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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 De fil en aiguille [ft Reilly] - suite

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Ashton Lyn
☽-I am the Captain of my Pain-☾
Ashton Lyn

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MessageSujet: De fil en aiguille [ft Reilly] - suite   De fil en aiguille [ft Reilly]  - suite I_icon_minitimeMar 16 Fév - 23:08

Ashton appréciait déjà beaucoup ce petit gars. Il y avait en lui quelques détails, infimes pour certains, grandioses selon lui, qui l'élevait en son cœur comme un prodige. L'âme si particulière, toute en volupté, la beauté indéniable du visage de porcelaine, la fragilité évidente du corps trop frêle, cette dualité si violente entre la faiblesse de la chaire et la force de l'esprit, ce même esprit qui trahissait sa vivacité dans les reflets opalins de ses iris ou dans la spontanéité des réactions en chaîne ; il aimait tout, se délectait des fragments d'informations et des quelques indices que l'on acceptait de glisser entre ses crocs. Reilly était intéressant, Reilly était intéressé. Il y avait entre eux comme une réaction chimique, un phénomène rare, inexplicable et sublime. Ashton le trouvait personnellement fort délicieux. Il avait faim, il avait soif, il avait hâte. En cette soirée se mêlaient impatience et désir, appréhension et envie. Il n'en manquerait pas une miette.

Il avait patienté longtemps, mais la source s'était tarie et, dans le désert de son esprit, la curiosité s'était faite reine. Entretenir le désir était l'une de ses passions, il la délaissait pour couronner son incurable défaut. Qu'on le lui reproche, le jeune homme souhaitait simplement savoir. Et dans le cabaret, aussi agréable fut l'endroit, il ne pouvait pas obtenir ce à quoi il aspirait. Dans le cabaret, il était coincé dans ses élans de découverte par les esprits coincés et les conventions écrasantes. Dans le cabaret, il avait l'ignorance des humains à préserver. Ils ne pouvaient rester. Alors il s'enquit, subtilement, et la voix grave toujours mielleuse. Reilly était un jeune homme plein de ressources, il n'en doutait pas, et sans doute serait-il en mesure de choisir un lieu où dissimuler leur conversation coupable. Il ne fut pas déçu.

« Par ici monsieur, c’est par là que commence notre histoire ! »

En ce qui le concernait, l'histoire avait déjà commencé. Un sourire ravageur se glissa sur les lèvres percées, sourire tentateur, sourire séducteur, sourire amusé surtout. Ashton était homme de surprise et d'aventure : Reilly ne manquait pas de le combler. Il aimait les picotements dans sa poitrine, la brillance dans ses yeux, le désir dans son cœur.

C'est avec plaisir qu'il poursuivit les petits pas du garçon dans les sombres rues parisiennes. Le gosse avait l'air de savoir où il allait. Ses enjambées étaient rapides, précises, guidées par une légère brise nocturne. Peut-être le corps si léger de son cadet risquait-il simplement de s'envoler ? La pensée l'amusa, et il regarda la frêle silhouette s'élancer dans les airs avec un intérêt renouvelé. Ses propres mouvements étaient amples, souples, ce qui lui permettait de suivre sans soucis la petite figure. Il ne s'inquiéta pas du fiacre, ni même de l'air fiévreux contre ses joues. Ashton était obnubilé par l'aura qui semblait étreindre l'enfant à l'esprit d'adulte. La vapeur langoureuse virevoltait, caressait jusqu'à l'air lui-même, paraissait prendre forme puis changer, sourire puis courir, invitation perpétuelle au jeu, à la douceur, à la sensualité. La contradiction au sein de cette âme était si marquée que le canidé lui-même craignait de s'y perdre. Pourtant, il adorait ça.

Lorsqu'il lui demanda s'il suivait, Ash répondit « Toujours. », prenant par réflexe l'invitation presque enfantine que lui adressait son cadet. Son regard brun s'éclipsa un instant vers la Lune, qu'il trouvait belle en cette soirée d'été. En lui, la Bête remua, comme réveillée par l’œil unique de l'astre sous lequel elle répandait le sang. La Nuit était pour le jeune homme cette dualité entre paix et massacre, volupté et barbarie. Pour lui, elle était soie et sang, caresse et couteau. Il n'y avait pas plus de demie mesure qu'il n'y avait de nuances. Deux facettes pour un même moment, et deux raisons pour lesquelles Ashton existait en tant que lui. Il sourit davantage.

Le parc qui semblait tant plaire au garçon n'était pas inconnu à l'être démoniaque. En réalité, il n'était inconnu de personne. La Butte-Chaumont était gigantesque, si grand qu'on s'y perdait aisément, et toujours avec le même plaisir. Un léger sourire se dressa sur les lèvres d'Ashton.

« Tu as bon goût. », commenta-t-il.

Son ton demeurait joueur, grave et mielleux à la fois, avec cette pointe de séduction presque innée au jeune homme. Ce qu'il appréciait chez Reilly se tenait là également : il ne se contentait pas d'être le spectateur de la partie de séduction qu'il engageait pour rire, ne se contentait pas de se tenir là, choqué ou ravi par les paroles sulfureuses. Non, le garçon prenait vie sous les intonations charmeuses, tantôt les renvoyait, tantôt les gardait tout à lui-même. Fils du dialogue semblait-il, du jeu tout du moins, le petit gars cachait derrière son apparente innocence un instinct sensuel, sexuel dont il se servait avec un panache qui amusait énormément le chien noir.

Là où la jolie créature paraissait exténuée de leur parcours, Ashton, lui, était frais comme un gardon. Rien dans sa posture ne trahissait la moindre trace de fatigue, ni même un léger essoufflement. Tout juste avait-il transpiré. L'état de Reilly lui arracha un éclat de rire. Il le corrigea :

« Que je n'avais pas couru comme ça, mon cher. »

Il adressa un regard pétillant de malice au garçon avant de poursuivre :

« Avons-nous couru tant que ça ? Tu me sembles bien exténué... »

Le timbre grave paraissait s'enflammer sous l'amusement qui en débordait. Le canidé observa les alentours, curieux de savoir s'ils étaient seuls ou non. En réalité, il avait hâte de dévoiler à l'adulte juvénile la véritable nature de son interlocuteur. L'identité d'Ashton surprenait toujours, et il éprouvait une certaine hâte à découvrir la réaction du petit gars. Celui-ci le ramena d'ailleurs à eux en indiquant le buisson.

De nouveau, l'archiviste éclata de rire. Ce garçon l'amusait bien trop pour son propre bien ! Spectateur docile de l'entrée de son cadet, il ne tarda toutefois pas à déchanter. Certes, la frêle silhouette de Reilly parvenait sans mal à se faufiler sous les branchages, mais celui-ci mesurait aisément une vingtaine centimètres de moins que lui, que ce soit en hauteur ou en largeur. Les quelques mesures d'élargissement du passage impressionnèrent bien peu le jeune homme. Il haussa un sourcil :

« Passerai-je ? »

À défaut de chercher une réponse, c'était questionner ses propres actions que cherchait le canidé. Il décida rapidement qu'au pire, il n'en était pas à sa première bêtise, et que son interlocuteur lui pardonnerait bien une petite incartade s'il parvenait à le charmer ensuite. Les genoux à terre, il entreprit donc de se glisser dans la sorte de cabane qu'avait érigé le garçon. Étonnement, il y parvint sans trop de heurs.

