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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 Manche n°1 : Pas de deux

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AuteurMessage
Edward White
l Dans l'ombre du loup l BIG BOSS l
Edward White

Messages : 2449
Date d'inscription : 21/12/2010

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MessageSujet: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMar 19 Juil - 13:35

Et bien ! Voilà un roi qui a bien dormi, glissa la voix chaude et caressante de Gigi.

Debout depuis peu et habillé à la va-vite, c’était tiraillé par une faim de loup qu’Edward avait quitté sa chambre, appâté par l’odeur marquée d’une petit-déjeuner copieux. Sans se soucier de ce qu’il pourrait trouver derrière les nombreuses portes de l’antre de la maquerelle, il avait pisté le fumet jusqu’à pousser le battant d’un petit boudoir où l’attendait son hôtesse, lascivement étendue sur son divan. Il hésita, Gigi se leva.
La louve s'avança d'un pas chaloupé, le visage baigné d'un sourire qu'encadraient ses longues boucles brunes encore sauvages, suite à son réveil tardif. Son peignoir de soie rouge, négligemment noué sur sa taille, laissait apparaître des dessous en dentelles raffinées dont le dessin dissimulait à peine sa gorge généreuse. Elle se rapprocha, volontairement aguicheuse, vers celui qui retenait toute son attention et interrogea, tout en suivant du bout de son index la marque de l'oreiller laissée sur la joue du roi :

N'est-ce pas la preuve que vous devriez plus souvent dormir dans mes draps Edward ? ~

Un mouvement vif du concerné l’obligea à éloigner ses doigts pour éviter qu'il ne les croque. Un réflexe lupin, rien de plus, mais auquel il s'abandonnait si peu que cela la fit rire. Elle le sermonna faussement à ce sujet, et profita qu’il s’essaie à des excuses pour venir le décoiffer un peu plus et s’assurer ainsi de sa parfaite docilité. À la seconde suivante, elle referma la porte du bout du pied, encore une et elle conduisit Edward jusqu’au divan qu’elle avait quitté.

Elle s’installa à ses côtés d’un mouvement si vif qu’il dévoila ses interminables jambes de craie dont l’une se glissa contre celle du loup. Sans ôter ses doigts de la longue chevelure de son roi, Gigi se rapprocha encore au point d’effleurer sa joue de ses lèvres rouges. Son souffle se perdit sur la peau d’Edward, lui ôtant un frisson. Il ferma les yeux. Le sourire gourmand de la louve s'élargit encore et elle interrogea d’un ton à la sensualité palpable :

Dites moi… Qu’y a-t-il pour vous faire plaisir ?

Les mains expertes de la belle maquerelle glissèrent jusqu’au col de la chemise blanche d’Edward. Elle en défit délicatement un bouton, écarta le tissu du bout des doigts, pour finalement effleurer sa gorge marquée de cicatrices. Ce fut avec amusement qu’elle détailla la réflexion qui se peignit sur son visage lorsqu’enfin le roi des lycanthropes daigna prendre la parole :

Du saucisson.

Gigi se figea, haussa les sourcils et avisa la petite table basse débordante de viennoiseries qu’elle avait pris soin de faire préparer. Un rire secoua ses épaules et ce fut en réajustant sa tenue qu’elle se laissa glisser au fond du divan, croisant les bras avant d’abandonner d’un ton taquin :

Quel loup ! Je comprends mieux votre fuite du cabaret à présent.
Je n’ai pas fui ! Objecta vivement Edward dont les joues s’empourprèrent. Je suis venu… demander un asile diplomatique.
Parce que votre chef cuisinier préparait du choux-fleur ?
Oui !
Mais vous ne craignez pas de rentrer ?
Bien sûr que non !
Vraiment ?


Le sourire de Gigi fit naître une moue vexée sur le visage d’Edward. Plus par frustration que par envie, et pour occuper ses mains nerveuses, il se décida à récupérer un croissant sur la petite table basse. Il le rompit en deux, en avala une partie et, avant de réserver le même chose à la seconde, il marmonna quelque chose au sujet du parfum infâme que ce légume avait répandu dans le cabaret.
Un silence se coucha entre eux. Le temps pour Gigi de retirer les quelques miettes perdues sur ses joues avant d’interroger, parfaitement consciente de ce qu’elle faisait :

Et si l’odeur n’est pas partie ?
C… Ce serait possible ? S’enquit vivement Edward en portant une main à sa truffe, comme pour se préserver de l’odieux fumet.
Bien sûr ! C’est tenace comme parfum. S’ils n’ont pas suffisamment aéré vous pourriez avoir une très mauvaise surprise.

Ne lui laissant guère le temps de tergiverser, elle s’appuya contre lui et reprit avec tendresse :

Restez une nuit de plus. Ce sera plus sûr ~

Mais Edward n’était pas resté. Et à présent qu’il se tenait devant la porte de service de son établissement, les mots de la maquerelle ne cessaient de résonner dans son esprit. Debout sur le perron, la main sur la poignée, voilà qu’il hésitait à entrer dans son propre établissement. Il resta ainsi plusieurs secondes, puis se résolu à en franchir le seuil. Fermant les yeux, il prit une grande inspiration avant de violemment repousser le battant et de pénétrer au cabaret. La porte se referma doucement derrière lui.

----------------------------

BANG !

Aie ! Mais qu’est-ce que c’est que ce…
Bibi bi bibibi ! Bibibi ! Bibi !

Bonne nouvelle, aucune mauvaise odeur de chou-fleur à l’horizon. Mauvaise nouvelle, Edward venait de violemment trébucher sur une masse métallique inconnue et qui n’avait visiblement pas appréciée d’être bousculée. Ce fut équipée d’un balai de paille, cheminée fumante et diodes rougeoyantes, que le tas de ferraille, haut d’une soixantaine de centimètres, se précipita sur le loup qui écopa d’un violent coup de balais au flanc.

Mais ça va p… Hé !

Il tenta de réitérer l’action mais cette fois-ci Edward se fâcha, attrapa le manche de bois pour l’arracher des pinces du petit être de métal et finalement tenter de l’attraper. Cela eut pour seul effet de faire paniquer son assaillant dont les roues l'entraînèrent dans une course folle dans la cuisine au son d’un cri d’effroi métallique.

Mais attends !
Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !
Grmf… Snorri et Lûka vont m’entendre !

Si le premier réflexe d’Edward fut de lui courir après, il s’arrêta si tôt qu’il remarqua le nouvel agencement des lieux et sa décoration flambant neuve. Exit l’imposant four à bois, bonjour un entremêlement complexe de tuyauteries aux gargouillis prononcés. Un doute s’empara du lycan incapable de se souvenir à quel moment son chef avait réussi à le soudoyer pour de tels aménagements. Mais impossible d’y réfléchir davantage. Après un tour complet de la pièce, le tas de boulons venait de heurter violemment la jambe d’Edward qui en profita aussitôt pour le soulever du sol, victorieux. L’inspectant minutieusement, il lâcha en le retournant sans délicatesse :

Il doit bien y avoir un interrupteur !
Biiiii bibibibi bi !
Arrête de t’agit…

Un juron fusa. Aveuglé par un dense nuage de suie qui le fit tousser à l’excès, Edward lâcha sa proie qui s’enfuit dès qu’elle eut touchée le sol. Le loup réussit à peine à nettoyer son visage lorsqu’il la repéra disparaissant en direction de la salle de réception. Fou de rage, il lui emboîta le pas et gagna la pièce voisine d’un pas si pressé qu’il ne vit pas à temps la haute silhouette qui lui faisait face. Il la heurta avec force, manqua de tomber, mais hurla dès qu’il eut retrouvé son équilibre, tout en essayant de se rendre présentable en retirant la suie de son visage d’un revers de manche :

Qui a fait enter ce tas de ferraille dans mon cabaret ?!
Ton… cabaret ?

Ce timbre fit tressaillir le loup qui ouvrit les yeux. Un frisson lui remonta l’échine lorsque, les lèvres entrouvertes, ses iris croisèrent un regard dépareillé. Un œil rouge, un œil bleu. Tous deux fichés sur un visage terriblement similaire au sien. Son cœur manqua un battement. Il crut rêver et s’avança, l’autre fit de même. Ils se toisèrent un instant, puis Edward trouva la force d’articuler :

Mais tu es moi.
Il semblerait. Mais à une ou deux tâches près ~



Manche n°1 ouverte !


C'est parti pour la première manche de notre évent spécial Steampunk !

Mais que se passe-t-il exactement ici ? On dirait bien que votre Paris a subi quelques modifications. Un lifting drastique à grand renfort de machines à vapeur serait plus exact, mais c'est loin d'être la seule surprise qui vous attend. Car vous allez y faire la rencontre d'un visage plus que familier et peut-être subir le courroux d'une toute nouvelle technologie.

Voyons voir ce qui vous attend !


N'oubliez pas de faire défiler sur la droite, il n'y a pas qu'Ashton qui écope d'une machine infernale !

Le déroulement de la manche est très simple : chaque participant doit réaliser un poste de RP (et un seul) dans lequel il se retrouvera dans un Paris alternatif qui ne sera pas sans danger. Il lui faudra se mettre à l'abri au plus vite !

  • Vous n'avez rien fait d'autre que fermer les yeux ou passer le seuil d'une porte lorsque votre environnement s'est brusquement transformé. Vous voilà débarqué dans une ville ô combien familière et pourtant totalement revue et corrigée. Ici pas d’électricité, mais une technologie sur-développée sur la base des machines à vapeur.

  • Vous débarquez d'ailleurs dans le même lieu que vous venez de quitter, mais adapté à la sauce Steampunk ! Mécaniques complexes, engrenages, fumée et pistons risquent de détonner dans un décor qui vous semblera pourtant connu. À vous de l'adapter comme vous le souhaitez et d'exploiter à fond ces nouvelles technologies.

  • Ce tout nouveau Paris est aussi vivant que celui que vous venez de quitter, vous pourrez y trouver des légendaires bien sûr, mais aussi des têtes bien connues malgré un style vestimentaire et des accessoires plus que déroutants. Et pour cause ! Ils vous ressemblent comme deux gouttes d'eaux ! Ce sont vos doubles, ceux qui vivent dans cette autre réalité. Mais êtes vous réellement si semblables ?

  • Votre arrivée est pour l'instant un mystère, toutefois elle n'est pas sans conséquences sur le monde qui vous entoure. Des réactions improbables de machineries sont à craindre et certaines d'entre elles se feront même un devoir de vous capturer ! Les plus coriaces d'entre eux ont été listé ci-dessus.

  • Ce sera à vous d'imaginer ces robots un peu collants, sur la base d'objets de votre quotidien. Voyons voir comme vous réussirez à transformer un lampadaire en redoutable adversaire ~ Vous êtes libres de rajouter autant de robots que vous le souhaitez gentils ou méchants, ça se sera à vous de le déterminer !

  • Vous allez donc avoir quelques ennuis, à vous de les affronter ou de les évitez, mais vous devez finir par trouver un abri. Creusez vous les méninges pour trouver un endroit adapté où vous serez en sécurité !

  • Pour vous aider, nous avons glissé quelques noms d'attaques et un petit bug qui pourrait pimenter votre rencontre avec cette créature de métal. Vous êtes libres de les utiliser comme vous le souhaitez, d'en ajouter et de revoir complètement l'utilité du robot qui vous est attribué.

  • C'est le hasard qui a fait le choix pour vous, une liste de plusieurs robots ayant été associée à l'ordre donné par les numéros choisis. N'hésitez pas à nous demander si vous avez des questions à ce sujet.

  • C'est un nouvel univers qui s'ouvre à vous. Basé sur le Steampunk, il ne vous reste qu'à vous l'approprier et à vous faire plaisir ! Éclatez vous !


Vous posterez à la suite ce message, sans ordre particulier et vous avez jusqu'au samedi 30 juillet (au soir) pour vous familiariser à ce nouvel univers !

N'hésitez pas à contacter le staff si un élément vous semble flou, on vous répondra le plus vite possible !

Prêt pour votre voyage dans une autre dimenson ?
https://lostparadise.forumgratuit.org
Valentine Lefevre
○~ Héroïne de contes ~○
Valentine Lefevre

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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeSam 30 Juil - 0:51

Le pas rapide et les talons claquant contre les pavés parisiens, la jeune journaliste aux longs cheveux de feu, observait sa montre à gousset, espérant retarder la course des aiguilles avec ardeur.
Elle avait eu un mal fou à se réveiller ce jour là, préférant paresser et rêvasser, gloussant comme une idiote à s'imaginant dans les bras de son amoureux. Dommage pour elle, en faisant ce songe idiot, elle n'avait pas entendu son réveil, ni Loki qui frappait doucement à sa porte pour lui annoncer qu'il partait en avance pour terminer la rédaction d'un article.

Bien entendu, elle allait se faire tirer les oreilles par Gaspard s'il la surprenait débarquer au Journal avec plus d'une heure de retard, ou pire se prendre des remarques sarcastiques de ses collègues. Peut-être que son cher et tendre canidé allait prendre sa défense, mais elle ne se leurrait pas, il serait le premier à lui faire les gros yeux.
Valentine referma sèchement le clapet de son horloge pendentif et accéléra un peu plus l'allure, ne pouvant s'empêcher de lâcher un juron quand elle réalisa en passant devant le reflet d'une vitrine, que son chignon de fortune s'était défait et qu'elle avait enfilé sa tenue décontractée un peu masculine qu'elle ne sortait que lors de ses excursions nocturnes.
Pas de pantalon fort heureusement, mais une chemise un peu ouverte, un veston déboutonné, une jupe ne dépassant pas les mollets et des bottines mal lassées.
Ouais, si on n'oubliait pas sa vieille besace chiffonnée et presque vide, elle avait tout du poulbot révolutionnaire de Monsieur Hugo.

.... Zut, son appareil !!
Voyant la maigreur inquiétante du sac, elle comprit qu'elle n'avait pas prit la peine de le remplir convenablement au levé. Mais où avait-elle la tête !?
L'ouvrant pour regarder ce qui restait, elle constata qu'à part la casquette qu'elle avait emprunté à son père, ses habituels carnets de notes, deux petites boites indispensables de soins et de couture, ses papiers et argents et deux ou trois babioles inutiles, elle n'avait rien de folichon.


"Rhaaa c'est pas possible d'être aussi cruche !"

Elle sauta deux par deux les marches menant au bâtiment où se situait le Journal et fonça dans le couloir pour atteindre l'étage, ne se donnant même pas la peine de frapper ou prévenir, ouvrant grand la porte, essoufflée et le visage légèrement rouge dût à l'effort.

".... scuzez.... r'tard.... réveil... pas entendu....... Y a quelqu'un ?"

Se redressant après avoir prit une bonne bouffée d'air, elle réalisa que l'endroit était vide... Et un peu étrange. Une drôle de décoration avait été installée, donnant un effet mécanique à l'ensemble. C'était assez distrayant à voir mais elle n'en comprenait pas le sens. Certes, elle avait vu des choses similaires lors de son voyage en Angleterre dans les docks et les usines de Londres, mais ce qui se présentait sous ses yeux semblait encore plus bizarre et travaillé.
Le plus dérangeant était le bruit sourd de machines à vapeur un peu partout.

Décontenancée, elle s'avança dans la zone, prenant la direction de son bureau, espérant trouver Loki et comprendre ce qui s'était passé durant son absence. Mais un autre élément la figea quand elle aperçu son espace de travail. Sa belle machine à écrire... remplacée par une chose hideuse avec de nombreux rouages indéterminés.

"Qu'est-ce que c'est que cette chose ?!"

"bzzz bzzz !"

"Aaaaaaah ! Mais quoi encore ?!"

Juste à côté d'elle, une autre machine venait de s'animer, laissant échapper une nuage de vapeur en s'activant, semblant tourner ce qui semblait être sa tête vers elle. Une feuille de papier vierge disparu à l'intérieur et en ressortit plus bas, des mots affichés dessus. Avec prudence, la jeune femme s'approcha et prit le papier, découvrant dessus un seul et unique mot.
INTRUSE.

"Hey ! Je travaille ici, c'est chez moi et ça c'est mon bureau ! Qu'est-ce que t'es ?"

La boite mouvante libéra une nouvelle feuille, répondant sans hésitation à la miss qui là encore, s'empara de la réponse et la lu, sentant un certain agacement poindre.
SALUT C'EST MOI 1'ANTE,
JE SUIS L'IMPRIMANTE MARRANTE ! ♫
MÊME SANS AUCUN DOIGTS,
JE SUIS PLUS UTILE QUE TOI ! ♪

Valentine réalisa bien vite qu'elle allait très certainement dévisser cette machine et allait s'y atteler quand le bruit d'une porte la stoppa, attirant son attention. Quelqu'un sortait du bureau du patron. Gaspard ?
Espérant enfin comprendre ce qui se passait, elle posa ses mains sur les hanches et tapa du pied, irritée.

"Tonton, on m'explique le délire ic... Mais tu es..."

"..... T'es qui ?"

Une jeune femme était apparu devant elle, portant une tenue encore plus loufoque qu'elle et en total symbiose avec la décoration. Sa coiffure était extrêmement courte sur les côtés et avait une sorte de crête revenant vers l'avant, formant une frange déstructurée, elle arborait des lunettes aux montures cuivrées. Si on oubliait ces détails inédits, on avait une Valentine 100% rousse, avec son appareil photo, certes différent, mais présent et surtout un chien marchant derrière elle.
Enfin un chien...

"OH MON DIEU !! C'est quoi cette chose ?!"

"Bah un chien robot, j'ai pas encore eu le temps de lui rajouter de la fausse fourrure, mais je trouve que le mouvement des articulations sont plaisantes à regarder. Il est beau, n'est-ce pas ? Je l'ai appelé L.O.K.I."

"Lo... Loki ?! T'as fait de mon Loki une machine, espèce de double étrange d'une autre dimension ?! ..... UNE MACHINE !"

"Je ne comprends rien à ce que tu racontes et t'as beau me ressembler un peu, je ne suis pas un double ou je ne sais quoi ! De toute façon, je suis bien plus mignonne, je n'ai pas de cicatrice, moi."

".... Tu t'appelles Valentine Lefevre ?"

"Comment sais-tu que je ..."

La jeune française secoua la tête se demandant si elle n'était pas en plein cauchemars. Finalement, tellement épuisée, elle s'était surement rendormit et avait rêvé d'arriver en retard et de se retrouver dans un monde étrange. Oui ça ne devait être que ça...
Ou alors il s'agissait de l'habituel évènement estival qui l'entrainait toujours dans des lieux loufoques. Surement en fait vu la date...

L'imprimante capricieuse se mit à clignoter sans un bruit affichant des mots sur le petit écran d'impression. S'approchant pour savoir de quoi il s'agissait, la rouquine entre-aperçu quelque chose qui lui colla un frisson dans le dos.

CIBLE VALIDÉE,
ENVOI DE L'INFORMATION EN COURS . . .

Quelle information et à qui ?!
La jeune journaliste sentit son instinct de survie se réveiller brutalement, lui criant de se méfier grandement de cette machine démoniaque. Mais que faire lorsque celle-ci décide de passer du côté obscure de la force au même moment ?
Le clignotement changea de couleur et un bip désagréable surgit alors que l'écran dévoilait de mauvais desseins ?

RÉINITIALISATION EN COURS . . .
MODIFICATION DU SYSTÈME . . .
OBJECTIF ENREGISTRES.
ANÉANTIR LA PROIE.


L'imprimante s'anima et de la fumée en sortit, comme si elle s'énervait méchamment et bien entendu, la fameuse proie n'était autre que la demoiselle venue d'un autre univers. Dicté par son envie de survivre, elle s'éloigna vivement et parvint à esquiver in extremis un jet d'encre fumant craché par la machine.
A présent cible de cette chose furieuse, Valentine se déplaça dans la pièce, essayant de subir le moins de dégâts possible.
Elle lança un coup d’œil désespéré à son double mais celle-ci refusa de bouger pour elle et alla même jusqu'à se mettre à l'abri, effrayée.
Effarée par cette réaction, la miss sauta par dessus un bureau, ratant avec chance un lancé de feuilles aussi tranchantes qu'un rasoir et arriva près de l'autre, lui jetant un regard noir.


"Tu fais quoi là, au juste ?!"

"Je me cache, tu crois que je fais quoi ?"

"J'y crois pas ! Mais tu n'es qu'une femmelette doublée d'une lâche en réalité ! Ça fanfaronne avec son toutou bionique, mais ça fuit au moindre pépin ! Je sais pas où je suis mais je suis franchement déçue par mon moi d'ici. Tseuh !"

"Hey je ne suis pas une lâche ! Retire immédiatement ce que tu viens de dire !"

"Hors de question, mauviette."

Ignorant les protestations de la punk, elle se redressa et décida de régler le problème vite fait pour partir d'ici, lasse de l'endroit et de ses occupants.
Se plaçant près du mur, elle toisa l'imprimante et lui lança un vase assez lourd dont le contenu aqueux se vida dessus, créant des étincelles peu rassurantes.
Prenant cette attaque comme une provocation, la machine en oublia ses projectiles et la chargea, lui fonçant dedans sans ralentir.
Valentine resta immobile, puis, se mit à sourire avant de sauter au dernier moment sur le côté, laissant l'objet foncer vers le mur, en plein dans une fenêtre.
Celle-ci céda sous le choc et l'imprimante fut éjectée hors de la pièce avec grand fracas.
Le silence survint tandis que la double sortait de sa cachette, médusée par l'action. Jetant un coup d’œil vers l'autre française, elle se rendit compte que celle-ci la dévisageait en secouant légèrement la tête, toujours en colère et déçue.

La tranquillité ne resta cependant pas longtemps, le vacarme attirant les autres journalistes qui étaient en réunion. Si la plus steampunk des deux s'avança dans le couloir pour les attendre, prête à profiter de leur présence pour se mettre en valeur, la première préféra s'éclipser et passa par la fenêtre abimée, rejoignant avec habilité l'escalier de secours, positionné à une fenêtre d'elle. Elle dévala les marches et avant que quiconque ne se penche pour voir l'étendu des dégâts, elle avait déjà quitté la ruelle, notant tout de même avec inquiétude que le cadavre de l'imprimante n'était pas en vue.

Tout comme le Journal, la ville avait radicalement changé. Des infrastructures inédites, des grues un peu partout, énormément de vapeur sombres s'élevant dans le ciel et même des dirigeables métalliques agrémentaient le paysage. Cette capitale qu'elle connaissait pourtant très bien était devenue une terre inconnue avec des autochtones excentriques. Le style vestimentaire ressemblait au victorien mais modifié, allant avec le décors. Valentine se rassura en réalisant que sa tenue qu'elle pensait mal accordée, allait parfaitement avec l'endroit, si ce n'était qu'elle n'avait pas d'accessoires étranges.

En pensant à cela, la jeune femme se souvint d'un styliste et couturier qui serait le mieux placé pour l'aider à passer inaperçu et enclin à l'écouter sans trouver son histoire farfelue.
Ayant un objectif, elle reprit un peu de courage et s'élança dans Paris parmi les bruits et les machines inconnues.
Un peu inquiète de voir d'autres objets autonomes se mouvoir librement dans la ville, elle esquivait soigneusement les zones trop peuplées et restait dissimulée patiemment jusqu'à ce que sa route se dégage.
Ce fut d'ailleurs durant ces moments d'attentes que la demoiselle rencontra Arthur.
Un homme assez grand, avec une carrure musclée, la mâchoire carrée avec une fossette au menton et une chevelure blonde au brushing parfait. Il faisait un peu tâche dans le décor et pourtant il savait y vivre sans soucis... ou presque.

Quand il s'approcha de Valentine en se raclant la gorge, attirant son attention, la première chose qu'elle remarqua fut les nombreuses tâches noires qui décoraient ses vêtements et son visage.
Mais cela ne sembla pas la raison de sa venue, tendant une gavroche sombre et vieillit par le temps. Elle reconnu immédiatement la casquette de son père et jeta un coup d’œil dans son sac où, effectivement, l'accessoire brillait par son absence.


"Bonjour, jeune demoiselle ! Je vous ai vu perdre ceci tout à l'heure et c'est au nom de la justice que je me suis empressé de vous la rendre avant qu'elle ne soit perdue ou volée !"

"Oh ! Je vous remercie, je ne m'en étais pas rendu compte. Où l'ai-je perdu ?"

"Quand vous avez sauté de la fenêtre je crois..."

Valentine se crispa et jeta un coup d’œil autour d'elle, nerveusement.


"Vous m'avez vu... Vous êtes du journal ?"

"Hum ? Que nenni très chère ! En réalité c'est une histoire folle ! Je visitais la capitale et je crois que je me suis égaré dans une ruelle par mégarde. Au moment où j'en voyais enfin la sortie, un bruit m'a fait sursauter, j'ai levé les yeux et j'ai aperçu une étrange imprimante qui m'ait tombé dessus ! J'ai l'habitude de me prendre des bosses, voyez vous je suis très maladroit, donc je me suis redressé rapidement et sans que je n'en saisisse la raison, cette machine m'a attaqué et me crachant dessus ! J'ai réussi à esquiver in-extremis, mais j'ai quand même reçu des éclaboussures partout sur ma belle tenue. J'ai bien tenté de la raisonner et de la calmer alors qu'elle cherchait à me combattre, mais j'ai malencontreusement fait cela à proximité de la route et elle a finit en miettes sous un véhicule... qui n'a même pas freiné, le gredin ! Quoi qu'il en soit, quand j'ai jeté un coup d’œil vers la ruelle pour m'assurer que je n'avais rien perdu dans la bataille, j'ai aperçu ce chapeau qui tombait et je vous ai vu accroché au bord de la fenêtre. Vous m'avez fait une sacré frayeur, j'ai bien cru que vous alliez vous aussi choir. Fort heureusement, vous êtes très agile ! J'ai voulu vous prévenir pour l'objet, mais avec le bruit ambiant vous ne m'avez guère entendu, je le crains. Et c'est donc au nom de la justice que je me suis donné pour mission de vous le rendre !"

" .... Vous êtes une sorte de justicier qui a la guigne, c'est ça ?"

"Hahaha !... euh hum... on peut dire ça comme ça ... J'essaye de vous rattraper depuis tout à l'heure mais vous êtes fort rapide et l'endroit est bien trop bondé pour que je puisse vous suivre sans incidents, désolé de ne pouvoir vous rejoindre que maintenant. Je vous observe, j'ai pu voir que certaines machines avaient manqué de vous heurter, vous aussi. Vous semblez en grande difficulté, Miss ! Oh ! Vous aussi vous êtes malchanceuse ?!"

La rouquine le dévisagea un long moment en silence, essayant de savoir s'il ne jouait pas la comédie mais finit par se rassurer, réalisant qu'il était au contraire très démonstratif et n'avait aucunes arrières pensées. Elle lui sourit, rangeant son couvre chef et secoua légèrement la tête pour le rassurer.

"Il est vrai que j'attire les ennuis. Mais soyez sans crainte, j'ai l'habitude, ce n'est pas cela qui va me faire peur. Je vous en suis sincèrement reconnaissante pour votre geste, je tiens beaucoup à cet objet, il appartient à mon père... Monsieur ?"

"Arthur !"

"Monsieur Arthur. Moi c'est Valentine. Encore merci."

Elle le salua et, profitant que l'endroit soit enfin libéré, elle prit congé et continua rapidement sa route, courant presque pour atteindre la boutique de prêt à porter de Bastian. Malheureusement pour elle, celle-ci était fermée et depuis quelques temps déjà.
Déprimée, la journaliste continua sa route, cette fois-ci sans but précis, ne sachant plus quoi faire. Devait-elle jeter un coup d’œil au Lost ? Il ne valait mieux pas, personne ne devait la connaître et la dernière chose dont elle avait besoin c'était de se mettre à dos des non humains.

Elle s'avança jusqu'à une place, la tête ailleurs. Comment sortir d'ici ? Ou plutôt, comment rentrer chez elle ?!
Un bruit sourd, tel un grondement, attira son attention, lui faisant tourner la tête, oubliant de regarder devant elle et ce qui avait pu être évité se produisit: elle percuta quelqu'un.
S'excusant immédiatement et la sortant de ses pensées, elle se tourna vers l'individu, rassurée de constater qu'il ne s'agissait pas d'une machine. Mais quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit le visage de l'homme, le reconnaissant entre milles.


"Ephraïm ?!"

Son ami d'enfance en chair et en os se trouvait devant elle et la regardait, un peu surprit par la situation. Il ne portait rien d'inédit et avait toujours sa tenue habituelle de grand voyageur. Il n'avait juste qu'une paire de lunettes du style locale posée sur son bandeau, toujours là et maintenant ses longs cheveux. Non, il était parfaitement identique. Mais était-ce le vrai ou son sosie ?
Son cœur s'emballa quand il prit la parole, appréhendant sa réaction.


"Val ? .... Qu'est-ce que tu préfères : La construction de machines déplaisantes à cause de ce monde étrange ou le paranormal grâce à un fantastique, hilarant et non moins magnifique Croque-mitaine ?"

"Le deuxième choix, sans hésiter ! Même si question humour, c'est encore à débattre ! Oh Eph, je suis si heureuse de te voir !"

Soulagée comme jamais, la jeune femme plongea dans les bras de son meilleur ami, laissant la pression s'évacuer. Des larmes brulantes coulèrent sur ses joues, la ramenant vers une réalité bien triste: elle ne pouvait pas rester seule et encore moins dans ce genre de situation. Son compagnon la laissa faire, lui caressant doucement les cheveux dans un geste protecteur afin la réconforter.
Quand enfin elle se calma, elle recula et s'essuya honteusement les yeux de sa manche.


"Toi aussi tu t'es soudain retrouvé ici sans raison ?"

"Effectivement. J'ai eu pas mal de mésaventures avec un espèce de distributeur de boissons fraiches qui a essayé de me dégommer avec les bouteilles qu'il transportait, mais j'ai réussi à le faire tomber dans la Seine. Toutes machines ici cherchent plus ou moins ma mort j'ai l'impression."

"M'en parle pas, j'avais droit à une imprimante qui me lançait des jets d'encre brulants et des feuilles tranchantes comme des shurikens ! Elle est passée par la fenêtre et apparemment s'est retrouvée en pièces détachées sous un véhicule. Le monde est fou, j'ai même croisé mon double d'ici... C'est une peureuse, je suis très déçue."

"Oui je sais, je l'ai entre-aperçu en arrivant, j'étais pas loin du journal je l'ai croisé dans la rue elle m'a lancé un regard effrayé quand je me suis approché. Je n'ai pas vu mon double en revanche... J'étais dans une ruelle mal famée... Si ça se trouve il venait de partir, ou il est mort là-bas."

Il haussa les épaules, comme si cette hypothèse ne l’intéressait aucunement. Il sourit à son amie, tout aussi content qu'elle de retrouver un visage familier et en qui il pouvait avoir confiance.
Il lui avoua qu'il était dans les parages dans l'intention d'aller voir le démon couturier, ce qui amusa légèrement Valentine, découvrant qu'ils avaient eu la même idée, hélas en vain.


"Pas en vain, ma belle. On s'est retrouvé, non ?"

"C'est vrai oui !"

"Hu-hum, excusez moi..."

"Arthur ?!"

Le justicier malchanceux s'avança timidement vers eux, comme craignant de rompre un échange précieux et toussa, gêné, s'excusant encore une fois de son intervention.
La jeune femme se tourna vers lui, se demandant pourquoi était-il toujours là. Il avoua qu'il s'était à nouveau égaré et s'était retrouvé sur cette place. L'apercevant plus loin, il s'était approché pour requérir son aide.
Reconnaissante pour son aide, elle acquiesça gentiment, allant pour le diriger quand le grondement qu'elle avait déjà entendu précédemment se reproduisit plus fort et bien plus près... même beaucoup trop.

Ils réagirent comme un seul homme, cherchant l'origine qui finalement n'était pas si loin que cela malgré l'absence de machines autour d'eux. Une ombre suspecte les recouvra entièrement. Ephraïm fut le premier à s'en apercevoir et sauva in extremis les deux autres en les poussant, une énorme boule en métal atterrissant sur eux pour les écraser.


"Oula, qu'est-ce que c'est ?!"

"Une grue !"

"Avec une boule de démolition accrochée dessus... On dirait que le niveau de nos adversaires s'est fortement intensifié."

"Ce n'est pas drôle, Eph !"

La boule se souleva et se mise à se balancer dangereusement vers eux, prenant de plus en plus d'élan. Ils devaient fuir au plus vite avant de finir en purée comme feu l'imprimante mal élevée.
Mais contre toute attente, Arthur se plaça devant, prenant une posture de super héros et leva la main pour faire signe à la boule d'arrêter.


"Au Nom de la Justice je vous demande de cessez toute hostilité ! Ne pouvons nous pas régler ce conflit en discutant devant un tasse de thé comme des personnes civilisées ?"

"Arthur, non !"

Sans que les deux compères ne puissent faire quoi que se soit, la boule continua sa route et percuta le pauvre justicier. Si Valentine voulu accourir pour l'aider, le croque-mitaine préféra assurer leur protection et l'attrapa par le poignet, la forçant à courir le plus vite et le plus loin possible.
Ils dévalèrent la rue rapidement, la boule semblant les suivre, n'hésitant pas à percuter les bâtiments qui gênaient le passage.
Ils tournèrent dans un carrefour juste à temps pour esquiver une attaque, voyant l'énorme balle de métal passer à quelques centimètres d'eux... Laissant derrière elle un cri étrange.
Prenant le temps de reprendre leur souffle, ils distinguèrent alors avec surprise que Arthur s'était accroché au câble et était assit dessus, se faisant balader malgré lui. Il ne manquait plus qu'une musique particulière en fond et l'image s'avérait des plus mémorables.
Si la situation n'était pas aussi grave, Valentine aurait volontiers éclaté de rire. Suivant du regard la rue qu'ils avaient emprunté, elle aperçu de la végétation et eu une idée.


"Un parc ... Allons nous réfugier là-bas !"

"Tu en es sûre ?"

"Non, mais c'est la seule idée qui me vient."

