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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]

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Ashton Lyn
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Ashton Lyn

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MessageSujet: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeDim 17 Mai - 22:27

Les rues de Paris étaient belles. Belles, et parfois grandes, ou plus modestes, vivantes ou plus discrètes. Il aimait la ville Lumières, ne se lassait pas de parcourir les serpentins de ses allées, d'observer ses boutiques vieilles comme le monde. Les bâtiments haussmanniens, bien que récents, semblaient chargés de l'histoire de leurs ancêtres. Ashton aimait à croire que, s'il laissait son attention dériver vers l'immensité de béton, il lui serait possible d'entendre battre le cœur de la cité, résonnant en harmonie avec celui de tous ses habitants. Un sourire incurva ses lèvres. Peut-être devait-il voler son âme à la ville, lui qui ne conservait une certaine humanité que par un hasard incompréhensible. Posant sa main sur un mur, il laissa son regard noisette en parcourir les impuretés qu'il considérait comme de vraies merveilles. Oui, dérober l'essence de cet endroit était un projet rêveur qui lui plaisait bien. Ainsi, son esprit chargé d'Histoire et de sagesse pourrait capter chaque instant et le sublimer à tout jamais. Il deviendrait à l'image de cette incroyable cité, grand et magnifique, éternel dans la beauté d'un monde qui évoluait perpétuellement. Un léger éclat de rire s'échappa de sa bouche pleine, obtenant ainsi des passants un regard parfois curieux, parfois effrayé. Ashton dut lutter pour dissimuler son hilarité grandissante. Les parisiens étaient si prudes. Il adressa un clin d’œil et un sourire à une fillette qui le désignait du doigt. Les parents assénèrent une légère claque sur la main tendue de la petite avant de l'entraîner un peu plus vite vers une ruelle adjacente, regardant le garçon comme s'ils avaient vu le diable. De nouveau, Ash dut retenir un éclat de rire face à l'ironie de la situation. Il secoua la tête puis réajusta sa large blouse sur ses épaules. Il avait terriblement besoin d'arrêter de se faire arrêter pour atteinte aux mœurs et cacher la plupart de ses tatouages ne pouvait qu'aider l'aboutissement de cet objectif. Passant une main dans ses cheveux ébènes, le canidé reprit son chemin hasardeux le long des petits commerces.

C'est alors qu'un scintillement accrocha ses yeux, les hypnotisant, les attirant inéluctablement à lui. Il s'agissait d'un pendentif en argent aux allures d'Ailleurs. Maintenu à une lanière de cuir par un contour baroque, un simple cristal de forme circulaire orné de motifs réguliers. Le genre de bijou qu'on n'imaginait pas trouver à Paris. Le cœur d'Ashton était saisi ; il savait déjà qu'il était trop tard pour détourner le regard et imaginer l'oublier. Reculant d'un pas, il détailla la boutique. La modeste bijouterie serait passée inaperçue, si ce n'était pour l'éclat singulier de sa devanture. Le soleil semblait décidé à l'illuminer aux yeux des mortels, embaumant la vitrine de ses rayons comme si lui aussi eut souhaité toucher les accessoires de ses doigts immatériels. Ses rayons sublimaient les formes et les couleurs de la plus belle des manières, si bien que le jeune homme se prit à songer que ces parures dussent être portées par l'étoile elle-même. Intrigué, il posa sa large main sur la poignée et entra. L'intérieur était vieux mais bien entretenu, propre. Un petit homme, sans doute le propriétaire, s'affairait derrière le comptoir. Ses petits doigts boudinés volaient la grâce des mains de pianistes alors qu'ils maniaient la fine bague en or qu'on leur avait confié. Ashton l'observa un instant, captivé par le travail minutieux auquel s'appliquait l'artisan, et alla jusqu'à prendre le temps de détailler sa modeste stature. En somme, ce drôle de personnage était à l'image de sa boutique : un visage perdu dans l'éternité, de ceux à qui on ne donne plus d'âge, la face ronde coupée d'une moustache grise, un regard noir étonnement perçant, et un costume bien taillé qui mettait en valeur son épaisse bedaine. Un sourire s'afficha sur le visage d'Ash tandis qu'il s'avançait, à pas lents de manière à ne pas déranger sa tâche, vers son vis-à-vis. Lorsqu'une ombre massive se reporta sur le comptoir, l'homme releva la tête et sursauta. Le sourire d'Ashton s'agrandit et il baissa modestement la tête.