La cachette était en soi fort sympathique, si charmante même qu'un léger sourire se dressa sur les lèvres d'Ashton, comme ne les ayant jamais quittées. Il s'étendit de biais sur l'herbe fraîche, observant Reilly d'un regard rougissant. Désormais, ils étaient seuls, et il n'y avait plus aucune raison pour lui de se dissimuler. Ses iris devinrent du même rouge que le sang qu'il déversait dans les ténèbres nocturnes, et le blanc de ses yeux se teinta d'un noir plus profond que la nuit. Il afficha un sourire ravageur, séducteur, dévorant autour de lui une luminosité qu'il souhaitait adresser seulement à son cadet. Il n'eut pas besoin d'invitation pour débuter :

« Qu'es-tu, Reilly ? C'est étrange, je n'ai jamais vu d'être comme toi... »

Il tendit la main et, du bout des doigts, joua sans y parvenir avec les vapeurs voluptueuses de l'aura pâle du garçon. Son regard se fixa sur elle, comme hypnotisé, ébahi par tant de beauté et d'originalité. Sa voix était presque détachée du monde. C'était la créature qui parlait plutôt qu'Ashton.

« On dirait que ton âme s'étend vers la Lune... »

Ce dont il ne se doutait pas, c'était que c'était bel et bien le cas...
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MessageSujet: Re: De fil en aiguille [ft Reilly] - suite   De fil en aiguille [ft Reilly]  - suite I_icon_minitimeMer 17 Fév - 22:16

« Tu as bon goût. », avait dit Ashton.

« Evidemment. », avait rétorqué Reilly tout en accélérant.

Oh ! Qu’il s’amusait ce soir ! Ah ! Qu’il était comblé aussi ! Ses lèvres qui articulaient la moindre de ses réponses au grand jeune homme qui constituait sa compagnie n’avaient cesse de se tordre en un rictus toujours plus taquin, peut-être même provocateur, par moments. Un bien vilain défaut, lui avait-on dit pas moins d’une bonne centaine de fois ces dernières années. Non. Un bien vilain défaut bien exploitable, plutôt, lui avait-on répété. Dociles en journée, joueuses en soirée, au gré de leur humeur et de celle de la lune ; les lèvres du petit couturier étaient plus passionnantes qu’elles n’y paraissaient. Même, alors que son grand ami le reprenait, elles ne perdaient pas leur sourire.

« Que je n'avais pas couru comme ça, mon cher. »

Ah, oui, la concordance des temps n’était pas bien évidente, en français. Alors, docilement, studieusement, dans un souffle court du à une course trop effrénée, les lèvres roses répétèrent : « que je n’avais ». Un coup d’oeil passager à son professeur arracha cependant une grimace d’incompréhension à Reilly. Ashton Lyn était donc très bon coureur. Pas de trace d’essoufflement ni de transpiration sur son visage qu’il jugeait parfait. Pas même une seule lueur de fatigue. Comment cela était-ce possible ? Voilà qu’une autre qualité venait s’ajouter au grand mystère que constituait Ashton Lyn.

« Avons-nous couru tant que ça ? Tu me sembles bien exténué... »

Reilly ne put s’empêcher un léger rire répondant au regard plein de malice du jeune homme. Il avait donc remarqué son état. Tout à coup, Reilly se sentit bien faible face à Ashton. Mais, bien trop impatient d’arriver, il ignora sa remarque. Pour le moment. Au lieu de lui répondre, il se contenta de profiter du spectacle que lui offrait un Ashton Lyn bien plus grand et large que lui essayant de passer au travers d’un buisson aussi petit qu’un lorialet.

« Passerai-je ? »

A vrai dire, le petit irlandais n’en était pas sûr et certain. Toutefois, le jeune homme parvint, sous ses yeux bleus ébahis et conquis, à passer les terribles griffes du buisson de la Butte-Chaumont.

Alors qu’Ashton s’allongeait à ses côtés, un nouveau sourire qui se voulait plus mystérieux, plus intrigant, étendit les lèvres poupines de Reilly. Il lui accorda un regard en coin, ni plus ni moins, quasi boudeur, légèrement narquois et aussi innocent que sulfureux pour accompagner ses paroles.

« Je suis plus endurant que tu le penses, Mr Lyn, mon corps, lui, est capable de prouesses que c’est impossible de soupçonner au premier regard. Mais je suis nul pour la course. »

Un léger plissement de son regard si bleu planté dans celui, brun et chaleureux, d’Ashton et le petit lorialet se tourna dos à lui. Reilly était blanc, Reilly était noir. Il était quelque chose et son opposé. Parfois, il détestait ça. D’autres fois, il en usait. Il en abusait, même, mais rarement. Et parfois, face à des personnes aussi exceptionnelles qu’Ashton Lyn, il se disait que c’était tout à fait possible, ou même normal, en fait, d’être une sorte de dualité sur pattes. Ces cas étaient, hélas, bien rares, mais…

Reilly se retourna lentement face à celui pour qui il avait gagné tant d’intérêt et il rouvrit les yeux pour contempler un sourire plus ravageur que ce à quoi il s’était attendu. Peut-être était-ce aussi pour ça, qu’Ashton l’attirait tant ? Il ne cessait pas de le surprendre. Et être surpris, dans un monde dont il avait l’impression de déjà tout connaître par coeur, c’était comme une drogue pour Reilly. Toujours, il avait besoin d’apprendre, d’être intrigué, attiré par quelque chose, toujours il avait besoin de voir son attention se faire happer par les griffes d’un diable qui, sans le savoir, l’enchaînait à lui bien plus qu’il ne le pensait. Attiré, attrapé, enchaîné sur une vraie toile d’araignée. C’était pour cela, précisément pour cela qu’il tenait autant à sa nature de lorialet. Elle le mettait en garde, elle lui défendait d’approcher les autres, leur univers, elle lui apprenait à rester sage, dans son coin, loin de tout ce qui pouvait capter son attention. Une fois qu’il tissait des liens, ils étaient impossibles à rompre. Positifs ou négatifs. Malheureusement. Heureusement ? C’était toujours la même chose : cela dépendait de quelle araignée lui tissait un cocon.

Il se mordit le coin de la lèvre, perdu dans ses pensées, observant le moindre détail du visage d’Ashton qui, semblait-il, monopolisait toute la lumière de leur cachette. C’était fou comme il ne pouvait pas s’empêcher de le regarder ! Ca l’agaçait, presque, de ne pas savoir. Il sentait que quelque chose était différent, que quelque chose allait changer. Son estomac se tordait et sa curiosité hurlait à la mort. Ils étaient enfin tous les deux, face à face, seuls, et toute l’impatience qui était montée en Reilly s’était transformée en appréhension. Il voulait tellement voir, savoir, que c’en était maladif - une autre caractéristique qu’il tenait de sa mère.

« Ash… »

Suppliant. Le petit irlandais chercha désespérément les yeux de son vis-à-vis et… Un hoquet de surprise illumina ses grands yeux bleus qui, sous l’étonnement, s’agrandirent encore. Comment n’avait-il pas pu remarquer ?

