Some Ghost Stories

Porter un enfant n'est-il pas toujours le fruit d'une grande joie ? Qu'arrive-t-il alors lorsque la chair de sa chair est la preuve d'une trahison... Elle peut détruire plus d'une vie, que la naissance soit menée à terme ou non, ou alors, le mensonge peut s'installer au cœur d'un foyer, et le bonheur tient le coup jusqu'à ce que la vérité éclate, s'il ne finit pas par se dégrader... Le résultat final étant inévitable.

June grandit donc sans savoir qu'elle était le fruit d'un adultère, personne n'ayant été mis dans la confidence. Cependant, c'était peut-être mieux ainsi. L'ambiance de cette famille était déjà suffisamment difficile à supporter sans qu'on la rejette. Malgré qu'ils fassent partie de la haute noblesse – ou peut-être bien pour cette raison précise ? – ils devaient tous fournir beaucoup d'efforts. C'était une éducation très stricte que leurs enfants avaient à subir. Éducation qui était dispensée à la maison, d'ailleurs. June n'avait pas le droit de la quitter. On lui racontait des histoires pour l'effrayer du monde extérieur. C'était donc seulement en chantant de sa voix de rossignol auprès de son grand-frère Adam, jouant du piano, qu'elle arrivait à être vraiment heureuse...

Mais derrière ce qui semble être une injustice se cachait un besoin de protéger, sinon l'enfant, au moins la réputation. Déjà toute jeune, June fixait parfois le vide plusieurs minutes sans la moindre expression et il lui arrivait de parler toute seule. Oh, bien sûr, il n'était pas bien surprenant pour un enfant isolé de s'inventer des amis imaginaires, mais les propos tenus lorsqu'on l'interrogeait étaient troublants puisqu'il était question de mort. Les premières années, on laissa couler le tout en se contentant de quelques mots pour tenter de lui faire comprendre qu'elle ne devait pas agir ainsi, ni voir toutes ces choses. Ce n'étaient que les fous qui inventaient de telles choses. Malheureusement, il était impossible pour la petite de se défaire de ses visions : elle était née avec un don de médium.

Avec le temps, les réprimandes devinrent plus sévères. Adam tentait de la protéger, mais il avait quant à lui obtenu le droit de voler de ses propres ailes, et il avait décidé de se lancer dans des études qui lui permettraient de devenir médecin. Hors du village donc. Il n'était pas toujours là. Il ne savait pas tout. En conséquence des cris, de la colère et des coups que les excuses ne suffisaient pas à oublier, June sombra peu à peu dans la terreur du moindre faux pas. Les visions commencèrent elles aussi à l'effrayer, alors qu'elles l'avaient toujours intriguées, et elle les ignorait tant bien que mal, pour les cacher à ses parents. Seulement, au lieu de faire disparaître sa nervosité, cela ne fit que l'aggraver, un peu plus chaque jour. Ne sachant plus quoi faire pour l'aider, ils se tournèrent vers la science. June fut condamnée à prendre des médicaments pour retrouver des esprits qu'elle n'avait jamais perdu. Même son frère prodige appuyait cette décision, même s'il avait toujours œuvré pour son bien. Après tout, que fallait-il croire ? Sa petite sœur avait toujours été excentrique, mais sa nervosité constante rendait plausible la théorie de la folie...

Ces prescriptions de plus en plus fortes et qui n'étaient même pas requises détruisirent à petit feu la Ravenclose. Au lieu de rester silencieuse sur ses maux et ses angoisses, elle passait ses journées à pleurer et hurler au moindre contact de trop. Tout était dévasté sur son chemin. Pire encore, lors des crises les plus violentes, il lui était impossible de faire le moindre mouvement, mais une langue étrangère passait ses lèvres, pour jeter une malédiction peut-être. Oui, elle ressemblait peu à peu à ceux que l'on disait victimes de possession... On l'envoya donc dans un couvent dans le village voisin, où l'on pourrait sans doute lui prodiguer des soins adéquats. Et finalement, ils n'avaient pas totalement tort. À force de certifier qu'elle ne mentait pas, June finit par trouver une oreille attentive à sa détresse, une main salvatrice parmi les patients. Une jeune femme au sourire charmant qui dévorait toutes sortes de livres et qui lui expliqua tout ce qu'il y avait à savoir sur les défunts. Ils ne pouvaient se tourner que vers elle ou d'autres médiums... June médita ces sages paroles et prit sa décision : aider ces esprit à trouver le repos. Ce fut pour cette raison qu'elle quitta le monastère. Non sans promettre à son amie qu'elle trouverait un moyen de revenir la chercher. D'ailleurs, ce prénom est devenu plus tard son nom de scène, afin de ne plus jamais oublier...

