Lettre n°1, 3 août 1871.
« Cher papa,
Maman et moi, on est arrivées en France avant-hier. Je n’ai même pas vomis pendant le trajet, mais c’était très très très long. Je parle encore mieux le français qu’avant, je suis trop forte ! Mais maman devient bizarre, elle instaure pleins de règles horribles, en plus je n’ai pas le droit d’aller jouer dehors, je n’aime vraiment pas ça.
Viens vite, papa !»

Lettre n°2, 18 mai 1873.
« Cher papa,
Cela fait maintenant deux ans que l’on t’attends, maman et moi.. La vie est insupportable ici, je n’aime vraiment pas la France. Maman est de plus en plus dure avec moi Et j’ai de moins en moins de liberté, c’est épuisant. Tu m’as toujours dis que je devais faire ce que je voulais.. Je crois que je vais t’écouter.
Je t’attends toujours. »

Lettre n°3, 8 novembre 1877.
« Papa,
Rien ne va plus ici, maman acclame le roi comme je le hais. Je suis privée de tout maintenant. Je me suis coupée les cheveux pendant son absence, elle a hurlé de rage. Pourtant, ça m va bien. Tu sais, j’ai trouvé une valise remplie d’habits t’appartenant tous. Je te prie de m’excuser, mais je n’ai pas pût m’en empêcher, j’ai pris tes affaires. Je t’en achèterai de nouvelles !
Où es-tu ?»

Lettre n°4, 23 septembre 1879.
« Papa, dépêche-toi de venir !
Ici, c’est n’importe quoi, ils s’entre-tuent tous. Ils disent que tu es un monstre, qu'ils doivent te trouver.. Je ne comprends pas, tu es un homme normal, non ? Oh, même si tu étais le pire des démons, j’ai besoin de toi pour protéger maman, je ne peux pas le faire, moi. Viens nous aidés, je t’en prie !
Vite !»

Lettre n°5, 30 novembre 1879.
« Papa, j'ai trouve une lettre. Maman disait dans celle-ci que je lui faisait peur. Qu'elle avait l'impression de te voir en moi, que j'étais trop violente. Je suppose que c'est pour ça que tu n'es plus là, avec moi.. Tu sais, je ne peux pas m'empêcher d'être violente, ça part tout seul et je ne maîtrise pas ma force. C'était pareil pour toi ? Je voudrais que tu me répondes, qui es-tu vraiment ?»

Lettre n°6, 13 janvier 1880.
« Papa, je crois que je suis amoureuse.
Elle s’appelle Liliane, elle est magnifique. Les françaises sont vraiment belles. Tu crois que c’est grave pour moi, d’aimer les femmes ? Je n’ose pas l’avouer à maman, j’ai peur de la réaction qu’elle peut avoir.. Je ne veux pas qu’elle nous sépare, je l’aime tellement.
Aide-moi..»

Lettre n°7, 30 mars 1882.
« Papa, c’est fini.
Maman a découvert Liliane. Elle m’a frappée violemment et m’a traitée de tous les noms. Elle dit que je suis ignoble, que tout est inhumain. Je n’en peux plus. Je n’ai plus le droit de la voir, elle, ma tendre.. Elle m’avait dit de me laisser pousser les cheveux, tu pourras me voir comme avant.. Moi, je ne pourrais plus jamais la revoir, j’ai envie de pleurer. C’était un amour véritable, je te le jure ! Mais maman n’est pas d’accord, j’en souffre et elle le sait. Je crois que ça l’amuse. J’ai envie de la tuée.
J’espère que tu viendras vite.»

Lettre n°8, 22 octobre 1884.
« Papa, maman est morte.
Je n’ai rien fait, je te le jure. Ne t’inquiète pas pour moi, je suis une adulte, je peux me débrouiller seule. Il y a quelques jours, je suis allée voir chez Liliane. Rien. Elle est partie, elle m’a abandonnée. J’avais envie de rire. De rire et de tout casser autour de moi, cette envie m’était insoutenable. J’ai besoin de me calmée ou je risque de tuer quelqu’un. Je me demande pourquoi je t’écris toutes ces lettres.»

Lettre n°9, 1 février 1886.
« Je t’ai oublié. En fait, je ne me suis jamais rappelée de ton visage. Tu n’étais jamais à la maison, je pense que tu étais déjà mort. Je ne sais pas qui reçoit mes lettres, je ne veux pas le savoir.. J’avais besoin de soutien, maintenant c’est terminé. Je suis une femme.»

Lettre n°10, 14 juillet 1887.
« Je sais tout, maintenant. Pourquoi tout le monde nous en voulait, à moi et à maman. C'est parce que tu es un monstre, et que tu nous a abandonnées à notre propre sort. Tu devais pas mal t'en ficher, de ce qu'il nous arrivait. Toi tu n'es pas pareil, tu es supérieur comparé à nous, pauvres humaines.. C'est à cause de toi, tout ça. Et c'est à cause de toi que je suis comme ça. Tel père, telle fille. Je suis un monstre, moi aussi. »

Lettre n°11, 17 juin 1889
« Je tenais à te dire merci, papa.
C’est ma dernière lettre. J’ai trouvé une vie stable et un travail. Je voulais te remercier d’avoir été là pour me faire avancer. Tu n’as jamais vraiment été ‘là’ mais t’écrire me donnait du courage.
Peut-être qu’on se rencontrera un jour.
Merci.»