« Tes yeux ! »

Une couleur rouge sang piquante et vive au milieu d’une mer de noir profond habillait  à présent le regard d’Ashton. La surprise passée, Reilly ne perdit pas une seule seconde et se releva, à quatre pattes, dans un geste souple afin de faire glisser les doigts graciles d’une de ses petites mains sur les joues de son vis-à-vis, fixant son regard droit dans le sien. Le contact invisible de leurs yeux le fit frissonner de tout son petit être et il se sentit, l’espace d’une seconde seulement, plus frêle que jamais. Sublimes, il ne voulait en aucun cas s’en détacher. Un instant, même, le petit couturier cru se perdre dans ce regard de sang tellement il était, pour lui, fascinant. Pourquoi Ashton avait-il d’aussi beaux yeux ? Pourquoi étaient-ils si particuliers ? Uniques, puisque jamais de sa vie il n’en avait croisé des semblables. Plus il les regardait, plus Reilly avait l’impression que son coeur battait vite. Peut-être était-ce parce que ce regard rouge perçant lui évoquait celui d’un prédateur ? Cette impression le fit frissonner à nouveau, et ce frisson lui arracha un sourire plus enfantin que jamais. Il avait envie de toucher, de sentir sous ses doigts pour mieux comprendre. Alors, précautionneusement, il remonta le bout de ses doigts le long des tempes d’Ashton.

« You have the most beautiful eyes I’ve ever seen… » (Tu as les plus beaux yeux que j’aie jamais vu…)

Délicatement, il caressa l’arcade gracieuse qui se dessinait sous son index avant d’en clore la paupière et, lentement, il se pencha pour y déposer un baiser. Il se redressa, admira à nouveau ces yeux si particuliers, et recommença avec l’autre côté. C’était… étrange ? Bizarre ? Bazar dans l’esprit du petit irlandais qui se redressait, sans toutefois cesser ses caresses qui dérivèrent dans les cheveux de son compagnon. Ah, le cocon était déjà fait ? Reilly se maudit silencieusement. Depuis quand avait-il autant perdu en resistance ? En même temps, il avait envie de savoir d’où venaient ces yeux…  

« Qu'es-tu, Reilly ? C'est étrange, je n'ai jamais vu d'être comme toi... »

Le petit lorialet cligna des yeux, ramené à la réalité par un Ashton tout aussi curieux que lui. Un sourire doux habilla ses petites lèvres et il alla même se refléter dans ses yeux. Qu’était-il, hein ? Ils avaient bien la même question en tête, donc. Et cette question ayant calmé ses instincts curieux, il put prendre le temps de réfléchir à comment y répondre. En fait, il ne savait pas vraiment par où commencer.

« On dirait que ton âme s'étend vers la Lune... »

Ah ! Qu’il était compliqué de se faire violence ! Il devait jouer honnêtement. Ashton lui avait demandé, alors il répondrait. Puis il demanderait à Ashton, et il lui répondrait. Chacun son tour. Tout en jouant avec les mèches d’ébène de son aîné, Reilly releva gracieusement les yeux vers la lune en fredonnant sa complainte, tout bas. Puisqu’elle était là, il n’avait aucune raison de s’inquiéter. Ashton, si mystérieux était-il, comprendrait et entendrait tout. Il sentait cette capacité en lui. Alors, doucement, timidement, il s’éclaircit la gorge afin de lui conter son histoire dans le meilleur français possible.

« Ma mère s’appelait Bridget. Elle était la femme la mieux, très maligne, forte, très belle, et puis elle avait beaucoup de charme. Tout le monde autour de Arklow admirait ses qualités. Elle aimait les hommes pareil que les femmes, mais elle ne voulait pas se marier parce qu’elle n’était pas… in love ? A…amoureuse, oui, et puis ça ne l’intéressait pas vraiment. Alors son frère, mon oncle Sean, avait dit qu’elle était promise aux étoiles et elle avait dit que peut être c’était ça. Et puis, tous les soirs, ils se disaient des histoires sur notre colline, et puis ma mère chantait. Elle chantait aussi très bien ! Elle chantait pour le ciel, les étoiles et la lune. Et c’est comme ça je crois que la lune est tombée amoureuse d’elle. Parce qu’oncle Sean avait dit que la lune éclairait toujours ma mère plus que les autres gens. Ma mère avait toujours voulu un enfant, mais pas d’amant, alors le soir elle en parlait à la lune. »

Reilly marqua une petite pause ponctuée d’un rire amusé. Plus il y pensait, plus il se disait que Bridget avait été une femme bien en avance sur son temps. Vouloir un enfant mais pas de quelqu’un avec qui en concevoir un… Telle mère tel fils ? Ils étaient aussi étranges l’un que l’autre, en fait. Cette pensée réchauffa son petit coeur.

« Alors, tu sais, quand deux personnes s’aiment elles font des enfants ensembles, c’est ça qu’on dit aux enfants. Et la lune aimait tellement ma mère que elle lui a donné un enfant. C’est moi. »

Comme si cela n’avait pas été évident, Reilly prit soin de pointer son index vers son visage. Une petite brise fraîche et doucereuse vint caresser son sourire et jouer dans ses mèches alors qu’il relevait une nouvelle fois les yeux vers sa mère, si ronde, si brillante. Plus que jamais, à ce moment précis, il était possible de rapporter la pâleur de la peau du petit lorialet et la couleur immaculée de ses cheveux à l’astre lunaire qui trônait au-dessus d’eux. Sans oser le regarder, de peur qu’il remarque le rose de ses joues timides de la non-pudeur dont il venait de faire preuve en lui racontant son histoire, Reilly osa tout de même questionner Ashton :

« Tu penses que c’est étrange ? Pourtant, c’est comme ça que je suis né… Maintenant je n’ai pas de preuves en plus, ma mère et mon oncle sont morts donc tu ne peux croire que moi… »

Une nouvelle fois, il ne put retenir un petit rire nerveux. Quelqu’un qui ne croyait pas à l’extraordinaire ne pouvait certainement pas croire à une histoire comme la sienne. Toutefois, même s’il lui fallut quelques secondes de plus avant de redescendre ses yeux dans ceux, incandescents, d’Ashton, Reilly se sentait en sécurité à ses côtés. Etrangement, et contrairement à son coeur de proie qui avait accéléré quelques minutes auparavant, il se sentait apaisé et juste… bien, là. Il avait même envie de se rallonger à ses côtés et de se blottir contre lui. Fou ? Il sentait effectivement une force immense en Ashton qu’il ne pouvait pas nommer. Alors, trop impatient, il reprit la parole :

« Je dirai plus de choses après, si ça t’intéresse, mais pour que je dise plus de choses il faut m’en dire tout autant, le mériter, tu vois ? Sinon ce n’est pas drôle ni intéressant. Let’s do it fairplay. » (Jouons-la fairplay.)

Ses yeux, ses lèvres, son visage tout entier trahissait son intérêt et son avidité de savoir. De savoir tout. Sa main, elle, reprit ses caresses, machinalement, et ses doigts plongèrent avec ravissement entre les mèches d’Ashton, tandis que son visage de poupin irlandais affichait un air plus intrigué.

« Et toi ? Tu es quoi ? »

Son pouce glissa jusqu’aux lèvres du brun pour les frôler alors que ses sourcils se fronçaient, frustrés, sous l’ignorance.

