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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 [Évent] Le démon de la danse - 1891

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La foule [PNJ]
La foule [PNJ]

Messages : 88
Date d'inscription : 10/06/2015

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MessageSujet: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeVen 27 Mai - 12:01

Un mouvement dans l’air.
Comme une goutte d’eau dans le vent, le vide se distord lentement dans le vaste hall du Palais du Louvre. Une odeur de souffre s’élève, suivie d’une fugace mais intense vague de chaleur. La curiosité pousse les visiteurs à se retourner, pile à temps pour assister à son entrée.
Une chaussure surgit de nulle part. Les regards s’écarquillent en découvrant ce talon vertigineux qui claque sèchement sur le plancher. La bottine est aussitôt embrasée d’un feu noir crépitant. Les flammes lèchent le cuir et se répandent le long de cette jambe de gazelle qu’elles revêtent d’un peu de décence. Une silhouette vêtue de deux hautes cuissardes quitte l’invisible brèche d’un pas séducteur. Rey. Sourire charmeur et excitation palpable sur les joues rouges de ce nouveau visage qui effraie autant qu’il fascine. La fuite est ardemment désirée, mais impossible.
On murmure, gémit, soumis à cette présence royalement infernale. Le démon jubile. Son cœur bat la chamade tandis qu’il poursuit sa progression d’un pas vide d’hésitation. Sensuelle, la foulée donne son tempo au premier acte des festivités, mais sans se départir de la mélodie craquante du brasier. La combustion donne un peu de volume au short qui gonfle souplement autour de son bassin, puis remonte caresser son ventre nu. De l’incendie nait alors un corset chic qui marque agréablement sa taille.
Encore trois pas et le voilà au comptoir sur lequel il s’accoude en se cambrant joliment. Les flammes se dilatent et se boursoufflent, puis explosent en quelques braises incandescentes. La surprise arrache un cri terrifié à la guichetière qui se jette contre le marbre froid derrière elle. Les yeux à fleur de tête, elle regarde onduler un haut vaporeux en mousseline sombre dont la finesse jette à peine un voile de pudeur sur sa peau. Dommage, pense une partie d’elle, mais l’autre refoule aussitôt cette idée et la fièvre dangereuse qui l’a accompagnée s’abaisse un peu.
Rey n’est pas dupe.
Un croissant de sourire fend son visage juvénile où perce un regard doré âgé de milliers d’années.

Ticket s’il vous plait.

Chaleur d’un vent d’été.
Jézabelle tient le guichet du Louvre depuis sept ans maintenant et jamais elle n’a entendu ces quelques mots rouler avec un tel délice jusqu’à ses oreilles. Le charme étouffe la méfiance. Elle s’avance, détache l’un des billets sur lequel elle appose le tampon du musée. Il n’a rien payé, mais qui s’en soucie ? Pas elle. Du bout des doigts, elle fait glisser le papier sur le comptoir, poussée par l’envie aussi folle que puérile d’effleurer sa peau.
Souhait exaucé. Rey pose sa main sur la sienne et Jézabelle sent le papier s’embraser sous sa paume. Le feu se répand en une bouffée passionnée jusque dans son chignon qui se détache et laisse tomber dans son dos une cascade de cheveux poivre-sel. Elle imagine un « Merci » bouillant. Ses joues rougissent un instant, passant vite à une pâleur mortifère.
L’idée qu’ils se séparent la terrifie. Elle est bouleversée par son évidente royauté et craint cet instant fatidique où son regard se détournera d’elle. Autour d’eux, des dizaines de visiteurs se sont figés et n’attendent qu’un signe de lui. Huit se sont décoiffés et ont posé un genoux à terre. Six sont des demoiselles dans la fleur de l’âge bien plus jolies qu’elle.
Alors Jézabelle se laisse déborder par l’audace.

Vous venez voir une œuvre particulière ?
Je viens la créer, très chère.

Un bond souple hisse Rey sur le guichet. Au choc de ses talons sur le bois, les nervures s’embrasent d’un éclat rougeoyant qui se déverse dans le hall en une vague éclatante. L’ambiance se feutre, ponctuée d’éclats phosphorescents qui pulsent dans les moulures d’un autre siècle.
Sa voix claire éclate dans la salle où s’affolent soudain les lumières :

Je vous apporte le chaos sur un nouveau tempo.
Une terrible mélopée, qui vous fera valser !
À vous briser les reins.
Vous épuiser jusqu’à la fin.
Je serai le tyran pour qui vous tomberez en dansant !

Clac ! Apparition d’un saxophone entre les mains de l’un des visiteurs. Désormais fanatique sujet, l’homme qui n’en a jamais fait entame inexplicablement un solo à couper le souffle. Littéralement. Il s’écroule la face bleue, avide d’air, mais comblé d’avoir eu l’honneur d’ouvrir le bal.
Car à l’ivresse de son introduction se joint désormais une chorale de cuivres et de cordes qui sonnent en cœur l’hallali des hommes. Les musiciens jouent à s’en faire saigner les doigts, les autres commencent à se trémousser. Très vite les pas se calent les uns avec les autres et l’infernale chorégraphie prend vie dans le temple des arts de Paris.
Un, deux, trois… Un, deux, trois… Tourne et vire… Droite et gauche…
Deux cymbales s’entrechoquent avec force sur un porté magistrale. Les femmes sont hissées dans les airs par leur partenaires, amis, amants ou inconnus et retombent souplement dans leurs bras, rouges d’effort et d’impudence.
Alors que les hautbois s’époumonent, les danseurs s’entrecroisent et forment un arc de cercle autour de leur souverain. Entre déhanchés dérangés et pas de deux endiablés, ils luttent avec une grâce diabolique pour atteindre les premiers rangs. Envoutés, tous aspirent au rêve idéaliste d’être remarqué par leur seigneur.
Mais Rey danse sur cette folie avec l’avidité d’un junkie. Jézabelle ondoie pour lui à s’en briser les chevilles. Elle rayonne. Alors qu’il la renverse, sa longue tenue de dame s’enflamme et sous les braises se dessine une courte robe qui, dans trente ans, portera le nom de Charleston. Les franges virevoltent autour de son corps fatigué. Elle tourne, lève la jambe, puis l’autre, incapable de s’arrêter.
Les trompettes ont pris le relais et chantent sur le rythme de plus en plus rapide imposé par les contrebasses. La ronde s’intensifie, le feu couve sous ce ballet à l’intensité inégalée.
C’est alors que s’élève le récital cristallin de la clarinette. Les notes aiguës sonnent comme une tirade enchanteresse. La foule se fige et une déferlante de bras se tendent vers le monarque.
Debout sur sa tribune, Rey n’hésite pas. Alors que l’éclairage s’emballe sous le tonnerre du tambour, il se laisse tomber dans l’océan agité par l’ardeur de ses sujets. Les mains le portent et le transportent au travers du musée tandis que résonne d’une seul voix leur chant exalté :

Le sourire de la Joconde n'a plus d’intérêt,
Celui de Rey notre seigneur l'a surpassé !
Les tableaux les statues,
Cela ne compte plus !
Le Louvre deviendra le palais de Rey notre Majesté !

Les bras en tombent à la Vénus de Milo…
Les enclaves de Michel-Ange craignent ce fardeau !
Sarcophage et poterie,
Tout cela est fini !
Le Louvre redevient un palais pour Rey notre Majesté !

La victoire de Samothrace ploie de déconvenue,
Le radeau de Géricault implore éperdu !
Les sculptures les portraits,
Tout cela disparaît !
Le Louvre est devenu le palais de Rey notre Majesté !

Une dernière onde bouillonnante dépose avec déférence le corps alangui du nouveau maître des lieux sur l’assise de celui qui, autrefois, avait été l’empereur des français.
Tandis que les danseurs s’écartent souplement et que la musique enveloppe les lieux d’une nouvelle envolée lyrique, Rey se redresse avec sensualité dans le trône de Napoléon Ier. Ses iris d’or s’embrasent d’une fièvre inspirée. L’ultime couplet de ce tableau est enfin délivré par son sourire carnassier :

Tout Paris sera bientôt à mes pieds.
Puis la France, avant le monde entier !
Je vous laisse une chance,
De rejoindre la danse !
Offrez-moi une distraction
À la hauteur de ma passion
Et vous serez libérés
Du joug de Rey votre Majesté !





Le démon de la danseUne épidémie musicale frappe la capitale

C’est par un bel après-midi que le Louvre est tombé sous la coupe de Rey, le démon de la danse. Il a fait du musée sa nouvelle antre, son palais où la musique est une reine, la danse une princesse enchanteresse et le chant un prince envoutant. Les gens présents dans le musée et aux alentours ont été pris d’une irrésistible envie de chanter et de danser, certains avec tant d’ardeur qu’ils en ont perdu connaissance.
Mais le plus problématique c’est que cette maladie se répand au hasard dans tout Paris. Des cas commencent à être répertoriés un peu partout dans la ville et ne semblent suivre aucune logique. Si rien n’est fait, c’est toute la capitale qui risque d’être paralysée.
D’ailleurs, c’est déjà en parti le cas. Il semblerait que le préfet ait commencé à chanter ses ordres à ses hommes, tandis que les ministres enchainent les Cha-cha à l’Élysée.

À votre tour d’être atteint par cette épidémie !
C’est là votre chance de sauver Paris !
Une épreuve à surmonter
Sur un groove endiablé !


- - - - - - ♫ ♫ ♫ - - - - - -


La liste des épreuves :

Andréa : Dépasser sa mesure.
Andy
Alexander : Tracer un trait sur de vieux démons.
Alex
Valentine : Ne pas rester sur le carreau.
Val
Aldrick : Parler à cœur ouvert.
Aly
Ryden : En prendre de la graine.
Ryden
June : Ne plus avoir peur de ses fantômes.
June
Samuel : Apprendre à briser la glace.
Sam
Frédéric : Se regarder en face.
Fred
Edward : Renouer avec son passé.
Edward



- - - - - - ♫ ♫ ♫ - - - - - -


Déroulement de l’événement

Cet évent débute aujourd’hui ! Il ne comptera qu’une seule manche d’environ 1 mois au cours de laquelle vous ne pourrez poster qu’une seule fois par compte. C’est donc un évent mono-post qui n’a pas pour but l’interaction entre les différents personnages, mais bien d’offrir l’occasion au votre d’évoluer sur un point donné.


1 - Général

Cet événement compte comme n’importe quel RP et s’ajoute à vos nombreuses péripéties parisiennes. Tout ce qui s’y passe aura donc une influence sur la suite de l’histoire et sur l’évolution de votre personnage.


2 - Règles de l’évent

Vous l’aurez compris, le cœur de cet évènement, c’est la musique. Elle a envahi Paris et vous êtes compris dans le lot. Pas d’autre choix que de vous trémousser ou de pousser la chansonnette.

Votre post doit donc comporter au moins une chanson ! Chantée par votre personnage ou quelqu’un d’autre, peu importe. Vous pouvez :
    • l’écrire de toute pièce,• la baser sur une mélodie existante,• adapter une chanson existante,• réutiliser complètement une chanson déjà existante à l’unique condition qu’elle s’intègre parfaitement au contexte du RP. (Même si vous adorez Hakuna Matata, n’allez pas la faire chanter à votre personnage s’il est au bord du décès.)


Essayez de voir vos textes comme une scène de comédie musicale. Vous avez le droit à des moments parlés, mais il faut aussi avoir des passages plus musicaux et si vous ajoutez de la danse c’est encore mieux !

Vous pouvez intégrer des morceaux (vidéo ou son) à vos posts si vous le souhaitez, mais c’est facultatif.

La mise en page du texte et des dialogues est libre.

Ce post musical sera l’occasion pour votre personnage de surmonter l’épreuve donnée plus haut et doit donc être le sujet central de votre texte. Elle est volontairement floue pour vous permettre de l’interpréter selon l’angle que vous voulez.

Le but est de vous faire sortir de votre zone de confort en vous essayant à un autre style d’écriture. Votre personnage sera sous le joug d’un sortilège, alors vous pouvez vous lâcher.


3 - Contexte

Cet événement se déroule plus de 6 mois après l’Heure Pourpre.

L’épidémie musicale s’est propagée au cours d’un bel après-midi ensoleillé. Si vous n’étiez pas au Louvre, vous pouvez y avoir été inexplicablement attiré. Vous pouvez vous trouver sur le parvis du musée ou à l’intérieur de ce dernier, il est bien assez vaste pour que vous n’ayez aucun risque de vous croiser.

Rey est un démon très puissant. Sa magie peut faire de vous un prodige de la danse et du chant si vous le souhaitez, ou vous pouvez garder les capacités de vos personnages telles quelles. Vous choisissez.

Tout le Louvre et son parvis sont enchantés
, vous pouvez à loisir vous amuser avec les décors pour les modifier et les adapter au besoin de votre scène musicale.

Les sujets de Rey sont à votre service pour vous accompagner dans vos folies. Choristes, danseurs ou musiciens, utilisez les comme bon vous semble !





Vous avez jusqu'au 26 juin
pour participer à cet évènement !

N'hésitez pas à demander si vous ne pouvez pas poster et que vous avez besoin d'un délai supplémentaire.

Vous pouvez toujours contacter le staff s'il reste des zones d'ombres ou si vous hésitez sur votre post. Il ne faut pas avoir peur de participer et si vous avez le moindre doute, n'hésitez pas à nous contacter. Nous répondrons à toutes vos questions !

It’s show time !

https://lostparadise.forumgratuit.org/
Andréa Eyssard
l Un monstre dans la peau l
Andréa Eyssard

Messages : 271
Date d'inscription : 28/12/2010

[Évent] Le démon de la danse - 1891 Empty
MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeMar 14 Juin - 20:33

Inexplicable attirance.

Andréa marche d’un bon pas. Contrairement à son habitude, sa tête est haute et sa foulée déterminée. Lui d’un naturel si rêveur n’est pas distrait par l’animation atypique des rues qu’il traverse.
Sur son chemin, une fleuriste fait une jolie comptine de l’éloge de ses marguerites, s’en suit un couple qui se dispute avec l'intensité d’un opéra. Ici on passe le balais sur un coup de hanche élégant, là on nettoie des vitres sur un air entrainant. Même chevaux et cochers semblent guider leurs cab au rythme d’un claquement de sabots maitrisé.
Entraîné vers le cœur de cette folie musicale, Andréa avance.
Le Louvre n’est plus qu’à deux pas. Il longe la rue Saint-Honoré où un caviste italien fait entendre son plus beau vibrato. Virevoltant plateau en main entre les tables, le choeur des serveurs du restaurant d’en face lui répond. Mais pas le temps de les admirer. Le jeune homme coupe la rue de Rivoli, passe sous le porche de la Place du Carousel et gagne, le cœur battant, l’immense parvis du musée. Dans les allées de son jardin, touristes et passants tournoient merveilleusement sur une valse viennoise à trois temps.
Les joues du garçon se réchauffent et son regard s’embue devant la beauté de ce bâtiment doré par le soleil où seule la musique règne. L’émotion le submerge. Jusqu’alors si alertes, ses jambes se clouent aux dalles de pierres et Andréa s’arrête. Les arches du Pavillon Denon l’appellent à sa droite, mais jamais il n’osera franchir ces quelques mètres de pure ivresse musicale.

La proximité d’un rire le fait sursauter.
Une inconnue au visage poupin lui attrape les mains et l’entraine au milieu des danseurs. Un, deux, trois… Un, trois… Mise en place difficile. Il ne parvient pas à trouver sa taille pourtant bien marquée par son joli corset. Elle s’en moque, maintient souplement le cadre et le guide sans le laisser trouver ses repères. Enfin ses membres en fil de fer s’assouplissent, mais un demi-tour l’offre aux bras d’une nouvelle partenaire et tout est à refaire.
Quelques rides aux coins des yeux de la dame suggèrent qu’elle pourrait être sa mère. Peu importe. Les cuivres sont en liesses et voilà qu’éclatent le gloussement des clarinettes. Les pas soulèvent la poussière, les robes et les jupons s’élèvent, les vestes claquent au vent ou collent au corps qui tournoient sans cesse. On se sépare pour mieux se retrouver et Andréa glisse de main en mains au fil de la mélopée.
Un, deux, trois, un, deux, trois… Le rythme soutenu lui fait tourner la tête. Les visages se succèdent plus vite que ne se dissipe le parfum de ses cavalières. Les murs du musée semblent rejoindre la danse, tout se mélange. Encore un tour. Il tient bon, mais ses jambes en coton réclament toute sa concentration. Puis une femme bien charpentée l’empoigne et d’un mouvement de poignet, lui donne plus d’élan qu’un ouragan. Il pivote comme il peut, mais impossible de le supporter.
Ses pieds s’emmêlent et il trébuche sur le rire des trompettes. Sa chute l’arrache à cette bacchanale et le jette au bas des marches du Pavillon Denon. Il se relève, essoufflé, à la fois terrifié et fasciné, un temps incapable de quitter des yeux ces duos d’infatigables toupies.
Un, deux, trois. Un, deux, trois.

