Old Friends [PV Ashton]

Jade poussa un profond soupir. Enfin seule ! D'habitude, elle était plutôt contente d'avoir de la compagnie, mais avant un spectacle, c'était une toute autre histoire. C'était parfois assez épuisant de devoir toujours défendre ses choix en matière de maquillage. Comme si on ne la prenait pas du tout au sérieux. Pourtant cela faisait déjà un moment qu’elle avait fait ses preuves. Ça ne lui dérangeait pas du tout de discuter avec les artistes pour connaître leur opinion ou même de faire des changements. Ce qui l'énervait surtout, c'est quand on revenait sur le sujet à la dernière minute ! On cherchait à lui faire commettre des erreurs ou quoi ? Elle se demandait comment rectifier la situation. Elle n’était pas sûre que si elle en parlait à quelqu’un d’autre, on la prendrait vraiment au sérieux. On risquait plus de lui répondre de ne pas s’en faire avec un rire désinvolte. Nouveau soupir. Jade n’était pas une fille sérieuse elle-même, mais elle cherchait toujours à faire de son mieux. Continuant à y réfléchir un peu, elle retira son sarrau, avant de piocher négligemment une fleur de pavot rouge dans l'un de ses pots et de la piquer au sommet de sa tresse, près de son front. Elle devait être à peu près présentable comme cela. Après l'effort vient le réconfort, non ?

Rien de mieux pour cela qu'aller papoter au bar du Lost. Alexander réussissait toujours à la faire rire, en plus, vu qu'elle travaillait ici, elle avait droit à de bons prix sur la boisson ! Et puis il fallait avouer qu’il n’était pas désagréable à regarder, hm ? C’est le cœur en joie que la dryade entra dans la pièce, même s’il était sûrement encore trop tôt pour qu’il y ait qui que ce soit de potentiellement intéressant à aborder, pas encore. La salle était ouverte au public, mais le spectacle ne commencerait pas avant au moins 30 minutes. Son regard parcourut la pièce, à la recherche du barman puisqu’il n’était pas à son poste habituel. Bizarre. Moins bizarre lorsqu’il le vit en train de discuter avec une jeune femme, comment elle s’appelait déjà ? Elle agita la main en sa direction, sur son chemin vers le comptoir, mais rien à faire, il n’avait pas l’air de l’avoir aperçue. Trop intéressé par sa charmante compagnie pour dire bonjour à ses amis, hein ? La veine sur son front ne fit qu'enfler davantage. Elle croisa les bras contre sa poitrine. Elle n'était pas assez belle, peut-être ?! Ce n'est pas ce que diraient toutes ses conquêtes pourtant ... Quoique aujourd'hui, c'est vrai qu'elles se résumaient surtout à une longue liste de souvenirs. Les clients n'avaient de yeux que pour les artistes. Avec le boulot, il y avait beaucoup moins de temps pour les soirées extravagantes qui avaient bercé ses jeunes années ... Elle aurait pu se faire effeuilleuse, sans doute, mais cela n'aurait pas été bien raisonnable, pour quelqu'un qui cherchait à calmer le jeu.

Bref. Tout cela pour dire que les plans de Jade pour la soirée venaient de prendre un vent d’ouest. Peut-être qu’elle devrait se contenter de voler une bouteille et de retourner picoler dans sa chambre, puisque l’humeur semblait à la mélancolie et l’amertume. Oh ! Tout espoir n’était peut-être pas perdu ! Un homme était assis au comptoir. L'objet de son désir entre les mains. Un sourire mutin aux lèvres, elle fit sauter le bouton du haut de sa veste, refaisant passer ses cheveux derrière son épaule. Opération séduction en route ! Si elle jouait bien ses cartes, cette mauvaise soirée pourrait devenir quelque chose de bien, finalement. Même si ce n'était que quelqu'un avec qui discuter, oublier ses soucis. En quelque pas, Jade avait rejoint les petits tabourets. Elle posa une main bienveillante sur l’épaule de cet étranger, laissant son souffle chaud chatouiller quelque peu son oreille, toute sourire.