« Tell me, I'm so curious I could die right now... » (Dis-moi, je suis tellement curieux que je pourrai en mourir, là...)

Le coeur de Reilly accélérait doucement, pressé de connaître la suite.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: De fil en aiguille [ft Reilly] - suite   De fil en aiguille [ft Reilly]  - suite I_icon_minitimeJeu 7 Avr - 23:32

Reilly parlait, parlait encore, toujours, avec cette petite moue d'enfant que prenaient ses traits poupins, ce fin sourire, presque félin, et puis ce regard bleu si particulier, si brillant qu'il en captivait l'attention à la manière d'un aimant pour du métal. De ce qu'il disait, Ashton retenait la langueur... la séduction, et surtout ce formidable décalage entre ce que son interlocuteur était – une créature de douceur, un être de délicatesse, un homme de sentiments – et ce qu'il était devenu – un garçon plein de passion, un adulte empli d'affections. Le sous-entendu de sa réplique lui avait arraché un éclat de rire, et c'était désormais tout à lui qu'il offrait son attention. À lui, et à la Lune vers laquelle tendait son âme. Ses yeux devenus pourpres, il fixait distraitement la fine stature de la frêle créature, avec une forme d'appétit sans doute, une curiosité avide de réponses, et surtout avide de réactions. Il était certain d'en recueillir une, avec cette nature si violente qu'était la sienne. Il se savait monstre, pas les autres, et les voir le découvrir était toujours... amusant. S'il n'aimait pas vraiment provoquer la peur, il s'en moquait surtout. Et puis quelque chose lui soufflait que la réponse de son cadet ne serait pas de cet acabit. Restait à savoir si cela s'avérait vrai.

Dévoiler son regard, c'était se dévoiler lui-même, et toute cette dualité d'entités qui se mêlaient et s'entrechoquaient en son sein. Ashton était un être compliqué, ses yeux aussi. La rose éclose, au cœur de ses iris, était une fleur de sang, à l'image de l'être dont elle incarnait la puissance. Ses pétales s'armaient des reflets cramoisis des passions qu'il incarnait tout entier, Haine et Peine, Amour et Vengeance, tous ces sentiments interdits qui animaient l'âme et le cœur du prédateur. Monstre il était, et Monstre il s'incarnait. La noirceur de sa nature se révélait dans les ténèbres de son regard, dans l'infini néant qui enlaçait ses pupilles. Il y avait la Mort dans ces yeux là, et en même temps un éclat surprenant de Vie qui poursuivait ceux qui osaient les croiser. Osaient, car peu de gens se sentaient jamais prêts à les affronter : nul ne souhaitait offrir son attention aux fenêtres de l'âme d'un Chien des Enfers. Alors Ashton était curieux. Curieux de voir le petit être tourner son attention vers lui, de découvrir sur ses traits si expressifs les émotions que sa nature monstrueuse provoquerait en son sein, de sentir s'agiter en lui la dualité entre peur et, peut-être, qui sait, attirance. Après tout, il semblait difficile d'ignorer les évidents sentiments de Reilly à son égard, et il pétillait d'enthousiasme à l'idée d'être le spectateur de leur évolution.

Peut-on désirer un monstre lorsque celui-ci se révèle ? D'une certaine manière, c'était là tout l'enjeu de sa démarche, et il s'en amusait absolument. Sa nature, c'était aussi Lui : une anomalie incrustée jusque dans sa chaire, au plus profond de sa moelle, comme un sortilège qui courrait même dans son sang. On ne lui avait jamais appris à avoir honte, en soi, de ce qu'il était, alors à quoi bon ? Bête ou non, détesté ou non, il se savait Chien noir jusqu'au bout des ongles. Et quitte à se considérer comme une ignoble créature, il préférait s'en réjouir, en faire une fête de chaque instant et célébrer son être dans les âmes de ses interlocuteurs. Il aimait les auras, aimait les gens, aimait aussi leurs profonds instincts et leurs sentiments lorsqu'ils s'exprimaient. Il était amoureux de la Vie, et se sentait l'envie permanente de la mettre en avant, peu importe s'il était un sbire de la Mort. Il allait déjà contre sa nature de tant de manières différentes que celle-ci ne lui paraissait pas étonnante.

Il s'attendait à tout, un peu à rien aussi, mais la réaction de Reilly lui arracha une expression profondément surprise. Déceler dans le regard azuré de la fascination plutôt que de l'horreur, de l'admiration plutôt que de la peur, de la curiosité plutôt que du dégoût fit naître en sa poitrine un chaleureux étonnement. Ce n'était pas ainsi qu'il avait l'habitude d'être considéré. Lui, il était la Bête, la Chose, le Monstre, aux yeux de tous comme de lui-même, une créature vile qui provoque le Mal et la Douleur, une abomination à fuir, à tout prix. On ne l'avait certainement jamais observé comme une œuvre d'art, pas ainsi du moins. L'air de ravissement que portait le garçon au visage l'emplissait d'une bienveillante perplexité. S'il ne comprenait pas le moins du monde cette formidable réaction, il ne pouvait nier le sincère plaisir qu'elle engendrait en son sein. Son choc le laissa coi quelques instants d'ailleurs, laissant le temps à son interlocuteur de déposer ses petits doigts, si fins, si frêles, si fragiles sur ses joues de prédateur.

« You have the most beautiful eyes I've ever seen... »

L'éclat de rire qui déchira son buste avait un ton légèrement nerveux, tout juste étranglé, comme si les émotions qu'il transportait avaient été trop épaisses pour sa gorge. Ashton peinait à comprendre cet instant, ces mots, ces baisers, et surtout ce sourire si lumineux qui éclairait son abyssale monstruosité. La sincérité de ce qu'il percevait chez son vis-à-vis le frappait presque autant que sa réaction. Il n'avait jamais vraiment rencontré pareille réponse, outre la merveilleuse muse qui le graciait si souvent de sa présence. Mais elle, elle était différente. Elle était hors du monde, hors du temps, et la Beauté était pour elle une qualité universelle. Reilly, lui, n'était qu'un garçon de ce monde, ancré en lui et partie intégrante de son fonctionnement. Ce genre de comportement lui paraissait étrange, absolument, profondément hors des normes, foncièrement insolite. Et la bizarrerie, il adorait ça.

Sa surprise se mua en joie, sa joie en rire, plus long cette fois-ci, plus lumineux, comme si son trouble précédent n'avait rien été de plus qu'une ombre furtive sur son visage. Il en allait ainsi pour ses doutes : ils s'éveillaient en son âme, la tiraillait un instant puis, acceptés, disparaissaient, spectres oubliés d'émotions qu'il se refusait à ressentir. Désormais, les émotions dans son regard avaient été remplacées par un malicieux pétillement, et son attitude de se parer de nouveau de sa sempiternelle sensualité. Le jeune homme balança en arrière sa sombre crinière, se redressant légèrement pour offrir au garçon qui le fascinait un somptueux sourire. Il approcha presque tendrement son visage du sien, comme d'aucun s'y fût pris pour lui voler un baiser. Le canidé n'en fit cependant rien, se contentant de profiter allègrement de sa proximité avec l'aura qui l'hypnotisait. Il tendit les doigts, de nouveau, vers ce petit corps si frêle qui portait une âme lourde de douceur de de mélancolie, pleine de sentiments, qui s'arrachait étrangement à lui pour s'agripper aux rayons de la Lune. Curiosité et Envie se mêlèrent et s'assemblèrent en son cœur. Bon sang, il voulait savoir.

