. Vous ne méritiez pas ça, personne ne le mérite d'ailleurs. »

Les mots étaient sincères et en portait chacun la volonté. Il n'eut souhaité l'expérience de la jeune louve à personne. Ses pensées se tournèrent vers Evelyn, Evelyn dont la mort l'avait tant brisé, Evelyn dont la disparition avait fracassé son monde entier. Il s'imagina un instant, tenta de se mettre à la place de cette demoiselle qui lui faisait face, visualisa le Chien. Imagina l'avoir tuée. Un frisson manqua de le parcourir, et il le retint in extremis. En toute sincérité le canidé ne souhaitait pas même songer à ce qu'il serait devenu. C'était terrible. Un fardeau immense pesait sur les épaules de la louve et il était impuissant. Toutefois, il pouvait agir désormais. Un sourire, lentement, se dressa sur ses lèvres percées.

« Je ne vais pas te dire que ce que tu as fait est bien, ce serait sans doute bête de ma part. Mais je sais ce que c'est, de tuer, de ne pas le vouloir mais de le faire quand même, et d'ouvrir les yeux sur du sang qui macule notre corps. Je sais. Je comprends. J'ai moi-même tué des gens à qui je ne souhaitais que du bien. »

Il pensa aux matelots qui avaient eu le malheur de croiser son chemin lors d'une tempête tropicale, un soir, à Singapour, et à encore toutes ces autres fois où son monstre avait choisi d'engloutir ceux à qui il tenait le plus. Il reprit :

« Ce n'était pas de ta faute. Ce n'était pas de la mienne. On fait tout notre possible pour empêcher ces choses d'arriver mais parfois ce n'est pas suffisant. Tu ne connaissais rien de ton espèce, pas vrai ? C'est pareil pour moi. Tu ne peux pas lutter contre un ennemi que tu ne connais pas. Maintenant, tu sais ce que tu es et, par chance, il y a tout un tas de moyens de maîtriser les loups. Ce cauchemar là est terminé. Et puis tu as d'autres personnes qui sont là, qui le resteront. Un tas de gens comme toi, sur Paris, Tala. Tu n'es plus seule dans ton cas, et ce n'est pas grave. Tu n'as pas besoin d'être parfaite, ni pour vivre, ni pour que je t'apprécies, ni pour danser. Quant à l'abandon... »

Passant une main dans sa chevelure de jais, il se releva lentement. Son expression se fit confiante, malicieuse. Cette fois-ci Ashton était sûr de lui. La preuve qu'il s'apprêtait à fournir à son interlocutrice était inébranlable : elle ne pouvait lui faire du mal comme elle en avait fait à son amant. Se dirigeant vers la cuisine, il prit soin d'entretenir la conversation.

« Je suis immortel, Tala. C'est-à-dire que je suis né avec ce corps que tu vois là, tatouages en moins, et un peu moins massif, mais avec le même âge. J'avais ce corps, et je le garderai jusqu'à... Je ne saurais te dire quand l’Éternité est censée s'arrêter. Et en plus de cela, j'ai une immunité à tout ou presque. Je me suis battu contre plus fort que toi, même sous forme de louve, et j'ai survécu sans peine. »

Ouvrant un tiroir, il en sortit un couteau et entreprit de jouer avec du bout des doigts. Il s'avança jusqu'au canapé, maintenant toutefois une bonne distance entre elle et lui avant de démontrer son expérience. Il dévoila sa paume à la vue de la jeune femme et, doucement, de manière à ne pas l'effrayer, à ce qu'elle puisse se faire à l'idée de ce qu'il était en train d'accomplir, la parcourut de la lame affûtée. La peau se fendit sans résistance sous le regard insensible du canidé. Immédiatement, un filet de sang s'écoula de la plaie nouvelle en de fines gouttelettes qui, se nourrissant les unes les autres, grossirent rapidement. L'hémoglobine, qui se reflétait si bien dans les yeux bichromes d'Ashton, n'eut pourtant jamais le temps d'atteindre le sol. Car déjà, face au regard vert de Tala, la plaie se refermait. La sensation était un peu désagréable, une sorte de picotement auquel on ne se faisait jamais vraiment. L'efficacité, elle, n'était plus à démontrer. Satisfait seulement lorsqu'il put montrer à la louve une main immaculée, il attendit que cela fût le cas pour la porter à ses lèvres et lécher le sang qui menaçait de tâcher son parquet. Il se tourna et jeta le couteau dans l'évier, de loin, un sourire suave peint sur sa bouche pâle.

« Ce n'est pas seulement une question de volonté, Tala. Même si tu le voulais, tu ne pourrais pas me tuer. C'est impossible pour toi. Si j'avais fait cela même avec un couteau d'argent, une lame bénite ou je-ne-sais-quel autre artefact, le résultat eut été similaire. Je ne peux pas mourir ainsi. Me battre contre un autre est d'une inégalité déconcertante. »

De nouveau, il se rassit et regarda la jeune femme dans les yeux, cette expression ravie toujours au visage. Il voulait désormais partager, et cela passait par diverses choses.

« Merci d'avoir été franche. Merci de m'avoir tout dit, j'espère que tu te sens mieux et que tu comprends que nous n'avons pas à craindre l'un de l'autre. Merci d'avoir été sincère avec toi-même. »

Son sourire s'élargit.

« Si tu fermes les yeux maintenant, tu devrais pouvoir entendre la mélodie. Ce n'est pas grave si elle est triste, mélancolique, ou même très peu coordonnée, très courte, interrompue. L'important c'est de la ressentir. Prête ? »

Lui l'était plus que jamais.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeLun 19 Oct - 23:45

Tout avait été révélé. Tout avait été dit, tout avait été exprimé, et Tala se retrouvait à nue sous le regard du seul qui, en cet instant, aurait pu la condamner d'un simple geste. Elle était là, petite flamme fragile offerte aux vents glaciaux d'une peine farouche, et attendait son jugement. Elle était là, et la vérité la drapait de souffrance plus encore que tous les mensonges du monde. Tout du moins en avait-elle l'impression. Elle l'entendit approcher, ce juge d'une soirée, elle l'entendit s'accroupir, peut-être s'était-il assis, mais elle ne quitta pas la chaleur réconfortante de son si cher coussin. Pouvait-elle se le permettre ? Non, bien sûr que non. Elle avait été faible. Elle avait été stupide. Et désormais, elle le payait en donnant les pleins pouvoirs à un homme qu'elle craignait autant qu'elle l'appréciait. Son destin, en cet instant précis, ne se résumait qu'au mot, au geste, peut-être, qui suivrait l'ensemble de ses déclarations. Lorsque la voix d'Ashton se leva, Tala eut la furieuse impression de voir la lame d'une guillotine s'abaisser sur sa nuque. Mais si tel était le cas, ce furent des ailes d'ange qui lui poussèrent dans le dos en retour de la terreur l'ayant tuée.

« Je suis désolé. Vous ne méritiez pas ça, personne ne le mérite d'ailleurs. »

Soudain, le silence. Les sanglots s'étaient tus, assassinés par les mots du jeune homme. Il était là, vraisemblablement assis sur le sol, et il ne la jugeait pas. Mieux encore, il faisait ce qu'elle-même n'avait jamais su faire, jamais pu faire, il compatissait pour son malheur. Et quel malheur... Celui-ci avait signé son avenir, avait marqué sa vie non pas au fer rouge mais l'avait tatouée directement dans le sang. Un sang qui n'était pas le sien, ne le serait jamais, jamais avant qu'elle ne trouve le courage nécessaire pour se t-...

« Je ne vais pas te dire que ce que tu as fait est bien, ce serait sans doute bête de ma part. »

Oh oui, cela aurait été idiot de la part d'Ashton, et elle était ''heureuse'' de l'entendre formuler ce fait. S'il avait justifié son crime, la beauté de ses phrases précédentes se serait estompée, s'oubliant à jamais dans les abîmes d'une pitié qu'elle ne voulait nullement voir naître. Au lieu de ça, il compatissait mais comprenait la gravité de ses actes et peut-être, peut-être que lui, au moins, comprendrait l'absolue nécessité de sa mort. Mais Tala se trompait. Et elle le découvrit lorsqu'il reprit la parole et qu'enfin, elle se risqua à quitter le confort de son coussin pour dévisager celui à qui elle avait pris le risque -insensé- de se confier.

« Mais je sais ce que c'est, de tuer, de ne pas le vouloir mais de le faire quand même, et d'ouvrir les yeux sur du sang qui macule notre corps. Je sais. Je comprends. J'ai moi-même tué des gens à qui je ne souhaitais que du bien. »

Ce qu'il savait, ce qu'il comprenait, c'était le fait d'être un monstre. Tala sursauta et eut un brusque mouvement de recul, non pas envers Ashton, mais envers elle-même. Malheureusement, il était impossible de se fuir soi-même, peu importe la force avec laquelle on tentait cet exploit. Elle détourna le regard et se mordit la lèvre. Ashton n'était pas un monstre. Il n'était pas comme elle et elle n'avait pas le droit de le penser. Pas plus qu'elle n'avait le droit de s'identifier à lui...
Lui, il était la lumière là où elle n'était et ne serait jamais rien d'autre que l'obscurité la plus totale.
Lui, il était l'espoir auquel elle n'aurait jamais droit. Elle, elle était la déception la plus absolue qui soit. Et comme toute lueur d'espoir qui se respecte, Ashton poursuivit son discours pour mieux l'en nimber.
Il effaça leur responsabilité d'un revers de la main, lia leurs histoires pour les rendre indissociables, peut-être inconsciemment pour éviter qu'elle puisse faire de lui une étoile lorsqu'elle ne se voyait pas autrement qu'une erreur. Ce fut bénéfique. Elle ne pouvait pas se dire monstre sans attacher ce mot au jeune homme et tout, absolument tout en elle lui hurlait qu'il n'était pas cela, pas lui, pas cet homme qui lui offrait un pardon qu'elle désirait depuis si longtemps sans jamais l'obtenir. Puis soudain, Ashton prit un virage et aborda ce sujet, ce mot qu'elle haïssait tant. Dans un réflexe imbécile, la voix de Tala s'éleva en un soupir plaintif, absolument pas convaincu par ce qu'il exprimait.

« J-je suis une humaine... »

Ahah. Même elle, en cet instant, n'y croyait pas. Elle avait tort, et elle le savait. Ashton lui-même ne crut pas bon de relever sa phrase et poursuivit en lui annonçant que le cauchemar de plusieurs années ne serait plus. Aussitôt, Tala détourna les yeux. Elle ne pouvait pas soutenir son regard, c'était impossible. Elle ne pouvait pas non plus lui avouer qu'elle revivait systématiquement les nuits d'horreur où la lune s'était voulue seul témoin de ses actes. Au lieu de ça, elle se contenta de retenir des larmes tout aussi terribles qu'elle...

« J-je ne suis pas comme eux, Ashton, tu ne comprends pas... »

Et cela, c'était peut-être vrai. Peut-être qu'il ne pouvait pas comprendre, lui, le seul, l'unique de son espèce qui ne se découvrirait jamais de semblables. Peut-être qu'il ne pouvait pas saisir pourquoi elle, qui avait cette ''chance'', ne serait jamais des leurs. Comment pouvait-elle lui en vouloir, de toute façon ? Elle n'avait pas été élevée par un loup, ou quoique ce soit d'autre. Elle avait été élevée par des humains, comme une humaine, et ne comprenait pas ce monde qui s'étendait désormais face à elle. Toujours, elle avait l'espoir saugrenu qu'il s'efface, se referme loin d'elle, emportant la chose logeant en son sein au passage. Malheureusement, jusque là, il s'était avéré que c'était un rêve impossible et que seule la mort pouvait changer les choses. La mort... Ce fut justement le sujet qu'aborda son vis-à-vis, à présent relevé face à elle. Si Ashton s'était tu à ce moment là, il y a fort à parier que Tala se serait enfermée dans ses sombres pensées.

« Je me suis battu contre plus fort que toi, même sous forme de louve, et j'ai survécu sans peine. »

Le mot louve lui arracha un nouveau sursaut, mais cette fois, elle ne protesta pas. Le reste du discours d'Ashton avait bien plus d'importance que ses pauvres scrupules, et Tala se montra particulièrement attentive jusqu'à ce qu'il sorte un long couteau bien trop effilé à son goût de l'un de ses tiroirs. Alors, la jeune femme devint blanche comme un linge. Lorsqu'il revint à ses côtés, Tala eut la certitude qu'il allait bien faire ce à quoi elle pensait. Aussitôt, son esprit rejoignit sa propre lame, bien à l'abri sous son lit et qui n'attendait que la morsure de sa chaire pour se nourrir de son sang. Elle avala difficilement sa salive, refréna les larmes qui lui montèrent aux yeux et supplia Ashton.

« N-non, Ashton, s'il ne plaît n-... »

Trop tard. La lame fendit la peau comme s'il s'était agit de beurre et le sang se mit à couler. Alors l'horreur figea les traits de Tala comme jamais auparavant. Il. Saignait. Et c'était dû à un couteau. De ce qu'Ashton put bien lui dire après cet instant, Tala n'entendit rien. Elle s'était soudainement redressée sur le canapé et, assise comme elle l'était désormais, elle observait la goutte qui menaçait de tomber sans pouvoir s'en détacher. Du sang. C'était du sang. Alors que sa main se crispait sur l'une de ses cuisses, la louve se rappela à quel point elle détestait la couleur rouge. Et un bref instant, elle quitta le présent pour un passé bien plus sombre. Pourtant, lorsqu'Ashton monta sa main jusqu'à ses lèvres, ses yeux suivirent le processus sans parvenir à s'en détacher. Toutefois, il n'y avait plus, face à elle, que la couleur et l'odeur si caractéristique du sang. Quand dans sa bouche, Tala eut le souvenir du goût cuivré, elle eut un brusque mouvement de recul et manqua de crier. Seule sa respiration se coupa. Quand Ashton se rassit, ce fut comme si elle ne le voyait plus vraiment.

« Merci d'avoir été franche. Merci de m'avoir tout dit, j'espère que tu te sens mieux et que tu comprends que nous n'avons pas à craindre l'un de l'autre. Merci d'avoir été sincère avec toi-même. »

Sursaut d'angoisse et violent retour à la réalité. Les yeux verts se figèrent dans ceux couleur de sang. Merci. Il... lui disait merci. Mais pourquoi ? E-et comment pouvait-il arborer pareil sourire qu-quand il... ? Elle ne savait pas, ne comprenait plus, ne cherchait plus à comprendre. Et de toute façon, l'important n'était pas là. L'important, c'était...

« N-ne refait- refais plus jamais ça. S'il... s'il te plaît, Ashton. »

Son teint toujours blême, son regard toujours horrifié, Tala tenta ensuite de comprendre pourquoi il la remerciait. Ça ne pouvait pas être aussi dur de retrouver quelque chose qui venait de se produire. Qu'est ce qu'il avait dit, déjà... ?

« Merci d'avoir été franche. »

Il l'avait remerciée de sa franchise... et logiquement, il-...

« Merci de m'avoir tout dit, j'espère que tu te sens mieux et que tu comprends que nous n'avons pas à craindre l'un de l'autre. Merci d'avoir été sincère avec toi-même. »

Oui, voilà. C'était ça. I-il était heureux qu'elle se soit confiée à lui. E-et il avait raison lorsqu'il disait qu'elle n'avait rien à craindre de lui, elle le savait. Ce n'était d'ailleurs pas sa faute si elle était si stupide et si le moindre geste pouvait la terroriser. Il n'avait pas voulu qu'elle subisse ça, elle en était persuadée. Ashton était une lumière, quelqu'un de bon et de gentil, quelqu'un qui ne souhaitait que son bonheur sans comprendre qu'elle devait mourir pour s'accomplir. Mais ce n'était pas grave, ça, parce qu'il n'avait pas fait ce geste pour vérifier quelque chose qu'il ne pouvait pas même imaginer. C'était tout ce qui comptait. C'était tout ce qui comptait...

« Si tu fermes les yeux maintenant, tu devrais pouvoir entendre la mélodie. Ce n'est pas grave si elle est triste, mélancolique, ou même très peu coordonnée, très courte, interrompue. L'important c'est de la ressentir. Prête ? »

Non, elle ne l'était pas. Mais elle devait l'être, ou tout du moins tenter, afin de faire plaisir à Ashton. Il attendait qu'elle le fasse, et elle le ferait. Elle n'avait, après tout, qu'à se concentrer suffisamment pour oublier le... malheureux geste commis par son vis-à-vis. Oui. C'était même l'idéal, qu'elle tente maintenant cet exercice. Ça ne pouvait pas mieux tomber. Alors, Tala hocha la tête sans savoir où tout cela la mènerait. Si elle avait su ce qu'il se passa ensuite, il y a fort à parier qu'elle n'aurait jamais accepté.

« J-je vais essayer... »

Son ton n'était rien d'autre qu'un murmure qui mourut à l'instant même où elle ferma les yeux. L'horreur qu'elle découvrit dans l'obscurité de son propre regard fut sans nom. Elle les rouvrit aussi vite qu'elle le put et agrippa soudainement l'oreiller qu'elle avait précédemment abandonné en secouant la tête.

« J-je peux pas, Ashton, je ne peux PAS ! »

Les iris qu'elle lui dédia étaient consumés par la peur. Car lorsqu'elle avait osé s'enfermer dans son monde, elle n'y avait vu que le sang. Et cette fois, il ne s'était pas agi du sang d'Ashton, ni même celui de Louis. Non, celui qu'elle avait revu en un flash était le sien.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeJeu 22 Oct - 12:03

La perle de sang n'avait eu le temps de s'éclater sur le sol. Ashton l'avait cueillie du bout des lèvres, une part de lui savourant lugubrement le goût ferreux du liquide vital tandis qu'il l'effaçait de sa peau. Son regard pourpre coula jusqu'à celui de Tala, s'étonnant de voir là se refléter la peur dans son absolu le plus total. Il fronça légèrement des sourcils, confus. Eut-elle été affolée de l'étendue de ses pouvoirs, il eut compris sans peine. Mais c'était différent. Là où il s'attendait à la trouver étonnée, inquiète même de constater à quel point sa puissance s'étendait au delà de l'imagination, il se trouvait spectateur d'une terreur viscérale qui n'avait pour cible que Tala elle-même.