« Tu m'offres ton verre, beau brun ? »

Même si c'était du whisky ou du bourbon, elle s'en fichait. D'habitude, elle n'était pas trop fan, parce que ça lui brûlait la gorge, et ça lui montait à la tête beaucoup plus rapidement, mais c'était un cas extrême quoi ... Elle avait besoin d'un remontant avant de péter une durite pour de bon ! Espérons seulement que le gars ne soit pas trop timide, ou du genre trop coincé pour accepter un petit flirt sans s’offusquer ! De dos, c’était encore plus difficile à juger. Bah, inutile de s’inquiéter avant même que la conversation n’ait vraiment commencée ! De toute façon, le ridicule ne tue pas. Sinon cela ferait bien longtemps qu’elle aurait passé l’arme à gauche ho ho ho.

L'étincelle, puis le feu. Plus belle invention de l'homme, réussite du quotidien, délice des poumons enfumés. Ashton enroula ses lèvres pleines autour du bâton de cigarette, fermant les yeux pour mieux savourer l'amertume de son poison favori. La sensation saisit tout son corps, parcourant ses veines de la gorge aux orteils, l'emplissant d'une énergie nouvelle qui n'appartenait qu'à lui. C'était un plaisir qui toujours se renouvelait, une routine qui ne parvenait pas à devenir ennuyeuse. Fumer, c'était comme embrasser les lèvres charnues d'une belle demoiselle, parfois. On se perdait dans le contact interdit, on se délectait de chaque ressenti comme un sauvage, on dévorait les saveurs exotiques offertes pour mieux en rêver plus tard. Et on recommençait toujours, encore, à jamais peut-être, grisé par le souvenir de la langueur parcourant l'âme plus encore que le corps.

Un sourire malicieux éclaira les traits du canidé tandis qu'il relâchait sa première bouffée, s'engageant dans les rues d'un pas enjoué. Ce soir, il était de bonne humeur. À cela il n'y avait aucune raison, outre peut-être la beauté du soleil qui caressait sa peau agressée par l'hiver, le plaisir de températures croissantes et la douceur rare dont avait fait preuve cette journée. Demain le gel serait de retour, peut-être même neigerait-il. Le moment était donc venu d'en profiter. Voilà qu'il pouvait sans soucis maîtriser. Sans se vanter, Ashton eut même pu se targuer d'être un spécialiste du domaine.

Oui, vraiment, il avait envie de fête. Son corps réclamait une boisson aux accents exotiques, une belle femme au bras de laquelle passer la soirée et un endroit chaleureux où satisfaire ses aspirations au grand spectacle. Ce soir, il voulait se perdre dans l'ambiance langoureuse d'un lieu où la lumière tamisée caressait les visages et floutait les ambitions. Ce soir, il allait dans un cabaret.

Son sourire s'agrandit lorsqu'il entra, triomphal, dans le hall du Lost Paradise. Ici, c'était son palace, son foyer, un petit bout de son âme qu'il laisserait en quittant Paris. Ici, c'était l'un de ses coins préférés dans la belle capitale. Ici, il était à sa place, côtoyant pourtant les faces poudrées de la haute tandis que son regard caressait les planches foncées de la scène. Il expira une ultime bouffée de cigarette, savourant par la brûlure dans sa gorge son entrée dans le bâtiment, sensuel dans les pas qui le menèrent au bar. La musique se répandait déjà dans la pièce, symphonie d'une langueur typique de ces endroits où la sensualité côtoyait la pudeur. Ashton se glissa sur un tabouret comme on se glisse dans un costume, un sourire charmeur aux lèvres, la fin de cigarette tombant nonchalamment d'entre ses dents.

« Bonsoir... Vous avez du Pink Gin ? »

L'envie d'exotisme se mêlait à celle, immuable, de s'amuser. Il aspirait à des saveurs venues d'ailleurs, inspirées par des parfums de voyage. Il voulait sentir les tropiques contre sa langue, danser avec la chaleur familière de l'alcool au creux de sa gorge. Son regard pétillait de malice. Le jeune homme, ce soir, était plein de désirs qui s'entrelaçaient pour mieux se sublimer sur le visage qu'il offrait au monde.

Il fut délecté de pouvoir frôler la boisson commandée, ravi surtout de constater qu'elle était bien en stock. On pouvait compter sur le Lost pour bénéficier des recettes de l'autre côté de la Manche ou du monde. Satisfait, il leva son verre à la santé du barman, le charmant d'un sourire avant d'aller tremper ses lèvres dans le cocktail. Il ferma ses paupières pour mieux savourer le mélange, son corps ondulant tendrement sur lui-même pour suivre la musique qui enlaçait le cabaret, tapotant du bout des doigts le rythme langoureux qu'il sentait émaner de la mélodie.