"Ouargh ! Oh, rebonjour !"

"Vite avant qu'elle change de trajectoire !"

Arthur ayant réussi à tomber non loin d'eux au retour de la boule, ils l'aidèrent à se redresser et se dirigèrent jusqu'au parc en sprintant.
Ils y entrèrent sans freiner et s'aventurèrent hors des sentiers, plongeant dans la forêt.
La jeune femme repéra un chêne massif et fit signe aux hommes de monter sur ses branches sans discuter. Ils s'y attelèrent plus ou moins facilement et la demoiselle les rejoignit agilement malgré sa jupe et ses talons, s'installant près d'eux.
Ils purent ainsi souffler jusqu'à ce qu'Ephraïm leur intima le silence.
Des étranges petites machines à roulettes passèrent en contrebas, semblant chercher quelque chose, mais ne s'arrêtèrent pas, continuant leur route.
En se issant en plus en hauteur, le légendaire put les voir ressortir rapidement du parc et s'éloigner dans la ville.


"Bien vu..."

"De la chance... Arthur rien de cassé ? Vous saignez..."

"Oh que de légères égratignures, j'ai l'habitude... En revanche je crois que j'ai déchiré l'arrière de mon pantalon, c'est assez gênant..."

Valentine ne pu retenir un fou rire devant l'expression dépitée de l'homme et fouilla dans son sac, sortant ses deux nécessaires indispensables.

"Je vais me mettre sur la branche de l'autre côté de l'arbre pour respecter votre intimité, vous allez retirer votre pantalon et me le passer, je vais recoudre, ça sera vite réglé. Eph, je te laisse désinfecter ses blessures ? ... Et vérifier qu'il ne tombe pas de la branche ?"

Son meilleur ami revint près d'eux et hocha la tête, un sourire amusé sur les lèvres.
Ils se placèrent confortablement sur leurs perchoirs respectifs, Arthur se mettant alors à conter ses nombreuses aventures, débordantes de maladresses, avec fierté, tandis que la jeune femme l'écoutait en riant aux éclats. S'ils n'étaient pas encore sortit d'affaires, au moins avaient ils trouvés un abri pour se reposer, aussi rudimentaire qu'il soit...


[voilà ! Bon, désolé je trouve que ça manque de piment mais je manquais cruellement d'idées et la date limite arrivant, j'ai fait au plus court/simple. Pour Ephraïm, si jamais le fait qu'il vient de même monde que Val dérange, je l'enverrais faire son 'épreuve' dans son coin comme un grand.
Edit: ... first ? XD]
Dolores Keller
Dolores Keller

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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeDim 31 Juil - 11:18

- Merchi M'dame Keller !
- Merci encore Docteur, nous reviendrons la semaine prochaine comme prévu.
- C'est entendu, et la prochaine fois petit Pierre, n'essaye pas de manger le chien du voisin !
- Voui !

C'est après avoir fermé la porte du cabinet derrière que Dolores s'effondra sur son tabouret à roulette nouvellement acheté (l'autre avait été malencontreusement plié en deux par un patient) et roula jusqu'à la fenêtre contre laquelle elle s'adossa en soupirant. Il faut dire que s'occuper d'enfants ogre, ce n'est pas une mince affaire, surtout lorsqu'ils attrapent des caries.

- La prochaine fois Adam vous essaierez de le divertir pendant que je m'occuperai de ses dents ! Fit-elle à voix haute, à destination de son assistant qui sortait du bureau à l'arrière du cabinet tout en contemplant l'air intimidé le reste de gant que le petit ogre avait épargné, l'autre morceau se trouvant déjà dans son gosier.
- V-Vous pensez qu'il aime les marionnettes ?
- Oooh bonne idée ! Peut-être que Lisette pourrait nous en faire ? Une chance que vous ayez retiré votre main au bon moment, autrement il aurait été difficile de jouer avec…
- Je c-crois que j'ai commencé à m'y habituer.

Dolores se contenta de répondre par un sourire satisfait et une tape sur l'épaule du jeune infirmier avant d'entrer à son tour dans son bureau. Yvonne l'y accueillit par un petit aboiement avant de sortir à toute vitesse rejoindre Adam qui poussa un cri de surprise en manquant de trébucher sur le drôle de chat. La doctoresse plongea ses mains dans la paperasse et les bocaux qui jonchaient son bureau, à la recherche de son petit agenda, puis s'adressa à Adam qui redressait les affaires bousculées par le terrible petit ogre pendant que Dolores lui courait après pour l'attraper.

- Je devrai peut être refaire le plein de grillons séchés, les enfants les adorent.
- Vous v-voulez que je passe chez Aiko ?
- … Vu que la sorcière de la rue d'en face est absente, on n'a pas trop le choix.

L'homonculus mit enfin la main sur son carnet et s'empressa de l'ouvrir avant de se diriger vers la sortie du bureau pour récupérer son crayon qu'elle avait laissé sur sa table d'auscultation. Sans regarder où elle mettait les pieds, Dolores avança machinalement en feuilletant les pages de son petit cahier et s'exclama :

- Dans une demi-heure Monsieur Napolito devrait arriver pour faire retirer ses bandages, vous pouvez aller demander un petit thé à Louise d'ici là ? Il arrive souvent en retard à cause de sa femme qui le rejoint en sortant du travail… Adam vous entendez ces cliquetis ? Avez-vous acheté une montre dernièrement ? Il faudrait la répa-… Adam ?

Dolores leva les yeux vers son assistant qui regardait par la fenêtre du cabinet sans un mot. Le jeune homme se redressa, accompagné par une multitude de petits cliquetis, puis se tourna vers la doctoresse dans un mouvement étrangement mécanique. Le visage dissimulé par l'ombre provoquée par la lumière extérieure, il s'avança d'un pas lourd puis resta immobile quelques secondes. Un léger tremblement sembla alors parcourir son corps avant qu'il ne se mette à bouger les bras de manière un peu plus humaine cette fois.

- J-Je n'ai pas de montre, D-Docteur. *clic* P-Pourquoi me regardez-vous a-avec ces yeux ?

Les yeux ronds, le visage figé, Dolores resta pétrifiée face au drôle d'Adam qui se tenait devant elle. Le visage couvert de rouages et de plaques métalliques, avec deux lampes carrées bleues faisant office de yeux, Adam pencha la tête, accompagné par de légers claquements mécaniques, puis se redressa, comme pour attendre une réaction de sa patronne. Mais celle-ci ne bougea pas et continua de fixer le Adam en métal qui, lui aussi, la regardait sans un mot. Le corps entier de l'assistant était en réalité couvert de rouages, de tubes, de pistons, de plaques et de vis luisantes et cuivrées, le tout recouvert par la même blouse que le Adam humain d'il y a quelques secondes et des vêtement également en tout point identiques. Dolores ne prononça toujours aucun mot et s'approcha de son assistant, l'index tendu, voulant toucher la joue métallique du jeune homme (si on pouvait l'appeler ainsi) qui fit un geste de recul, enclenchant tous les rouages qui constituaient son corps.

- Adam… c'est vraiment vous ?
- D-*clic*Docteur que vous arrive-t-il ?
- Dans une demi-heure Monsieur Napolito devrait arriver pour faire retirer ses bandages, vous pouvez aller demander un petit thé à Louise d'ici là ? Il arrive souvent en retard à cause de sa femme qui le rejoint en sortant du travail et… Euh ?

L'espace d'un instant, la scène entière se figea, comme pour laisser le temps aux trois protagonistes d'enregistrer toutes les informations inédites qu'ils venaient de recevoir. Tandis que Dolores était toujours avec le doigt tendu vers Adam, une autre Dolores venait de sortir du bureau, un petit carnet dans sa main, regardant avec de grands yeux ronds la première Dolores qui la toisait de la même manière. Toutes deux restèrent bouche bée, à se regarder l'une l'autre, sans un mot. Ce fut Adam qui brisa finalement le silence en se reculant de quelques pas de la drôle de Dolores qui cherchait à lui tripoter le visage. Il tressaillit puis s'exprima avec sa voix aux ton humain mais au rythme mécanique.

- D-Doc-*clic*teur, v-vous êtes deux ? Mes périphé-r-riques de vision ont des p-problèmes, j-je crois *toc toc* que je v-vois double.
- Non Adam, vos yeux marchent très bien, car je vois la même chose que vous.

La première Dolores, celle restée au milieu de la pièce, se redressa, tout en fixant de ses gros yeux la seconde Dolores, qui s'approcha de son double avec exactement la même expression. Toutes deux tendirent leur bras droit et visèrent la joue de l'autre avant de la pincer exactement au même moment. Les deux doctoresses restèrent ainsi quelques secondes, à se fixer droit dans les yeux, puis enfin… :

- Ooooooooooooooooooh ! Fit la première Dolores.
- Ooooooooooooooh ! Fit la seconde.
- Ooooooooooooooooooooooh ! Fit la première tout en regardant les jambes de son double.
- Ooooooooooooooooooh ! Répondit la seconde en prenant le bras gauche de son alter-ego.
- Ooooooooooh ! Refit la première, en attrapant le bras libre de la doctoresse qui lui faisait face, se rendant compte qu'il pesait bien plus lourd que le sien.
- Ooooooooooooooh ! Ajouta la dernière, en se rendant compte de la différence entre ses mains et celles de son reflet.

Et cela continua encore plusieurs secondes pendant lesquelles les deux doctoresses pesèrent, comparèrent, étudièrent les différentes parties du corps de son double. Les deux Dolores se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Même visage, même taille, mêmes expressions, mais une chose les démarquait bien clairement. Tandis que la première possédait des bras faits de chair et de sang, la deuxième, elle, exhibait deux bras entièrement mécaniques, recouverts de plaques, d'écrous et de rouages, exactement comme le corps d'Adam qui resta un peu à l'écart, sursautant à chaque nouvelle exclamation de la Dolores qu'il ne connaissait pas. Ce fut donc à la suite de longues minutes de cris enthousiastes et de découvertes inattendues que les deux jeunes femmes se mirent enfin à communiquer avec des mots. Le sujet de discussion vint naturellement se porter sur leurs bras.

- Mon père m'a conçue artificiellement, mais la technologie ne m'ayant pas permis de me développer complètement, je suis née sans bras, et c'est lui qui me les a greffé, il était réparateur de robots.
- Ooooh ! Quel travail ! Je reconnais bien là le travail de mon père ! Enfin, de ton père ! Pour moi c'est un peu la même chose mais le mien était docteur et il m'a faite entier !
- C'est fantastique !
- Formidable !
- Oh et donc lui c'est Ad-4M, mais je l'appelle Adam c'est plus simple.
- Oui j'en ai un aussi !
- Oooooooh ! Et un Manfred aussi ?
- Ouiiiiii !

Les deux doctoresses s'engagèrent alors sur près d'une heure de présentations et de découvertes. Le Manfred de la deuxième Dolores était un pigeon dont la moitié du corps était entièrement mécanique (et celui-là non plus n'était pas très futé), Yvonne était un gros chat quasiment identique à la Yvonne originale, au détail près que celle-ci était complètement muette et avait autour du cou un collier haut-parleur relié à ses cordes vocales, qui, à cause de mauvais réglages, la fait aboyer au lieu de miauler. Enfin, Louise n'était pas un spectre râleur, mais une humaine ayant subi un grave accident de machine à écrire. Afin de la sauver, la machine meurtrière fut greffée à ses jambes, qui, à défaut de pouvoir marcher, sont idéales pour imprimer les factures et les ordonnances. Du fait d'être en fauteuil roulant, elle restait souvent au rez-de-chaussée pour accueillir les patients. Ilana, elle, était une petite poupée mécanique discrète qui fonctionnait uniquement lorsque l'on tournait la clé qui lui était implantée dans le dos.

Le cabinet aussi se démarquait quelque peu de celui de la première Dolores. Si son cabinet d'auscultation et son bureau à elle était rempli de bandages, de produits enfermés dans des bocaux, de fioles et de matériaux difficiles à identifier, celui où elle se trouvait actuellement était recouvert de rouages, de vis, de pièces de métaux et d'ampoules en tout genre. Des tuyaux de cuivre parcouraient les murs et étaient décorés ici et là par des soupapes et des pistons. De petits cadrans ornés d'une aiguille rouge étaient accrochés vers la fenêtre et étaient reliés à tous les tuyaux qui traversaient la pièce par un système de plomberie extrêmement complexe. La deuxième Dolores expliqua qu'elle était réparatrice de robots et qu'on la qualifiait de doctoresse mécanique. Elle réparait et arrangeait une quantité importante d'androïdes et d'engins ménagers au mécanisme complexe. Si les réparateurs étaient assez fréquents à Paris, la deuxième Dolores se démarquait par sa clientèle particulière, car la majorité de ses clients étaient des individus possédant une greffe ou une partie du corps entièrement mécanique, elle aussi, pour suivre les traces de son père.

Les deux doctoresses décidèrent de descendre voir Louise, accompagnées d'Ad-4M, pour discuter autour d'une tasse de thé, ou plutôt pour continuer à discuter, car elles n'avaient pas cessé de parler depuis lors. Le choc pour Louise fut rapidement balayé par le flot interminable de parole qui envahit le rez-de-chaussée (déjà qu'avec une Dolores il est difficile de s'entendre, alors avec deux !) et se résolut à leur servir un thé.

- … Mais dites, vous venez d'où exactement ?
- Qui ?
- Bah vous, la Dolores aux bras normaux.
- Moi ? Je ne sais pas trop, j'étais dans mon bureau puis hop ! Je me suis retrouvée ici.
- A-t-on vraiment besoin d'une explication ? C'est mon doooouble !
- Dois-je m'en réjouir… ?
- Évidemment !
- Évidemment !
- … Oh bon sang.
- Oooooooooh !
- Oooooooooh !
- C'est fantastique !
- Formidable !
- Inouï !
- Fantasmagorique !
- Ooooh j'adore ce mot !
- Ouiii moi aussi !

Le dialogue dura encore quelques minutes, au grand dam de Louise puis appuya son front contre sa main, les yeux fermés, pour essayer de ne pas faire surchauffer sa partie mécanique. Ad-4M resta silencieux, sursautant toujours à chaque nouvelle prise de parole de la première Dolores.

- D-Docteur, v-votre thé *clac* va refroidir…
- C'est vrai, je parle et j'oublie de boire.
- Ah, je parle et j'oublie de boire c'est pour ça.
- Oooooooooh !
- Oooooooooh !
- Bon ça suffit ! On va d'abord trouver un moyen de vous différencier autrement je vais devenir folle. Vos bras suffisent mais vous avez le même nom, cela va vite devenir compliqué…

Les deux Dolores se levèrent alors de leur chaise, la même mine réjouie, puis se tendirent la main, comme pour se présenter.

- Je pense que les noms sont déjà choisis.
- Je ne peux pas mieux le dire !
- Docteur Kellerstein, enchantée !
- MechaDotty, de même !
- … Kellerstein et MechaDotty… *soupire*

Les doctoresses mirent alors leurs mains sur leurs hanches et rirent ensemble pour se féliciter de leurs nouveaux noms. Ad-4M resta perplexe quelques secondes avant d'enregistrer cette nouvelle information puis s'éloigna vers la fenêtre tandis que les deux Dolores continuèrent de discuter de leur vie respective. On toqua alors à la porte, et ce fut le robot assistant qui vint ouvrir, les deux doctoresses étant trop occupées à comparer la taille de leurs doigts pour l'entendre. Il revint quelques secondes plus tard et s'exprima enfin après un drôle de tressaillement.

- D-Docteur ? *bzzzit*
- Oui ?
- Oui ?
- P-Pardon, Docteur M-MechaDotty ?
- Ooh c'est moi ! Oui Adam ?
- L-Le robot r-réfrigérant est *biip* arrivé.
- Fantastique ! Fit-elle en tapant des mains. Venez Kellerstein, je vais vous montrer ma nouvelle acquisition.

Les deux doctoresses se rendirent à l'entrée du cabinet, où un énorme bloc rectangulaire noir reposait en silence, accompagné par un postier (en chair et en os lui) qui salua avec sa casquette en cuir avant de s'éloigner sur un étrange vélo à vapeur. MechaDotty s'approcha de l'imposant cube de près d'un mètre cinquante de haut et le parcourut du bout du doigt. Enfin, elle afficha un sourire de satisfaction et enfonça un petit bouton avec son index. À peine fut-il actionné que deux cylindres articulés mécaniques sortirent de dessous et le firent se lever. De même, deux cylindres faisant sans doute office de bras sortirent à leur tour. Un petit dôme s'extirpa enfin avec un nuage de vapeur du haut du cube, orné de deux lampes rondes et blanches semblables aux yeux d'Adam. Un puissant jet vaporeux fut alors projeté autour du robot qui finalement se redressa sans un mot.

- Pour garder certains produits au frais j'ai trouvé ce sympathique robot qui est capable de conserver au froid ce que je mets dans son ventre. Bonjour Free-GO !
- BON-JOUR. *Pssssssccchhht*
- Oooooh il parle !
- Comme il crache beaucoup de vapeurs je ne sais pas vraiment où je vais le mettre… Il est rigolo hein ? Allez, rentre Free-GO, on va te trouver un endroit sympathique.
- ENT-EN-DU. *Psscchoooooou*

L'imposant robot rectangulaire pénétra dans la maison, suivi de MechaDotty, tandis que Kellerstein, elle, était restée un peu à l'écart pour contempler le ciel du nouveau monde dans lequel elle se trouvait. En effet celui-ci se démarquait de loin de celui qu'elle avait pris pour habitude de voir. Au-dessus des toitures de Paris volaient une multitude d'engins à hélices. Certains étaient petits et faisaient la taille d'un cab, d'autres étaient bien plus volumineux et volaient bien au-dessus de la Tour Eiffel, qui, malgré le changement de paysage, n'avait, elle, pas vraiment changé. Une multitude de tuyaux et d'engins mécaniques parcouraient les murs et les pavés de la capitale, des nuages de vapeur s'échappaient de certaine maison comme de la simple fumée s'échapperait d'une cheminée. On entendait en permanence des cliquetis, des sons mécaniques mêlés aux roucoulement des pigeons, qui eux étaient entièrement faits de plumes. On aurait cru se trouver au centre d'une gigantesque horloge, dont les rouages et les mécanismes tournaient et s'enclenchaient sans interruption. Finalement, Kellerstein rajusta ses lunettes et retourna dans la maison de MechaDotty, trop amusée par la situation pour se préoccuper des raisons qui l'ont conduite ici.
À l'intérieur de la cuisine, Free-GO, comme l'indiquait le matricule gravé au niveau de ce que l'on pourrait considérer être son buste, s'était installé au fond de la pièce près d'une petite fenêtre, tandis que MechaDotty restait immobile, songeuse, face à l'imposant robot.

- Que se passe-t-il ?
- Je l'ignore, il s'est installé ici et n'a plus bougé.
- Comment fonctionne-t-il exactement ?
- Et bien on ouvre ici, elle ouvrit la face avant du robot, et on pose à l'intérieur les objets qui doivent rester au froid.
- Oooh fascinant ! Comment est-ce que le froid est généré ? Avec de l'azote ?

Kellerstein avança sa tête vers le robot puis entra une partie de son corps dans le coffre réfrigérant de l'androïde rectangulaire. Elle tâta les parois avec ses mains et découvrit plusieurs orifices de tuyaux disséminés un peu partout dans l'intérieur du corps du robot. Elle s'avança encore un peu et trouva ce qui semblait être un petit interrupteur recouvert de givre. Pensant qu'appuyer dessus réveillerait le robot, elle s'apprêta à l'actionner lorsqu'elle fut violemment tirée en arrière par le col de sa blouse. La doctoresse tomba à la renverse et découvrit à l'endroit même où elle se trouvait une seconde plus tôt l'imposant bras cylindrique de Free-GO, profondément enfoncé dans le parquet du cabinet. Le robot le retira alors et se redressa avant de faire face à Kellerstein, que MechaDotty venait de sauver in-extremis.

- Qu'est-ce qu'il lui prend ?!
- Je ne sais pas !

Le robot fit lentement tourner sa tête en forme de dôme puis fixa son regard sur l'homonculus. La lumière de ses yeux vira brusquement au rouge, suivi par son bras qui se plaça face au visage de la doctoresse. Celle-ci se releva avec l'aide de son alter-ego et se recula de quelques pas, tandis que Free-GO fit ressortir ses jambes de sous son large corps et commença à s'approcher de sa cible.

- J'ai fait quelque chose de mal ?
- Il n'y a rien à craindre, ce robot n'a pas été conçu pour être violent ! J'avais même demandé à ce qu'il fasse des blagues !
- Quelle excellente idée !
- Oui hein !
- Qu'est-ce qu'il se passe ici !? Je m'absente deux secondes et… Woh qu'est-ce qu'il a celui-là ?!
- Attention Louise !

Le robot réfrigérant se tourna vers la machine à écrire ambulante et la fixa quelques secondes. Puis il se tourna à nouveau vers Kellerstein et arma son deuxième bras.

- Il m'a ignoré !
- Je crois qu'il m'en veut ~
- Encore une fois, il n'y a rien à… craindre ?

Comme pour répondre aux inquiétudes de MechaDotty, le robot leva ses deux bras cylindriques et fit surgir hors de son corps cubique deux nouveaux bras semblables à d'énormes tuyaux. Il visa alors Kellerstein et arma ses bras avant de tirer d'énormes glaçons sur la doctoresse qui les évita de justesse. Les pavés de glace vinrent s'écraser dans le mur qui se trouvait derrière elle et le traversèrent de part en part, brisant les tuyaux de vapeur qui s'étendaient à l'intérieur. Un épais nuage de vapeur se dégagea du mur et avala les deux Dolores qui en profitèrent pour s'éloigner du robot tueur.

- On va monter ! J'ai des outils dans mon bureau qui pourraient nous aider !
- Je pensais exactement à la même chose !

Un faisceau de lumière vint alors transpercer le nuage de fumée et attira l'attention des doctoresses qui aperçurent Ad-4M sur les escalier qui les invita à le suivre. Le trio monta donc les escaliers et se réfugia dans le cabinet d'auscultation avant de fermer et verrouiller la porte, en espérant que Free-GO ne viendrait pas la défoncer. Ad-4M resta près de la porte pour faire le guet tandis que les deux Dolores se dirigèrent droit vers le bureau pour y trouver de quoi calmer le robot fou. MechaDotty plongea ses mains dans le tas d'outils et d'objets mécaniques qui ornait son bureau, aidée de Kellerstein qui elle ouvrait les tiroirs et cherchait quelque chose susceptible d'être utile.

- D-Docteur !
- Oui ?
- Oui ?

Les deux doctoresses se firent un signe de la main.

- I-Il ne peut *clic clic* pas monter ! Il est t-trop lourd !
- Fantastique ! Cela nous fera gagner du temps.
- Ooooooh ! C'est tout mou ça ! C'est rigolo !
- Ouiiiii et regarde secoue-le !
*sbuibuibuibuibui !*
- Ooooooooooh !
- C'est trop chouette hein ? Je sais même pas à quoi ça sert !
*sbuibuibuibuibui !*
- J'adooore !
- D-Docteur !
- Oui ?
- Oui ?
- Le r-robot est…

Une puissante secousse vint interrompre le pauvre Ad-4M qui s'accrocha au cadre de la porte pour ne pas perdre l'équilibre. Kellerstein se tourna vers la fenêtre du bureau et découvrit avec stupeur que la tête de Free-GO se trouvait juste derrière la vitre. Un de ses bras se tourna dans sa direction et projeta une puissante salve de blocs de glace que Dolores évita de justesse en se baissant. Le mur auquel MechaDotty faisait face explosa dans une gerbe d'éclats de bois et de poussière, la projetant en arrière avant d'être rattrapée par Kellerstein.

- Mais qu'est-ce qu'il me veut ? Je l'aime bien moi !
- Je ne sais pas il doit avoir un problème avec ses circuits ! On redescend !

Les deux comparses sortirent à toute vitesse du bureau avant de que nouveaux glaçons géants vinrent détruire ce qui restait des meubles et des murs et se préparèrent à reprendre les escaliers lorsque la porte du cabinet se referma face à elles. Ad-4M, la main sur la porte, se tint immobile quelques secondes, avant de lever la tête, dévoilant ses yeux rouges.

- A… Adam ?
- …
- Il n'y a rien à craindre, ce n'est qu'Adam.
- Oui c'est vrai. Allez Adam, laissez-nous sortir.

L'assistant mécanique se redressa doucement et adopta brusquement une posture de combat avant de faire surgir de son corps d'acier une multitude de lames aiguisées.

- Adaaam, vous allez vous coupeeer !
- Il peut pleurer le tien ? Nuuuuuiiyaaaaah !

L'une des lames de l'androïde effleura de quelques millimètres le visage de Kellerstein qui eut le bon réflexe de reculer son visage avant qu'il ne se fasse couper en deux. Ad-4M exécuta alors une pirouette arrière et vint s'accroupir sur la table d'auscultation, près à un nouvel assaut. De l'autre côté, Free-GO tira une nouvelle salve glacée qui explosa complètement le parquet où se trouvaient les deux Dolores avant que la plus mécanique des deux vint à sauter par la fenêtre en tirant son alter-ego par le bras. Dans la chute, MechaDotty tendit son bras libre vers le sol et actionna un mécanisme qui enclencha un réacteur suffisamment puissant pour amortir l'impact. Une fois sur le sol, les deux doctoresses se relevèrent, l'une replia son bras pour laisser s'échapper un léger nuage de vapeur avant de lever la tête pour apercevoir les deux robots tueur dans les airs à leur tour. Les Dolores esquivèrent la chute des deux tueurs mécaniques et s'éloignèrent de quelques mètres, tandis que Free-GO se décoinçait du sol dans lequel il venait de s'enfoncer.

- Un Adam tueur et une brique qui crache des glaçons ! C'est…
- Un truc de malade !
- Ouiiiii !
- Arrêtez vos âneries ! On bouge !

Louise, qui s'était extirpée du rez-de-chaussée, venait de rejoindre à toute vitesse sa patronne, avec accrochée à son fauteuil la cage de Manfred et sur ses genoux Ilana et Yvonne, dont l'expression de panique indiquait avec précision son état d'esprit actuel.

- Wouf. (Oui bon, le collier s'est un peu déréglé, mais elle était vraiment paniquée !)
- Et on va où du coup ?
- On court ! Et Louise elle roule !
- Non non, c'est clair qu'ils en veulent à D… Kellerstein, moi je vais chez Ed me mettre à l'abri avec ces trois là, vous essayez de vous cacher quelque part !

Sans demander son reste, Louise enclencha une nouvelle vitesse sur son fauteuil et quitta le duo dans un nuage de vapeur et un dérapage parfaitement contrôlé. Plus loin, Ad-4M arma ses lames et fondit sur Kellerstein à une vitesse inimaginable, entouré de blocs de glace mortels qui vinrent exploser les murs de brique et les pavés qu'ils rencontrèrent. MechaDotty se plaça devant Kellerstein et arma à son tour ses bras mécaniques avant d'enclencher une série de rouages et de mécanismes qui fut suivie par le tir de petites fusées qui explosèrent aux pieds de l'assistant psychopathe, le stoppant dans sa course.

- C'est TROP classe ! Je veux faire pareil !
- C'est chouette hein ? Ça fait toujours son petit effet !
- OU-VER-TURE ! BAC-À-GLA-ÇONS !

Tandis que les Dolores se félicitaient mutuellement, Free-GO ouvrit une partie de son corps cubique et projeta en un instant une immense vague de glaçons destructeurs qui vinrent s'abattre lourdement sur le sol. Les doctoresses s'enfuirent à nouveau et s'engagèrent dans une petite ruelle dans l'espoir d'éviter la terrible grêle qui régnait dans la rue adjacente. Malheureusement, Ad-4M s'invita à son tour dans la petite rue et aiguisa ses lames tout en s'approchant de Kellerstein qui recula d'un pas à chaque nouveau pas du robot assistant.

- Adaaaam, je sais que je n'ai pas été très gentille avec vous des fois mais quand même !
- Ah toi non plus ?
- Bah non… Mais de là à me découper en rondelle !
- Il faut *clic* c-capturer *dzzzit* le double…
- Me capturer ? Mais…

Sans qu'elle n'eut le temps de répondre, Ad-4M se précipita vers elle et s'apprêta à abaisser ses lames sur l'homonculus, mais fut surpris de les voir se briser au lieu de s'enfoncer dans le corps de la doctoresse. Celle-ci en effet avait tout juste eu le temps de toucher le mur de pierre à sa gauche, lui permettant de durcir considérablement ses bras. Kellerstein en profita pour saisir l'un des bras de l'assistant mécanique et le projeta de toutes ses forces contre le sol afin de l'immobiliser.

- Je ne pensais jamais vous faire ça un jour Adam, mais aujourd'hui c'est un cas de force majeur !
- Ooooh tes bras !
- Je peux pas tirer des fusées, mais je peux faire ça !
- C'est TROP classe ! Je veux faire pareil !
- C'est chouette hein ? Ça fait toujours son petit effet chez moi aussi !
- D-D-Dzzz *tzong* D-Dooocteur ?
- Oooooh Adam vous êtes de retour !
- Capturer…
- … Ah non. On file !

MechaDotty attrapa le bras de Kellerstein et s'engagea plus profondément dans la ruelle tandis qu'Ad-4M se relevait péniblement, certains de ses rouages et articulations ayant sévèrement souffert de la prise de Kellerstein. Cependant Free-GO n'était pas non plus resté immobile, mais étant trop large pour entrer dans la ruelle, il décida plutôt de passer par dessus. C'est avec de larges ailes mécaniques, une multitude d'hélices et deux jambes composées de réacteurs que l'imposant robot s'élança au dessus des toits de Paris pour intercepter les deux Dolores qui n'eurent malheureusement pas eu le temps de quitter la ruelle, car Free-GO venait d'atterrir devant la sortie, l'obstruant complètement.

- C'est qu'il est tenace le bougre !
- JE-SUIS-BOU-GRE-MENT-TE-NACE !
- …
- …
- Il vient de faire un jeu de mot là ?
- HUE-HUE-HUE-HUE !
- Et il rigole à sa propre blague maintenant…
- Faut admettre qu'elle était pas si mal.
- IN-I-TIA-TION-DE-LA-CAP-TURE ! A-CCU-MU-LA-TION !

Le coffre de Free-GO s'ouvrit alors, dévoilant une imposante turbine qui étrangement n'était pas là lorsque Kellerstein l'avait inspecté plusieurs minutes auparavant. La turbine se mit à tourner de plus en plus vite, créant un courant aspirant de plus en plus puissant. Si d'abord les deux Dolores purent tenir bon, certaines briques et autres tuyaux ne purent résister très longtemps et finirent par se faire aspirer par le robot démoniaque qui augmenta encore davantage la puissance d'aspiration. Kellerstein alourdit son corps le plus possible mais commença malgré elle à être attirée en direction de Free-GO. MechaDotty lui attrapa le bras et la tira vers elle avant de lancer une petite fusée en direction de l'androïde rectangulaire. Le rocket se fit avaler par la turbine puis explosa subitement, coupant immédiatement le courant aspirant. Free-GO referma la porte de son coffre refroidissant et laissa s'échapper des légères volutes de fumée noire avant d'armer à nouveau ses bras canons pour tirer de nouvelles salves.

- MechaDotty ! Regarde là-haut !
- Oooh bien vu moi-même ! Attentioooon ! Relâchement de la vapeur !

D'épais nuages de vapeur s'échappèrent des bras de la doctoresse, les faisant disparaître quelques secondes de la vue d'Ad-4M et de Free-GO. Tous deux levèrent la tête, dans l'idée de voir les deux Dolores sortir du nuage par quelconque stratagème, mais les deux jeunes femmes se précipitèrent à toute vitesse en direction du robot réfrigérant, qui, pris de court, ne put réagir suffisamment rapidement et se fit pousser en arrière, permettant aux deux fuyardes de s'extirper de la ruelle dans laquelle elles s'étaient faites piéger.

- JE-N'AI-PAS-DIT-MON-DER-NIER-MOT.

Free-GO utilisa les réacteurs placés dans ses jambes pour glisser sur le dos à toute vitesse en direction des deux Dolores qui esquivèrent par une roulade maladroite sur le côté, avant de s'éloigner encore un peu plus loin pour éviter les dangereux assauts d'Ad-4M qui s'était remis du choc d'auparavant. Après s'être redressé sur ses jambes, Free-GO fit face aux deux Dolores et arma ses canons à glaçon.

- MON-DER-NIER-MOT.
- … Hein ?
- MAIN-TE-NANT-JE-L'AI-DIT.
- Ooh c'était encore une blague !
- HUE-HUE-HUE !
- C'est lourdingue mais ça faut admettre que c'est imaginatif !
- OU-VER-TURE ! BLI-ZZARD-DE-FROST !!

Les portes de son corps rectangulaire s'ouvrirent alors en grand et projetèrent un puissant vent glacial qui gela presque immédiatement tout ce qu'il touchait. Kellerstein et MechaDotty tentèrent de s'éloigner mais furent rapidement bloquées par Ad-4M, ses lames toujours aussi aiguisées.

- Tu peux pas lancer une petite fusée ?!
- Non je n'en ai plus ! Il faut que je me recharge !
- Dans ce cas ! Le tout pour le toooout ! Technique ultiiiiiime !


*sbuibuibuibuibui !*


Le petit objet mou s'agita avec vigueur entre les mains de Kellerstein qui n'avait pu résister à l'envier d'emporter le drôle d'objet avec elle. Et contre toute attente, le vent glacial perdit peu à peu en intensité, jusqu'à même s'arrêter complètement. Les deux Dolores, recouvertes de givre, regardèrent l'imposant robot qui referma ses portes et resta silencieux quelques secondes avant de s'agiter doucement.

- HUE-HUE-HUE-HUE !
- Ça a vraiment marché ?
- Essaye de le secouer encore !
*sbuibuibuibuibui !*
- HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE-HUE !