« N-ne refait- refais plus jamais ça. S'il... s'il te plaît, Ashton. »

Il pencha la tête sur le côté, incapable d'assimiler les émotions de son interlocutrice. S'il n'avait jamais eu peur du sang, c'était pourtant celui-ci qui paraissait tenir la jeune femme dans une hypnose macabre. Ash connaissait mieux que quiconque la sensation de l'hémoglobine répandue partout sur son corps, sur le sol, dans les tréfonds de l'âme jusqu'à ne plus pouvoir se débarrasser du goût ignoble qui roulait sur sa langue. Cela ne le terrifiait sans doute pas autant que c'eut dû le faire. Le liquide en lui-même n'était que la conséquence d'actes commis par lui seul. Sa responsabilité, sa culpabilité. Il n'avait pas à craindre sa propre nature, seulement à la combattre. Mais peut-être que Tala voyait là tout autre chose.

« C'est d'accord. Je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur. »

Son ton, tout aussi incrédule que l'expression perdue qu'il lui adressa. Être un chien noir le privait apparemment de la compréhension de certaines réactions. Toutefois, en aucun cas cela ne l'empêchait de se montrer compatissant et compréhensif. Alors il remercia la jeune femme, pour tout ce qu'elle se trouvait à faire à son égard. Un sourire se glissa sur ses lèvres, sincère, aimant, joueur. Cela sembla tout juste détendre la demoiselle, dont le comportement commençait à sérieusement l'inquiéter. Une réaction si violente ne pouvait être causé par un seul événement isolé. Ashton craignait soudain d'avoir déterré quelque chose qui n'eut jamais dû l'être, pour elle du moins. Toutefois, peut-être cela valait-il mieux pour elle : garder tous ces secrets, tous ces mensonges, toute cette douleur ne pouvait être recommandable.

Il proposa de poursuivre. De tenter le jeu, de nouveau. De se plonger en elle-même, d'apprendre à chanter, à danser pour extérioriser ces sentiments qui l'étouffaient. Il voulait lui prouver qu'elle pouvait le faire. Qu'elle était capable de ce que bon lui semblait. Avec hésitation, la jeune femme essaya, mais tout juste ses yeux se fermèrent-ils qu'Ash savait déjà ce qui allait se produire.

« J-je peux pas, Ashton, je ne peux PAS ! »

La peur, la terreur, la panique. Elle tremblait. C'était de ces émotions si puissantes qu'elles en contaminaient tout un corps. Ashton se redressa, se rapprocha, prêt à la prendre dans ses bras, à déposer tout du moins sa main sur la frêle épaule qui frémissait sous la pression de sensations qu'elle fuyait depuis trop longtemps. Puis il se souvint. S'il l'approchait Tala se détacherait complètement de la réalité, elle s'enfermerait dans l'épouvante pour en ressortir plus détruite encore que ce n'était déjà le cas. Il y eut une seconde de flottement. Le canidé avait passé sa vie à toucher, à aller vers les autres et rendre compte de leur existence en palpant leur peau, en serrant leurs doigts, en sentant leurs corps contre le sien. Il était un homme de contact, depuis toujours, depuis la naissance même de sa conscience. C'était la seule manière qu'il connaissait de rassurer, de réconforter, d'approcher, de séduire. Ashton touchait, et c'était ainsi que se construisaient ses relations avec autrui, fussent-elles bonnes ou mauvaises. Ne pouvoir le faire le plongeait dans un désarroi sans pareil.

Il plongea son regard pourpre dans celui de Tala, cherchant là des réponses. Que devait-il faire ? Comment la calmer ? Il ne savait trop comment agir pour ne pas la perdre plus encore. Il lui fallait quelque chose d'apaisant qui n'impliquait aucune proximité physique. Quelque chose qui la ramène à lui sans qu'il n'ait à le faire par le bout de ses doigts. Ses yeux se détournèrent un instant, parcourant sa pièce à vivre avec intérêt et sérieux.

La réponse vint comme une évidence. Ashton se souvenait fort bien de la période où, seul, il devait trouver un moyen de se réconforter, de faire fuir le Chien et ses propres démons. Parfois, cela lui arrivait encore. Un sourire doux, presque mélancolique vint s'épanouir sur son visage alors qu'il se remémorait la chanson, sa première chanson de marins, qui ramenait avec elles tant de souvenirs qu'elle le transportait toujours. Il ferma les yeux.

« When I was a little lad, so my mother told me... »

Depuis toujours, cette simple comptine le calmait. Cela ne fonctionnerait peut-être pas sur Tala, mais c'était pour le moment sa seule alternative.

« Way, haul away, we'll haul away Joe !
That if I did not kiss a gal, my lips would grow all moldy, timmy !
Way haul away, we'll haul away Joe ! »


Sa voix partait seule, connaissant par cœur son chemin sur le rythme jovial de la mélodie. Il espérait de tout cœur que, de même que lui, celle-ci saurait calmer le flot tumultueux des sentiments de Tala. Il poursuivit avec force dans le silence de l'appartement, se laissant joyeusement porter par la mémoire que soulevaient les paroles. Son cœur se gonfla d'un bonheur mélancolique qui apporta un sourire de plus en plus grand à son visage.

« King Louis was the King of France
Before the Revolution,
Way, haul away, we'll haul away Joe ! »


Il finit calmement et sans se presser, ne faisant guère attention à Tala plus que nécessaire. La jeune femme n'avait pas besoin de le savoir focalisé sur elle. Chanter ainsi lui faisait plaisir, le faire pour elle ne lui posait aucun soucis. Le regard qu'il lui adressa, une fois le silence revenu, pétillait de malice.

« Tu aimes ce genre de chansons ? »

Détourner le sujet pour mieux l'aborder. La bloquer ne les mènerait à rien de toute manière. Ashton était parfaitement content ainsi, à échanger avec elle, à discuter, à apprendre à la connaître. Elle devait lui faire confiance avant tout autre chose. Il sourit, détachant finalement son regard d'elle pour le porter à son cendrier, avec lequel il entreprit de s'amuser.

« On me l'a apprise au large des côtes espagnoles, il y a une petite éternité de ça. Depuis je m'en sers quand j'ai besoin de me détendre... »

Une expression éclatante fut adressée à la jeune femme, sans espoir même d'une réponse. Ash parlait dans le vent, au hasard d'une discussion qu'il était le seul à mener, sans doute. Peu importait. Si Tala l'écoutait, il avait gagné. Le regard vermeille retourna s'encrer dans la forêt des iris de son interlocutrice. Ils avaient tant de choses à se dire... Elle pensait être seule, dans une situation sans issue, quand elle n'était jamais qu'aveugle à tout ce que le monde lui offrait. Elle pensait être impuissante, un cas aussi désespéré que son cœur, quand elle avait une vie entière devant elle. Son avenir n'était bloqué que par elle-même. Pouvait-elle le comprendre ?

Ashton tendit la main jusqu'à ce que ses doigts soit à la portée de ceux de la demoiselle, un doux sourire aux lèvres. Il n'approcherait pas plus.

« Say, Tala... Est-ce que tu pourrais me toucher ? Ne serait-ce que me frôler ? » (Dis, Tala...)

Il ne fléchit devant aucune émotion, préférant par dessus tout poursuivre son parcours.

« Juste l'extrémité. Tu ne peux rien me faire avec le bout de ton index, regarde... »

De lui se dégageait une force immuable qu'il était le seul à pouvoir s'arracher. C'était ainsi qu'il fonctionnait : maître de son destin, maître de ses erreurs, maître de ses réussites. Il misait tout sur eux, ensemble, ne perdait pas son temps à douter, agissait en dépit de tout. Il était là pour apprendre Tala à danser, il lui apprendrait aussi à vivre. Son sourire, désormais, se voulait trop lumineux pour laisser place à une quelconque obscurité.

« Le bout de mon doigt, Tala. Rien de plus. Qui pourrait bien se faire du mal avec ça ? Personne, hm ? Ce seront juste nos peaux, collées ensemble. Rien de plus. »

Dans son regard, l'espoir. Sur son visage, l'invitation. La suite était entre les mains de Tala.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeDim 25 Oct - 19:34

Elle n'entendait plus rien, ne voyait plus rien, ne sentait plus rien, rien d'autre que l'atroce morsure du couteau d'argent contre sa chaire, le sang qui coulait, coulait, encore et encore, tâchait le parquet de son appartement et se mêlait à ses pleurs. Soudain, elle ne voyait plus que la mort, n'était plus vraiment là, perdue dans un univers de ténèbres qu'elle ne reconnaissait pas. Qu'elle connaissait trop bien. Qu'elle arpentait sans arrêt. Brusquement, il n'y avait plus qu'elle, loin, si loin de la réalité qu'elle avait cru pouvoir saisir. Vain. Tout était vain. Ça l'avait toujours été, et ça le serait toujours. Il n'y avait plus qu'elle, elle et le sang qui coulait encore et encore, comme si soudain, ses veines avaient hurlé leur fin et son âme, sa faim. Puis tout à coup, il y eut un regard, ce regard d'une profonde douceur devenu accusateur. Louis. C'était Louis. Et elle l'avait tué... La terreur la dévora plus encore, les tremblements redoublèrent et Tala chercha à fuir, fuir sans y parvenir un délire qui n'appartenait qu'à elle. Ses mains se resserrèrent sur le coussin qu'elle tenait contre son cœur, ce cœur étranger qu'elle ne comprenait plus. La réalité n'avait plus de prises sur son être. Elle n'appartenait désormais plus qu'à ses horribles cauchemars. Et il lui semblait que rien ni personne ne pourrait jamais l'en sortir...

« ...me... »

Ce ne fut d'abord rien d'autre qu'un mot, attrapé au vol de ses angoisses, simple hasard au cœur de la tornade. Tala sursauta comme si celui-ci l'avait brûlée, comme si la réalité qui la mordait était plus terrible encore que ses fantômes, ceux qui, en pensée, la rongeaient inlassablement. Puis c'en fut un second, et même un troisième. Enfin, une phrase entière parvint à pénétrer son univers. Tala décida de s'y accrocher avec la force du désespoir. Alors, sa bulle éclata. Et progressivement, le sang disparut de son imagination.

« ...Way haul away, we'll haul away Joe ! »

La voix d'Ashton était un phare dans la nuit, une ancre dans l'océan déchaîné qu'elle traversait et un abri au cœur de la tempête. Il la ramenait vers le rivage, doucement, presque tendrement, sans jamais la brusquer, prenant garde à ne pas la laisser s'échouer, comme s'il se préoccupait sincèrement de son état. Et c'était peut-être vrai, après tout. Peut-être se souciait-il véritablement de ce qu'elle ressentait, de la terreur affolante qui la comprimait toute entière dans une étreinte meurtrière. Peut-être voulait-il vraiment l'aider... Mais la dernière fois qu'on avait voulu l'aider pour de vrai, rester avec elle dans un instant aussi noir que celui-ci elle av-...

« ...de chansons... ?
- NON ! »

Le cri quitta ses lèvres alors qu'elle enserrait plus fortement le coussin dans ses bras et plantait ses iris dans ceux d'Ashton. Il était soudain devenu la bouée de sauvetage qu'on lui avait jetée alors qu'elle dérivait, afin qu'elle puisse à nouveau hisser la tête hors de l'eau. Soudain, son cri lui parut pitoyable. Surtout qu'il avait posé une question, à laquelle elle avait répondu par un hurlement de terreur. S'accrochant plus encore au regard si atypique du jeune homme, Tala tenta de se justifier. Sa voix mourut lorsqu'Ashton détourna les yeux sur un ailleurs qu'elle ne saisissait pas. Il était brusquement devenu tout son monde, le seul lien qu'elle possédait avec une réalité qui filait si terriblement entre ses doigts. Elle ne répondrait plus. Elle ne répondait plus. La seule chose qu'elle fit durant les minutes qui suivirent fut d'écouter, écouter la voix si calme et si tranquille qui la maintenait dans le monde où elle devait s'ancrer. Puis Ashton fit ce à quoi elle s'attendait le moins. Il tendit la main vers elle. Alors, tous ses efforts s'écroulèrent et elle qui s'était pratiquement calmée se retrouva pratiquement à étrangler son coussin. Elle recula si brusquement qu'elle en fit bouger le canapé. Sa respiration s'accéléra et les larmes lui montèrent aux yeux. Yeux qu'elle planta désespérément dans ceux d'Ashton, dans ces yeux rouges, de cette couleur qu'elle avait toujours détesté.

« Say, Tala... Est-ce que tu pourrais me toucher ? Ne serait-ce que me frôler ? »

Non. Non, elle ne pouvait pas, ne devait pas, ne voulait pas, c'était interdit, c'était proscrit, prohibé, impossible. Elle n'avait pas le droit de le toucher. Ni lui, ni personne. Et malgré son sourire si doux, si calme, elle ne prendrait pas le risque. Elle ne voulait plus voir de sang, plus de rouge, plus rien, rien qui puisse lui rappeler l'horrible liquide. Elle voulait être normale, et ne voulait plus rien risquer, plus jamais, plus jamais, plus jam-...

« Juste l'extrémité. Tu ne peux rien me faire avec le bout de ton index, regarde... »

Elle sursauta. Tala s'était encore perdue dans cet autre monde de terreur qu'elle cherchait pourtant à fuir. Alors elle s'accrocha, s'accrocha au regard rouge, au regard doux, doux malgré sa couleur, doux malgré son origine, doux malgré ses propres réactions. Elle s'accrocha, et écouta. Elle ne pouvait pas lui faire de mal... ? Il ne savait rien, elle ne voulait plus de sang, plus de rouge, rien que du blanc, ou du noir. Oui, le noir, le noir de l'évanouissement, ou celui de la m-
NON ! Pas elle, pas elle, pas elle, p-...

« Le bout de mon doigt, Tala. Rien de plus. Qui pourrait bien se faire du mal avec ça ? Personne, hm ? Ce seront juste nos peaux, collées ensemble. Rien de plus. »

Le bout du doigt... Le bout du doigt, c'était tout ce qu'il voulait. Rien de plus. C'est lui qui le disait. Il ne voulait rien de plus. Il voulait simplement qu'elle touche son doigt. Un doigt. Rien d'autre. Un doigt. Un simple doigt... Ses yeux s'ancrèrent plus encore dans le regard si atypique de son vis-à-vis, cherchant là le courage qu'elle n'avait plus. Un doigt. Il ne voulait qu'un doigt, rien d'autre. Il l'avait dit. Elle l'avait entendu. Ashton ne mentait pas. Il détestait les mensonges. Il ne lui ferait pas de m-... Non, elle ne lui ferait rien. Ashton était gentil. Il n'allait pas la forcer à le faire. Il ne voulait qu'un doigt, un simple doigt, rien d'autre. Mais c'était tellement difficile, de lui offrir ce doigt, ce contact si simple aux yeux du monde et pourtant si compliqué... ! Le contact était dangereux. Elle le savait. Seul un monde de solitude les protégeait d'elle. Elle le savait. Elle en avait été témoin. Mais Ashton était différent... ! Ça aussi, elle le savait. Il lui avait dit des choses, tout plein de choses, et il av-... Il ne craignait pas ses coups. Il était plus que ça. Pas vrai... ? Sa gorge se serra, ses yeux ne quittèrent pas les siens. Elle avait besoin de son regard, de sa force, de sa douceur, de son courage. Elle avait besoin de lui, de tout ce qu'il représentait, de tout ce qu'elle ne serait jamais et, qu'un jour, elle finirait par abandonner. C'est alors que Tala se rendit compte d'une chose, et cela la bouleversa. Pour la première fois depuis plus de deux ans, elle désirait ce contact. Elle avait envie de toucher ce doigt, de les laisser se frôler, s'approcher et se rencontrer. Elle en avait envie, mais la peur la paralysait. Les larmes aux yeux, le cœur au bord des lèvres, Tala délia tout doucement ses mains du coussin. Ce fut se faire violence que de lever son bras, tout aussi lentement que précédemment. Chaque mouvement lui prenait de longues minutes, trop, trop longues minutes, dans un silence presque absolu, simplement coupé par les respirations terrifiées qui s'échappaient d'entre ses lèvres de temps à autre. Puis soudain, avant même qu'elle ne réalise, son doigt heurta celui d'Ashton, provoquant chez elle un brusque mouvement de recul. Et pourtant, elle y revint. Elle revint accoler son doigt à celui du canidé qui n'avait pas cillé. Il n'avait pas peur. Ni d'elle, ni pour lui, ni de rien. Il ne la craignait pas. Elle était seule à ressentir de la terreur. Alors, progressivement, Tala se détendit. Il n'était pas mort par son simple contact. Elle n'avait rien fait de mal. Et peut-être qu-...
Non, c'était idiot. Elle était idiote. Désirer plus que le contact de leurs doigts lui était interdit. La jeune femme se concentra sur le regard rouge. Pour la première fois depuis longtemps, elle trouva belle la cruelle couleur de ces yeux-là. Alors, cette fois, une larme coula. Elle fut la seule à heurter le sol. Et les démons reculèrent.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeDim 25 Oct - 22:37

Tala était terrorisée. C'était un sentiment qui semblait l'habiter de manière perpétuelle et inlassable, un fantôme tentaculaire qui refusait de lâcher prise, de lui céder le moindre instant de laisser aller. Alors, pour la première fois, Ashton réalisa que Tala n'était pas libre. S'il avait depuis longtemps compris qu'elle plaçait sur ses propres poignets les entraves d'une monstruosité dont elle ne connaissait rien – car elle n'était jamais qu'une enfant inexpérimentée, loin de ce dont lui-même pouvait être qualifié, il fallait le signifier – il n'avait jamais assimilé l'étendue des dégâts qu'elle infligeait à son esprit comme à son corps. À quel point pouvait-on se refuser de vivre ? Cette question le hantait tout entier. Soudain, l'aura grise de la jeune femme prenait son sens, morbide et triste, macabre et sombre. Le regard pourpre du canidé se teinta d'un profond sentiment d'incompréhension. Pourquoi ?, semblait-il demander. Pourquoi se faire tant de mal ? Pourquoi renies-tu la vie qui t'habite, Tala ? Tendant la main vers elle, il perçait un abcès que nul n'avait encore osé reconnaître. Combien ont refusé de t'aider ? Il pénétrait un monde qu'aucun autre ne connaissait. Combien as-tu repoussé ? Il osait faire ce qu'elle désirait et craignait au delà de tout. Combien de temps as-tu espéré et repoussé cet instant ?