Mais on l’appelle ailleurs.
Fébrilement, Andréa monte le perron du pavillon, puis franchit les grilles de sa haute porte. Une alcôve silencieuse accueille le murmure de ses pas. Le jeune homme lève la tête, admire l’immensité et la beauté de ce simple hall, puis prend à gauche sans hésiter. Ce n’est qu’après avoir franchi une arche aux colonnes d’or qu’il s’aperçoit qu’il n’a pas pris de ticket.
Faire marche arrière ne lui vient pas à l’esprit car ce dernier est happé par ce qui s’étend devant lui. Figées dans le plus blanc des marbres, bustes et statues antiques encadrent la route qui le mènera aux escaliers du premier étage. C’est là qu’il doit aller. Le louveteau remue et pousse le garçon à avancer, mais lentement, car il est troublé par l’intérêt soudain que lui portent de ces vénérables divinités.
Diane l’observe avec la tendresse d’une sœur, quand Aphrodite est tout au plaisir de détailler sa haute silhouette. Junon le suit du coin de l’œil. Elle le voit dépasser Apollon qui le couve d’un sourire fier. La voix du plus beau des dieux est la première à s’élever dans un murmure discret, mais tandis que le jeune homme progresse, le chuchotis lancinant et répétitif se répand en chœur à toutes ces lèvres de pierre. « Marche droit devant… » « Ton avenir t’attend… » Le volume augmente à mesure que la sortie se rapproche.
Mais Jupiter et Mars n’ont pour lui que du mépris et soudain la pièce change d’atmosphère. Andréa presse aussitôt le pas. L’angoisse courbe ses épaules, mais ses foulées s’allongent et avalent les mètres. Les timbres autoritaires du chef de l’Olympe et de son fils gonflent et couvrent le chant des autres divinités avec la force du tambour triomphant sur la douceur du violoncelle. « Marche ! Marche ! Marche ! …t’attennnnd… Marche ! Marche ! Marche ! …devannnnt… »
Pressé par le loup, Andréa court et les figures de marbre défilent. La chorale commence à s’estomper, lorsque sa fuite le jette droit dans les bras d’une immense Minerve. Freinage catastrophique. Il glisse et manque de s’étaler, heureusement la sage guerrière s’écarte à temps de son socle. Médusé, son cœur lui fracassant le crâne, c’est à peine si le louveteau remarque le retour du silence dans la pièce. De la pointe de sa lance, la porteuse de l’égide lui désigne le haut de l’escalier principal. Elle aussi sait quel chemin est le sien.
Un merci. Son souffle retrouvé, Andréa gravit seul la montée magistrale sur laquelle veille la Victoire de Samothrace. Incapable de chanter, l’ange brisé demeure imperturbable lorsque le jeune homme tourne à droite de son socle gris. Alors la Rome antique disparait, remplacée par l’Italie des siècles passés. Les sculptures deviennent des toiles de maîtres dont le garçon méconnaît les noms. Il n’en a pas besoin pour les trouver très belles.
Instants de vie, allégories, autoportraits et scènes religieuses alternent le long des murs blanc du musée. Clair-obscur et fresques multicolores, Andréa aimerait tout contempler, mais l’instinct du louveteau l’incite à ne pas s’attarder. Il traverse les sujets et les époques, jusqu’à atteindre le Salon Carré.
La pièce détonne. Très haute, son plafond en coupole est un ciel richement décoré de moulures d’or et de sculptures célestes sur lesquels dardent les rayons du soleil adoucis par une verrière. Les vitres opaques diffusent cette chaude lumière sur des murs couverts d’un gigantesque patchwork de chefs-d’œuvre. Blottis les uns contre les autres, l’agencement de ces cadres déborde sur le prochain siècle en donnant à la salle un air de bande dessinée privée de ses phylactères. Superbe.
Pourtant aux pieds de ces êtres de pigments, sanglote un homme de chair et de sang. Il est à genoux devant son chevalet, peintures et pinceaux gisent au sol, comme oubliés. Face à lui, une toile à peine commencée à laquelle il refuse toute attention.
Dans un flou de teintes sépia, Andréa devine le début d’un portrait. Seule la bouche est détaillée, rouge et charnue comme une cerise. Il la trouve très jolie et craint qu’un drame soit arrivé pour couper si brusquement le malheureux de cette création si prometteuse. Aussi le garçon s’avance timidement, puis s’accroupit. Un à un, il rassemble les outils du peintre qui, le voyant s’activer, renifle :

« Ne vous donnez pas cette peine.
Ils ne risquent pas de s’abîmer ?
Qu’est-ce que ça peut faire.
Ce serait dommage. Vous seriez obligés d’en racheter pour finir votre tableau.
Non… Je ne le terminerai pas.
M-Mais pourquoi ? »

La question lui a échappée, sincère et ponctuée d’une note révoltée. L’artiste se fige. Ses mains couvertes de tâches se crispent sur son tablier. Grande inspiration. Toute lumière disparait.
Andréa sursaute et fait un bond en arrière. Retrouvant toute sa hauteur, il lève la tête vers la verrière, mais aucune trace du soleil.
Un bref claquement retentit. Toujours agenouillé, le peintre se voit soudainement englobé d’une pâle lumière bleue. Quelque part dans le vide, un piano se met à pleurer. Un soupir.

Je pensais avoir de l’or entre les mains…
Pouvoir enfin devenir quelqu’un.
Quelle erreur ai-je fait,
De me croire un peu doué.

Ce n’est qu’une sombre farce…
Je ne suis pas à ma place.
Jamais personne n’appréciera
Ce que je fais de mes dix doigts…

Un accord en Do Majeur le relève. Épaule basse, son regard éteint se pose sur sa toile autour de laquelle il referme une fébrile étreinte. Autour d’eux l’éclairage change. S’ils restent enveloppés d’un triste azure, les tableaux au-dessus d’eux retrouvent un à un toutes leurs couleurs. L’artiste guette le retour de leur éclat et se crispe. Les voir si beaux l’oppresse. Les larmes baignent son regard, mais il les efface du revers de sa manche. Le même sort est réservé à sa création qu’il jette sans la moindre considération.
Andréa la rattrape et c’est d’un pas lourd de solitude que le peindre gagne le centre de la pièce. Les notes gagnent alors en puissance et en colère. Il arrache son tablier et le jette violemment à terre, puis écartant les bras, il s’adresse avec âpreté à toute la pièce :

Ingres crée des vêtements dont je suis fou.
Les mains de Raphaël me rendent jaloux !
Delacroix, Botticeli ou Titien,
À côté d’eux, non je ne vaux rien…

Toutes ces peintures géniales
Rendent mes œuvres minables !
Je suis dévoré par le doute,
Et sous mes mains ne naissent que des croûtes !

Comment rivaliser
Avec ces monstres sacrés ?
J’ai beau faire des efforts,
Ils seront toujours plus forts…

Grave, le glas résonne entre les murs surchargés. Sans état d’âmes, le piano écrase l’artiste pétri d’incertitudes sous des notes mornes, vides de tout espoir. Son corps cède. Il tombe à genoux, ses poings serrés sur le parquet. Quelques notes aiguës se moquent en coulisse, puis sont éteintes par une suite d’accords dramatiques. Chacun d’entre eux éteint l’une des toiles de maître. La dernière est prête à sombrer dans les ténèbres, mais inexplicablement, sa la lumière persiste.
S’élève alors un timbre clair. Un doigt porté près des lèvres roses peintes à l’huile, Andréa chante sa tendresse pour la triste fin de l’œuvre.

Mais moi je l’apprécie
Cette petite bouche pas finie…

Le peintre redresse sa tête au yeux ourlés de rouges. La chaleur du soleil revient caresser avec parcimonie l’intérieur de la pièce. Le retour de la noire mélodie du piano s’accompagne cette fois du son cristallin d’une flûte. Au loin, un carillon sonne l’espoir retrouvé dans le cœur de l’artiste. Diling, diling…
Andréa lui sourit. Main tendue. Le peintre la saisit et un rien suffit à le hisser sur ses pieds. Avec précaution, le garçon lui rend son tableau, mais le geste est prématuré et craintif, son interlocuteur renonce à s’en saisir. L’obscure sonate tente de reprendre le dessus en trois accords funestes, la flûte résiste. Son hardiesse a l’entrain du chant des hirondelles, elle séduit le louveteau qui se résout à l’accompagner d’un encourageant couplet.

C’est normal d’être différent,
Toutes ces toiles sont d’un autre temps.
Mais avez vous déjà essayé
De peindre selon vos idées ?

Si vous aimez ce que vous faîtes,
Rien au monde ne doit empêcher
Que votre vie soit une fête
Pleine de couleurs sur un chevalet !

Surprise. Le châssis de bois l’a entendu et après que peintures, palettes et pinceaux aient tous bondis sur son montant central, le voilà qui les rejoint en trottinant sur une brève balade de l’instrument à vent. Andréa repose la toile à sa place. Le montant de bois frémit, ravis, et les pinceaux frétillent, attendant d’être saisis. L’un d’eux à cette chance. Le triste piano improvise un tout nouveau morceau plus entrainant et l’hésitation s’efface du regard de l’artiste.
Un jaune éclatant explose sur son œuvre et la flûte se joint à la cadence de nouvelles notes guillerettes.

C’est normal d’être différent
Mes toiles seront celles du présent !
C’est à mon tour d’essayer
De peindre mes idées !

Ce que je veux c’est du nouveau,
Laisser ma passion s’exprimer.
Commencer de nombreux tableaux
Couvrir de couleurs mon chevalet !

Une dernière envolée et la flûte se tait. Plein de swing, le solo du piano accompagne les gestes du peindre sur qui veillent désormais les œuvres d’un autre siècle.
Le cœur d’Andréa se gonfle de joie. L’envie d’accompagner cette joyeuse mélodie au violon lui brûle les doigts et il se laisse aller à rêver des do, des mi, des ré, qu’il garde secret. Comment pourrait-il en être autrement ?
On applaudit dans leur dos. Le lycanthrope se tourne et recule aussitôt d’un pas. Trop près de lui, Rey sourit. Andréa est surpris, car il a l’air plus jeune que lui, plus petit aussi malgré les vertigineux talons qui le hissent presque à sa hauteur. Son visage rayonne d’une assurance espiègle qui pousse le garçon et la bête à s’inquiéter pour leur ami, mais un volte-face leur apprend que le peindre s’est évanoui. Le loup-garou et le diable sont en tête-à-tête. Le second ouvre le bal.

« Tss, tss, tss… En voilà un vilain fripon. Alors Andréa, on n’applique pas ses propres leçons ? »

Le cœur de l’intéressé rate un battement. L’embarras le dévore, il se sent rougir, troublé par la vérité qui vient de lui gifler le visage. Réaction instinctive. Une défense maladroite quitte trop rapidement ses lèvres.

« Je voulais juste l’aider…
En mentant ? Pas très fair play.
Je n’ai pas menti ! Je crois vraiment à ce que j’ai dis.
Alors tu pourrais l’appliquer ?
D-De quoi vous parlez ?
Oh Andréa… Pas de ça avec moi ! »

Rey lui saisit le poignet et tire d’un coup sec pour le rapprocher. Pas le temps de réagir. Le louveteau termine dans ses bras, le démon le renverse, s’approche et murmure un souffle chaud à son oreille.

« Je sais que tu joues du violon. »

Les lumières rougissent. Rey le redresse d’un geste vif et toute la salle s’embrase sous leur pas. Depuis l’un des tableaux tressaillent les sonorités latines d’une guitare acoustique appuyée par le rythme d’une contrebasse et les respirations d’un bandonéon. Débute alors un flamboyant tango.
Rey guide, Andréa suit. Magie ! Les pas du démon ont la puissance et la souplesse de grands félins. Prisonnier de ses griffes, le loup-garou se cale dans son sillage droit et princier, quoique manquant de sérénité.
Peu importe pour Rey dont le sourire se fait carnassier. Sa main fait pression dans le dos du garçon, l’obligeant à se cambrer sur un temps marqué par la contrebasse. Un mouvement du bassin et de nouveau, les deux Légendaires se font face. Andréa lui tient tête. Amusé, le démon se lance dans un nouvel enchainement, mais cette fois sa voix se joint à la mélodie qui les emporte.

Je sais !
Comment vibre ton son.
Je sais !
Que tu es même très bon.
Oh Andréa, s’il te plait.
Fais moi danser !!

Il tombe à la renverse, jambe gauche pliée, jambe droite tendue toujours parfaitement encrée au sol. Le louveteau le rattrape et le relève avec la puissance qui est sienne. Rey décolle et retombe contre lui. Le bandonéon prend une grande bouffée d’air. Le cadre des danseurs est redressé et le tango reprend plus intense que jamais.
Autour d’eux les tableaux s’animent, enchantés par le spectacle et l’ardeur de la mélopée. Tandis que tous  les personnages s’entassent au bord de leur peinture, Rey reprend après un audacieux jeu de jambes :

Je veux !
Bouger sur ta musique.
Je veux !
Goûter à ce son magique !
S’il te plaît, oh Andréa,
Ne me laisse pas comme ça !

Un pas de deux les écarte. Rey lâche la main du jeune homme et s’éloigne sur un grattement discret de guitare. Un claquement de doigt. Sous le nez du jeune homme survient un pupitre au-dessus duquel rayonne un violon. Andréa pâlit.
Il secoue vivement la tête, cherche le démon des yeux, mais même les ombres ne révèlent aucune trace de lui. La tristesse de la contrebasse remplace l’enthousiasme de la guitare et du bandonéon. L’angoisse d’Andréa quitte ses lèvres dans la honte et la détresse.

Je suis touché par votre ardeur,
Mais je vous jure c’est une erreur.
Je ne sais pas bien jouer du violon,
Ni même lire une partition…

« Ah vraiment ? »

Rey s’est matérialisé près de l’instrument à cordes. Sa queue en pointe de flèche fouette l’air avec impatience et le bref regard qu’il adresse à Andréa transpire d’une fiévreuse malice. Puis son attention se reporte sur le violon. Ses mains griffues l’agrippent, lui et son archet. À son contact, bois et cordent s’habillent aussitôt de ténèbres.
Andréa frémit. Le maniement du démon est sensuel, mais manque cruellement de délicatesse et le sourire félin qui retrousse ses lèvres l’inquiète.
Silence théâtral. Rey pose son visage contre la mentonnière. Il ferme les yeux et bombe le torse pour se donner une prestance dont il n’a absolument pas besoin. Un premier son crispé est arraché des cordes qu’il écrase, puis l’archet s’abat d’un mouvement souple. Le crin effleure le violon puis se pose sur sa touche. Toute la salle arrête de respirer.
La note est une torture. Cisaillé d’un geste brutal, le violon hurle. Horrifié, le public s’enfuit dans le chaos et rejoint les tréfonds de chaque tableau, tandis que le démon s’acharne. Tapage cauchemardesque. À côté, les ultimes râles d’un condamnés sont du miel pour les oreilles.
Malade d’effroi, le cœur d’Andréa s’émiette. Des larmes de rage emplissent ses yeux noisettes, mais le reste de son corps est incapable de bouger, totalement paralyser. Le violon appelle à l’aide, mais lui porter secours est au-dessus de ses forces. Il n’a pas peur de le sauver, c’est ce qu’il y a après qui l’effraie. Ce moment où, l’instrument en main, il verra qu’une fois de plus, la peur le rendra muet. Torture ou silence ? Il est incapable de décider.
Alors le loup s’invite dans la danse et secoue le musicien. Son corps agit tout seul. Un bond suffit pour le rapprocher du démon dont il agrippe le poignet massacreur. Rey se fige avec satisfaction. Il n’oppose aucune résistance, laisse le violon passer d’une main à l’autre tandis que la pièce retrouve son calme.
C’est avec déférence que le diable s’incline devant le violoniste. Andréa tressaille. Les curieux des tableaux sont de retour au bord de leur cadre et le jeune homme prend de plein fouet les désirs et les attentes qui éclairent les figures de ce public impatient. Quelqu’un siffle. Un « Allé ! » est jeté avec enthousiasme. Le jeune homme se solidifie de stress et tout son être commence à trembler.
La musique reprend. Juste une guitare douce et tendre qui l’invite à se confier. Andréa est terrifié.

Comment…
Comment pourrais-je…
Trouver le courage
D’affronter ces visages.

Ils attendent tant de moi…
Qu’arrivera-t-il si je les déçois ?
Ne pas être à la hauteur…
Me fera perdre ce bonheur.

Non, je refuse, j’ai trop peur !

Je sens les affres de ton âme hésitante,
Mais Andréa, tu dépasseras leurs attentes.

Im-Impossible, je… je ne suis qu’un imposteur…

Moue frustrée, mais l’ombre ne fait que passer dans le regard de Rey. Il rejoint Andréa en quelques pas. Ses doigts glissent sur son visage bouleversé par l’inquiétude. L’index du démon s’arrête sous son menton et lui relève la tête. Yeux dans les yeux, il lui murmure :

Qui sont-ils pour te juger ?
Être bon ou mauvais.
Si la musique coule dans tes veines,
Alors au diable leur haine !

Il s’écarte, la guitare s’électrise sur un rift. Rey frappe le sol d’un coup de pied et du choc nait un éclair doré. La fissure s’étend et se disperse aléatoirement dans toute la pièce. Un grondement. Le rire de Rey explose et sous eux s’élève brusquement un pan du sol.
La surprise fait perdre l’équilibre à Andréa qui manque de chuter de la plateforme, mais Rey le rattrape et le hisse au centre de leur bloc. Un second coup de talon quadrille plancher d’une piste de danse lumineuse et colorée. Guitare et contrebasse accélèrent le rythme.
Andréa vacille. Ses doigts brûlent, mais son cœur demeure gelé par la peur. Ses mains en feu restent cadenassées autour du violon incapables de l’abandonner, ou d’en jouer.
Autour de lui Rey danse. Élégance, sensualité, c’est sur un jeu de jambe qu’il débute un nouveau couplet vif auquel Andréa répond, plus hésitant.

Tu es un musicien !
Ils se moqueront de moi…
Ce violon est ton destin !
Ma musique ne les touchera pas…

Tu as ça dans le sang !
Pourtant au fond de moi…
Ce sera éblouissant !
Il y a cette toute petite voix…

« Qu’est-ce qu’elle dit ?
R-Rien…
Menteur ! »

Elle murmure quand tous dorment la nuit !
Que caché tu joues bien à l’abris.

Si seulement, ils pouvaient me remarquer…
C’est devant eux que je voudrais jouer !

« Il n’y a qu’à demander ! »

Le démon claque des doigts. Autour d’eux toutes les toiles s’illuminent et se vident de leur sujet, qui rejoignent en pagaille les planches du Salon Carré. En dehors de leur plateforme surélevée c’est tout le sol qui s’anime, mouvant, dansant, sous les spots hystériques, suivant l’ivresse de la musique. Sans jamais les atteindre, le parquet ondule follement et sur ses courbes valsantes se disperse en rythme un public des plus éclectiques.
La scène irréelle réchauffe les joues d’Andréa. Un concert de battement lui enivre l’esprit et tout son corps aspire à se joindre à la fête. Sourire immense. Le désir secret qui couvait depuis tant d’années incendie tout son être. Sa flamme ronge à toute vitesse la mèche du détonateur reliée à son cœur. Tic, tac, tic, tac.
Alors que la guitare se fait plus discrète, le regard du garçon embrasse avec émotion le violon qui lui cuit les paumes.

Et si j’osais !
Pourquoi donc se priver ?
Juste une fois !
Ça c’est c’que tu crois !
C’est décidé, c’est maintenant,
Je veux jouer devant les gens !

BOUM !
Son cœur éclate en un feu d’artifice. Le violon est ajusté sur son épaule, ses doigts tremblant sont vides de peur et gorgés d’excitation. Rey frappe dans ses mains et soudain la lumière n’est plus que pour Andréa.
Pour la première fois, l’archet du garçon glisse devant une foule en émois.