Tandis que Free-GO continua à rire bêtement, Ad-4M sembla, lui, paralysé par le petit engin que Kellerstein tenait entre ses main. D'imposants nuages de vapeurs s'échappèrent du corps du plus grand robot qui ne s'arrêtait plus de rire tout en s'agitant de gauche à droite, amusé par le son du drôle d'objet.

- Fais une blague !
- J'en cherche une justement !
- Hmmmm…
- Hmmmm…
- Ah !
- C'est évident !
- Eh Free-GO ! Pour un robot réfrigérant…
- Je trouve que tu as du mal à garder ton sang froid !
- HUE-HUE-HUE-HUE-HUE ! HUE-HUE-HUE-HUE-HUE ! THER-MO-STAT-IN-COM-PA-TIBLE ! CHAN-GE-MENT-DE-TEM-PÉ-RA-TURE !

Le robot au sens de l'humour douteux s'agita encore davantage, relâchant de nouveaux jets de vapeur de l'arrière de son corps. Ses bras tournèrent de plus en plus vite, jusqu'à ce que des flammes surgirent des canons qui jusque là ne projetaient que d'immenses glaçons. Une intense chaleur se dégagea du robot qui continuait de rire de plus en plus fort, si bien que des flammes commencèrent à s'échapper du corps entier de l'androïde.

- Finalement ce n'était peut-être pas une si bonne idée !
- Mais maintenant il peut aussi bien refroidir que chauffer ! C'est super pratique !
- Ouiii je me disais la même chose !
- THER-MO-STAT-AU-MAXIMUM ! HUE-HUE-HUE-HUE ! FEEEU !

Les deux Dolores ne s'éternisèrent pas plus longtemps et continuèrent leur fuite, assaillies par des projectiles incandescents et explosifs. Ad-4M, qui n'avait pas lâché l'affaire non plus, profita de sa vitesse pour rattraper les doctoresses mais se heurta à nouveaux aux bras durcis de Kellerstein qui avait eu la bonne idée de garder un gros morceau de brique dans la poche de sa blouse. C'est en comprenant que les robots ne diront jamais leur dernier mot que les Dolores eurent ensemble la même idée. Toutes deux se firent un signe de la tête et s'engouffrèrent dans une nouvelle ruelle, dans laquelle Ad-4M et Free-GO s'engagèrent à leur tour. Au bout, un cul-de-sac, et une Dolores qui était dos au mur, l'autre étant sans doute passée par dessus. La doctoresse à la blouse fit face aux deux robots, la mine légèrement inquiète, et n'eut pour autre solution de laisser se rapprocher les deux androïdes.

- CI-BLE-PRISE-AU-PI-ÈGE.
- Vraiment ?

Les rouages d'Ad-4M claquèrent d'une drôle de manière avant que celui-ci n'attrape le bras de la doctoresse et ne se rende compte qu'il était entièrement composé de vis et de métal. MechaDotty afficha un large sourire, fière de sa tromperie, avant de répondre :

- Elle est sans doute loin maintenant, et je suppose que je ne vous suis d'aucune utilité.

Free-GO relâcha de nouveaux nuages de vapeur avant de s'agiter frénétiquement, baissant la température de son thermostat. Il semblerait que l'humour le fait chauffer et la frustration refroidir. Le corps Ad-4M convulsa dans un concert de cliquetis et de bruits mécaniques avant que celui-ci ne quitte la ruelle à toute vitesse pour essayer de retrouver Kellerstein. Free-GO enclencha quant à lui ses réacteurs et passa au-dessus du mur, dans l'espoir de rattraper la fugitive et de la capturer au plus vite. MechaDotty fit un signe de la main aux deux robots et s'assura bien qu'ils se soient suffisamment éloignés pour se baisser vers le soupirail qui était caché derrière ses jambes.

- C'est bon ils sont partis !
- Quelle idée de génie ! Ma blouse te va comme un gant !
- Oui hein ? Je ne suis pas peu fière de nous ~
- Une chance que j'ai pu ramollir un peu mon corps pour passer là-bas dessous. Par contre pour ressortir…
- Eh vous ! Qu'est-ce que vous faites dans ma cave !?
- Ooh bonjour monsieur ! … Hm ? Monsieur Napolito ?
- Docteur Keller ? Mais-
- Ooooh bonjour Monsieur Napolito ! Je suis là ! Vous pouvez venir m'ouvrir ? Nous allons tout vous expliquer !

Le drôle d'homme se frotta la moustache et se gratta la tête en regardant la Dolores qui était debout dans sa cave et celle dont seule la tête était visible au travers du soupirail. Il rajusta ses bretelles et resta silencieux quelques secondes avant d'acquiescer et de remonter de la cave pour aller ouvrir la porte de sa maison à MechaDotty qui s'était déjà mise devant. Une fois la doctoresse mécanique à l'intérieur, il referma sa porte avec précaution et invita les deux doctoresses à s'installer dans la cuisine pendant qu'il allait informer sa femme de la situation.

- J'espère que Louise a pu trouver refuge au cabaret.
- Oui moi aussi…
*sbuibuibuibuibui !*
- Huhu !
- Huhu !
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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMar 2 Aoû - 1:38

S’il y avait bien une chose qui ravissait plus que tout le petit Reilly O’Brian dans son grand Paris bien aimé, c’était son charmant boulanger, et sa charmante compagne, qui avaient tenaient leur boutique là, au bout de la rue de derrière celle du cabaret, et qui faisaient de leurs mains expertes quelques gourmandises qui valaient aux papilles de ceux qui les goutaient de s’esbaudir de félicité tant la moindre des merveilles de ces commerçants de génie était succulente.
Ah…oui, vraiment, le couturier pouvait admirer la même minutie que lui mettait dans ses confections là, sur les points de crème fouettée qui habillaient l’entre-étage d’une religieuse, sur le joli « bon appétit » de chocolat élégamment déposé sur la parfaite ganache d’un gâteau, ou même sur la fine et précise couche de beurre et de confiture qui coupait un scone en deux. Reilly hocha la tête, approbateur : s’il y avait bien une chose que les anglais avaient faite de bien, c’était les scones. Et le thé. Rien que d’y penser, le petit lorialet sentait son estomac se tordre d’envie.

« Tu as choisi, petit ? »

L’irlandais en pleine rêverie releva des yeux papillonnant de gourmandise vers celle qui, la seule et unique, avait le droit de le méprendre sur son âge. La jeune femme aux cheveux de jais bouclés derrière le comptoir le prenait en effet pour un gamin de douze ans, treize, peut-être, mais ça, si étonnant cela paraissait-il, Reilly n’en avait rien à faire. Pour la simple et bonne raison que, face à tant de sucreries délicieuses et délicates, son côté enfant, de la Lune ou non, ressortait inévitablement.

« Non, j’hésite trop…
Comme à chaque fois. Bon, le temps que tu choisisses, je vais te mettre un pain au chocolat de côté, c’est un cadeau. »

Aimable, douce, et commerçante. Le sourire du petit irlandais s’étendit en guise de merci, plus admiratif encore qu’avant, son visage de poupin couvert d’une mignonnerie inédite dont encore bien peu de personnes avaient pu profiter. Il observa soigneusement la jeune femme tendre le bras pour attraper la viennoiserie convoitée avant de la déposer avec tout autant d’attention dans un petit sachet, alors que sortait de l’arrière boutique, derrière elle, son boulanger de mari qui ne manqua pas de venir saluer Reilly tout en rectifiant sa femme, sa remarque joliment ponctuée d’un accent du sud-ouest prononcé :

« Enfin ma douce, combien de fois dois-je te le répéter ? Ce sont des chocolatines !
- Hubert nous avons déjà parlé de ça, tu sais bien qu’ici c’est pain au chocolat !
- Un pain au chocolat c’est du pain, avec une barre de chocolat dedans.
- Non ça c’est…
- Ah ? Tu as un nom pour ça autre que du pain au chocolat ?
- …J’en trouverai un. On est à Paris mon rossignol, ici c’est pain au chocolat.
- J’insiste, c’est chocolatine ! »

Le petit couturier roula gentiment des yeux, amusé pour la énième fois du combat sans fin des deux amoureux. De ce qu’il avait compris depuis son arrivée en France, le sud préférait chocolatine et le nord pain au chocolat. Pour lui, c’était un débat tout bonnement inutile : que le nom pain au chocolat ou chocolatine, c’était toujours aussi bon.

« Je vais prendre un gâteau avec les fraises aussi s’il vous plaît.
- Un fraisier donc ?
- Oui, voilà, un fraisier, merci. »

Le boulanger et son épouse sourirent en parfaite synchronisation, puis l’un rajouta un petit fraisier au sachet de gourmandises de leur petit client pendant que l’autre lui annonçait le prix du gâteau. Le visage de Reilly prit alors des traits de chaton ravi, ses yeux brillants de hâte, tandis qu’il tendait la monnaie exacte à la jeune femme qui le gratifia d’un sourire bienveillant.

En fait, quand il était arrivé à Paris et qu’il ne maniait pas encore bien cette langue complexe et aussi amusante qu’effrayant qu’était le français, ce jeune couple de boulangers l’avait patiemment et méticuleusement aidé à s’améliorer, prenant à chacune de ses visites le temps de lui demander ce qu’il voulait aujourd’hui, une tarte, un éclair au chocolat, un pain, une baguette… petit à petit, tout le vocabulaire de la boulangerie pâtisserie y était passé, et la méthode avait été plus qu’efficace puisqu’à présent, non seulement Reilly pouvait se vanter de connaître toutes les sortes de pain existantes et de pouvoir les dire d’un accent parfait, mais, en plus, sa curiosité l’avait poussé à tester quelques-unes des bonnes recettes qu’il avait goûtées, et un vrai intérêt pour la pâtisserie était né chez lui.

Enfin ! Il salua prestement le jeune couple, attrapa sa pochette de délices et en sortit la chocolatine- …enfin le pain au chocolat, enfin…rho et puis zut ! Il en sortit donc la viennoiserie chocolatée avant de se retourner vers la porte de la boutique. Aujourd’hui était parfait ! Il s’était réveillé à l’heure, il avait pris un bon petit déjeuner en compagnie de Kaito avant de se mettre au travail, puis il avait terminé cette robe, celle de Rita, sur laquelle ils travaillaient depuis des semaines, et elle était absolument sublime. Puis il avait enfilé sa chemise blanche préférée, et son pantalon de tweed gris préféré, qui lui tombait sur les chevilles mais les couvraient assez pour que ce ne soit pas « indécent », et il avait comme toujours oublié ses chaussures avant de sortir battre le pavé parisien de ses petits pieds nus et immaculés plus si immaculés que ça à présent.

« Au revoir !
- Reviens vite nous voir, demain on prépare des chouquettes ! »

Des chouquettes. Ohlala… Reilly vit un millier d’étoiles parsemer ses jolis yeux bleus, et il adressa un dernier sourire impatient aux commerçants avant de commencer à marcher vers la porte, en plein ravissement. En plus, le soleil qu’il haïssait tant n’avait pour le moment pas montré le bout de son nez, caché derrière quelques nuages, fainéant, de telle sorte que le temps était grisonnant mais tout de même assez lumineux, un tantinet frais mais tout à fait agréable, pour le lorialet qu’il était. C’était d’ailleurs pour cela qu’il avait mis son pantalon en tweed. Quoi de mieux que le tweed pour tenir chaud ? Si ce n’était le cuir, peut être…

Le petit couturier mordit avec entrain dans sa viennoiserie source de discorde linguistique et poussa soigneusement la porte de sa boulangerie préférée. Il plissa les yeux, concentré sur les pavés gris de Paris, en se disant qu’un corset de cuir était peut-être une pièce intéressante à rajouter à un prochain costume. Bien ! Il en parlerait à Kaito dès son retour au cabaret ! Perdu dans ses pensées, c’était en accélérant le pas qu’il commença à réfléchir, seul, et à haute voix dans la ville qu’il connaissait si bien qu’il n’avait même pas à regardait devant lui quand il s’y déplaçait.

« Un corset en cuir…Je me demande ce que ça donnerai en vrai sur quelqu’un- AIE !!!!
- OUCH !!!! EH ! FAIS ATTENTION QUAND TU MARCHES GAM-….in ? »

Reilly se frotta méchamment le haut de la tête tout en relevant des yeux furieux vers la personne dans qui il venait certes de rentrer mais qui n’avait, selon lui, certainement pas le droit de l’appeler gamin. Non mais ! Il n’y avait que sa jolie boulangère qui avait le droit de l’affubler d’une telle insulte ! Et certainement pas un inconnu qui-

« ……..AAAAAAH !!!!
- AAAAAAH !!!!
- AAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!!!!!!
- AAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!!!!!!
- HEEEEEEY !
- HEEEEEEY !
- HEY !
- HEY !
- STOP !
- TOI STOP !
- WHAT-
- I DON’T KNOW ! (Je ne sais pas)
- YOU-
- SSSHHHHHHHHH TAIS-TOI OH ! »

Le jeune homme dans lequel il venait de rentrer plaqua immédiatement sa main sur la bouche de Reilly, coupant court à leur étonnement mutuel et bruyant, si mutuel que leurs cris avaient été prononcés en même temps, sur le même ton, dans la même fraction de seconde, et avec la même voix. Le petit lorialet cligna des yeux, hébété, et constata le même clignement coi chez l’inconnu. Le même clignement des mêmes yeux bleus de plusieurs exactes et mêmes nuances de bleu que ses yeux à lui, avec la même tâche azurin au coin de sa pupille. Sa respiration accéléra, son cerveau en plein ébullition, alors qu’il détaillait avec une précision ultra méticuleuse le moindre trait de celui dans qui il était rentré. Un petit nez retroussé, de petites lèvres poupines et roses, un visage de gamin mature, des cheveux blancs aussi blancs que les siens, une peau pâle tellement pâle qu’elle en aurait fait jalouser les plus belles dames de la cours de Louis XIV, un air aussi choqué que perturbé qui ressemblait tellement au sien sur une tête entière qui ETAIT LA MEME QUE LA SIENNE WOOOOOOW !!!!!

Le premier réflexe de Reilly fut de donner une belle gifle à son vraisemblable double afin de voir s’ils partageaient la même douleur.

« AIE ! NON MAIS CA VA PAS ??!! »

Et la réponse était non. Ils ne partageaient pas la même douleur, et vue la belle trace rouge de ses doigts qui faisait briller la joue pâle de son double, c’était tant mieux pour lui.

« Non, ça ne va pas ! »

Le petit irlandais se pinça hardiment l’arrête du nez. Bon sang ! Cette matinée avait trop bien commencée pour qu’une épopée du genre ne vienne perturber ce flot tranquille et serein que ne serait certainement jamais JAMAIS une de ses journées. Une grande inspiration pour oxygéner son cerveau de manière efficiente, et Reilly décida qu’il ne servait à rien de céder à la panique. Son oncle le lui avait toujours dit : « dans une situation où tu es tenté de céder à la panique, inspire, expire puis analyse, ça te sauvera toujours, Reilly. » Bien. L’analyse commença donc, et le petit couturier décida de détailler la tenue de son double sorti de nulle part avant de dire quoi que ce soit ; quelque chose devait forcément les différencier, il était absolument impossible de se retrouver face à un jumeau, à moins de s’être envolé pour une autre dimension. Cette réflexion secoua ses épaules d’un rire désabusé ; non mais, une autre dimension, un autre monde…loufoque, vraiment !

Ainsi, il remarqua d’abord les bottes pour le moins…originales, de son double : montantes jusqu’à mi-mollet, d’un joli cuir marron foncé en parfait état, des lacets noirs et ronds liés au sommet de la chaussure par un noeud double, le plus étonnant étaient les quatre sortes de sangles qui en habillaient le côté, chacune égaillée d’un…écrou ? D’un genre de rouage couleur cuivre ou or. Alors ça ! C’était bien particulier. Aussi particulier que…des talons ? Reilly fronça les sourcils, aussi intrigué que blasé de cette découverte. Là, ce n’était pas des talonnettes, que nenni, il devait bien y avoir trois centimètres de talon compensé qui hissait ce piètre jumeau à un mètre soixante-deux du sol. Le saligaud ! Reilly croisa prestement les bras, pas franchement ravi de se voir lui, enfin un autre, mais lui, enfin…de se voir plus grand que…lui-même.

« Tu fais une tête bizarre…
- Tais-toi, j’essaye de comprendre. »

L’apprenne qui pourra, un Reilly O’Brian perturbé pouvait se montrer assez sec, voir cassant. Il ne pris donc même pas la peine de remarquer la mine choquée de son double avant de continuer son analyse, qui se poursuivi par la découverte cette fois-ci plus agréable d’un pantalon tout à fait à son goût : beige, taillé assez près du corps, de très élégantes lignes marrons verticales venaient étirer ces jambes qui paraissaient plus longues. Et à la ceinture, plusieurs nouvelles bandes de cuir foncé accompagnées d’une sacoche de même couleur rajoutaient un peu de volume au pantalon. Là, le couturier n’avait rien à redire. Mais, comme dans sa petite vie jamais rien d’agréable ne se passait sans que son contraire vienne s’incruster, ses yeux se plissèrent amèrement sur son pire cauchemar, alors que son regard se portait vers le torse de son jumeau de fortune. HÉRÉSIE !

« M-Mais qu’est-ce que tu portes ??!
- Quoi ? »


L’égo quasiment non-existant du petit lorialet se froissa méchamment devant une diablerie de CORSET de cuir noir agrémenté de baleines d’acier foncé et de lacets, ô grand dieux de lacets, noirs, qui enserraient sa- enfin celle de l’autre, taille déjà trop fine qui là paraissait…mise en valeur, certes, mais pourquoi diable vouloir mettre en valeur une telle féminité incongrue ?? D’abord des talons, maintenant un corset…Reilly soupira bruyamment et jeta un regard désapprobateur  à celui qui osait usurper son identité pour s’habiller de la sorte. Le pire, c’était qu’avec la chemise blanche à col haut qui habillait le haut de son torse, et le grand manteau marron à sangles qui donnait plus de volume à sa silhouette, ce clone était…quand même bien habillé. Habillé de manière originale, certes, mais l’ensemble restait harmonieux et somme toute assez stylé. Même ce foutu corset. Même ces lunettes étranges, enfin si on pouvait appeler ça des lunettes, qui trônaient sur une bande de cuir clair qui tranchait avec la chevelure immaculée du jumeau de Reilly, et même cette sorte de boucle d’oreille qui pensait à droite de son visage, composée d’un assez joli enchaînement d’écrous et de…trucs, en métal. Le petit irlandais arbora un air complètement déphasé, les joues gonflées, les yeux mis-clos et le dos recourbé sous l’étonnement et l’incrédulité.

« Tu es… vraiment étrange…
- Je refuse d’entendre ça de la part d’un homme qui porte un corset…
- Et je refuse d’entendre quelque critique d’un double de pacotille sans style. »

S-Sans style ? Si l’amertume de cette rencontre d’infortune avait commencé à passer, sa charmante cousine l’âpreté vint prendre le relais, et ce fut d’un air supérieur que Reilly toisa son double avant de demander, de sa voix la plus dédaigneuse possible :

« Et donc, j’imagine que ton nom est Reilly O’Brian et que tu es couturier dans un cabaret ?
- Je suis couturier dans un cabaret, mais je ne m’appelle pas Reilly O’Brian, cher Reilly O’Brian pâle copie sans style ni sympathie, je m’appelle Railly, Railly O’Brien. »

Ha. Le petit couturier plissa méchamment ses yeux. C’était pareil. S’il n’avait pas été irlandais, il n’aurait même pas capté la légère différence de prononciation entre leurs noms. Quelques secondes de silence passèrent, déposant un léger malaise par la même occasion, et Reilly et Railly se dévisagèrent, incertains. Qui allait faire le premier pas ? Parce que, là, le plus gros problème de Reilly c’était comprendre. Il ne comprenait pas. Et il serait en retard au travail. Foutue journée ! Heureusement, ou pas, Railly semblait plus avenant que lui :

« Mais, tu sais, malgré ton caractère pas facile, je suis sûr que tu es quelqu’un d’intéressant. Tu es moi, après tout !
- Pardon ?
- Si tu es moi, tu es forcément intéressant. On a le même joli minois, la même dégaine, pas le même sens du style du tout mais quand je suis agacé je fais les mêmes têtes que toi. Je comprends ta frustration, c’est dur de se mesure à quelqu’un comme moi.
- …Et ?
- Faisons la paix ! ...Je me suis toujours demandé ce que ça me ferait de me voir en vrai. C’est assez amusant, je trouve ! Je suis vraiment beau, même habillé bizarrement. »

Alors ça, c’était la meilleure ! Et le Railly étendait le bras pour caresser de ses doigts aussi graciles que les siens la joue de Reilly. Celui-ci pencha prestement la tête sur le côté, dans un étonnement tout à fait ravissant aux yeux du premier puisqu’il s’empressa de glisser un bras autour de ses épaules avant de lui…renifler les cheveux ? Le petit irlandais s’élança du haut du plongeoir de la confusion pour amerrir en plein océan de bizarrerie. Et l’autre affichait un sourire ravi tout à fait infantile.

« Je suis très tactile, ça ne te dérange pas j’espère ?
- Heu…
- Parfait ! Alors, Reilly O’Brian, mon oncle disait toujours « dans une situation où tu es tenté de céder à la panique, inspire, expire puis analyse, ça te sauvera toujours, Railly », donc je te propose de ne pas céder à la panique et d’analyser ensembles, on est pareils-
- Moi je ne suis pas narcissique.
- Narciquoi ?
- Narci…laisse tomber.
- Tu as besoin de te détendre, regarde ma tête- enfin la tienne, tu vas être tout ridé si ça continue ! Un visage de poupée pareil, ce serait dommage… »

Reilly eut un mouvement de recul interne. C’était lui, ou ce Railly O’Brien était vraiment trop mielleux et passait d’un sujet à son opposé en quelques secondes ? Ca n’allait pas du tout ! Et puis, d’accord, lui aussi était tactile, mais certainement pas avec un double sorti de nulle part qui avait décidé de lui prendre la main comme s’ils avaient toujours été les meilleurs amis du monde ! Et puis son air de « tout va bien dans le meilleur des mondes » qu’est-ce que c’était agaçant !

« C’est presque comme si on était âmes soeurs, en fait, tellement on est similaires. Tu ne penses pas ?
- Non. »

Non, non, pas exactement agaçant, plutôt irritant. Âmes soeurs ? Et puis quoi encore ?

« Passons une journée ensembles, je suis sûr qu’après quelques heures tu ne pourras pas t’empêcher de m’aimer, j’ai beaucoup de qualités, tu sais ? Et des défauts…je ne sais pas ce que c’est, je crois que je n’en ai jamais eu. Alors, tu vois ? Tu vas filer vers le paradis avec moi ! »

Narcissique ET un peu psychopathe sur les bords. Non, ça n’allait vraiment pas le faire. D’accord, Reilly avait une capacité étonnante quand il s’agissait de s’accommoder à l’imprévu, mais là ça lui semblait impossible. Alors, plein de frustration qui le transformait petit à petit en cocotte minute, il ouvrit la bouche, prêt à envoyer ce vilain personnage qu’était Railly O’Brien six pieds sous terre après une bonne joute verbale gagnée d’avance, oh et puis même ! Il n’allait même pas prendre la peine de le regarder, non, trop d’attention allait certainement faire exploser son égo déjà bien enflé, alors mieux valait se concentrer sur le paysage, et les parisiens qui…

« WHAT THE- ??!! »

Une autre dimension, vraiment.
Tandis que les yeux curieux de Railly clignaient devant sa réaction bien audible, ceux de Reilly papillonnaient de perplexité, complètement perdus. Il n’y avait pas que son double de si loufoque, niveau vêtements : tout les piétons qui filaient dans la rue étaient habillés dans le même style que lui ! Avec plus ou moins d’élégance, mais tous si…étranges ! Le petit irlandais se pinça sévèrement le bras. Comment n’avait-il pas remarqué avant ? L’estime de lui complètement surdimensionnée de son double l’avait vraisemblablement rendu aveugle au monde qui vivait autour d’eux. Et ce monde n’était certainement pas le sien, oh que non !

Alors, curieux, faisant totalement fi du bras que Railly avait repassé autour de ses épaules, il avança jusqu’au bout de la rue dans laquelle ils se trouvaient, désireux de confirmer sa réflexion silencieuse. Et qu’il ne fut pas déçu !

« O-On est où, là ?
- Ben…à Paris. »

Paris ? Ce Paris-là n’avait rien à voir avec celui que connaissait Reilly, pour sur !
Un fatras immense de gens déguisés dans le même style que Railly passait, certains avec des chapeaux impressionnants de bizarrerie, des choses qu’il n’avait jamais vu ni imaginé, mais le plus étonnant c’étaient les maison, les habitation, les magasin bordés de sortes de tuyaux de cuivre ou de métal desquels s’échappaient glouglous et autres bruits incongrus, accompagnés de sifflements de chaufferie et de vapeur qui s’échappaient ça et là de tuyaux certainement mal scellés. Un grincement métallique attira l’attention du petit lorialet déjà choqué sur sa gauche, et ce fut en un hoquet de surprise qu’il se fit remarquer de la chose qui produisait le bruit.

« Qu’est-ce que…
- Tu n’as jamais vu de nettoyeur ? »

Reilly secoua immédiatement la tête. Une petite sorte de boîte métallique montée sur deux grosses chaînes entrainées par plusieurs boulons entrelacés était en train de ramasser un petit tas de déchets de cuivre de ses deux petits bras argentés mécanisés. Elle les raclait contre le col et les ramenait jusque dans…son ventre ? Dont la porte se refermait en un grincement tout à fait tintant, alors que ses deux genre de lunettes fixaient toujours le petit lorialet, pas perturbé pour un sous. Lui haussa les sourcils, vraiment trop intrigué, et lut, de loin, sur le haut de la boîte « Wöll.E ». Son nom ?

« Tous les robots ont un matricule », lui expliqua Railly comme s’il avait entendu sa pensée.

Un robot ? Au lieu de se demander pour la énième fois dans quel monde il était tombé, Reilly s’accrocha plutôt à cette soif de savoir et de comprendre, curieux de ce Paris si particulier. Alors, sans attendre son reste, il entraîna son soi-disant jumeaux avec lui. Comment cela fonctionnait-il, d’abord ? Un coup d’oeil en arrière, et il remarqua de la fumée sortir du petit Wöll.E. De la vapeur ? Son regard fit un véritable 360, attentif au moindre détail. Ce petit robot nettoyeur n’était donc pas le seul. En fait, parmi la foule de parisiens se fondaient une multitude de robots ou de choses étranges du genre, tantôt humanoïdes de métal aux chapeaux haut de forme, tantôt amas sans formes de rouages et d’articulations d’acier fumants de vapeur, cliquants, claquants, trainants et soufflants. Même, sur un côté du trottoir, ce qui semblait un groupe complet d’êtres de métal jouait une musique entraînante.

[petite ambiance musicale : https://www.youtube.com/watch?v=EK3TeDYSCTU]

« Pas mal, hein ?
- E-En effet !
- Tu vois ? J’avais dit que tu m’aimeras. Personne ne peut ne pas m’aimer. »

Ah, Reilly avait presque esquissé un sourire, avant que l’autre n’ouvre la bouche. Au moins, leur ballade qui reprenait était accompagnée par les airs engageants des instruments tout à fait traditionnels du groupe.

Ce fut donc en rythme avec le piano que les deux Reilly entamèrent une visite improvisée de la ville, d’un commun accord silencieux, et le petit irlandais se plut à enregistrer mentalement le moindre nouveau paysage qu’il découvrait ; du moindre toit parsemé de cheminée fumante à la moindre jupe plissée et étonnamment futuriste, cet univers particulier était en réalité assez agréable, même si tout de même déstabilisant. Plusieurs fois, Reilly dû éviter de justesse quelques machins à roulettes qui lui fonçaient dans les jambes, presque comme s’ils le faisaient exprès, à vrai dire. Mais le Railly O’Brien avait rassuré son jumeau de fortune en insistant sur le fait que ce n’était certainement pas grand chose, ou pas volontaire, et sur l’autre fait que certains robots souffraient parfois de bug.

« Un peu comme les personnes qui n’ont pas compris que le vert kaki c’est vraiment pas flatteur.
- !!!! Railly ! C’est la première chose que tu dis qui ne me donne pas envie de t'étouffer avec ton corset !
- Vraiment ? HA ! Ca y est, tu commences à m’apprécier plus que tu ne le crois.
- Non.
- Dommage, moi qui allait continuer sur le fait que le rose bonbon c’est absolument-
- Affreux !
- Ignoble !
- Même pire que le-
- Jaune urine !
- Oooooh !
- Aaaaah ! »

L’accolade ne se fit pas attendre, et les deux Reilly se sautèrent dans les bras, heureux de trouver en l’autre un avis similaire sur ces trois couleurs du diable. Haaaan… Le petit lorialet ne savait pas d’où lui venait cet entrain soudain - la musique devait certainement y être pour quelque chose - mais il se dit qu’au final son compagnon de…d’aventure, n’était pas si horrible que ça. Un sourire entendu, deux bras enjoués qui se croisaient, et les deux copies presque conformes reprenaient leur chemin.

L’esprit totalement volatile de Reilly avait oublié sa panique et son malaise, et il profitait à présent des rues de ce Paris si bruyantes. Cependant, ce qu’il continuait à regarder d’un oeil mauvais c’était ce nouvel autre robot en plein bug qui les suivait pas vraiment discrètement. Une sorte de phasme métallique à moitié rouillé et couvert de tâches d’il ne savait pas quoi dont les articulations poussaient des cris de torture stridents à chacun de ses pas. Le petit couturier essaya tout de même de ne pas y prêter attention, seulement au bout de cinq bonnes minutes durant lesquelles Railly s’étendaient en compliments envers sa personne tout en lui présentant moulte bâtiments qu’il connaissait déjà mais sous une forme plus traditionnelle, il décida d’informer son guide :

« Je crois qu’on est suivis…
- Oh, ça m’arrive tout le temps, que veux-tu, les gens m’aiment.
- Les robots aussi ?
- Ca ne m’étonnerai pas…
- Non mais, je crois que c’est autre chose, entre ça et les- OUCH ! »

A nouveau, une petite boule de métal fulminant de vapeur venait de lui rouler sur le pied. Reilly pesta bruyamment. Ca lui apprendrait à mettre des chaussures ! Seulement, là, ça commençait vraiment à faire trop. Railly eut à peine le temps d’ouvrir la bouche qu’un autre robot-boule de pétanque vint se coller au pied de son jumeau. Le petit couturier fronça des sourcils craintifs, et un autre type de robot bondit de nulle part pour attraper sa cheville de ses pattes crochues de semblant d’araignée de fer. Son sursaut de dégoût, symétrie parfaite de celui de Railly, fut accompagné d’une déclaration que l’apparente voix du robot leur siffla.

« Aaaaa-rrêteeeez-voouuus ! Aaauuuu-renfooort »

Les passants qui traînaient dans les rues eurent tous le même et bon réflexe que n’eurent pas les deux Reilly et ils se scindèrent en deux rangs pour ne pas rester dans le passage d’une vraie marée de petits robots, des boules de pétanque et des araignées, et d’autres qui ressemblaient à des balais cliquetants sur roues, tous aussi rapides que nombreux, fauchant les deux irlandais au passage sans même qu’ils aient eu le temps de s’en rendre compte. Seulement, le phasme rouillé qui était resté derrière eux étendit deux de ses bras de métal pour les attraper par le col et les soulever, non sans mal, de l’océan de rouages teigneux qui voulait apparemment les emmener…quelque part. En une torsion couinante de son corps rouillé, il leur fit survoler la foule de robots qui tournaient tous leurs yeux mécaniques vers eux, juste assez lentement pour que Reilly puisse remarquer de petits écrans rouges clignotants avec marqué « course-poursuite ». Il osa soupirer en se disant que si la course poursuite leur état destinée, cette journée allait rester gravée dans sa mémoire comme une des plus folkloriques de sa vie.

« F-U-Y-E-Z »

Le phasme de métal était donc plus au courant qu’eux sur quoi faire dans une situation pareille. Plus réactif, dès que leurs pieds eurent touché les pavés, Railly saisit la main de son compagnon pour commencer à courir aussi vite que possible, et Reilly fut forcé de constater qu’il courrait bien mieux que lui, en tous cas qu’il semblait bien plus agile que lui. Même avec des talons compensés. En jetant un coup d’oeil arrière à la marée de robots qui recommençait à leur courir après, il se fit la réflexion qu’en fait, agile ou pas, l’adrénaline devait pas mal aider. Aussi, même ses petits pieds habituellement maladroits toujours collés et emmêlés l’un à l’autre à chaque deux pas se virent pousser de petites ailes d’Hermes, et ses foulées s’agrandissaient au fut et à mesure de la course.

« Tu as ramené des ennuis avec toi, Reilly ? Ce genre de problème ne m’arrive jamais, je suis un citoyen irréprochable !
- Non, non je n’ai rien fait ! Et puis pourquoi on fuit d’abord ? On a rien fait de mal ! C’est pas possible, il doit bien y avoir quelque chose, tout ce que j’ai fait aujourd’hui c’est acheter à manger avant de me retrouver ici, c’est forcément de ta faute !
- Comment ça ma faute ?
- Je sais pas, quelque chose que tu as oublié ? Je suis sûr qu’on est aussi tête en l’air l’un que l’autre !
- N’importe quoi ! »

Aie, Railly était blessé dans son égo. Mais ça, Reilly n’en avait strictement rien à faire. Entre se faire emporter il ne savait où et sans raison par une vague de robots miniatures perturbants ou suivre un double pas si identique que ça et écoper de son estime de lui-même à préserver, le choix était vite fait. Si irritant et buté pouvait être Railly, le petit couturier préférait de loin lui servir de miroir d’un jour que de se transformer en dîner pour robots. Robots qui, d’ailleurs, ne semblaient pas vouloir les lâcher. Bon sang ! Ils tournèrent dans une rue plus petite mais toute aussi bondée, leurs tailles petites et leurs corps fins les aidant à se faufiler aisément parmi les badauds, rouages et autres cliquetis mécaniques menaçants toujours bien audibles derrière eux. C’était comme dans un des pires cauchemars du petit lorialet, sauf que là au moins les araignées n’avaient pas de pattes velues dégoutantes.