« Veuillez m'excusez, j'aurais dû vous signifier ma présence... Je craignais de vous déranger. »


Le bijoutier cligna plusieurs fois des paupières puis, après s'être un instant perdu à froncer les sourcils, lui sourit.

« Ce n'est rien, mon bon monsieur. J'aurais dû vous remarquer. Êtes-vous ici pour quelque raison particulière ? »


« Je suis démasqué, répondit-il suavement. L'un de vos pendentifs me captive. »

Le faciès de son interlocuteur se fit plus affable encore, illuminé par sa joie de recevoir des compliments. Il posa sa loupe sur le comptoir et se redressa pour guider son client vers son bijou. Le charisme du canidé était éternel et inéluctable, prenant sa place dans le cœur de l'artisan comme dans ceux de tous ceux qui le rencontraient, à quelques exceptions. Pourtant, face à lui plus qu'à quiconque, Ashton était imposant. Côte à côte, ils étaient géant et nain. Cela ne sembla cependant déranger l'homme qu'un instant, après lequel il continua son chemin, suivi de près par les longues enjambées du chien noir. Arrivé près de la vitrine, il se retourna vers lui.

« Un pendentif, vous disiez ? »

L'intéressé hocha de la tête :

« Oui. Un montoir en argent et, pour le pendentif, ce doit être une sorte de cristal. Vous l'aviez accroché sur une lanière de cuir. »

Le sourire du bijoutier s'agrandit et il lui adressa un regard pétillant de malice. Son vieil âge ne l'empêchait nullement de porter l'enfance sur son visage. Sa voix se fit plus basse, sur le ton de la confession.

« J'étais certain que c'était celui-ci, à vrai dire. Il vous ira bien. »

Retirant le collier de la vitrine, il le tendit à son jeune client :

« Tenez, je vous offre même la lanière. De toute manière, personne ne l'aurait acheté si vous n'étiez pas passé. »

À son tour, Ashton sourit et prit délicatement le bijou entre ses doigts, se laissant de nouveau happer par la singularité du cristal. Il était tout bonnement fasciné. Le collier tombait parfaitement contre sa clavicule, où il scintillait joliment. Le jeune homme releva les yeux, un grand sourire au visage.

« Oh, ne soyez pas si défaitiste. Croyez-moi, il est parfait. Trouver de tels motifs est rare, sur Paris. Permettez-moi de vous offrir mes compliments. », répondit-il.

Ils échangèrent une poignée de main et, une fois le garçon délesté d'une certaine somme d'argent, se saluèrent. C'est en se retournant que le canidé reconnut, outre l'aura brillante du bijoutier celle, si singulière et familière de... De qui ? Il adressa un dernier sourire à l'artisan et quitta la boutique, curieux. L'air frais dilatant ses poumons dut lui éclaircir l'esprit, s'il en croyait la soudaine certitude qui le prit. La Curia. Il s'agissait d'une collègue. Son regard noisette glissa dans la rue et croisa l'épaisse chevelure aux boucles folles, les yeux verts perçants qu'on n'oubliait jamais et le faciès perpétuellement renfrogné. Un sourire malicieux le saisit et il s'avança. Oui, cette personne, il la connaissait.

« Mademoiselle Lanvers, quelle étrange coïncidence... », souffla-t-il, joueur.

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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeMar 19 Mai - 14:37

Mariotte faisait, comme à son habitude, la tournée des bijouteries.