Notes graves, encore timides. Dans un déhanché de tous les diables, le démon accompagne cette délicieuse mélodie du tempo de ses talons claquant sur le plancher. Le violon suit et s’affermit. Il prend de l’ampleur, gagne en assurance, s’égaie sur une note claire qui s’élève en un frisson de bonheur, puis se tait brusquement.
Andréa a besoin d’air. Rey prend le relais.
La vivacité d’une guitare les rejoint, accompagnée par l’énergie d’un duo de castagnettes. Dos à Andréa, Rey se cambre, bras en l’air. Ses talons hauts heurtent le sol deux fois. Ardeur contagieuse. Le lycanthrope retrouve de l’oxygène et l’archet se lève. Œillade complice.
Enfin retentit le vrai son du violon d’Andréa. Limpide de pureté et de sincérité, la mélodie se déploie en une totale improvisation sur laquelle se calent parfaitement les instruments qui appuient son emportement. Les mouvements de son poignet sont une ode à la fluidité. Sous ses longs doigts les cordes chantent à tue-tête une joie impossible à dissimuler, puis soudain elles s’éclairent d’une intense clarté. La lumière se répand au manche et au bois dont est lentement chassé toute obscurité. Alors qu’une trompette se joint brièvement à leur folie douce, qu’autour d’eux le public envouté danse librement sur le sol en mouvement, le violon du démon devient celui d’un ange.
À peine arrivé, le son de l’instrument à vent s’absente et donne toute sa place à la mélodie du violoniste sur laquelle jubile le danseur. Le duo est magique, mystique. Une symbiose hors norme qui subjugue parce qu’ils n’ont pour eux que la beauté de deux passions mêlées.
Quand la trompette revient, le violon l’accueille avec bienveillance et offre au diable une nouvelle occasion de s’enflammer. Leur exaltation mutuelle prend vie en deux flammes qui se mélangent sur scène en une explosion crépitante. Chaque contact crée une pluie d’étincelles qui s’éparpille dans toute la pièce et s’effacent sur les percussions des castagnettes.
Et puis la folie s’apaise. Le sourire aux lèvres, Andréa ferme les yeux sur ce qu’il devine être l’au-revoir de cette fantastique rencontre. Il soutient les derniers accords de la guitare d’un premier tendre coup d’archet, un second, son dernier, a la douceur d’un « merci ».

C’est fini.
Il a réussi.

Ses jambes le lâchent. Il est agenouillé au milieu sur Salon Carré lorsqu’il rouvre les paupières. La salle est de nouveau ancrée dans la réalité. Les tableaux semblent n’avoir jamais bougé. De ce qui vient de se passer, Andréa ne conserve que le tambourinement fou de son cœur contre son torse, une colossale fierté et ce violon immaculé désormais sien.

À moins que ?
Un dernier cadeau de la part du démon de la danse.

« A-Andréa ? C’est… C’est toi qui joue comme ça ? »

Voilà Violette. C’est sa collègue du conservatoire. Le jeune homme est surpris de la trouver là, mais non sans s’empourprer, il lui sourit.

« Oui. »



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MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeVen 24 Juin - 5:20

N’y-a-t-il rien de mieux que siroter tranquillement un café sur une terrasse d’un bistro au lieu de travailler ? Certainement ! Quelle stupide question ! Il y a un million de choses… Ok, peut-être pas un million, mais clairement une centaine. Par exemple, tuer, torturer, bais… séduire la bourgeoisie ; avant, j’aurais aussi mentionné emmerder Axel, mais il a disparu de la carte, alors maintenant, je me rabats sur Safa, ce qui est presque aussi amusant.
Alors pourquoi je me trouve au Au petit bistro éphémère – faut vraiment être nul pour appeler son commerce ainsi - au lieu de rédiger mes ennuyants rapports ? Allez savoir. Une folie passagère ou une envie irrésistible de boire un café sur le parvis du Louvre ? Peut-être. Mais en vrai, on s’en fout de la raison, l’important est que j’y suis.

Bien installé dans ma chaise, une douce brise dans les cheveux, je lis ma rubrique préférée du journal Le Dandy : les faits divers. On peut y trouver des petites perles d’absurdités humaines.
Soudain un son dérange ma tranquillité. Un abruti chante ses problèmes sentimentaux sur la place publique. Mon regard abandonne à contrecœur le journal.  Irrité par ses pathétiques lamentations, je repère le dérangeur et lui balance ma poivrière au visage. Putain, on s’en fout de son cœur. Il peut bien être brisé et être devenu accro à un jeu perdant, on n’en a rien à cirer ! Non, mais va emmerder d’autres gens ! Ailleurs !
Ooh, o- atchoum-oh
Ooh, ooh
Tout ce - atchoum- que je sais, -atchoum- tout ce que je sais
1

Bordel, il continue ! Le nez plein de poivre ! Il veut vraiment gâcher mon moment, cet abruti. Ennuyé par sa vision, je prends une grande respiration et retourne malgré tout à ma lecture. Tiens, tiens, une vieille dame aurait mangé son chat et accuse son voisin d’être le responsable. Selon elle, il l’aurait envoûtée. Je ricane en lisant la nouvelle. Puis, un deuxième chanteur se joint au premier et un troisième.

T'aimer, c'est un jeu perdu
Je n'ai pas besoin de ton jeu, jeu terminé
Sors-moi de cette montagne russe
1

Interpelé par ces chants a capella, un pianiste ajoute ses notes à leur plainte musicale. Je lève à nouveau les yeux. Cette fois-ci, des gens se meuvent au rythme du chant. Un bâillement s’échappe de ma bouche. Je m’apprête à retourner à mon journal quand je vois un duo valser et se faire happer par un omnibus. Un accident des plus banals. Je prends la tasse de café sur la table et la porte à mes lèvres, mais… je m’arrête à mi-chemin. Les sourcils froncés, je vois le valseur se relever. Il peine à marcher. Sa cheville est foutue. Malgré la douleur, l’homme rejoint sa compagne qui n’est pas dans un meilleur état. Sa posture me laisse croire que son dos, plus précisément ses lombaires, a été touché par le choc avec l’équidé.
Contre toute attente, ils reprennent leur tournoiement.

Titillé par cette étrangeté, j’observe avec plus d’attention la prestation des autres artistes amateurs. À quelques pas, une choriste cherche désespérément son air. Un guitariste joue les doigts en sang. Partout où mon regard se pose, je constate de la souffrance… à différents degrés. Soit il y a quelque chose d’anormal dans tout cela, soit c’est une troupe de zélés.

Mon sang, ma sueur. Ma dernière danse, mes larmes
Prends-moi tout, disparais
Mon sang, ma sueur. Mon souffle glacé, mes larmes
Prends-moi tout, disparais
2

Je regarde à ma droite. La propriétaire du bistro a les yeux rivés dans les miens. D’une voix suave, elle continue alors que six clients se joignent à son étrange, mais envoûtante chorégraphie.

Mon sang, ma sueur, mes larmes
Mon corps, mon cœur, mon âme
C'est déjà tout à toi, et tu le sais
Ce que je te demande, c'est de me châtier
Des pêches et de la crème
Plus douces que le sucre
Des joues en chocolat et des ailes en chocolat
Pourtant ces ailes sont celles du diable
Ta douceur, elle, frôle l'amertume
Embrasse-moi, quitte à me faire mal
2

D’accord, maintenant, j’en suis pratiquement sûr, quelque chose ne tourne pas rond. Quoi ? Je l’ignore exactement, mais ça semble se répandre comme de la mauvaise herbe. Face à cette constatation, je déleste la femme et quitte les lieux. Je n’ai aucune envie d’être agrippé par cette plante envahissante.

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Hors évent, mais pas hors rp:

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Face à cette constatation, je déleste la femme et quitte les lieux. Je n’ai aucune envie d’être agrippé par cette plante envahissante. Mais à peine je dépasse ma table que je m’arrête. Dos à moi, j’entends toujours la propriétaire chantée alors que sa troupe improvisée martèle en rythme le sol. Le tout est incroyablement bien ficelé que le son de leurs pieds l’accompagne à merveille, créant une mélodie à eux seuls. Mais en vrai, je n’en ai rien à foutre de leur musique, ce n’est qu’un bruit de fond.
Mon regard suit l’imbécile à la poivrière. L’homme est toujours présent, en pleine forme. Ses éternuements se sont arrêtés. Il ajoute maintenant sa voix à un duo de sopranos. Et c’est là que je réalise : merde, je me suis ramolli avec les siècles ! Jamais avant, je me serais contenté de lui balancer une simple poivrière à la figure. Puis, il y a le constat : L’heure Pourpre aurait dû être de mon fait. À quand remonte mon dernier grand coup ? Il y a plus de cinq cents ans. Peut-être plus. Depuis, je me suis simplement gavé dans la luxure de la chair à en oublier ma raison première. Je me suis assimilé à cette vie civile, tuant à l’occasion, marchandant par-ci par-là des désirs contre des âmes, mais j’ai perdu ma prestance d’avant. Doucement, mais de façon insidieuse, la bonté des gens a corrompu mon essence. Ce coup de poing me donne la nausée, mais surtout la rage. Je serre les poings.
Il est temps de redevenir celui que j’étais jadis, le fier démon de l’esprit d’Asmodée.

Je m’insère dans les pensées de l’homme aux éternuements. Déjà affaibli par autre chose, j’y plante aisément ma graine. Je répète l’opération avec sept autres personnes. Puis, j’attends. Une minute s’écoule. Une deuxième. J’arrose mon terreau. Une cinquième. J’ajoute un peu d’engrais. L’horticulture nécessite de la patience et de l’entretien.

Finalement, après une dizaine de minutes, mes fleurs éclosent dans toutes leurs splendeurs sous le son lent de la guitare sèche. Du rouge flamboyant à l’orange brûlé, au jaune étincelant, leurs couleurs rayonnent sur le parvis du musée. Puis, les notes de musique s’enfièvrent dans un flamenco enflammé. Leur pollen s’envole. Elles répandent leur semence et se collent aux gens tout autour. Leurs pétales virevoltent.
Ayant mené mes graines à maturité, je retourne vers ma table, replace la chaise tombée à la renverse et je m’assis. J’ouvre à nouveau le journal et reprends ma lecture en sifflotant.

Lorsque le dernier coup de talon résonne, je lève les yeux. Plus rien ne bouge. Des dizaines de corps entièrement calcinés sont éparpillés autour de la pyramide de verre. Je souris et je retourne à mon article. Intéressant, ils n’ont toujours pas trouvé qui se cache derrière les mystérieuses affiches. Je pourrais peut-être me joindre à ce groupe… ou je pourrais créer une première guerre mondiale… Mmh, ça, ça me prendrait une vingtaine d’année pour y arriver...

En tout cas, pour l’instant, je vais enfin profiter de cet après-midi ensoleillé en toute tranquillité.

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Hors évent, mais pas hors rp:

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HRP:
Edward White
l Dans l'ombre du loup l BIG BOSS l
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MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeLun 27 Juin - 19:22

Avouons le, en cet instant, Edward crève de jalousie.

Ça fait quoi ? Cinq, six ans qu’il a ouvert son cabaret, et plusieurs mois à présent qu’il peut en exploiter tout le potentiel magique sans se cacher. Il en a toujours été fier et l’Heure Pourpre n’y a rien changé, pourtant là, c’est comme se prendre une grosse gifle en pleine truffe. Orgueil touché, ça lui reste en travers de la gueule.
Après tant d’effort déployés pour offrir une scène artistique digne de ce nom aux parisiens, le voilà sur la touche en moins d’une heure.
Tout ça à cause d’un de ces biquets infernaux aux pouvoirs démesurés. Aucun mérite. Un claquement de doigt lui suffit pour faire danser Paris. Et avec talent, ce qui est d’autant plus agaçant. Tout aurait été plus simple si cet hurluberlu cornu avait eu le sens créatif d’une huître.
Imaginez. Paralyser la capitale avec des spectacles dignes d’une fête de fin d’école primaire. Des groupes de passants qui vous chantent mal des comptines qui restent dans le crâne, des boulangers qui improvisent une représentation de « Roule Galette » dans un costume approprié. Là, OK. Tout en demeurant terriblement démoniaque, l’acte reste une aubaine pour le cabaret. Solidarité Légendaire. M’enfin !
Mais non. Désormais même le dernier des poivrot tangue avec style et à la vitesse ou s’étend l’épidémie, il suffira de vingt-quatre heure pour qu’ouvrir une fenêtre donne sur une scène grandiose d’opéra et que traverser la rue vous mène à une toute nouvelle meneuse de revue. On arrêtera son cochet sur un air de fête, on fera son marché sur une petite chansonnette et n’importe quelle porte deviendra la promesse d’une représentation guillerette.
Une concurrence déloyale qui met en péril le Lost Paradise, mais Edward n’est pas du genre à s’avouer vaincu. Lorsqu’il pousse la porte du Louvre, il sais exactement ce qui lui reste à faire.

Le pavillon Denon est franchi d’un pas déterminé. Les mosaïques antiques chantent sa progression dans un chœur latin combatif, auquel se mêle le fracas rythmé des vétustes glaives contre des boucliers. Edward traverse les allée sans sourciller. Le fond sonore épique qui accompagne son avancée n’est pas pour lui déplaire.
L’atmosphère change lorsqu’il atteint le Pavillon Sully, centre du musée. Jusqu’alors presque désertes, les salles se chargent petit à petit d’un nombre important des sujets de Rey. De salles en salles, Edward perce des vagues de chorégraphie ondulant sur des morceau sans cesse renouvelés. Il tournoie pour éviter d’être emporté par une musette qui résonne au milieu des toiles, puis esquive d’un pas chassé une valse virevoltante entre les poteries. On essaie de l’entraîner dans un charleston osé devant des tentures du Moyen-Orient, mais le loup se défile d’un élégant pas de deux.
Le voilà prêt à quitter la Salle des Caryatides. Il dépasse les quatre hautes femmes taillées dans le marbre soutenant l’ancienne tribune de musiciens et s’avance vers la porte. Le choc.
Edward est à peine secoué, mais ce n’est pas le cas de la petite silhouette qui l’a percuté de plein fouet. Trois pas en arrière. Elle manque de tomber, mais la poigne du lycanthrope coupe nette sa chute. Son regard dépareillé tombe dans deux iris anisés. Leur voix s’étrangle dans un choeur parfait qui résonne superbement sous les arches de l’ancienne salle des fêtes des souverains français.

« Toi ?! »

Edward redresse Elvira.
La moue de la demoiselle se veut froide et professionnelle, mais elle a le coin des lèvres contrarié ; son interlocuteur l’a tout de suite remarqué.
Sa robe légère et pratique retrouve toute son élégance d’un bref et sec geste de la main. Le tissu de bonne facture, d’un joli pêche, laisse deviner des épaules plus carrées que celles de la majorité des parisiennes, mais demeure trop ample pour qu’on soupçonne des jambes tout aussi musclées auxquelles sont nouées un véritable arsenal.
Une boucle brune s’échappe de son chignon tressé lorsqu’elle daigne enfin lever la tête. Coup d’œil bref et réprobateur pour le brassard pourpre au bras du gêneur. Edward en est tout piqué. Leurs yeux se croisent, tous deux ouvrent en même temps la bouche. Encore.

« Quest-ce que tu fais là ? »

Les tons brûlent de reproches, mais celui d’Elvira l’emporte, durci par la sécheresse de son accent hongrois. Silence. Ils se toisent, chacun attendant la réponse de l’autre.
Exceptionnellement, c’est elle qui se montre la plus impatiente. Mais la guêpe n’est pas folle et tenant à conserver son avantage, elle reprend sa route avant d’ajouter le moindre mot. Dans le sillage de ses talons qui claquent dans la grande salle de Caryatides, se cale le pas naturellement discret d’Edward. Il sait qu’elle l’attendait pour poursuivre. À peine note-t-elle la présence de son ombre près d’elle, que ses mots sonnent enfin sur l’air de l’évidence .

« On m’a demandé de m’occuper de ce démon.
Parce que tu es la seule a avoir le sens du rythme ?
C’est ça, moque toi. Maintenant je peux savoir ce que toi tu fais là ?
La même chose.
Ben voyons ! Soupire-t-elle. Et comment as-tu prévu de te débarrasser de ce démon de premier ordre, Monsieur “Je n’aime pas la magie” ? En le recrutant ? »

Trois pas de plus et Elvira s’arrête. Edward s’est figé quelques mètres en arrière. Il tourne la tête, son air penaud ne trompe pas la demoiselle. De sidération, les yeux d’Elvira s’agrandissent à lui en manger la tête. Un claquement de langue hostile lui échappe.

«  C’est une blague ?
Non, se renfrogne le loup-garou. Quitte à faire danser la capitale, autant que ce soit depuis ma scène !
Edward, c’est la pire idée du monde ! Je vois d’ici les titres : “À peine sorti de son procès, le patron du Lost Paradise embauche le criminel qui a paralysé tout Paris en musique.” »

C’est exactement pour ça que l’idée est géniale ! Publicité gratuite par une presse déchaînée, la foule qui se presse sur le seuil du cabaret dans l’espoir de succomber une nouvelle fois à la tentation musicale. Le jackpot assuré.
Pourtant le loup blanc ne trouve pas la force de répliquer. Ses arguments se sont évaporés, son cœur a cessé de battre au mot « procès ». Ses joues s’empourpres, ses poils se dressent. En lui, une honte totale et une fureur animal se disputent la direction d’une valse déchainée. Un, deux, trois… La rage l’emporte et tout est balayé.
Elvira recule à la seconde où ses pupilles se rétractent.
Le loup hurle à travers l’homme qui aboie.

« Pas un mot Elvira ! Tu m’as laissé traverser cet enfer sans un seul courrier !
Ce n’est pas le moment. »

Elle si petite se glisse sur la gauche de la bête qui lui fait face. Les mots glacés se veulent dissuasifs, mais Edward la connait par cœur et reconnaît la tentative de fuite. Même pas en rêve.
Il agrippe son poignet et la rapproche d’un geste. Poupée de chiffon au milieu de la tempête, Elvira virevolte sur elle-même et se fige dans ses bras. Sa tête reste bien haute et c’est le menton relevé qu’elle affronte sans ciller le regard disparate sous l’ombre des sourcils froncés de son geôlier.

« Tu veux vraiment régler ça maintenant ?
Tu disparaitras si je te laisse du temps. »

Depuis la tribune surplombant les quatre statues s’entrechoque une paire de baguette de batterie.

Et un, deux, trois et quatre !

La guitare s’électrise et toute la pièce s’emballe. Le dallage noir et blanc se fend sous leur pied et s’écarte sur le parquet bariolés de lignes de n’importe quel gymnases scolaires. Cotillons et banderoles ruissellent le long des arches anciennes, ballons gonflés à l’hélium se hissent en massent jusqu’au plafond. D’épais rideaux tombent sur chaque fenêtres et c’est le noir.
En coulisse le tambour gronde et le suspense s’installe. Quand sonnent les cymbales, d’ardents néons s’embrasent au-dessus d’une piste couverte de confettis, où patiente un tout nouveau public parfaitement assorti à ce décor hors du temps et de l’espace. Des projecteurs criards s’illuminent à leur tour et se braquent sur deux silhouettes de part et d’autre la pièce.
Elle prend la pose.
Une robe rockabilly marque sa taille par un gros nœud charbonneux. Dessous, une jupe rouge à pois s’arrête outrageusement à hauteur du genoux. Dessus, un haut sombre, au col matelot, dévoile sa gorge que ne couvrent plus ses boucles brunes coupées en un carré vaporeux retenu par un serre-tête. Un chewing-gum éclate entre ses lèvres rouges.
Il la détaille avec superbe.
Mains dans les poches de son jeans brut, sa veste en cuire s’ouvre sur un T-Shirt blanc marquant la musculature de son buste. Ses cheveux plaqués en arrière révèlent un regard fier.