Un nouveau sourire courba ses lèvres. Sensuel, plein d'un désir qui semblait en déborder, amusé, presque carnassier. Une âme approchait. Encore floue, il percevait pourtant en son sein tout l'exotisme qui en découlait. Sa main gauche alla caresser son verre sur la longueur tandis qu'il fixait l'alcool d'un regard pétillant. Il se força ainsi à ne pas se montrer plus curieux, à savourer l'inconnu qui sans cesse se précisait. Il se força ainsi à attendre, patiemment, de pouvoir dans son esprit dessiner les courbes de cet être spécial et pourtant si familier qui s'approchait. C'était une femme, il en était sûr. C'était une femme qu'il ne se souvenait pas avoir rencontrée récemment et qui, pourtant, animait une part de lui. Son estomac se noua d'impatience, rassasié dans sa hâte uniquement par la boisson qui berçait son urgence. Le sourire s'agrandit.

Il ne broncha pas lorsqu'une main, aussi frêle qu'élégante, se posa délicatement sur son épaule. Au contraire il se recula légèrement, courbant son dos pour mieux rencontrer le toucher, ses yeux caressant toujours le liquide rosé qui luisait sous la lumière du comptoir.

« Tu m'offres ton verre, beau brun ? »

La surprise qui frappa le visage d'Ashton fut presque aussitôt remplacée par un plaisir décuplé, teintant son sourire sensuel d'un bonheur accentué. Le souffle chaud de la dame contre son oreille, comme un sort, l'emporta dans tes temps lointains et pourtant si proches. Des temps faits de draps froissés et de nuits torrides, perclus de baisers qui marquent et taquinent, traversés de voix murmurées aux heures les plus tardives, de mots glissés aux oreilles indiscrètes et de caresses posées sur des peaux dénudées. Des temps de secrets et de vérités, de charme et de langueur.

La Panthère avait fait erreur sur sa proie et ne se rendait pas encore compte de l'identité de son interlocuteur. Comment alors ne pas marcher dans son jeu ? Un éclat de rire grave lui échappa, et il décala son verre sur le comptoir du bout des doigts, prenant garde à ne pas se retourner, montrant le côté de sa main pour dissimuler les tatouages qui l'embrassaient.

« Je vous en prie, mademoiselle, prenez donc, si le goût de mes lèvres ne vous dérange pas... », susurra-t-il, désignant d'une main leste le siège qui bordait le sien.

L'invitation réclamée, elle la prendrait ou pas, dans un instant de fougue. Ashton avait bien appris par le Passé que la demoiselle à qui il avait affaire était des plus imprévisibles, constat qui le délectait autant qu'il le frustrait. Oh, qu'il avait hâte de revoir les traits faussement innocents de la jeune femme, l'étincelle séductrice dans ses yeux clairs, le soupçon de charme dans la mise en valeur de ses courbes... Il décida, enfin, de se tourner vers elle. Croisant élégamment les jambes, il s'autorisa à lui offrir son visage, de biais, ses doigts tatoués frôlant des lèvres qui souriaient un amusement absolu. Son regard pétillant détailla sans s'en cacher la demoiselle, la féline voleuse, conscient qu'en sa compagnie il n'était nul besoin de cacher ses désirs.

« Un siège ma foi bien modeste pour une reine pécheresse... »

Sur ces paroles glissées à son oreille, il se recula, adressant à la jeune femme une expression des plus ravies.

« Cela faisait longtemps, chère fauve... »

Pardoooon:

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Ça alors pour une agréable surprise ... Le jeune homme lui tendit son verre en riant de bon coeur, sans pour autant se tourner dans sa direction. Tant de mystère ! Mais en toute franchise, ça lui plaisait. Elle était bonne joueuse. Cela lui permettait au moins d’oublier ce qui l’avait autant contrarié tout à l’heure. Le cocktail qui lui était offert était aussi une surprise. Les hommes aimaient rarement ce genre de boissons plus raffinées. La carte aurait très bien pu se résumer à une bière et un verre de vin, la clientèle venait surtout pour le spectacle, hein. Mais on ne faisait rien dans la demi-mesure au cabaret du Lost Paradise ! Sur le ton de la confidence, la petite dryade offrit une réplique qui lui semblait acceptable, étant donné ces sous-entendus.