« Ma mère s’appelait Bridget. »

Le flot de paroles commença et l'emporta avec lui dans le passionnant récit d'un être complexe à l'histoire étonnante, l'éclaboussa de détails, le laissa barboter parmi l'incroyable densité de ces informations dont il se délectait. Ses yeux pourpres demeurèrent tout du long rivé sur la chétive silhouette de son interlocuteur, éclatants de curiosité et de fascination, emplis de joie à l'idée de l'être si rare qu'il côtoyait brusquement de si près. Ashton trépignait, tremblait presque d'excitation. Son sourire, à mesure que Relly racontait, s'agrandissait. Il y avait brusquement à son visage un charme presque enfantin dans son intensité joviale. Au terme des paroles, il murmura, chacun de ses propos gorgé de ravissement :

« Tu es un lorialet... »

Frissonnant légèrement au contact des mains si tendres dans sa chevelure d'ébène, le jeune homme se redressa un peu plus, rendu lumineux par son enthousiasme. Il bouillonnait d'une formidable exaltation, exacerbée encore par la faim qu'il ressentait inévitablement pour cette âme si pure et rare qui se pavanait tout près de lui.

« C'est absolument génial... Je n'en avais jamais rencontré jusqu'à aujourd'hui, vois-tu ? Tu es... fascinant. Tiens, cela explique pourquoi ton âme se tend vers le ciel, n'est-ce pas ? »

Il attendit la suite, attendit les détails, offert tout entier aux attentions de son compagnon, pendu à ses lèvres. Il en voulait plus, toujours plus, souhaitait parler des heures de sa nature au fils de Lune et lui poser des tas de questions qui le démangeaient, jouer sans s'interrompre avec les vapeurs fantomatiques de son aura. Il était absolument fasciné par Lui.

« Je dirai plus de choses après, si ça t’intéresse, mais pour que je dise plus de choses il faut m’en dire tout autant, le mériter, tu vois ? Sinon ce n’est pas drôle ni intéressant. Let’s do it fairplay. »

La moue qui se dessina sur les traits du canidé était plus joueuse que boudeuse. Ashton avait eu conscience dès leur rencontre de se lancer dans un formidable jeu de séduction et de course-poursuite. C'était aussi, s'il était franc avec lui-même, ce qui l'avait irrémédiablement attiré dans la personnalité à double-tranchant de son interlocuteur.

Alors il sourit, ravageur, suave, son regard rouge brûlant pour une ode au désir. Son comportement perdit en enthousiasme pour gagner en langueur, en sensualité. Le démon avait regagné son trône de luxure. Il pencha subtilement la tête sur le côté, prenant soin d'emporter dans sa course quelques mèches brunes, et embrassa chastement le bout du doigt qui vint frôler ses lèvres.

« Tell me, I'm so curious I could die right now... »

L'expression du jeune homme s'illumina davantage à ces mots. Savoir Reilly aussi intéressé par ce qu'il était l'emplissait de joie et d'impatience. Les réactions du garçon étaient si insolites, si étranges pour lui qu'il peinait à les comprendre, et il adorait ça. Discuter avec lui se révélait plus intéressant au fil des secondes, plus intense aussi. Il voulait, plus que tout, entretenir cette passion dévorante. Son ton, lorsqu'il parla, était d'une séduction immuable.

« Je suis un Monstre, Reilly... »

Un éclat de rire lui échappa, et il offrit un regard pétillant d'amusement à son interlocuteur. Sa voix était chaleureuse, joviale.

« Mais cela, tu le sais déjà. »

Joueur, il s'avança jusqu'à rapprocher son visage tout près de celui du lorialet, appréciant au passage les effluves délicates de son aura. Un inconnu eut sans nul doute considéré leur position comme profondément impudique, voire digne d'un châtiment absolu. Mais cette constatation ne fit que l'amuser plus encore. Ashton voulait se divertir, au diable la loi qui oppressait stupidement ses désirs. Son sourire se mua en moue ravie tandis qu'il mimait une morsure au nez, grognant presque du fond de sa gorge.

« Je suis un Chien des Enfers, Ô fils de la Lune. Elle est ta mère, et elle est mon appel. »

Un léger éclat de rire s'échappa des lèvres du canidé tandis qu'il redressait son regard pourpre vers l’œil bienveillant de l'astre pâle. Qu'elle l'intriguait, cette auréole blanche dans les absolus ténèbres...

« C'est étonnant, non, comme Elle a une signification différente pour tout le monde ? Pour les loups, pour les lorialets, pour les hommes... Je trouve ça fascinant. En fait, je te trouve fascinant aussi... »

Après cela, il offrit un sourire charmeur à Reilly et laissa le silence s'installer. Le ciel s'offrait tout à eux sur le parterre lacté, dévoilant toute sa splendeur aux mortels qui refusaient pourtant de lui accorder de l'importance. Il semblait pourtant à Ashton que la Nuit voyait beaucoup de rencontres fortuites et intéressantes, déterminantes parfois.

Une part de lui, alors, se demanda soudain s'il en allait de même pour celle-ci.
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MessageSujet: Re: De fil en aiguille [ft Reilly] - suite   De fil en aiguille [ft Reilly]  - suite I_icon_minitimeDim 3 Juil - 23:38

Eh ? Reilly cligna deux fois des yeux, légèrement gêné. Avait-il dit quelque chose de drôle ? Ou de curieux ? Le rire d’Ashton qui avait suivi sa vraisemblable surprise quand il s’était extasié devant ses yeux lui montait aux oreilles, comme doux et sincère, d’une étrange luminosité qui éclairait son être tout entier Et c’était quelque chose d’impressionnant et de beau, cette lumière éclatante et vive qui émanait de son sourire, de sa voix, de lui tout entier. Une nouvelle expression que le petit lorialet n’avait pas espéré voir chez Ashton, du moins ce soir, puisqu’il lui avait semblé jusqu’alors tout en mystère et en charme. Et, vraiment, le voir rire de la sorte devant ses yeux bleus curieux l’enveloppait d’une douce couche de désir, un désir très fort de le voir rire à nouveau. Car s’il y avait bien quelque chose que Reilly admirait chez les autres et adorait analyser, c’était cette sorte de joie incontrôlée et imprévisible qui dansait sur les traits du visage, indomptable et belle qu’elle était. Belle et communicative, puisque le petit irlandais se surpris à sourire lui aussi en plantant à nouveau son regard dans celui de son aîné.

Juste à temps pour y découvrir le genre de pétillement malicieux qu’il avait désormais identifié comme caractéristique du jeune homme. Ses yeux s’illuminèrent à leur tour, conscients et joueurs. Ce qu’il adorait aussi, pensait-il, c’était que leur façon de jouer était similaire, en quelque sorte, aussi volatile que toujours présente. Aussi, la sensualité de son interlocuteur ne l’étonna en aucun point. Seulement, le sourire qui suivit lui fit légèrement pencher la tête sur le côté. Ah, ça, il ne savait pas vraiment ce que ça voulait dire. Mais, alors qu’il ouvrait la bouche pour poser la question à son camarade de jeu, Reilly se retrouva face à ses yeux si particuliers qui se rapprochaient, encore, encore et… Il osa baisser les siens un instant, juste à temps pour apercevoir ses lèvres quasi-parfaites avant qu’elles ne se posent sur les siennes. Le coeur du petit lorialet rata un battement, submergé d’une chaleur nouvelle. Qu’est-ce que c’était que ça ? Si ses joues se teintaient déjà de bonheur, ses yeux papillonnaient de timidité tandis que ses lèvres, bouche bée, s’étendaient en un sourire ravi. Pour lui, ce baiser volé venait de sceller leur amitié et le début d’une grande aventure, et c’était quelque chose que, vraiment, en arrivant à Paris, il n’avait jamais envisagé de trouver.