Le public se sépare, courant bras en l’air, sur une série de petits pas sur-joués. Les femmes s’agglutinent derrière Elvira, les hommes soutiennent Edward.
Il est le premier à s’élancer sur le parquet ciré. Le rythme est donné par le métronome des claquement de doigts et les « Hou hou haha » de ses choristes improvisés.
Son premier pas se fait sur un déhanché qui n’a rien à envié à la chaleur des fifty’s. Sa voix grave se pose sans hésiter sur les premières notes d’une contrebasse énergique.

Je t’ai aimé avec passion
Avec passion
Tu m’a dit « Oui ! Mais en fait non… »
Tu lui as dit non
Non sans peine, je m’suis résigné,
Mais jamais je n’t’ai oublié
Hou-hou ha-haa
On devait rester des amis !
C’est ce que tu avais promis
Mais aucune réponse n’a été faite
À mes milles et une lettres !
Il a le cœur en miettes !

Le piano surgit sur une suite d’accords aigües qui emporte Elvira sur la piste. Autour de son bassin ondule sa robe à jupon qu’elle anime soudainement d’un jeu de jambes sexy.

Je t’ai aimé à l’infini.
À l’infini.
Mais comment pouvais-je dire oui.
Elle n’a pu dire oui.
M’engager à un lycanthrope,
Où voulais-tu que ça nous porte ?
Ha-ha hou-houuu
Si j’n’étais plus dans ta vie,
Ton futur se s’rait embelli.
Car je n’pouvais par renoncer,
Pour toi à mon humanité !
Son cœur est tiraillé !

Retrouvailles au centre de la salle. Edward attrape la main tendue par sa cavalière. Un geste suffit à la basculer en arrière, le dos appuyée contre sa cuisse. Sa paume quitte celle d’Elvira pour se glisser sous sa nuque. Elle semble impossible à déstabiliser tant son maintien est celui d’une reine, mais cela ne freine pas le roi des loups qui murmure, penché près d’elle :

« Jamais je ne te l’aurais demandé.
Je sais, mais c’était ce dont tu rêvais. »

Ses doigts effleurent la joue d’Edward, lorsque la batterie s'échauffe dans un solo de percussions plein de swing. Impossible de résister. Le loup blanc relève souplement la demoiselle qui ne s’écarte que d’un pas. Leurs mains se retrouvent avec une facilité déconcertante, la droite dans la gauche. Un sourire encore timide est échangé quand, encouragée par le piano, la guitare se lance sur une mélodie pleine de vie et donne le top départ à une chorégraphie « Rock’n Roll Baby ! »
Buste en avant, campés sur leurs appuis, débute un jeu de jambes rebondissant à un rythme fou. Par miracle, aucune cheville ne cède, pas plus qu’elles ne s’emmêlent. Synchronisation parfaite.
Un mouvement d’Edward rapproche Elvira qui tournoie en l’air entre ses bras. Appuis aussitôt retrouvés, sa chevelure plus libre que jamais, ils joignent leurs deux mains pour une nouvelle suite de pas électriques portés par l’ardeur de la guitare. Croise, décroise, tourne à droite, glisse à gauche !
Autour d’eux, les spots de la salle de bal couvrent le sol de cercles lumineux animés. Les choristes sentent que le moment est arrivé et préparent un nouveau couplet.
Côte à côte, main dans la main, Edward et Elvira se figent, reprenant leur souffle, sur cette transition durant laquelle guitare appuie les chœurs et la batterie les claquements de doigts. Les premières paroles marqueront le retour d’une danse folle entre les deux partenaires d’un jour.


A-hoo…
Clac, clac
A-hoo…
Clac, clac
A-hoo…

C’est l’histoire d’un loup-garou et d’une chasseuse (A-hoo)
L’un est une bête l’autre une tueuse (A-hoo)
Comment pourraient-ils vivre une romance ? (A-hoo)
Comme ils l’ignorent alors ils dansent

Oh, ils dansent, comme personne, ils dansent
Emportés par leur folle cadence
Ils font des étincelles quand ils dansent

(A-hoo…)

Il l’a aimé au premier instant (A-hoo)
Elle voulait juste le prendre vivant (A-hoo)
Son tir a brisé toute sa confiance (A-hoo)
Mais le destin a voulu qu’ils dansent

Oh, ils dansent, comme personne, ils dansent
Balayant la moindre méfiance
Ils sont heureux lorsqu’ils dansent

(A-hoo…)

Enchaîné l’un à l’autre par un coup du sort (A-hoo)
Une rencontre les mett’ra d’accord (A-hoo)
Départ pour l’aventure, ce sera leur chance (A-hoo)
Réunis par un démon ils dansent

Oh, ils dansent, comme personne, ils dansent
Dans la joie et la nonchalance
Ils oublient tout quand ils dansent


Deux coups de cymbales et la guitare prend la suite sur le même tempo, improvisant quelques notes sur lesquelles Elvira tourne et fait voler sa robe. Une suite de pas la jette dans les bras d’Edward qui la renverse contre son flanc. Dans l’élan, la jeune femme passe brièvement jambes en l’air et fait un tour complet sur elle-même. Elle retombe sur ses pieds sans être déboussolée, sa main toujours dans celle d’Edward et c’est instantanément qu’ils reprennent leurs enchaînements, enflammés d’une énergie proche de l’allégresse.
Un orgue électronique s’invite brièvement sur leur rock’n roll pétillant, rapidement coupé par le retour de la guitare électrique. Puis les danseurs se séparent.
Elvira laisse la lumière à Edward, mais continue de suivre le tempo, tapant du pied et faisant voler les jupons de sa robe, sans jamais le quitter des yeux.
Galvanisé, la voix du loup remplace celle des choristes, tandis que la mélodie retrouve son premier rythme.

Je suis un loup triste et malheureux (A-hoo)
Quand je n’peux m’perdre dans tes beaux yeux (A-hoo)
Mon enfer c’est ton indifférence (A-hoo)
Regarde-moi Elvira quand je danse

Oh je danse, c’est tout seul que je danse
Sans toi ce rock est une offense
Continuons ensemble cette danse

Il s’élance, tombe à genoux et glisse jusqu’à elle sur le sol jonché de confettis. Aussitôt la lumière se braque sur Elvira. Restée près du loup blanc, elle soulève sa jupe jusqu’au haut de sa cuisse, laissant son partenaire apprécier la musique se déversant dans sa peau de craie.
Elle s’écarte d’un grand pas avant que les griffes du lycanthrope ne se referment sur elle et sourire aux lèvres, la danse chevillé au corps, elle prend la suite de ce rock enflammé.

J’ai tout fait pour mériter ta haine (A-hoo)
J’espérais m’éviter de la peine (A-hoo)
Dis mon loup accorde-moi ta clémence (A-hoo)
Je n’aime pas être seule quand je danse

Oh je danse, rejoins-moi dans la danse
Laissons derrière nos différences
Et terminons à deux cette danse

La lumière les enveloppe pour la fin de ce swing éclatant.

Terminons à deux cette danse
Terminons à deux cette danse

Ils terminent à deux cette danse

Un dernier tour sur elle-même et Elvira chavire dans les bras d’Edward sous une pluie de ballons multicolores et de cotillons satinés. Son rire couvre les dernières notes qui s’estompent avec subtilité, tandis que la foule se disperse en se déhanchant, claquant discrètement des doigts sur les ultimes chuchotis de la batterie.
Essoufflés mais ravis, ils ne s’observent qu’un instant et cela suffit pour que tout soit dit.
Le loup blanc redresse sa cavalière, une brève étreinte les rapproche, puis tous deux s’éloignent et se saluent avec une joie gamine collée au visage.
La raideur de leur costume d’époque retrouvés signe le début d’une nouvelle épopée. Laissant derrière eux un passé tourmenté, ils savourent désormais ce présent au futur incertain.

Leur spas encore plein de musique les emportent dans une autre galerie.
Laissons les s’éloigner.

Dans le calme retrouvé de la vaste salle des Caryatides, un être invisible murmure joyeusement le point final de ces éblouissantes retrouvailles.

Ils termineront à deux cette danse !



H.R.P.:


Dernière édition par Edward White le Ven 7 Avr - 8:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeJeu 30 Juin - 23:33

Quelques moineaux s'envolèrent, tandis que la jeune femme trottinait d'un pas léger, observant les vitrines avec curiosité. Voilà longtemps qu'elle ne s'était pas accordée un peu de temps et trépignait presque à l'idée d'explorer les rues commerçantes. Dans un joli mouvement de robe, elle se tourna vers son accompagnateur qui, depuis de nombreuses minutes déjà, la contemplait avec tendresse. Elle lui fit un grand sourire et lui fit signe de la rejoindre.

L'amour est une étoile lointaine
Qui nous guide dans la nuit incertaine
L'amour est un soleil brûlant
Éclairant nos vies indéfiniment

Je veux te comprendre, te parler,
Mais les mots s'envolent pour l'éternité

Quand le mur tombera-t-il enfin ?
Qui saura me montrer le chemin ?
Je pense à cette amour partagé,
Je voudrais le garder.

L'homme s'approcha tranquillement d'elle, amusé par l'entrain qu'elle affichait devant une enseigne de vêtements sur mesure. Elle lui conta qu'elle avait été modèle pour le styliste, lui accordant quelques réductions en récompense. Elle lui proposa d'y faire un saut, voulant voir si elle pouvait y croiser son ami couturier. Cependant, il arrêta sa marche, sentant soudain quelque chose d'étrange l'envahir.


"On pourra peut-être agrandir ta garde robe, Bastian fait de merveilleux costumes ! Oncle Guillaume, tout va bien ?" S'inquiéta la jolie rouquine, le voyant soudain blême.

"Valentine, je...  " Commença-t'il, hésitant, avant de changer de ton et avouant ses pensées.

"Il y a peu, j'aurais vécu une vie paisible et heureuse,
Et je suis un homme sincèrement comblé par ton attention,
Mais, mon cœur souffre, saigne et se creuse,
Car vois-tu mon enfant, je suis las de cette fausse appellation.
Ô comme je suis, à présent, jaloux de mon jeune frère,
Lui, t'a élevé et vu grandir, recevant ainsi ton affection,
Et possède cette chance insolente d'être appelé ton Père."


Valentine écarquilla les yeux, le dévisageant en silence, ne semblant pas comprendre son étrange comportement. Pourtant, il ne cillait pas, le visage soudain fermé. Pouvait-il vraiment tout lui dire et espérer qu'elle accepte cette étrange révélation ?
Autour d'eux, sans même qu'ils ne s'en aperçoivent, des gens commençaient à danser. Derrière la vitrines, les vendeuses et couturières valsaient joyeusement avec des mannequins d'exposition.

J'espérais pouvoir tout changer
Je commence déjà à le regretter

Pourquoi ce jour qui file vers l'oubli
Ne peut-il pas durer toute la vie?

Les murs du silence s'écroulent enfin,
Et je reviens sur le droit chemin
Je pense à cet amour partagé
Je voudrais le garder.



hrp:
****

Devant cette situation, elle voulu amorcer un mouvement dans la direction de son oncle, mais il se braqua, reculant d'un pas, semblant soudain troublé par ses propres dires. Il secoua alors la tête et, sous le regard étonné de sa nièce, recula de nouveau et tourna les talons, s'enfuyant et courant à vive allure.
Jamais elle ne se serait doutait qu'il puisse être aussi sportif. Elle souhaita le poursuivre, se jugeant parfaitement capable de tenir l'allure malgré sa robe et ses talons.
Mais ce fut à ce moment là seulement qu'elle réalisa que la foule dansait avec ferveur autour d'elle, envahissant l'espace et lui coupant tout accès vers Guillaume.


"Laissez moi passer, que diable ! Que vous arrive-t-il ? Je n'entend pourtant aucune musique !" lâcha-t-elle avec agacement en slalomant entre les individus.

Pourquoi étaient-ils tous subjugués par la danse ? Bientôt, comme pour contredire ses dires, des chants s'élevèrent et elle put entendre des conversations se faire par le biais de chansons. Son oncle avait fait de même peu avant sa fuite, était-ce lié ?!

Parvenant enfin à quitter l'endroit, elle commença à chercher l'homme, ne comprenant toujours pas ce qui se passait autour d'elle. Cependant, plus elle les observait, et plus l'envie de faire de même l'envahissait.
Pourtant Valentine était habitée par un désir encore plus intense, celui de retrouver son oncle.
Soudain, au détour d'une ruelle, elle sembla le voir, mais son visage semblait changer, ses traits s'était durcit, ses cheveux blanchit et ses yeux étaient devenu plus brillant et hypnotisant. Elle avait presque l'impression de voir un autre homme, pourtant, elle l'aurait reconnu entre mille. Il tourna brièvement son regard doré vers elle avant de disparaître de nouveau dans la foule.
Il n'allait pas bien et, même si elle se demandait si elle n'était pas en réalité en train de rêver, il fallait absolument qu'elle le secours. Car en son âme et conscience, elle sentait qu'il était en détresse.
Quelle étrange situation !


"Ça alors, quel heureux hasard,
Alors que je me contentais de vagabonder,
Le destin m'a guidé droit à tes côtés.
Allons, ne fais pas cette tête et dis moi : pourquoi as-tu le cafard ?"


"Eph !" Lâcha-t-elle en reconnaissant le croque-mitaine balafré.

Faisant fi de ses rimes insensées, elle se précipita sur lui pour se réfugier dans ses bras, lui jetant un regard implorant. Il était un de ses meilleurs amis et le connaissait depuis sa plus tendre enfance, elle avait une confiance aveugle en lui. Lui, il pouvait l'aider dans sa quête.

"Aides moi, je t'en conjure,
j'ignore ce qui se passe autour de nous,
Et mais même si l'avouer est dur,
Un problème de taille se joue...
Aaah !"


Sans s'en rendre compte, elle venait de lui répondre en rime sur un ton légèrement chantant. La jeune femme fut dépitée et fronça les sourcils. Son ami posa une main réconfortante sur sa tête, geste qu'il avait conservé avec elle, depuis qu'elle était enfant. Elle prit une profonde inspiration et tenta de lui expliquer ce qu'elle venait de vivre. Si quelques rimes sortirent de nouveau, ses pensées étaient plus claires et ainsi, son compagnon pu saisir le problème en quelques phrasés.
Il se mit à cogiter en silence, semblant tiquer sur les paroles de l'homme, ainsi que sur son apparence. Se voulant malgré tout rassurant, il l'assura qu'il allait l'aider à le retrouver.


"Cependant nous ignorons par où commencer..."
"Je ressens l'irrésistible envie d'aller au musée."
"Au Louvre, c'est bien cela ?"
"Je sais qu'il y sera."

Comme une irrésistible envie, le binôme était envoûté par le grand bâtiment, les appelant à venir le rejoindre. Suivant ce chant de sirène, ils s'avancèrent dans sa direction en toute hâte.
Valentine se sentait effrayée par la folie ambiante, même si elle mourait d'envie en son for intérieur de les suivre dans leur danse endiablée.
Alors qu'ils approchaient, elle freina l'allure, ressentant une gêne. Ephraïm le remarqua et l'observa un instant.

"Où est passé ta vigueur d'autant ?
Moi, j'ai le souvenir d'une enfant,
Qui, par monts et par vaux,
Était capable d'être un vrai petit fléau.
Toi, que rien n'effrayait,
c'est à peine si je te reconnais..."


Hésitante, elle tourna la tête vers la vitre d'un petit bistrot qu'ils n'avaient encore dépassés et plongea son regard dans son reflet. Oui, elle avait tellement changée depuis son retour de Londres. L'Heure Pourpre jouant un rôle majeur également, elle avait perdu confiance en elle. Son travail, sa famille... S'était elle affaiblit ? Pourtant son séjour dans les mines semblaient l'avoir ragaillardit...
Sans s'en rendre compte, elle se mise à chanter en ne lâchant pas son double reflété, comme s'adressant à lui.


"Un soupir pour tout bagage
Une image en souvenir de toi
Moi je m'enfuis, j'abandonne
Mes rêves d'autrefois

Où que j'aille, des fous, des chimères
Où que j'aille, les ombres d'hier
Quand je vacille, quand j'ai trop mal
Je demande de l'aide à la fille du miroir

Elle dit
"C'est un grain de sable, une goutte de pluie
Comme une étincelle, un feu qui brûle à l'infini"
L'amour, c'est ça qu'elle dit
Ce petit détail qui manque dans nos vies
Un rayon de miel, un feu qui brûle à l'infini
Brûle à l'infini...

J'me raconte une vieille histoire
Où les lions sont rois
Et quand parfois ça tourne mal
Je demande de l'aide à la fille du miroir...


hrp:

Elle ferma les yeux un instant, puis se tourna vers son vieil ami, lui faisant un sourire navré. Il fronça les sourcils et la prit par le poignet, l'invitant à échanger quelques pas avec lui au rythme d'une mélopée douce et mélancolique qui se jouait non loin d'eux.

hrp:

Sans un mot, ils dansèrent, apaisant la jeune femme, sentant ses tourments se dissiper. Comme il était étrange qu'elle ne s'était jamais rendu compte qu'elle avait un poids pareil sur la conscience.
Levant les yeux vers son partenaire, elle se plongea dans un souvenir lointain où elle avait échangé ces mêmes pas avec lui.
Ce soir là, ils étaient au cabaret, toute jeune journaliste intrépide, elle célébrait fièrement son indépendance et sa liberté d'expression, malgré qu'elle n'était qu'une simple femme... Elle avait dansé, entourée par des Légendaires, elle, petite humaine sans défense. Mais à l'époque elle s'en moquait éperdument, ce soir là, elle savourait juste la vie avec l'une des personnes qu'elle aimait le plus.

Comment avait-elle pu changer à ce point ? Où était passée cette jeune aventurière qui n'avait jamais peur de courir dans les rues de Paris la nuit tombée ? Cette amoureuse de la vie qui était prête à enfiler une tenue de poulbot pour jouer les garçons manqués, au grand dam de sa mère ?
Celle qui passait son temps à rêver de devenir une héroïne de roman d'aventure, avait-elle disparu ? Un jour son père lui avait avoué qu'il souhaitait écrire un roman pour enfant sur les péripéties d'une jeune fille intrépide, et qui s'inspirerait d'elle. Méritait-elle encore d'être sa source d'inspiration ?


"J'aimerais retrouver la fille que j'étais avant..."
"Je sais qu'elle n'est pas loin"
"Je ne veux plus avoir peur du lendemain."
"Chasse ces doutes malveillants"

Une douce détermination brilla à nouveau dans ses yeux. Ephraïm s'en aperçu et s'en amusa. L'enfant sans peur qu'il avait connu semblait refaire surface. Lui, le méchant croque-mitaine, avait-il offert à quelqu'un la volonté de ne plus avoir peur ? Il se faisait vraiment vieux.
Lorsqu'ils cessèrent de valser, ils réalisèrent qu'ils s'étaient déplacés jusque devant la grande place. Le musée semblait les toiser de toute sa hauteur.
Cependant, cette fois-ci, Valentine le défia du regard et, échangeant un hochement de tête avec son compagnon, elle s'élança à l'intérieur à vive allure, sautant de marches en marches, esquivant avec agilité les danseurs envoûtés qui en venaient à s'écrouler sous leurs échanges effrénés.