« Si vous saviez … Ce n’est pas un baiser indirect qui me ferait rougir. »

Si son bel inconnu voulait que le mystère se prolonge un peu davantage, soit, mais elle voulait tout de même provoquer un peu. C’était ainsi, au jeu de l’amour, il fallait prendre des risques. Enfin l’amour … C’était un bien grand mot. Trop sérieux pour une âme libre. Ce soir, elle voulait tout simplement un peu de réconfort. Tout de même, cette voix grave lui semblait familière. Un frisson délicat lui parcourut le dos. C'était comme le plaisir de rentrer à la maison, ou de retrouver un être cher après tant d'années. Elle lui jeta un regard en coin. Non ? Toujours pas décidé à se dévoiler ? Jade sentit une moue dépitée se dessiner sur son visage. Peut-être avait-elle mal jugé. Ou bien cela pouvait faire partie du jeu. Question de faire languir le plaisir. En guise de réplique, elle ne s’assit pas à ses côtés, préférant boire une gorgée de ce verre qui les avait rassemblés. C’était un coup de bluff, un coup de maître. Il pouvait très bien prendre ça pour un refus. Au lieu de cela, sa patience fut récompensée. Les mèches noires furent déplacées loin du visage, bien que l’encre sur cette main avait déjà réveillé tout son intérêt. Cet homme se tenant devant elle le plus naturellement du monde, qu’elle commençait à croire qu’elle ne reverrait plus.

« Ash ! »

L’émotion lui prit le coeur, bercée par des souvenirs qui étaient devenus presque doux amers. Elle avait enfermé son passé au plus profond de son être lorsqu’elle était arrivée ici. De voir que ses deux univers pouvaient peut-être se rejoindre … Elle aurait pu en pleurer. C’était un scénario qu’elle avait longtemps imaginé, sans avoir vraiment l’occasion d’en poursuivre l’opportunité. Sans prévenir, elle lui sauta au cou, un rire franc s’écoulant plutôt de ses lèvres, bien plus fidèle à son image, les faisant tournoyer un peu au passage à cause de l'équilibre précaire que leur offrait le tabouret. Elle n’était pas si lourde après tout ! Elle resta ensuite assise sur ses genoux, sa chair fraîche et délicate à portée de main, les bras autour de son cou. Elle était trop heureuse pour penser un seul instant qu’il pourrait la repousser, ou au moins le temps de la faire un peu tourner en bourrique pour se venger de sa disparition subite. Après tout, la rancune ne collait pas au portrait qu’elle se faisait d’Ashton Lyn.

« Franchement, Edward exagère si je ne peux même pas savoir que mes amis font partie des clients ! »

Jade marqua une pause, son regard se faisant plus attentif. Chacun avait fait son bout de chemin, loin de l’autre. Malgré tout, elle espérait que ce qui comptait vraiment n’avait pas changé, chez lui non plus. Elle était restée la jeune femme indomptable, avide de plaisirs.

« Tu m'as manqué. Et ... Tu as un nouveau tatouage. »

Elle laissa ses doigts en tracer le contour, un peu rêveuse. Quoi d’autre avait donc changé chez lui ? Son complice espiègle. Elle voulait tout savoir, mais elle ne savait pas trop quelle question poser en premier. Alors, pour le moment, elle lui laissait la liberté de ce qu’il voulait bien lui dire, un sourire charmé pour seule invitation à tout reprendre où ils s’étaient laissés. Bien sûr, des questions lui seraient sans doute posées en retour, ce serait tout naturel, après tout ce temps enfin … Peu importe. Le monde pouvait être à leurs pieds, si seulement il pouvait continuer de lui sourire.

« Ash ! »

Entendre son prénom prononcé avec tant de délice amène un sourire ravi à bourgeonner sur les lèvres d'Ashton. Il offre un regard pétillant de bonheur à son ancienne amante, écartant pour elle des bras accueillants dans lesquels elle plonge comme si elle ne les avait jamais quittés. Un rire éclate, partagé par les deux bouches rieuses, et il ne peut s'empêcher de lui voler un baiser rapide. La saveur de ses lèvres est un parfum oublié dont il se délecte tendrement avant de la laisser s'asseoir sur ses genoux, son regard pénétrant plongé dans les yeux rosés de la jeune femme. Il la trouve belle. Surtout avec cette petite moue, perdue entre bouderie et jeu, qui s'empare si souvent de ses traits.

À sa remarque, il éclate d'un rire grave et doux avant de lui voler un nouveau baiser, sans s'intéresser aux regards outrés qui convergent silencieusement vers eux. Un duo atypique, voilà sans doute ce qu'ils forment en cet instant. Comme à son habitude, cette constatation ne fait que l'encourager davantage à poursuivre ses petits actes d'outrage. Ashton esquisse un sourire charmeur avant de reprendre une gorgée de son verre volé.