C'était pourtant un geste tout simple, presque ridicule. Il ne faisait que lui offrir ses doigts, qu'avancer vers elle d'un tout petit pas. Le cœur un peu serré, Ash réalisa que personne ne l'avait ne serait-ce qu'esquissé avant lui, ce maigre mouvement. C'était si peu, un petit rien, un bien moindre effort. Au fond, peut-être était-il spécial. Pour la première fois sans doute, sa monstruosité pourrait sans doute aider quelqu'un. C'était une pensée presque réconfortante, d'une certaine manière, douce et chaleureuse. S'il pouvait amener Tala à comprendre à quel point elle se fourvoyait sur sa vie, il le ferait. Dans son esprit, tout était soudain clair. C'était une promesse qu'il se faisait. Jamais elle n'irait au delà de la pensée, par conscience que la louve refuserait toute aide explicite, mais il l'appliquerait, encore et encore. Il allait lui apprendre à vivre. Doucement, un sourire plus grand saisit le visage taillé dans l'ivoire.

Tala hésitait. Tala avait toujours hésité, et sans doute continuerait-elle ainsi encore longtemps. Ce n'était pas grave. Ashton était patient et, s'il le fallait, le serait pour deux, quatre ou cent. Peu lui importait, au fond. Il avait toute sa journée, une éternité même s'il en croyait ce qu'on disait sur son espèce. Il pouvait attendre. Il attendrait. Son regard de sang, ce sang qui faisait si peur à sa compagne, se planta dans celui de la jeune femme. Il la vit lever la main, lentement, presque à contrecœur, ne bougea pas. Seul son sourire, ce sourire qu'on eut pris pour un défi envers le monde entier, s'agrandit encore un peu. Il pétillait. Il était joyeux pour deux. S'il n'était pas indifférent à la détresse palpable qui agitait la louve, il s'en servait pour nourrir son enthousiasme contagieux. Le canidé, il fallait dire, n'avait jamais été du genre à abandonner. Lorsqu'on abandonnait pas, jamais, la vie finissait par se lasser de jeter des crasses sur son chemin, et on arrivait à ses fins plus abîmé et plus heureux que quiconque, du moins était-ce son avis. Ash était cabossé, plein de cicatrices que personne ne voyait, craquelé de part en part, mais il était plus fougueux, plus résistant et plus jovial que bien des gens. Son audace payait toujours. Elle paierait encore en ce jour, ou un autre. Il en avait la certitude.

Et il avait raison. Car l'instant suivant vit le doigt de Tala frôler le sien, le fuir avant de revenir timidement à lui. En réponse, Ashton appuya plus fort. Elle n'était pas la seule à participer, elle n'était pas la seule à faire cet effort qui lui semblait insurmontable. Ils étaient ensemble. C'était ainsi qu'ils devaient fonctionner à partir de cet instant. Il sourit davantage. Ensemble. Pour le meilleur et pour le pire, sans doute plus pour le pire que pour le meilleur. Ils étaient partenaires. Le regard qu'il adressa à la demoiselle était brillant de joie.

« Parfait, c'est génial. Tu entends, Tala ? Génial. Tu as été parfaite. »

Il pencha la tête sur le côté, le visage fendu d'enthousiasme :

« C'est agréable, non ? J'aime bien, personnellement. »

Sa voix débordait d'une euphorie rendue ridicule par l'invraisemblance de la situation. Pourtant, son bonheur était réel. Il se contentait de peu, donnait beaucoup, recevait encore plus selon son avis. Être avec Tala le poussait plus encore vers ces extrêmes émotionnels, comme s'il désirait lui communiquer son envie de vivre avec les sentiments qui se reflétaient dans son attitude.

Son regard vermeille encore empli d'étoiles, il approcha lentement son majeur de celui de la louve. C'était une invitation. Il ne la touchait pas encore, lui montrait cependant qu'il comptait bien le faire. Il sourit :

« Tu veux bien ? J'apprécie vraiment ce contact. Ça ne te dérange pas ? »

Désormais, la bulle était percée, et il espérait pouvoir vider une bonne partie du poison qu'elle contenait. Son interlocutrice n'avait pas besoin de ça, n'en avait jamais eu besoin. C'était une barrière qu'elle s'imposait inutilement, comme pour protéger les autres et son cœur d'elle-même. Mais Ashton n'était pas vulnérable, n'était pas une victime. Il était le pire des monstres, leur mascotte déguisée derrière une conscience bien fragile parfois. Nul besoin d'avoir peur lorsqu'on était le principal danger dans la pièce. Cela, toutefois, peut-être que Tala ne le savait guère. Alors, pour la détendre, il proposa :

« Tu veux chanter avec moi ? »

Apparemment, la musique détendait la jeune femme. Cela tombait fort bien : il adorait s'offrir aux exquises intonations des mélodies populaires. C'était dans celles-ci qu'il avait mûri, entre les langues chaudes et celles plus strictes, avec des gens peu fréquentables, des chenapans ou bien des sages. L'idée de partager ces musiques l'emplissait d'une liesse sincère qui se reflétait sur son visage. Un léger battement, un frisson d'amusement dans le dos du canidé. Sans finalement attendre l'aval de sa compagne, il choisit la chanson la plus populaire de son répertoire et, lentement, commença à fredonner :

« Un roi d'Espagne, ou bien de France,
Avait un cor, un cor au pied;
C'était au pied gauche, je pense ;
Il boitait à faire pitié. »

La comptine était peu sérieuse, légère. Les mots roulaient agréablement sur sa langue pour s'envoler, animant toute la pièce d'une ambiance plaisante. La peur, peut-être, perdait enfin du terrain. Son sourire s'agrandit :

« Tu reprends avec moi ?
Un roi d'Espagne, ou bien de France,
Avait un cor, un cor au pied;
C'était au pied gauche, je pense ;
Il boitait à faire pitié. »


Il voulait être certain qu'elle le suive. C'était important. Au moins, elle devait être obnubilée par la chanson, trop pour remarquer qu'il frôlait chacun de ses doigts, les unissant plus encore dans un parcours qui devrait les mener à la Danse. Pour le moment, il n'en était rien. Il préparait le terrain, s'en contentait difficilement.

« Les courtisans, espèce adroite,
S'appliquèrent à l'imiter,
Et qui de gauche, qui de droite,
Ils apprirent tous à boiter. »


Un sourire apaisé sur les lèvres, le regard pourpre entrelacé avec celui de jade, il chantait avec joie et entrain. D'abord frôlement, le toucher de leurs majeurs s'appuya sous le rythme gai qu'il entamait sans guère s'en lasser. Il fredonna quelques instants, laissa le chant peupler le silence, l'envahir et l'embellir. C'était ainsi qu'il envisageait leurs progrès : hésitants, chancelants, mais toujours volontaires. Espérant de tout son cœur ne pas paniquer sa compagne, il poursuivit, dansant du bout des doigts qui touchaient ceux de Tala.

« On vit bientôt le bénéfice
Que cette mode rapportait;
Et de l'antichambre à l'office,
Tout le monde boitait, boitait. »


Là, il s'autorisa de nouveau à rapprocher son auriculaire de celui de la demoiselle. Le processus était lent, mais cela ne le gênait pas. La patience était de mise en cet après-midi.

Et de patience il usa avec bonne mesure. Lentement, strophe par strophe, il s'autorisa à lier sa main à celle de la louve, se prenant à jouer avec leurs doigts entrelacés à mesure qu'ils se joignaient l'un à l'autre. Son sourire était désormais brillant, illuminant le visage qu'il donnait l'impression d'engloutir. Son désir était évident : alléger l'atmosphère.

« "Sire, quelle erreur est la vôtre !
Je suis criblé de cors ; voyez :
Si je marche plus droit qu'un autre,
C'est que je boite des deux pieds." »

Le regard sang était pétillant de malice lorsqu'il termina la dernière strophe, les cinq doigts de leurs mains désormais joints par leurs extrémités. Il fredonna de nouveau la fin de la chanson, par plaisir pur sans doute, et par espoir de permettre à Tala de se mettre à l'aise avec leur position. Il la savait tendue, cherchait simplement à la détendre un peu. Le toucher était presque là, au fond.

« C'était bien, non ? »

Un sourire innocent, un visage affable, et une chaleur entre leurs doigts. Peut-être cette après-midi pouvait-elle bien finir ?

Pouic !:
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeLun 26 Oct - 0:14

Il avait le sourire d'un ange. Ce sourire était lumière sur son chemin, un chemin si obscur qu'elle l'avait perdu de vue depuis trop longtemps. Et lui, il arrivait dans sa vie, n'était que joie, que bonheur, que force et que courage, et toutes ces choses qui émanaient de lui irradiaient comme les rayons du soleil qu'il était. Dans un ciel trop longtemps offert à la nuit, il était apparu pour rendre sa vie aux éclats du jour et Tala sentait son cœur battre différemment dans sa poitrine. Elle ne l'expliquait pas. Plus tard, elle devait comprendre qu'Ashton lui avait rendu l'espoir...

« Parfait, c'est génial. Tu entends, Tala ? Génial. Tu as été parfaite. »

Elle sursauta, manqua de stopper le contact dans ce mouvement, mais s'y accrocha comme si sa vie en dépendait. Le contact humain lui faisait du bien, un bien qu'elle saisissait à peine, appréciait un peu trop et qu'elle aurait du mal à abandonner lorsque le moment serait venu. Parce qu'il viendrait. Elle n'avait pas le droit, absolument pas le droit de faire de cette sensation oubliée une habitude. Elle devait savourer ce toucher et l'oublier à tout jamais. Parce que ce n'était pas pour elle, qu'Ashton était une exception et qu'on était en plein jour. Il y avait trop de risques, trop de risques à lui faire subir plus que ça, que ces simples doigts collés l'un à l'autre et auxquels elle s'accrochait si désespérément. Ses yeux, encore mouillés, s'autorisèrent à quitter un instant le regard pourpre pour observer de plus près le contact naissant, ce contact qu'elle n'avait plus cherché elle-même depuis trop longtemps. Cela lui sembla merveilleux, comme le plus précieux de tous les bijoux, comme l'essence même de la vie. Quelque chose, quelque part en elle, se sentit revivre. Et mourrait à nouveau à l'instant même où tout ceci cesserait...

« C'est agréable, non ? J'aime bien, personnellement. »

Tala plongea de nouveau ses iris de jade dans ceux de son vis-à-vis et hocha silencieusement la tête. Elle n'avait pas envie de mentir. Pas cette fois. Elle aimait ce qui se passait présentement, à la manière d'une assoiffée à qui l'on aurait offert une gorgée d'eau. Mais c'était mal. Une part d'elle en voulait plus, l'autre lui hurlait de tout abandonner et, écartelée qu'elle était, Tala ne savait plus qui écouter. Un sourire, si pâle et si fragile qu'il mourut à la fin de sa phrase, se glissa sur ses lèvres avec timidité.

« C'est vrai... Moi aussi j'aime bien... »

Sa voix n'avait été qu'un souffle, offert au vent plutôt qu'à son partenaire lui-même, comme si immortaliser cet instant dans la valse des mots avait pu le rendre encore plus beau. Mais Ashton approcha bientôt un autre de ses doigts vers sa main, et Tala se sentit soudain angoissée. Rien qu'un doigt. Il avait dit rien qu'un doigt, et elle y avait consenti parce que ça n'était qu'un doigt. Rien qu'un. Plus, ce serait dangereux. Elle ne devait pas lui faire de mal. Elle ne devait pas s'habituer à cette sensation. Elle n'avait pas le droit à plus d'un doigt et c'est un regard alarmé, marqué par le doute et rendu à la peur, qu'elle lui offrit de nouveau.

« Tu veux bien ? J'apprécie vraiment ce contact. Ça ne te dérange pas ? »

Elle ne savait pas ce qu'elle voulait, se sentait dérangée et en même temps très attirée par cette idée, et en son sein cohabitaient deux pensées contraires, dont l'une souhaitait céder au canidé. C'est pour cette raison que Tala ne trancha pas, ne fit aucun choix, ne hocha ni ne secoua la tête, paralysée par une indécision pour laquelle elle culpabilisait déjà. Sa raison lui hurlait d'ôter sa main. Immédiatement. Avant qu'il ne soit trop t-...

« Tu veux chanter avec moi ? »

Si elle voulait... chanter ? La peur céda sa place à la surprise dans les yeux de Tala. Elle ne savait pas quoi répondre, ne savait pas si c'était une bonne idée, si cela se faisait, de chanter sans raison véritable et sans que cela ne soit un métier, et ne savait pas si elle devait même accepter. Et s'il était déçu en l'entendant ? Tala ne le remarqua pas, mais tout à ses tracas, elle en oublia la réalité du second doigt qui, bientôt, rencontrerait le sien...

« Un roi d'Espagne, ou bien de France, 
Avait un cor, un cor au pied; 
C'était au pied gauche, je pense ; 
Il boitait à faire pitié.
 »

Le regard de Tala s'écarquilla. Cette chanson, c'était l'une des nombreuses apprises durant son enfance. Le pâle sourire revint timidement sur ses lèvres, ragaillardi par les mots qui s'échappaient des lèvres pleines du jeune homme.

« Tu reprends avec moi ? »

L'hésitation se refit une place dans la forêt de ses yeux, mais ne put gouverner longtemps sur l'esprit de la jeune femme. Entrouvrant les lèvres, d'une voix si hésitante que le moindre remous aurait pu la briser, Tala se laissa aller à la secrète envie de chanter qui siégeait en son cœur.

« U-un... roi d'Espagne ou bien de France...
A-avait un cor... un cor au pied...
 »

Forte des premiers vers de la mélodie, sa voix se fit plus forte, et son esprit se concentra. Cela faisait longtemps... si longtemps qu'elle n'avait pas fredonné ces paroles... Il lui semblait que c'était dans une toute autre vie.

« C'était au pied gauche, je pense...
Il boitait à faire pitié...
 »

Cette fois-ci, pas d'hésitation. Les mots naissaient à la commissure de ses lèvres avec plus d'aisance et s'envolaient vers le ciel, portés par les ailes dont les dotait Ashton.

« Les courtisans, espèce adroite... »

Son sourire, toujours aussi timidement, s'octroya le droit de s'élargir un peu plus. Tala fixait le jeune homme droit dans les yeux et puisait sa force dans les iris rouges. Ils enflammaient la forêt de son regard, faisaient fondre jusqu'à la pierre de Jade et changeaient, doucement mais sûrement, le droit qu'elle se refusait à pouvoir chanter en public.

« S'appliquèrent à l'imiter...
Qui de gauche, qui d-...
 »

Temps d'arrêt, frayeur fugitive, leurs majeurs s'étaient rencontrés. L'hésitation, un instant, puis le retour à la mélodie, après deux longues respirations angoissées. Tout allait bien. Ashton poursuivait la chanson sans se préoccuper, continuait de lui sourire et de lui transmettre sa force par les yeux qu'il lui offrait. Elle le rattrapa à la fin du couplet au détour duquel elle s'était arrêtée.

« ...ous à boiter... »

Tala focalisa dès lors toute son attention sur la chanson qu'ils chantaient à deux, ensemble, comme si le temps s'était distendu pour la ramener à cette époque révolue mais si douce, qu'elle regretterait jusqu'à sa mort. Les mots s'enchaînaient, la peur s'enfuyait, comme chassée par la tendresse du souvenir et celle du sourire d'Ashton, ce sourire qui accrochait son cœur et ses pensées sans faillir. Il l'hypnotisait. Si bien que lorsqu'elle sentit leurs auriculaires se lier, elle se laissa faire.

« ...T-tout le monde b-boitait, boitait... »

Seul le tressaillement de sa voix durant l'une des strophes put trahir la terreur qui menaçait de poindre à chaque instant. Et si cette dernière gagnait du terrain, elle ne l'emportait jamais vraiment.

« ...que je boite des deux pieds. »

Son sourire était toujours en vie, tout comme son vis-à-vis. Et désormais, tous leurs doigts étaient en contact. Tala baissa les yeux, observa ce résultat qu'elle n'avait pas arrêté et eut le réflexe de penser qu'il fallait qu'elle s'éloigne. Mais au moment où elle allait le faire, Ashton reprit le dernier couplet, doucement, la poussant à replonger dans son hypnotique regard. Alors, quelque chose en elle s'apaisa. Lentement, les battements de son cœur se firent plus tranquilles, la tension quitta progressivement son corps, et Tala put se concentrer à loisir sur la douce chaleur, cette sensation interdite, qu'elle avait oublié, omis avec tant de forces pendant tant d'années qu'elle en devenait inédite, et la savourer à souhait. Lorsqu'Ashton lui parla, cette fois, elle ne sursauta même pas. Elle hocha simplement la tête et, un instant, laissa planer le silence, comme pour mieux profiter de ce contact aux allures de trésor qu'elle vivait. Puis, enfin, elle parla.