Un homme tenta de s'interposer, de vouloir lui chanter une sérénade, soudain fou amoureux de la jeune femme qui ne l'avait encore jamais vu de sa vie. Hélas pour lui, il se retrouva face à un mur, insensible à son numéro de charme, elle le toisa et continua sa route. S'il voulu lui attraper le bras pour l'empêcher de partir, elle pu compter sur son ami pour l'intercepter, lui permettant de passer sans heurts. Il lui fit signe de continuer sans lui, bloquant l'idiot insistant.

Son instinct, lui dictait la direction à prendre, dans ce labyrinthe de galeries et bientôt, elle arriva dans une allée hébergeant de gigantesques tableaux. L'endroit était bondé, bloquant sa route pour de bon.
A moins que...
Prise d'une impulsion, un cri se fit en elle. Elle sauta alors sur un banc et se lança dans un chant puissant, surpassant les autres et tournant l'attention vers elle.


"Je suis une combattante, isolée.
Le Monde va m'écouter !
La Violence, Libère la !
Les ailes vont se déployer.

Je suis une combattante, isolée.
Le Monde va se lever et voir !"

Elle sauta parmi la horde de danseurs, les entraînant dans sa propre danse. Bientôt, les femmes prirent le dessus, le rejoignant pour l'accompagner en chœur dans le refrain.

"Oooohoo, je suis une guerrière !
Toujours coincée dans mon esprit.
J'ai été en danger trop longtemps,
Non, Non, Non !

Oooohoo, je suis une guerrière !
Toujours coincée dans mon esprit.
J'ai été en danger trop longtemps, non !"

Comme prises de folies guerrières, elles re poussèrent les hommes, comme pour les défier, s'imposer face à eux, ouvrant un peu plus la voie. Tout en continuant de chanter, Valentine en profita pour avancer, captivant la foule.

"Pas un minable, ou un faiseur d'argent,
Le Monde va s'éclairer en paix.
Pas dans l'ombre, un peu lumineux,
Ce n'est pas de ta faute, tu vas juste respirer !

Violence, Libère moi !
Mes ailes vont se déployer !
Je suis une guerrière,
Je vais me lever et devenir."

De nouveau, les femmes s'emballèrent et s'élancèrent dans des danses barbares, à la fois élégantes et sauvages. Le refrain résonna encore une fois à l'unisson. La route était presque entièrement traversée.

"Oooohoo, je suis une guerrière !
Toujours coincée dans mon esprit.
J'ai été en danger trop longtemps,
Non, Non, Non !"


hrp:

Il se répéta deux autres fois, ouvrant les derniers mètres à la rouquine, qui s'y engouffra en terminant en même temps son dernier couplet. Quand le silence retomba, beaucoup furent épuisés et ne réalisèrent pas que la chanteuse avait déjà disparu dans le couloir.


hrp:


Elle sut qu'elle était enfin arrivée à destination lorsqu'elle se retrouva dans une pièce plus petite et sombre, où personne n'avait eu l'idée d'y faire la fête. Seule une silhouette s'y était installée, observant en silence une œuvre, sans réellement la voir. Valentine s'approcha de de l'homme aux cheveux blancs et avec douceur, posa sa main sur son épaule. Il détourna son regard et le posa sur elle, dévoilant qu'en plus d'avoir gagné une teinte digne d'une pépite d'or, ses yeux semblaient briller. Si cela aurait dû l'effrayer de découvrir son oncle ainsi transformé, au contraire, elle fut fascinée, trouvant ses iris magnifiques.
Il sembla troublé, ne s'attendant pas à la voir apparaître.

"Ma fille, comment m'as-tu trouvé,
Je me pensais pourtant bien caché..."


"Si tu savais, je coure depuis tout à l'heure,
Je n'ai eu qu'à suivre ce que me disait mon cœur."


"J'ai accumulé tellement de secrets,
Je commence même à me demander,
qui je suis vraiment,
et si je ne deviens pas dément."


Il sembla faire à nouveau un mouvement de recul. Refusant cette fois-ci de le laisser partir, elle s'élança et le prit dans ses bras. Guillaume se tétanisa, prouvant bien qu'il n'était pas du tout dans son état normal. Il avait besoin, plus que jamais, qu'elle le réconforte, elle le savait.

"Je sais que tu ne me dis pas tout ce que tu voudrais,
Mais le temps accompli parfois bien des miracles.
Je suis prête à attendre et même à t'aider,
pour que tu puisses franchir tous les obstacles.
Et ce jour là, sois en sûr que je serais là pour t'écouter."


Pour toute réponse, il lui rendit son étreinte, ému. Elle était plus forte que jamais, il sentait qu'il pourrait peut-être enfin faire éclater quelques vérités.
Des pas les sortirent de leur rêverie. Ils s'éloignèrent l'un de l'autre et Valentine pu apercevoir son ami d'enfance débarquer, soulagé de la retrouver. Quand elle tourna de nouveau la tête vers Guillaume, il avait reprit son apparence normale, comme si jamais elle n'avait changée. Il semblait bien plus détendu.

Ephraïm n'eut le temps de leur parler, que le boulet amoureux réapparu derrière lui et, prit de rage folle, lui sauta à la gorge. Mais avant même que le croque-mitaine ou que l'oncle ne réagissent, la jeune femme s'empara d'une chaise, laissée là pour les gardiens du musée, et l'explosa sur le dos de l'inconnu qui s'écroula inconscient.


"Je ne me ferais plus marcher sur les pieds, il était temps que je me reprenne. Bon, et si on rentrait, c'est bien trop bruyant ici..."

Comme désenvoûtée, elle leur sourit et attrapa leur bras dans chaque main, les invitant à partir de là. Bien entourée, elle s'éloigna de l'endroit, ignorant l'assommé qui gémissait dans des notes mélodieusement démoniaque.


hrp:
Frédéric Lenoir
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Frédéric Lenoir

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[Évent] Le démon de la danse - 1891 Empty
MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeDim 3 Juil - 19:07

« Tous les matins ils achetait, son p'tit pain au chocolaaaat ya ya ya yay ! »

Fred contemple sa baguette, puis le type posé devant la boulangerie dont il vient de sortir, qui sérénade à tout va en lui jetant un regard complice.
« Euh... c'est midi, là... »
Le type continue : « La boulangère lui souriait, il ne la regardait pas, ya ya ya ya ! »
Fred jette un œil au boulanger, sa moustache en brosse à récurer et ses bras poilus. Le chanteur lui fait un clin d'oeil. En deux mois de liberté conditionnelle, personne ne lui a fait de clin d'oeil amène.  Il reste perplexe et planté là comme un piquet.
« Et pourtant ! Elle était belle, les clients, ne voyaient qu'elleuh... »
Fred s'éloigne. Se dit que ce joueur de rue-ci a un côté très dandy qui doit lui ramener pas mal d'audience, mais qu'il a une drôle de façon de comparer Marcel et ses croissants.

Comme il traverse la rue et prend à droite, un volet manque de lui éclater le pif en s'ouvrant devant lui.
« BONJOUR !
- Hé, faites gaffe, sérieux ! »
Autre volet qui claque deux étages plus haut au bâtiment d'en face.
« BONJOUR ! »
Les passants enchérissent « Bonjour ! Bonjour, bonjour ! ». Note de musique venue de nulle part, pour ponctuer. Fred hausse un sourcil, jette un regard en arrière pour voir si ça vient du dandy qui jouait plus tôt, contemple Marcel qui sort de sa boulangerie avec ses auréoles sous les bras et les baguettes par-dessous. Le mage manque de se faire bousculer par une demoiselle à tablier qui tient un bouquin contre son sein et qui commente d'une voix claire :
« Le boulanger porte son plateau bien garni, du bon vieux pain de son fourniiiiiiil. Depuis qu'on est arrivé, les gens me sont étrangers, dans ces rues qui pleurent d'ennui...».

Fred ajuste sa propre baguette sous son bras, zieute la famille de faune qui précède la donzelle, se dit qu'elle en a de bonnes, à trouver le Paris Post-catastrophe ennuyeux, allonge le pas. Quelque chose lui dit qu'il y a un truc louche dans l'air. Non seulement Marcel n'a pas de plateau, mais en plus tout le monde commence à faire les chœurs et ça ne lui plaît pas. Ce derniers temps il n'a vraiment, mais alors VRAIMENT pas envie de se retrouver au milieu d'un spectacle de rue impromptu quand tout son instinct lui dit que ça va mal tourner. Il quitte le quartier par une ruelle.

La rue suivante est calme, il s'essuie le front.
Puis il passe une boutique de chaussures et ça repart avec un jeune gars qui contemple, debout sur le trottoir, ses bottines neuves dans leur boite en déversant des couplets nostalgiques :
« C'était un cordonnier, un simple cordonnier... dans un village dont le nom m'a échappé. Il faisait des souliers, si jolis si légers... »
Fred passe le coin du bâtiment, frôle la fenêtre ouverte de l'atelier du bottier et l'entend donner la réplique : «Oui j'y ai mis du temps, du talent et du cœur ! »

Fred allonge le pas ; ne remarque pas qu'autour de lui la météo est passée du soleil éclatant à un ciel gris et morose ; qu'on aperçoit presque au-dessus de sa tête un nuage noir fort évocateur.

C'est louche.
C'est TELLEMENT louche.
Ça pue à dix kilomètres.

Il calcule mentalement le chemin le plus court et le moins fréquenté pour rentrer chez lui quand trois types à une terrasse de café se lèvent subitement et brandissent leurs journaux sous son nez.

«  Des sauvages ! Des sauvages !
- Hé ?
- Même pas des êtres humains ! 
- Des sauvages ! Des sauvages !
- Chassons ces païens !»

Fred ouvre la bouche, sent la colère qui monte en même temps que l'angoisse ; se perd entre l'envie de répliquer et celle de s'effacer. N'a pas le temps d'en placer une que trois légendaires se lèvent de la table d'à côté ,brandissant leur journal à eux sous le nez des trois Antis initiaux.
«  Puisqu'ils n'sont pas magiques,
Ils valent pas bien mieux qu'des tiques
Frappons les tambours de GUEEEEEEERRE ! »

Le ciel gronde, s'éteint de plus en plus. Fred recule d'un pas, effaré, observe comme en coulisse la scène qui se déroule devant lui ; la musique s'estompe comme atténuée par du coton. Tout s'éteint autour de lui, il reste seul, éclairé comme derrière un voile bleuté. Un air de flûte s'élève, discret ; accompagne les pensées du mage, qu'il chante sans s'en rendre compte, de sa voix grailleuse plus habituée aux chants paillards qu'aux épanchements lyriques.

« C'coup-ci v'la qu'ils veulent s'entretuer.
Qu'est-ce que j'voudrais pouvoir m'barrer.
Chopper mon frère, m'carapater
Pis tous les laisser s'démerder... 
»

Il recule encore, butte contre un mur, observant toujours en sourdine, les Pros et les Antis qui se disputent. D'autres s'ajoutent, Fred glisse au sol dans un soupir blasé.
Bizarrement, il sent qu'il a été avalé dans un sort trop grand pour lui, mais il est fatigué, trop fatigué pour chercher à comprendre. Il s'est habitué à cette sensation de voir les choses se dérouler malgré lui – depuis l'Heure Pourpre, que même en pensées il ne nomme pas, le traumatisme et les flash-back sont trop réels. Il s'est habitué à attendre que ça passe.

La flûte s'estompe ; il ignore que l'instrument plaintif accompagnant son silence désormais s'appelle un accordéon. Une silhouette s'assied à son côté tandis qu'en fond visuel, les Pros et les Antis se lancent leurs journaux dans une danse silencieuse. Puis ils se tournent tous vers lui pointent du doigt le mage harassé, muets. Une voix cependant s'élève des coulisses :

« T'sé bien qu'tout ça s'rait jamais arrivé sans toi ?
Qu'si t'avais réfléchi, t'en s'rais clair'ment pas là ? »

Le mage se tait. Que répondre à ça ? Il est si fatigué. Une silhouette s'avance, dont on ne devine pas encore les traits, mais dont la voix lui ressemble, le ton accusateur en plus.

« Tu penses toujours qu'à toi, et encor' ce coup-ci
T'en as fait qu'à ta tête sans même l'écouter lui.
 »
Fred sait qu'il parle de Morgan. Tout le monde connaît Morgan, maintenant. Fixant toujours droit devant lui, assis au sol, il marmonne en mineur :
« Ché ben, c'est pas comme si pendant tout leur procès,
On m'l'avait pas d'jà dit, et cent fois répété... 
»
L'autre reprend, plus dur, d'un ton accusateur ; le rythme s'accélère, des basses s'ajoutent en fond.
« Qu'est-ce qu'y dirait, ton père si y t'voyait comm' ça ?
Qu'est-ce qu'elle dirait, ta mère ? Comme elle pleurerait sur toi !
 »

Fred se lève d'un coup, s'écarte, regarde la silhouette à deux pas de lui dont le visage est caché dans les ombre d'un haut-de-forme, dressée devant lui.
«  Qu'est-ce tu connais mon père ? Qui t'es pour m'engueuler ?!
T'u connais rien d'ma mère, j't'interdis qu'la--

- Ah oué ? »

L'éclairage subit qui dévoile le visage de l'inconnu par en-dessous, d'un halo rouge, révèle un jumeau parfait, jusqu'aux iris. La surprise est totale, la musique s'emballe et s'arrête brusquement sur une seule note, grinçante, incessante, dont l'autre Fred se saisit pour asséner, sans pitié :
« Et toi, Noireaud, dis-moi, qui t'es en vérité ? »

Concentration des spots sur l'intéressé, muet. Apparaît devant lui, avec le retour du pipeau, son double de six ans, genoux croûtés, sourire heureux, qui court dans les fougères au-devant d'une silhouette reculée qu'invoquent les contrebasses, que la version actuelle de l'enfant n'a plus vu depuis douze ans, dont il a oublié jusqu'au visage.

« Oui, qui est-tu, Noireaud, toi qui étais heureux.
Toi dont on était fier, pour qui on craignait peu ? 
»
D'une voix qui s'arrache de la gorge qu'elle quitte, très bas, le mage proteste : « T'as pas l'droit... ».

Le gamin s'efface, fait place à sa version de neuf ans, chaussures neuves et vêtements taillés, couverts de boue et de brindilles qui, rythmé par une envolée de flûte à bec, s'enfuit dans un village et court se réfugier dans les bras d'une femme, maigre et pâle, donc les mains sont les plus douces de la terre et dont le parfum était le plus réconfortant au monde. Comme elle lève le regard vers le mage pétrifié qui les observe, elle pleure de ses beaux yeux bruns sous la complainte des violons, et il voudrait pleurer aussi, se ruer dans ses bras comme l'enfant qu'elle serre, mais la colère l'emporte tandis qu'on l'accuse encore.

«  Ah, qui es-tu, Noireaud, toi qui les troublait tant ?
Toi qui, déjà enfant, l'accablait de tourments.

- J't'interdis de toucher à ça.
C'était qu'un môme, il voulait pas...
 »

La mère s'efface et il tend le bras vers elle, puis se tient entre elle et l'ennemi, ce double qui l'accuse, tandis qu'elle recule et s'effondre dans son dos, sous les yeux de l'enfant, vieilli, mal sapé, qui ne réagit plus.  

« Toi qui, même à l'époque, n'était qu'un égoïste
Toi qui jusqu'à la mort, lui a tracé la piste.

- FERME-LA ! »

La lumière s'efface de la mère qui disparaît dans les ombres, seul reste le gamin de onze ans, et le choeur des Antis et des Pros apparaît à nouveau, chantant en rond autour de lui, avec inexplicablement, en leur centre, deux adultes ressemblant bien trop à l'Oncle et à la Tante :
«  La mauvaise graine, la mauvaise graine
Il n'aspirera qu'à la haine
Le mauvais môme, le mauvais môme
Détruis le monde, devenu homme »

Le Freddy de onze ans qui se tient accablé, accusé par les ennemis de l'époque, est seul et délaissé, colère, poings serrés. Éclairé de rouge et de noir, il a tout d'un beau diable prêt à les écorcher.


Le Frédéric actuel se rue vers son double, le pousse derrière lui. Se place entre l'enfant, le choeur, et ce jumeau sombre qui les accuse,

« Mais foutez-lui la paix ! Il a rien demandé
Il a fait c'qu'y pouvait, y pouvait pas d'viner ! 
»

Le jumeau accusateur s'en va d'un rire musical, comme une trompette et des clochettes ricanantes

« Ah, là tu le défends, tu le sauves, tu cries
Contre tous les méchants, mais... que dis-tu de lui ?
 »

La Tour Eiffel s'allume au bout de la rue, tordue ; on y devine l'ombre d'un oiseau. La pointe St Michel, au loin, s'éclaire de flammes rouges et en son centre, un adolescent sur une estrade brandit un parchemin. On dirait un tableau figé en bout de rue, en bout de scène, éclairé d'un spot blanc éblouissant.

Freddy se fige. Le petit de onze ans toujours protégé derrière lui s'agrippe à son bras. Le choeur accusateur qui les entoure part en barytons montant vers les aigus, doigts pointés vers les deux. Le Double Sombre, lui, fait un geste englobant Paris, la Tour Eiffel et ce tableau de feu qui rappelle l'Heure Pourpre.

« Des milliers de victimes, des centaines de morts
On l'a jugé victime, mais que vaut-il encore ?
Ne serait-il pas mieux tout au fond de la seine ?
Peut-il se racheter, hein ? En vaut-il la peine ? 
Voilà ce que tu penses, quand tu te regardes
Voilà ce que tu veux, quand tu baisses ta garde.
»

En fond sonore, reprend de façon incongrue le refrain de tantôt, murmuré par le choeur des Pros et des antis.
« Un sauvage, un sauvage ; même pas un être humain
Un sauvage un sauvage ; un tueur sans cœur... »

Coup de tonnerre. Fred se rebiffe. « NON ! »

Silence.

Tout se calme.

Il ne sait pas comment et il s'en fiche, mais le décor change. La rue s'efface, le chœur accusateur s'efface, Paris s'efface. Seul reste ce tableau de l'heure pourpre, accroché à un mur, attaché à une salle, posée sur un parquet tout propre... Et les quatre Frédéric : le petit de neuf ans couché au sol dans un coin, qu'on avait oublié. Le gamin de onze ans accroché à l'aîné, le vrai, qui fusille du regard celui qui lui fait face, dressé, mauvais, qui l'accuse depuis le début.