« Ah !
- Quoi ?? 
- Peut être que…
- Quooiii ??? »

Un « pssshhhht » de vapeur siffla devant eux, aussi vif que le mouvement qu’ils effectuèrent pour passer en dessous, experts du limbo, et Reilly put apprécier l’espace de quelques micro-secondes la mine déconfite et coupable de son double.

« Quand je me suis garé j’ai pas payé…
- Q-Quoi ??
- J’ai pas payé ! Voilà ! C’est peut-être pour ça ! Ces sales 0R0-Dateur… »

Il ne comprenait rien, certes, mais voir son jumeau si fier marmonner d’agacement était un plaisir inopiné et agréable. Décidément, la compassion ne prenait vraiment pas, avec lui.

« Bon suis-moi et tais-toi ! Et accélère ! »

Reilly cligna des yeux. Si son côté masochiste aimait bien beaucoup qu’on lui donne des ordres, son côté éventuelle proie de robot d’un monde complètement burlesque et farfelu tel que celui-ci appréciait guère le commentaire. Il allait lui montrer à ce Reilly 2.0 de quel bois d’O’Brian il se chauffait ! …après. Une fois qu’ils auraient semé ces sales robots en furie. Un instant, le petit lorialet se dit à quel point c’était dingue le nombre d’ennuis époustouflants qu’il attirait à la seconde. Et si Railly était comme lui sur ce point-là aussi, ils n’étaient vraiment pas sortis de l’auberge. Une nouvelle bifurcation sur la gauche, un joli dérapé pour éviter un nettoyeur Wöll.E qui faisait tranquillement son travail, et ils se retrouvèrent dans une nouvelle rue plus large. Le petit irlandais tandis l’oreille tout en suivant son double ; plus de cliquetis audibles, du moins pas ceux de la mini armée qui les pourchassaient. Bien. Railly joua aussi la prudence en ralentissant afin de mieux observer la population de la rue : quelques robots nettoyeurs, deux ou trois phasmes, qui n’étaient donc apparemment pas nocifs, et le reste…des humains. Ouf… Ils ralentirent donc complètement, marchant seulement à vive allure afin d’être sûrs de ne pas être suivis. Le couturier au corset en profita également pour donner plus d’explications à son compère :

« J’étais en retard à un rendez-vous, je me suis garé, j’ai pas payé. Mais c’est étonnant qu’on se fasse suivre pour ça, normalement on doit payer une amende en revenant à son véhicule, on ne se fait pas pourchasser comme ça… »

Un véhicule, donc ? Reilly se demanda un instant à quoi ressemblaient les voitures et autres fiacres de ce Paris saugrenu, et surtout ce qu’un simple couturier comme Railly pouvait en faire. Se déplacer plus vite ? N’était-ce pas plus encombrant que ça ? Mais sa surprise se surprit elle-même quand il posa les yeux se ledit véhicule de son jumeau.

« Le voilà ! Cool non ? Je l’ai fait moi-même. »

Alors ça ! Ca ne ressemblait à rien de ce qu’il avait pu voir jusqu’alors ! Il ne savait même pas quel mot employer pour le nommer, alors que Railly le contournait pour monter sur le trottoir et se placer face à un genre de poteau qui se finissait en trapèze inversé munit d’un écran et de plusieurs aiguilles.

« C’est cool oui mais-
- Je te ferai faire un tour, après. Je te l’ai dit : je vais t’envoyer au paradis, de bien des façons… »

Le regard charmeur qu’il lui avait lancé en parlant ne rassura en rien le petit lorialet qui se vit perturbé de plus belle par cette nouvelle action incompréhensible de bizarrerie. Il le draguait ou bien ? Si oui, c’était peine perdu et extrêmement perturbant, et ce Railly n’avait vraiment pas honte pour se faire du charme à lui-même, si auto-centré et amoureux de lui-même était-il, et si non…c’était tant mieux. Enfin ! Il détailla le véhicule particulier et unique d’un oeil avisé de non-expert, découvrant avec intérêt une planche de bois fixée à une base de métal en-dessous de laquelle était attachée une sorte de minuscule machine à vapeur reliée à de petits tuyaux d’évacuation qui dépassaient légèrement de derrière le châssis de la chose, et quatre gros engrenages, répartis de chaque côté, enrayés dans une chaîne large permettait apparemment à ce véhicule particulier de rouler. Reilly nota aussi un fil attaché à la petite machine à vapeur reliée à une sorte de télécommande avec deux boutons dessus. Intéressant…

« Bien ! »

Le petit couturier fut tiré de son analyse par son double qui avait apparemment fini de batailler avec son amende, et il le rejoint devant le robot routier sans attendre, désireux de voir le véhicule en action. Mais, au lieu du rien auquel il s’était attendu, à la seconde même où il posa un pied devant le robot, celui-ci se mit à parler :

« Votre-ticket-Reilly-O’Brian.
- Hein ? Mais j’ai déjà payé !
- Votre-ticket-votre-ticket.
- Stupide 0R0-Dateur de- hey !
- Votre-ticket-votre-ticket.
- Mais y’en a combien qui sortent ?! »

Une véritable pluie de tickets blancs sortaient de la petite encoche ultra-fine du tableau de bord du robot qui continuait à harceler les oreilles des deux Reilly troublés de sa voix mécanique. Railly pestait de manière sublime en essayant de stopper la machine en la traitant de tous les noms, tandis que Reilly attrapait un des tickets. Et quelle ne fut pas sa stupeur quand il le lu !

« Railly…C’est mon nom dessus.
- Hein ? Non ce n’est pas possible, tu n’as pas mis de pièce dedans ou-
- Votre-ticket-Reilly-O’Brian.
- Oh toi ferme-la !
- Mal-poli. »

Vexé, l’0R0-Dateur accéléra la vitesse de sortie de ses petits tickets de papiers qui en sortaient à l’horizontale, au niveau des visages des gens, et qui se transformèrent alors en véritables papiers de la mort, tranchants l’air et menaçants les yeux bleus des deux couturiers. Et si Railly se baissa immédiatement, Reilly se prit un des couteaux de papier en plein dans la cornée avant de tomber à genoux au ralenti, gémissant de douleur en se tenant son oeil meurtri. Son double au corset de cuir hoqueta, choqué, et se redressa avant de bloquer tous les tickets d’une main vengeresse.

« Ca suffit robot de malheur ! Qu’est-ce que tu lui veux à mon-
- Temps-é-cou-lé. »

Un bras articulé sortit du poteau de l’0R0-Dateur pour se hisser à hauteur de la bouche de Railly et y appliquer une bande d’adhésif puissant, réduisant son temps de parole au néant. Reilly se mordit la lèvre en admirant le regard éberlué de son pauvre double à présent muet qui essayait tant bien que mal de retirer l’adhésif de sa bouche. Mais que diable leur voulait cette machine ?

« Ci-ble-Reilly-O’Brian-vérouillée-mise-en-pla-ce-de-la-dis-tra-ction-o-bjec-tif-capture-en-cours. »

Ah. Tout simplement ! Les quatre sourcils des deux couturiers se froncèrent. D’un côté, ils auraient pu tout simplement partir sans demander leur reste, mais d’un autre, O’Brian et O’Brien voulaient à tout prix savoir ce qu’ils avaient fait à la ville pour qu’elle leur en veuille autant, que ce soit à l’un ou à l’autre. Et Reilly reprenait du poil de la bête !

« Comment ça objectif capture ?
- Votre-ticket-imbécile.
- Imbé- hey ! 
- Reilly…
- Quoi ?
- Il est cruel ! »

Le petit lorialet arbora un air perdu, et son double, qui avait arraché son adhésif d’un geste barbare qui lui avait laissé une belle trace rouge autour de la bouche, lui mit le nouveau ticket sorti par la machine de malheur sous le nez. « Vous vous habillez mal et votre couleur est le kaki ». Alors ça, c’était la meilleure !

« Ecoute bien sale robot, tu-
- Combo-pervenche. »

Une autre petite fente s’ouvrit dans le mécanisme du robot et une impressionnante collection de fleurs bleu-violettes se jetèrent au visage du petit irlandais qui s’en débarrassa de quelques gestes de poignets maladroits.

« Non mais- ATCHOUM ! Oh non- A-ATCHOUM !
- Reilly !
- Votre-ticket.
- ATCHOUM !
- Reilly, il a dit que je ressemble à un bol de porridge pas frais… »

Machine vicieuse ! Le petit irlandais gardait les yeux plissés et la bouche entrouverte, complètement figé dans une mimique d’éternuement précoce et atroce, tandis que son jumeau de fortune recevait d’autres tickets mal-aimables et blessants. Foutue allergie aux pollens ! D’abord des tickets assassins, une bande adhésif anti-parole, ensuite des tickets assassins d’égo, puis des fleurs sorties de nulle part au pollen vengeur, c’était quoi la suite ?

« Combo-pervenche-et-Rendu-de-monnaie. »

Cette fois-ci, Reilly s’écarta à temps pour éviter les fleurs de malheur, mais Railly, encore abasourdi de la comparaison de son visage poupin avec un bol de porridge pas frais, se prit le buisson aérien en pleine figure, et une nouvelle similitude entre eux se vérifia : il commença à éternuer, une fois, deux fois, trois fois, tellement rapidement et puissamment que le petit couturier en resta totalement coi, proie facile et immobile du fatal rendu de monnaie de l’0R0-Dateur du diable : des pièces de monnaie reliées par un fil argenté s’échappèrent de leur encoche sur la machine pour aller directement s’enrouler autour du corps de Reilly qui se retrouva, magnifique saucisson de choupitude ligoté, par terre, aux pieds de son jumeau sidéré.

« Ca existe ce genre de fonctions ?! 
- Immo-bi-li-sation-effectuée. En-attente-de-capture.
- Je vais t’en donner moi de l’immobilisation ! »

Le Railly O’Brien révolté donna un grand coup de pied fâché dans le robot qui, étrangement, poussa un cri robotique tout à fait inattendu, immédiatement suivi d’une sirène stridente, en même temp qu’une lumière rouge sortait de son sommet pour clignoter sous les yeux incrédules des deux lorialets paniqués.

« Railly !
- Mais-
- Alerte-Alerte-résistance-alerte-alerte-brigade-de-contrôle-en-chemin-alerte… »

Aussitôt dit aussitôt fait, ladite brigade sortit de renfoncements dans le mur de l’habitation qui se trouvait derrière l’0R0-Dateur, véritable escouade de robots blancs littéralement taillés en V et dont les têtes triangulaires étaient ornées de chapeau de policiers tout à fait ridicules.

« Per-sonne-ne-bouge.
- Railly…
- Reilly…
- Nous-allons-emmener-Reilly-O’-Brian.
- Sors-nous de là !
- Toi sors-nous de là !
- JE SUIS LIGOTÉ !
- Ah, oui !
- Per-sonne-ne-bouge.
- Allez au diable ! »

La brigade de contrôle n’attendit pas une seule seconde pour s’élancer sur le couturier au corset de cuir insolant, peu ravie de son comportement, et lui bondit sur le côté pile au bon moment, coup de chance, pour éviter leurs chaînes de métal menaçantes, et il sauta sur son véhicule qui n’avait pas de nom tandis que Reilly s’y hissait comme il le pouvait, rampant tel le vers de terre qu’il n’avait jamais rêvé d’être, roulant une fois prudente sur le côté pour esquiver un bras mécanique de brigadier qui n’avait décidément par l’air de vouloir le laisser partir.

« GO GO !
- Accroche-toi ! »

Le petit lorialet se garda un « AVEC QUOI TU VEUX QUE JE M’ACCROCHE ?! » incendiaire et se contenta de croiser très fort les doigts pour ne pas tomber de cette planche à roulettes à vapeur alors que Railly appuyait sur un des boutons de la télécommande pour démarrer.
Immédiatement, la petite machine à vapeur fila sur les pavés parisiens, bien plus vite que ce à quoi Reilly s’était attendu, et également bien moins confortable que ce à quoi il s’était attendu, surtout dans une position comme la sienne, les mains bloquées sur les côtés de son corps recroquevillé pour tenir sur la planche heureusement tout de même un peu large. Et aussi, tourné dos au devant de la route, il avait une vue imprenable sur l’escouade d’apparence sans pitié qui les pourchassaient, chaînes clinquantes et roues accélérant de plus en plus sur les pavés.

« Accélère, Railly, ils nous rattrapent ! »

Le Narcisse ne se fit pas prier et appuya sur un autre bouton de sa télécommande, augmentant la vitesse de sin engin par deux, voir trois ; ils semblaient à présent voler sur les pavés et n’en sentaient même plus les interstices, l’un bien trop concentré sur la route afin d’éviter tout accident avec quelque humain ou robot que ce soit, et l’autre bien trop obnubilé par la présence toujours menaçante de la brigade derrière eux. Si Reilly avait déjà rêvé de se faire enlever par un prince charmant sur son cheval blanc, il n’avait pas imaginé que cela se passerait de la sorte.

« Je sais où on peut aller ! Pour se débarrasser d’eux et pour se mettre à l’abri et avoir la paix !
- Alors fonce au lieu de me le dire ! »

Oui, Reilly était à présent de vraiment mauvaise humeur. En même temps, il avait de quoi ! Et ces stupides robots policiers qui les suivaient se mettaient à essayer de leur balancer des pervenches dessus. Le petit lorialet inspira profondément pour se calmer et- éternua immédiatement, puis une seconde fois, puis une troisième… Si seulement il réussissait à se libérer de ses chaînes ! Alors que Railly accélérait encore et dirigeait son véhicule à merveille, lui se tortilla autant qu’il le put afin de sortir ses mains de leurs entraves. Enfin, alors que les premiers brigadiers se rapprochaient, il réussit à les faire glisser hors des chaînes ; virent ensuite ses coudes, puis il effectua un vrai numéro d’équilibriste pour se relever sans perturber la conduite de son double, et il finit par mettre sa maladresse de côté pour de bon. Il fallait réussir et, pour une fois, ne pas se casser la figure de manière misérable ! Aussi prudemment que possible, tout en accrochant une de ses mains hésitantes au dos de Railly, il se secoua expressément afin de faire tomber l’ensemble des pièces de monnaie reliées par un fil à ses pieds. Le « chcling » produit lui arracha un sourire de satisfaction suprême, et il se baissa tout doucement sans quitter la brigade, qu’ils commençaient à distancier, des yeux, plus concentré que jamais. Ses petits doigts graciles attrapèrent la chaîne améliorée et il se munit de toute sa force pour la lancer sans perdre de temps, priant intérieurement pour que la chance lui sourie au moins une fois dans cette journée horrible et…

«YES ! »

Le brigadier de métal en tête se prit les roues dans les petites pièces qui jonchaient le sol et écrasa toute sa mécanique contre les pavés chauds de la course-poursuite, immédiatement écrasé du deuxième qui le collait un peu trop, puis du troisième, et la quatrième s’arrêta pile devant eux. Reilly ne vit rien de la suite, déjà trop éloigné du bienheureux carambolage grâce à la machine de son double pas si terrible que ça, en fin de compte, et ce fut soulagé qu’il passa ses deux bras autour de la taille corsetée de son chauffeur pour la fin du trajet.

Fin du trajet qui ne se fit pas bien attendre puisqu’après être entré dans ce que Reilly reconnaissait comme étant le Parc de Buttes-Chaumont, Railly rangea son machin mécanique efficace dans une petite cachette avant d’entrainer le petit lorialet à sa suite.

« Tu vas voir, c’est très tranquille, je pense être le seul à connaître cet endroit. Je ne l’ai montré qu’à quelques amis. »

Reilly haussa un sourcil. Maintenant, il en était quasiment sûr.
Ils sautèrent un premier buisson, puis s’accroupirent pour passer sous un deuxième, avant de finir par ramper à quatre pattes pour en traverser un troisième, en même temps que Railly vantait sa personne pour avoir déniché un endroit aussi sympathique que celui-là, comme Reilly avait pu s’y attendre de lui. Enfin, ils s’écroulèrent dans l’herbe fraîche d’un petit bout de plat entre buissons et arbres fournis qui les cachaient du reste du monde. Le petit irlandais sourit, apaisé. C’était son petit coin à lui, aussi, son petit coin dans lequel il venait se ressourcer loin de la bêtise des gens.

« Reilly, tu devrais vraiment essayer mon corset, je suis sûr que tu serais adorable dedans. »

Ce genre de bêtise-là, précisément.

« Et moi je t’assure que tu devrais essayer de ne pas parler, vraiment, tu serais adorable si tu faisais ça.
- Si je ne parle pas, on ne peut pas discuter du pourquoi les robots sont obsédés par toi. Un je veux bien, mais des dizaines comme là, je ne comprends pas trop…
- Tu as raison… »

Vraiment, cette journée étrange ne faisait que s’enfoncer dans la bizarrerie.
Aldrick Voelsungen
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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMar 2 Aoû - 23:56

- Voelsungen, dans mon bureau ! Somma Gaudefroy sans se donner même la peine de quitter sa chaise.

Aldrick soupira en relevant la tête de ses dossiers. Depuis le naufrage de la Sequana, c'était l'enfer au boulot et son instinct lui disait que ce n'était pas prêt de s'arrêter. Il traîna des pattes jusqu'à la porte, ferma brièvement les yeux et passa le seuil en s'enquérant :

- Vous vouliez me voir chef ?
- Pardon ? S'enquit une voix envoûtante.  

Aldrick tiqua violemment, un mélange dissonant de surprise et de désappointement s'emparant férocement de tout son être, alors même qu'il réalisait que la voix lui était étrangement inconnue sur son lieu de travail. Sidéré, il recula, parfaitement décontenancé.
En effet, face à lui, le bureau n'avait plus grand chose à voir avec l'austérité masculine qu'il lui connaissait, et pour une raison on ne peut plus simple : une femme y travaillait !

Le choc saisit si prodigieusement le commissaire qu'il ne comprit aucun des mots de la belle. Ses iris d'or ne parvenant à se fixer sur la blonde, la détaillant aléatoirement. S'arrêtant sur ses mèches légèrement ondulées qui descendaient en cascade jusqu'à ses épaules, puis sur sa peau pâle, avant de descendre sur ses jambes interminables qu'une jupe longue -relevée à cause de la chaleur ambiante- lui avait laissé entrevoir de trop. À la hâte, ils remontèrent sur ses fins doigts gantés, tandis que le lycanthrope sentait ses joues chauffer furieusement. Enfin, il se perdit dans ses yeux d'un bleu aussi hypnotique que le timbre enivrant de sa voix.

Il fallut qu'il se rende compte que ses fines lèvres cerise bougeaient, pour que le loup fasse la connexion entre chacune des syllabes énoncées et ne l'associe à des mots.

-… Rick ? Je ne t’attendais pas si tôt ! Pas avant la demie à vrai dire.

La belle fixa l’immense horloge latérale, qui affichait vingt-cinq, avant de reprendre en se levant sensuellement :

- Étais-tu si impatient de me voir ?

Elle étouffa ensuite l’un des plus adorables rires qu’il fut donné d’entendre au loup, avant de se rapprocher près, très près, bien plus que ne l’exigeaient les convenances. Bien plus qu’il n’en avait l’habitude avec une femme, d'ordinaire.
Le commissaire se heurta avec force contre la porte close dans son dos, tandis que l’index fin de la demoiselle lui imposait le silence. Il rougit violemment, faisant éclater un nouveau rire, franc et clair cette fois-ci. Un rire qui emplit si délicieusement la pièce que le loup en perdit chacun de ses mots.

- Quelle drôle de tenue que voilà ! Où as-tu trouvé ça ? Était-ce vraiment nécessaire d’aboutir à de tels extrêmes pour surprendre ta fiancée ?

L’agent vira intégralement carmin en tentant de répéter :

- Fia… Fian…
- Tu es tout rouge ! Tu ne te sens pas bien ?

Aldrick ferma fort les yeux, certain que la jeune femme venait de comprendre la méprise. Mais là où il s’était attendu à une gifle mémorable, seule la douceur addictive de sa peau gagna le front du lycanthrope.

- Viens ! Smart-F0N saura nous dire ce qui cloche.
- Je…
- Ne fais pas ta tête de mule ! Le coupa-t-elle brusquement les mains sur les hanches avant de l’entraîner vers le bureau.

Là, un temps de latence fut requis afin d’extraire une sorte de carte sombre d’entre plusieurs dossiers éparpillés.

- Smart-F0N, démarre le scanner santé, s’il te plaît.

Aussitôt, un rayon blanc, pareil à un flash d’appareil photo, parut l’examiner de haut en bas. Surpris, le loup recula vivement dans un grand cri. Une main sur le cœur, il eut un mal fou à se défaire des immenses taches blanches apparues sans prévenir dans son champ de vision et grogna de mécontentement, agitant une main devant lui dans l’espoir fou de les chasser.
Peine perdue ! Le choc qui suivit fut d'autant plus rude ! Car ce fut la tête la première qu’Aldrick termina sur le sol en s’étonnant du moelleux du plancher.

Un « aïe » plaintif s’éleva près de son oreille, le figeant totalement alors même qu’il réalisait que la demoiselle était allongée sous lui. Une série de sons sans sens lui échappa, bien plus fort qu’il ne l’avait envisagé. Ce, tandis que la main gantée de la sylphide gagnait délicatement sa joue en une série de caresses enivrantes, parmi ses mèches brunes. Son souffle se raréfia prodigieusement, mais contre toute attente, le lycanthrope parut plus calme alors qu’elle abandonnait :

- Tout va bien ?

Elle fronça ensuite imperceptiblement les sourcils, avant de le défaire d’un geste habile de son nœud de lavallière, et d’observer incrédule, une part de la cicatrice qui lui ceignait le buste.

- Comment est-ce… ?
- Scanner terminé. Énonça l’appareil en la coupant ; lui aussi au sol près d’eux. Sujet inconnu en bonne santé. Tension et rythme cardiaque élevés, mais aucune anomalie détectée. Puis-je suggérer une tasse de chocolat chaud ?
- Inconnu ? Reprit la belle sidérée, dans un souffle.

Un bruit sourd lui répondit : la porte venait de s’ouvrir à la volée, battant méchamment contre le mur. Avant même qu’ils aient pu faire un seul geste, une voix familière s’enquit affolée :

- Lyvia ! J’ai entendu hurler ! Est-ce que ça va ?

Nulle réponse ne put être formulée. Aldrick fut contraint de force de se défaire de la présence de la blonde avant d’entrer tyranniquement en contact avec le mur rêche derrière lui.

- Qu’est-ce que vous lui avez fait ? Hurla l’autre excédé en levant un poing vengeur vers lui.
- Rien ! Répliqua l’agent du tac-au-tac avec la même hargne en ordonnant : Lâche-moi Edw…

Mais la stupeur l’empêcha de poursuivre. Sa truffe ne le trompait pas : face à lui, un puissant lycanthrope se dressait jalousement. Ses yeux en revanche, devaient avoir subi un puissant sortilège pour distinguer sa propre image en chair et en os. Enfin presque. Il sentait aussi le métal. Beaucoup trop à son goût.

- Oh mon Dieu ! Vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau !
- Qui êtes-vous ?! Répondez !
- Rick ! Tu l’étrangles !

Aldrick lui saisit l’avant-bras et parvint à l’éloigner assez pour reprendre une grande bouffée d’air en toussotant. Lyvia se précipita sur son fiancé, le contraignant à plus de patience que d’ordinaire, tandis que le commissaire déclarait, agacé :

- Aldrick Voelsungen ! Il attendit à peine une seconde avant de demander : L’un d’entre vous va-t-il enfin m’expliquer ce qui se passe ici à la fin ?
- Tu mens ! Tonna son sosie.
- Je le jure !
- C’est impossible ! Impossible et grotesque ! S’emporta Rick que Lyvia retint grâce à un vent puissant.

Cela eut d’ailleurs pour effet de claquer la porte, alors que leur dispute commençait à susciter la curiosité dans la pièce voisine.

- Rick calme-toi !
- Il se joue de ma famille !
- Votre… ?

L’incompréhension qui marqua les traits d’Aldrick fut si prononcée que Lyvia ne put retenir un rire.

- Vous devez être jumeaux !

L’idée sembla si saugrenue aux deux autres loups, qu’aucun d’entre eux n’avait même envisagés pareille hypothèse.
Alors -avec un calme tout relatif- chacun s’approcha de l’autre, planta son regard dans celui de son vis-à-vis avant de subitement dévier sur le côté.

- Es-tu vraiment en train d'insinuer...

Puis ils penchèrent la tête dans la direction opposée, froncèrent le nez et reprirent :

- ... Que je suis lié...
- ... D'une façon ou d'une autre...
- ... À ce loup ?

La synchronisation impeccable de leur cheminement de pensée ne fit que rabrouer un peu plus les deux garçons. Une moue d'enfant boudeur les gagna et ils déclarèrent avec désinvolture :

- C’est ridicule ! Je n’ai rien à voir avec lui !

Croisant les bras sur leurs torses respectifs pour conclure le propos, les deux lycanthropes furent, on ne peut plus, décontenancés du fou rire dont fut ensuite prise Lyvia. Étonnement, cela détendit grandement l’ambiance et chacun passa une main dans ses cheveux en signe de gêne.

- Les deux faces de la même pièce ! Glissa-t-elle amusée. Allez, faîtes la paix !

La belle leur adressa un sourire on ne peut plus aguicheur pour parvenir à ses fins. Aussi, pour la première fois depuis des lustres, Aldrick eut subitement faim de chair fraiche. Une faim de loup ! Tâchant de ne plus y penser, ce fut donc en soupirant qu’il tendit la main à Rick, qui lui grommela, et déclara avec ferveur :

- Tout ceci est ridicule ! Jamais, ô grand jamais mon sex-appeal ne sera égalé !

Pour prouver ses dires, il se pencha à l’oreille de Lyvia, et lui murmura quelques mots qui enflammèrent aussitôt le visage de la sylphide, avec un talent certain. Admiratif, Aldrick se retint tout juste de siffler, ne trouvant rien à redire lorsque la main puissante de Rick saisit la sienne, en précisant pour lui seul :

-Vous avez de la chance… Elle vous croit. Donc moi aussi.

Il fit la moue et reprit à voix haute :

- Père va me devoir de sacrées explications !
- Pardon ? Père ? Votre… Père ?
- Qui d’autre ?
- Il est vivant ? Souffla le commissaire dont le cœur avait déjà manqué plusieurs battements cruciaux.

Rick fronça les sourcils, dubitatif, semblant se demander si la question était sérieuse ou s’il y avait là un sens caché quelconque.

- C’était encore le cas ce matin lorsque je l’ai vu.
- Vous… Vous êtes sérieux ?
- J’ai l’air de plaisanter ? Répliqua-t-il avec un profond étonnement.

Le cœur d’Aldrick s’emporta, et ce fut d’une voix troublée qu’il s’enquit :

- Pourrais-je… Le voir ?
- Quelle merveilleuse idée ! Allez donc lui rendre visite ! Reprit Lyvia avec un enthousiasme que Rick ne comprit pas.

Manifestement, la méfiance était encore de rigueur pour sa part malgré ses propos. Mais rien ne semblait pouvoir ébranler l’exaltation d’Aldrick. Cette dernière avait pris possession de tout son corps et comme un louveteau excité, il ne semblait plus disposé à tenir en place.
Du moins jusqu’à ce qu’une désagréable sonnerie ne leur vrille les tympans en les faisant sursauter. Les deux loups grognèrent avec force, pas fans de ce genre de son. Rick toisa son homologue d'un regard noir, l’agacement lui faisant bien vite oublier ses bonnes manières, avec un sosie qu’il aurait voulu irréprochable.

- Tu ne peux pas faire attention ?! C’est vrai que ça ne coûte pas si cher, mais …
- Tout le monde n’est pas né dans une famille noble à l’abri du besoin Rick.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire.
- Bien sûr que si !
- Tu sais bien que l’argent ne fait pas le bonheur. Être avec toi vaut tout l’or du monde.
- Tu dis ça à toutes les femmes…
- Que… Pas du tout !
- Ah ! Tu vois !
- Tu te trompes ! Je ne veux passer ma vie avec aucune autre !

Lyvia qui avait ouvert la bouche pour lui donner la réplique en fut bien incapable. Ce ne fut que grâce à ce bref silence que le commissaire réalisa qu’il avait malencontreusement donné un coup dans Smart-F0N agité. Le téléphone trouva judicieux de faire part de son mécontentement en vibrant de plus belle. L’agent le ramassa en s’excusant, le tendant à Lyvia ; mais une vibration virulente le figea dans son acte, tandis que l’appareil arborait à présent une voie étrange :

- ADN inconnu, probabilité de nuire dépassant les 200%. Individu dangereux et en léger surpoids. Code de défense enclenché. Réinitialisation du système. Veuillez patienter.

Un chant de petits oiseaux semblable à celui diffusé en boucle dans les ascenseurs gagna ensuite le combiné qui parut survolté. Vibrant en tous sens, l'appareil figea Aldrick qui ne comprit pas la situation.

- Hey ! Je ne suis pas en surpoids !
- Que tu dis !
- Il n’y a que ça qui vous inquiète ?
- Mais  Smart-F0N  ne mens pas. ~ Un air entendu se peignit sur les traits du noble qui ordonna : Passe-le-moi. Il est probablement déréglé. Au vue de ta délicatesse naturelle...
- Tu peux parler.
- Hey !
- Il doit encore avoir un souci avec sa batterie autonome. À tous les coups, Alan l’a encore bidouillé. Soupira la belle, en se glissant entre eux. C'est bizarre quand même, c'est la première fois qu'il me fait ça. Rassure-toi Aldrick, Smart-F0N est parfaitement inoffensif. Il est assez cultivé, mais n'a pas vraiment comprit l'aspect de certaines plaisanteries.
- Pourtant, ce n’est pas faute d'avoir essayé de les lui inculquer. Souligna Rick.
- Tu marques un point. Consentit Lyvia, avec un sourire en lui tendant le chargeur.

Mais à peine le câble fut-il relié à Smart-F0N, que ce dernier vint s'enrouler autour du bras d'Aldrick à l'instar d'un fouet de cow-boy. Claquant dans l'air en rugissant :

- Cible verrouillée.
- Comment... ?
- Attaque Réveil !

Aussitôt, le téléphone parut se hisser sur le corps d'Aldrick, profitant de la longueur de son câble pour venir s'enrouler par deux fois autour de son cou. Resserrant sans ménagement son étreinte sur sa proie, Smart-F0N profita de l'effet de surprise pour planter l'embout de sa prise dans le cou de l'agent et lui administrer une forte décharge.

- Hey oh ! La belle au bois dormant qui dort, c'est ton prince charmant qui te parle ! C'est l'heure du réveillage !

Le lycanthrope tressailli violemment, l'air lui manquant, il porta la main à son cou, pour tenter de desserrer les liens, mais une nouvelle décharge le contraignit à poser un genou à terre, déformant le timbre attribué à Smart-F0N de manière lente et démoniaque.

- Smart-F0N arrête !
- ...C'est ton prince charmant qui te parle ! C'est l'heure du réveillage !

Sa vue se troubla et malgré les vibrations importantes de Smart-F0N sur son épaule, ce fut à peine s'il entendit qu'il répétait sans cesse, entre deux coups de jus, sa rengaine infernale.

- C'est l'heure du réveillage ! Hey oh ! La belle au bois dormant qui dort...
- Je n'arrive plus à resp...
- Smart-F0N arrête ! C’est un ordre !
- Il n’est pas prêt de se réveiller si tu fais ça !

L'étreinte se desserra subitement alors que Rick grommelait :

- Pff, vraiment, on est obligé de tout faire soi-même ici !

Le téléphone dans sa main, subitement arraché à son câble, il le mit face à Lyvia.

- Tu peux le réinitialiser ?
- Je ne sais pas. J’espère.

D'un geste furieux, Aldrick se défit du fil noir, et toussota violemment. Décidément, dans cet univers de métal, beaucoup de monde ne l'appréciait pas. Pas que ça le changeait tellement de d'ordinaire, mais bon ; d'habitude, on le prenait rarement pour une princesse. Rien que de s'imaginer avec une robe à froufrous... Aldrick frissonna de dégoût, et secoua fort la tête.

- Vraiment ?
- Pardon ?

Rick roula des yeux et reprit avec nonchalance :

- Tu es encore puceau ?
- Que... ? Comment ? Qu'est-ce que... ?

Le rouge puissant qui marqua les joues de l'agent sembla pourtant constituer une réponse à part entière pour son vis-à-vis.

- Je n'ai rien dit de tel ! S'agaça Aldrick en lui lançant le câble en pleine figure.
- Ce n'était pas nécessaire. ~
- Je suis sûre que cela peut s'arranger. ~ Le taquina-t-elle à son tour.
- Cela en fait au moins une sur trois de convaincue que les miracles existent. Reprit-il en faisant tourner le flexible entre ses doigts.
- C'est tout ce que tu trouves à dire à quelqu'un qui a failli mourir ?
- Il en fallait si peu ?
- Je ne suis PAS puceau !
- Tu préfères vierge peut-être ? ~ Déclara-t-il en haussant les sourcils plusieurs fois de suite.
- Attention !

Smart-F0N avait réussi à échapper à la surveillance de Lyvia et par la même occasion à fusionner de nouveau avec son câble fouet, qu’il fit claquer dans l’air en s’accrochant à l’avant-bras de Rick cette fois-ci.

- Appel divin !
- < BIP > Vous êtes bien sur la messagerie de S1 G'Air, je ne peux pas vous répondre pour le moment, mais veuillez laisser un message après le bip sonore et je me ferais une joie de vous aider pour votre style vestimentaire. À bientôt. < BIIIP>
- Hum, on dirait que tu es mal tombé sur ce coup-ci.
- Appel di… < BIP BIP BIP >*Batterie faible* Dé-tec-tion… Rechar-ge… Au-cun em-place-ment détec-té. Des-truc-tion acti-vée.
- QUOI ?
- Mais il débloque totalement !
- Il faut l’arrêter !