C'était devenue une manie indécente, probablement inutile mais, comme toutes les manies, dont il était difficile de se détacher. Ses pieds se sentaient comme obligés, poussés, tirés d'une boutique à l'autre, et elle fixait son regard vert dans la vitrine, sans regarder pourtant son visage grisé par la vitre, cherchant, toujours, le rouge étincelant. C'était comme une berceuse qu'on chantonne avant de s'endormir. Elle, elle avait besoin de marcher de bijouterie en bijouterie pendant des heures dans les rues de Paris pour se sentir finalement apaisée. Que ferait-elle d'autre de toute façon ? Si la Curia ne l'appelait pas, elle avait le champ libre pour chercher son escarbille, et pour l'instant, elle n'avait pas d'autre piste que l'espoir qu'elle soit vendue quelque part. Tous les bijoutiers reconnaissaient sa figure dans la rue, à présent. Elle n'entrait que rarement ; par contre, elle dévisageait avidement tous ceux qui entraient à sa place, et tous ceux qui sortaient. Était-ce lui qui avait son bijou ? Non, cette bonne bouille cherchait simplement une bague à offrir à sa dulcinée, qui le refuserait sans aucun doute, vu sa maladresse et son manque de confiance. Là un riche dandy, un coq ou un paon certainement. Oh, et cette dame qui attendait qu'on la couvre de bienfaits ! Celles qui la faisaient le plus rire, cependant, restaient les jeunes roturières, trop pauvres de leurs dix-sept ans, qui soupiraient devant les vitrines en rêvant au prince charmant. Blondes, brunes, rousses – elles étaient toutes pareilles. Et là, lui...

Le visage déjà peu expressif de Mariotte sembla se figer d'autant plus alors que ses yeux vrillaient le dos de celui qui venait de rentrer dans la vitrine.

Lui, il n'était pas humain. Et lui, elle le connaissait. Mais d'où ?

Elle fronça les sourcils, ne le quittant plus des yeux. Elle n'eut pas besoin de s'approcher pour savoir ce qu'il prenait – elle connaissait la devanture par cœur. Un pendentif, qui n'avait pas attiré son attention du fait de son absence totale de couleur. Elle en eut confirmation lorsqu'il sortit avec la lanière autour du cou, sous le sourire de l'artisan, et qu'il tourna les yeux vers elle.

Elle fronça le nez à son approche – voilà qu'elle le reconnaissait enfin.

- Lyn.

Mariotte avait peu – pas – de relations à Paris. Elle n'avait aucune envie de se nouer aux humains, et peu de se rapprocher des autres Légendaires. Elle ne faisait aucun effort d'intégration, et se contentait du minimum vital ou, plutôt, du minimum possible dans la capitale. Elle échangeait parfois quelques mots avec son propriétaire, qui après être venu plusieurs fois « bavarder » avait compris que ce n'était pas le genre de la maison et avait fini par la laisser tranquille, allant sonner à la porte de locataires plus aimables. Le pauvre vieux s'ennuyait. Elle disait bonjour à la vendeuse au coin de la rue, qui lui donnait de quoi subvenir à ses besoins, efficacement et sans non plus chercher de rapport personnel. Et puis il y avait la Curia, bien sûr – mais il n'était pas très dur de ne pas se nouer avec eux non plus. Ses partenaires changeaient régulièrement, et les autres avaient tendance à rester à la Curia et à ne pas trop se mélanger avec l'exécutif.

Ashton Lyn était venu récupérer les affaires d'un alchimiste, une fois. Il sentait le chien et ressemblait à un voyou. Il va sans dire qu'elle n'avait pas essayé d'en savoir plus. Et le voilà qui souriait, visiblement content de lui. D'un air détaché, elle demanda :

- Vous vous intéressez aux pierres?
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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeMer 20 Mai - 22:49

Mariotte était de ce genre de femmes insondables, dont l'allure scindait l'air comme la plus aiguisée des épées. Ses yeux verts, perçants, pourfendaient la vitrine et touchaient chacun des joyaux qui les faisaient briller. Ils se tournèrent vers lui, imperturbables et froids, animés par une frustration qu'il leur connaissait déjà, et Ashton se trouvait soudain à son propre procès, accusé d'un forfait dont il n'avait pas souvenir. Son sourire s'élargit légèrement, suave, séducteur, et il adressa à la jeune femme l'un de ses regards les plus pénétrants. Elle l'intriguait terriblement.