« Eh non, pas de nouveau tatouage ma belle... Mais je te l'accorde, celui-ci est discret. »

Perdu entre deux autres, plus intenses, celui-ci est presque invisible pour la plupart de ses connaissances, noyé dans la masse caressant l'intégralité de ses bras. Ashton lui lance un regard doux, presque nostalgique. Une part de son esprit s'évade vers les contrées lointaines où il l'a obtenu, comme tous les autres, après un lendemain d'orage où il n'était pas parvenu à lutter contre l'effroyable bête qui grondait en ses entrailles. Un échec gravé sur sa peau comme le sang qui macule ses mains. À jamais.

Mais l'heure n'est pas à la gravité. Les retrouvailles sont un feu de joie dans les cœurs étourdis de bonheur, et le jeune homme compte bien maintenir les choses ainsi. Ils n'ont pas besoin de ça. Leur relation s'est bâtie autour du mystère et d'une forme sauvageonne de tendresse. Un sourire aux lèvres, Ash réalise combien le goût de ces lèvres-là lui avait manqué et réitère son outrage à la pudeur des coincés. Un éclat de rire fait ronronner le baiser. Il adresse à la demoiselle un regard pétillant. L'éclat qu'il devine dans ses yeux est limpide dans ses désirs : elle veut savoir. Tout. Les dernières années, ce qu'elles ont contenu, ce qu'elles lui ont donné... Il n'en a pas envie. Il la fera languir, comme toujours dans ce mutuel jeu de charme.

Plutôt donc que d'accéder à ses souhaits, il prend un peu de recul pour détailler ses formes généreuses et graciles à la fois. Chaque vision est un souvenir dont la nostalgie fait valser son cœur. Comme c'est étrange, de rencontrer son passé...

« Ma foi, pour une évadée, tu me sembles en forme... La chambre d'hôtel était-elle si semblable à une prison pour vous, mademoiselle ? », plaisante-t-il.

Il n'y a aucune volonté de reproche dans sa voix, simplement un jeu dont il apprécie les effets. Une part de curiosité, aussi. Ash rêverait de savoir, lui aussi, ce qui a mené sa partenaire des bas quartiers aux élégantes fioritures du Lost Paradise. Oh, il ne doute pas que l'histoire soit divertissante. Edward a toujours eu l'art et la manière de dénicher des raretés. À cette idée, son sourire s'agrandit.

« Mais dis-moi, comment as-tu rencontré ton cher patron ? »

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Son rire, ses baisers, son insouciance, tant de choses qui lui avaient manqué. Bien plus qu'elle ne s'en était rendue compte. Au Lost Paradise, il n'y avait personne pour rire de ses blagues. Mais dès le début, tout avait été très clair entre eux deux, il n'était pas question de sentiments et de s'attacher. Lorsqu'elle avait quitté son palace des bas-fonds, Jade avait tourné la page. Pourtant, installée là, sur ses genoux, des sensations ne pouvaient s'empêcher de remonter à la surface. Par exemple, elle n'aurait pas du être aussi surprise qu'il la retienne facilement après son élan d'enthousiasme rien qu'en lui tenant la taille. Elle aimait rester des heures dans une étreinte charnelle, le visage de son amant perdu dans le parfum de ses cheveux, rien que pour écouter ses histoires et sentir la force de ses muscles contre son corps délicat. Elle s'y sentait à l'abri même quand le monde là dehors ne l'était pas. Après tout être voleuse n'avait pas que de bons côtés ...

« Si tu essaies de te faire inviter dans ma chambre, il te faudra plus qu'un joli sourire cette fois, beau parleur. »

C'était interdit aux clients et le fait qu'il soit probablement un légendaire ne changerait pas la donne. Jade n'avait jamais vraiment insisté pour qu'il se confie à elle sur ce point, ce n'était pas pour cela qu'il venait la voir. S'il devait le faire, cela viendrait de lui. En attendant, la dryade sourit à sa remarque, croisant les doigts sous son menton. Une évadée, était-ce le bon mot ? On n'avait jamais réussi à prouver qu'elle était la Panthère Rose après tout. Ce n'était pas faute d'avoir essayé ... D'un autre côté, personne n'avait vraiment su pourquoi elle avait disparu du jour au lendemain. Pourtant, elle n'avait pas eu de secrets très longtemps pour son beau marin. Elle n'aimait pas les mensonges. Elle n'avait juste pas eu l'occasion de le prévenir, ni personne d'autre. Ensuite, la mort de Louisa l'avait empêché de ressentir toute émotion pour son ancienne vie comme la culpabilité ou les regrets. Rien que la tristesse. Un grand vide d'être redevenue seule. Et puis devenir maquilleuse n'avait pas été de tout repos non plus !