C'est d'une voix calme, presque mélodieuse, qu'il finit par lui répondre.
« T'sais autant que moi c'qui s'est vraiment passé.
T'sais autant que moi c'qu'on voulait pas causer.
T'sais autant que moi, que les p'tiots qui sont là,
T'sais autant que moi qu'on a fait c'qu'on pouvait.
 
- Ouais, j'le sais. Et qu'est-ce ça change, hein ?
Qu't'ai fait l'mal en voulant du bien ?
Qu'est-ce tu vas foutre, maint'nan, de des dix doigts ?
Toi qui pètes toujours tout même quand tu l'veux pas ?
Toi qu'en veut à tout l'monde, à qui tout l'monde en veut ? 
Tu t'en voulais déjà même quand t'étais morveux.
»

Fred prend son temps pour répondre. Zieute le gamin scotché à lui. Prends dans ses bras le plus petit et, ainsi chargé de ceux qu'il était autrefois, blessés, esseulés, auxquels il ne pensait pas, il se sent aussi lourd que le monde, mais plus léger qu'avant et, d'une voix certaine mais des larmes plein les yeux :
« J'vais m'retrousser les manches un bon coup, pour nous deux.
T'es trop dur avec moi, avec lui, les gamins,
Tu juges tout le monde, mais quand y s'agit d'toi
C'est comme si pardonner, tu savais pas faire ça. 

- Faudrait que je pardonne d'avoir causé la perte ?
- Non. Y faut qu'on apprenne, et pis faut qu'on accepte
qu'on était des gamins. Qu'on peut pas tout sauver...

- Et puis que ferons-nous, une fois pardonnés ? »
Fred tend vers son double le petit de neuf ans qu'il porte dans les bras. L'autre le prend d'un air idiot. Le petit de onze lui prend la main. Le Fred d'aujourd'hui sourit d'un air fatigué, mais serein.
« On va faire c'qui faut. On va nettoyer. »

----------------------

La salle de l'Hommage, qui renferme le tableau de l'Heure Pourpre peinte si récemment, est silencieuse tandis que Fred, seul, fait face au tableau dont il n'a vu qu'une gravure, dans un journal, et qu'il ne voulait pas voir en vrai. L'aile détruite du Louvre, toujours en reconstruction, n'est qu'à deux pas ; on entend les travailleurs chanteur leur labeur par la fenêtre.

Un grand bruit secoue la salle, puis la porte s'ouvre subitement sur un ouvrier couvert de poussière.
«  Au s'cours, le mur va s'effondrer, tout va s'déglinguer ! »
Fred sourit pour lui-même, d'un sourire triste. Voilà où commencer.

Et il sort en courant, à la suite de l'ouvrier, vers cette aile détruite par sa faute, afin d'aider à la remettre sur pieds, si on veut bien de lui.


Dernière édition par Frédéric Lenoir le Mer 6 Juil - 21:36, édité 1 fois
June Ravenclose
Le chant du cygne
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MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeLun 4 Juil - 5:35

Ambiance : https://youtu.be/HMGetv40FkI

Rencontrer Madame Garay …

June plia et replia la lettre entre ses mains. Il s’agissait d’une charmante attention, une invitation touchante, vraiment. Pourtant, elle ne pouvait pas s’empêcher de ressentir une boule de nervosité dans son ventre.

« Et si elle n’aime pas ce qu’elle découvre ?
Allons plutôt au Louvres… »


D’habitude, chantonner était le meilleur moyen pour la cantatrice de se décharger de ses émotions, mais … Pas pour cette fois. June avait tendance à ressasser ses pensées lorsqu’elle restait seule, et elle ne pouvait évidemment pas en parler avec le principal concerné. Il la rassurerait sans comprendre le cœur du problème. Elle espérait pouvoir chasser ses angoisses en déambulant dans ces rues qu’elle connaissait si bien, sinon en observant les objets inusités que recèleraient les galeries.

Cependant, en gravissant les marches du célèbre musée, c’était une descente aux enfers qui s’entamait. Sans le savoir, la cantatrice venait s’ouvrir la porte sur le territoire d’un ennemi redoutable. Les ténèbres l’engloutirent lorsque la porte claque derrière elle, une brise de vent soudaine emportant le châle qui lui protégeait jusque là le visage.

« Voici que s’avance … L’ange du Lost contre le démon de la danse. »

Ce murmure soufflé à son oreille fut bien vite balayé en même temps que les bougies qui illuminaient le Louvres. N’avaient-ils pas installé l’électricité ? Une brume s’installe dans la pièce, les murs semblent presque disparaître. Bon sang, elle savait reconnaître une magie à l’œuvre mais qu’est-ce qu’on lui veut encore ?

« June … Ma chérie … »

Un appel qui la fige sur place. Cette voix. Depuis combien d’années ne l’a-t-elle pas entendu ? Plus important, ces mots précis n’étaient qu’un mirage. Ce qu’elle désirait entendre. La petite main parfaitement manucurée de la blonde se resserre autour du pendentif où reposait son portrait craché, avec quelques années de plus, le visage aiguisé par les années et sévère. Pourtant, il se trouve devant elle en ce moment. Pourquoi maintenant ? Elle a appelé pendant des lunes et des lunes, rongée par le désespoir et l’hystérie, sans obtenir aucune réponse en sa qualité de médium.

« Tu m’as menti. »

Il y avait tant de choses à dire, tant de choses à demander. Et pourtant. C’est sur cela que June bloque, encore, toujours. Ils ne l’ont pas aimée. Ils ne l’ont jamais aimée. Adam était leur fierté, elle … Ils auraient préféré qu’elle ne voit jamais le jour, depuis qu’elle avait commencé à voir ces fantômes. Ironique dans ce cas que cela leur permette aujourd’hui de se retrouver n’est-ce pas.

« C’était pour te protéger. »

Le rire s’élève dans sa gorge de rossignol. Ses notes sont si amères. La sentence tombe. Au moins, on ne lui fait pas l’affront de nier ce qu’elles savent toutes les deux. Madame Ravenclose croit-elle avoir devant elle l’enfant chétive et obéissante d’autrefois ? Elle n’existe plus depuis longtemps. Elle a été détruite, réduit à néant, morte en même temps qu’eux tous.

« Tu mens encore. »

Le visage de grande dame se déforme de tristesse et d’agonie. June tente un pas en arrière mais elle ne peut échapper aux mains glacées qui tombent sur ses épaules. Cette étreinte lui donne la nausée alors qu’elle croyait que c’était ce qu’elle désirait plus que tout au monde.

« Tu as eu la vie dont tu as toujours rêvé ! »

Assez. C’en est trop. La gifle part d’elle-même. La jeune femme est choquée, autant par son propre geste que par la tangibilité de ce vieux démon. Mais elle ne s’excusera pas. Aujourd’hui, June pouvait s’estimer être heureuse, malgré sa malédiction, car elle n’avait plus à craindre de se cacher, quoique puissent penser les autres de ses dons. Mais ce n’était certainement pas grâce à ses parents. Qui aurait rêvé d’une vie pareille ?! La peur avait été sa seule amie, toutes ces années. Et ce n’est qu’en prenant le visage d’une étoile montante du cabaret qu’elle avait pu expulser son chagrin dans ses chants lyriques, abandonnant son ancienne peau dans un combat éternel de titans.

« Je n’étais pas folle. Tout cela … Je n’ai rien demandé. »

Sa voix semble minuscule dans le silence. Une nuée de rires caquetants la recouvre bien vite. L’incendie rejoue alors devant ses yeux. Les accusations fusent de toutes parts. Vient-on enfin la porter au bûcher ?

« Le meurtre, le meurtre
Ils se font tous tuer
Le meurtre, le meurtre,
On ne le saurait le pardonner
Le meurtre, le meurtre,
Comme un grand cri
Le meurtre, le meurtre,
Au beau milieu de la nuit ! »

Non ! Ce n’était pas de sa faute ! Pourquoi n’arrive-t-elle pas vraiment à y croire, peu importe le nombre de fois qu’elle se répète cette litanie ? Cette fois, il n’y aura pas de loup blanc pour la réconforter et lui montrer la voie. Elle s’effondre et se recroqueville au sol.

« Seule dans la nuit avec la lune pour seule compagnie
Ces voix murmurent l’air d’une tragédie …
Encore et encore la même histoire
Que vais-je trouver devant le miroir ? »


Une piqure sur sa peau lui fait rouvrir les paupières. On la force à relever la tête et à rejoindre les silhouettes parmi les ombres, parmi la brume. Ces fils la retiennent prisonnière comme des chaînes. Elle n’est qu’un pantin entre leur main. L’artisan du chaos. Si elle tend la main, peut-être qu’ils l’emporteront. C’est la seule façon de s’assurer qu’il n’y aura plus jamais de souffrance. Elle fait un pas en avant.

« Es-tu fière de moi ? »

La question fend l’air et la liberté d’une de ses chaînes. Une enfant illégitime telle qu’elle-même n’a peut-être pas droit au bonheur, tout simplement, encore moins en ignorant si c’était le fruit d’une union consentante. Elle n’a pas lu les lettres. Elle n’en a pas eu le courage. Et d’après les dires d’Alexander, il était préférable de ne pas chercher à rencontrer son père biologique. Cela ne lui apporterait rien, sinon une dette d’argent.

La réponse ne vient pas. June fait un autre pas en avant. Elle ne comprend pas exactement d’où proviennent les larmes sur son visage, ni la douleur en son cœur. Pas avant qu’une nouvelle étreinte ne lui soit offerte, accueillie cette fois.

Le carrousel ne cesse jamais de tourner. Ainsi va la vie. Au fond, elle n’a pas besoin d’une approbation. Elle avait juste besoin de se pardonner à elle-même. Et de savoir qu’elle a fait de son mieux. Les cartes qu’on lui a donné ne lui ont pas rendu la tâche facile, tout simplement.

« Retournez d’où vous venez.
Je n’aurai jamais fini de danser. »


Il ne pouvait y avoir qu’un seul maître de la scène. Rey n’avait qu’à bien se tenir, car il lui reste encore quelques lumières dans la nuit.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeMar 5 Juil - 0:20

*Quelques instants avant que le sort de danse de Rey n’ébranle la capitale*

Franchement, tu devrais te faire rembourser Sabrina, c’est évident que ce… Aldrick agita les bras en désignant l’objet que tenait sa sœur, ressemblant à des baguettes de sourcier miniatures. …Truc ... ne fonctionne pas !
Arrête de râler ! Je te dis que ça détecte la magie !
Après une heure à tourner dans tout Paris, permets-moi d’en douter.
Elle a raison, le vendeur nous a fait une d-

Eléna n’acheva pas, le coup de coude qui venait de lui atterrir dans les côtes lui coupa purement et simplement le souffle. Le commissaire ne fut pas dupe. Il arqua un sourcil, alors qu’ils entraient par la porte la plus éloignée, dans le jardin du Louvre. Le brun posa une main sur sa hanche.

Où est-ce que vous avez trouvé ça déjà ?

Sabrina lança un regard noir à son aînée, mais la concernée feinta un attrait soudain pour l’une des nombreuses reproductions de tableaux qui jalonnaient les jardins. Les attirant bien plus en avant dans le parc, elle fronça les sourcils devant l’un d’eux. Ce dernier détaillait un abîme aux teintes sombres, parsemé d’humains et de démons malfaisants, qui dénotait avec la verdure rassurante des environs.

“La divine comédie” par Dante Botticelli ? Hum. Ce n’est pas très joyeux.

Un silence bref s’immisça dans le groupe avant qu’elle ne poursuive, perplexe :

Euh… C’est moi où… Ça a bougé ?
C’est vraiment nul comme diversion, tu sais. Argua Aldrick en sortant de sa poche une cigarette machinalement.
Non, vraiment, regardez !

Pointant l'œuvre du doigt, la brunette insista, en les poussant devant la toile. Obligeant ainsi Aldrick à ranger son bâton de tabac et à lutter contre l’envie dévorante de l'allumer. Intrigués, tous suivirent des yeux les personnages. Mais avant qu’ils aient pu tout examiner correctement, Sabrina frissonna, alors que ses baguettes désignaient deux démons à l’opposé de la toile qui s’articulaient lentement, avec l’envie manifeste de s’échapper. Tétanisée, elle abandonna d’une voix blanche :

C’est… Impossible !

L’incompréhension mangea le visage du trio, mais l’artefact de Sabrina s’agita soudain, désignant le Louvre. Alors, une vague de musique et de chants sembla faire trembler tout le bâtiment avant de se répandre comme un séisme dans les alentours. Une onde de choc déploya magie et danse d’un coup ! Ce, pile quand résonna derrière eux la voix familière de leur mère, ponctuée d’une note grave de piano. Appuyée, profonde, éclatante. Tel un appel, un cri d’espoir. Rapidement rejointe par une autre à peine un ton plus bas, puis le son vibrant d’un violon, dans la même tonalité, comme un écho, une main tendue. La sienne.

Hey, mes louloups ! Par ici !

Sans remarquer les passants qui exécutaient de merveilleux pas sautés en fond, ils se retournèrent, troublés. Le surnom perturba violemment la fratrie, qui jamais encore n’avait eu droit à pareille appellation. Une part d’eux s’en réjouissant et l’autre ne sut qu’en penser. Eléna fut la première à s’élancer vers elle, récupérant sa main. Sabrina en revanche agrippa la main du brun avec force, tremblante, ne parvenant pas à fixer son regard. Ses iris émeraude passaient sans cesse de la matriarche au tableau dans de confus va-et-vient. Comme possédée, elle s’en rapprocha au point de l’effleurer… Une note grave de piano acheva l’ouverture du bal endiablé de la danse et de la musique ! Ainsi, Elise et Eléna disparurent de leurs champs de vision, sans que cela ne les inquiète outre mesure. Plus surprenant encore : de la peinture oppressante, une mélopée rythmée, presque jazzy, s’éleva. Des notes électriques d’un futuriste synthétiseur s’élevèrent, rapidement contrebalancées par celles de trompettes caverneuses, les tonalités furent propulsées vers eux par un enchaînement grandiose de batterie et de cymbales. Une dizaine de passants se regroupèrent à leurs côtés. Les femmes subitement vêtues de robes blanches légères, toutes coiffées d’un élégant chapeau aux larges plumes immaculées, firent entendre leurs voix groovy en attirant Sabrina vers elles. À l’opposé, les hommes entrainèrent Aldrick près d’eux. Tous vêtus d’un costume noir trois pièces, de gants blancs au maintien impeccable, d’un chapeau sombre et d’une canne noire au pommeau clair, se mirent à claquer des doigts. En un rythme régulier, de plus en plus saccadé, ils se penchaient régulièrement d'avant en arrière. Leurs voix de ténor répondant à celles des femmes. Face-à-face, les deux groupes se jaugèrent quelques secondes, avant que les dames ouvrent le bal dans un concerto millimétré, projetant Sabrina sur le devant de la scène improvisée. Dès les premières paroles, tout se matérialisa ! Tout se métamorphosa ! Aussi simplement et naturellement que s’il avait suffi d’y penser ou de le dire. Ce, tandis que la blonde, subitement improvisée chanteuse divine, mimait la chanson qui lui venait, tout en donnant la réplique aux présentes, d’une voix aussi enchanteresse que ponctuée de craintes :



C’est l’heure des montres
Oh oui, c’est parti !
C’est l’heure des monstres
Ils sont tous de sortie !

Près de la belle, apparurent une nouvelle vague d’élégants garçons, pourvus de masques  grotesques, singeant une armada de monstres en tous genres, dont certains largement inspirés de la toile de Botticelli. Ils s’agglutinèrent à ses côtés, passant langoureusement leurs bras sur ses épaules et ses mollets, la soulevant même, avant d’avancer de plusieurs pas et de la reposer, dans une chorégraphie aussi sensuelle que troublante.

C’est l’heure des monstres
Les grands comme les petits
C’est l’heure des monstres
Qui poussent de grands cris !

C’est l’heure des monstres
Tapis dans la nuit
C’est l’heure des monstres
Tous me terrifient !

C’est l’heure des monstres
Comment rester en vie ?
C’est l’heure des monstres
Des ténèbres, ils nous épient !

Puissante note de cymbale, accélération de la batterie et de la guitare toutes deux muées par une improvisation transcendante qui scinda le rythme initial : Aldrick entra en scène.
D’un pas glissé maîtrisé, il vint se pencher sur sa sœur, tout en continuant à claquer des doigts. En rythme, dans un beau pas de trois, il ôta son haut-de-forme qui glissa sur son avant-bras, le récupéra du bout des doigts et le réajusta sur sa tête, tout en observant très lentement le paysage d’un bout à l’autre de la scène, alors que les “monstres” se cachaient dans son dos. Sa voix profonde s’éleva son tour, tandis qu’il s’appuyait des deux mains sur sa canne noire, battant la rythmique de son pied droit :

C’est l’heure des monstres
Mais qu’est-ce que tu dis ?
C’est l’heure des monstres
Je ne vois pas d’ennemi…

Les filles et la musique reprirent de plus belle sur le tempo original, alors que derrière le commissaire, la foule s’animait, gesticulait, se moquait, attirait Sabrina à elle, tout en prenant bien garde de ne pas croiser son regard doré.

C’est l’heure des monstres
Ils sont sous mon lit !
C’est l’heure des monstres
Avec eux pas de répit !

C’est l’heure des monstres
Ils me mangeront sans soucis !
C’est l’heure des monstres
Je ne veux pas finir en charpie !

C’est l’heure des monstres
J’en dors plus la nuit !
C’est l’heure des monstres
L’horreur se poursuit !

La répétition du même enchaînement musical de cymbales, guitare et batterie, figea les monstres alors qu’enfin, Aldrick les découvrait. Ils se scindèrent en deux groupes, l’un entoura Sabrina de sorte qu’elle ne puisse plus le voir. La canne fit un tour complet entre les doigts de l’agent ; il se rapprocha d’elle avec souplesse. Posant sa main sur son épaule, il fut obligé de reculer, défait par ses adversaires, mais tel un escrimeur, il éloigna une partie des présents en tendant sa canne entre eux, avant de frayer un chemin et de lui tendre sa main de libre.

C’est l’heure des monstres
Tu dérailles, c’est de la folie !
C’est l’heure des monstres
Qui te dit que, certains, ne sont pas gentils ?

La gamme entière défila sous les touches d’un piano. Le dernier groupe se défit de son masque pour le jeter au sol, dévoilant un faciès sympathique, avant d’être subitement vêtus de blanc à leur tour. Enfin ils rejoignirent les choristes, suite à un claquement de doigts prononcé du loup. La belle ouvrit la bouche, mais un démon sensuel lui masqua les yeux, l'entraînant hors d’atteinte dans un grand mouvement de cape rouge. Lorsqu’elle réapparut, en hauteur, affolée et poursuivit par de nouveaux êtres malfaisants, les dames avaient repris leur hymne, le démon disparu dans la foule de ses semblables. Seule Sabrina chantait encore, en essayant de rejoindre son frère, le cœur alarmé :

C’est l'heure des monstres
Je ne veux pas d’ennuis !
C’est l’heure des monstres
Ils appellent leurs amis !