« Lyn. »

La voix, cassante et dure, à l'image de la bouche dont elle s'échappait, résonna dans son oreille et il se prit à souhaiter entendre à nouveau son nom d'un ton aussi profondément désabusé. C'était une émotion qu'il provoquait rarement chez l'Autre, et il était curieux d'obtenir plus. Bien évidemment, cela, il n'en prononcerait jamais le moindre mot. Quelque chose, cependant, lui soufflait que ce soudain désir de la provoquer ne s'effacerait sans doute jamais. Il sourit encore davantage et inclina la tête dans une rapide courbette, ne lâchant pas la femme à la chevelure d'or des yeux. Elle était bien trop étonnante pour qu'il se permît de la laisser filer entre ses doigts. Il la détailla intensément, comme il avait coutume de le faire avec ses interlocuteurs, neutre dans son observation. Il retraça les courbes de la robe verte, la cascade de boucles claires, la fine ciselure de son visage, et remonta jusqu'aux iris d'émeraude.

« Vous vous intéressez aux pierres? »

Il fallut à Ashton un moment pour se concentrer sur la question, et la réponse, pour une fois, ne lui vint pas immédiatement à l'esprit. Le canidé avait sa propre conception de la beauté et de l'art, si bien que les bijoux qui l'attiraient ne correspondaient en rien aux mœurs conformistes des pays dont il croisait le chemin. Ainsi, une aigue-marine incrustée dans une bague lui donnait un profond et intolérable sentiment de gâchis. Les pierres, comme les corps, étaient à ses yeux bien plus artistiques, bien plus sublimes à l'état brut. Le naturel, même dans sa laideur, donnait de la beauté à la vie dans son ensemble. Un léger sourire s'épanouit sur sa face enjôleuse et il pencha la tête sur le côté. Une mèche brune trouva son chemin contre sa joue pâle, lui conférant un air résolument séducteur.

« Sans m'y intéresser, finit-il par répondre, je sais apprécier leur beauté lorsqu'elles sont au naturel. Je n'aime pas tellement les joyaux à vrai dire. »

Il y eut un instant de flottement durant lequel Ashton s'amusa à découvrir les profondeurs du regard vert, les comparant sans peine aux gemmes dont ils discutaient. Un sujet d'autant plus passionnant qu'il en parlait avec un reptilien géant, l'une de ces créatures mystiques et majestueuses dont il avait vu des enluminures au sein des archives. Il brûlait de voir la forme animale de Mariotte, bien qu'il ne sût ce qu'elle était exactement, conscient également de l'impossibilité d'exaucer son souhait. Alors, légèrement déçu, il reprit:

« Je ne retourne pas la question, connaissant d'ores et déjà la réponse... A moins que les dires ne soient faux ? »

Sa curiosité dévorante reprenait lentement le dessus sur ses rêves déchus. Il se sentait l'âme à découvrir cette personne singulière, à explorer son être en faisant fi des éventuelles réticences. Peut-être, au fond, cherchait-il simplement à la provoquer encore un peu, à jauger chacune des réactions de cette femme atypique qui lui renvoyait l'image de quelqu'un qu'il agaçait déjà. Oserait-il le dire ? Ashton adorait ça.

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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeJeu 21 Mai - 11:09

Mariotte tressaillit. Ses yeux se plissèrent, cherchant sur les lèvres souriantes d'Ashton Lyn une réponse qu'elle ne saurait trouver, puisque, évidemment, il ne répondrait pas à sa question silencieuse. Bien sûr il était connu que les dragons et les vouivres – comme les pies, bien que la comparaison soit peu gracieuse – étaient attirés par les joyaux. Mais savait-il à quel point les siens pouvaient être attachés, dépendants de leur pierre ? Savait-il pourquoi les dragons se mettaient si en colère si on s'approchait de leur butin ? Voilà un secret qui était beaucoup mieux gardé – mais à quel point ? Elle n'oubliait pas qu'il était archiviste à la Curia, et qu'il en savait potentiellement davantage que ce qu'il laissait voir. Remarque, non. Quiconque apprendrait cela, Curia ou pas Curia, se ferait arracher le cou par l'un des siens, elle n'en doutait pas un instant. Prudente, elle répondit tout de même :

- Les dires sont nombreux. Certains sont vrais, d'autres sont des rumeurs absurdes.