La question d'Ashton la tira de sa rêverie douce amère. Oh ? Il connaissait le loup-garou alors ? Parfois elle se demandait si Edward ne connaissait pas tout le monde dans cette ville. Elle tapota ses lèvres, tentatrice, faisant mine de réfléchir. Peut-être qu'après cela, il serait plus enclin à répondre. Tout de même, elle préféra le faire languir à son tour sur certains détails, par exemple quel était son rôle ici. Ce serait injuste de tout lui dévoiler s'il décidait de ne pas en faire de même en retour. Mais puisqu'elle était dans la salle, elle n'était certainement pas une artiste. Hm. C'est vrai qu'avec son caractère effronté, on pouvait se poser la question.

« Tu devrais être bien placé pour savoir qu'on entend toutes sortes d'histoires dans la rue. Je n'ai jamais compris ton obsession pour la Curia. »

Son petit soupir laissait deviner son opinion d'eux tous. Des gratte-papiers horriblement ennuyeux, bien pires que le patron avec toutes leurs règles ! Elle ne comptait pas se laisser impressionner par ce simple mot qui pouvait faire trembler à lui seul les murs de leur petit havre de paix ou même la grande tour en fer qu'ils avaient planté dans le paysage. Faut croire que les Parisiens en avaient assez des jardins. Mais n'avaient-ils donc aucun respect pour les anciens dieux, préférant celui du Vatican ? Même si elle n'était pas née dans le berceau des dieux, elle connaissait les histoires de ses ancêtres ! Alors qu'ils fassent un petit effort ! Quant à Jade ... Si elle ne pouvait plus être voleuse, elle pouvait toujours être voleuse de coeurs. Elle se pencha soudainement sur le visage de son tatoué, la mine très sérieuse, comme si elle allait lui confier le secret de la vie et de l'univers.

« Si tu les as trouvé, surtout ne leur dit rien. Il paraît que je suis une criminelle ! » murmura-t-elle, agitant les mains devant elle comme le ferait une innocente outrée.

Elle éclata de rire et déposa un baiser sur sa peau chaude, au coin du nez et de la bouche, taquine. Ils faisaient bien la paire tous les deux. Ils auraient probablement terminés leurs beaux jours dans des quartiers voisins de la police, s'ils n'étaient pas si doués pour s'évader. Quoique dans ce cas-ci ... Le sourire s'effrite un peu, comme une vague passant sur son doux visage de porcelaine, emportant une bulle de bonheur. Elle sait. Mais il n'est pas possible de parler de magie ici alors que la salle commence tranquillement à se remplir et puis ce serait gâcher ces retrouvailles. D'ailleurs elle lui aurait bien payé un verre, si leur cher barman n'était pas si occupé ! Ça méritait au moins du champagne, pas juste ce pauvre cocktail partagé dont il ne restait que quelques gouttes. En plus, il n'y avait pas beaucoup de monde pour venir leur tenir compagnie. Avec leur position indécente, cela pouvait se comprendre mais Jade ne se déplacerait pas sur un autre siège seulement pour leur bon plaisir. Ici, elle pouvait voir toutes les expressions sur le visage d'Ashton. L'endroit idéal alors qu'elle s'apprêtait à lui lancer une nouvelle choc !

« Non mais en fait j'ai retourné ma veste, chéri. »

« Si tu essaies de te faire inviter dans ma chambre, il te faudra plus qu'un joli sourire cette fois, beau parleur.
-Hmm, soupira-t-il en plongeant son nez dans ses cheveux, j'ai mes ressources... »

Un petit rire lui échappa, grave, perdu dans les mèches rosées dont il humait discrètement le parfum, ses doigts jouant un air de musique contre la taille prisonnière. Ses ressources à lui portaient un visage bien particulier et deux yeux dépareillés. Pas sûr qu'Edward acceptât qu'il aille se réchauffer dans le lit de l'une de ses employées, mais Ash se garda de le dire. Après tout, la demoiselle et lui ne faisaient pour l'heure que s'amuser, jouant à celui qui craquerait le premier. Cette idée amena un sourire charmeur à ses lèvres. Son imagination déjà s'égarait ; il fallait avouer que le canidé n'avait jamais été très doué pour éluder ses désirs. Ou juste assez, peut-être, pour éviter d'être arrêté tous les quarts d'heure par la police ô combien tolérante de la ville lumière.