Cependant, le pourpre des yeux d’Ashton brûlait d’une impatience qui grandissait, encore et encore, et Reilly se demanda un instant si elle n’avait pas triplée quand il s’était approché de lui. Alors, rangeant la question dans un coin de son esprit, il commença à lui raconter son histoire.

Souvent, le petit couturier pensait à celle-ci, avant de s’endormir, mais jamais elle ne lui semblait passionnante. Après tout, il était une chose de la nature, un être qui était tout simplement né ; que ce soit lui ou un autre, tout le monde naissait. Ce n’était pas quelque chose que Reilly aurait qualifié d’intéressant. Mais le pétillement curieux qu’il captait dans les yeux d’Ashton, à mesure qu’il parlait, semblait indiquer le contraire. Lui avait vraiment, vraiment l’air intéressé par son histoire. Même, par lui, tout court. Bien sûr, d’autres personnes avant s’étaient intéressées à lui, mais pas de la même façon qu’Ashton. Là, il avait l’impression que le jeune homme mourait d’envie d’en savoir plus, de creuser toutes les informations qu’il lui donnait, de découvrir la moindre fibre de son être, et c’était drôlement étrange. Drôlement étrange, et étrangement compréhensible. Vraiment, se plu-t-il à penser, vraiment ils étaient similaires.

« Tu es un lorialet... »

Reilly hocha doucement la tête avec un sourire tranquille, comme pour rassurer son ami que c’était bien le cas. Ses doigts de poupée toujours fourrés dans ses cheveux d’ébène, il sourit de plus belle devant tant de luminosité. C’était fou à quel point un sentiment pouvait animer tout un être.

« C'est absolument génial... Je n'en avais jamais rencontré jusqu'à aujourd'hui, vois-tu ? Tu es... fascinant. Tiens, cela explique pourquoi ton âme se tend vers le ciel, n'est-ce pas ? »

Le petit lorialet rit gentiment. Tant de curiosité dans un corps de prédateur était tout à fait amusant, surtout quand ledit prédateur faisait la moue quand il refusait d’en dire plus. Ils avaient décidé d’un jeu, après tout, un accord sans paroles mais tellement évident. Alors ce jeu de la découverte, tout en séduction, tout en apprivoisement, devait se faire bien. Chacun son tour.

Et le baiser qui couvrit son doigt lui arracha un gloussement satisfait. S’il y avait donc bien une chose qui ne se séparait jamais d’Ashton, c’était sa langueur folle, qu’il maniait avec autant de précision que d’efficacité. Bon sang, s’il était à son coup d’essai de ce côté-là, Reilly lui aurait sûrement vendu son âme et son corps en entier. Seulement, et c’était peut-être là autre chose que le brun n’avait pas encore décelé en lui, le petit lorialet pouvait résister à ce genre de charmes ravageurs. Dans une certaine limite, cela dit, donc Ashton pouvait certainement passer ses barrières. Mais il ne craqua pas, ni devant son regard de braise, ni devant ses airs curieux qu’il jugeait adorables.

« Tell me, I'm so curious I could die right now... »

Une nouvelle vague de lumière éclaira le visage de son interlocuteur sous ses yeux impatients. Les rôles inversés, le petit irlandais sentait tout son petit corps trembler et se muer d’excitation sous le regard de sang d’Ashton. Son ventre le brûlait de désir de connaître, de savoir, de pouvoir toucher du bout du doigt l’identité de celui qui l’avait si aimablement pris dans sa toile. Un instant, même, il cru mourir tant le court moment qu’Ashton pris avant de répondre lui semblait une éternité. C’était horrible, comme sentiment, de se sentir si près du but et de ne rien avoir.

Mais, enfin, le jeune homme déliait sa langue :

« Je suis un Monstre, Reilly... Mais cela, tu le sais déjà. »

D’abord, sa tête pencha automatiquement sur le côté. Puis le soi-disant « monstre » éclata d’un rire magnifique. Quoi ? Le petit lorialet pouffa de rire. Non, Ashton n’avait, en tous cas jusqu’à présent, rien d’un monstre. Même le semblant de morsure avec laquelle il venait taquiner le bout de son nez ne lui faisait pas ressentir ni peur ni méfiance. Au fond, il le savait très bien : si Ashton avait vraiment voulu lui faire peur, ou le manger tout cru comme tout bon monstre cruel et méchant, il l’aurait déjà fait. Pour lui, Ashton Lyn n’était pas ce genre de monstre. Peut-être était-il un de ceux de son genre ? Une créature à la personnalité si dualiste qu’il pouvait en devenir monstrueux et dégoûtant ? En tous cas, si Reilly comprenait les dires de son camarade, dans sa vision des choses à lui et dans son monde plein de gris et de fadeur, Ashton était un magnifique point pourpre. Un grand joueur, pensait-il, une sorte de créature qu’il n’avait jamais croisé dans sa petite vie, mais certainement pas un monstre au sens commun du terme.

C’était aussi pour ça que, depuis toujours, pas grand monde arrivait à comprendre le petit lorialet. Sa personnalité décadente et incompréhensible, ses valeurs, sa façon de voir le monde, tout semblait si hors de celui-ci que même lui pouvait s’étonner. Seulement, s’il y avait bien quelque chose qui ne changeait pas, c’était qu’il donnait tout à ceux qui l’intéressaient. Petit à petit, bien sûr, sur des années, ou sur toute la vie, mais il sentait qu’Ashton allait être de ces personnes là et qu’il pouvait se permettre de le taquiner un peu plus. Alors, prenant son meilleur air bougon et rancunier, il lui lança une mimique timide pour déclarer :

« Ah ça oui ! Voler un baiser comme ça, quelle cruauté monstrueuse ! »

Evidemment, il n’en pensait rien. Mais Reilly se para d’un regard nouveau, miroir de la sensualité de son interlocuteur, ses yeux bleus plus charmants qu’ils ne l’avaient jamais été. Juste pour Ashton, juste pour s’amuser à le surprendre à nouveau. Ses petites lèvres roses de joie avancèrent, furtives, pour se poser sur celles de son aîné dont il trépignait de voir la réaction. Pour lui, c’était comme lui montrer qu’il était capable de l’étonner plus qu’il ne pouvait le penser ; car surtout il voulait le garder accroché à lui. Aussi, quand il se redressa, une expression de pur bonheur illuminait son visage de poupée ravie, plus sensuel pour un sous excepté là, au coin de ses yeux, dans la petite tâche azurin qui y trônait. Et il le laissa poursuivre, trop curieux pour le taquiner davantage. Pourquoi avait-il dit qu’il était un monstre ?