Mais Smart-F0N ne l’entendit pas de cette puce, et préféra créer une onde de choc en montant son volume au maximum, réduisant ainsi en miettes une partie de la pièce.

- Ses capteurs doivent être endommagés !
- C’est pas le moment de se soucier de ça !

Lyvia acquiesça et en se concentrant parvint à former une sphère d’air autour de Smart-F0N.

- Il est puissant… Je ne vais pas réussir à le retenir bien longtemps.
- Tu peux l’évacuer ?
- Chef tout va bien ?!
- Bon sang ! V’là tes chevaliers servants à présent !

Par réflexe, Aldrick plaça une chaise devant la porte, se voyant mal expliquer à chacun qu’un appareil grand comme la paume de sa main avait réussi à lui seul à détruire toute une partie du bâtiment. Il resta cependant bouche bée en découvrant un incessant concert de cliquetis, fumées, et autres entrechoquements mécaniques à l’extérieur. Du haut d’un dirigeable, des gens se massaient pour les observer, attirés par le souffle de l’explosion, tandis que les deux autres poursuivaient :

- Ce ne sont pas des chevaliers !
- Tes hommes de main ?
- Cesse tes insinuations douteuses ! On ne trafique pas ici !
- Ça c’est toi qui le dis !
- Plus tard vos mots doux ! Il faut qu’on sorte !
- C’est pas faux.
- Ah ! Vous êtes enfin d’accord ! C’est pas gagné cela dit… C’est trop haut pour sauter, et avec tous ces badauds… Souligna Lyvia qui semblait pâlir grandement sous l’effort.

Sans attendre davantage, Rick saisit l’un et l’autre par la taille et prenant une voix de super-héros trop classe, reprit :

- Accrochez-vous ça va secouer !

La seconde suivante, une sorte de grappin s’échappait de sa ceinture dans un sifflement infernal pour s’accrocher directement au dirigeable le plus proche.

- Attends ne me dit pas que…

Le brun posa un doigt sur les lèvres de la belle et glissait avec un sourire parfait, troublant la demoiselle, et par la même occasion sa concentration.

- D’accord je ne te le dirais pas.
- Aïe ! Lâche-moi espèce de sale…

Le lycanthrope n’acheva pas. Le dirigeable, ainsi alpagué, fut perturbé dans son plan de vol originel, et se fut sans ménagement qu’il percuta un autre engin volant. Ce dernier vint heurter une grue, qui tangua violemment, forçant l’atterrissage d’un homme qui s’y était juché. Aucun d’eux ne le remarqua cependant.

Lyvia surprise par leur saut soudain, s’était agrippée à Rick et avait laissé échapper Smart-F0N ; dont la puissance, avait tout bonnement explosée au milieu de feu son bureau.  

- Le bureau !
- Oui, il est en piteux état. Soupira la belle dépitée.
- Non ! Celui-là ! On va rentrer dedans ! Hurla Aldrick en pointant du doigt l’immense tour de métal qui se dressait face à eux.

Heureusement, les réflexes de Rick furent plus rapides et réajustant sa ceinture, cette dernière les remonta à l’instar d’un treuil. Ils frôlèrent le toit, provoquant l’envol de grand nombre de pigeons, plus ou moins mécaniques, sur leur passage.

- Air ligne Rick vous remercie de l’avoir choisi et espère que vous avez effectué un agréable vol. ~
- Je crois qu’on a de la compagnie.
- Ces aéronefs ? Ne t’inquiète pas, ils sont juste curieux, rien de plus. Passe la première Lyvia.

La belle gagna l’une des échelles latérales en se penchant au mieux, suivant scrupuleusement les indications de Rick :

- Ne regarde pas en bas.
- Tu te rappelles à qui tu parles ?
- Je ne parlais pas de ça ! Indiquant le retour du câble noir (ça ferait un bon titre de film, non ?) qui enserrait sa jambe, Aldrick grimaça autant que son sosie, quand tous deux distinguèrent Smart-F0N à son extrémité.
- Si ça se trouve il a eu le coup de foudre pour toi ?
- Bien sûr ! C’est pour ça qu’il veut me tuer ?
- On ne dit pas « à la vie à la mort » ? Tu as peut-être accepté une demande en mariage sans le savoir.
- C’est pas drôle !
- Tu as aussi peu d’humour que Smart-F0N, vous allez bien ensemble.
- Monte et tais-toi !
- Je note que tu ne nies pas. ~ S’enjoua Rick en attrapant la main de la sylphide, avant de l’aider à son tour à gagner l'intérieur du dirigeable.
- Appel divin !
* Réseau indisponible *

Smart-F0N émit un bip de désapprobation, et passa en mode dirigeable, alors qu’Aldrick n’en croyait pas ses yeux. Jamais il n’avait vu tant de rouages de toute son existence. Même à l'exposition universelle, il n'y en avait pas tant ! Il ne s’y éternisa pourtant pas, cherchant de quoi rompre ce lien constrictor.

- On est dans la salle des machines.
- Merveilleux, il suffit de jeter ce pot de colle entre deux roues et le tour est joué !
- On ne peut pas ! Ça risquerait de mettre en danger toutes les personnes à bord !
* Mode dirigeable activé. *
- Appel dix… Vingt.
* Emplacement de recharge détecté.*

Dès lors, Smart-F0N se détacha d’Aldrick pour s’agripper à une poutre au-dessus d’eux. Il manqua de choir à deux reprises, mais se rattrapa in extremis.

- Il faut l’arrêter pendant qu’il est faible !
- Il est passé par là !
- À gauche !
- Sous le piston ! Attention à la vapeur !
- On va le perdre de vue !

Un nouveau jet de vapeur les força à reculer, et ce fut avec une force inouïe qu’Aldrick fut propulsé contre le plancher de la cale.

Derrière le nuage de vapeur sortir plusieurs écrous, faisant trembler toute la structure du dirigeable. Un son strident se réitéra à plusieurs reprises dans l’air tandis que lycanthrope se retrouvait épinglé tel un papillon contre le bois.

- Les pièces l’attaquent !

Lyvia se précipita pour l’aider à retirer l’un des rouages qui s’était solidement planté entre son cou et son épaule. Mais un nouvel assaut la contraignit à esquiver et ce fut Rick qui tenta de le défaire des engrenages.

- Comment ça se fait ?
- 10 20 ! Toutes les pièces de ce matricule vont le prendre pour cible. Réalisa le noble en lisant l’inscription sur l’une d’elles.
- C’est pas vrai !
- Il en arrive d’autres.
- Retiens-les.

Un mur invisible se dressa devant eux, clouant dans l’air plus d’une centaine de pièces métalliques, tous gabarits confondus.

- Ton fan-club va bientôt devenir plus grand que le mien.
- Je croyais que tu n’avais qu’une dizaine de fans ?
- Oups… Souffla Rick dans un murmure en notant l’agacement de la belle.
- Dépêchez-vous !

Les deux lycanthropes se démenèrent pour retirer deux rouages d’une cinquantaine de centimètres, puis un immense bruit sourd se fit entendre alors que plusieurs pistons se voyaient délester de leurs comparses mécaniques.

- Pitié ne me dites pas que…
- L’un des moteurs comporte ces chiffres !

Comme subitement doté de vie, l’immense agrégat de métal s’extirpa de son socle pour se dresser face à eux. Dans un sursaut de volonté, Lyvia s’employa à repousser de toutes ses forces les pièces qu’elle retenait contre leur nouvel adversaire. Celui-ci prit l’attaque de plein fouet, mais n’en parut pas affecté.

- Lyvia !

Rick s’était précipité pour la soutenir, alors que l'épuisement la gagnait.
Aldrick, nouvellement libre, ne leur laissa pas de répit cependant. Leur imposant à tous deux un bond sur le côté, pour éviter un jet de vapeur dévastateur. Le commissaire, passablement énervé, se redressa en grognant.

- Ça commence à bien faire de se faire canarder à tout-va !

Il avisa la salle, et saisit un tuyau qui remontait jusqu’au plafond. D’un geste brusque, il en arracha une partie.

- Tu veux te battre ? Okay, je t’attends.

La machine ne parut pas plus réceptive à la provocation, mais la surchauffe engendrée par les autres moteurs, pour palier à son absence au sein du bâtiment volant, la poussa à se diriger vers eux. Une épaisse fumée noire s’échappa d’elle dès lors, et un grincement aigu prouva que l’un des rouages qui l’avaient atteint plus tôt bloquait à présent le bon déroulement de son autonomie. Cela ne parut pas l’arrêter, car elle se rapprocha d’avantage. Soudain tout le dirigeable oscilla dangereusement. Le loup surpris n’eut rien le temps de faire et son attaque, d’une précision originellement remarquable, envoya valser le tuyau à l’autre bout de la cale sans blesser qui que ce soit.

Le moteur mugit, passablement mécontent, mais sa nouvelle avancée acheva de déstabiliser le maintien précaire de leur moyen de locomotion.
Tête la première, ils chutèrent tous vers l’extrémité de la cale, le moteur comprit, traversant l’endroit allongés, alors que tout l’édifice volant perdait subitement en altitude.
Mais si les trois légendaires virent leurs courses s’arrêter contre la paroi métallique du dirigeable, ce ne fut pas le cas du moteur, qui lui, traversa de part en part le bâtiment, et effectua l’un des plus beaux sauts de l’histoire de l’aéronautique. Ponctuant même son arrivée dans la Seine, d’un triple saut alto avant d’achever par un formidable plongeant qui ne fit pas de vagues. Les rares robots présents sur la berge se permirent d’ailleurs d’applaudir grandement (pour ceux qui le pouvaient) et d’enregistrer ce nouveau record dans leurs bases de données.

La panique sembla s’emparer alors de l’appareil, un des mécaniciens ayant confirmé -sans songer aux conséquences- qu’un des moteurs venait d’être noyé. La pression présente dans la cale devint plus qu’étouffante pour les passagers clandestins, surtout quand, se cramponnant au fuselage, Smart-F0N ne renonça en rien à son noir dessein, malgré la brèche à leurs côtés.

- Cible verrouil... Nouvelle analyse : perte de poids notable effectuée.
- Tu vas arrêter avec ça ! C’est une idée fixe ma parole !
- Non il n’y a aucun petit chien à l’horizon. Ni de gaulois d’ailleurs.
- Il est fou ce type !
- T’inquiète pas il y a une assurance tous risques ici.
- Ça sonne faux ce que tu nous chantes là.
- Mais non, il faut juste changer de disque.
- Difficile. Tout est automatique.
- Attaque…
< BANG ! >

Le groupe fut projeté en avant, ne réalisant qu’en jetant un regard derrière eux que le dirigeable venait d’entrer en collision avec un autre ballon volant.

- Non n’y songez même pas ! Répliqua Lyvia face à l’illumination qui éclairait simultanément le visage des deux loups, tandis que tous trois se cramponnaient à une barre de fer.
- C’est pas si haut !
- N’importe quoi !
- On ne te lâchera pas.
- C’est promis.
- Je refuse de…

< BOUM ! >

Le souffle de la déflagration fut si puissant qu’il éjecta les Légendaires en dehors du dirigeable, provoquant ensuite une réaction en chaine dans la cale, où tout semblait prendre feu. Un cri d’horreur échappa à Lyvia, non à cause du vide, mais parce qu’elle fut la seule d’entre eux à entendre Smart-F0N, projeté tout près d’elle :

- Attaque Grande Prêtresse Saumon !

Rick lui saisit la main, lui adressa un sourire rassurant et lança de nouveau sa ceinture grappin en direction du ballon volant sur lequel tous les occupants du dirigeable étaient accueillis. Mais ils étaient trop loin ! Beaucoup trop loin! La ceinture chuta avant de se rétracter. Aldrick serra dents et poings, ne réalisant pas qu’il infligeait une douleur conséquente à Lyvia, alors qu’ils se rapprochaient de plus en plus du sol. La belle leur cria quelque chose qu’il ne comprit pas jusqu’à ce qu’un flash lumineux, semblable à celui qui l’avait ébloui dans son bureau, mais en dix fois plus puissant, ne semble rayonner près de la Seine.

Sortant avec grâce de l’eau, une immense créature, au moins aussi grande que la tour Eiffel, se parait d’une longue robe blanche, autour de laquelle semblait flotter des rubans immaculés. Son aura, pure et bénéfique, semblait proche du divin. Nul doute qu’aucun homme n’aurait résisté à corps plus attractif, à une taille si fine, à une prestance si grande. Du moins, à condition d’être fan inconditionnel du saumon qui lui faisait office de tête.

La Grande Prêtresse Saumon (GPS pour faire plus court) regarda à droite, puis à gauche en interrogeant :

- Qui donc m’a invoqué ? Montre-toi !

Mais seul le silence lui répondit. Agitant un trident d’or GPS s’impatienta :

- Montre-toi ! C’est un or…< BANG ! >

Tel un boulet de canon, les trois comparses percutèrent l’œil de la Grande Prêtresse Saumon, qui s’agita grandement, semblant perdue, alors qu’ils chutaient sur sa nageoire. Sa voix en parut changée devenant étonnement similaire à celle de Dark Vador, tandis qu’elle se figeait enfin :

- Aïe ! Non mais ça va pas ! Faites demi-tour immédiatement !
- C’est pas comme ça qu’on va lui en mettre plein la vue… Souffla Lyvia en avisant ses mains collantes, puis le fleuve déchainé sous eux.
- N’essaie pas de noyer le poisson.
- Arêtes !
- Inutile de me regarder avec ses yeux de merlan frit. J’y suis pour rien.
- Quoiqu’il en soit je doute qu’on soit à l’aise comme un poisson dans l’eau si elle nous laisse tomber maintenant…
- Peut-être qu’il suffit qu’elle morde à l’hameçon ? Rick tiens-toi prêt.

Les deux autres avisèrent Aldrick, sans comprendre d’abord, alors qu’il faisait des grands signes à Smart-F0N. Ce dernier se balançait d’un ruban à l’autre en essayant de les atteindre.

- Par ici ! Je suis là !

Comme il l’avait envisagé, l’attention – ou plutôt les capteurs de Smart-F0N – se tourna vers lui. Hélas, il en fut de même pour GPS. Prise de répulsion à leur encontre, la divinité entrepris de les écraser entre ses deux nageoires. Les rapprochant plus près encore de Smart-F0N, qu’Aldrick défia :

- Tu ne m’auras jamais ! Je suis invulnérable ! Je résisterais même à ton attaque réveil à sa puissance maximale !
- Que… Non ! Ne fais pas ça !

Lyvia agita les bras vers la prêtresse, en criant aussi fort qu’elle le put :

- C’est lui qui vous a invo…

Dans un mouvement parfaitement synchronisé, les deux loups sautèrent hors de la nageoire, Rick maintenant Lyvia contre lui, tandis que Smart-F0N relançait sa première attaque à l’apogée de sa puissance.

La Seine devint alors semblable à un immense ballet effervescent où se dandinait GPS, dont la voix passait aléatoirement de celle de Donald Duck, à une teinte étonnement sensuelle, sans omettre celle de Dory, tout en enchainant une série de grimaces plus improbables les unes que les autres (si, si c’est possible pour un poisson, surtout s’il essaie de parler baleine).

Enfin, chancelante, GPS se laissa choir de tout son long dans la Seine, avant de couler à pic (un comble pour un poisson), sans se douter que sa chute eût fait déborder le fleuve, et inonder les rues aux alentours, emportant dans ses flots, les êtres qui l’avaient tant répugné.

Tâchant de s’accrocher au premier objet venu, les Légendaires, subissant eux aussi partiellement les effets virulents de l’attaque de Smart-F0N, purent se hisser en hauteur.

Le niveau de l’eau baissa progressivement, tandis qu’ils s’allongeaient pour tenter de reprendre des forces. Toussotant, les deux bruns posèrent sur Lyvia un regard inquiet, avant d’émettre un soupir de soulagement synchronisé, lorsqu’ ils eurent enfin la certitude qu’elle respirait encore et n’était qu’inconsciente. Trop épuisés pour assimiler d'autres informations, aucun d'eux ne réalisa qu’ils étaient à présent juchés sur l’un des balcons de Notre Dame.

- Rappelle-moi de ne jamais t’emmener à la pêche. Souffla Rick en tentant vainement de se défaire de sa coiffure pour le moins hirsute.
- C’est sûr qu’après pareille prise, tu vas avoir du mal à rivaliser. ~

Rick ouvrit la bouche, et pour la première fois concéda que son double n’avait peut-être pas tout à fait tort.

- Qu’est-ce qu’on fait ?
- Le mort. Jusqu’à ce que ça se calme.
- C’est sympa comme programme. J'aime bien. Pourvu que ça dure…

Mais sans vraiment savoir pourquoi, Aldrick avait comme un doute sur ce point.


Dernière édition par Aldrick Voelsungen le Mer 3 Aoû - 9:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMer 3 Aoû - 1:36

Un ciel gris, que les nuages appellent de tout leur être. Un temps qui murmure le son du tonnerre et la violence de l'éclair, bien des heures avant que ceux-ci ne fendent les cieux. Un monde aux allures apocalyptiques, un sol qui deviendra meuble, puis boueux si elle ne se dépêche pas d'arriver. Oui, mais voilà. Les minutes passent, défilent sans elle et leur terrible souffle s'emmêle entre ses pieds pour mieux manquer de la faire chuter. Ses pas résonnent dans les rues désertes, sur les pavés encore gorgés de sommeil. L'aube pointe à peine le bout de son nez et aujourd'hui, le soleil ne se lèvera certainement jamais. Son regard se perd dans les rues à mesure que la vitesse l'emporte et c'est quelques instants plus tard qu'elle gagne les abords du cimetière. Celui-ci se dresse, austère, dans le ciel terni de Paris. Si le monde déteste absolument cet endroit, ce n'est qu'ici que Tala se sent à sa place, aux côtés de l'homme qui, un beau jour, a accepté de donner sa chance à une pauvre gamine aux airs d'égarée. Cet homme porte le nom d'Ewen, et c'est avec un sourire qu'il accueille sa seule et unique employée.

« Tu es en retard.
- J-je sais, je suis désolée... !
- C'était une plaisanterie, Tala... File prendre ta pelle et mets-toi au travail, va. »

Un microscopique petit sourire se glisse sur les lèvres de la jeune femme à la mention de la pelle. Cette pelle, Tala y tient de toutes ses forces. Car sur son manche se trouvent quatre lettre tracées au couteau, quatre lettres qui, les jours où la peine dévore son âme, lui rendent un peu d'espoir. C'est avec plaisir qu'elle va s'emparer de son instrument de travail, gravé de son nom. Lorsqu'elle repasse devant le jeune homme aux cheveux d'argent, celui-ci lui adresse un doux regard.

« Tu devrais sourire plus souvent, Tala... »

La jeune femme s'empourpre et perd son sourire pour lui préférer un air plus que gêné. Elle baisse un peu la tête et file vers ce qui deviendra bientôt la dernière demeure d'un macchabée. Sa pelle s'enfonce dans une terre rendue dure par la chaleur des jours passés et c'est en forçant qu'elle retire sa première pelletée. Aujourd'hui promet d'être une dure journée, avec ou sans l'orage qui menace toujours les cieux si capricieux.

« Je mets de l'eau sur le banc. D'accord ?
- Oui... Merci Ewen.
- Et ne demande pas pour prendre un verre. Prends-le. Compris ?
- O-oui, oui... »

Les heures passent et le trou prend doucement forme, devenant progressivement gouffre et cachant le reste du monde aux yeux de sa créatrice. Le front couvert de sueur, Tala relève la tête pour se rendre compte que les nuages ont disparu et ont laissé place à un soleil encore bien timide. Un peu de surprise se glisse dans le regard émeraude mais la jeune femme hausse les épaules. À Paris, le temps est changeant. À Paris, le temps est changeant et soleil peut devenir pluie en l'espace de quelques minutes seulement. La jeune femme reprend son ouvrage sans plus se soucier des lueurs solaires encore si hésitantes. À nouveau défilent les secondes pour se muer en minutes, puis en heure. Une heure entière s'écoule sans espoir de retour avant que Tala n'estime avoir creusé suffisamment profondément la tombe dans laquelle elle est engouffrée. S'essuyant le visage à l'aide d'un mouchoir en tissu, la jeune femme pose ses deux mains sur le rebord du trou pour se hisser vers le sommet.

« Shcrrschhh.
- Hein ? »

Comme s'il avait répondu à son appel, le son revient, plus fort, plus entêtant, semblant même se rapprocher. Ce qui n'était que diffus devient bientôt assourdissant et Tala est obligée de se boucher les oreilles tant c'en est insupportable.

« E-Ewen, qu'est-ce que tu fais... ?!
- Shcrsrchhhhh... No. Shcrsrchhhh... Styx. Shcrsrchhhh... Gnal. Shcrsrchhhhh... »

La voix n'est absolument pas celle d'Ewen et cette réalité annonce un problème que Tala ne comprend pas encore. Le bruit est si puissamment dirigé vers elle que les oreilles de la louve lui font un mal de chien. Bientôt, Tala se recroqueville au fond de son trou, désireuse de faire taire au plus vite la torture auditive qui est la sienne.

« Shcrschhhhh...
- P-par pitié... arrêtez... ! »

Mais le bruit ne se tait pas, bien au contraire, augmente même et continue d'approcher, inlassablement, pour mieux la faire souffrir. Le visage de la jeune femme se crispe totalement, ne supportant pas le traitement qui lui est infligé et si ses yeux étaient clos jusqu'à présent, Tala les ouvre pour découvrir d'où peut provenir l'horrible son. Alors, le regard de la louve s'écarquille comme jamais auparavant. Car ce qui avance vers elle et qui, désormais, l'observe au dessus de son trou est un énorme rectangle de métal dans lequel un rectangle plus petit diffuse une sorte de neige grisâtre tombant en continu. Et sans comprendre pourquoi, Tala jurerait que la chose l'observe. D'ailleurs, à l'instant même où l'étrange engin capte son regard, le son se tait et la neige laisse place à un joli visage souriant qui... tourne brusquement la tête. La louve sursaute, recule dans son trou et laisse l'image s'élargir. Y aurait-il vraiment quelqu'un dans le rectangle lumineux... ?

« E-euhm, v-vous êtes coincé à l'intérieur... ?
- Initialisation du Zapping mutant en cours. 10... 9...
- M-monsi-... mad-... ?
- 8... 7... 6... »

Une autre personne apparaît dans le rectangle et Tala sursaute à nouveau. Ces gens, de toute petite taille, sont-ils plusieurs à être enfermés là dedans... ?

« 5... 4... 3...
- S-s'il vous plaît... Q-qu'est ce que le zapping mutant... ?
- 2... 1... Lancement. »

Avant même que Tala n'ait le temps de répondre quoique ce soit, les deux silhouettes laissent place à une image absolument terrifiante d'un lion bondissant sur elle, toutes griffes dehors. La jeune femme pousse un cri et se recroqueville sur elle-même. Et Ewen qui n'est pas là... Ewen. Soudain, la lumière se fait dans son esprit. Si des gens sont bloqués à l'intérieur de la chose et si Ewen a disparu, ça ne peut être que pour une seule raison. La boîte de métal a dévoré son ami. L'horreur se glisse sur le visage de la louve qui tourne vers l'engin un regard furibond et qui-... rien. Les images changent, captent son regard, l'hypnotisent par l'impressionnante masse d'informations qu'elle cherche à comprendre en vain et qui la fascinent. Les choses bougent, les choses évoluent, et c'est beau, comme spectacle. C'est tellement beau que tous ses élans belliqueux fondent comme neige au soleil.

« Déploiement des antennes enclenché. Lancement immédiat. »

Tala ne remarque même pas que de drôles de tiges métalliques entreprennent de l'emprisonner. Son attention toute entière n'est offerte qu'à une chose : à la profusion d'images qui défilent devant ses yeux grands ouverts et qui, désormais, ne lui font plus du tout peur. Lorsque la chose la hisse hors de son trou, Tala ne réagit même pas. Oublié, le vertige. Oubliée, l'incompréhension. Oublié, le mal de crâne. Seule compte l'étrange boîte qui la fascine tellement.

« Mais tu fous quoiiii ? Tu vois pas que tu vas te faire prendre ?!
- Présence non autorisée détectée. Scanner enclenché.
- 'Fait ch*er... Wow, je te cause !
- Individu dangereux détecté. Prénom : Tala. Nom : Inconnu. Âge : Inconnu. Statut : Hautement recherché. Élimination : Autoris-...
- CLANG. »

Les images cessent brusquement dans le rectangle lumineux et rendent à Tala ses capacités intellectuelles. Lorsqu'elle relève la tête vers celle qui semble bien être sa sauveuse, la surprise dévore tous ses sens et se réverbère dans le regard émeraude, si semblable au sien. Et pour cause : c'est face à elle-même que Tala se retrouve. Seule la voix de l'étrange machine vient briser cet incroyable moment.

« Lancement de la procédure d'urgence. No Styx Gnal Enclench-zzzzz...
- Certainement pas mon coco. »

Si Tala s'attendait à un autre coup de clé à molette, il n'en est cependant rien. Son portrait craché s'est emparé d'un drôle de boîtier sur lequel elle appuie sans hésiter. Aussitôt, le rectangle lumineux s'éteint et laisse apparaître un compte à rebours de ce que Tala comprend être des minutes.

« C-comment... ?
- Plus tard ! Les T-rat-kto-pelles démarrent leur service dans dix minutes, et la T-lait se rallumera dans maximum cinq minutes. On se dépêche de te libérer et on discutera de tout ça une fois qu'on sera en sécurité. Compris ?
- D-d'accord... ! »

Alors que la jeune femme cherche à se débattre pour se libérer de ses entraves, l'autre Tala sort une pince coupante de son énorme sac à dos.

« Tu t'en sortiras mieux avec ça. On n'a pas de temps à perdre. Chaque seconde compte.
- M-merci ! »

En un rien de temps, la louve est de nouveau maître de ses mouvements. Lorsqu'elle relève la tête vers sa sauveuse, elle a le temps de voir celle-ci ranger le boîtier dans son sac à dos en même temps que la pince.

« Tu m'excuseras, mais je t'emprunte ça, ma grande. »

Surprenant son regard, la jeune femme hausse les épaules.

« Ça peut toujours servir... Tiens, tends les bras. Tu vas me porter les câbles. »

Tala se retrouve donc affublée du fardeau de ce qui la retenait prisonnière quelques instants plus tôt et regarde bêtement s'éloigner son portrait craché. Sursautant, elle décide de lui emboîter le pas et manque de trébucher à cause des fils métalliques.

« A-Attends... !
- Je t'ai dit qu'on n'avait pas le temps !
- M-mais je dois retrouver Ewen... ! »

Comme si ces mots avaient été une sorte de signal, la jeune femme aux cheveux courts s'arrête brusquement et tourne un regard à la fois perdu et méfiant vers elle.

« Tu connais Ewen... ?
- M-mais oui, je travaille ici avec lui et-...
- C'est pas possible, ça. Ça doit faire une éternité qu'aucun être humain n'a bossé ici.
- M-mais bien sûr que si, j-j'ai creusé la tombe que tu vois là-bas, j-je...
- Ok... On va devoir discuter plus tôt que prévu, toutes les deux. Tout ce que je peux te dire pour l'instant, c'est que tu ne trouveras pas Ewen ici. Viens. »

Et avant que Tala ne puisse ajouter quoique ce soit, l'autre jeune femme s'élance dans les rues encore muettes de la ville. De peur de se perdre, Tala se décide à la suivre sans faire d'histoire. Et puis cette fille qui lui ressemble tant vient de le dire : les explications viendront plus tard...


*

« D-dans les égoûts ?
- Mais ouiiii, puisque je te dis qu'ils vont pas te manger !
- Mais... c'est que...
- Que quoi ? Tu as peur de salir ta robe ? Tu crois franchement qu'on a le temps de réfléchir à ça maintenant ?
- … N-non, c'est vrai...
- Bon, alors bouge. Passe la prem-... SAUTE ! »

Quelques secondes plus tard, une armée de Râh-Dards passe en trombe à l'endroit même où se tenaient les deux jeunes femmes, les sauvant d'une capture plus que certaine.

« Pfiou... C'était moins une. »

Tala hoche vigoureusement la tête et fronce aussitôt le nez devant l'odeur âcre et plutôt détestable qui gouverne les lieux. Voyant ça, sa sauveuse se fend d'un sourire amusé.

« On s'habitue, tu verras... Mais c'est sûr que c'est l'enfer, quand on a un odorat aussi sensible que le nôtre.
- J-je n'ai pas d'odorat particulièrement exacerbé. Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler.
- Ouhla... Ok, ok, je me suis visiblement trompée, ça arrive, hein...
- Pardon.
- C'est rien. En route. »

Tala emboîte le pas à sa nouvelle alliée sans plus mot dire. Elle s'en veut d'avoir réagi si durement mais, à sa décharge, les récents événements sont un peu trop étranges pour lui permettre de se montrer tout à fait détendue. S'il semble qu'elle se trouve bel et bien dans Paris, il semble aussi et surtout que le monde entier a bien changé en trois toutes petites heures. Son regard se perd à l'assaut des souterrains qu'elles traversent et qui semblent être la seule chose normale en ce monde. Comme si quelqu'un de malintentionné l'avait entendue, Tala se fait brusquement plaquer contre le mur par sa compagne, qui lui intime le silence. Elle indique d'un air sévère une sorte de tout petit robot qui semble nettoyer le ruisseau insalubre qui serpente dans les égouts.

« Tu vas pas me faire croire que tu l'avais pas entendu, si ?! »

Dit-elle, une fois le danger éloigné. Tala secoue la tête, bouche bée, ce qui semble surprendre sa partenaire de galère.

« Juste une question... C'est quoi, ton nom ?
- T-Tala Harcourt, pourquoi... ?
- … Pour rien. »

Loin de la rassurer, cette information semble absolument l'interloquer. Tala a beau se creuser la tête, elle ne comprend pas pourquoi.
Le reste du voyage se passe sans heurt et c'est tranquillement que les deux jeunes femmes arrivent dans ce qui semble être une véritable place souterraine.

« Bienvenue dans l'Under. C'est là qu'on vient, lorsqu'on a des ennuis avec ceux d'en haut. On trouve de tout ici. Des repris de Justice, des types qui ont pas payé leurs impôts, des gens qui s'opposent au système, … Enfin bref, si tu veux survivre, c'est là qu'est ta place. Clairement. Je te propose de filer jusqu'à chez Eugénie, mais avant ça, j'aimerais qu'on discute un peu, toutes les deux.
- Ça me va, je crois que je ne comprends pas tout et ça me dérange beaucoup... »

Un sourire plutôt doux mange les lèvres de son interlocutrice alors qu'elle la guide vers ce qui semble être le toit d'une sorte de bâtiment. C'est une véritable ville souterraine qui a en effet été construite de la main des forbans et Tala s'émerveille discrètement de la moindre aspérité rencontrant son regard. Une fois confortablement installées, la jeune femme l'ayant guidée jusqu'ici reprend la parole.

« Je m'appelle Tala. »

Le trouble s'inscrit durablement sur les traits de l'étrangère.

« Je suis une louve. Tout comme toi, hein... ? »

Tala sent son cœur battre plus fort dans sa poitrine. Mais loin de battre de joie, celui-ci bat de douleur. Elle aurait voulu garder ça pour elle, et ne le dire à personne. De toute façon, maintenant, c'est trop tard. Alors...

« H-hm. »

Sa vis-à-vis semble songeuse. Plusieurs secondes s'écoulent dans un silence approximatif, puis l'autre Tala reprend la parole.

« Je crois que nous sommes la même personne et que nous venons de deux Paris différents. »

De nouveau, le silence règne en maître durant quelques instants, instants durant lesquels Tala accuse le coup.

« Ç-ça se tient, m-mais ça voudrait dire que... j'ai changé de... dimension... ? »

En guise de réponse, un hochement de tête. Puis...

« Et il y a autre chose...
- Mais alors... Comment je vais faire pour rentrer chez moi ? Et Ewen ?! Il n'était pas avec moi et-...
- Tala, Tala, calme-t-
- Il faut absolument que je le retrouve et-...
- Tala, calme-toi, il faut qu-...
- Il doit être apparu au même endroit que celui de ton monde, conduis-moi à lui, s'il te plaît... !
- C'est ce que j'essaye de te dire depuis tout à l'heure, Tala ! Dans mon monde, Ewen est mort il y a quatre mois. »

Les larmes montent aux yeux de la jeune femme alors qu'elle annonce la nouvelle à son alter-ego. Face à elle, le silence est roi. Face à elle, Tala sent son cœur imploser. Cette fois, c'est trop.

« C-c'est... pour ça que j'étais au cimetière, ce matin. Parce que je me rendais sur sa tombe. »

Tala ne sait que répondre à cette autre elle-même qui se confie, son propre cœur gonflé d'une douleur qu'elle ne comprend qu'à demi. Son regard se plonge dans celui, de cette même fabuleuse couleur, de son alter-ego.

« J-je suis allée déposer une fleur sur sa tombe et la suite... tu la connais. »

La jeune femme hoche la tête alors que les larmes menacent de prendre d'assaut son beau visage. Tala a honte. Cet Ewen, elle ne le connaissait pas, et pourtant, son cœur se déchire face à celle qui a vraiment tout perdu. Sa gorge se serre un peu plus.

« Je... suis désolée pour toi...
- Ewen n'aurait pas voulu que je m'apitoie sur son sort. J-je ne connais pas le... tien mais... s'il était aussi plein de bonté que le mien, alors... range ces larmes. Eugénie ne doit pas te voir comme ça. »

Tala hoche doucement la tête, puis essuie doucement ses yeux. Si le souhait de son autre elle-même est que cette Eugénie ne la voit pas ainsi, alors soit. Elle croit d'ailleurs deviner qui est cette femme dont lui parle son alter-ego. Elle croit le deviner et son cœur se serre à l'idée de la souffrance qu'elle doit éprouver depuis ce jour. Elle-même ne supporte pas l'idée de-...