Amusé, il la détailla un instant, se délectant des détails qui lui revinrent en mémoire à l'occasion. Souvenirs, souvenirs... La chevelure était gorgée d'images à peine oubliées. Il se rappelait, la parcourant d'une main agile, de la texture si singulière contre sa peau, de celle de son amante sous son toucher. La lumière tamisée des bougies qui s'éteignaient, les mauvais draps qui éraflaient les chairs sensibles. Son expression se teinta d'une nostalgie mêlée de sensualité. Les mots s'échangeaient, eux, emprunts d'une curiosité perpétuelle avec laquelle ils semblaient jouer au tennis. Revers, coup droit. Il venait de poser la question, elle se contentait de jouer avec ses lèvres. La jeune femme avait conscience d'être belle, conscience d'être désirable. Selon Ash, cela ne la rendait que plus délicieuse.

Il lui offrit un sourire charmeur, toujours le même, songeant avec amusement que cela avait été plutôt efficace lors de leur rencontre. À son tour de résister. La Panthère Rose, féline, venait de parier sur son impatience. Hors de question de lui céder – pas tout de suite, pas déjà. Un fredonnement distrait échappa aux profondeurs de sa gorge tandis qu'il allait embrasser une mèche rose.

« Je ne suis pas obsédé par la Curia, bella, simplement on y croise nombre de bizarreries fascinantes. Tu devrais venir me voir, à l'occasion... »

L'invitation resterait flottante, une offre à prendre ou oublier. Il n'insisterait pas – ce n'était pas son genre, pas dans ce jeu de séduction-là. Le jeune homme préférait à pareille grossièreté les subtilités du charme, donner envie à sa partenaire de saisir l'opportunité plutôt que de l'y inciter directement.

Le souffle de la jeune femme contre son oreille lui arracha un frisson, dans le sillage duquel naquit son rire. Elle savait ce qu'elle faisait, hein ? Son emprise sur sa hanche se resserra discrètement, presque imperceptiblement.

« Je confirme, mademoiselle, vous êtes une criminelle ! Regardez-donc la position dans laquelle vous vous trouvez en public... Pour sûr, une dame ne saurait rester ainsi... »

La voix d'Ashton tomba plus profondément dans les graves à mesure qu'il parlait, achevant ses derniers mots dans un bref baiser qu'il lui vola en saisissant son menton, dissimulant leur impudeur par les cheveux de sa compagne. Son regard, lorsqu'il pénétra celui de Jade, pétillait d'une infinie malice.

« Nan mais en fait j'ai retourné ma veste, chéri. »

Surprise. Un sourcil étonné se courba tandis que le canidé glissait une caresse tendre contre les côtes de sa compagne.

« Retourné ta veste, rien que ça ? »

Il alla chercher son verre pour en dérober une gorgée, se rappelant soudain qu'il avait commandé une boisson quelques éternités auparavant. L'alcool éveilla ses papilles, lui remit les idées en place sans le départir pour autant de la curiosité phénoménale qu'elle venait d'éveiller en sa poitrine.

« Hé bien, dis-m'en plus ! Je te vois très mal devenir policière, ma chère... Mais les apparences peuvent être trompeuses : la preuve, je travaille en bureau ! »

Un nouveau rire le prit, quelques éclats s'égarant dans le bar où se répandaient déjà quelques murmures outrés quant à leur position. Tant mieux. Qu'ils parlent, les choqués, les coincés. Cela ne faisait que l'amuser davantage !

« Allez..., insista-t-il, tu ne vas pas me torturer avec ton silence, mh ? »

Spoiler:

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I speak in #280000

Oh, Ashton. Ashton, Ashton, Ashton. Ash.

Ce surnom ne lui convenait pas du tout. Les cendres étaient froides et tristes. Ashton lui faisait plutôt penser au soleil. Il avait toujours de l'énergie à revendre et le mot pour rire. Le partenaire idéal pour la Panthère rose. C'était ce qui lui avait tout de suite plu, au tout début de leur relation. Même s'il fallait avouer que ses tatouages de bad boy et son look de grand brun ténébreux avaient aussi fait leur petit effet. Ah, ce qu'elle pouvait être faible, parfois. Un joli diamant, un sourire charmant, il ne lui en fallait finalement pas beaucoup pour être heureuse.