Ce qu'elle pouvait détester les rumeurs. Mariotte aimait la franchise et la sincérité, qui permettaient de classer et classifier si facilement les faits, les actions, les gens et les paroles. La vie devenait alors une étagère bien rangée, et l'on pouvait facilement se reposer dessus. Mais non – voilà que les mensonges s'inséraient de partout et que là où on pensait trouver une pierre solide on se retrouve à couler dans des sables mouvants, à s'appuyer sur les mauvais appuis. Ce que les êtres étaient insupportables ! C'était tellement plus simple de dire les choses comme elles étaient. Pourquoi tant d'hypocrisie permanente ? Elle lâcha là ses pensées – elle divaguait bien trop de la discussion en cours. Peut-être pouvait-elle tout de même répondre à la curiosité de son… collègue.

- Pouvez-vous imaginer un jardin avec une seule et unique rose, Lyn ?

Le regard de la vouivre le cisailla à nouveau.

- Les jardins les plus admirés sont souvent ceux qui allient toutes sortes de fleurs. Un parterre de lavande à l'entrée, quelques rosiers plus loin, des tulipes à leurs pieds, les primevères au bord de la fenêtre, quelques iris ou des jonquilles peut-être, et au fil de la promenade les yeux sont attirés par toutes sortes de couleurs. Les jardins des dragons ressemblent à ça, et sont fort admirés. Mais je vous demande d'imaginer un tout petit jardin, entouré d'une petite clôture, de l'herbe uniquement, et au milieu, une rose. Seule. Les yeux n'ont alors rien d'autre à quoi s'accrocher, rien d'autre à admirer.

Elle s'approcha alors et, impudique, passa un ongle sous le pendentif d'Ashton Lyn, l'attrapant entre son pouce et son index.

- De toutes les merveilles qui sont étalées dans cette boutique voilà la seule qui ait attiré votre regard, et vous vous attacherez sûrement davantage à ce pendentif unique que si vous en aviez acheté cinq à changer régulièrement.

Elle lâcha le pendentif et leva les yeux vers lui – elle se considérait grande, pour une femme, mais il l'était définitivement encore trop. Elle recula un peu, agacée en s'en rendant compte – bien qu'elle sache que sous leur véritable forme les choses seraient encore bien différentes.

- Les vouivres sont de même.

Une pierre, unique. Une rose. Au naturel. A polir tous les jours, à arroser tous les jours. Parce que c'est la seule qui pouvait l'attirer, la seule à être sienne, la seule à pouvoir mettre fin à sa vie… Une lueur d'agacement traversa à nouveau son visage, un pli au coin de sa bouche, un autre sur son front, entre ses sourcils légèrement froncés. Bavardage inutile, se disait-elle. Elle se détourna, le besoin de marcher se faisant sentir, pour remonter la rue de son pas habituel, un peu brusque, un peu rapide – ils n'allaient tout de même pas rester plantés là comme des piquets.