« O-oui... J-je crois que j'aime bien chanter avec toi... »

Un aveu qui fit monter le rouge à ses joues, preuve qu'elle revenait à un monde où l'angoisse régnait à la place de la terreur. L'apaisement n'était pas total, ne le serait peut-être jamais, mais c'était déjà un grand pas en avant. La force que lui avait procurée Ashton lui permit de baisser les yeux vers leurs doigts, dont le si doux contact l'affolait. C'était fantastique, merveilleux, et Tala regrettait presque d'avoir passé tant d'années à éviter ces sensations. Puis Tala se rappela. Elle se souvint de pourquoi elle avait fui tout contact et laissa un air contrarié s'emparer de ses traits. Malgré cela, elle ne décolla pas leurs doigts. Avec Ashton, elle avait la sensation que c'était différent. Avec Ashton, elle se sentait un peu en sécurité. Et cette timide sécurité retrouvée la bouleversait autant qu'elle la sublimait. Ce fut cette révélation qui lui donna le courage de formuler les mots qu'elle s'interdisait.

« P-peut-on... rester un peu plus longtemps comme ça... ? J-je... je me sens bien qu-quand... c'est comme ça... »

Ne pas avouer que le contact lui faisait du bien. Surtout pas. Mais dans les faits, le résultat était le même : la Peur venait de perdre son tout premier combat contre Tala. Et il ne s'agirait certainement pas du dernier...
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeJeu 29 Oct - 23:30

Tala chantait avec lui. Leurs voix s'élevaient dans les airs, s'emmêlaient et s'entremêlaient, se mélangeaient et se partageaient. Leurs intonations dansaient avant que leurs corps ne s'en sentent l'audace. Et si leurs peaux étaient en contact, c'était une chanson qui les unissait pleinement en cet instant. Ils étaient ensemble dans ce moment, l'emplissait pleinement des sons qui s'échappaient de leurs gorges comme de leurs cœur. Plus que leurs doigts, c'était leurs âmes qui se rencontraient. Ashton était le spectateur ravi de l'aura grise débordant sur le bout de ses ongles, du monde de Tala se prenant dans le sien et de leurs vies s'alliant pour un instant. Alors, le cœur plein de joie et la gorge pleine d'engouement, il se prit à chanter plus fort, à chanter comme au temps des marins, comme un cri au monde, un cri de joie, un cri de rébellion, un cri de force destiné à ne jamais périr. Jamais. Parce que les esprits portaient les souvenirs, que les souvenirs portaient les chants, que les chants portaient les âmes. En ce jour ils chantaient en chœur avec un million d'autres, et son appartement était rempli par une incroyable foule. Un incroyable sourire animait son visage, pétillant d'amusement et de délice tandis qu'il savourait ce que la Vie lui donnait. Rien ne pouvait gâcher ce moment : il lui appartenait tout entier. Il pouvait emmener Tala où bon lui semblait tant qu'il demeurait ancré dans ses souvenirs. Là, dans un vieux bar défraîchis où ils seraient debout sur un comptoir, joyeusement saouls ou presque, la gorge rendue chaude par la saveur brûlante de l'alcool et leurs sourires animés d'un sens de l'inconnu trop familier pour être néfaste. Ici, sur le pont d'un navire, un merveilleux voilier qui puait le sel et le poisson, la sueur et le travail des gaillards, animant le silence pour mieux se convaincre d'aller de l'avant. Ou peut-être à Paris, dans une rue bondée où chanter était mal vu mais tellement satisfaisant... Un jour il la ferait chanter dans une foule. Il la ferait danser, alors, et verrait dans le reflet de ses yeux verts l'éclat d'un bonheur simple mais pur.

« Un jour, un seigneur de province,
Oubliant son nouveau métier,
Vint à passer devant le prince,
Ferme et droit comme un peuplier. »

Rouler les r, les sentir dévaler de sa langue jusqu'au dehors comme dans une jolie cascade, et s'imaginer le flot des mots s'échappant librement de son corps. Peut-être la chanson était-elle en réalité le langage des âmes, au fond, le seul moyen pour elle de hurler au monde leurs sentiments les plus profonds, les plus inavouables, d'extérioriser une liberté rêvée et de la posséder toute entière. Ashton aimait la musique, il l'adorait même, mais plus que tout il se faisait une joie de la partager. Chanter seul était incroyablement déprimant. Non, lui, ce qu'il voulait, c'était être emporté par la vague d'une foule dense et compacte, par quelques compagnons de voyage ou par la voix délicate et dangereuse d'une femme, par une amie de passage ou par un inconnu qui n'appartiendrait à sa vie guère que le temps d'une comptine. Il désirait sentir ce merveilleux échange, cette décharge fulgurante qui faisait trembler le point de contact ; les doigts, la bouche, les hanches. Sentir que le corps était aussi proche que l'âme et en savourer chaque seconde. Dévorer l'instant, dévorer la Vie comme le Chien voulait dévorer les gens. Peut-être qu'un jour, Tala comprendrait. Peut-être qu'un jour elle aussi se trouverait animée d'un désir d'exister aussi implacable que le sien, d'un bonheur de sentir le sang battre dans ses veines. Peut-être aurait-elle un jour conscience de la chance qu'elle avait. En attendant, Ashton lui montrerait comme il pouvait être aisé de savourer les petits bonheurs quotidiens, de déployer ses ailes et d'apprécier le vertige merveilleux de la Vie. Il lui dévoilerait les secrets de fabrication de la furie joviale, il lui ferait goûter aux milles saveurs du risque et de la paix. L'échec n'était pas important ; il s'agissait d'une quête. Une quête dont les prémices, dont les bases frémissantes reposaient sur le bout de chacun de ses doigts. Un contact fragile mais immuable ; Ash ne comptait pas lâcher. Jamais.

« O-oui... J-je crois que j'aime bien chanter avec toi... »

Un sourire d'autant plus radieux qu'il était impétueux. Ravi, peut-être sottement, d'avoir pu conquérir le cœur de Tala aussi simplement que cela. Une chanson. Qui eut cru que la louve au tempérament de feu puisse être si pure dans ce qui la calmait ?

« J'en suis ravi, bambola. J'aime chanter aussi, autant que danser sans doute. Au fond, ce n'est pas si éloigné, tu sais ? Nous venons de faire un tango avec nos voix, si tu veux le voir ainsi ! C'est pour ça que j'aime la musique : on peut faire tout ce que l'on souhaite avec. Quand je chante, je voyage. Est-ce pareil pour toi ? »

Curieux, volatile, enthousiaste. Ashton était tout cela à la fois, et bien plus encore. Il avait trouvé dans son corps de monstre un esprit d'enfant, émerveillé de son environnement et euphorique à la moindre idée nouvelle. Il ne s'ennuyait pas, jamais vraiment du moins. Tout, un rien était une source de divertissement. À cette pensée, son contact avec Tala s'intensifia. Et lorsque celle-ci avoua son plaisir à être à ses côtés, il trépigna. Son visage s'illumina d'une surprise délicieuse, son regard pourpre pétillant de plaisir et la main de la jeune femme, soudainement dans la sienne. Il avait entrecroisé leurs doigts par réflexe et serrait avec chaleur et joie, serrait avec toute la mesure de son bonheur. En cet instant, il portait sur le monde le regard d'un bambin, un brin de l'innocence dont Evelyn lui avait tant parlé dans son euphorie croissante.

« Oh, vraiment ? Je suis content de te l'entendre dire, Tala ! Moi aussi ça me fait plaisir, j'adore toucher les gens, et sentir ma peau contre la leur... J'avais hâte de le faire avec toi, vraiment ! Tu ne trouves pas que c'est chaleureux ? »

Il pencha la tête, comme songeant à quelque fantaisie, puis retrouva un accent charmeur dans les nuances de son sourire. Un détail suave, inné anima son geste et son regard se fit plus chaud qu'éclatant alors qu'il se plantait de nouveau dans celui de Tala.

« Tu sais, nous pouvons rester ainsi éternellement. Au sens propre du terme, je précise... Il semblerait que mon espèce est destinée à ne jamais mourir de vieillesse ! Étrange, n'est-ce pas ? C'est peut-être parce que je n'ai rien à voir avec la Nature de manière générale... En tout cas, j'ai tout mon temps pour rester avec toi, et puis ça me fait sincèrement plaisir. Je te trouve intéressante, et puis... Quand vous le voulez, vous êtes une compagnie des plus charmantes, mademoiselle Harcourt... »

Un pétillement d'amusement supplémentaire, et une expression qui se voulait ravageuse. Il espérait charmer la louve hors de sa timidité, hors du contact qu'ils partageaient désormais. Il désirait aller au delà de cela et, peut-être, enfin...

« Voudrais-tu apprendre les bases du tango à mes côtés ? »

Il ne lâcherait pas sa main, pas de la journée sans doute, mais il pouvait sans peine lui enseigner quelques pas avant de se contraindre à la quitter. Réalisant cependant rapidement qu'il risquait de l'effrayer, il s'empressa d'ajouter :

« Oh, ne t'en fais pas, je ne toucherai jamais que ta main ainsi que nous le faisons maintenant. Le reste viendra... plus tard, un jour. Peu importe, nous avons tout le temps devant nous. »

Un sourire suave, une lueur de bonheur sur le visage de marbre.

« Qu'en dis-tu ? »
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeLun 2 Nov - 13:50

Un tango avec leurs voix. L'appellation la fit sourire, la réalité de cette entreprise caressant son esprit sans difficulté face à la poésie qui s'en échappait. Un tango avec leurs voix. Si ce n'était que ça, un tango, si ce n'était que cette impression de douceur, de bien-être et de calme, Tala regrettait de ne pas avoir tenté l'expérience plus tôt dans sa vie. Un tango avec leurs voix... L'idée l'amusait, se sublimait dans son esprit et apprivoisait la louve plus sûrement que tous les mots du monde. Un tango avec leur voix... Non, vraiment, c'était à la fois absurde et réjouissant, et, ne sachant quelle attitude adopter, Tala s'offrait à la paix plus encore qu'à tout le reste, s'offrait à la vie plus encore qu'à la mort. En cet instant, en cet unique instant, elle avait l'impression retrouvée d'un peu de bonheur immérité... Le sourire qui était né sur ses lèvres perdura, et elle répondit sincèrement au garçon aux yeux couleur de flammes.

« Je ne sais pas où je vais, je... ne chante jamais, normalement... »

Parce que ça ne se fait pas, Ashton, de chanter de vive voix comme tu le fais. Ça ne se fait pas, ça insulte la bienséance et tout ce qui s'ensuit, mais c'est tellement rafraîchissant et presque... plaisant.

« Pour l'instant, je dirais que... ç-ça m'apaise... »

Aveu moins solide, plus timide aussi, sur ce qu'elle ressentait vraiment. Mais c'était tellement difficile, que d'avouer la vérité sans paniquer, sans la fuir, se mettre à nue devant le regard d'autrui, un autrui qu'on ne contrôlait pas, jamais et qu'on ne contrôlerait jamais vraiment non plus. C'était tellement difficile, mais les mots qui s'étaient envolés vers les cieux au rythme de leurs voix semblaient avoir brisé un verrou provisoire dans le cœur de la louve qui, désormais, osait. Osait formuler des mots interdits, des promesses d'un avenir tout autre que le sien et bien moins sombre, aussi. C'était une caresse d'une douceur inédite qui emportait son âme, et c'était un peu de confiance qui se distillait dans ses veines fragiles. Un souffle, un soupir, peut-être, rien de plus, et pourtant déjà tellement... Ashton réveillait en elle ce qu'elle avait péniblement scellé pendant tant d'années et scellerait tout aussi péniblement le lendemain, s'il lui était donné de le faire. Car ce qu'il révélait en elle n'avait pas droit à la vie, pas en son sein, elle, la meurtrière, la créature, la chose noyée dans un sang qui, tout d'abord, n'avait pas été sien et qui, maintenant, au fur et à mesure, était devenu le rouge de ses artères, de ses respirations désespérées et de son regard noyé de terreur. Pourtant, en cet instant, tout lui semblait dérisoire, tout était permis, encore et encore, toujours, peut être déjà un peu trop, elle qui n'avait droit qu'à la vie pour une durée déterminée. C'est pour ça qu'à nouveau, Tala avoua. Peu distinctement, sans vraiment formuler, mais elle avoua que le toucher renforcé l'envoûtait plus qu'elle ne voulait bien le dire, rappelait en elle quelque chose d'oublié, de perdu, auquel elle s'accrochait avec tant de plaisir qu'on eut pu parler d'abandon de soi. L'aveu eut des conséquences inespérées, peut-être redoutées, et la respiration apaisée redevint saccadée alors que leurs doigts, leurs mains, cette fois-ci, se liaient plus fortement. C'était trop, et la peur qui n'avait jamais rien attendu d'autre que pareille occasion vint de nouveau noyer le regard vert. Tala tenta de délier les doigts noués en vain, tira par deux fois, cherchant à reculer et, par ce simple mouvement, déchirant un espoir retrouvé. Mais il ne la laissa pas faire, il ne la laissa pas s'éloigner, ne respecta pas son vœu de non-contact, pire encore, serra la main abandonnée de force à la sienne. Tala planta de nouveau ses iris de jade dans ceux carmins de son voisin et laissa la panique l'inonder autant qu'elle le voulût. Il ne démordit cependant pas de son nouveau pouvoir, et vint bientôt le raffermir par des paroles. Ce furent ces paroles qui, du haut de leur innocence, firent fondre la peur dans les flammes de la gêne.

« J-j-je... j-je... j-je... je ne sais pas quoi dire, j-je... »

Le rouge aux joues et le cœur en vrac, la louve détourna le regard loin de celui écarlate de son vis-à-vis et se concentra sur leurs doigts entrelacés. Le souffle lui manquait, volé à présent par une gêne croissante et d'un flamboiement tel que la peur n'était désormais rien d'autre qu'une vague sensation dérangeante tout contre sa peau. Lorsqu'elle releva la tête, Tala commençait à s'accommoder de leurs mains nouées. Pire encore, elle alla jusqu'à lui offrir un autre aveu.

« C-c'est agréable, c-c'est vrai... »

Son ton ne retrouva jamais la sûreté qui, l'espace d'un instant, si bref et fugitif qu'il prenait des allures de comète, l'avait paré. Il était désormais offert tout entier au flou des sensations inexactes parcourant son âme et rougissant ses joues sans qu'elle n'y puisse rien. Lorsque son regard eut le malheur de recroiser celui qu'elle avait précédemment fui, elle sut que tout espoir de rendre son visage à sa pâleur habituelle était absolument vain. Il y avait chez cet homme-là, celui-là même qui détruisait toutes ses barrières, un quelque chose de puissant, de terriblement attirant, terriblement sensuel, qu'elle n'était pas à même d'expliquer. Tout, jusqu'au ton qu'il utilisait pour lui parler, retournait son estomac dans tous les sens, faisant s'envoler des papillons ayant attendu trop longtemps d'éclore de cocons refermés par la terreur voilà bien des années. Et maintenant, voilà qu'il lui proposait l'éternité. La rougeur dévora plus encore les traits de la jeune femme lorsqu'il eut fini sa tirade et c'est dans un réflexe quasi inné qu'elle secoua la tête. Pourtant, les paroles qui menaçaient de quitter ses lèvres n'étaient pas soumises à sa réserve. Ce qu'elle aurait voulu dire à son partenaire, en cet instant, là, immédiatement, c'était que lui aussi était une compagnie qu'elle ador-... appréciait. Il n'en fut jamais rien et c'est Ashton qui reprit enfin la parole, alors qu'un silence aux allures de supplices prenait doucement place dans le cœur de Tala.

« Voudrais-tu apprendre les bases du tango à mes côtés ? »

Oui. La réponse était oui, oui et encore oui. Pourtant, quelque chose la retenait, l'empêchait de formuler ses désirs à voix haute, la poussait à fuir le libérateur face à elle et à simplement rêver l'intangible pourtant devenu réalité. Devant son absence de réponse, comme s'il craignait une peur qui n'était pas réelle, Ashton ajouta des mots qui lui firent écarquiller les yeux, puis les baisser pour rencontrer leurs mains toujours liées. La réalité la frappa alors avec la force, terrible, d'un ouragan portant le nom de renouveau.

« N-nos mains... ? »

Les mots lui échappèrent sans qu'elle ne puisse les retenir, et c'est un sursaut qui agita tout son corps à leur entente tandis que ses doigts se resserraient instinctivement sur ceux du jeune homme. Ce réflexe la surprit sans doute beaucoup plus qu'elle ne le fit sur son vis-à-vis.

« J-je... j'avais oublié qu-... »

Elle ne termina pas sa phrase. Le sens, pourtant, était clair. Un instant, la louve avait oublié le contact dérangeant et s'y était volontairement accrochée pour profiter de la chaleur réconfortante qu'il dégageait. Un instant, elle avait oublié qu'elle avait peur. Ses yeux se détournèrent un peu plus, puis revinrent s'échouer dans la mer de sang de ceux d'Ashton et qui, pourtant, ne la dérangeaient étonnamment pas. Plus tard, elle devrait comprendre qu'ils étaient les seuls qu'elle puisse tolérer...

« C'est... sans importance. »

Enterrer la vérité comme elle ensevelissait les corps, oublier l'instant d'égarement qu'elle n'avait pas su rendre muet pour retrouver un calme tout juste feint.

« J-je... »

Le tressautement de sa voix trahit très certainement le manque d'assurance auquel elle faisait face. Pourtant, les mots qui suivirent furent prononcés d'une voix claire, épurée de doutes.

« Je veux que tu m'apprennes le tango dès maintenant. »

Après un temps, elle ajouta, retrouvant des accents plus habituels.

« Dès maintenant... »

Puis...