« Tu viens ? »

Sans le savoir, sa compagne l'empêche en cet instant de sombrer dans ses idées noires.

« J'arrive. »


*

« … Et vous n'avez aucun robot, dans ton monde ?! Pas de T-lait, pas d'0R0-Dateur, pas de Smart-F0N, rien ?!
- Non, rien de tout ça. Pour te dire, je ne savais même pas ce que c'était, avant d'arriver ici...
- Ce doit être le pied... Donc tu n'avais jamais été capturée par l'un d'entre eux ?
- Jamais.
- Mais comment fonctionne votre Justice, alors ?!
- J'y viens, j'y viens... Nous avons ce qu'on appelle une police. »


Là dessus, Tala fronce le nez et passe une main dans ses cheveux courts.

« Ça, je connais. On en a, ici aussi. Je déteste les Jus-Tea-C1ers. Ce sont les pires de tous. Ils tirent à vue pour peu que tu sois un peu recherchée !
- Chez nous, les policiers sont hum-... des êtres vivants, humains ou légendaires, et ils sont gentils... Je connais un policier qui s'appelle Aldrick et... que j'apprécie vraiment. »

Il n'est pas là pour entendre, alors...

« T'es amie avec un policier, toi ?! Je nous trouve décidément très différentes...
- Ah, ça... »

Un sourire mange à l'unisson les lèvres des deux jeunes femmes tandis que celles-ci serpentent entre ce que Tala devine être les rues de la ville. Partout autour d'elles, des bâtisses faites de tissu et de métal s'élèvent vers des cieux inexistants, seulement illuminées par de drôles de lanternes, fonctionnant sans aucune flamme. Des enfants les dépassent en riant et l'activité bat son plein, laissant présager du véritable commerce souterrain qui existe ici-bas.

« Lou', tu m'as rapporté ce que je t'avais demandé ? »

Alors que Tala s'attend à poursuivre calmement son chemin, son alter-ego se retourne pour faire face à un type deux fois plus grand qu'elle et très baraqué, ses longs cheveux bruns noués en tresse et sa barbe vieille de quelques temps déjà. Sur le front, des lunettes et dans la bouche, un cigare, qui fait plisser le nez des deux Tala.

« Ouais, mais je te filerai ça que si tu craches ta saleté par terre. »

Le type soupire et, ce faisant, fait remuer la montagne de muscles qui lui sert de corps. La chemise sale qu'il porte, pleine de cambouis, est sertie de deux bretelles accrochées à un pantalon totalement noir. Celui-ci est maintenu à la taille par une énorme ceinture, mais Tala ne peut s'empêcher de se dire qu'il n'en a pas besoin.

« Tu m'énerves, Lou'. C'est pas un petit cigare de temps en temps qui va me tuer...
- De temps en temps ?! Tu en as un dans la bouche quasi toute la journée !
- C'est faux ! Je n'en ai pas quand je dors, ni quand je mange, ni quand je me lave, ni quand j-...
- Tu parles d'exceptions... Idiot. »

Un sourire se glisse sur les lèvres de l'homme, qui lève les deux mains en l'air, dont celle tenant une énorme clé à molette.

« Je me rends. Je le balance. Une dernière taffe et... »

Une longue inspiration plus tard, l'homme écrase du bout du pied le cigare, comme à regret.

« Tu me brises le cœur, Lou'. Maintenant, tu me files mon matos ?
- Ouais, ouais... Je récupère juste un truc dans le sac. Tala, tu peux lui filer tes câbles ? »

L'homme lui offre un sourire avenant et Tala ne peut s'empêcher de penser à Ashton. Elle est certaine que cet homme s'entendrait diablement bien avec lui... L'écarteur que porte son vis-à-vis à l'oreille droite ne fait que renforcer cette impression.

« Tu m'avais pas dit que tu t'étais trouvé une sœur jumelle, Lou'. Plus sérieusement, elle vient d'où ta double ?
- L'embête pas... Elle vient d'une autre dimension, si j'ai tout compris. Un Paris où les robots d'ici n'existent même pas ! Tu te rends compte ?!
- Wow... Je serais bien malheureux, dans ton monde, gamine. Je m'appelle Edgard, mais tu peux m'appeler Ed'. Tout le monde le fait, ici. Bienvenue dans l'Under !
- J-j- Merci, Ed'...
- Pas d'quoi ! Dis donc, elle est un peu timide, ta seconde toi !
- Tu f'rais certainement la même tête qu'elle si tu débarquais dans un autre monde, Ed' ! Tiens, ramasse ton sac ! On doit te laisser, je veux l'amener voir Eugénie !
- Ça marche. Prenez soin de vous les minettes ! »

Tala se reçoit une petite tape sur l'épaule avant de partir et se fait guider à travers l'univers souterrain par son autre elle-même.

« Lou'... ? D'où ça vient... ?
- T'occupe. On en discutera plus tard.
- Pourquoi pas maintenant ?
- Parce qu'on arrive. »

En effet, alors que Tala tourne le regard vers une énième bâtisse, une femme aux longues boucles blondes et au regard brun tendre lui sourit, l'une de ses mains caressant son ventre arrondi. Dans ses yeux, au delà de la douleur qui semble inhérente à cette femme, brille une étincelle de malice qui confère aux iris une splendide aura. Tala en est désormais certaine : ce monde plairait profondément à Ashton...

« Bienvenue à toi, Tala. C'est bien ça, n'est-ce pas ? »

Intimidée par la présence de la jeune femme, la concernée se contente de hocher la tête. Un sourire amusé se dessine sur les lèvres de son interlocutrice.

« Je n'ai pas pour intention de te manger, j'ai suffisamment déjeuné ce matin, c'est promis !
- J-je sais, hein... ! »

Un éclat de rire bienveillant quitte la gorge de la jeune femme face à elle.

« C'était une plaisanterie, Tala. Je m'appelle Eugénie. Enchantée de faire ta connaissance.
- D-de même... ! »

Le regard surpris que lui lance son alter-ego inquiète discrètement Tala. Qu'a-t-elle fait de mal... ?

« Tu ne la connais pas, dans ton monde ?! »

En guise de réponse, la jeune femme secoue simplement la tête. Non, elle n'a jamais entendu parler d'une Eugénie de la bouche d'Ewen, elle en est persuadée. Son autre elle-même semble abasourdie par la nouvelle, ce qui a le don de faire rire encore une fois leur interlocutrice.

« Tala n'a peut être pas les mêmes fréquentations, dans son monde...
- Ce doit être ça. »

Un regard de son double lui apprend qu'elle ne doit rien ajouter, rien contrarier, non plus. Alors, Tala hoche la tête.

« Enfin passons. Si j'ai emmené Tala ici, c'est parce qu'elle semble recherchée, en haut. Je ne sais pas pourquoi, et vu qu'elle est arrivée dans un trou, je doute que ce soit parce qu'elle a commis une infraction. En tout cas, la T-lait qui la poursuivait et dont j'ai volé la télécommande semblait en avoir après elle depuis le début.
- Vraiment... ? C'est ennuyeux...
- Oui hein ? Je crois pas qu'elle soit la bienvenue, à la surface.
- En tout cas, elle le sera ici. Tu peux rester autant de temps que tu le voudras, Tala. Je te garantis qu'il ne t'arrivera rien du tout ici bas.
- M-merci... »

Tala en est persuadée : cette femme lui dit la vérité. Ici bas, elle sera en sécurité.
Ryden Haesmar
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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMer 3 Aoû - 6:04

Le 36 rue Saint-Sulpice, rien ne pouvait laisser croire que cet établissement, se trouvant dans l’ombre de l’église du même nom, était une maison close, surtout pas avec son écriteau écrit dessus, l’Abbaye. Et pourtant, elle appartenait en partie à ce vieux chinois qui observait sa façade d’un air distrait.  Au moment où il se décidait enfin à entrer, les cloches de l’imposante église se mirent à sonner, comme si elle voulait lui rappeler sa sainte présence et le pécher qu’il s’apprêtait à commettre. Il ne put réprimer un sourire à cette pensée.

- Home sweet home, lâcha-t-il lorsqu’il pénétra à l’intérieur.

Dès qu’il mettait les pieds dans ce lieu de débauche sadique, il se sentait toujours chez soi. Chaque recoin de la bâtisse portait l’odeur du sexe, de la douleur, du sadisme et du plaisir. Ici, vous ne pouviez que trouver la damnation enveloppée dans une atmosphère religieuse. Vous aviez autant la possibilité de croiser une nonne qu’une diablesse. Ce qui expliquait peut-être la forte clientèle d’ecclésiastiques.

Après un coup d’œil rapide des lieux, où quelques filles le saluèrent respectueusement, le vieil homme monta au dernier étage. Il poussa la porte devant lui et se retrouva à l’intérieur d’une pièce qui servait à la fois de bureau et de chambre. Seulement éclairée par les quelques rayons du soleil qui passait par la fenêtre, le petit chinois alla vers le secrétaire, alluma la lanterne et commença à feuilleter la pile de papiers dessus.

- Quelle vilaine petite fouine que j'ai trouvé !
- Sans cette vilaine fouine, comment arriverais-tu, Serra, à gérer seule cet établissement ?, dit-il en se retournant vers la voix familière et en lui décochant un sourire dévastateur.

Une superbe femme dans la mi-trentaine, à la chevelure de feu s’approcha de lui avec un démarche de prédatrice, neuf queues balayant tranquillement l’air derrière elle.

- Parlons business plus tard, veux-tu bien, murmura-t-elle à son oreille tout en le déshabillant et en le dirigeant vers le lit. Ne pourrais-tu pas changer d’apparence ?
- Tu n’aimes pas M. Feng, ce petit chinois sexagénaire ?, lâcha-t-il amusé.
- En fait, je préfère l’apparence du toxicologue. Il est plus désirable. Et puis, M. Feng me rappelle une désagréable connaissance.
- Très bien, dit-il en reprenant l'apparence de Ryden alors qu’il se faisait pousser dans le lit complètement dépouillé de tous vêtements.

Ou plutôt, il aurait dû atterrir dedans, mais ce ne fut pas le cas. Au lieu de cela, il tomba bruyamment sur un plancher huileux, se cognant par la même occasion la tête sur un caisson métallique. Sidéré, il n'arrivait pas à croire ce qu'il avait devant les yeux. En l’espace d’un seul clin d’œil, tout avait changé. Ses meubles avaient été échangés contre de la tuyauterie, divers objets de décor et de la machinerie. Cela ressemblait presque à un atelier.
Une fois que la douleur à l’arrière de son crâne s’atténua, il se dirigea vers la fenêtre. Ce qu’il y vit le perturba encore plus. Il avait sous les yeux un Paris qu’il reconnaissait, mais sans être le même. Plusieurs dirigeables et autres aérostats parsemaient le ciel enfumé de la ville. Tout cela n’avait ni queue ni tête. Une ville ne change pas aussi soudainement !


- Ah non ! Pas encore ! SERRA, cesse immédiatement cette illusion !

Seul le bruit incessant de la machinerie lui répondit. Se pouvait-il alors qu’il est fait un bond dans un futur plus ou moins lointain ? Il étudia plus attentivement cette question en observant la nouvelle apparence de la ville et de ses habitants. Il n’aurait su dire pourquoi, mais il en doutait. Comprenant qu’il aurait plus de chances de trouver les réponses à ses questions en cherchant ailleurs, il fouilla la mansarde de fond en comble. Malheureusement, il ne trouva rien d’utile, mis à part un long tablier de cuivre tâché de cambouis qu’il décida de porter. N’allez pas croire qu’il avait un problème avec sa nudité, mais étant dans un endroit inconnu, même valait en cacher un peu. Une fois cette tâche finit, il descendit à l'étage inférieure et comprit finalement à quoi servait l’atelier. Sa merveilleuse maison de joie était maintenant un banal attrait touristique ! Il y avait plusieurs petites scènes où des automates attendaient patiemment qu’un visiteur les active. Constatant qu’il n’y avait personne en vue, Ryden s’approcha de l’une d’elles, intrigué. Devant lui trônait un panneau contenant en son centre un gros bouton rouge et des haut-parleurs. Curieux, il appuya dessus. Des lumières illuminèrent alors les automates et une voix enregistrée se mit à parler.


« Dernière invention parmi la gamme de robots protecteurs de Giffard Industries, les C-Ch0irs... »

Concentré sur ce qu’il voyait, Ryden ne remarqua pas le petit robot qui se tenait derrière lui.

« …Conçus pour protéger les Gardiens, les piliers de notre société, jamais ils n’attaqueront s’ils ne sont pas provoqués… »

Lâchant un cri de surprise en sentant qu’on lui aspergeait le postérieur, il se retourna. Ce qu’il vit fut une boîte métallique d’une quarantaine de centimètres marcher maladroitement derrière lui. Le temps qu’il comprenne ce que cette chose lui voulait, le petit robot sortit un chiffon d’un de ses compartiments et lui essuya les fesses tâchées d’huile. Puis, il partit nettoyer ailleurs. Décontenancé, Ryden resta là un instant à l’observer s’éloigner avant de s’intéresser à nouveau aux scènes. Il les écouta toutes. Chacune parlait de Giffard Industries et de ses avancés technologiques, tout cela sous des airs de propagande.
N’ayant plus rien à découvrir, il décida d’aller explorer l’autre étage. Cependant, en approchant des marches, il entendit des voix, beaucoup de voix, surtout d’enfants. Est-ce qu'ils étaient en sortie scolaire ? Probablement. C’est à ce moment-là que le petit robot revint vers lui. Il n’aurait su dire pourquoi, mais lorsque les deux se regardèrent, Ryden aurait juré qu’il avait un regard réprobateur. Est-ce que même les robots désapprouvaient sa tenue quelque peu légère ? Se sentant étrangement obligé de se justifier, il s’apprêtait à le faire lorsqu’il vit la machine s’approcher. Méfiant, il recula oubliant l’escalier. Ne réussissant pas à trouver son équilibre lorsque son pied manqua la marcha, il déboula non sans faire un spectacle aux visiteurs. L’atterrissage fut presque autant mémorable. Dos au plancher, le bas du tablier cachant tout le haut du corps la tête comprise, une jambe prit dans la rampe, l’autre dans l’escalier et le petit robot descendant rapidement à la suite du démon, arrivant juste à temps pour cacher avec un chiffon l’entre-jambe de l’homme nu. Pourquoi ce genre de situation devait-il toujours lui arrivé ? Ça, c’était un mystère, mais il pouvait dire adieu à la discrétion. Les enfants riaient, les quelques adultes présents désapprouvaient ouvertement.


- On m’a volé mes vêtements, dit-il ne trouvant pas d’autre excuse tout en se relevant difficilement.

Au même moment, un enfant appuya sur un des panneaux et une scène commença. Tout le monde regarda dans cette direction par pur réflexe.

« Henri Giffard est né à Paris le 8 février 1825. Passionné par la science et la mécanique, il est dès son plus jeune âge promu à un grand avenir. À peine âgé de 18 ans, il perfectionne les moteurs à vapeur en imaginant un nouveau système d’injecteur pour la chaudière. À la suite, de cette amélioration, il crée le dirigeable. Devant ce succès phénoménal, Giffard Industries fut ensuite bâti. Dès lors, une nouvelle ère technologique commença.»  

S’étant mis plus en retrait, il se sentit soudainement épier. Balayant la pièce du regard, il s’arrêta sur une scène pas très loin de lui. Il remarqua qu’un des automates semblait différent des autres. Il détonnait par son habillement. Ce n’était pas des plaques métalliques assemblées afin de donner l’impression de vêtement. Il portait de vrais linges. Mais il y avait autre chose chez cette machine qui était indéfinissable. Il restait immobile dans le fond à l'observer. Il y avait dans son regard et sa posture quelque chose d’intimidant, qui le mettait mal à l’aise, mais en même temps, lui semblait familier.
Parce que la description n'est pas ma force et qu'une image vaut mille mots, voici son apparence.:

- Un Gardien ? Que fait-il ici ? ... Où est son C-Ch0ir ?, demanda une femme d’un ton inquiet.

Ryden pouvait lire le mélange d’inquiétude et de peur dans le regard des visiteurs. Même s’il ne savait pas le pourquoi, il comprit tout de même deux choses. La première était que tout le monde regardait dans la même direction, soit l’étrange automate. La deuxième, il la comprit seulement lorsqu’il se déplaça. Ce n’était pas qu'une simple impression, l’être métallique l’observait effectivement, car son regard le suivait.

Puis, sans aucune raison évidente, la machine courut vers le démon. Au même moment, un puissant et très désagréable bruit retentit dans toute la pièce, le déstabilisant et lui perforant partiellement les tympans. La seconde d’après, une violente rafale le frappa de plein fouet, le projetant dans les airs. Il atterrit durement contre un mur, non sans avoir heurté en cours de route automates et panneaux de bois. Sonné par le choc, il n’eut même pas le temps de comprendre d’où venait cette attaque qu’un puissant souffle chaud, presque brûlant, le plaquait solidement au mur. Finalement, son attaquant sortie enfin de l'ombre. C'était un C-Ch0ir.
Imaginez un robot dont la physionomie est similaire à un sèche-cheveux : grosse tête ronde, long bec cylindrique, corps mince; ajouter à cela, des yeux lumineux, deux bras et jambes articulés où s’entremêlaient câbles et tuyaux. De plus, grâce à un système complexe de rouages, de pistons et d’autres trucs mécaniques, il arrivait à acheminer une grande quantité d’air dans son bec cylindrique et à ses mains à trois doigts. Voici ce que Ryden voyait s’approcher de lui et plus il approchait, plus le souffle qui le maintenait au mur devenait chaud.
Alors même qu’il faisait cette découverte, les visiteurs comprirent ce qui se passait. Paniqués, ils s’enfuirent dans toutes les directions, tel des poules sans tête.

Toujours pris dans son piège infernal, Ryden vit C-Ch0ir étirer son bras vers les décombres de la scène. Il ne comprit pas tout de suite ce qu’il faisait, mais ce ne fut pas long avant que sa lanterne s’éclaire. Le robot aspirait des débris et s’apprêtait à les lui lancer dessus. Impuissant, le démon le regarda faire, sachant qu’il lui était impossible de se libérer de son emprise. C’est alors que le petit robot nettoyeur refit surface. Accidentellement ou volontairement, il heurta de plein fouet le C-Ch0ir. Les deux machines tombèrent à la renverse et, dans leur chute, un énorme nuage de poussière s’envola, car le compartiment qui servait à l’entreposer s’était ouvert. Ce qui permit à un Ryden légèrement fumant de s’échapper. Cependant ce fut de courte durée. L’androïde en avait aussi profité pour lui faire face. Ne lui laissant pas la peine de l’attaquer en premier, le démon le frappa. Ou plutôt, il tenta tant bien que mal de le faire, mais à chaque fois, il l’évitait, comme s’il anticipait ses coups.

Puis, soudainement, les deux combattants furent happés par une bourrasque. Lorsqu’ils se relevèrent, les deux, d’un même mouvement, regardèrent la source de cette attaque. C-Ch0ir était pris d’une terrible crise d’éternuements et chaque rafale provoquait de brusques expulsions d’air chaud qui frappaient aléatoirement la pièce. De la poussière devait s’être insérée à l’intérieur de ses circuits et lui irritait la tuyauterie. Devenant de plus en plus fréquentes et plus puissantes, les éternuements étaient en train de se transformer en une terrible tornade, dont l’œil se trouvait être le robot souffleur.
C’était l’enfer. Des débris volaient dans tous les sens, à une vitesse incroyable et détruisaient tout sur leur passage. Voulant justement éviter un banc qui se dirigeait directement sur lui, Ryden vit trop tard le petit robot nettoyeur pris dans la bourrasque. Ils se percutèrent et c’est à ce moment-là que sa tête décida qu’elle avait eu son quota de coups. Il perdit conscience.


****
Lorsqu’il se réveilla, il se trouvait dans une petite pièce humide faiblement éclairé, faite de pierres et d’ossements. Les catacombes. Comment était-il arrivé là ? La réponse se trouvait juste à côté de lui. L’automate le regardait accoté nonchalamment sur un des murs, il paraissait presque s’ennuyer.

Voyant que son invité avait repris conscience, il approcha une main de son visage métallique et appuya sur un bouton. Un mécanisme de rouage se mit à fonctionner, laissant sortir un petit nuage de vapeur. Finalement, le masque se détacha. Accoudé sur son lit de fortune, le démon resta bouché bée devant la scène. Ce qu’il avait pris depuis le début pour une machine était en fait, un être vivant. Plus précisément, c’était une version identique de lui ou du moins son visage l’était.


- QU'EST-CE QUE VOUS ÊTES?, cria-t-il avant de se rendre compte que son audition était revenue. Un polymorphe ?
- Peut-être.
- Comment, peut-être ? On l’est ou on ne l’est pas. Ce n’est pas une question compliquée.
- Jolie le tablier. Vous sortez toujours habiller ainsi ?
- Quoi ? Non, c’est une longue histoire… Si vous ne voulez pas me dire ce que vous êtes, dites-moi comment suis-je arrivé ici ?
- Je vous ai transporté.
- Oui, mais encore…  Que s’est-il passé après que j’aie perdu conscience ?

Mais l’autre Ryden resta silencieux. Décidément, il était non seulement d’une froideur extrême, mais aussi il était le maître des réponses évasives. Comprenant qu’il n’obtiendrait rien de lui, il abandonna… momentanément.

- Pouvez-vous au moins me dire si je suis en sécurité ici ?
- Pour l’instant, oui...


Dernière édition par Ryden Haesmar le Sam 6 Avr - 3:18, édité 3 fois
Lotte Hochvogel
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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMer 3 Aoû - 10:11

Si la bibliothèque de Minerve fourmillait toujours de nouveaux visiteur comme à son habitude, on remarquait assez rapidement une petite silhouette accompagnée d'une drôle de caisse recouverte d'un voile qui divaguait entre les sections, s'arrêtant plusieurs minutes à quelques endroits précis pour ensuite plonger sa tête sous le tissu sombre et rester ainsi accroupi pour une certaine durée. C'est lorsqu'il se débarrassa du voile noir et qu'il se gratta la tête, l'air perplexe, qu'une petite voix vint l'interrompre dans ses étranges rituels.

- Qu'êtes-vous en train de faire au juste ?
- Aah ! Ah… Oh euhm bonjour.

Il ôta son chapeau et toisa du regard la petite fille qui lui faisait face, dont la mine renfrognée n'annonçait rien de bon. Aux côtés de la tête blonde, un jeune homme aux cheveux et vêtements mouillés, les pieds noyés dans une petite flaque en permanence épongée par deux serpillères qui tournaient sans cesse autour de lui pour empêcher la flaque de se répandre de trop. Visiblement inquiet, il regardait avec crainte le drôle d'appareil en bois que transportait l'inconnu à travers la bibliothèque, tandis que la petite fille, elle, les mains sur les hanches, ne quittait pas des yeux son interlocuteur. Celui-ci, qui avait eu vent de la réputation de la terrible directrice, tenta rapidement de décrisper la situation.

- Voilà, je souhaitais prendre en photographie certains endroits de la bibliothèque afin de les exhiber à l'Atrium.
- …

Lotte jeta un œil à la drôle de boîte puis fixa de nouveau le photographe avant de redresser sa main verticalement d'un geste nonchalant. Le corps du visiteur se décolla aussitôt du sol et s'envola instantanément à plusieurs mètres au-dessus de la directrice, de sorte qu'il ne puisse pas l'entendre. Sa main toujours dans la même position, elle se tourna vers Niklas qui regardait, embêté, le photographe en train de gesticuler vainement dans les airs.

- De quoi parle-t-il ? Une photographie ?
- Ah… C'est une capture d'image. La boîte ici capture la lumière de la pièce, qui se reflète sur…
- Les peintres ne suffisent pas ?
- C'est que, c'est plus rapide et c'est à la mode.
- Je m'en moque.

La Simurgh rebaissa la main, faisant immédiatement redescendre le photographe qui, une fois les pieds à terre, poussa un soupir de soulagement, pensant qu'il avait failli vivre sa dernière heure. Il se releva et s'épongea le front avec le mouchoir coincé dans la poche de sa veste avant de se rapprocher machinalement de son outil de travail, de peur de le voir réduit en cendre.

- Je n'ai pas besoin de vos…
- Photographies.
- Photographies, les peintures exposées dans l'Atrium sont suffisantes.
- M-Mais on m'a demandé de…
- Ils ne m'ont pas demandé ma permission. Vraiment, ils pensaient sérieusement que je ne verrai rien ? C'est idiots du bureau judiciaire m'agacent, j'irai leur rendre visite. Vous, sortez d'ici.

C'est en voyant le hochement de tête de Niklas que le photographe comprit qu'il n'avait aucune chance de l'emporter sur la volonté de Lotte et s'excusa timidement avant de récupérer sa chambre photographique et de s'éloigner à marche rapide de la petite directrice et de son collègue. Celle-ci le suivi du regard quelques secondes avant de pousser un soupir d'agacement. La jeune fille remercia le nixe de l'avoir avertie et se dirigea vers un mur qu'elle ouvrit d'un geste de la main avant de s'engouffrer à l'intérieur. Tandis qu'elle traversait le portail qu'elle venait d'ouvrir, une étrange sensation parcourut soudainement le corps de la Simurgh, une impression qui lui disait qu'elle venait de quitter sa bibliothèque. Et ce sentiment se confirma une fois qu'elle mit le pied hors de son portail, dans l'autre section vers laquelle elle se dirigeait. Face à elle se dressait une immense caisse semblable à celui du photographe qu'elle venait de mettre à la porte, supportée par trois pieds mécaniques composés de rouages et de boulons cuivrés. Le bloc de bois pivota alors sur son axe de rotation et dévoila un objectif identique à celui de la chambre photographique de tout à l'heure. Il s'ajusta dans un concert de bruits mécaniques avant de se baisser vers Lotte qui était restée paralysée face à l'immense condensé de technologie qui lui faisait face et dont elle ne savait rien. Un puissant flash vint alors l'éblouir, lui privant de la vue pour quelques secondes, avant qu'une bruyante sirène ne rugisse au cœur de la bibliothèque. L'objectif du gigantesque appareil photo se teinta de rouge, et alors que Lotte tentait de comprendre ce qu'il se passait, une petite voix perça au milieu de la puissante sirène qui continuait de hurler.

- Hors de ma vue !

Un puissant éclair lumineux foudroya alors l'engin qui se décomposa instantanément sous forme d'un tas de plaques métalliques encore fumantes. La petite directrice se tourna vers l'origine de la voix et comprit que son pressentiment était bon. Elle n'était plus dans sa bibliothèque, mais dans une qui lui ressemblait presque entièrement, des différentes étagères jusqu'à la directrice en personne. Celle-ci se fraya un chemin entre les volutes de fumée qui s'échappaient encore de la carcasse du robot et, en posant ses yeux sur Lotte, ne put s'empêcher de lever un sourcil d'étonnement, exactement comme la Simurgh qui fit de même.

- Voilà qui n'est pas banal.
- Je craignais que mes soupçons se confirment, mais encore une fois je ne me suis pas trompée.

Une deuxième Lotte, de même taille et de même apparence, se tenait face à son double, sans un mot. Les deux petites filles étaient presque impossible à différencier, seule la place de la petite couronne différait, comme si l'une était le reflet de l'autre. Lotte soupira et contempla les restes fumants de l'appareil photo, espérant une petite explication de la part de son double qui, d'un geste de la main, fit disparaître les pièces métalliques du sol de la bibliothèque.

- Ces engins ont investi la bibliothèque il y a quelques minutes à peine.
- Ces ?
- Ils ont complètement envahi les lieux, celui-ci n'était que l'un deux. Je m'étais absentée et ils en ont profité pour y entrer. Je pourrai me débarrasser de tous mais leur lumière étrange a diminué la puissance de ma magie.
- Je suis donc moi-aussi affaiblie. J'aurai pensé que mon alter-ego serait plus efficace que cela.

La deuxième Lotte pencha la tête, légèrement vexée.

- Tu t'es aussi faite avoir.
- J'ai été prise par surprise, et ce n'est pas ma bibliothèque ici.

Les deux Lotte se fixèrent quelques secondes, sans un mot, tandis que de petites étincelles commençaient à craquer autour des directrices, résultat de la tension magique qui s'était installée entre elles. Aucune des deux ne baissa les yeux, fort heureusement une intervention extérieure vint interrompre ce qui allait sans doute être les prémisses d'un nouvel apocalypse. Un nouveau robot appareil photo venait en effet de pénétrer dans le couloir où se trouvaient les deux jeunes filles, et tandis qu'il ajustait sa mise au point, les deux têtes blondes levèrent la main vers l'engin qui fut instantanément foudroyé et désintégré sur place. Seuls quelques boulons restèrent là où il se tenait. Les deux Lotte se regardèrent de nouveau, poussèrent un soupir d'agacement teinté d'orgueil, puis tournèrent la tête chacune de leur côté avec la même expression d'irritation. Une entente cordiale risquait d'être compliquée…

- M-Madame la directrice !
- Oui Niklas ?

Le jeune Nixe venait de rejoindre sa patronne, la mine effrayée et visiblement essoufflé. Si son apparence à lui non plus ne différait pas vraiment du Niklas que Lotte connaissait, sa tenue vestimentaire et les serpillères mécaniques qui l'accompagnaient indiqua à la Simurgh que malgré les nombreux points communs, l'endroit dans lequel elle se trouvait était loin d'être celui qu'elle connaissait. Sortir d'ici était la meilleure option pour savoir exactement où elle était arrivée. Le jeune homme passa sa main dans ses cheveux pour se débarrasser des mèches mouillées qui tombaient sur son front et regarda le double de sa directrice, perplexe.

- Je suis ici Niklas.

Le bibliothécaire se tourna alors vers la deuxième Lotte, vexée d'être confondue avec son double qu'elle considérait déjà d'arrogant (exactement ce que pensait le double en question de son alter-ego).

- Mais… Vous êtes deux ?
- J'ignore de quoi il s'agit pour le moment, mais oui. Qu'en est-il des robots ?
- Ah et bien les autres essayent de s'en charger mais ils sont de plus en plus nombreux et…
- Je devrai pouvoir m'en occuper sans problème.
- Je devrai pouvoir m'en occuper sans problème.
- Eeh…

Les deux Lotte se jetèrent à nouveau un regard noir et tournèrent encore une fois la tête chacune de leur côté, les bras croisés. Niklas, gêné et ne sachant trop quoi dire, leva les yeux et afficha brutalement une mine paniquée.

- SN-SNURGOULIPAAAH !!

Les deux Lotte se tournèrent ensemble et firent face à trois immenses robots photographes dont l'objectif rougeoyant était pointé sur la première Simurgh, qui, comme son double, leva la main et déclencha à nouveau les effets de sa magie. Plusieurs éclairs vinrent frapper les trois caisses mécaniques qui convulsèrent brutalement avant d'éclater en plusieurs morceaux. Pensant qu'ils étaient hors d'état de nuire, les deux Lotte exprimèrent la même satisfaction avant de croiser mutuellement leur regard et de répéter leur mine agacée. Malheureusement, d'étranges bruits métalliques de plus en plus prononcés se firent entendre parmi les restes des gigantesques robots. Niklas, qui bafouillait des mots improbables, se recula de quelques pas, tout comme les deux blondes à bouclettes qui fixèrent les tas de plaques de métal, non sans une légère inquiétude. Alors, une multitude de petits appareils photos sur pattes s'échappèrent des carcasses et avancèrent à toute vitesse vers leurs cible, recouvrant de leur nombre inimaginable les murs remplis de livre. Telles de petites araignées, les petits appareils envahirent en peu de temps la galerie où ils se trouvaient.

- C'est évident qu'ils en ont après toi. Jusqu'à ton arrivée ils n'ont pas attaqué.
- C'est toi la directrice de cette bibliothèque, tu es responsable de ce qu'il s'y passe. Je n'ai pas demandé à être transportée ici.
- Dans ce cas tu ne vois pas d'inconvénients à ce que je te fasse sortir d'ici ?
- Essaye donc, mais tu es sans doute la mieux placée pour comprendre que c'est une erreur d'essayer de me tenir tête.
- …
- …

La tension magique qui s'éleva entre les deux directrices gagna encore en intensité, d'imposants arcs électriques se dressaient autour des petites filles qui s'apprêtaient à engager une lutte sans merci. Heureusement, Niklas prit son courage à deux mains et attrapa sa directrice et son double sous ses bras avant de partir en courant, alors que la vague d'appareils photos miniature s'apprêtait à les engloutir.

- Niklas qu'est-ce qu'il vous prend !
- Ce n'est pas l'heure de se disputer ! Vous devez sortir d'ici !
- Il est d'accord avec moi, fit la directrice en regardant Lotte, l'air triomphale.
- Exactement, sans elle je pourrai réfléchir à une solution au calme, fit Lotte en fermant les yeux d'un air légèrement orgueilleux.
- Non, vous devez sortir ensemble ! SPIAAAARPGLASUPGNA !

Dans le couloir même où Niklas venait de s'engager, une armada d'immenses robots se dressa sur son chemin. Leur objectif devint immédiatement rouge à la vue de Lotte qui essayait, tout comme son double, de se débarrasser de l'étreinte du nixe qui, malgré son corps svelte, possédait une force à ne pas négliger. Celui-ci recula de quelques pas et aperçut les robots photographes ouvrir leur objectif, donnant une inquiétante forme de canons. Les engins firent feu aussitôt, projetant d'immenses gants de boxe métalliques propulsés à l'arrière. Alors que les deux boucletteuses s'apprêtaient à riposter, un bouclier magique se dressa autour du jeune esprit des eaux qui vit apparaître à ses côté Ladli, dont l'apparence était également presque identique à celle que connaissait Lotte, à quelques détails près, notamment la forme de son sari. La churel exécuta plusieurs gestes gracieux avec ses bras, immobilisant complètement les gants à réaction avant de les faire se retourner contre leur propriétaire. Le choc fut brutal et eut raison des gigantesques robots qui s'effondrèrent sur le sol. Mais comme lors de la fois précédente, une multitude de petits appareils surgirent de la carcasse mécanique des grands robots et se précipitèrent à vive allure vers Lotte qui fixait toujours d'un air agacé son alter-ego, qui la regardait de la même manière.