[Gaaaa. J'ai commencé à écrire avec la phrase « Avez-vous lu Le Petit Prince, Lyn ? » dans la tête et l'envie de dérouler une métaphore sur la rose unique et en fait il n'a pas encore été écrit T.T J'ai rattrapé comme je pouvais, j'espère que ça te plait :calin: ]
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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeJeu 21 Mai - 22:45

Mariotte n'avait pas l'air à sa place dans ce Paris de fin du siècle et, pourtant, elle se mêlait étonnement bien avec son environnement. Eut-on été dans un tableau, Ashton était persuadé que, contrairement à lui, la jeune femme eut été vue comme une simple passante. Sans qu'elle ne s'en rendît compte, une allure farouche et sauvage se dégageait de sa silhouette rigide et cela l'intriguait terriblement. Il désirait ardemment découvrir le côté désinhibé de ce diamant brut. Son regard explorait, toujours un peu plus intense, le visage de la reptilienne, cherchant dans la froideur de ses yeux les stigmates de cette nature qu'elle ne pouvait cacher. S'il se souvenait bien, elle était membre de l'Exécutif, ce qui impliquait une nature forte de corps -il n'en doutait pas- comme d'esprit. Il voulait se confronter à elle, non pas dans une dispute, mais dans une simple conversation. À chaque instant le souhait d'explorer les réactions de la fille s'accentuait et croissait.

« Les dires sont nombreux. Certains sont vrais, d'autres sont des rumeurs absurdes. »

Le mystère. Elle avait choisi d'employer cet outil pour détourner la conversation, ou peut-être justement pour la poursuivre, bien qu'il en doutât fortement. Il sourit davantage, n'essayant nullement de détourner le duel de regards qu'elle engageait alors qu'il haussait des épaules. Ses mots n'étaient pas faux, mais il n'avait obtenu aucune réponse concrète. La frustration était amère et douce dans sa gorge, le rendant plus curieux encore. Ashton était un insatiable amoureux de découverte mais, plus encore, d'Inconnu. Ses yeux percèrent ceux de son interlocutrice, retrouvant un peu plus de leur puissance naturelle à la faveur de son avidité. La suite viendrait, et il l'attendait patiemment.

« Pouvez-vous imaginer un jardin avec une seule et unique rose, Lyn ? »

Il fit tout juste attention au regard tranchant qu'elle lui adressa, trop occuper à retenir sa joie face à ce qu'il venait de faire briller au grand jour. Il l'avait trouvé, cette finesse d'esprit qu'il attendait. Et. Il. En. Voulait. Encore. Alors il suivit l'image, sans peine, allant jusqu'à s'imaginer l'herbe fraîche ornant une splendide fleur de l'amour. Son sourire se fit plus suave et il rendit à la demoiselle ses yeux pénétrants en silence, la laissant poursuivre. Car si Ashton était quelqu'un d'incorrigiblement bavard, il savait se taire, et en cet instant, il n'eut pu se pardonner de briser la pensée de son vis-à-vis. Il savait, de toute manière, que son corps parlait pour lui, trahissait sa curiosité et son profond amusement.

« Les jardins les plus admirés sont souvent ceux qui allient toutes sortes de fleurs. Un parterre de lavande à l'entrée, quelques rosiers plus loin, des tulipes à leurs pieds, les primevères au bord de la fenêtre, quelques iris ou des jonquilles peut-être, et au fil de la promenade les yeux sont attirés par toutes sortes de couleurs. Les jardins des dragons ressemblent à ça, et sont fort admirés. Mais je vous demande d'imaginer un tout petit jardin, entouré d'une petite clôture, de l'herbe uniquement, et au milieu, une rose. Seule. Les yeux n'ont alors rien d'autre à quoi s'accrocher, rien d'autre à admirer. »

Le sourire du canidé s'élargit davantage. Chaque mot avait charmé les tréfonds de son âme, l'avait poussé à se délecter de la merveilleuse métaphore qu'il comprenait sans peine. La sensation de toucher du doigt ce qu'elle était... Jubilatoire. Ses yeux pétillaient presque et il écoutait avec attention, dévorant chaque expression. Comme un enfant, avide d'en apprendre plus, de savoir. C'est alors qu'un long doigt de femme frôla sa peau pour en déloger le pendentif. L'expression agréablement étonnée du jeune homme traduisit sans peine son état d'esprit. Leurs regards se rencontrèrent dans un choc presque audible, feu et glace, chaleur infernale et froideur reptilienne. La demoiselle ne le savait sans doute pas, mais elle venait de lui donner la permission implicite de la toucher. Un privilège dont Ashton ne se priverait jamais plus. Le contact physique était sa manière, très personnelle, de matérialiser ses rencontres. Une étincelle de malice brillait désormais dans les reflets noisette de ses iris.