À partir de ce jour, June devait vivre de ses propres moyens, sans quoi la menace reviendrait planer sur sa tête. Heureusement, sa voix d'ange lui permit de se trouver un emploi, pour divertir les clients d'un petit café. Ce n'était pas digne d'un grand rêve, mais cela lui suffisait, c'était déjà un grand pas si l'on comparait cela à sa vie jusqu'à présent... Parmi les années, sa route croisa celle de plusieurs personnes liées de près ou de loin à des fantômes, et cela lui permit non seulement de remplir cette mission qu'elle s'était donnée, en aidant de part et d'autre, mais aussi de se lier d'amitié avec certains. Sans le savoir, une réputation avait commencé à se bâtir tout autour d'elle, quittant même les frontières de cette ville. Un jour, un homme vint se présenter devant elle pour lui proposer un emploi au sein de son cabaret à Paris. Oh, bien sûr, c'était le rêve de n'importe qui de partir pour la capitale, surtout pour se produire sur une grande scène, mais June refusa. Elle s'était attachée à ce village, une fois hors des murs qui la maintenaient prisonnières. Et puis, il ne fallait pas ignorer les risques ! Tant de gens, il devait y avoir tout autant d'âmes perdues... Plus encore, loin d'un environnement familier, ses crises d'hystérie pourraient se faire plus fréquentes, plus violentes. Elle ne voulait pas retourner dans un asile, jamais. Elle préférait une vie tranquille, ou du moins presque, vu ses activités de médium...

Toutefois, le destin en avait décidé autrement. Edward White ne fut pas le seul à venir à sa recherche. Quelques semaines plus tard, son frère vint la surprendre chez elle. Ce fut une journée agréable, cependant, elle réveillait de vieilles craintes en lien avec sa famille, qu'elles soient rationnelles ou non pour une jeune femme mature et majeure. Cela se remarqua peut-être, car l'un des revenants qu'elle avait l'habitude de côtoyer sans pouvoir aider lui demanda ce qui n'allait pas. On ne voulait voir que des sourires sur le visage de la belle... Raconter son histoire et ses troubles n'était probablement pas une bonne idée, par contre. Le lendemain, c'était son père qui se trouvait sur le pas de son appartement. La personne qu'elle aurait préféré ne jamais revoir. Et il avait l'air furieux. Elle recula d'un pas, avant même qu'il n'ouvre la bouche. Quoi ... ? Adam était mort ? Des tremblements commencèrent à se saisir de ses membres. Ne faisant que s'intensifier lorsqu'elle comprit que son grand frère n'avait pas été la seule victime, et que l'on venait l'accuser d'être responsable.

— Tu ne nous as causé que des ennuis ! Tu es bien la digne fille de ton père ! hurla-t-il finalement en se dirigeant vers elle.

Disait-il cela parce qu'il avouait ses fautes, ou était-ce une vérité qui venait d'éclater au grand jour ? La question ne quitta jamais ses lèvres. Cela n'aurait servi à rien. Elle ne sut jamais ce qu'il avait l'intention de lui faire subir non plus. Le sang vola jusqu'à ses joues pâles. Elle n'avait pas vu celui qui se tenait dans l'ombre. Le cri resta coincé dans sa gorge, contrairement aux larmes. Elle n'avait jamais voulu cela pour ses parents, même s'ils lui avaient faits la vie dure, et encore moins pour son frère bien-aimé... Un jour complet passa avant qu'un collègue ne passe chez elle afin de voir si tout allait bien. Une fois le choc et la surprise passés, il s'occupa du corps et de la demoiselle malade, sans la renvoyer au couvent où tous savaient bien qu'elle avait déjà fait un séjour. Les nouvelles vont vite, au sein d'un petit village après tout. June tenta de se remettre de cette tragédie, avec l'aide de cet ami qui l'avait recueilli. Elle alla même travailler, un soir, la lourde mélancolie n'arrivant pas à détruire la douceur de son chant.

Ce ne fut que lorsque les murmures se changèrent en insultes qu'elle comprit qu'elle n'était plus la bienvenue ici. Aux yeux des autres, elle était devenue dangereuse. Elle était une meurtrière. Qu'est-ce qui leur garantissait qu'une chose pareille ne leur arriverait pas, pour un seul mot de travers ? Celui qui se lie d'amitié avec la mort est un adversaire à craindre. Les villageois vinrent donc la chercher avec les agents du coin. Grâce à son complice, June réussit à leur échapper, et ce fut le début d'une chasse à l'homme afin d'exterminer cette menace, cette sorcière. D'ailleurs, ils atteignirent presque leurs ambitions, la chanteuse infortunée trébuchant sur une branche ou une racine quelconque parmi les boisés. Seulement, un loup blanc imposant se lança entre elle et ses poursuivants, les crocs à découverts, lui sauvant sans doute la vie. Sans hésiter, June le suivit tant bien que mal pendant toute la nuit, jusqu'à une ancienne cabane forestière. Épuisée, elle toqua, espérant bien que si personne ne s'y trouvait, la porte n'était pas verrouillée. Le patron du Lost Paradise fut étrangement celui qui lui répondit, alors qu'elle pensait bien ne jamais le revoir. Il la laissa se reposer un peu, lui offrant un lit et un bon repas, puis il lui fit une nouvelle offre. Si elle acceptait de travailler pour lui, il lui offrait sa protection. Malgré les nombreuses questions qu'elle aurait voulu lui poser, June sentit la sincérité de ces mots, de cette promesse. Alors elle accepta. Quel autre choix lui resterait-il, de toute façon, pour mener un semblant de vie normale ? Seulement, elle avait quelques conditions à poser. Pour le bien du commerce, mais de sa santé mentale aussi...

— Tu sais, Adam, je crois que je m'en sortirai sans toi. Je ne suis plus une gamine... Et tu mérites la paix plus que quiconque.

Et elle sourit, pour qu'il efface cet air si triste à l'idée de la quitter. Ce n'était pas ainsi qu'elle désirait se souvenir de lui...