C’est l’heure des monstres
Ils m’encerclent sans un bruit
C’est l’heure des monstres
Le glas sonne à minuit !

C’est l'heure des monstres
Pas de sortie, ni d’issue ici !
C’est l’heure des monstres
Cette fois, tout est fini !

La blonde chuta au sol, ils l’encerclèrent au point de masquer chaque parcelle de son champ de vision, mais trois coups de cymbale tonnèrent quand les nouveaux gentils chassèrent les monstres. Aldrick se précipita pour l’aider à se relever.

C’est l’heure des monstres
Sabrina, détends-toi, tu es abasourdie
C’est l’heure des monstres
Aucun d’eux, n’en veut à ta vie !

Ça c'est toi qui le dis !

Ultime cymbale qui sonna le glas de la chanson. Dans son dos, ricana le démon kidnappeur, disparaissant dans un ultime mouvement de cape après avoir sommé Sabrina de se taire en posant un doigt sur ses propres lèvres. Elle le pointa du doigt, mais lorsqu’Aldrick se retourna, il ne contempla que le vide. Ultime claquement de doigts du brun, rehaussé par un triple accord au piano et tous deux se retrouvèrent face à face, seuls et essoufflés, dans le parc. Le brun replaça derrière son oreille de nacre, une mèche blonde qui n’avait pourtant pas bougé, l’interrogeant du regard sur son état. D’un revers de la main, elle le repoussa, s’éloigna et questionna avec hargne, au bord de la crise de nerfs :

Pourquoi tu les défends ? N’est-ce pas à cause d’eux que tout Paris est sans dessus-dessous ?
C’est vrai, mais… Il se redressa, passa une main dans ses cheveux pour masquer son trouble d’avoir été ainsi rejeté et regroupa son courage avant de poursuivre. Il y a quelques mois, on ne savait même pas qu’ils existaient et rien d’horrible ne se passait.
Qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’as pas vu assez de crimes, commissaire ? Qu’est-ce qui prouve que ce n’était pas de leur fait ?

Le titre lui fit mal. Dans sa bouche, il sonnait comme une injure, une dépréciation punitive. Ravalant sa fierté malmenée, Aldrick haussa les épaules, ajoutant avec moins de sang-froid qu’il l’aurait souhaité.

Rien ne prouve l’inverse non plus !
Peut-être que vous n’avez pas cherché au bon endroit alors ?
Faut-il à ce point qu’ils soient coupables parce qu’ils sont différents ?
Ils ne sont pas Humains !
Et… ? Crois-tu que les hommes n’aient commis aucun crime ?
Pas celui de mentir au monde entier !

Un silence se coucha entre eux.
Le regard d’ordinaire si tendre d’Aldrick à son égard se voila de colère sourde, impétueuse et triste.

Ça ne t’es jamais venu à l’idée que ce soit pour protéger les leurs ?
Même si c’était le cas, comment leur faire confiance maintenant ?!

La belle tremblait, submergée par une avalanche de sentiments paradoxaux, pourtant plantée face à lui, elle le défiait clairement du regard.

Ils te font peur à ce point ?
Bien sûr ! Imagine que demain un de nos proches soit Légendaire ! La personne que tu croyais connaître t'aurait menti sans vergogne toute ta vie ! Alors que toi, de ton côté, tu as tout fait pour être le plus honnête possible avec elle, pour être digne de confiance, tu t’es torturé avec des remords et en face… Du vent et des mensonges !
C’est impossible de jouer constamment la comédie ainsi, aussi bon acteur qu’elle puisse être, cette personne a forcément partagé des émotions fortes et sincères avec ses proches, à mon avis.
Le résultat est le même : elle a menti.
C’est vrai, mais c’est bien réducteur de tout résumer à ça, tu ne crois pas ? Nul ne peut se vanter d’être irréprochable. Ses raiso-
En quoi est-ce que ça lui donne le droit de jouer avec les sentiments des autres ? Coupa-t-elle sèchement en se rapprochant.
Sabrina…
Comment être sûre qu’elle ne ment plus ensuite ?
Tu ne peux pas.

En deux enjambées, il l’avait étreint par les épaules et attiré contre son cœur, elle voulut se défaire de son étau, le frappant de ses poings avec force, les larmes au bord des yeux, elle reprit de plus belle.

Comment lui faire confiance alors ?
Ça, c’est à toi de le décider.

La demoiselle laissa éclater des larmes de rage, tout en s'agrippant à sa chemise.

Pour être à nouveau la pire des idiotes ? Merci bien !
Il n’y a rien d’idiot dans le fait d’être clément, encore moins dans celui d’aimer quelqu’un malgré tous ses défauts.

Le cœur d'Aldrick pulsait dans sa poitrine. Vingt fois, il voulut lui demander si elle pensait à quelqu’un en particulier, vingt fois, il se ravisa de crainte d’entendre une réponse qui l’éloignerait définitivement d’elle ou de sa nouvelle famille. Les sanglots et les hoquets de la blonde se poursuivirent encore longtemps entre ses bras, parfois ponctués d’un murmure qui lui lacérait l’âme lorsque sa voix cristalline abandonnait quelques brides de phrases.

Je voulais juste… Être là… Qu’on puisse tout traverser… Ensemble…N’étais-je pas digne de confiance… ?

Le palpitant chargé de remords face à tant de bonté, le loup ne put que baisser les yeux.
Silencieusement, un invisible abîme se creusa entre eux. Bien qu’il put sentir son souffle dans son cou, que la chaleur de son corps frêle marquait sa chair lorsqu’il la souleva aisément, alors même que le tremblement de la belle s’estompait grâce à lui, jamais il ne se sentit plus éloigné de sa sœur qu’en cet instant. Les mots lui manquaient et il doutait de ne jamais en avoir d’adaptés, il tenta tout de même :

Je suis sûr que ce n’était pas le cas. Probablement que cette personne le regrette et que si ça n’avait dépendu que d’elle…

Il n’acheva pas. Un doute meurtrier venait de se cristalliser dans son esprit.

* Est-ce que c’est vraiment le cas ? S’il n’avait pas fallu les protéger, est-ce que j’aurai vraiment réussi à en parler librement à tous mes proches ? *

Sabrina ! Aldrick !

Elise et Eléna couraient vers eux. Dès qu’elle en eut l’occasion, Sabrina s’essuya les yeux et vint se jeter au cou de sa sœur. La brunette lui lança un regard interrogateur, mais Sabrina  fut plus rapide :

Tous ces êtres de légendes m'effraient ! Cracha-t-elle.

Aldrick se redressa, échangeant un regard avec la matriarche, derrière eux, résonna la mélopée vibrante d’une flûte traversière, légère et souple. Mais aussi un nouveau groupe de passants qui se rapprochait. Les adultes se prirent la main, mués par un même élan dansant, un couple d’amoureux les accompagnant, tout comme le son du piano, entre les allées du jardin verdoyant. À chacun de leurs pas, une note grave s’élevait et quand dans l’allée opposée, deux autres duos de passants effectuèrent à leur tour en symétrie un pas de quatre, des notes un ton en dessous leur répondirent. En deux enjambées fluides, Aldrick avait rejoint Elise, passé une main ferme dans son dos, resserrée l’autre dans la sienne, pour guider la danse. Avec une douceur que jamais on n’aurait attribuée à aucun d’eux, ils reculèrent dans un pas de deux parfait, avec une synchronicité parfaite, résultat d’années d’efforts cumulés. Autant que d’une opinion commune partagée.

C’est parce que tu les méconnais.

Un chœur de violons clairs, hâtifs, saccadés guidant leurs pas, ils virevoltèrent dans l’allée, chaque pirouette ponctuée d’une note claire, joyeuse, illuminait leurs pas. Rapprochant également, sans qu’ils ne s’en rendent compte une dizaine de passants, des hommes majoritairement, tout en muscles, tout de blancs vêtus, en pantalon et top, comme chacun des présents, filles comprises.

Ce n’est pas grave d’être différent, tout ce qui compte, c’est d’être tolérant.
Plus facile à dire qu’à faire !
On vous protégera des mécréants.
Ne nous traitez pas comme de pauvres hères !

Révolte des benjamines, qui main dans la main, se mirent à virevolter, la peur laissant place à la colère.

On n’est plus des enfants !
On est grandes maintenant !

Haussement commun des adultes, qui hérissa le poil des plus jeunes. Frustrées, en pas sauté arrière, elles furent sur l’un des bancs en clamant :

On va vous le prouver !
Vous n’aurez qu’à regarder !

Alors débuta un enchainement impeccable des Vivaldi visant à éloigner les nouveaux venus. Mais loin de l’effet escompté, ils se ruèrent contre elles. D’un pas sauté avant combatif, elles les forcèrent à reculer, avant que la moitié du groupe ne les encercle. La danse recommença !

L’autre groupe força les lycanthropes à s’éloigner progressivement, l’air de rien, des plus jeunes. Nouvel accord au piano, de deux notes graves percèrent, se contrebalançant, se répondant, se complétant, fendant la foule. Comme eux deux. Chose rare, Elise souriait. Elle souriait comme avant. Comme lorsqu’elle dansait avec Yvan, son mari. Aldrick en fut bouleversé. Ses doigts se crispèrent sur les siens, une fraction de seconde, dans ses iris d’or une lueur naquit, de même qu’une joie immense qui gonfla son cœur. La seconde suivante, ponctuée d’une tonalité claire, la belle s’était instinctivement cambrée avec une grâce animale, le buste en arrière, un souffle chaud mais sensuel s’échappant de ses lèvres. Sans rien remarquer, elle avait agrippé son épaule pour se redresser en un bond puissant. Un enchaînement de tons plus hauts les gagna, il la hissa sans mal sur un banc où la blonde s’avança, récupérant sa main, tournant dans un sourire à tomber dans un sens, puis dans l’autre. La pulsation de tambour unique dévoila son visage de porcelaine penché sur lui. Elle effleura ses mèches brunes d’un rire cristallin qu’il avait oublié et qui lui réchauffa le cœur. Ses mains sur ses épaules, elle sauta pour atterrir dans ses bras, puis de nouveau sur le sol. Il la fit tournoyer avant de s’éloigner en reculant, main et jambe tendues, reflet parfait de la posture de sa cavalière. Mais l’impulsion était trop forte. Ils se séparèrent, et par la m^me occasion retomba leur allégresse commune. Le souffle court, le cœur alarmé, Aldrick recula d’un pas. Les benjamines étaient loin. Tout s’assombrit, ils étaient cernés, le décor avait mué pour une arène terreuse, Elise tiqua.

Pourquoi t'éloignes-tu ?
Je n’en peux plus…
De danser ?
De ce fossé.
De quoi parles-tu ?
De nous, de tout ce que nous avons tu.

Un pas vers lui. Claquement de fouet. Il recula. Son sourd d’une vague brisée sur le rivage.

Combien de temps encore devra-t-on mentir ? N’en avez-vous pas assez ?
Je ne saurai le dire, peut-être quelques années ?
C’est insensé ! Je ne tiendrai jamais !
Tu ne le sauras pas tant que tu n’auras pas essayé.
C’est de la folie ! Je vous en prie ! Renonçons à tout ça…
Qu’essaies-tu de me dire ? Je ne comprends pas.
N’avez vous pas foi en eux ? Croyez-vous qu’ils vous détesterez ?
Je doute que ce soit mieux. Je préfère ne pas l’imaginer…

Elle frissonna d’effroi, les bras resserrés sur sa poitrine, détournant le regard, tandis que les combattants bombaient le torse autour d’eux. Une note triste de saxophone gonfla, cisaillée par l’écho d’un djembé. En un pas chassé, il fut à ses côtés, éloignant un des danseurs assaillants, avant de poser ses larges mains sur ses épaules. Le saxo mourut. La musique se tut.

Je vous en conjure, vous devez m’écouter, tout cela a trop duré. Renonçons au passé, cessons de vouloir nous venger et p-
ASSEZ !

Elle le repoussa dans un tonnerre de timbales. Des éclairs naquirent dans ses yeux bleus, alors qu’un tam-tam régulier et de plus en plus rapide, ponctué de notes de guitare électrique aussi stridentes que désagréables, s’infiltrèrent dans l’air.

Musique pour la suite:

Tu as promis de le tuer !
C’est vrai, je l’ai juré.
Essayerais-tu de te défiler ?
Il n’est plus le même que par le passé !

Poings et dents serrés marquèrent d’une teinte rosée, la peau pâle de sa mère qui se contint avec une froideur haineuse. Une aura meurtrière entoura la lycane, dont le poil se hérissa.
La foule fut plus près d’eux, les encerclant sur une terre rouge, au rythme trépidant des percussions vives, synonymes de capoeira. Un gentleman, en chemise et pantalon immaculés, s'avança. Il se défit de son haut, dévoilant sa peau à peine foncée et fit une roue latérale. Il fut rapidement imité par un enfant, qui lui, effectua sa prouesse d’une main, avant de sauter à nouveau sur ses pieds. Tous deux, après un jeu de jambes impressionnant, vinrent se replacer à genoux dans le cercle autour d’eux. La louve se pencha, prédatrice sans merci, pour lacérer le sol pourpre. Aldrick l’imita, se redressant en même temps qu’elle arguait :

As-tu oublié qui il a tué ?
Je ne pourrais jamais.

Les deux corps s’engagèrent en un bond prodigieux l’un contre l’autre, pour entrechoquer leurs bustes en une danse tribale, synonyme de combat. Passant d’un pied sur l’autre, en rythme avec la musique, ils reprirent une certaine distance. Accélération de la percussion. La blonde grinça :

Mais… ?
Mais nous avons tous changé, lui le premier !
MENSONGES !

Une improvisation de tambour saccadée la propulsa sur lui, mains tendues vers sa gorge, il s’inclina, les bras en arrière, au point de former un arc de cercle en touchant le sol. La belle d’un bond animal passa par-dessus lui avec une aisance phénoménale, se rattrapant en une roulade avant de sauter pour se remettre sur ses pieds. Le commissaire prit appui sur ses bras avec toute la force de sa race, se hissa à la verticale d’un bond puissant et retomba avec agilité sur ses pattes. Tournoyant sur lui-même, passant d’un pied à l’autre en sortant les crocs, il se rapprocha, jusqu’à propulser vers elle un coup de pied sauté, qu’elle évita en se penchant à peine en arrière. Enchaînements de kayambs. La musique se modula pour un air plus rythmé, ponctué de cuivres. Deux participants les éloignèrent en traversant l'arène de part en part, aggripés l’un à l’autre dans une roulade avant de se diviser. La louve n’en démordit pas, l’attaquant de nouveau du pied. Il para des deux mains. Fils et mère face à face, leurs pieds gauches s’entrechoquèrent. Ils reculèrent. En une pirouette avant elle fut sur lui, hurlant :

MENSONGES ! MENSONGES ! MENSONGES !

Mains jointes à hauteur de son buste, Aldrick eut tout juste le temps de créer un tremplin improvisé pour la propulser en arrière.

Votre tristesse vous égare, vous devez me croire !
Je n’ai que faire de tes histoires !

D’un geste prompt, elle se rattrapa en un bond, s’éloignant en une roue latérale droite, la belle hurla en fendant l’air de son bras.

Il ne mérite que la mort !
Vous avez tort !

D’un geste ample, son pied avait frôlé sa tête, sans intention de la blesser, avant de s’éloigner d’un saut périlleux arrière maîtrisé.

Ne vous êtes-vous jamais demandé… Pourquoi il n’a pas ordonné de nous entretuer ?
Toi aussi il t’a manipulé ! Je devrais te renier ! ! Il ne mérite que de trépasser !

Deux jeunes gens rejoignirent encore la danse, se croisant en effectuant deux roues, puis un bond en arrière. Aldrick perdit patience, fonça sur elle, enchaînant à hauteur de sa poitrine, un coup de pied du droit, puis du gauche, qu’elle esquiva en se contorsionnant, sans forcer. Agacé, il s’élança sur elle en un coup de pied arrière sauté.

Il a déjà payé !
Pas assez !

Elle esquiva d’un pas de côté. Dans un nouvel assaut, il fondit sur elle et comme au début, en un bond animal leurs bustes s’entrechoquèrent encore. Ultime rythmique précipitée. La musique s’atténuait.

Vous avez peur d’être heureuse ! Voilà la vérité !

En chœur, la foule se rapprocha, la musique s’accéléra. Poings levés vers le ciel. Tous s’agenouillèrent quand la dernière note sonna, les mains regagnèrent le sol avec fracas.
Le souffle court, Aldrick la défia du regard.

Vous ne pouvez le nier.
Comment oses-tu…
Il n'y a pas de honte à être appréciée.
Tu l'auras voulu…

Elle s'élança sur lui, rageuse.

C’est toi que je vais t-

Elle était trop rapide. Aldrick prit l'attaque de plein fouet sans avoir le temps d’esquiver. Un nuage de poussière pourpre les masqua une fraction de secondes avant de dévoiler qu’il était parvenu à parer, en bloquant ses mains dans les siennes, non sans difficultés, compte tenu de la distance sur laquelle elle l’avait fait reculer. Elise surprise termina dans ses bras, coincée.

Merci pour cette nouvelle famille. Même si je ne comprends pas tout parfois… Moi aussi, elle me rend heureux.

Alors seulement la matriarche réalisa que les benjamines étaient derrière lui et qu'elles avaient elles aussi bataillées vaillamment pour se frayer un chemin jusqu'à eux, comme en attestaient quelques passants étourdis, face contre terre.

Hey ! Vous pourriez nous féliciter !
On les a tous rétamés !

Dans une pirouette gracieuse, Eléna et Sabrina s’étaient rapprochées, leurs mains toujours serrées. Elles se ruèrent dans les jupons de l’aînée, nouvellement libre. Aldrick sourit à sa mère avec une fierté sans égale, en posant une main sur la tête de chacune de ses sœurs.

Oui, bravo ! Une fois encore, c’est vous qui nous sauvez !

Rougissante, Elise acquiesça, guidant au mieux les plus jeunes vers la sortie du parc. Elle ne l’avouerait jamais, mais elle était d’accord avec Aldrick sur ce dernier point.