« E-enfin... seulement si tu te contentes, pour aujourd'hui au moins, de ne toucher rien d'autre que ma main... »

L'aveu muet qu'elle formula ce jour-là était placé si subtilement qu'elle pensait que rien ni personne ne le comprendrait jamais. Ashton aurait, un jour, le droit de la toucher pour de vrai. C'était ça, que murmurait le mot aujourd'hui tombé par hasard dans cette phrase-là...
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeSam 7 Nov - 0:15

Il était un grand nombres de choses que Tala ne comprenait pas, ne parvenait pas même à effleurer du bout des doigts. Ashton avait parfois l'impression, à force de dialoguer avec elle, de discuter avec une enfant. Non pas parce que la jeune femme faisait preuve d'une immaturité confondante, non, il n'eut osé la juger ainsi, mais parce que ses réactions démontraient une totale inadaptation au monde social. Il était évident que l'isolement atterrant qu'elle s'imposait apparemment ne pouvait qu'empirer son cas, qui n'avait guère besoin d'ajout à sa complexité. La louve ne saisissait visiblement rien de ses interlocuteurs, n'analysait rien de leur comportement et ne se focalisait que sur ses propres ressentis pour établir une vue de chaque situation. Cela ne pouvait continuer ainsi : pensant de cette manière, elle ne ferait que faire souffrir son cœur et celui des autres, certaine qu'elle était que le Monde la méprisait. À mesure qu'il avait appris à la connaître, la couleur de son aura avait semblé de moins en moins étrange au jeune homme. Comment pouvait-on, après tout, s'attendre à trouver une âme normale dans un corps qui se tourmentait lui-même de tant de manières ? Tala se contredisait elle-même, et ce en permanence. Cela se sentait, cela se palpait presque dans les sentiments qui débordaient de sa silhouette trop frêle. Elle mange trop peu, se dit-il une fois de plus.

C'était tout de même un monde, comme la demoiselle pouvait entreprendre une quête d'autodestruction en dépit de tout bon sens ! Un jour, il leur faudrait avoir une conversation à ce sujet. Ashton n'eut su accepter qu'elle s'affamât par simple désir de punition, mettant ainsi sa santé et celles de beaucoup d'autres en jeu. Il peinait à comprendre, à vrai dire. Même pour quelqu'un n'ayant aucune connaissance des Légendaires, nourrir un prédateur ne semblait-il pas être la démarche logique pour tenter de l'apprivoiser ? Ne pas s'accepter était une chose, refuser de voir la vérité en face était en revanche dangereux et illogique. Mais le moment, s'il venait, viendrait plus tard. Pour l'instant, il devait la rassurer. Ils devaient avancer.

Son étreinte sur les doigts de Tala se desserra à mesure que celle-ci se détendait, lui permettant de relâcher la pression. Le but était après tout de rendre leur contact agréable à tous deux : il ne souhaitait pas offrir une prison de plus à la jeune femme qui s'enfermait déjà bien trop à elle seule. Constater ainsi l'opposition qui déchirait sa compagne l'attristait profondément, et il se trouva à se demander comment on pouvait se laisser aller à finir si éloigné de soi, perdu entre ce que l'on eut voulu être – un être idéal et trop parfait pour être intéressant – et ce que l'on était réellement. Ashton lui-même savait la sensation terrible d'une autre facette grouillant en son être, mais pas de cette manière, pas avec ce regard haineux sur sa propre personnalité. S'il n'était pas quelqu'un de fier, le jeune homme demeurait fier de son parcours. L'esprit critique de sa partenaire, de son côté, semblait s'être évanoui dans des ténèbres connus d'elle seule. Elle prenait tout au premier degré, se mettait en colère d'une remarque, se perdait dans sa tristesse pour un regard interprété par elle-même. Et le canidé se trouvait perdu au cœur de la zizanie monstrueuse qui régnait sur l'esprit troublé de la louve. Toutefois, il avait de bonnes raisons de croire que tout n'était pas perdu. Pas pour lui. Jamais pour lui.

Elle lui faisait assez confiance pour s'ouvrir à lui. Il connaissait désormais nombres de détails sur son existence que nul n'avait encore entendu, du moins était-ce ce qu'il supposait, elle acceptait son toucher. Infime geste pour un sens dépassant l'entendement. Plus encore, elle admettait désormais son désir de danser, son envie d'apprendre, et de l'avoir comme partenaire – comme allié – durant cette étape. Ashton était devenu spécial ; il n'était pas certain que cela fût bien, mais il la laissait faire.

« Je veux que tu m'apprennes le tango dès maintenant. »

Elle était terrorisée, encore, toujours, mais elle évoluait. Le sourire qui dévorait déjà les lèvres du garçon s'élargit encore. Son cœur gonfla d'un sentiment de ravissement délicieux, et il se sentit trépigner d'impatience. Déjà, son corps tout entier était animé d'une urgence presque brutale. Il voulait se mouvoir, sentir la musique agiter ses membres et ses hanches onduler sur les torrents de notes délicieuses. Resserrant son étreinte sur la main offerte, Ashton se redressa.

« Je ne te décevrai pas, Tala. C'est promis ! »

Le regard pourpre ne mentait pas. Tout offerts à la délectation, les iris cramoisis glissèrent des yeux verts aux mains entrelacées. Dans l'océan de sang se lisait la joie, le petit bonheur simple et l'excitation dans son plus simple apparat. Le jeune homme était tout bonnement ravi, et ne ressentait nullement le besoin de le cacher. Il invita son interlocutrice à se lever à son tour et recula, recula jusqu'à se tenir au milieu du salon, ne rompant ni le contact visuel ni le contact physique.

« Le tango est une danse assez complexe, alors nous allons commencer par quelques pas de base. Je vais te montrer, et après tu vas essayer d'avancer en miroir avec moi, d'accord ? Il faut juste que tu te décales un peu sur la droite... Voilà. »

La position qu'il tenait avec sa partenaire le dérangeait dans la mesure où ils n'étaient pas en contact, mais il devrait faire avec pour l'instant. C'était pourtant l'un des aspects les plus captivants de la danse à son goût : la sensualité innée, la beauté torride des corps ondulants en harmonie parfaite l'un contre l'autre, ensemble, toujours. Pour cette fois, il se montrerait raisonnable. Son visage rieur et charmant, il entreprit d'expliquer :

« D'abord, tu dois faire trois pas en arrière pendant que j'en fais en avant. »

Il avança le pied gauche, puis le droit, puis de nouveau le gauche, accompagnant chaque pas d'un mouvement de hanche subtil et léger qui rendait sa démarche sensuellement féline. Ses gestes, calculés et précis, semblaient pourtant naturels, tout droit sortis de son esprit. Le sourire d'Ashton s'élargit de nouveau : il adorait danser.

« Gauche, droite, gauche... Puis tu fais un pas sur le côté avec moi... comme ça. »

Tout en conservant une distance raisonnable, il reprit par deux fois la démonstration des premiers pas basiques, lentement, avec le plaisir non feint d'un passionné. Il y avait même un soupçon de nostalgie dans sa manière d'exécuter les quelques mouvements, une part de souvenir dans l'enchaînement qu'il dessinait. Le tango ramenait son esprit en des temps anciens et révolus, des temps où il apprenait tout juste à vivre et où tout ce monde qui l'entourait avait paru hors de portée, lointain et inaccessible. Plus que jamais, Ash était désormais certain que ces leçons pourraient aider Tala.

« On réessaie, et je te regarde ! »
, déclara-t-il joyeusement.

Il n'y avait aucune pression dans la voix de velours, plutôt l'impatience d'un jeune enfant attendant sa gâterie promise depuis le petit matin. Il désirait voir sa compagne jouer de son corps, délier ses membres pour en faire de belles ailes qu'elle pourrait un jour déployer au monde. Si elle n'était parvenue à terminer l'exercice de la musique, la danse obligerait de toute façon la louve à se livrer. Il s'agissait là d'un art qui ne souffrait d'aucune forme de tromperie, que l'on ne pouvait manipuler ou changer à sa guise. Pour exécuter correctement une chorégraphie, il fallait être franc avec soi-même. Qui sait, peut-être Tala se révélerait-elle un talent caché pour cette discipline ?
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeDim 8 Nov - 23:35

« Je ne te décevrai pas, Tala. C'est promis ! »

Ashton n'avait rien à craindre. C'était toujours elle  qui décevait les autres. Toutefois, la promesse lui fit du bien. L'idée que quelqu'un, au moins, puisse sincèrement s'inquiéter de ses émotions, de ce qu'elle croyait ou non, la touchait, et un minuscule sourire prit le temps de naître sur ses lèvres. Elle hocha timidement la tête, fixa un instant le sol, puis releva les yeux jusqu'à son vis-à-vis, au moment précis où celui-ci les détournait. Il lui rendit bientôt son regard et la fit se lever très doucement, comme pour ne pas la brusquer. Et c'était sûrement ça, d'ailleurs. Ashton, comme précédemment, peut-être comme toujours, semblait faire attention à la moindre de ses réactions. En fait, Ashton semblait sincèrement se soucier d'elle. Son sourire se fit un peu plus grand en même temps qu'il découvrait l'hésitation dans son tracé, et c'est d'une oreille attentive qu'elle écouta le jeune homme lui parler de la danse qu'elle prétendait apprendre. Une fois décalée sur la droite, Tala observa. Elle observa Ashton exécuter les premiers pas. Et chacun d'entre eux offrit une rougeur nouvelle à ses joues. Il remuait les hanches. Ses pas eux-mêmes étaient doués d'une sensualité qui la choquait en même temps qu'elle la captivait secrètement. Et c'était peut-être ce second point, plus encore que les mouvements en eux-mêmes, qui la faisait mourir de gêne. Le sourire d'Ashton prit ses aises sur le visage de ce dernier en même temps que le sien succombait. Pourtant, Tala se concentra. Elle se concentra sur les pas, hocha la tête à chacun d'entre eux, et jamais, jamais, ne détourna les yeux du corps du jeune homme. Seuls sa main et son regard trahirent les émotions qui la traversaient. La première se crispa dans celle d'Ashton. Le second, pour sa part, se troubla.
Trois pas en arrière. Gauche, droite, gauche, puis un pas sur le côté. Trois pas en arrière. Gauche, droite, gauche... puis un pas sur le côté. Pour l'instant, elle arrivait à suivre. Et peut-être que ça n'était pas si grave si elle... omettait le déhanché marqué. Après tout, Ashton le faisait très bien pour deux et puis il serait certainement trop concentré sur l'exécution de ses propres pas pour faire attention à ce genre de détails. Un peu d'assurance vint pimenter les iris de jade, tandis que Tala s'imaginait en train de danser. Une profonde inspiration, suivie d'une longue expiration, et elle se sentait prête. Si Ashton était occupé avec ses propres mouvements, elle se sentait de dans-...

« On réessaie, et je te regarde !
- Pardon ? »

Ah. Ahahah. Ahahahahahah. Très, très, très drôle, Ashton. Les yeux de Tala se perdirent dans ceux du canidé, à la recherche d'une blague qu'elle ne trouva pas. Le ton joyeux l'était simplement parce qu'il avait hâte. Il avait hâte de la voir s'essayer à la danse. E-et si elle loupait l'exercice ? Et si elle n'y arrivait pas... ? Non, c'était certain, elle n'allait pas y arriver. Pas avec Ashton face à elle, pas s'il la regardait faire, ce n'était pas possible. Ce. N'était. Pas. Possible.

« J-j-je... »

Premier échec. Elle n'allait pas y arriver, elle n'était pas assez douée, et de toute façon, elle n'était même plus sûre de vouloir le faire. Ce n'était pas nécessaire, après tout. Elle n'avait pas besoin de savoir danser le tango, et ça, c'était facile à dire, pas vrai... ?

« J-je... »

Second échec, tout aussi cuisant que le premier. Le regard écarlate était plein d'un enthousiasme mal contenu, à la manière de celui d'un enfant. Pouvait-elle vraiment le briser, le brimer ? Ne valait-il mieux pas qu'elle subisse un dernier échec, des plus cuisants, au profit du bonheur de son vis-à-vis... ? Oui, mais si elle le décevait... ? On en revenait toujours à cette possibilité, si forte et si précise dans l'esprit de Tala qu'elle la paralysait. Elle était une source de déception, et ce depuis le tout début. Pour ses parents, à qui elle avait fatalement désobéi, pour Ewen, qui ne pouvait pas la toucher alors qu'il le souhaitait de tout son cœur, et pour Ashton, à cause de tous les mensonges qu'elle avait pu lui dire depuis le tout début. Il n'avait jamais été dupe, et il semblait à la louve qu'il ne le serait jamais. Un soupir résigné quitta l'enceinte de ses lèvres alors qu'elle baissait les yeux en direction du sol. Elle le décevrait, c'était certain.

« Ashton, j-je pense que... c'est une mauvaise idée de me regarder faire... Je veux dire... je ne sais pas danser. Du tout. Je vais forcément te décevoir et-... »

Elle ne voulait pas que ce soit le cas. Pas encore. Les mots ne parvinrent pas à se faire entendre. Seul son regard se voulut leur messager, tandis que la culpabilité prenait ses aises dans les iris de Jade.

« Et... »

Elle devait le lui dire. Elle devait lui dire pour qu'il comprenne, et pourtant, elle n'y parvenait pas. En fait, elle n'avait pas vraiment envie d'abandonner. C'était trop tôt, trop récent, et très secrètement, Tala désirait très sincèrement apprendre le tango. Quelque chose en elle lui répétait que cela lui plairait, alors même que l'autre partie de son âme lui hurlait tout le contraire. Serrant rageusement les doigts du canidé et sursautant en se rendant compte de cet état de fait, Tala tenta de les soustraire à ceux d'Ashton. En vain. Celui-ci ne la laissa pas faire, et c'est certainement ce contact, ce simple contact que tant de gens faisaient tous les jours, qui fit changer d'avis la louve. Celle-ci releva les yeux pour affronter le regard écarlate, et s'y accrocha comme s'il s'était agit d'un phare au cœur de la nuit. Après un nouveau soupir, elle reprit la parole.

« B-bon, je vais essayer. Je ne promets pas d'y arriver. D'accord... ? »

Quelque chose lui disait qu'il serait d'accord. Il n'était pas là pour la juger, après tout, mais pour lui apprendre à danser. Ce qu'il ne pourrait faire qu'en la voyant s'exécuter.

Le premier pas fut le plus difficile. En arrière. C'était en arrière qu'elle devait aller. Il lui fallut une longue inspiration pour se donner du courage, et une grande concentration pour parvenir à prendre sur soi le fait de remuer les hanches. Et si le tout restait très maladroit à cause de la gêne, il se détachait une chose de cette première tentative : Tala savait au moins remuer des hanches sans devoir bouger tout le corps...
Le troisième pas fut plus aisé, moins hésitant, bien que toujours aussi écarlate. Elle n'était pas faite pour ainsi montrer son corps. C'était malsain, c'était obscène, c'était inhumain. Ce dernier constat lui arracha une moue irritée, tandis qu'elle poursuivait sa toute première tentative. À cause de ces pensées qui la distrayaient, Tala manqua de chuter lorsqu'il fut temps pour elle d'exécuter le pas de côté.

« Aaaaah ! »

Dans un réflexe imbécile, Tala fit ce que tout autre qu'elle aurait fait à cet instant précis : elle se rattrapa à ce qu'elle put, sans chercher à comprendre quoique ce soit. C'est dans ces conditions qu'elle se retrouva agrippée au bras d'Ashton de sa main libre. C'est dans ces conditions, aussi, que ses joues devinrent plus rouges que rouges. Tout à son état de choc, Tala ne pensa pas de suite à défaire le contact inopportun. Au lieu de ça, elle s'attacha à la contemplation effarée du regard écarlate avant qu'un sursaut de bon sens la fasse s'éloigner et, comme Ashton représentait son seul appui et qu'elle ne fit pas non plus attention à ce moment-là, rencontra le parquet une bonne fois pour toute. Lorsque tel fut le cas, Tala observa sa main coupable de contact comme si elle s'était brûlée. Puis le bon sens lui revint, et ses iris couleur de forêt rejoignirent ceux enflammés d'Ashton.

« P-p-pardon ! »

Bafouilla-t-elle avant de le répéter en boucle pendant de longues minutes. Une fois le silence revenu, toutefois, une question toute autre passa la barrière de ses lèvres.

« J-je n'ai pas été trop nulle... ? À-à part la fin, j-je veux dire. »

Preuve était que le tango lui importait plus qu'elle ne voulait bien l'avouer.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeJeu 12 Nov - 22:35

Plus l'heure tournait, plus Ashton se rendait compte d'un élément crucial et tragique de la vie de Tala. Elle avait peur. Peur de tout, peur de la défaite surtout, de décevoir et de faire face à un échec. L'ironie voulait que ce genre de pensées soient précisément celles qui la condamnaient à ne pas réussir. Comment pouvait-on en effet espérer parvenir à ses fins lorsqu'on hésitait constamment à aller vers elles, de peur de ne jamais les atteindre ? L'existence était parfois d'une cruauté implacable et, si lui-même n'avait jusqu'à présent pas souffert de ce genre de maux, il avait constaté suffisamment de névroses chez ceux qui étaient trop fatalistes pour réussir pour comprendre l'inextricable mécanique de l'échec. Le tout était désormais de convaincre Tala de le déjouer, de s'en défaire et d'apprendre à vivre sans, car c'était pour sûr un élément dont elle eût pu se passer. Et il s'agissait là d'un chemin qu'il sentait long et tortueux. Ils avaient du pain sur la planche.

Oh, Ash n'avait pas idée.
Observant finalement les quelques pas qu'esquissa la louve à ses côtés, il fut désolé de constater la rigidité mortelle dont elle faisait preuve. Ses mouvements étaient justes, pour sûr, mais si terriblement mécaniques qu'on eût cru voir un automate plutôt qu'un être de chaire danser. Bon sang, eût on voulu la faire paraître plus crispée qu'on en eut pas été capable. Était-ce seulement possible ? Ashton n'avait jamais vu quelqu'un sembler plus mal à l'aise dans une chorégraphie, ne l'avait d'ailleurs jamais envisagé. Comment pouvait-on prendre si peu de plaisir à être transporté par les gestes d'une danse ? Il ne comprenait pas. Clignant bêtement des paupières, perdu dans un océan de désarroi, le jeune homme observa Tala se marcher sur les pieds sans trop réagir. La crispation payait apparemment ses fruits, s'il en croyait la jolie chute qu'elle manqua de subir. Réaction surprenante toutefois que celle de sa partenaire. Le canidé haussa un sourcil étonné, laissa un sourire ravi s'épanouir sur son visage blême. Apparemment le contact n'était pas si difficile que cela pour sa compagne, qui s'était désespérément raccrochée à lui pour éviter la rencontre avec le vieux parquet de son appartement.