« Je suis un Chien des Enfers, Ô fils de la Lune. Elle est ta mère, et elle est mon appel. »

Reilly releva ses yeux intéressés vers celle qui veillait sur lui depuis les cieux. Son appel ? Un peu comme les loups ? Il ne comprenait pas… C’était quelque chose qu’il détestait, d’ailleurs, ne pas comprendre. Quand sa petite intelligence aussi petite que lui s’agitait pour brasser de l’air et des sujets dont il n’avait aucune connaissance. Ah, qu’il se sentait bête, parfois ! Mais toujours, qu’il se sentait prisonnier de son désir d’apprendre.

« C'est étonnant, non, comme Elle a une signification différente pour tout le monde ? Pour les loups, pour les lorialets, pour les hommes... Je trouve ça fascinant. »

Le petit irlandais hocha précautionneusement la tête. En dépit de tout, et peu importe combien de temps il passait à l’observer, il trouvait effectivement sa mère fascinante. Sans retirer ses doigts masseurs des mèches ébènes de son aîné, il se laissa gentiment retomber en arrière pour finir dos contre l’herbe fraîche de son petit coin de tranquillité. Parfois, il restait comme ça des heures, à fixer la Lune. Et puis il se demandait pourquoi elle était là, d’abord, pourquoi elle l’avait fait naître, pourquoi lui ne pouvait que l’aimer alors que d’autres légendaires la haïssaient, ce genre de questions auxquelles il ne pouvait pas répondre et auxquelles il ne répondrait peut-être jamais.

« En fait, je te trouve fascinant aussi… »

Le petit lorialet se figea en pleine inspiration. Ashton n’en avait pas conscience, mais il venait de lui faire le plus gros compliment auquel il n’avait jamais eu droit. Fascinant, lui ? Son égo quasi-inexistant se gonfla de timidité tandis qu’il osait baisser les yeux vers la tignasse foncée qui profitait de ses cuisses maigres comme d’un coussin. Le léger courant d’air qui vint les rafraîchir l’espace de quelques secondes, furtif, dépeça Reilly de ses derniers doutes : oui, qu’Ashton était définitivement un monstre du même type que lui, à la fois hors du monde et bien présent dans celui-ci, et c’était vraiment étrange, alors qu’ils étaient si similaires, qu’ils soient si différents. Que lui soit petit et frêle, et qu’Ashton soit grand et fort, que ses yeux soient si clairs, et que ceux du brun soient si foncés. Diamétralement opposés, exactement comme les deux faces de la Lune.

Il avait l’impression d’être compris, pour la première fois depuis quelques années, que quelqu’un avait vraiment réussi à commencer à toucher son âme. Et sa remarque sur le fait que la Lune inspirait tant de choses différentes à chaque être était tellement juste à ses yeux qu’il décida de pousser dans cette direction.

« Je ne sais pas comment expliquer, mais… La Lune est ma mère, je pense que c’est normal pour moi d’être lié à elle, une partie de moi est elle donc… Certains jours, elle est toute ronde et je suis vraiment bien, mais plus elle décroît et plus je me sens… triste… Et je chante, quand ça arrive, c’est difficile à dire mais je ne peux pas m’en empêcher. Elle me manque. »

Et c’était bien vrai. Son incapacité à contrôler ses émotions était si flagrante qu’il lui était impossible d’espérer un jour la vaincre. Mais les moments où la Lune décroissait lui étaient en effet quasi-fatals tant la peine, elle, croissait, jusqu’à repeindre le moindre de ses éclats de joie ou de bonne humeur en noir. Ca lui semblait si normal, d’être déprimé, que son visage naturellement mélancolique l’était plus encore alors qu’il chantait sa complainte. Peu de gens avaient la chance d’écouter un lorialet chanter, mais ceux qui en avaient profité avaient certainement ressenti le même chagrin dont lui était parfois victime.

« Est-ce que c’est le même appel pour toi ou elle te fait autre chose, ma mère ? Je ne sais rien sur ce que tu es, Chien des Enfers… »

Un sourire de miel vint étirer les petites lèvres du lorialet alors que sa curiosité, saisissante à nouveau, recommençait à grignoter son estomac. Et, tout à coup, il se sentit plein de gratitude, tellement qu’il ne put s’empêcher de l’exprimer.

« Merci, Ash. Vraiment. »

Et c’était si troublant, pour le fils de la Lune, qu’il eut un réflexe tout à fait humain : en proie à une soudaine hésitation, il se demanda si tout cela n’était pas un rêve. Cette rencontre avec Ashton lui faisait beaucoup trop de bien pour qu’il ne soit pas en plein songe, il en était quasiment persuadé. Alors il inspira profondément, décidé, et se redressa pour fixer son interlocuteur d’un regard confus.

« Ash… »

Il se mordit la lèvre, indécis, le coeur battant à plein régime.

« Am I dreaming right now ? »

Les yeux pleins d’appréhension, il cramponna inconsciemment sa main gracile au bras robuste de son présumé songe, comme si la peur de le perdre d’un instant à l’autre avait pris possession de ses membres.

« Si c’est bien un rêve, alors c’est le plus beau rêve que j’ai fait. »

Et, soudain, Reilly se sentit profondément idiot. A cause de son doute, à cause de sa curiosité vorace et déchirante, à cause d’Ashton qui ne cessait de l’enfermer un peu plus dans sa toile, à cause de sa mère qui, semblait-il, le regardait fièrement et semblait plus lumineuse encore. A cause de cette soirée entière, en fait, à cause de cette soirée que jamais il n’aurait imaginé vivre et qui le ravissait tant que ses émotions allaient finir par le faire exploser. Il les sentait grossir en lui et se mélanger, l’engloutir de l’intérieur et s’échapper par là où elles pouvaient ; par ses mains à présent tremblantes, par ses épaules tressautantes, par ses yeux, si bleus, si grands qu’une mer entière de larmes se forma à leurs bords avant d’en déborder pour aller calmer le feu qui s’était allumé sur ses pommettes. Et d’un coup, Reilly ressemblait plus à un enfant qu’il ne l’avait jamais paru. Il y avait quelque chose dans ses traits poupins si mélancoliques qui faisait, étrangement, que pleurer lui allait vraiment bien.

« Sorry… »

Ah, qu’il se sentait bête, de pleurer de bonheur ! En plus, le pire dans tout ça, c’était que pleurer devant Ashton ne le gênait même pas. Vraiment, cet Ashton était particulier. Et plus les minutes passaient, plus il se sentait à l’aise avec lui, même là, en train de renifler soigneusement et de se frotter méchamment les yeux, comme le gamin qu’il était, du haut de ses dix-huit petites années. Même là, le petit agneau inoffensif qu’il était voulait croire en le Chien des Enfers, qu’il fusse prédateur ou non.
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MessageSujet: Re: De fil en aiguille [ft Reilly] - suite   De fil en aiguille [ft Reilly]  - suite I_icon_minitimeMer 9 Nov - 19:17

Plus Ashton observait Reilly, plus il avait la sensation de regarder son reflet dans un miroir inversé. Il était grand, massif, presque grossièrement robuste face à la silhouette gracile de son interlocuteur, si chétif... Si doux, aussi, là où lui-même ne dégageait que violence et exotisme. Le lorialet était une mer calme, il était un océan déchaîné. Son cadet étreignait les formes, les gens et les choses avec toute la délicatesse de ses maigres bras, il emportait tout sur son passage. Opposés dans leurs ressemblances, ils étaient semblables aux deux faces d'une même pièce, et leur trait d'unisson était la Lune qui leur créait un univers dans lequel se pavaner.