Ladli s'immobilisa presque aussitôt à la vue de la multitude d'appareils qui se précipitaient dans sa direction, tandis que Niklas s'aperçut que l'essaim de petits appareils photo les avait également pris à revers.

- … Quatre mille trois cent…
- Oh nooon Ladli est coincée ! Madame la directrice, profitez du mur pour vous enfuir, je vais essayer de les retenir ici !
- Je peux très bien m'en occuper toute seule.
- Ah vraiment ?
- …
- …

Niklas se retint de hurler tant la panique avait pris possession de lui et reposa les deux petites filles au sol avant de demander à sa patronne d'ouvrir un portail dans le mur épargné par les appareils photo grâce au bouclier de Ladli qui prenait encore son temps pour compter les minuscules boîtes mécaniques. La deuxième Lotte soupira et ouvrit le mur face à elle, mais avant qu'elle n'eut le temps de faire une remarque déplaisante, se fit pousser à l'intérieur par Niklas, accompagnée par son double qui n'eut également pas le choix d'y rentrer. Le nixe s'excusa tant que le passage était encore ouvert puis fit apparaître son violon entre ses mains avant de se retourner pour faire face aux robots envahisseur.

L'autre portail s'ouvrit au niveau de l'entrée principale de la bibliothèque. N'ayant pas pu complètement contrôler le passage d'une partie de la bibliothèque à une autre, les deux Lotte retombèrent lourdement sur le sol et se relevèrent aussi vite, non sans s'adresser mutuellement un petit regard meurtrier. L'entrée de la bibliothèque était remplie de robots photographes, accompagnés par de nombreuses petites répliques et d'autres de taille humaine que les deux têtes blondes n'avaient jusqu'alors pas vu. Devant elles, Astrid et Ingrid, armées d'une tapette à mouche chacune, écrasaient de leur force surhumaine les petits robots qui s'approchaient d'elles, tandis que Indira, armée de ses cimeterres et chakram, se débattait tant bien que mal contre les imposants robots de plus de trois mètres de haut.
À la vue de Lotte, tous les robots s'immobilisèrent et tournèrent leur objectif vers la petite boucletteuse qui ne put cette fois dissimuler son inquiétude. La bibliothèque était réellement envahie, ce n'étaient pas une dizaine de robots qui l'avait investie, mais beaucoup, beaucoup plus, et voir tous ces objectifs teintés de pourpre tournés dans une seule et même direction était réellement intimidant.

- Eeeehw Madame la directrice, qu'est-ce qu'ils nous veeeulent !
- Je l'ignore pour le moment, mais nous allons sortir de la bibliothèque pour éviter qu'ils n'endommagent les livres, fit la deuxième Lotte en regardant la première d'un air culpabilisant.
- Nous ? Ooooooh y a deux directrices !
- Hein ? Oooh ! Mais laquelle est la nôtre ?
- Celle de gauche, c'est évident non ? Sa couronne est toujours posée de ce côté là.
- … Bon, sortons d'ici.
- Madame la directrice, j'ai eu vent que quelques incidents ont eu lieu sur Paris, vous devriez aller voir.
- Très bien, merci Indira. Dépêchons-nous avant que ta présence ne détruise ma bibliothèque.
- Si tu t'en étais mieux occupée, ces robots n'auraient pas posé de problème.

Alors que la tension magique autour des deux petites filles s'était intensifiée de plus belle, un des robots géant sépara sa partie supérieur de ses trois pieds mécaniques et s'envola à l'aide d'une paire d'hélices. La boîte volante se précipita sur les deux directrices et fit sortir de sa base une énorme pince métallique. Les pieds du robots quant à eux se redressèrent afin de déplier une parabole en acier générant une puissante lumière. Une puissante lumière se répandit alors dans tout le hall principal. La directrice de la bibliothèque se tourna vers l'appareil volant et tendit sa main dans sa direction. L'objet éclata en vol et s'écrasa aux pieds de Lotte qui dut faire un mouvement en arrière pour éviter de se faire percuter. Elle regarda son alter-ego, la mine agacée. Celle-ci regarda sa paume et fut surprise d'y voir qu'un champ électrique avait court-circuité ses pouvoirs.

- Cette lumière affaiblit notre magie, en temps normal cet engin volant serait parti en poussière.
- Vraiment ?

Lotte regarda son alter-ego l'air moqueur et tendit sa main vers la gigantesque lampe qui continuait à briller de plus en plus fort. Les pieds mécaniques se plièrent alors brutalement à de multiples endroit jusqu'à finir complètement broyés, provoquant l'explosion de la lampe et l'effondrementdu robot au sol. La Simurgh regarda son double, l'expression triomphale, pendant que l'autre fit mine de ne pas être impressionnée.

- Ne restons pas ici une minute de plus.

La directrice de la bibliothèque fit un geste nonchalant du bras pour ouvrir les deux immenses portes qui lui faisaient face. Mais à peine les eut-elle entrebâillées qu'elle aperçut une multitude de points rouges s'allumer derrière la porte. La deuxième Lotte serra les dents et referma immédiatement les portes, étouffant la multitude de flash qui s'était déclenchée derrière. Elle regarda la première Lotte, l'air irrité.

- Ces choses ont complètement cerné la bibliothèque. On ne peut plus sortir par les grandes portes.
- Il ne nous reste plus que la sortie du côté des livres maudits je suppose.
- Nous n'avons plus qu'à traverser sans utiliser de portail pour ne pas te laisser te faire piéger.
- …
- …
- Je suis sûre que je peux en détruire plus que toi.
- Nous sommes dans ma bibliothèque je te signale.

Les deux Lotte se toisèrent du regard puis passèrent une main dans leur couette bouclée. Elles firent ensemble face à l'armada d'appareils robotiques partiellement retenus par les trois bibliothécaires qui sentirent immédiatement une intense tension s'élever dans leur dos. Indira et les sœurs zombies se tournèrent alors et aperçurent les deux Simurgh s'avancer vers les appareils photo qui s'armèrent et s'activèrent davantage à chaque pas des deux petites filles. La tension était telle que l'air tournoyait autour des enfants et fouettait et balayait les plus petits robots qui espéraient pouvoir les approcher.

- Vous trois, reculez.
- Oui Madame !
- Nous nous occuperons de les retarder.
- C'est inutile.

Les deux directrices se jetèrent un regard de défi puis passèrent à nouveau une main dans leur couette blonde avant de lever leur bras en direction des robots. Une rafale surpuissante vint alors balayer et désintégrer les robots qui se trouvaient face à elles, aussi bien les grands que les petits. Les Lotte se regardèrent à nouveau et se précipitèrent dans la mêlée, entourée chacune d'une aura impressionnante aura magique. Sans même marcher, les directrices lévitèrent au ras du sol, chacune de leur côté, foudroyant, broyant, détruisant sans aucune pitié les robots qui croisaient leur route. On aperçut des appareils photos tournoyer dans les airs, être utilisés pour détruire d'autres encore chanceux, exploser en des milliers de morceaux. Des flashs éclataient à chaque seconde, tentant de freiner la traverser des Lotte, mais c'était peine perdue face à l'inébranlable esprit de compétition des deux demoiselles. Les immenses lampes qui avaient investi la bibliothèque explosaient net au passage des magiciennes, tant la tension qui les entourait était puissante. Ce fut donc un festival d'explosion, de projection de robots et d'éclairs magiques qui régna dans toute la bibliothèque, jusqu'à ce que les Lotte parviennent en même temps à la section des livres maudits. Toutes deux posèrent le pied sur le sol à la même seconde et se regardèrent, chacune avec un air triomphal. Elles se retournèrent et firent face à un véritable cimetière de robots, un tas de carcasse démembrées et grillées sur place dont les restes fumaient encore de leur rencontre avec l'une ou l'autre des blondinettes. Tentant de retenir leur essoufflement, les demoiselles se regardèrent, chacune certaine d'avoir détruit plus de robot que l'autre. Sans un mot elles entrèrent dans la section des livres maudits, s'assurant néanmoins que les autres appareils étaient occupés avec les autres bibliothécaires.

À l'intérieur de la section, aucune lumière ni robot. Seuls quelques grincements et craquements résonnaient subtilement au milieu des étagères poussiéreuses, baignées dans une brume légère et stagnante. Des silhouettes inquiétantes serpentaient dans l'ombre autour des deux directrices qui suivaient du regard les mystérieux mouvement qui se profilaient à quelques mètres d'elles.

- C'est très poussiéreux ici.
- Je suppose que ta section est donc très propre à côté.
- … Évidemment. Avançons.

Évidemment que non, mais Lotte n'admettrait jamais que la partie des livres maudits de sa bibliothèque était aussi sombre et peu entretenue que celle de son alter-ego. Le fait est que les balais, et notamment Charles-Alexandre, refusent de s'y rendre de peur de ne jamais y revenir (et c'est une peur fondée, repose en paix Philémon), et Lotte refusant de faire toute tâche ménagère, la section des livres maudits a fini par s'assombrir et se démarquer complètement des autres sections sans danger. Néanmoins chaque mois est organisé un grand nettoyage de cette partie de la bibliothèque, et si la directrice et les bibliothécaires offrent leur aide, il est toujours compliqué de commencer le nettoyage.

Quoiqu'il en soit, les deux directrices progressèrent un peu plus profondément au milieu des livres de magie noire, aucunement intimidées par les monstruosités et autres résultats de sorcelleries qui rôdaient dans les galeries. Leur présence magique étant tout de même extrêmement forte, aucun monstre ne cherchait à s'approcher ou même attaquer les boucletteuses, trop intimidés par leur aura. Enfin, c'était ce que pensait la majorité des créatures, car l'une d'elle se glissa étrangement près des Simurgh qui s'immobilisèrent ensemble lorsqu'elles entendirent un bruit suspect derrière elles. Une silhouette reptilienne passa subitement devant Lotte, qui s'était retournée, avant de se placer face à la directrice de la bibliothèque. Celle-ci leva un sourcil d'indignation et s'apprêta à pulvériser ce monstre arrogant d'un geste de la main, jusqu'à ce qu'une multitude d'œils rouges viennent à s'allumer sur le corps entier du monstre. Le corps de ce dernier se dégagea alors de l'ombre qui le dissimulait jusque là et dévoila un gigantesque reptile dont la tête avait été parasitée par un des gros robots appareil photo, dont l'objectif rouge sang n'indiquait rien de bon. En réalité, le corps entier du monstre était recouvert de plusieurs boîtes robotisées sanguinaires de taille variée, le plus grand gouvernant la tête de la créature.

- Ils sont même entrés jusqu'ici.
- Et il n'est pas seul.

La deuxième Lotte se retourna à demi et aperçut du coin de l'œil deux autres silhouettes immenses, elles aussi recouvertes d'objectifs rougeoyants. Les engins diaboliques préparèrent leur flash, indiquant aux deux demoiselles qu'il était hors de question de rester ici plus longtemps.

- C'est inutile de les détruire, ils trouveront forcément d'autres monstres à occuper.
- Pour une fois je suis d'accord, même si c'est surtout toi qu'ils veulent. Ton arrivée aura au moins su combler mon ennui je suppose.

L'air autour des deux têtes blondes s'agita derechef, il tournoya de plus en plus et lacéra les monstres qui les entouraient (tout en épargnant les livres, cela va sans dire). Le serpent mécanisé se jeta malgré tout sur les deux magiciennes qui, d'un geste de la même, le repoussèrent à l'aide d'une puissante rafale, leur créant ainsi une ouverture pour s'enfuir. Si la première était dans sa propre bibliothèque et que la deuxième n'était plus sous l'effet des flash paralysants, ces monstres auraient été du menu fretin, mais le fait est que la fuite était en ce moment même la meilleure option. Et même si elles détestaient l'avouer, les deux Lotte le savaient pertinemment.
Les directrices s'enveloppèrent alors d'une lumière bleutée et décollèrent du sol avant de s'éloigner à toute vitesse des monstres qui étaient derrière elles. Ces deux créatures n'attendirent pas plus longtemps pour attaquer également et se projetèrent chacune sur une des petites filles, dévoilant par la même occasion leur forme atroce. Le premier était un gigantesque crabe dont la coquille était remplie de petits modèles de robots, tandis que le deuxième était un lion bicéphale dont une partie des crânes avait été remplacée par deux énormes robots photographes. Pour contrer l'assaut, Lotte repoussa le crustacé à l'aide d'un puissant éclair tandis que son double écrasa le félin sur le sol à l'aide d'un énorme bloc de glace.

Le serpent, qui venait de se relever, se glissa à toute vitesse parmi les livres maudits et profita d'une diversion du monstre à pince contre Lotte pour se projeter vers elle, gueule béante. La petite fille s'occupa du crabe sans difficulté mais fut prise de surprise par le serpent qui, malgré sa taille, était le plus furtif des monstres. Heureusement la deuxième Lotte s'interposa et joignit ses mains afin de créer une large sphère de lumière. D'un geste rapide du bras, elle relâcha une large déflagration magique qui désintégra entièrement le reptile et ses parasites. Ce sortilège étant très couteux, l'aura de la directrice s'évanouit alors, la faisant retomber sur le sol. Malheureusement les deux autres monstres profitèrent de l'ouverture pour attaquer Lotte qui fouetta l'air de son bras, balayant les deux monstres avec une puissante rafale latérale.

- Tu nous ralentis.
- Ha… Si tu avais été plus prudente je n'aurai pas eu à le faire.

Lotte ne répondit pas et se contenta de prendre la main de son double pour l'envelopper à nouveau de son aura de lévitation. La porte de sortie n'étant plus qu'à une petite centaine de mètre, elle s'engagea à toute vitesse dans le couloir qui lui faisait face, poursuivie par les deux énormes monstres qui n'avaient toujours pas dit leur dernier mot. Enfin, les deux petites filles rejoignirent la porte, et ce fut la directrice, qui reposa le pied par terre, qui l'ouvrit par un sortilège particulier dont elle seule (et son double) avait le secret. Un mécanisme s'enclencha alors et fit ouvrir la porte. La directrice s'engagea, suivie de près par Lotte qui, avant de sortir, se tourna une dernière fois vers ses assaillant. De son bras droit, elle traça un cercle dans les airs puis colla sa paume au centre de celui-ci. Un énorme mur d'énergie apparut subitement devant elle, coinçant les deux monstres de l'autre côté. D'un autre geste du bras, elle repoussa à nouveau les deux créatures avant de passer par la porte de sortie, qui se referma et se verrouilla aussitôt.

De l'autre côté, la deuxième Lotte se tenait devant un portail lumineux creusé dans le mur qui lui faisait face, les bras croisés, comme impatientée par la lenteur de son double. Celle-ci n'objecta pas et pénétra dans l'arche lumineuse, suivie par son alter-ego.

Dans une ruelle retirée de la capitale française, une ouverture se creusa parmi les briques grisâtres d'une maison abandonnée. Elle s'élargit et laissa apparaître les deux Simurgh avant de se refermer sans laisser aucune trace de sa présence. Lotte regarda son double puis s'engagea hors de la ruelle, où elle comprit enfin dans quelle affaire elle s'était engagée. Ce Paris là n'avait rien à voir avec celui qu'elle connaissait. Des tubes relâchant par-ci par-là des jets de vapeur parcouraient les façades des maisons et les pavés de la grande ville. D'imposants engins qui semblaient voler uniquement par l'opération du saint esprit naviguaient librement au-dessus des toitures et même autour de la Tour Eiffel. Certains cab qui passèrent devant la petite blondinette étaient tirés non pas par des chevaux, mais propulsés par un système complexe de tuyauterie et de moteur à vapeur.

- Je suppose que cela n'a rien à voir avec le Paris que tu connais. Fit la deuxième Lotte, vêtue d'une robe à froufrous blanche plus discrète, enlacée dans un corset de cuir brun, et d'un chapeau rond de la même teinte sous lequel ses longs cheveux étaient dissimulés. Lotte soupira et claqua des doigts, pour revêtir exactement la même tenue afin de passer plus facilement inaperçue.
- J'ignore la cause de ma présence ici, mais il semblerait que l'on me cherche. Restons en retrait quelques heures afin de voir comment la situation évolue. Je suppose que si je ne m'approche pas des robots nous n'auront aucun problème.
- Je suis d'accord, et Paris ne résisterait pas aussi bien que ma bibliothèque à notre magie.

Les deux petites Lotte regardèrent silencieusement ce drôle de Paris qui les entourait, jusqu'à ce qu'un cab passe à vive allure devant elle. Une fois passé, plus aucune trace des Simurgh n'était visible.
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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMer 3 Aoû - 18:28

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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMer 3 Aoû - 18:59

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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeMer 3 Aoû - 21:51

Je ne comprends rien ! S’emporta brusquement Edward, avalant d’une seule bouchée la chouquette fourrée au caramel qui trônait face à lui.
Tu viens de manger ta dimension ! Protesta Vladimir en se laissant tomber au fond de sa chaise.
Ch’avais faim.

Son vis-à-vis leva les yeux au ciel avant de réajuster ses binocles rondes, bardées d’une mécanique complexe qui s’enclencha pour une parfaite mise au point. Son regard noisette se posa sur son interlocuteur indiscipliné, il soupira en le voyant se léchait les doigts, puis reprit, nouvelle chouquette à l’appui :

Je vais simplifier. Chaque chou correspond à un monde. Celui à la crème pâtissière c’est le notre, celui au marron c’est le tien. Ils se ressemblent vu de l’extérieur, mais en y regardant de plus près, on se rend compte qu’ils sont différents.
Je peux pas avoir celui au caramel ?
Tu viens de l’avaler ! Maintenant, sois attentif une seconde !
Grmf… Je pourrais les manger après ?
Si tu veux !
Alors continue.

Un souffle entre soulagement et lassitude traversa les lèvres de Vladimir qui poursuivit, tout en poussant l’une des pâtisseries vers sa consœur :

Je pense qu’il y a dû avoir une sorte de choc qui a rapproché les deux choux au point de créer un passage dans lequel tu as été entraîné. En imaginant que tu sois ce grain de sucre, tu es passé du monde au marron, à celui à la crème, comme ça. Tu as compris ?
Je préférais celui au caramel.
Mais tu l’as mangéééé ! Acheva le plus jeune lycan en s’affalant sur sa table, définitivement dépité.

Un sourire victorieux illumina la figure d’Edward, satisfait de voir que ses petits tours fonctionnaient avec la même efficacité sur ce frère du monde de « la chouquette à la crème ». Monde qu’il s’empressa de dévorer. Le second allait subir le même sort, lorsqu’une main de jeune femme l’arrêta dans son élan. Surpris, le loup releva la tête avant de se redresser brusquement au point d’en faire tomber sa chaise. Cela alerta à peine la nouvelle arrivée qui interrogea après s’être délectée de la chouquette.

Vous avez terminé ?
Ani ! Mais tu vas t’épuiser ! Ce n’est pas raisonnable ! S’inquiéta Vladimir en la rejoignant.
Je suis enceinte, pas en sucre, répliqua la louve en jetant un coup d’œil au visage décomposé d’Edward. C’est vrai qu’il ressemble beaucoup à ton frère, mais il est un peu pâle, non ?
C… Comment, balbutia Edward, scrutant tour à tour le visage d’Ani et son ventre arrondi. Comment est-ce possible ?
Et bien, débuta timidement Vladimir dont les joues s’étaient colorées. En fait quand deux personnes s’aiment très fort, le taux d’hormones est à la hausse et provoque une réaction chimique qui…
Et Andréa ?!
Qui ?

Anastasia et Vladimir échangèrent un regard perplexe, tous deux étonnés par l’expression douloureuse du lycanthrope qui ne tarda pas à réagir en conséquence.

Comment je rentre ?
Pour l’instant je n’en ai aucune idée.

Le loup se retourna brusquement et marqua un mouvement de recul, incapable de s’habituer au face à face avec son double. Ce dernier s’en amusa et ce fut sans parvenir à masquer un sourire qu’il glissa tout en ôtant son haut de forme :

Une dent contre les miroirs ?
Très drôle.
Je trouve aussi.
Je déteste mon humour… Soupira Edward en passant une main sur son visage. Tu as trouvé quelque chose ?
Rien. D’un point de vue magique en tout cas c’est un parfait mystère.
Ça ne m’aide absolument pas !
Il va falloir un peu de temps.
Combien ?
Ça aussi, c’est un mystère…
Quoi ?! S’étrangla le loup. Je ne vais pas attendre sans rien faire !
Et pourquoi pas ? Il y aura du spectacle ce soir, tu pourrais rester ~
Hors de question !

Une seconde suffit à Edward pour décamper. Son double ne chercha pas à le retenir et ce fut d’un pas vif que le lycanthrope s’élança dans le corridor adjacent. Si la décoration avait radicalement changée, la disposition des lieux, elle, restait identique à celle de son cabaret. Quitter les lieux serait un jeu d’enf…

Who !

Le loup pila net face à la porte d’entrée. À la place de l’imposant battant de chêne, une lourde plaque de métal vibrait au rythme des nombreux engrenages fumants agencés sur son pourtour. Le concert des ferrailles et des vapeurs sifflantes s’était brusquement emballé à son approche, le faisant sursauter et provoqua la mise en mouvement subite de la porte. Dans un coup de tonnerre métallique, le mur de fer s’arracha au sol et disparut dans une encoche du plafond, laissant le passage libre. Ce brusque mouvement troubla Edward. Sur ses gardes, il recula d’un bon pas, pressentant le traquenard. Et à peine éloigné, le pan de fer retomba lourdement sur le sol. Un pas de plus et il aurait été écrasé !
Furieux de se voir ainsi retenu, le loup blanc se jeta sur la porte. Mais un seul pas d’esquissé et le piège s'enclenchait à nouveau. Le massif battant s’éleva, attendant patiemment une victime sur laquelle se refermer. Un mètre en arrière et la plaque de fer retombait dans un bruit sourd sur le sol, accompagnée de l’incessant cliquetis de sa mécanique. Il était coincé.

–  Qu’est-ce que tu fais ?

Ce fut enflammé d’une rage animale qu’Edward fit volt face. Les poings serrés et les traits déformés par la colère, il réduisit la distance qui le séparait de son double et hurla en l’empoignant au col :

À quoi tu joues ?! Laisse moi sortir d’ici !
Quoi ?
Fais moi sortir !
Ani va finir par attraper un rhume, arrête de t'amuser avec la mécanique Eduard ! Lança Vladimir depuis la pièce voisine.

Le loup blanc desserra son étreinte visiblement déconcerté. Son interlocuteur en profita pour se dégager, l’observant avec méfiance, puis reprit non sans bousculer son vis-à-vis :

C’est quoi le problème ?
Q… Commença Edward, qui s'obstina d'un ton bien moins assuré. Si tu crois que je vais tomber dans votre piège… Désactive le !
Quel piège ?
Mais ça !

Un silence.

La porte automate ?

Le maître des lieux fixa sans comprendre la direction indiquée, puis arqua sévèrement un sourcil lorsque la plaque de fer s’éleva brusquement au passage de l’une de ses employées de retour au bercail. Ce fut au pire que pensa Edward lorsqu’elle s’avança. Il chercha à la prévenir, mais il était déjà trop tard. Son corps tout entier se crispa. Les yeux clos, il serra les dents et remonta les épaules, prêt à supporter un ultime cri de douleur.

Hihihi ! Vous ne me voyez pas ! Je suis une illusioooooooon !
Vous êtes surtout en retard Mimy.
–  Illusiooooooooooon.
N’oubliez pas que vous lancez le premier combat ce soir !

Edward releva la tête. Ses iris passèrent successivement de l’entrée à la demoiselle, sans savoir si c’était sa survie ou son étrange manière de gigoter (manière qui lui semblait d’ailleurs bien familière) qui le décontenançait le plus. Mais avant toute chose, il lui restait un point à éclaircir.
Avec gêne, il porta une main à son col dont il desserra largement la cravate, interrogeant finalement, perdu :

Un… combat ?
Je te l’ai dit. Il va y avoir du spectacle.
Oui mais…
Et celui des arènes du Last Paradise vaut le détour ~

-----------------------------

Impossible de rater l’impatience qui agitait Edward en ce début de soirée. Installé à une petite table face à l’estrade, c’était avec une agitation palpable qu’il observait les convives prendre lentement place autour de lui. Ses iris allaient et venaient sans cesse au sein de la salle, s’arrêtant brièvement sur un serveur mécanique, ou un client aux traits familiers, pour inévitablement se reporter sur la scène. Et quelle scène ! Transformée en un vaste ring, l’espace était protégé par d’épaisses vitres, maintenues entres elles par de solides rivets d’aciers. Elle n’attendait plus que les lutteurs qui se déchireraient en son sein. Êtres vivants contre machines du quotidien revues et corrigées par des ingénieurs, c’était tout l'enjeu des représentations d’un autre genre qui bousculaient les foules dans le fantastique Last Paradise.

« Dangereux » et « illégal », voilà comment son hôte avait décrit les festivités qui s’annonçaient. Deux mots aux tintements si doux à l’oreille du loup blanc qu’ils suffirent à exciter son naturel bagarreur, le portant aussitôt volontaire pour participer. Il serait le troisième à combattre, du moins s’il parvenait à se tenir tranquille d’ici là.
Mais soudain le noir se fit dans la salle. Puis un gargouillis de vapeur serpenta sur le haut plafond des lieux, avant qu’un bref sifflement ne précède l’éclairage d'une estrade à l'aplomb de la scène. Une voix s'en éleva :

Bonsoiiiiiiiiiiir Paris !! J’espère que vous êtes chaud bouillants !

Poings et pieds frappèrent vivement tables et sol, s’accompagnant de sifflements ou d’exclamations endiablées. L’ambiance était survoltée, bien loin des bonnes mœurs qu’exigeaient le cabaret et ce n’était pas pour déplaire à Edward dont l'engouement se joignit volontiers à celui de la foule. Cela sembla satisfaire le présentateur en tenue bariolée qui reprit en ajustant ses épaisses lunettes de protection sur son visage largement maquillé :

On commence dès à présent avec du très très lourd ! Un lancement toute en féminité puisque c’est la délicate et percutante Pipistrelle qui lance la valse des boulons contre Mi-Mixer ! Faîtes du bruit pour eeeeeelle !

Applaudissements et sifflements s’élevèrent dans la salle, accompagnés d’une ou deux demandes en mariage des fans les plus exaltés. Entre temps, le maître des lieux avait rejoint Edward, un pot de chouchous tous chauds en mains.

Puis le silence et le centre du ring fut mis en lumière, révélant la présence de Pipistrelle. Vêtue d’une tenue d’un rose soutenu dont la coupe asymétrique dévoilait en partie ses jambes fines et musclées, elle saluait joyeusement son public presque collée contre la vitre du ring. Son adversaire ne tarda pas à la retrouver. Clopin-clopant, un robot rondouillet haut d’un mètre à peine rejoignit la scène. Il avait tout du bonhomme de neige métallique, bien qu’on ne puisse enlever à son concepteur un certain sens se l’esthétique. Il avait pris soin d’habiller son œuvre d’un costume de gentilhomme et de lui tailler une belle moustache de fer qui lui donnaient un air parfaitement inoffensif. Du moins jusqu’à ce qu’il ne soit activé.

Et c’est partiiiiii !

Les deux pièces de fer qui lui servaient de bras s’activèrent brutalement se redressant parallèles au sol. Elles s'habillèrent de lames aiguisés, avant d’être entraînées par une brusque rotation du haut du corps de l’automate. Rotation dont la vitesse augmenta rapidement, transformant l'innocente machine en une effrayante arme de guerre. Il chargea.

Trop lent Mi-Mister Moustache !

Pipistrelle évita l'attaque d’un bond gracile sur la droite. Un premier geste lui permit d’ôter le bâton métallique à sa ceinture, un second et elle déployait une imposante hallebarde à la lame crantée. Le robot se lança dans une nouvelle salve tranchante, mais au troisième mouvement, un saut aussi vif que maîtrisé, Pipistrelle récupéra les bacchantes de fer de Mi-Mixer, avant l’ultime coup. Net et sans bavure, la hache de la demoiselle mit fin à la folie rotative du robot.
Un combat expéditif qui reçut l’ovation de la foule quand, sur le ring, Pipistrelle retroussa ses lèvres fines pour maintenir sous son nez le trophée si joliment gagné.

Écrasé ! Anihilé ! Écrabouillé ! Décidément, toutes les créations de ce cher Bill se heurtent au mur, que dis-je au roc Pipistrelle !

Le calme eut à peine le temps de retomber que l’annonce de la seconde candidate fut proclamée :

Elle est arrivée il y a tout juste quelques mois et pourtant ! Ses lames ont percés vos cœurs messieurs, on le sait ! Miss Moon arrive pour une bataille sans précédent contre le redoutable M4-Chine !
Accroche toi à ta chaise, glissa Eduard. C’est maintenant que ça devient intéressant.

Si l’un des convives était parvenu à s’endormir à la manche précédente, l’ovation qui accueillit Miss Moon dut lui causer un sacré choc. La salle au complet s’embrasa d’une excitation monumentale.

Ce fut avec grâce que la fine silhouette d’une demoiselle entra sur le ring. Pas très grande, elle avait troqué les robes habituelles pour un pantalon saillant cerclé d’une large ceinture généreusement achalandée. Une chemise rouge habillait ses bras, maintenue près de son corps par un harnais de cuir qui la laissait libre de ses mouvements et dont les fermoirs dorés avaient été desserrés sur son cou. À sa ligne élégante, on devinait un visage gracieux, mais un masque de lapin habillement travaillé et soigneusement noué sur une abondante chevelure brune ne laissait voir que ses lèvres fines.

Tu déformes mon profil à rester la bouche ouverte.
Qu… P-Pardon, s’empourpra Edward.

Miss Moon n’eut à faire qu’un geste pour que le silence retombe sur la salle. Pas un murmure ne troubla la concentration de la combattante lorsque M4-Chine, son assaillant fut déposé sur scène. Sa vue laissa le loup blanc perplexe. Il n’était guère plus haut que Mi-Mixer, bien que de forme cubique cette fois. Sur ses différentes face, seule celle de devant présentait une particularité. Percée d’un large trou cerclé d’un disque en acier trempé, Edward crut y déceler la présence d’une vitre, pourtant il ne put distinguer le contenu de la machine.

Enfin, le décompte annonçant le début du match résonna. Trois, deux, un…

Qu’est-ce qu…

La vélocité de Miss Moon ne fut pas suffisante. À l’instant précis où sa lame d’argent fendit l’air, les quatre coins du corps de son adversaire se déployaient au son strident d’une vapeur sous pression. Quatre pattes de métal se dessinèrent et soulevèrent M4 du sol, le hissant à plus de trois mètres de haut. Il y eut un faible grésillement, puis la paroi du robot s’illumina. L’image d’un iris vert, énorme, s’y imprima.

Verrrouillage en courrrs.

Mû par la surprise, Edward bondit sur ses pieds avec un emportement tel qu’il en fit tomber sa chaise. Le bruit sourd de sa chute résonna comme le tonnerre dans la salle silencieuse, attirant aussitôt l’attention de M4 sur lui. Le loup se figea, mal à l’aise, l’estomac noué par un mauvais pressentiment.

Exterrrmi-

BANG !

Miss Moon porta un puissant coup à M4 sur son flanc gauche. C’était d’un saut hors norme qu’elle s’était hissée dans les airs pour frapper avec force son adversaire, aidée par le souffle de vapeur généré par ses bottes aux talons mécaniques. Elle parvint à le repousser à l’autre bout du ring. Lame en main, ce fut à peine si elle jeta un coup d’œil au trouble-fête, concentrée sur son nouvel assaut.
Le robot était tout juste redressé lorsque la combattante s’élança. Mais M4 analysa rapidement la situation et il s’y adapta aussitôt. Ses pattes tranchantes se jetèrent tour à tour sur son ennemie, prêtes à la pourfendre. Miss Moon évita les deux premières sans peine, mais les choses se gâtèrent à la troisième riposte qu’elle esquiva cette fois de justesse. La quatrième la heurta de plein fouet, la projetant contre la cloison de verre. Elle ne se releva pas. Le robot ne s’arrêtait plus.

Quelque chose clo… Edward ?

Un vent de panique souffla sur la salle.

M4 était hors de contrôle. Prise d’un violent tremblement, sa machinerie s’était emballée au point de le faire piétiner à l’intérieur du ring d’une manière totalement imprévisible. Ses bras d’acier transperçaient le sol sans discontinuité quand son corps heurtait de temps à autres les parois protectrices de la scène qui commençaient à se fissurer. L’iris unique avait disparu, mais une abondante mousse blanche s’échappait à présent du hublot, dégoulinant jusqu’à terre en de disgracieux « splosh ».

Mais il me bave dessus !

Ce fut avec répugnance qu’Edward dégagea le liquide inconnu à l’odorant parfum de lavande qui lui était tombé sur le bras, non sans se décaler vivement sur la gauche pour éviter l’une des pattes folles de M4. Entré de force dans le ring, le loup profita allègrement de la perte de contrôle du robot pour rejoindre Miss Moon, toujours évanouie et la hissa sans ménagement sur son épaule. La sortie n’était pas très éloignée, mais une absence soudaine de bruit inquiéta le lycanthope. Relevant lentement la tête, il scruta avec inquiétude l’automate figé. Le cliquetis de sa mécanique se fit brièvement entendre, précédant de peu un dernier hoquet qui agita sa carcasse de fer. À nouveau le silence, puis une vive lueur rouge parut au travers du hublot encore dégoulinant.

Verrrouillage terrrminé. Début du cycle. Capturrre en courrrs.

Deux larges tuyaux se greffèrent de part et d’autre du corps de M4. Un ronronnement inquiétant les traversa.

Démarrrage. Cycle lent.