« Ah, bambol- »

Elle l'avait lâché. Et elle était tombée.
Un éclat de rire furtif s'échappa des lèvres du garçon tandis qu'il tendait une main de secours à son interlocutrice, amusé du comportement de cette dernière face à sa propre envie de toucher. Décidément, Tala était drôle. Il l'aimait bien, elle était attachante. La redressant d'un leste mouvement, il lui adressa un sourire enjôleur.

« Oh, tout allait bien, techniquement parlant. Tu es plutôt douée, ma parole ! »

Le regard pourpre cascada des cheveux de la demoiselle jusqu'à ses pieds, s'attardant sans aucune vergogne sur ses hanches. Il parut hésiter un instant. Était-ce bien certain que d'accomplir ce qu'il souhaitait ? La décision fut rapidement prise : oui. Ashton n'avait jamais été gaillard à se priver de spontanéité, fût-il choquant pour les autres. Il posa sa main libre sur sa taille et scruta la demoiselle.

« Le principal soucis, c'est que tu es tendue comme un arc, bambola. Tu dois te laisser aller quand tu danses. Le but, c'est de t'amuser ! »

Cela ne suffirait pas. Il le savait. Ce n'étaient jamais que quelques mots, tout au plus, rien de bien concret pour quiconque, encore moins pour Tala. S'il désirait lui faire comprendre l'importance du naturel dans la danse, il devrait lui en montrer une démonstration claire et précise. Son sourire se fit plus joueur. Oh, il avait hâte... Cela faisait si longtemps qu'il n'avait profité du tango ! Le rythme à lui seul suffisait à le ramener une douzaine d'années en arrière, dans les quartiers pauvres et encrassés de Buenos Aires, dans la chaleur suave des soirées d'été, collé à un homme, une femme dans un petit café miteux de la capitale sous la mélodie enchanteresse des violons, pianos et autres guitares. Il semblait évident que sa partenaire n'avait pas idée du genre de danse auquel elle avait affaire, et il ne faisait nul doute qu'elle s'en irait dût-elle l'apprendre. Que ferait-elle, après tout, à connaître la mélodie des canailles des bas quartiers ?

Ashton fit tourner Tala sur elle-même, sans lui demander aucun avis. Il avait besoin de voir, de constater par lui-même sa manière de bouger. Il voulait apprendre d'elle et de sa volonté, de sa grâce naturelle ou non, pour pouvoir mieux lui transmettre les pas qui lui tenaient tant à cœur. La vérité, c'était qu'on n'apprenait pas vraiment le tango. On l'apprivoisait, on le construisait. Quelques pas et figures de bases, une petite dose d'improvisation, et le tour était joué. Le but était de séduire, de ressentir, de bouger et de percevoir en son corps la chaleur grimper, onduler et se mouvoir en accord avec ses membres. Le tango, c'était aussi l'apologie la luxure. Il sourit à la jeune femme.

« Il y a une raison très simple pour laquelle tu dois te sentir à l'aise en bougeant comme ça : l'objectif est de te transcender. Tu n'es pas en train de t'entraîner à te ballotter en soirée mondaine, Tala. Les gens qui connaissent cette danse la révolutionnent à chaque fois qu'ils la pratiquent. Il faut que tu t'amuses. Tu as la technique, maintenant il faut que tu apprennes à être spontanée. »

Ses doigts ondulèrent délicatement contre ceux de sa cadette tandis qu'il s'avançait vers elle d'un pas lent, délibéré et traînant. On distingua le mouvement délicat de sa hanche qui, à chaque enjambée, serpentait d'un côté à l'autre. Son sourire était désormais ravageur, volontairement sensuel. S'il avait conscience d'embarrasser Tala, il comptait également la faire réagir par ses provocations.

« Tu dois te sentir... partir. Ces mouvements là ne sont pas destinés à être une prison. »

Il ne rompit jamais le pacte, ne tenta pas même de toucher plus que la main de la jeune femme. Il n'en avait pas besoin. Esquissant légèrement les pas basiques sur le sol, il les réitéra encore et encore, toujours plus suave dans sa gestuelle, ne quittant pas de ses yeux carmins ceux de la louve. Droite, gauche, droite, côté. Il semblait tout juste toucher le sol, et l'on sentait l'amusement émaner de lui comme une aura qu'il se fût créée lui-même.

« Tu ne dois plus y penser, Tala... Tu dois le faire. »

De nouveau, il la fit tourner sur elle-même. Son sourire était perdu entre amusement et séduction, créant un mélange pétillant et irrésistible. En vérité, danser l'excitait énormément, et peut-être que donner des cours à Tala n'avait jamais été qu'un égoïste prétexte pour recommencer à pratiquer régulièrement. La prochaine fois qu'il se rendrait dans l'un des vieux bars mal famés qu'il se plaisait à visiter de temps à autres, il leur montrerait à tous. Cela pourrait bien donner lieu à une soirée amusante, qui sait ?

S'étant désormais arrêté dans son mouvement, il adressa un regard plein de défi à sa compagne. Car s'il était une chose qu'il avait appris sur elle, c'était son esprit de compétition, et il serait bien sot de ne pas l'utiliser en sa faveur.

« Relèveras-tu mon défi, bambola ? Peu importe le résultat, je veux simplement que tu partes avec moi. »
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeDim 22 Nov - 19:35

Une main qu'on lui tendait. La première. Un sourire qu'on lui adressait. Sincèrement ? Des éclats de rire voletant dans les airs. À ses dépends ? Un bref sursaut d'espoir. Jusqu'à quand... ?
Les yeux de Tala venaient, allaient, revenaient, repartaient, s'arrêtaient, fuyaient, se posaient, s'éloignaient, dansant perpétuellement entre trois éléments distincts sur lesquels elle ne parvenait jamais vraiment à se fixer. Il était là, lui, et son regard, lui, et son sourire, lui, et cette main qu'il lui tendait, qu'il lui tendait en souriant, en riant, en vivant, loin, si loin d'elle que la lumière de son âme l'éblouissait comme un soleil. Il était là, et il était tous ces éléments entre lesquels elle naviguait, la lumière, les ténèbres, l'espoir, le désespoir, tout, tout ça à la fois, et tellement plus. Il était là, face à elle, et malgré l'attente qu'elle lui imposait, malgré le désarroi qui envahissait ses pupilles un peu plus à chaque instant, malgré toute la peur qu'elle accumulait sur ses traits, il attendait. Il attendait sagement, sans rien exiger en retour, rien d'autre qu'une main qui, déjà, se tendait précautionneusement en direction de celle qu'on lui offrait, et qu'elle allait saisir, volontairement, pour la seconde fois. Alors qu'elle était à terre, que le monde entier pesait si terriblement sur ses frêles épaules, Tala accepta à nouveau l'aide qu'elle avait toujours refusé, durant les trois années qui s'étaient écoulées. Tala accepta, et ses doigts se lièrent à ceux du jeune homme face à elle. Pendant tout ce temps, celui-ci n'avait rien dit, s'était contenté d'animer les airs de ses éclats de rire dont elle ne connaissait toujours pas d'autre raison que sa propre bêtise, et de sourire. De lui sourire. Et Tala se rendit rapidement compte que le sourire de cet homme avait quelque chose de magnétique. D'électrique. Ashton tout entier était une ode à un désir qu'elle ne comprenait pas, ne saisissait pas, qu'elle n'avait jamais ressenti avant ce jour. Il était Sensualité, Séduction, Insolence et Charme. Il était Bestialité, Enjôlement, Envoûtement et Passion. Il était toutes ces choses, et toutes ces choses se reflétaient dans le sourire qu'il lui adressa une fois qu'elle fut debout. Et lorsque tel fut le cas, les yeux écarlates si particuliers du jeune homme firent le tour de son corps sans aucune gêne. Lorsqu'ils s'arrêtèrent longuement sur ses hanches, Tala, que même le compliment précédent n'avait pas fait rougir, sentit ses joues s'enflammer, et détourna le regard. Elle ne pouvait pas observer le visage de celui qui, à des fins scolaires, glissait sur ses courbes pour connaître un peu mieux le corps de sa partenaire. C'était indécent. Ashton lui-même n'était qu'Indécence. C'était insupportable. C'était elle, et seulement elle, qui était venue le trouver. Ce serait impardonnable. Mais maintenant, il était temps d'assumer.
Comme s'il s'était agi là d'une réponse, de la preuve qu'il lisait bien en elle comme dans un livre ouvert, son vis-à-vis posa sa main sur sa hanche dans un mouvement si brusque qu'il la fit sursauter. Persuadée qu'elle était qu'il se moquerait à nouveau, Tala s'empourpra de plus belle et, pour un temps, fuît le regard écarlate. Mais comme à chaque fois, elle y revint. Et comme à chaque fois, la voix d'Ashton, si chaude, tout droit venue d'îles que Tala n'imaginait même pas, la captiva.

« Le principal soucis, c'est que tu es tendue comme un arc, bambola. Tu dois te laisser aller quand tu danses. Le but, c'est de t'amuser ! »

S'amuser. L'espace d'un instant, en entendant ce mot, Tala eut envie de rire.

« J-je... C'est à dire qu-... ?! »

La louve ne termina jamais sa phrase. Ashton, en ne tenant toujours que sa main, la fit tourner. Et dans un mouvement plus instinctif que décidé, Tala s'exécuta avec une sorte de grâce insoupçonnée. De tous les précédents, ce mouvement en fut le plus fluide. De tous les regards qu'elle lança à Ashton, celui-ci en fut le plus réprobateur.

« A-Ashton... ! J'aurais pu tomber, j-... »

Mais à nouveau, il ne la laissa pas finir. Il ouvrit la bouche pour prendre la parole à son tour, et les protestations de la louve moururent à l'instant précis où le son de sa voix prit leur place dans les airs.

« Il y a une raison très simple pour laquelle tu dois te sentir à l'aise en bougeant comme ça : l'objectif est de te transcender. »

Elle n'en était pas capable. Pourtant, elle continua d'écouter, plongeant ses iris de jade dans ceux couleur rubis de son vis-à-vis.

« Tu n'es pas en train de t'entraîner à te ballotter en soirée mondaine, Tala. »

Elle ne le savait que trop bien, malheureusement. Les soirées mondaines n'étaient pas pour elle. Dieu, qu'elle aurait voulu s'y rendre, pourtant... ! Elle était dangereuse. Elle s'imaginait porter une robe, n'importe laquelle, et danser, danser, danser jusqu'à n'en plus pouvoir... ! Ce n'était jamais que fantasme. Au bras d'un homme, qui lui sourirait, et la ferait tourner, jusqu'à ce que ses repères eux-mêmes ne se meurent ! Le seul qui risquerait d'y perdre la vie serait son cavalier. Et cette nuit qui durerait éternellement... ! Illuminée par le plus lugubre des astres, qui finirait par maculer le monde de sang. Tout cela n'était qu'un doux rêve qu'elle n'atteindrait jamais. Poussant un très léger soupir, Tala se reconcentra sur le regard écarlate qui lui faisait face. Il était sa seule chance, son seul espoir de goûter un jour à la danse. Car il était éternel. Et les ténèbres de son âme ne pouvaient rien contre cet état de fait.

« … Il faut que tu t'amuses. »

A nouveau, Ashton en revenait à cet aspect de la danse. Il ne comprenait pas. Elle ne pouvait pas le faire, quand bien même elle l'eut voulu de tout son cœur. Elle ne pouvait pas le faire, parce qu'elle était dangereuse. Se détendre, se laisser aller, ne plus se maîtriser, c'était autant de choses qui, face à Ashton, ne présentaient aucun risque mais qui, ailleurs, étaient véritables dangers. Tala ne voulait plus. Elle ne voulait plus de morts sur sa conscience, elle ne voulait plus jamais voir le sang couler et plus jamais, jamais, entendre les pleurs de ces familles qu'elle brisait. Mais avant qu'elle ne puisse se justifier, avant même qu'elle ne puisse dire à Ashton pourquoi elle ne pourrait jamais s'amuser, celui-ci était reparti dans ses explications, sans tenir compte de ses doutes.

« Tu as la technique, maintenant, il faut que tu apprennes à être spontanée.
- On ne peut pas simplement se contenter de la techn-... »

La voix de Tala mourut dans un océan de gêne écarlate. L'homme qui lui faisait face avançait désormais vers elle. Et il avançait d'une telle manière que les joues de la jeune femme ne pouvaient faire autrement que de se teinter de rouge. Encore une fois, Ashton hurlait sa sensualité au monde, non, l'hurlait pour elle. Ses yeux cherchèrent un point d'accroche, n'importe où, pour fuir l'odieux spectacle, mais rien, rien ne pouvait réellement la détacher de la langoureuse silhouette qui approchait, ni même du sourire encore plus ravageur qui ornait les lèvres de l'inconscient. Dans sa poitrine, les battements accélérèrent. Dans son regard, des émotions contraires se rencontrèrent. Dans tout son corps, la peur fut couronnée par tout autre chose que Tala réfuta aussitôt. Alors, la louve recula. Elle recula à chaque pas esquissé par le jeune homme, sans que ses iris ne parviennent à faire autre chose que de naviguer entre hanches, sourire et pupilles écarlates. Quoiqu'elle fasse, elle était comme un papillon attiré par la lumière, une lumière qui l'enflammait, une lumière qui, un jour, la consumerait toute entière.

« Tu dois te sentir... partir. Ces mouvements là ne sont pas destinés à être une prison. »

Les enfermer. Mais il voulait qu'elle se libère... Les faire taire. Mais il souhaitait qu'elle s'exprime... ! Les étouffer. Elle avait besoin d'air... Les effacer. Alors qu'elle pouvait enfin se laisser vivre... ? Les emprisonner. Non. Elle désirait se libérer. Et elle y parviendrait. Dès cet instant, son regard se fit un peu plus décidé, un peu plus enclin à observer, et ses joues redevinrent un peu plus claires. Lorsqu'Ashton la fit de nouveau tourner sur elle-même, toutefois, cette action la déstabilisa suffisamment pour que son mouvement tienne encore une fois du réflexe et non pas d'un automatisme quelconque de gêne. Ses yeux, eux, restèrent figés dans ceux du canidé qui l'envoûtait plus qu'elle ne l'avouerait jamais. Retrouvant une position plus stable, elle put remarquer quelque chose de nouveau dans le regard écarlate. C'était... Non... vraiment ?
Ce qu'elle lisait désormais dans ses prunelles tenait du défi. Instinctivement, celles de Tala s'illuminèrent.

« Relèveras-tu mon défi, bambola ? »

La réponse lui vint seule à l'esprit, comme si elle s'y était toujours trouvée, comme si elle n'avait jamais rien fait d'autre qu'attendre l'instant de sa naissance. Son corps lui-même suivit la pensée qui s'imposait à elle, et sa tête opina calmement du chef. Lorsqu'elle s'en rendit compte, toutefois, elle sursauta, et ses doigts s'accrochèrent un peu plus fermement à ceux du jeune homme qui osait mettre en doute sa capacité à réussir. Une moue décidée s'afficha à son tour sur ses traits. Mais alors qu'elle allait prendre la parole, Ashton ajouta.

« Peu importe le résultat, je veux simplement que tu partes avec moi.
- Qu'est-ce qu'on attend, alors ? Allons-y. »

Et comme pour prouver ses dires, Tala fit un pas vers Ashton, avant de saisir son autre main de la sienne, toujours libre. Dans ses iris était né quelque chose de nouveau, quelque chose sur lequel Ashton avait bien fait de miser. Plusieurs fois, cela avait fait des miracles. Il semblait que cela se vérifierait aujourd'hui encore. Et c'est sans lâcher les doigts du canidé qu'elle enchaîna les pas qu'il lui avait précédemment montré. Si ceux-ci n'étaient pas totalement libérés, il ne faisait cependant aucun doute que le défi lancé par le jeune homme avait fait sauter le verrou.

« Trois pas en arrière... Gauche, droite, gauche... puis un pas sur le côté. »

Cette fois-ci, elle ne tomba même pas. Alors, progressivement, Tala commença à se détendre pour de bon. Au début, cette réalité se fit discrète. Ses hanches étaient toujours timides, seules ses mains se resserraient plus fermement sur celles d'Ashton, qu'elle ne lâchait plus, de même que son regard. Les iris de jade semblaient puiser dans leur détermination naissante une force nouvelle qui, bientôt, porta ses fruits. Car petit à petit, toute la tension de son organisme fit le voyage jusqu'aux mains qu'elle broyaient, libérant progressivement le corps de la jeune femme. Et lentement, les mouvements s'assurèrent, tandis que, toujours, elle se concentrait sur le défi lancé par le canidé. Elle devait réussir. Elle devait absolument réussir. Non, elle voulait réussir. Cette vérité lui fit pousser des ailes. Le mouvement qui suivit fut plus naturel que tous les autres. Lentement, mais sûrement, la cage s'ouvrirait.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeMar 24 Nov - 22:44

« On ne peut pas simplement se contenter de la techn- »

Non, ils ne pouvaient pas. Ils ne le feraient pas. Ashton ne le permettrait pas. On ne pouvait s'amuser avec de la technique, on ne pouvait se laisser aller avec de la rigueur, et on ne pouvait certainement pas danser un tango simplement en reproduisant les pas. C'était impensable, tant que la simple idée lui semblait risible. Tala n'avait visiblement pas conscience de la véritable nature de ce qu'elle apprenait, de l'atmosphère torride et débauchée qu'elle se devait de dégager. Ce n'était pas tant une danse qu'un spectacle, pas tant des gestes qu'une symbolique. La sexualité au cœur des bas quartiers, le charme là où l'on ne voyait que la pourriture et les petites frappes. Et nul n'était torride lorsqu'il respectait les règles.