Spoiler:
La foule [PNJ]
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MessageSujet: Re: [Évent] Le démon de la danse - 1891   [Évent] Le démon de la danse - 1891 I_icon_minitimeLun 11 Juil - 22:44

Rey glousse au sommet du Pavillon Marsan. Lascivement étendu dans les bras d’une allégorie de la loi, il savoure les dernières notes jouées par ces troubadours d’un jour, sur lesquelles dansent encore des corps épuisés.
Le spectacle le distrait. Sincèrement.
Ensorcelés, les hommes et les femmes de la capitale sont beaucoup plus amusants à regarder que n’importe quelle liturgie infernale, poussiéreuse à souhait, dont raffolent pourtant les enfers. La modernité que Rey ne cesse de leur apporter ne dure jamais. La faute à tous ces démons millénaires qui croient que le mal se résume à décapiter ou ébouillanter vivant, quand il y a tant d’autres distractions à espérer des damnés.
Mais sur terre, tous ces gens avec leurs affres et leurs sentiments ! C’est autre chose.
Gourmand, Rey se lèche les lèvres. Il sent bien que tout Paris a succombé à sa folie. L’expérience est un succès qui le ravi à un inimaginable degré. Où qu’il regarde, ses joues s’empourprent d’extase. Son cœur s’emballe au rythme des cymbales qui sonnent aux quatre coinw de la capitale. Chacune annonce un nouveau numéro dont l’ardeur l’emportera sur un chacha ou peut-être un tango.
C’est un jouet précieux qu’il vient de dégotter et il le gâcherait en le cassant trop vite.
Rey le sait. Il est d’ailleurs temps pour le diable de se retirer sur un ultime pas de danse. Se levant, le talon appuyé sur la face de la loi, le voilà qui s’étire longuement comme un chat. Puis pouf ! Il disparait, ne laissant derrière lui qu’un mince nuage de fumée.

Un détour, par caprice.
Il reparait debout sur une table de bistro guindée. Le parvis du Louvre est juste à côté. Boisson renversée sur le journal derrière lequel se cache un confrère. Oups ~
Joueur, un mouvement de rein guide sa queue en pointe de flèche contre le canard et fend son papier de son plus bel autographe. Le sourire qui s’étire sur ce visage gamin n’a rien à envier à celui du chat de Cheshire.
Et pouf ! De nouveau, le diablotin a filé.

Cette fois son arrivée se fait au centre de la cours du carrousel. Pour lui, le soleil se couche avec prématurité et une demi-lune s’élève dans une brève, mais enchanteresse pénombre. Les murmures et les interrogations sont rapidement étouffés. Très vite, c’est tout le bâtiment qui s’éclaire d’un pétillant jeu de lumières appuyé par de puissantes basses et les premières notes d’un son d’une autre époque.
Des Tuileries jusqu’au quartier voisin, en passant par les allées du musées, tout se vide pour remplir le jardin. Les sujets de Sa Majesté se poussent et se repoussent, cherchant à gagner la proximité de celui qui, déjà, danse sur cette démence avec jubilation.
Bras en l’air, son déhanché fait rêver. Rey ondule sur chaque accord, les yeux fermés, comme si chaque son lui était destiné. Et c’est le cas.
Lorsque la mélodie s’affole, accélérée par l’hystérie d’un synthé, Rey se laisse emporter. Frénétiques, ses talons hauts martèlent le sol, qui craque et se brise. Dans chaque fissure coule le feu brûlant de sa passion. Elle s’étend et se répand, brûle les bosquets, consume les fleurs et transforme chaque arbre croisé en une gigantesque torche.
Et Rey danse. Un saut à pied joint et c’est toute une partie de la cours qui s’élève dans son dos. Une immense pyramide à degrés aux angles incandescents défigure les jardins sur lesquels elle projette son ombre rougeoyante. Quelques cris choqués se mêlent à d’autres émerveillés.
Rey s’est figé. Ses longs cils s’ouvrent sur son regard doré. Sous ces iris brûlants se dessine un sourire charmeur. Alors ses lèvres roses s’arrondissent sur un murmure bouillant.

« It’s show time ! »

La musique explose en même temps qu’un nuage de paillettes. La silhouette cambrée du démon s’efface sous cette pluie miroitante. L’averse passée, le retour du diable se fait sur la note triomphante d’une trompette.
Toujours perché sur ses talons, il a troqué son short, son corset et son haut vaporeux pour un costume écarlate. Un tour sur lui-même. La veste vole sur son torse nu. Rey s’arrête et lève la tête. Sa main caresse sa gorge blanche avec, collé aux lèvres, un sourire de sacripant. D’un geste, il parfait sa tenue d’un collier de feu qui gonfle et s’efface en un nœud papillon noué autour de son cou.
Ses grands yeux s’enflamment d’excitation. Il frappe des mains. Un escalier se déploie dans un nuage de cotillons. Voilà sa route toute tracée jusqu’au sommet.
D’un pas chaloupé, il en foule les marches.

Premier étage, premier couplet.
Rey entraine une demoiselle à la belle robe bleue dans un brûlant pas de deux. Sa voix s’élève, sensuelle et pleine de liesse.

C’était fun, fun, fun
De voir un démon jouer au grand méchant
Mais troublé qu’il était par mes agissements
Il a oublié
Que pour être mauvais
Il faut embraser
Sa victime par les pieds !

Dans ses bras la demoiselle pousse un cri qui couvre le grondement de la batterie. Ses chaussures cuisent ses petits pieds. Malgré elle, elle accélère un pas que Rey suit sans difficulté. À son tour, sa robe s’enflamme et chavirant entre les bras du diable, la belle se consume.
La cavalière à la tenue d’azur devient une danseuse de charbon dans sa robe cendrée. Sa peau carbonisée perd toute élasticité et son dernier pas se fait sec et sans grâce, calé sur celui des malheureux qu’un autre a déjà incendié.
Mais Rey délaisse leur chorégraphie. Il leur a déjà fossé compagnie et l’éclairage le suit jusqu’au pallier d’après. Les notes douces d’un piano l’accueille. Son timbre se fait plus posé et plus triste sur cette mélodie nostalgique.

C’était fun, fun, fun
De suivre les tourments d’une poupée
Chassée par les morts elle s’est libérée
Mais combien de temps
Lui faudra-t-il vraiment
Pour que ses parents
Hantent à nouveau son temps ?

Des fantômes se joignent à la fête. Un pas de deux est échangé entre un homme ensanglanté et une livide défunte. Ils se traversent sans pouvoir se toucher, quand entre eux Rey danse avec, au bras, une marionnette. Un à un, les fils qui la maintiennent cassent. Elle tournoie et ses cheveux blonds se dénouent lorsqu’elle s’envole entre les bras du diable. Plus aucune attache pour rattraper la poupée. Son cavalier, désintéressé, la laisse retomber.
Il change de scène. La musique de fait plus bestiale et la voix du démon plus grave et plus percutante que jamais.

C’était fun, fun, fun
D’assister à une lutte en famille
Qui se guette la main sur la goupille
Ces vilains secrets
Devront bien exploser
Tous seront brisés
Tous seront balayés !

Deux rangées de danseurs s’opposent. D’un côté des masques effrayants, de l’autre tous vêtus de blanc. La chorégraphie vire vite à l’affrontement. Rey s’en délecte et au son des tambours et des tam-tams, il glisse en souriant entre les assaillants. L’une d’elle finit entre ses bras. Sa robe blanche, ses cheveux blonds en font un met délicat. Il la fait tourner et valser à en perdre la tête, puis quand gronde le tambour, il la jette en pâture aux danseurs dont le visage est dissimulé. Sans un cri, l’immaculée demoiselle disparait sous les inquiétantes silhouettes.
Rey lui jette un regard amusé lorsqu’il s’élance sur les marches suivantes. À peine son pied posé, sonne un ardent solo de guitare. Le démon se laisse emporter et chante sur ce rift endiablé.

C’était fun, fun, fun
Que sous mon sort se rapprochent des amants
Qu’ils dansent le rock comme deux grands enfants
Le temps les soudera
Ou les écorchera
Est-ce qu’une nouvelle fois
L’un d’eux cédera ?

Sur les planches, un couple entretient un douloureux jeu du chat et de la souris sur un énergique lindy hop. L’incessant ballet ne cesse de les éloigner et de les rapprocher. À chaque séparation, une blessure est ajoutée. À chaque retrouvailles, des bleus fleurissent sous leurs vêtements déchirés. Lorsqu’ils cèdent, excédés, Rey se glisse dans les bras de l’un ou de l’autre et les pousse à se retrouver. Quand ils n’ont plus cœur à se quitter, le diable s’immisce entre eux et les écarte, amusé. Le démon rit en les voyant s’effondrer sur les encouragements désespérés de la batterie.
Il montre gracieusement les marches qui suivent et rejoint l’étage où court une rouquine.

C’était fun, fun, fun
D’être le témoin du retour d’une guerrière
Bravant ses peurs, mais qu’a-t-elle découvert ?
Est-ce de la magie ?
Mais son oncle n’a rien dit
Que cache donc sa vie
Foulera-t-elle le non-dit ?

Il fait de la demoiselle sa cavalière. Elle cale ses pas dans les siens au grès d’une guitare acoustique, mais tente de s’échapper à chaque tour entre ses bras. Elle veut rejoindre un soliste aux yeux bandés, emporté vers le vide par un incontrôlable déhanché. Plusieurs fois, elle frôle ses doigts, mais le diable le retient sans cesse. La voilà qui pivote, croise, décroise, un nouveau tour… Il la relâche. Libérée, mais trop tard. Elle s’efface dans l’ombre, à l’instant où l’autre bascule dans la nuit.
Les spots demeurent sur le maître des lieux qui gagne la plateforme suivante où s’époumone un accordéon. Son timbre suit avec plaisir ce chant trainant.

C’était fun, fun, fun
De plonger dans le passé tourmenté
D’un p’tit mage et d’son mauvais côté
Étrange fixette
Que de lui tenir tête
S’il signe sa défaite
Il finira en miettes !

Rey danse avec son reflet. Ils sont seuls et parfaitement synchronisés, mais très vite, son double décide de ne plus l’imiter. Les deux démons combattent au cours d’une fantastique chorégraphie qu’entraine une mélodie indéfinissable. Légère et triste, lourde et insouciante. L’accordéon grince sa chanson et tout un mélange d’émotions résonne dans l’air. Après une suite énergique, une note aigüe brise la glace. Les débris du miroir ruissellent en d’infinis tintements à l’instant où l’original enserre sa copie par la taille. Son sourire trouve un air faussement gêné. Tous deux se laissent alors emporter. Tourner, virer, jusqu’à troubler l’atmosphère. Bientôt on les croit trois, puis quatre, puis un dernier pas ramène la lucidité sur la scène.
Le diable est de nouveau seul lorsqu’éclatent les notes d’un violon. Son excitation grimpe en flèche et c’est quatre à quatre qu’il avale les avant-dernières marches.

C’était fun, fun, fun
De danser sur les notes de ton violon
De te voir céder à la tentation !
Allé Andréa
Viens donc avec moi
Ne reste pas là
Je danserai pour toi !

Le diable se fait séducteur, mais le violoniste, resté de dos, ne le remarque pas et joue sans s’arrêter. Si d’abord Rey se laisse séduire, très vite l’illusion cesse d’opérer. L’imitation l’agace et le frustre. Un moue fâchée est vite remplacée par un sourire lorsqu’il aperçoit le sommet qui lui tend les bras. Un coup de hanche bien placé le débarrasse de l’usurpateur et le voilà qui gagne d’une démarche chaloupée de grand seigneur, la place qui lui revient de droit.

Ses talons hauts claquent sur la dalle et dos au monde, Rey s’arrête.
La pause est brève. Un, deux, trois. Le cri d’une guitare électrique cambre son corps de rêve. Il lève un bras vers le ciel et la nuit s’embrase sous les explosions d’un feu d’artifice. La musique se fait plus entrainante que jamais. le démon profite de chaque note avant son dernier couplet. Son pied martèle le sol et l’étage inférieur s’éclaire. Une rangée de nouveaux danseurs se joint à la fête. Frappant des mains, le pallier suivant imite le précédent et c’est bientôt chaque degré de la pyramide qui se retrouve animé de couleurs et de vie.
À son sommet, Rey les surpasse. C’est inné, éclatant d’évidence. Il s’amuse comme un fou, savoure ce délice à un rythme qui rend chacun de ses mouvements hypnotiques et lui vaut l’attention qu’un démon de son envergure mérite.
Puis la folie musicale cesse. Essoufflé, le diable relève la tête. Dans son dos s’écoule une cascade d’étincelles qui découpe sa silhouette féline en contre jour. Sa voix s’élève, a capella. Elle n’a pas besoin d’être forte, tous entendent l’ivresse sucrée de son timbre doré.

C’était fun, fun, fun
De vous voir tous danser
Fun, fun, fun
Mais je dois m’en aller.

Je sais je vous manquerai
Alors pour cette soirée
Je vous laisse mon palais
Pour vous déhancher

Sur cette douce folie
Je dis bonne nuit
Le démon de la danse
Tire sa révérence !

Il salue avec grâce et l’obscurité tombe, épaisse, lourde et silencieuse.
Ça et là, des cris percent, confus ou effrayés.
Puis, comme promis, la lumière revient. Jamais encore l’électricité n’a produit pareil éclat. Irréel, fantastique, toute la cours du carrousel en est inondée. Nettoyée, on la croit presque retournée à la réalité, mais soudain la musique pulse sous ses allées et ses pelouses fleuries.
Personne ne bouge. L’enchantement qui a agité la foule tout au long de cet après-midi s’est dissipé et l’incertitude demeure. Puis quelques audacieux bravent l’inconnu et commencent à se trémousser en faisant fi de toutes les bonnes manières inculquées et du lendemain qui approche. Danser.
Et Paris connait sa première rave party.

Rey sourit.
Allongé contre l’une des sculptures de lion qui orne le toit du musée, il observe avec curiosité tous ces êtres fragiles et tourmentés céder au plaisir de se déhancher. Ça fait longtemps qu’il ne s’est pas autant amusé.
Un rire gamin remonte dans sa gorge, mais c’est un soupir rassasié qui lui échappe. Sa jambe droite glisse dans le vide. Elle profite encore de la cadence qui s’élève depuis la cours, frémissant sur un tempo qui lui donne horriblement envie de se joindre à eux.
Plus tard peut-être ?
Pour l’instant, il a un détail à régler. S’étirant souplement, il se détourne des festivités afin d’accueillir deux silhouettes qu’il connait. Rey se méfie de la fille, mais il sait que le grand est de son côté.
Toutefois le diable n’aime guère être dérangé, alors sa moue se fait boudeuse et sa queue bat l’air sur un rythme agacé. Il s’adresse à eux en fronçant le nez.

« Qu’est-ce que vous voulez ? »

La demoiselle roule des yeux, mais son comparse l’ignore. Il se laisse glisser le long du toit et s’arrête loin du vide. Il n’y pas d’hésitation lorsque sa main plonge sous sa veste brune pour en tirer un papier. Son bras, long et musclé, à la hauteur du reste de sa silhouette, tend à Rey ce qui ressemblerait presque à un timbre poste entre ses doigts démesurés.
Le démon ne comprend pas, mais intrigué, il se redresse et dans ses yeux d’or, ses pupilles semblent légèrement se dilater. Le carton est saisi du bout de ses griffes, mais le geste n’en demeure pas moins gorgé de sensualité. Il fait pivoter la carte totalement immaculée.
Soudain elle s’embrase et une suite d’étincelles y trace quelques mots sur lesquels se reflètent les lumières en fête. « Cabaret du Lost Paradise. » Rey tourne la carte. Une adresse apparait avec un petit plan animé, qui lui indique le chemin que le lièvre, ou plutôt le loup, a tracé pour lui.
Il penche la tête. Ses boucles brunes caressent ses joues sur lesquelles ne se dessinent plus qu’une déroutante incompréhension. Redressant son minois, il tombe dans un regard dépareillé qui le scrute sans se défiler.

« Je voudrais vous embaucher. Vous aurez une scène et chaque soir, un public à vos pieds.
L’offre tient uniquement si vous annulez les dégâts causés par vous et ceux que vous avez ensorcelés ! Précise la jeune femme. »

Rey cligne des yeux. Son regard passe de l’un à l’autre, puis ses longs cils s’abaissent et son attention se reporte sur le petit bout de papier. Un sourire insolent fend son visage d’adolescent. Il pouffe, tente d’étouffer le rire qui lui chatouille les lèvres, mais il éclate dans l’obscurité, fripon à souhait.

« Vous êtes plus fous que moi. »

Il s’évapore dans un claquement de doigts.
Silence.

« C’était un oui tu crois ? »


Le démon de la danseRideau !

Il semblerait que le diable se soit volatilisé en laissant Paris et ses habitants profiter de cette incroyable soirée.
Dès le lendemain, le Louvre a retrouvé sa tranquillité, mais il se dit qu’on chantonne encore dans ses allées. et qu’il n’est pas rare qu’un promeneur se mette inexplicablement à danser dans le Salon Carré. Seul changement notable, le N doré brodé sur le dossier du trône de Napoléon est désormais un R, signe que Sa Majesté n’a peut-être pas renoncé à son palais.
Le Dandy ne s’est pas privé d’une pluie d’article salés, mais tous étaient en rimes et si on en a beaucoup parlé c’est finalement pour leur forme bien plus que pour leur fond.
Dans la capitale, tous n’ont pas vécu cette débauche de magie comme un drame et si certains trouvent scandaleux que les pouvoirs en place n’aient rien fait, d’autres sont heureux d’avoir profité de la fête.
Y a-t-il eu des blessés ? Personne ne semble en mesure de l’attester.


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Récompenses pour les participants
Votre implication vaut son lot de surprises. Chacun d’entre vous se voit attribué un petit quelque chose qu’il sera libre, ou non, de réutiliser dans ses futurs RPs !

Aldrick
alyrel14.png
Un rapprochement s’est fait avec tes sœurs. C’est curieux, c’est comme si vous sentiez quand l’autre à un coup de moins bien. L’intuition vous donne à tous les trois le parfait timing pour remonter le moral de cette fratrie recomposée.

Andréa
Andy
Tu découvriras que le violon immaculé que Rey t’a laissé est toujours imprégné d’une magie que tu devras apprendre à contrôler. En résonance avec ta sensibilité, l’instrument semble capable de matérialiser bien des merveilles.

Edward
Ed
Pas besoin d’un gros nœud autour. Le cadeau n’est pas bien haut, mais il a de jolies hanches et sait manier une arme à feu. Un bras droit solide après quelques mois compliqués, de quoi repartir du bon pied, non ?

Frédéric
June
Ton aide sur le chantier du musée a été très remarquée et appréciée. Le journal du Petit Bouton a dédié un article à ce sujet au cours duquel plusieurs travailleurs interrogés ont vantés ta camaraderie et ton efficacité.

June
June
Suite à l’évènement, tu trouves enfin le courage de lire certaines de lettres qui t’attendaient. Tu découvres un indice qui laisse supposer que ton père biologique pourrait se trouver à Paris.

Ryden
Ryden
C’est toi le plus chanceux ! Rey te laisse son autographe. Franchement il y en a qui tueraient pour avoir eu cette opportunité. Pas toi ? Dommage, il était pourtant certain de te faire plaisir avec ce petit présent ~

Valentine
Valentine
Suite à l’aventure une inconnue t’a contactée. Pro-Légendaire, la demoiselle est indépendante et pleine d’idées. Impressionnée par ta détermination dans l’allée du musée, elle t’a invité à se joindre à elle lors d’une prochaine manifestation.





Merci à tous pour votre participation !

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