La dryade aurait peut-être dû rester à l'écart dans ce cas pour ne pas se brûler les ailes. Elle connaissait l'histoire. Même si la plupart des bouquins l'ennuyaient, elle avait vite ressenti le besoin de renouer avec ses origines, surtout après avoir été abandonnée. Mais elle avait certainement autant d'ambition qu'Icare, ou peut-être plus. Si c'était de la naïveté, tant pis ! Sans doute ressemblait-elle trop aux plantes qui lui donnaient sa force vitale. Et puis la petite piqure d'adrénaline causée par le risque d'être arrêtée ne l'avait jamais empêché de commettre ses méfaits, bien au contraire.

La Curia ... Vaste univers que voilà. Jade ne le connaissait pas beaucoup et avait toujours estimé que c'était mieux ainsi. Essayait-il de la convaincre en lui offrant un doux compliment en italien ? Elle était trop sauvage pour entrer dans leurs cases. Même Eddy avait du mal à la gérer, alors... Mais découvrir de nouveaux Légendaires, se faire des amis, être utile à sa communauté, cela tirait sur les cordes usées et sensibles de son coeur. Elle garderait la proposition dans un coin de sa tête, pour un jour de congé, peut-être bien, si elle n'avait rien de mieux à faire. Avant, elle devrait s'assurer que son passé ne la guiderait pas tout droit à la potence si elle mettait les pieds dans le tribunal comme une petite souris timide. Comme ils le soulignaient tous les deux, elle était une criminelle. Une voleuse en cavale, une jeune femme repentie, mais une criminelle tout de même, que bien d'autres auraient préféré voir derrière les barreaux, alors qu'il lui restait tant à vivre !

On pouvait dire que le jeune homme avait mordu à l'hameçon, demandant plus de détails, s'avançant même sur des hypothèses. Jade secoua la tête, son corps agité d'un rire léger et doux. Il avait bien raison de douter qu'elle aurait sa place dans les forces de l'ordre. À supposer que c'était une vocation qui lui fasse de l'oeil, son visage était bien trop connu des services locaux pour qu'on lui laisse sa chance. Le commissaire aurait eu une attaque et c'est une guerre ouverte qui aurait été déclarée au sein de l'équipe. Non, il ne valait mieux pas imaginer ce genre de scénario catastrophe.

« Ah ça... Je suis sûre que tu adorerais que je te passe les menottes. »

Ou peut-être l'inverse, remarque ? Histoire de fêter leurs retrouvailles en grand. Mais non, ce n'était pas ça. Une femme en uniforme ? Son compère la connaissait-il si mal que cela ? Elle était née pour briller, allons. C'est bien pour cela qu'elle avait sa place ici, sous les ordres de son cher patron, comme il le disait si bien. Elle captura son menton entre ses doigts pour le secouer de gauche à droite, comme on le fait pour sermonner gentiment un enfant en faute. Non, elle n'avait pas l'intention de le torturer, promis. Pas très longtemps, en tout cas.

« Je te laisse deux autres tentatives. Si tu devines, tu auras peut-être droit à une récompense, mon tout beau. Si tu es sage... »

Son langage corporel lui suggérait pourtant tout le contraire, se rapprochant un peu plus, une caresse dans son dos pour l'encourager. Rester sage, c'était ennuyant. Alors, elle essayait de le pousser doucement sur le chemin de la tentation, entre ses griffes, peut-être aussi pour vérifier qu'il n'était pas devenu un homme ennuyeux, derrière son bureau de la Curia, au-delà de ses belles paroles. Et puis... elle n'avait peut-être pas besoin de l'approbation des autres pour se sentir désirable et maîtresse de son univers, mais faire plier un homme était tellement bon. S'envoyer en l'air, c'était pas mal non plus, mais sans le jeu, sans le goût de la chasse, sa liste de conquête aurait sans doute été beaucoup moins longue. Mais maintenant que son meilleur amant sortait de l'ombre, elle ne doutait pas que le destin s'annonçait prometteur pour tous deux, pour vivre de grandes aventures et partager toutes sortes de frissons.

Et si Snorri ou quelqu'un d'autre finissait par les jeter dehors, ce ne serait finalement qu'une excuse de plus pour continuer leur jeu de provocation. Mais ne dit-on pas que le client est roi ?

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