Le canidé leva le nez vers l'astre nocturne, un instant, tandis qu'un soupçon de jalousie se noyait dans son océan de curiosité. Lui aurait-il donc volé toute sa candeur, pour que les lorialets en soient si remplis ? Aurait-il dérobé leur équilibre afin de faire d'eux de parfaits êtres d'amour, et de lui un monstre de violence ? Pourquoi sinon offrir toute sa lumière à ses enfants pour parer les chiens de ses plus profondes ténèbres ? Triste injustice d'un monde qu'il ne cherchait déjà plus à comprendre. Ashton ne ressentait cependant aucune rancune, ni envers la lune ni envers ses fils : il aimait sa vie telle qu'elle était, dans ses meilleurs côtés comme dans les pires, et il eut été selon lui bien hypocrite d'accepter l'un sans faire avec l'autre. Sa réalité était ainsi faite. Tant mieux, tant pis, au final mieux valait ne pas s'attarder sur les « pourquoi » qui bourgeonnait sur son passage. Il n'avait pas besoin de changer pour être heureux, ni même pour avancer sur le chemin qu'il se traçait. Indépendant, le jeune homme l'était jusqu'au bout, libre plus encore. Pourtant, la remarque de Reilly fit naître sur ses traits un sourire plein de mélancolie.

« Je peux faire bien pire qu'un baiser, petit lunaire, ne t'en fais pas... »

Sur ces mots, le chien fit danser ses longs doigts de meurtrier devant ses yeux, observant avec une fascination presque morbide les articulations ondulant sous sa peau trop pâle, descellant la puissance dévastatrice qui pulsait dans ses grandes mains monstrueuses. Son expression regagna de l'assurance, et ce brin de séduction provocante qu'il adorait arborer. Lorsqu'il posa de nouveau son regard sur son interlocuteur, celui-ci rayonnait de malice.

Il écouta tranquillement les paroles de Reilly, les laissa pénétrer l'air et son cœur, couler sur sa peau et filtrer par delà la lumière de la Lune. L'évidence s'imposa d'elle-même : être un lorialet n'était guère plus aisé qu'être un chien noir. Et si la compassion menaçait de dérober son esprit, il l'en retint : il lui semblait que leur conversation était davantage prompte à la compréhension qu'à quoique ce soit d'autre. Ce qu'ils s'offraient mutuellement était bien plus précieux, bien plus rare surtout. Alors il sourit. Il sourit pour ce moment partagé, pour cette rencontre unique et pour la curiosité qui battait dans ses veines. Il sourit même lorsque la mélancolie arracha au garçon son expression de doux bonheur, même lorsque les larmes vinrent accentuer la pâleur de ses traits et la fragilité de son cœur. Observant la Lune, maîtresse de leurs êtres, le jeune homme berça ce petit être fort et frêle contre lui. Et au prédateur d'offrir sa protection à la proie. Ils formaient un duo étrange, opposés dans ce qu'ils avaient de semblables, et plus le temps passait plus il adorait cela.

L'instant se déforma et s'étendit dans un silence doux. Ashton respirait profondément, comme par volonté d'apaiser son compagnon et, ce faisant, maintenait sur l'astre nocturne un regard bienveillant. Il laissa encore quelques secondes s'écouler avant d'ébouriffer les cheveux de Reilly, se complaisant dans la caresse des rayons lunaires :

« Ne t'excuse pas, boy. Je suis content de t'écouter... Et pour ta gouverne, sache que non, je ne suis pas un rêve... »


Il leva de nouveau les yeux vers le ciel, auquel il adressa un sourire charmeur.

« Quant à ce que je suis... »

Un éclat de rire échappa à ses lèvres pleines. Le son était mélodieux, plein de mystères et de charme, de cette dangereuse séduction qui semblait inhérente à son âme. Il s'élevait impétueusement vers la voûte céleste, témoin de l'irrévérence d'un homme aussi humain qu'ordinaire. Glissant un bras sous les genoux de son compagnon, Ashton se redressa. Le geste fut simple, instinctif et fluide, le poids plume de Reilly ne suffisant pas à lui ôter son équilibre. Il déposa le garçon au sol avec douceur et embrassa sa joue, son sourire charmeur illuminant son visage pâle, qu'épousaient quelques mèches ébènes. Sa voix de velours parut réchauffer l'air nocturne :

« Je te l'ai dit... Je suis un monstre. Mais tu as raison : monstre c'est un grand mot qui ne veut pas dire grand chose, même si on l'utilise beaucoup... »


Il s'écarta du garçon de quelques pas puis, d'un mouvement vif et précis, tendit le bras. Ses doigts pâles prirent des teintes lumineuses sous les rayons de Lune, attirant le regard de l'observateur sur les fins ornements qu'ils arboraient. Tatouages, griffes, mort, autant d'éléments qui caractérisaient bien sa nature et ce qu'il en faisait, selon lui. Son sourire crût :

« Imagine de longues griffes au bout de chacun de mes doigts, imagine une force destructrice dans chacun de mes muscles et une aura noire, sombre, abyssale émanant de mon corps. Imagine maintenant que ce bras est une patte, et imagine que je sois un chien aux yeux vermeils dont les crocs acérés ont le pouvoir de détruire quiconque... Ensuite, prends ceci en compte... »

Sortant un petit couteau de sa poche, le jeune homme fit luire la lame sous la lumière nocturne avant de la faire glisser sur la chaire tendre de son avant-bras. Un liséré rouge s'y dessina immédiatement et une perle sanguine dévala la peau d'ivoire. La goutte n'était pas encore éclatée sur le sol que la plaie avait disparu, ne laissant derrière elle qu'une ligne cramoisie. Cela fait, il effaça l'hémoglobine encore fraîche de sa peau d'un bref geste du pouce, qu'il lécha avec une sensualité fortuite.

« Je suis ce genre de monstre, quand la Lune m'appelle. Peut-être qu'il serait plus honnête de dire qu'elle appelle l'autre part de moi, ce chien dont je te parle et qu'il vaut mieux ne jamais rencontrer... Dans tous les cas j'espère avoir répondu à tes questions, fils de ma maîtresse... »


Il se tourna ensuite vers l'astre nocturne, offrant son dos à Reilly, dans une position lâche, suave, un sourire doux aux lèvres. Les mots vinrent sans qu'il ait à les appeler, fidèles compagnons d'une mémoire qui jamais ne faillit. Et ils étaient si parfait, peut-être, pour les décrire, pour la décrire, qu'il ne put s'empêcher de les proclamer :

« Live not by the moon, th' inconstant moon, that monthly changes in her circle orb... Lest that thou prove likewise variable.  »*
Ne vivez pas sur la Lune, la lune instable qui chaque mois change dans son orbite... à moins que vous ne soyez aussi instable qu'elle.

Et tout comme la Lune changeante, ils étaient deux êtres imprévisibles qui se complétaient dans une rencontre qui portait le masque de la nuit.


*inspiré de Romeo & Juliet, Acte 2 scène 2
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