Alors le canidé montra. Ses mouvements se laissèrent envahir de l'empreinte masculine des danses hispaniques, subtil mélange d'arrogance et de charme, la bestialité en harmonie avec la langueur. Suave, indécent, profondément amoureux de chacune de ses partenaires, teintant ses gestes de l'amère douceur du voyageur exilé, d'un érotisme délibéré et d'une séduction insolente, il glissa contre le parquet de son petit appartement comme s'il s'était agi du sol imbibé de chaleur et de détritus des quartiers pauvres de Buenos Aires. Son corps parlait mieux que sa bouche. Il se tourna, se déhancha, répandit dans un langage universel le souffle de la luxure. C'était ça, le tango.

Alors il la défia. Il la défia car s'il était une chose que Tala ne pouvait ignorer, c'était l'appel de la compétition. Il la défia car leur relation n'était jamais que cela, finalement : un duel, l'un contre l'autre, eux contre le Monstre, eux contre la Mort. Il la défia car c'était là l'unique moyen d'obtenir ce qu'il recherchait tant : la fougue perdue d'une femme qui en était constituée. Et il ne fut pas déçu.

« Qu'est-ce qu'on attend, alors ? Allons-y. »

Un sourire ravageur se dessina sur les lèvres du canidé, et en cet instant s'allumèrent dans son regard les braises infernales de la séduction. C'était l'une des premières fois qu'il pouvait voir la véritable Tala, la demoiselle derrière la haine et la peur, et il appréciait ce qu'il découvrait. Il en voulait plus, et plus il obtint. Finalement, ç'avait été comme un sursaut, un phénoménal déclic. Brusquement, l'abominable raideur s'était effacée, et la gêne enfantine s'était estompée. Elle était un peu moins fillette, un peu plus femme. S'il manquait encore en partie l'audace innée à cette danse qu'ils pratiquaient ensemble, le principal était enfin présent : l'envie.

Constatant qu'elle comptait encore les pas, Ashton entreprit de pimenter leur expérience. La tenant à bout de mains, si proche de lui qu'il eut souhaité la toucher comme il le faisait avec tant de monde, il poursuivit ses déhanchés. Son regard de feu était ancré dans celui de la louve comme par désir de le consumer. Çà et là, il rajouta quelques fioritures, se laissa emporter un peu plus loin dans les mouvements, ralentit le temps d'un déhanché. C'était de l'improvisation, c'était de l'amusement. Du laisser-aller. Il allait désormais lui montrer exactement ce que c'était que de donner sa chance à l'incongru, de couronner le Hasard en érigeant pour lui un temple dansant. Qu'elle en ait conscience ou non, Tala y prendrait goût tôt ou tard. Ils le faisaient tous.

« C'est bien, ce que tu me fais là, bambola. »
, sourit-il.

Il le pensait. Il l'appréciait. Un doux sentiment de fierté s'épanouit dans sa poitrine sans qu'il ne lui donnât de voix : il n'avait après tout aucun mérite. Danser ainsi n'était pas de son initiative – Ash avait une quantité considérable de partenaire si tel était son souhait, après tout – et son aide n'avait jamais constitué qu'en un léger coup de pouce, juste suffisant pour donner à la jeune femme l'occasion de faire un pas en avant. Il se souviendrait de sa réaction aux défis, à l'avenir. C'eut pu être utile, après tout...

Il s'approcha d'un pas de Tala, se pencha doucement sur elle, entre éloignement et proximité, ses lèvres suffisamment proches pour souffler :

« On dirait que tu as ça dans le sang... C'est agréable à voir. »

Sa voix grave, une fois ces mots prononcés, se perdit dans les airs à l'occasion d'un fredonnement distrait. La mélodie qui habitait les membres d'Ashton s'échappait enfin, enveloppée dans le velours des intonations du jeune homme. Le regard pourpre pétillait de désir et de malice, empli d'une joie mêlée à une langueur nouvelle. C'en était fini de la bienséance. Un sourire charmeur aux lèvres, il attira doucement Tala à lui. Assez proche pour éveiller les sens, suffisamment éloigné pour ne pas la paniquer, il jouait avec le feu comme elle s'éprenait du fervent plaisir de liberté.

« Avoue que c'est plutôt agréable, comme sensation... »
, glissa-t-il alors.

Son déhanché s'exagéra sur le dernier pas, esquivant de près le corps de sa partenaire tandis qu'il dansait tout autour d'elle. Ils n'étaient plus à Paris, et peut-être au fond n'étaient-ils plus nulle part. C'était leur monde qu'ils créaient là, leur propre intimité, au sein de quatre murs qui n'existaient jamais que dans la banale réalité à laquelle ils se dérobaient.

Mais au fond, quelle était-elle, cette réalité ?

Ashton se faisait souvent traiter de naïf, sotte idée pour quiconque connaissait son expérience. Il avait traversé des pays par dizaines, discuté avec une infinie de personnes, côtoyé la misère comme l'opulence, s'était imprégné des cultures et des mœurs. La vérité, c'était que les occidentaux étaient bien benêts derrières leurs certitudes bien-pensantes. S'il avait envie de danser, il danserait. S'il souhaitait être indécent, il le serait. Au diable les convenances, il n'était jamais qu'un homme de partout et de nulle part à la fois. On ne contrôlait pas l'incontrôlable. Peut-être que lorsqu'on comprendrait ce fait, on cesserait de s'ennuyer avec des codes. Le tango était amusant, le tango était exaltant. Et s'il était hors de la bonne-conduite, c'était peut-être pour ceci. Alors à quoi bon être réaliste ? Il préférait demeurer hors de cette société qui se pensait plus véritable que ses idées, aussi crut-il bon, prenant une courte pause, de souffler à sa compagne :

« On s'amuse bien, non ? »
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeMer 25 Nov - 17:01

Il était le feu qui la consumerait. Il était la passion qui bientôt, la submergerait. Il était l'indécence qui finirait tôt ou tard par la prendre à son tour. Il était le péché, et c'était parce qu'il était péché qu'il s'était risqué à la défier, à rallumer la flamme d'un passé qui lui semblait si vieux et qui pourtant, ne l'était pas. Il était l'enfer qui s'ouvrait sous ses pieds, et au lieu de lâcher ses mains, Tala s'y accrochait plus solidement, comme pour mieux chuter vers l'inconnu, un inconnu qui lui tendait désormais les bras pour mieux la défier. Elle devait réussir. Elle devait vaincre. Elle voulait réussir. Elle voulait vaincre. Mais plus que tout, Tala voulait faire avouer à Ashton qu'elle était capable de parvenir à accomplir ce qu'il attendait d'elle. Non, mieux encore. Elle voulait l'impressionner. Ses pas furent tout d'abord timides, mais bien vite, les rougeurs infantiles disparurent de ses joues. Dans le combat qui l'attendait, il n'y avait plus place pour la gêne. C'était la Bienséance elle-même que Tala assassinait un peu plus à chaque pas, à chaque fois qu'elle poussait ses hanches à onduler, ses pieds à reculer, à esquisser des mouvements qu'elle ne connaissait pas vraiment, à révolutionner sa manière même de se mouvoir. Et face à elle, Ashton la poussait un peu plus au meurtre. Il faisait taire ses habitudes, ne quittait jamais son regard, l'obligeait à faire de même, à oser plutôt qu'à hésiter, à oublier ses peurs, à les effacer d'un geste de la main, une main qu'il ne lâchait plus. Il était la voie du démon, la voix de l'ange, et Tala ne savait plus, ne savait plus vraiment où était la frontière entre le bien et le mal.

« C'est bien, ce que tu me fais là, bambola. »

C'était un mensonge. Elle savait précisément qu'elle avait franchi le point de non retour. Quelque part dans sa tête, la voix de la raison chercha à la rattraper au vol, à lui montrer la route à suivre, mais celle-ci n'y parvint pas. Il était trop tard. Il était trop tard depuis l'instant même où Ashton avait osé la défier. Un sourire, d'abord léger puis de plus en plus appuyé à chacun de ses gestes, naquit sur les lèvres juvéniles.

« C'est seulement bien... ? »

Bien n'était pas suffisant. Il lui en fallait plus. Le défi, dans ses yeux, se fit plus fort, plus brûlant, et Tala tenta des pas qu'elle ne connaissait pas, au hasard de ceux d'Ashton. C'était rafraîchissant, c'était plus intense que tout ce qu'elle avait connu, c'était bien loin des normes qu'elle escomptait, et pourtant, Tala découvrit qu'elle aimait ça. Elle aimait la sensation de danger qui émanait de cette danse, une danse qui s'avérait être un véritable appel à la sensualité, mot honnis s'il en était un. Elle aimait ça, et elle aimait plus encore le fait que son cavalier soit Ashton. Il y avait quelque chose dans le regard enflammé lui faisant face qui lui offrait la conviction qu'elle réussirait, qu'elle avait fait le bon choix, et qui balayait un peu plus les tentatives de sa raison désespérée pour la ramener sur le droit chemin. Il était l'incarnation du vice. Et Tala se rendit compte de l'absolue vérité de cette pensée lorsqu'il s'approcha d'elle, suffisamment pour que son cœur rate un battement.

« On dirait que tu as ça dans le sang... C'est agréable à voir. »

En parlant de sang, celui-ci monta immédiatement aux joues de Tala qui parvint à maintenir le rythme uniquement parce que son instinct parlait pour elle. La détermination vacilla, puis ce fut elle-même qui chassa la gêne qui s'était aventurée dans son royaume. Elle avait voulu davantage ? Elle l'avait obtenu. Tala fronça les sourcils et prit le risque de laisser son sourire revenir. Son cœur reprit lui aussi un rythme normal. Il s'affola à nouveau, suivi de près par un frisson qui consuma tout son corps lorsque le canidé la rapprocha de lui. Cette fois, elle sut. À leurs pieds reposait le tragique cadavre d'une bienséance bafouée qui ne reviendrait jamais plus. Tala l'avait tuée. Ashton lui avait tendu l'arme mais c'était elle qui avait asséné les coups meurtriers. Tala l'avait tuée, et pourtant, elle ne regrettait rien. Ashton finirait par la perdre. C'est cette certitude qui envahissait tout l'espace lorsqu'il prononça, toujours aussi proche, les mots qui signèrent sa déchéance.

« Avoue que c'est plutôt agréable, comme sensation... »

Son corps fut le premier à la trahir. Sa tête opina doucement, sans qu'elle n'y puisse rien. En cet instant précis, c'était comme si le temps s'était arrêté, puis avait reculé, encore et encore, jusqu'à cette lointaine époque où le plaisir était son quotidien. Puis ce furent ses lèvres qui s'ouvrirent, et son regard captivé qui l'empêchait de mentir.

« J-je... je crois que j'adore ça... »

Il était le poison, il était la passion, elle buvait ses paroles et embrassait ses gestes, se rendant complice d'un crime qu'ils commettaient ensemble. Le moindre de ses pas l'éloignait de son monde et c'est en lui tournant le dos qu'elle avançait désormais. Plus tard viendrait le temps des regrets. Pour l'heure elle devait vaincre. Son regard se concentra à nouveau, ses mains s'attachèrent plus solidement au bourreau de sa vertu, et Tala se laissa entraîner dans un univers qu'ils tissaient un peu plus à chacun de leurs gestes. Bientôt, le timide plaisir se mêla au fier défi dans les iris de jade, et Tala suivit des yeux les mouvements d'Ashton. Son sourire se fit plus grand, moins hésitant, et dans son dos poussèrent des ailes oubliées depuis longtemps. Elle était libre. Chacun de leurs pas la libérait des règles, des codes, des attentes de la société, mais surtout des siennes. Oublié, le rejet de sa propre nature, balayée, la peur de faire le mal, dévastée, la colère destructrice. Il n'y avait plus qu'elle, plus qu'eux, eux et le tango, eux et la liberté, une liberté qui mourrait à l'instant même où cesserait leur folle escapade à travers les monts et les vallées de la déchéance. Lorsque survint la pause, la joie couronnait les cheveux caramels et illuminait le regard plein d'espoir. Le vert de ses prunelles avait retrouvé sa véritable signification. Elle était impulsion, elle était rébellion, elle était dissidence et elle était belle, belle dans ce formidable élan de liberté qui la traversait. Celui-ci retomberait, c'était certain. La cage se refermerait, les ailes seraient dissimulées et sur ses yeux reviendrait le voile de la haine. Mais pour l'heure Tala ressentait à nouveau cette incroyable sensation, la sensation retrouvée d'être enfin elle-même. Si Elise avait été là, peut-être aurait-elle entendu autre chose que l'éternel disque rayé qu'était la jeune femme.

« On s'amuse bien, non ?
- C'est encore mieux que ça, Ashton, c'est fantastique, j'ai l'impression de revivre... »

Les mots quittèrent ses lèvres sans que l'envie de les refréner ne se saisisse d'elle. Tala goûtait à ce qu'elle s'interdisait tous les jours et elle le savourait à outrance. Il était dommage que cela ne soit que provisoire. Elle était comme une rose qui, s'épanouissant, s'effrayait aussitôt et retournait à l'état de bouton. Mais pour l'heure, la rose était intacte, splendide de rareté et émerveillée de sa propre liberté. Soudain, son regard se fit changeant. Aux côtés du défi et de la joie s'installa le doute, un doute terrible et dévorant qui débuta presque immédiatement une lutte contre les deux autres. C'était l'une de ces redoutables batailles qui se soldaient d'ordinaire toujours par un échec. Mais galvanisée par le chant d'une liberté renaissante et portée par le souffle du plus tendre des espoirs, Tala vainquit la peur. Elle vainquit la peur et ses doigts lâchèrent ceux du canidé. Ils les lâchèrent et, avec hésitation, remontèrent le long de son bras, provoquant un sursaut à chaque fois qu'elle le frôlait. Attachée au regard écarlate, elle réussit cependant son ascension et sa main se posa sur l'épaule du canidé. Un formidable soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres lorsqu'elle entra directement en contact avec lui. Elle avait réussi. Et si l'inquiétude, toujours, maculait ses traits, ses lèvres se risquèrent à sourire. Le sourire était faible, loin du flamboiement des précédents, mais peut-être un peu plus conscient de ce qui se jouait présentement.

« O-on est partis pour le second tour, Ashton... ? »

Les mots ranimèrent le défi dans le regard de jade. La peur s'estompa lentement. Ce soir, elle reviendrait plus forte. Ce soir, elle serait plus incisive. Mais présentement, l'heure était à la danse. Plus tard viendrait le moment des regrets. La rose disparaîtrait au profit de son bouton et Cendrillon reprendrait ses airs de souillon.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeDim 29 Nov - 23:02

Oh, Tala ne comprenait-elle pas ? Les mots étaient devenus superflus dans leur langage. La danse ne demandait aucune parole, son expression était bien au delà de cela. Tala n'avait pas besoin de dire, il savait. Elle adorait ça. Le tango suintait de son corps, comme inné à sa peau, lui conférant un souffle de vie qu'il ne lui avait jamais connu.

Elle avait déclaré avoir l'impression de revivre, il l'avait senti.

Alors, pressant leurs pas, frôlant son corps sans jamais le toucher, il avait continué. Il avait ondulé, il s'était déhanché, il s'était pavané. Le dos droit et le regard brûlant, il avait dansé. La chorégraphie le subjuguait autant qu'elle devait envoûter sa partenaire. À tout jamais. Volupté et charme s'étaient emparés de la pièce. Le parquet grinçait sous ses pas sulfureux. Il n'avait pas quitté Tala des yeux une seule seconde. L'instant avait été d'une intensité nécessaire. Elle devait comprendre, assumer ces quelques instants d'apnée hallucinante. C'était, plus que tout, l'enjeu du tango. Se transcender, finir dans un Ailleurs passionnel et agréable. Il n'y avait pas de repos plus éreintant que la danse. Alors s'arrêtant finalement, il l'avait observée, un air de défi encore imprimé dans ses yeux carmins. Le parfum de la compétition avait révélé à son être une louve qu'il eut aimé avoir connu. Plus que l'ombre d'un individu, cette Tala-là vivait. Tala touchait, aussi. Si la terreur profonde qui l'animait à chaque rapprochement n'était pas disparue, elle était du moins suffisamment effacée pour laisser place à un contact intime et fort plaisant. C'était amplement mieux ainsi. Il n'avait pas eu à attendre les effets, pas eu à patienter pour la voir oser, tout simplement oser. Il n'avait pas eu à douter de leur performance. Cette technique là était bien plus douteuses, les pas plus maladroits, les pieds moins bien positionnés... Mais bon sang, cette danse-là avait été un tango.

« Félicitations, bambola... Tu sais tout de même bouger, j'insiste. Bravo ! »

Passant une main dans ses cheveux légèrement humides de sueur, il afficha une expression ravie. C'était ce genre de moments où il ne cherchait pas à gérer son attitude le moins du monde. Ashton, et c'est tout. Le monstre n'avait pas à se dissocier de la conscience, alors, et cela lui procurait un bien fou. Il n'avait pas à se battre, juste à exister, à vibrer... Il espérait qu'il en était de même pour Tala.

« O-on est partis pour le second tour, Ashton... ? »

Il en était de même. Le sourire qui habita alors le visage du jeune homme était presque carnassier. Son regard pétillait d'un malice nouveau, bien loin d'une quelconque sagesse. La Bête parlait tout autant que l'Homme dans ce corps épris de deux entités. Peut-être était-ce là un second message qu'il cherchait à faire passer à son interlocutrice, au fond. Pourquoi faire la différence entre deux êtres qui n'en sont finalement qu'un ? Accepter l'autre, c'était aussi s'accepter soi. Ashton n'était pas son propre ennemi, et il aurait dû en être de même pour la petite louve. Avec de la chance, il lui apprendrait. C'était un objectif bien moindre en soi, lorsque l'on considérait la totalité des actions qu'il entreprenait auprès d'elle. La danse n'en était qu'une moindre partie également. Curieux. Il ne savait pas exactement pourquoi il allait si loin... Sans doute l'eut-il fait pour n'importe qui, se raisonna-t-il. N'importe qui excepté pour une personne qui prétendait le détester. La raison était en réalité bien simple, évidente à son esprit, mais il préférait ne pas y penser. Mort et Tango n'avait lieu de se mêler que si l'action était métaphorique.