Le projectile fusa depuis le tube gauche et malgré le prompt mouvement de recul d’Edward, il ne fut pas assez rapide pour l’éviter. Se protégeant de son seul bras libre, il se prépara à l’impact.

Shou Bi Wa Dou ! Ne touche pas au louloup !

La hallebarde de Pipistrelle fendit l’air et détourna l’attaque de M4 droit sur la vitre. Aucune explosion n’en résulta, seule une chaussette encore trempée dégoulina le long de la paroi. Rien de bien mortel pour le loup blanc qui reprit confiance, jusqu’à ce que la jeune femme ne le mette en garde :

Ce sont les chaussettes archi pas chèsse de l'archiduchesse. Elles ralentichent quiconque les touuuuuuuuuuusseeeeuh.
M… Mimy ?
Ooooouuuuuuiiiiiiii ?

La seconde slave du robot avait fait mouche et la troisième manqua de peu Edward qui eut la présence d’esprit bien peu chevaleresque d’utiliser la Pipistrelle comme rempart. Un coup d’œil sous le bras de la demoiselle et il entrevit un échappatoire. En courant droit sous les pattes de M4, il pourrait atteindre la sortie. Il lui suffisait pour ça de bien ajuster sa prise sur la taille de la blessée et de…

Descend ta main d’un seul centimètre et tu le regretteras.
Mais vous êtes réveillée ?!
À ton avis ? Tu comptes bouger ou tu préfères nous faire tuer tous les deux ?
Accrochez vous !
Non mais pose m-wha !

M4-Chine était en pleine recharge de ses munitions lorsque le lycanthrope s’élança. Ce fut le plus vite possible qu’il traversa le ring et s’en extirpa, se précipitant aussitôt dans la salle de réception, suivi de près par le robot. Toutefois sa taille ne lui permit pas de quitter la scène et ce fut sans même s’occuper de Pipistrelle (toujours prête à combattre malgré sa perte de vitesse), qu'il s’acharna sur la vitre. Une grosse partie de son stock de chaussettes y passa. Si leur effet fut absolument nul, les coups de béliers et les rayures créées par ses pattes tranchantes fragilisèrent grandement la structure. Mais ce détail était loin des inquiétudes d’Edward et de sa passagère, pris en chasse par trois robots serveurs.

Une t-t-asse de thé avec votre ca-a-apture ?
Il manque un c-c-outeau à votre ta-a-able.
C’est pas vrai ! Grinça Miss Moon, en contemplant avec inquiétude la lame qui avait traversé le plateau d’argent qu’elle conservait comme bouclier pour assurer les arrières d’Edward.
Quoi ?
Euh… Rien. Sors nous de là tu veux !
Parce que tu crois que je fais quoi là ? Grogna le loup en détournant une attaque de petit pain dont la vitesse l’aurait probablement assommé.
Edward ! Ici !

Le concerné bifurqua, s’engouffrant dans le petit couloir qui menait aux coulisses, laissant derrière lui un inquiétant bruit de verre brisé. Il y retrouva son double qui avait visiblement eut à faire de son côté, les restes d’un robot ménager traînant à ses pieds.

J'ai fait évacuer les lieux… Toute la mécanique est devenue folle ici.
On n’avait pas remarqué, cracha Edward.
Comme si ça ne te faisait pas plaisir.
Mmgn…
Tu voulais en abîmer plus ?
La ferme.
Vous êtes charmants tous les deux, mais il faudrait qu’on sorte d’ici, informa Miss Moon.
Vrai. Impossible de quitter les lieux par l’arrière, j’ai dû condamner la cuisine à cause d’un trop grand nombre de robots rebelles.
Et l’entrée ?
Mieux. Mais ça ira pour toi Edward ? Reprit le maître des lieux, avant d'ajouter en anticipant sa question. Tu devras affronter le pièèèège ~
Oh ça va hein ! Rougit furieusement le concerné.
C'est quand vous voul…

Un craquement, puis un pan entier du mur du couloir s’effondra dans un nuage de poussière et de débris qui aveuglèrent brièvement les présents. Cependant, impossible pour eux de manquer le pieds de M4, faufilé dans la brèche si vivement qu'il les frôla de peu. S’agitant avec une énergie farouche, le bras mécanique parvint à élargir le trou en un temps record et y glissa le reste de son corps de métal, ammenant dans son sillage le trio de serveurs.
D’un même geste, Edward et son homologue se placèrent devant Miss Moon, prêts combattre. Mais lorsqu’au premier tir de chaussettes se joignit un jet de couteaux aiguisés, ce fut la demoiselle qui leur sauva la mise. Elle déploya juste à temps le bouclier de son avant bras gauche et tira, la seconde suivante, une lame qui s’engouffra dans l’un des tuyaux de M4, l’obstruant et mettant à l’abri le duo de têtes brûlées d'une seconde slave. Tous deux esquissèrent un sourire innocent parfaitement identique, tandis que la jeune femme lançait :

En garde du corps, vous repasserez !
Démarrrage. Lavage arrrrtique.
Ne restons pas là ! Reprit Eduard qui quitta le corridor et s’élança vers l’entrée.

Tous le suivirent. Si les trois compères furent assez rapides pour quitter les lieux avant l’attaque de M4, ce ne fut pas le cas des serveurs mécaniques. Un jet d’eau, puissant et glacé, emporta deux entre eux et noya leurs engrenages, les mettant hors service. Un gain de temps précieux au vue du désordre qui régnait quelques mètres plus loin.

Brillante idée la porte automate, vraiment ! Nota Edward en observant dépité le battant fou qui se hissait et s’abaissait sans cesse avec force.
Hé ! Pour les réclamations, c’est le bureau de Vladimir.
Il a un bureau ?!
Vous ne voulez pas m’aider plutôt ! Maugréa Miss Moon, qui tentait de bloquer le mécanisme grâce au pied d’une haute lampe.
Je vais le faire.
Je vais le faire.
Reprenez un v-v-erre avec votre d-d-efaite.
L’un de vous s’en charge ?
Je m’en occupe !
Je m’en occupe !
Je vais les tuer. Ouvrez moi cette porte, je m’occupe du robot.
Mais !
Mais !
La porte !

Les loups se résignèrent. Ils n’eurent aucun mal à tordre le morceau de fer récupéré par la jeune femme, essayant ainsi de le rendre le plus résistant possible face au poids du panneau d’acier. Mais le plus dur restait à venir, car le glisser au bond moment et sans se faire broyer les doigts s'annonçait particulièrement délicat. Si les deux premiers essais d’Eduard se soldèrent par un échec, le troisième, sans aucune finesse, de son acolyte causa la torsion pur et simple de leur outil de fortune sans même faire tressaillir la porte.

Bravo, bravo.
Oui bon… Marmonna Edward, qui jeta un coup d’œil à Miss Moon en priant pour qu’elle n’ait rien remarqué.
Les garçons ça devient urgent là ! S’exclama la demoiselle dont les retrouvailles avec M4 ne se passaient pas aux mieux.
On y est presque ! Menti le maître les lieux, non sans chercher du regard une solution de secours.

Solution qui se présenta d’une manière toute miraculeuse, entre un aboiement synthétique et le martellement incessant du battant de fer.

Wouf !
C’est toi qui aboie, Edward ?
Quoi ? Mais non !
Un  *bang*-blème avec votre porte Eduard ?

Le battant remonta juste assez longtemps pour permettre aux deux loups d'apercevoir Louise en compagnie de Manfred et d’Yvonne. Une apparition soudaine qui causa des réactions diamétralement opposées :

Louise !
Louise !

La porte retomba lourdement, puis monta à nouveau, dévoilant le visage consterné de la secrétaire de Dolores. Aucun de ses interlocuteurs n’y fit attention et ce fut dans un mélange de paroles et de tapage métallique que tous deux reprirent :

Appuyez sur…
Vos jambes !
À gauche !
…maintenant ?
Waf !
Je ne comprends rien !

Le maître des lieux colla sa main sur la bouge d’Edward et reprit sitôt que la porte s’éleva :

Appuyez sur le bouton rouge à gauche !

Une seconde plus tard, un nuage de vapeur s’échappait du mécanisme de la porte, qui se figea aux trois-quart de sa course. Un franc succès qui ne reçut comme ovation qu’une dispute entre les loups due à une morsure de l'un sur la main de l'autre, finalement interrompue par l’exclamation de Miss Moon :

–  La porte !
Elle est ouverte !  Annonça Edward, pas peu fier du résultat malgré son utilité discutable.
–  Fermez la !
Quoi ?! Mais pourq…

La vue de M4 s’engageant furieusement dans l’étroit passage menant à l’extérieur dissuada le lycanthrope de poursuivre. Impossible d’arrêter cette créature de métal dont l’acharnement dépassait l’entendement. Avec son lance-chaussettes inutilisable et l’une de ses pattes bloquée par les lames de la combattante, elle poursuivait coûte que coûte sa percée, devancée par le robot serveur lui aussi en triste état.
Le maître des lieux fut le premier à franchir le seuil et en éloigna aussitôt le fauteuil de Louise, avant de se positionner à côté du bouton d’urgence. Miss Moon suivit, puis Edward, dont la course fut brusquement stoppée, le projetant violemment à terre. M4 avait réussi à suffisamment allonger son bras mécanique pour saisir sa cheville.

Capturrre rrréussie. Cycle terrrmi-

BANG !

Le battant tomba, définitivement cette fois. Son poids trancha net l’étau de fer sur la cheville du lycanthrope qui se remit immédiatement sur pied, le cœur encore vibrant d’avoir été ainsi empoigné. Le souffle court, il leva son regard vairon sur le rempart d'acier. Un silence. Puis un bruit sourd et puissant l’obligea à vivement reculer. M4 cherchait à forcer le passage, mais Eduard se voulut rassurant et informa calmement :

Ça ira. Vladimir m’a assuré qu’il fallait une pression de onze mille tonnes pour…
Démarrrage. Mille et une rrrrrrrrrrrrrotations.

Un son strident et métallique résonna, arrachant une grimace douloureuse aux deux loups-garous qui protégèrent leurs oreilles de leurs paumes, quand Louise faisait preuve d’une délicatesse similaire à l’égard d’Yvonne. Puis une étincelle traversa la plaque d’acier, suivit d’une seconde et d’une troisième, avant qu’une pluie ne se répande au sol. Dès lors, le bruit fut oublié au profit d’une inquiétude grandissante. Miss Moon fut la première à comprendre :

Il la perce !
Sortons ! Lança Eduard.

Il lui fut inutile de se répéter et d’un même pas pressé, tous gagnèrent la rue Saint-André des Arts où, à la lueur de réverbères fumants, les chevaux mécaniques se frayaient un chemins entre voitures aériennes et complexes vélocipèdes illuminés. Edward n’eut toutefois pas le loisir de s’en incommoder, ni de remarquer les phares étincelants des divers ballons qui peuplaient le ciel de cette capitale, car à peine avaient-ils foulé le pavé que Louise leur apprit les mésaventures similaires de Dolores. Mésaventures qu’elle termina en expliquant :

Seul le double est visé. Vous n’avez qu’à le cacher pour que…

Un souffle poussiéreux s’échappa du Last Paradise, précédé d’un son grave et si puissant qu’il figea la rue toute entière. Le silence tomba, à peine troublé par quelques sifflements des moteurs des véhicules, puis un grincement lent et sinistre agita la foule. Tous se tournèrent vers les arènes et assistèrent, impuissants, à la percée d’une patte longue et effilée, suivie du corps massif de M4. Son voyant, toujours illuminé de rouge, embrasa les lieux d’une teinte menaçante. Il se posa sur Edward, puis sur Eduard. Sa dernière patte valide à peine extraite du bâtiment, un violent tremblement secoua le corps de l’automate qui reprit d’une voix grinçante :

Errreur. Cible indéterrrminée. Capturrre comprrromise. Rrrrenfort demandés.

Alors un prodigieux vacarme s’éleva aux alentours. Entre exclamations humaines et crissements d’engrenage, les lycanthropes et leurs acolyte furent les témoins de la multiplication expresse du nombre d’éclats rougeoyants. Allant du robot nettoyeur, jusqu’au gardien de la paix de fer, M4 venait de réquisitionner toutes les machines à proximité, se constituant une sympathique petite armée de métal. L’heure était à la fuite, ou presque.

Elle file un mauvais coton, nota Edward dont le sourire certifiait qu'il était plutôt fier de lui.
Et se fait mousser ! Répliqua son homologue avec une expression similaire.
Ramenez vous ou je vous passe un savon ! Enchaîna Miss Moon.
Oh !
Joli !
Mais dépêchez vous !
Louise ! Je laisse à vos bons soins de décoincer Pipistrelle !

Et tous trois disparurent dans la ruelle la plus proche, talonnés de très près par un lessiveuse de combat déchaînée et sa suite de taules et de pistons. Contre toute attente, ils n’eurent pas à faire plus d’une centaine de mètres au pas de course, car Miss Moon se figea brusquement, obligeant les lycanthropes à revenir sur leurs pas. Derrière eux, le brouhaha d’aciers se rapprochait rapidement. La belle ne s’en formalisa pas et, pointant le sol du doigt, elle annonça fièrement :

Messieurs, notre sortie !
Qu…
Hors de question !
Démarrrage. Lavage Arrrtique.

La même grimace se peignit sur leur visage lorsque l’iris enflammée de M4 couvrit les murs des environs d’ombres effrayantes. Elle s'amplifia encore lorsqu’un effluve nauséabond chatouilla leur truffe. Sûre d’elle, Miss Moon venait de dégager la plaque d’égout à ses pieds et ce fut sans même sourciller qu’elle s’y engagea. Les loups hésitèrent grandement.

Quelques secondes plus tard, les pattes affûtées de M4 traversaient la ruelle. Derrière elle une multitude de roulettes et de pieds patauds composaient avec les larges brèches que la puissante machine laissait sur son passage, ne se doutant nullement qu’à quelques mètres à peine sous le sol, on célébrait la victoire.

Haut les cœurs ! On a réussi ! S’enjoua Miss Moon.
Haut le cœur vous voulez dire, grogna Eduard, la main plaquée contre son visage.
C’est pas si bien planqué que ça l’enfer finalement.
H.R.P:




Fin de cette première manche !

Merci à tous ! On n'a, malheureusement, pas encore eu le temps de tous vous lire. Mais un grand bravo pour votre participation !

Visiblement, rencontrer vos doubles n'as pas été sans déconvenue, ni sans surprise et c'est tant mieux ! On espère qu'il en sera de même pour la manche qui s'annonce.

On vous laisse un peu de répit d'ici là. Le temps pour les retardataires de terminer leurs postes peut-être ?

Si tout va bien, rendez-vous ce week end pour la suite de vos aventures ! Bien sûr, tous ceux n'ayant pas pu poster ici pourront participer, mais il faudra nous avertir o/
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Jade Perez
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MessageSujet: Re: Manche n°1 : Pas de deux   Manche n°1 : Pas de deux I_icon_minitimeLun 8 Aoû - 21:57

« Tu es un amour, darling. Je te revaudrai ça ! »

Lorsque Jade avait lancé ça d'une voix claironnante avant de s'enrouler dans les couvertures que ce cher William avait accepté d'installer sur le canapé de son petit appartement, elle ne se doutait pas qu'il la tiendrait au mot. Pourquoi ne pas être tout simplement rentrée au Lost, où un lit chaud et moelleux l'attendait ? Eh bien, c'est qu'elle était tombée sur une ancienne ... Connaissance. En d'autres mots, quelqu'un qui avait eu le malheur de se trouver sur le chemin de la panthère rose. Cette personne n'aurait peut-être pas reconnu son visage, mais c'était sans compter la bague d'opale ornée d'une inscription qui se trouvait à l'index de la belle. Sans aucun papier d'identité, on l'aurait forcée à choisir entre la prison et l'exil, et pas même un juge de la Curia n'aurait pu s'y opposer, dans ce monde qui n'était pas le leur. Alors elle avait préféré la fuite. Mine de rien, elle s'y était attachée, à cet endroit. C'était devenu son petit chez-soi, un nid douillet où on ne s'ennuyait jamais. Voilà donc comment elle se retrouvait dans ce pétrin. Même une voleuse se doit de tenir parole, lorsque celle-ci a un minimum de principes.

« Williiiiiiam ! »

Elle s'agrippa au bras du dénommé avec son plus beau sourire, se souciant peu des mines étonnées. On lui avait demandé de jouer l'amoureuse transie, elle en ferait ainsi. Pas gratuitement, il ne fallait pas pousser mamie dans les orties non plus ! Mais pas la peine de s'outrer devant pareil marchandage non plus. Ce grand nigaud ne tenterait rien ! Quand bien même ce ne serait pas pour déplaire à Jade qui se complaisait toujours dans la chaleur des bras d'un homme... Les femmes, elles, avaient d'autres atours. Bref. Tout se petit monde se trouvait en fait être des connaissances de son ami, puisqu'ils n'arrêtaient pas de poser des questions sur sa « copine », comment ils s'étaient rencontrés, depuis combien de temps, et tout le toutim classique ! Jade en profita bien pour rajouter toutes sortes de détails bien plus croustillants à leur fabuleuse idylle, et au passage se payer un peu de la tête de ce cher William qui aurait quand même pu la prévenir ! Bien qu'il y avait aussi un fond de vérité. Une fois toute cette parlotte terminée, ils durent toutefois s'excuser pour commencer leur « rendez-vous » et aller donc quelques rues plus loin, en direction du marché. Oh là la, il était plein de surprises, ce William. Il avait déjà prévu un superbe après-midi pour remercier son amie de se prêter si gentiment au jeu ?

« Bon, allez ... Salut. »

Quoi ? La petite dryade n'en croyait pas ses oreilles ! En fin de compte, il ne voulait donc qu'un prétexte pour éviter de passer la journée avec toute sa petite famille ! Avec un bébé brailleur, cela pouvait se comprendre. Mais pas question de le laisser filer en douce aussi facilement ! Jade ne sacrifierait certainement pas toute sa journée pour le caprice d'un empoté juste sous prétexte qu'elle lui était redevable. Ce serait mal la connaître ! Et s'il n'était pas d'accord, c'était à ses risques et périls. Personne n'aime tomber au quotidien sur les plants dont il est allergique, n'est-ce pas ? Et puis, il lui avait promis un montant raisonnable, il allait tenir parole, ou bien elle trouverait un moyen de transformer sa vie en véritable enfer. Elle avait les contacts qu'il fallait ... Mais dans la bonté de son grand cœur, elle lui offrait d'abord une chance de racheter sa maladresse.

« Il nous faut des preuves, sinon ils ne te croiront jamais ! Allons à la Tour Eiffel, faisons une photo souvenir, et après, tu seras libre. Tu ne sais pas ce que tu rates, mais chacun ses goûts. »

Il n'avait pas l'air très enthousiaste, ce grand timide ! Mais il devait s'avouer vaincu devant cet argument de poids, il valait mieux ne pas prendre de risques si on lui posait d'autres questions plus tard. Direction le champ de mars ! Bras dessus, bras dessous, il va de soi. Jade n'aurait pas accepté qu'il en soit autrement, même si elle devait lui tordre le bras. Elle ne se serait pas gênée ! Heureusement, son ami avait un minimum de bon sens. Ils se mêlaient si bien aux autres couples au alentour, c'était vraiment un petit coin romantique. Surprenant sachant que le nom de cet endroit évoquait davantage la guerre, mais peu importe, avec la Seine en fond de scène, les petits oiseaux qui chantaient, c'était facile de se laisser emporter par l'atmosphère. Il ne leur fallut que cinq petites minutes pour trouver un photographe public, avec son énorme appareil. Cela l'avait toujours impressionnée. Comment cela pouvait-il emprisonner la lumière pour recréer des images de la réalité ? Ils prirent la pose, Jade s'appuyant sur les épaules du jeune cordonnier dans une étreinte chaleureuse. Le flash éblouissant l'aveugla et elle ferma les paupières par réflexe, espérant quand même ne pas avoir tout gâché. Elle attendait donc les commentaires habituels des photographes qui auraient pu la rassurer.

« Superbe, magnifique ! Vous pourrez venir récupérer votre portrait à partir de demain, voici ma carte. Bonne journée, mademoiselle, monsieur. »

Mais rien ne vint. Rien que le silence le plus total. Jade se décida à ouvrir ses paupières pour tenter de comprendre ce qui se passait. Qu'elle ne fut pas sa surprise de constater qu'elle était à présent toute seule, en plein milieu de la place centrale ! Quel manque total de politesse ! C'était impensable ! Un véritable scandale ! C'était l'effondrement des valeurs les plus fondamentales dont se vantait la France ! William, elle pouvait comprendre. Il voulait la laisser déambuler seule dans les rues de Paris, et elle l'avait entraîné dans sa lubie de jouer le jeu jusqu'au bout. Mais ce marchand ? Il pouvait aussi bien dire adieu à son gagne-pain. Mais peut-être n'était-ce qu'un pervers, satisfait d'avoir la photo d'une jolie fille ?

« Ah, ces hommes... Où sont passés les gentlemans, de nos jours ? »

Mais ce vague à l'âme passa bien vite. Ce n'est pas parce que MONSIEUR avait décidé de se faire la malle qu'il lui fallait rentrer ! Ce serait mal la connaître que la croire dépendante d'une forte présence masculine, comme tant d'autres femmes de ce Paris bien triste. Elle avait décidé d'aller au sommet de la Tour Eiffel, elle irait au sommet de la Tour Eiffel ! Il paraît qu'on y trouvait la meilleure vue sur la ville. Elle regrettait l'exposition universelle, qui avait duré si peu de temps et qu'elle avait manqué. Il lui avait fallu du temps pour retomber sur ses pattes, s'accommoder à son nouveau train de vie, et surtout, gagner la confiance de ses pairs pour qu'on accepte de la laisser quitter le cabaret sans chaperon. Ce ne serait pas amusant, sinon. Ses petits talons résonnaient contre les dalles de pierre. On l'avait prévenue qu'il y avait moins d'affluence depuis que l'exposition s'était terminée, mais tout de même. C'était bien silencieux, pour une heure pareille. Enfin, il est vrai que le temps était un peu plus gris, tout à coup ! Les nuages s'étaient entassés dans le ciel. D'un autre côté, c'était agréable d'avoir un petit coin d'ombre. Ah ! Voilà la silhouette métallique qui s'élevait vers le ciel. Toute joyeuse, Jade se précipita vers la billetterie, mais avant que ce ne soit possible, une matière gluante vint percuter de plein fouet son pauvre crâne. Pas avec assez de force pour qu'elle en tombe, mais la surprise la laissa figée au milieu de la rue.

« Boing, boing ! »

Une fois le choc passé, Jade examina l'appareil d'où provenait ce bruit. Sa main se posa ensuite contre ses cheveux, qui étaient maintenant collés, d'ailleurs. Rapprochant des doigts de son visage avec appréhension, elle fut rassurée de ne pas tomber sur du sang ni autre chose dégoûtant comme de la bave de crapaud, mais bien ... De la confiture aux fraises. Et par terre ... Un toast ? Mais c'était quoi, cet engin du diable ? Bon, au moins, cela lui faisait un casse-croûte pour la route ... Un deuxième se dirigeait droit sur elle, mais elle l'attrapa en plein vol. Elle le relâcha presque aussitôt, avec un petit cri. Sa peau était devenue douloureuse et rougeâtre, à l'endroit où le toast l'avait touchée. Plus tôt, ses cheveux devaient l'avoir protégée... Sans attendre d'autres projectiles, en bonne voleuse, elle préféra prendre la fuite, mais cela ne suffit pas à contrer complètement l’assaut sans le moindre sursis. Elle aurait dû apporter son ombrelle, elle aurait pu se protéger un peu. L'abri le plus près ... Nul autre que la tour ! Personne ne l'arrêta dans sa course, mais ce n'était plus bien surprenant, avec ce monstre qui déambulait les rues ! Les portes de l'ascenseur se refermèrent et Jade put enfin souffler un peu. Du haut de la rambarde, elle ne put s'empêcher de regarder le bout de métal avec un sourire victorieux.

« Ahahahahah ! Encore une fois, c'est moi qui gagne la partie ! »

« Désolée ma belle, mais ici c'est MA planque. »

Cette voix ... Comment était-ce possible ? Elle ressemblait tellement à la sienne ! Jade jeta un coup d'œil aux alentours pour s'assurer qu'elle n'était pas en train de perdre la raison. Ce qui aurait pu expliquer la disparition soudaine des deux hommes. Mais non ! Une demoiselle se tenait bel et bien un peu plus loin, avec ses yeux et ses cheveux roses. Elle avait l’impression de se trouver face à un miroir, mais lorsqu’elle secoua la main devant elle, l’autre Jade ne fit rien d’autre que garder son grand sourire. Ou peut-être plutôt un fantôme ? Car son double, lui, portait encore quelques objets qu’elle avait autrefois volés, comme si elle n’avait jamais abandonné derrière elle son identité légendaire. Quelqu’un qui n’aurait jamais connu sa douce Martha pour la remettre dans le droit chemin. Leurs vêtements ne correspondaient pas non plus. Quel étrange style vestimentaire. Si c’était supposé être une blague, cela ne la faisait pas du tout rire !

« Fais pas cette tête, tu vas coller des rides sur ton joli minois ♥ Je ne savais pas que j'avais une admiratrice si dévouée, j'en suis toute bouleversée ! »

« Imiter la perfection est pitoyable, chérie. Voler des bijoux est une chose, mais une identité ... Même moi, je me m'abaisserais pas à un niveau pareil. »

« Arrête ton cirque. Cette ville n'est pas assez grande pour deux fabuleuses Jade Perez ! Et il fallait que tu apportes ce robot de malheur jusqu'ici ! »

« Un robot ? Qu'est-ce que c'est ? Tu veux parler du bout de métal infernal ? »

« Oui ! Le T0S-ter, idiote ! »

Elle l’avait presque oublié, celui-là. Son regard glissa à nouveau vers le sol, heureusement qu’elle n’avait pas le vertige, ce qui lui avait souvent été utile par le passé d’ailleurs… Le petit rectangle métallique sautillait un peu trop joyeusement pour abandonner aussi facilement, en effet. Et voilà que, contre toute attente, ses sauts, résonnants d’un « Boing, Boing » qui n’annonçait rien de bon, semblaient aller de plus en plus haut. Oh là là ! Elles allaient finir en petit tas de cendres fumées, ou alors en une dizaine de petits toasts ! Jade no. 2 lui fit signe de la suivre, apparemment habituée à ce genre de situation, puisqu’elle avait justement mentionné qu’elle évitait les robots, tout à l’heure. Sans doute voulait-elle redescendre par l’ascenseur pour fuir. Mais la douleur des brûlures se fit sentir à nouveau. Au moins, son double ne la laissa pas tomber, comme elle commençait à en douter.

« Hé ! Tu as l’air salement amochée, ça va aller ? »

« Je... Oui. J’ai juste besoin d’une minute. À moins que tu n’aies une plante médicinale sous la main. Sérieux ... William va me le payer ... »

« William ? Artwood ? »

« Celui-là même. Tout est de sa faute. »

« J'ai du mal à le croire... Il m'a tirée d'une situation épineuse plus d'une fois. »

Elle était tombée dans un univers parallèle ou quoi ? Le William qu’elle connaissait n’aurait jamais osé se mettre dans une situation embarrassante. Enfin, elle ne savait pas trop s’il l’aurait fait pour une amie, elle ne lui avait jamais demandé, en fait, elle ne le connaissait pas vraiment plus que cela. Peut-être que toute cette aventure aurait au moins cela de bon. Elle aurait aimé demander plus de détails à propos de son ami de cet univers, mais il n’y avait pas de temps pour les questions. Il fallait trouver un plan d’action. Et quel est le meilleur outil qu’une, non, deux voleuses pouvaient utiliser, si ce n’est leur fabuleux butin ?

« Tu as la bague de la comtesse Milano ? »

« Elle ne me quitte jamais. Oh ! Bien vu ! »

Au sommet de cette bague reposait un magnifique diamant brut. Même si le robot était aussi résistant que brûlant, il ne resterait pas sans égratignures contre cet adversaire redoutable. Problème : il fallait attirer la bête avant de pouvoir la mettre à mort, et ça, cela pouvait être assez dangereux, encore plus lorsqu’on était trop mal en point pour courir. Mais elles aviseraient en temps venu et se sortiraient des situations les plus périlleuses comme toujours ! Claudiquant tant bien que mal jusqu’aux portes métalliques en prenant appui sur l’épaule de son double, Jade commençait enfin à reprendre espoir, mais celles-ci refusèrent de s’ouvrir, peu importe la force qu’elles mettaient contre la serrure.

« ACCÈS REFUSÉ. ACCÈS REFUSÉ. »

« Ce n’est pas normal ça. »

« La mécanique débloque. Mais il fallait s’y attendre. J’ai plus d’un tour dans mon sac, ma belle ! »

Et voilà que ni d’une, ni deux, la Jade du futur ouvrit son sac à main et en sortit toutes sortes d’objets étranges : une théière, un petit chapeau, un lézard et finalement, un parapluie, avec une mine victorieuse. Jade haussa un sourcil, pinça les lèvres, perplexe. Elles seraient beaucoup trop lourdes toutes les deux pour redescendre avec grâce et élégance ! C’était la mort qui les attendait ! Elle préfèrerait un autre moyen d’échapper aux brûlures du T0S-ter qui se rapprochait du sommet à chaque bond. L’autre semblait pourtant tout à fait sérieuse, rangeant à nouveau ses affaires, éclatant de rire lorsqu’elle aperçut la mine de son double.

« Fais-moi confiance. Si nous sommes bel et bien la même personne, je crois bien que j’ai intérêt à te garder en vie, et toi de même. De toute façon, je ne ferais pas de mal à une mouche, pas vrai ? »

Certes, mais comment avoir confiance en une Jade qui avait préféré rester la panthère rose ? Eh bien, à vrai dire, elle ne pouvait pas prétendre être blanche comme neige, et elle n’avait pas vraiment d’autre choix, n’est-ce pas. Jade soupira et s’agrippa tout simplement au manche de plastique en fermant les yeux. L’autre Jade secoua doucement la tête, enserra à son tour le parapluie, puis sauta dans le vide sans plus d’avertissements. Une musique se fit entendre, des clochettes qui résonnaient, alors que le vent se prenait dans la toile.

« C’est franchement génial comme sensation, tu n’es pas d’accord ? Bien mieux que les dirigeables ! Il avait bien mauvaise mine quand je l’ai repêché dans la Seine, mais je l’ai réparé. J’ai toujours voulu le faire chanter, mais je ne suis pas bien douée. Tu vois ? »

« Soudain soulevé de terre
On est bien plus léger que l'air
Pour la danse dans la brise
Au-dessus de tous ces toits gris
Tout en maintenant serré le long fil enchanté »


Ne sachant pas trop quoi ajouter, Jade se contenta d’hocher la tête, c’était une jolie mélodie, c’est sûr. Au moins, cela lui permettait de se concentrer sur autre chose que cette étrange apesanteur, et le sol qui se rapprochait de plus en plus, elle s’était un peu détendue, ouvrant un peu ses paupières même si sa prise restait solide, terrifiée à l’idée de s’écraser comme une crêpe. Un grand soupir lui échappa une fois que ses petits pieds purent retrouver la terre ferme.

« Désolée de jouer les rabats-joie, mais on a encore du boulot. »

Certes. Le robot qui les poursuivait était encore au milieu de son saut, mais il ne tarderait pas à redescendre. Il était temps de se mettre en place. Grâce à un calcul d'une haute précision - ou presque - la Jade # 2 réussit à frapper le petit robot dès qu'il eut touché le sol, ne lui laissant pas le temps de lancer un de ses toasts brûlants. Pourtant, le T0S-ter se releva, avec une simple bosse plutôt qu'un trou béant comme espéré. Était-il donc invincible ?!

« Y en a marre ! »

À bout de nerfs, Jade le poussa dans la fontaine d'un coup de pied colérique. Quelques étincelles et une explosion se firent entendre, puis le petit rectangle métallique s'effondra dans un bruit terrible, vaincu. Quoi ? C'était aussi simple que cela ? Jade en resta bouche bée quelques secondes, avant de se jeter au cou de son double, pour une étreinte de la victoire, trop heureuse pour retenir ses émotions.

« Ne souffle pas trop vite, chérie. »

« Tu as oublié ? Je suis ton double. »

C'est bien vrai. Il n'y avait jamais eu de place pour le repos, pour la panthère rose, depuis le tout début. C'était ainsi, la vie de voleuse, et c'est bien ce qui lui plaisait tant. Ici, dans ce monde étrange, il pouvait très bien y avoir d'autres robots meurtriers dans les environs. Peut-être même que ce vieux T0S-ter se relèverait de ses cendres, plus fort que jamais ! D'ailleurs, le drôle de son qui s'élevait maintenant dans l'air ne laissait présager rien de bon. Les premiers soins devraient encore attendre un peu.

« C’est pas vrai ! On bouge, princesse ! Faut pas se faire pincer ! »

« Mais qu'est-ce que tu as fait ?! Personne n'est supposé connaître le visage de la panthère rose ! » gémit-elle, la tête lui tournant sous toutes ces émotions.

« Ouais, bah tu raconteras tout ça aux Kam-ERA ! En attendant, suis-moi si tu veux vivre ! »

Les quoi ? ... Bon, pas le temps pour les questions, hein, encore une fois ... Elle avait beau ne pas être la fautive, pas vraiment, si Jade se faisait pincer à la place de son double, elle serait revenue à la case départ, et elle pourrait dire adieu à son Paris qui lui manquait déjà. Les gens y étaient un peu fous, mais ici, c'était franchement pas croyable, on battait tous les records ! D'ailleurs, où étaient la foule bourdonnante, les cris de joie des enfants ? Cet endroit lui laissait une drôle d'impression, décidément... Et en sortir risquait de ne pas être une mince affaire. Enfin, au moins elle pouvait – probablement – compter sur sa comparse en rose pour la guider jusqu’en lieu sûr.
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Manche n°1 : Pas de deux

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