Ash s'approcha de Tala, ce même air bestial collé à la face, le regard suggestif et le sourire de défi. Il s'approcha trop près, beaucoup trop près de la zone de sécurité de la jeune femme, pénétra celle-ci sans remords et sans vergogne. Il était homme à aimer les challenges, plus encore lorsque ceux-ci semblaient insurmontables. Il adorait plus que tout détruire les à-priori de ce que la plupart considéraient comme du réalisme. Ce n'était que de la peur, et le canidé n'avait jamais peur que de lui-même. Il s'approcha, ne cessant que lorsque la limite finale allait être franchie, et se pencha sur la louve, conscient que ses sens seraient envahis de lui.

« Je veux, oui... Mais il y aura une autre épreuve à parcourir, dans ce cas... Accepteras-tu ? »

Le regard qui plana alors sur elle n'avait rien d'humain. C'étaient les iris pétillants de sang d'un monstre qui ne se cachait jamais vraiment. Ashton ne se dissimulait pas à Tala. Il se montrait, fier dans sa laideur, arrogant dans l'horreur qui était sienne. Peut-être la jeune femme comprendrait-elle que sa propre bestialité n'était qu'un moindre dommage face à l'ampleur de l'infamie qui le définissait. C'était une jolie manière de se dévoiler, supposait-il. Cette mise à nu était nécessaire de toute manière, rien n'y changerait. La louve ne pouvait être seule à se donner dans ces cours, sinon leurs efforts seraient vains.

C'était aussi là l'intérêt du défi.

Le canidé offrit le plus ravageur de ses sourires à la jeune femme et, se penchant tout contre elle, se rappelant qu'elle avait d'elle-même esquissé le rapprochement qui le menait à cet enjeu précis, souffla :

« Que dirais-tu de nous mettre en position, quelques instants ? »

La voix langoureuse laissait en suspend dans les airs quelques suggestions mal placées, comme des murmures d'un diable qui eut trôné là, quelque part entre les statuettes païennes qui peuplaient les étagères de son appartement. Ashton ne savait trop si Tala avait conscience de ses propres progrès, en quelques heures qui plus est, mais il était déterminé à ne pas s'arrêter en si bon chemin.

Aller de l'avant était une histoire de persévérance, après tout.
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeMar 26 Jan - 23:07

« Félicitations, bambola... Tu sais tout de même bouger, j'insiste. Bravo ! »

Il lui avait offert la délivrance au travers d'une danse. Il était venu, lui, lui et son sourire ravageur, lui et son regard incendiaire, et avait fait ce que personne n'avait jamais osé faire. Il avait été au delà des convenances, au delà, même, de sa peur, l'avait poussée à se dépasser, et Tala avait l'impression d'enfin respirer. Alors qu'elle suivait le tracé de sa main dans la chevelure d'obsidienne, ses joues se colorèrent légèrement.

« Merci... »

Sa voix s'était faite plus fragile, tandis que ses doigts se posaient dans une caresse sur l'épaule du jeune homme. C'était... étrange, comme sensation. C'était comme si cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas été aussi loin dans le moindre contact et soudain, la réalité la frappa. Elle avait oublié ce que cela représentait, ce que cela faisait, de toucher ainsi quelqu'un, d'accepter la promiscuité avec celui-ci sans paniquer, sans fuir, fuir au delà du raisonnable. À cette vérité, son regard se troubla, puis se détourna, avant de se clore. Elle avait fait le bon choix, lorsqu'elle avait décidé de se priver de la chaleur humaine. Elle avait fait ce choix pour tous les protéger, et surtout en mémoire de Louis. C'était parce qu'il avait un jour décidé de l'approcher qu'il était mort. Et le reste de ses expériences lui donnait cruellement raison : lorsqu'on osait la proximité avec elle, c'était la mort qu'on rencontrait. Sa main se crispa doucement sur l'épaule du jeune homme. Pouvait-elle... ? En avait-elle seulement le droit... ? Un léger soupir quitta l'antre de ses lèvres, puis les yeux se rouvrirent. Ashton était immortel. Elle le savait, et il le lui avait dit. Ashton était immortel, et il n'avait d'humain que l'apparence. Ashton était immortel, et il lui avait annoncé qu'elle ne pourrait jamais lui faire le moindre mal. Son regard questionna celui, écarlate, de son vis-à-vis, cherchant là une autorisation qu'elle était seule à se refuser. Elle avait le droit de le toucher. Il ne se déroberait pas. Elle avait le droit d'apprécier ce contact. Il ne le lui reprocherait pas. Et surtout, elle avait le devoir d'en profiter. Celui-ci, comme toute cette journée, disparaîtrait avec la tombée de la nuit, et ne reviendrait plus jamais. Elle avait frôlé les limites, brisé les interdits, assassiné la bienséance, était d'ailleurs toujours couverte du sang de celle-ci, mais tout cela n'était valable que pour aujourd'hui. Demain, ces formidables sensations seraient élevées au rang de souvenir. Et Tala savait déjà que cela lui manquerait cruellement. Alors, ses doigts se raffermirent encore sur l'épaule d'Ashton. Mais cette fois, le contact redevint assuré.

« O-on est partis pour le second tour, Ashton... ? » 

Pour aujourd'hui, au moins, Tala se donnerait le droit d'exister. D'abord timide, puis de plus en plus fort, le brasier de douleur laissa place à l'innocente flammèche du défi, qui eut tôt fait de reprendre possession des lieux. Le contact de l'épaule d'Ashton sous sa main était un foyer auquel elle se rattachait, qui nourrissait un incendie qui l'emporterait, l'emportait déjà au cœur du péché, et dont elle savourait la morsure. Tala eut beau inspirer tout l'air qu'elle voulut, cela ne fit que grandir plus encore les flammes de sa perdition. Celles-ci ne vacillèrent que lorsque l'objet de leur désir se rapprocha d'elles, brûlante présence leur faisant concurrence. La respiration de Tala s'affola, se bloqua, s'affola encore une fois, et ne se stabilisa plus avant qu'Ashton ne s'arrête. Pour toute stabilité, on eut l'impression qu'elle s'était figée. La tension augmenta d'un premier cran, puis d'un second, suivi d'un troisième. Les yeux écarquillés, la louve retrouvait lentement des automatismes qui s'immolaient de plus en plus difficilement dans le brasier du défi. Trop près. Ashton était trop près. Son corps se crispa, et sa voix s'éleva plaintivement.

« A-Ashton j- tu-... »

Mais Tala n'avait rien à dire. C'était même tout juste si elle arrivait à penser. En fait, c'était comme si l'homme face à elle annihilait jusqu'à sa faculté de réflexion, comme s'il éliminait doutes et certitudes, courage et lâcheté, la laissant nue sous ses yeux. Les joues de la jeune femme s'empourprèrent, animées par une gêne qui tentait de se frayer un chemin au cœur d'un incendie se refusant à mourir. La main sur l'épaule se fit bien moins douce, mais ne lâcha rien. Tout son être chercha à se tendre à la fois vers le visage de sa délivrance et vers son habituelle sûreté, loin du reste du monde. En cet instant précis, Tala était perdue entre deux univers, qui chacun la tiraillaient, sans qu'elle ne parvienne à se décider, jamais. C'était une épreuve de plus, de trop, peut-être, pour celle qui s'était perdue voilà de nombreuses années, et qui peinait tant à se retrouver. Sa main manqua de lâcher, après avoir tenu si longtemps, et c'est le sourire de l'homme face à elle qui raffermit le contact devenu fragile. Séducteur, ravageur, sensuel. En son âme naquit une étincelle qui un jour, à son tour, deviendrait brasier. Pour l'heure, c'était bien trop tôt, et Tala ne comprit pas cette émotion nouvelle qui se cherchait une place en son âme. Viendrait l'instant où Tala saurait. Elle saurait, et réaliserait l'ampleur de cette timide flammèche. Mais cela arriverait trop tard. Ashton se rapprocha encore un peu plus, si intense, si troublant dans chacun de ses mouvements, et Tala en eut une nouvelle fois le souffle coupé. Elle ne parvint pas à protester, ni même à le repousser. D'aucuns diraient qu'elle était comme hypnotisée. Et peut-être était-ce réellement le cas. Charmée par un regard dont elle avait longtemps cru détester la couleur, la jeune femme laissa Ashton parler sans chercher à se défaire de son contact. Si elle avait dû proférer des aveux, il lui aurait fallu dire que ce brusque rapprochement lui plaisait plus que de raison.

« Que dirais-tu de nous mettre en position, quelques instants ? »

Les yeux s'écarquillent et les doutes se fendillent. La gorge s'assèche et la voix renaît, au cœur même d'une volonté perdue, oubliée depuis tant d'années et qui, au fond, ne demande qu'à renaître.

« J-je... »

Les mots moururent, vains interprètes d'un désir déjà si grand qu'il animait les vertes prunelles. Pourtant, Tala s'accrocha, mordit fièrement dans le fruit défendu, et poursuivit, condamnant un peu plus son âme aux tourments. Lorsque le contact si précieux cesserait, son corps n'en guérirait jamais.

« J-je suis d'accord... J-je veux essayer m-mais... »

Cette fois, le silence. Le doute ne renaîtra pas. Il n'a plus sa place dans les pas de la jeune femme. Pas pour aujourd'hui, tout du moins. Il aura bien le temps de refleurir demain...

« Mais rien. J-je veux réussir, Ashton... »

Un pâle sourire renaquit sur ses lèvres et ses yeux s'accrochèrent définitivement au regard écarlate. Cet homme face à elle était le Diable. Pourtant, lorsque Tala l'observait, c'était l'incroyable lumière de son âme, qui l'éblouissait.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov]   Accroche-toi à moi pour la première fois, il faudra tenir la cadence cette fois... ~ [Talashnikov] I_icon_minitimeJeu 18 Fév - 16:19

C'était drôle, un peu triste aussi, la dualité que semblait éveiller le moindre geste dans les prunelles de Tala. Un toucher, et c'était un brasier qui s'emparait du corps trop frêle, une lutte sans merci entre habitude et désir, entre peur et envie. Le paradoxe se créait avec sensualité et langueur, jouait de ses deux extrêmes, les entremêlaient avec plaisir et horreur. Il n'y avait plus de demie mesure, plus de nuance. Terreur, Bonheur, Appréhension et Appréciation, les entités se chamaillaient l'éclat des iris émeraude sous l'attention intriguée du chien noir. Ashton, un instant, se demanda si son interlocutrice avait conscience d'être un champ de bataille l'opposant à elle-même. Sans doute pas, songea-t-il. C'était des travers dont la jeune femme n'avait sans doute aucune connaissance. Il y avait l'instinct, et puis il y avait cette partie traumatisée d'un individu qui ne savait plus vivre. En ce jour, il comptait réveiller la bête en elle, la Tala déchaînée et sauvage, la louve mêlée à l'humaine. Parce que cette dualité, ce combat, cette opposition, c'était avant tout celle de deux sociétés, de deux êtres, de deux désirs paradoxaux qui se mêlaient sans jamais se mélanger. Il voulait lui apprendre à profiter de ces deux richesses qu'elle avait la chance de posséder. Apprendre à apprivoiser la créature, à débrider l'Homme. La sauvagerie n'était rien à ses yeux sans la douceur, et la bienséance était bien ennuyeuse sans rébellion. Sentant les deux en sa compagne, il désirait plus que tout les lui arracher à la force de sa danse, les étaler au grand jour dans l'absolue lumière de la délivrance.

Le mieux, c'était qu'elle répondait. Son corps s'éveillait sous ses gestes, son cœur buvait ses paroles jetées au vent sur un air de liberté, son esprit capturait chaque instant passé avec le tango comme seul ancrage. La certitude qu'il tirait des yeux de jade emplissait sa poitrine d'une chaleur pétillante. C'était des jeux dont il appréciait particulièrement le goût. Aujourd'hui, ils s'amusaient. Aujourd'hui, ils envoyaient valser la peur, écrasaient l'appréhension sous leurs pas endiablés et chassaient la pudeur d'un coup de hanche. Aujourd'hui, ils disaient non au monde chaste et pur que désiraient les bien-pensants. C'était ainsi qu'Ashton vivait, qu'il respirait et chantait haut et fort sa liberté dans cette société enserrées de codes. S'il aimait les corsets, c'était pour mieux les enlever. S'il respirait avec délice le parfum délicat d'une femme poudrée, c'était pour mieux le remplacer par son odeur à elle, plus bestiale, plus charismatique aussi. S'il se rendait aux soirées mondaines, c'était pour mieux y danser un tango, y célébrer le plaisir et y constater le choc de ceux qui n'en avaient jamais connu que la surface. Ce qu'il apprenait à Tala, c'était se laisser aller. Ce qu'il lui transmettait, c'était ce goût de lâcher prise. Ce qu'il lui souhaitait, c'était de se débrider. Une femme n'était jamais plus belle que lorsqu'elle était libre. Alors il voulait la voir danser, se déhancher, il voulait sentir en la regardant les chaleureuses effluves de Buenos Aires. Le bonheur, selon lui, résidait aussi dans cette capacité qu'avait un être de s'accepter et d'accepter le monde. Rien n'était parfait, tout était abrasif, écorché à vif, et c'était ce qu'il y avait de plus beau.

Il l'avait invitée à se dépasser. Il l'avait poussée au jeu d'un regard, d'une voix, d'un geste. Ashton ne prenait rien de ce qu'ils faisaient au sérieux. La situation de Tala était dramatique, mais leur situation était amusante. Le triste n'était pas le fatal, la détresse n'était pas éternelle et le désespoir n'était pas empereur sur son monde. Montrer à sa louve qu'elle pouvait être ce qu'elle voulait à ses côtés, c'était lui montrer qu'elle pouvait être heureuse sans être condamnée.

Qu'elle acquiesce le ravit au plus haut point.

Un sourire suave se dessina sur ses lèvres percées, et il laissa ses mains se mettre en place d'elles-même sur le corps de la jeune femme. D'apeurée, elle était devenue combattante. Le contraste plaisait terriblement au canidé, qui esquissa rapidement un pas de danse. Après le doute, il avait vu naître en son sein un formidable instinct de défi.

« Mais rien. J-je veux réussir, Ashton... »

Son sourire s'agrandit davantage tandis qu'il se penchait sur l'oreille de Tala. D'une voix grave, d'une voix belle, sensuelle, il souffla :

« Et tu réussiras, princesse. »

Ashton n'en doutait pas une seconde. Ce n'avait jamais été à ses yeux une question de victoire, mais en ce qui le concernait il estimait qu'elle lui était déjà toute acquise. Un pétillement nouveau agita les iris de sang lorsqu'il les fixa sur Tala. Un éclat de rire enjoué lui échappa. Il esquissa un pas sensuel en arrière.

« Combien de temps cela fait-il, miss, que tu ne t'es pas amusée ? »

Une éternité, sans doute. Une éternité de manque, une éternité de privation, de haine, de terreur et de douleur. La seule idée de cette mesure paraissait vertigineuse. Il en avait du mal à la visualiser, à la penser. Il voulait que son errance se termine, là, dans ses bras, au fil de la danse. Le temps n'avait de valeur que lorsqu'il était associé au bonheur.

Il sourit de nouveau puis, spontanément, entreprit de fredonner un chant. Un chant joyeux, un air sensuel, et des paroles grivoises qu'il ne délivreraient pas à l'oreille de Tala. La divertir, oui, pas la traumatiser... C'eut été fort malvenu. Un nouvel éclat de rire lui échappa tandis qu'il laissait aller son bassin contre celui de sa partenaire. Alors tout s'emballa. À mesure que le rythme de sa chanson s'évadait dans les airs, il accélérait tantôt le mouvement, tantôt le ralentissait, esquissait des pas qui n'existaient pas en riant, se déhanchait sensuellement à des moments inappropriés. Le jeune homme se fit ode à la joie, sonnet du plaisir.

Brusquement, il lâcha le corps de sa compagne et ne tint plus que sa main pour se déplacer jusqu'à se situer tout près d'elle, à ses côtés. Son regard planté dans le sien, il esquissa un mouvement ridicule mêlant sautillement et déhanché, une folle hilarité dans la voix. Ashton s'assumait, assumait avant tout sa folie permanente comme étant une partie immuable de son intellect, et assumait de choquer par ses gestes grivois et ses paroles enfantines. Il éclata de rire en ramenant Tala contre lui, parcourant le parquet enflammé de véritables pas de tango cette fois. Il se prit même à souffler quelques unes des paroles à l'oreille rougissante de la jeune femme. Cet instant était placé sous le signe du jeu, et il prenait plaisir à s'en accommoder.

« Es-tu choquée, Tala ? Es-tu gênée ? », s'enquit-il d'un ton joyeux.

Il la fit tournoyer sur elle-même, tenta du moins, pour la toute première fois, emporté lui-même par l'élan de l'enthousiasme, oubliant tous les obstacles franchit pour ne plus se consacrer qu'à l'instant présent. Il rapporta la demoiselle tout contre lui dans une étreinte souriante.

« Pourquoi, si c'est si plaisant, devrions-nous nous en excuser ? Tu ne trouves pas cela sot ? Tu ne trouves pas qu'il n'y a là rien à punir ? »

Les questions, joueuses certes, n'en demeuraient pas moins sincères. Ashton voulait savoir, connaître, explorer. Tala partait à l'aventure d'elle-même, il découvrait quant à lui les mystères de ses beaux yeux verts.
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