« De toutes les merveilles qui sont étalées dans cette boutique voilà la seule qui ait attiré votre regard, et vous vous attacherez sûrement davantage à ce pendentif unique que si vous en aviez acheté cinq à changer régulièrement. »

Il pencha la tête sur le côté comme pour sentir la véracité des paroles de son interlocutrice, les yeux perpétuellement rivés sur elle. Leurs doigts n'eurent le temps de s'effleurer tant elle retira vite sa main. Face à ce semblant d'inaccessibilité, le jeune homme sourit. Mariotte était de cette catégorie de femme qui parvenait à paraître froide sans l'être réellement. C'est alors qu'elle continua, se reculant légèrement pour dévoiler que les vouivres étaient animées du même genre de volonté. Le visage d'Ash, plus que jamais, se fit séducteur. Il se pencha sur elle et saisit une boucle entre ses doigts, jouant brièvement avec afin de jauger la réaction qu'il s'assurait.

« J'en déduis que nous ne sommes pas très différents, señora... Je me demande quels autres points communs nous partageons.Votre métaphore est de très bon goût, par ailleurs. Peut-être vous intéressez-vous à la littérature ? »


Déjà, elle lui tournait impitoyablement le dos, si bien qu'il ne sut d'abord pas si elle l'avait jamais écouté parler. Cela l'amusa plus que cela ne le vexa, et il suivit bien volontiers l'invitation silencieuse. Ses longues jambes lui permettaient un rythme confortable face aux pas rapides de son interlocutrice, qu'il ne quitta pas des yeux, un fin sourire dessiné sur ses lèvres pleines. Il lui offrit un regard pétillant de joie. C'était après tout la première fois qu'il lui était donné de rencontrer une vouivre, et cela l'enchantait.

« À vrai dire, je n'avais jamais vu personne comme vous, auparavant. Autre part que dans les livres, bien entendu. Vous cachez-vous, ou êtes-vous confrontées au même problème que vos cousins ? J'espère ne pas vous importuner en posant tant de questions, je suis... curieux. »

Les reptiliens semblaient traverser une période sombre de leur histoire, et il était curieux d'en savoir plus sur le sort de l'espèce de Mariotte. S'il était une chose qu'il eut regretté, c'eut en effet été de voir une race entière s'éteindre à petit feu. C'en était d'autant plus triste que le monde avait besoin de la diversité qu'offraient visiblement les reptiliens. Et s'il tendait le bâton pour se faire battre, Ashton était simplement impatient de découvrir la nouvelle facette de cette femme.
Hop ~:

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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeJeu 28 Mai - 13:29

Elle s'était déjà détournée quand il attrapa, joueur, une mèche de ses cheveux, et il la lâcha sans qu'elle n'ait à faire la moindre réflexion. Ses sourcils se froncèrent, à peine, plus pour elle-même que pour lui qui ne pouvait de toute façon pas voir son visage. Il avait une familiarité puissante et souterraine qui se dégageait de tout son être, dans ses gestes sans gêne, dans ses sourires qui – oui, maintenant qu'elle y faisait attention, c'était le sourire des charmeurs et des séducteurs, et si ce charme n'avait pas sur elle les effets qu'il avait sûrement sur d'autres, il comptait dans l'impression globale que dégageait Ashton Lyn. Une impression de confiance en soi, de corps à l'aise, de force douce.

Qu'il prenne sa mèche ne l'avait pas dérangée.

Elle avait l'impression qu'il n'avait fait qu'ancrer dans un geste une familiarité déjà présente, sans s'insinuer dans sa sphère privée, sans l'enfreindre, sans la profaner. Il n'avait fait que sentir qu'il avait l'autorisation, et il l'avait fait.

Voilà qui était plus intelligent que ce que faisait bien des personnes qu'elle avait rencontrées. Il y avait ceux, pusillanimes, qui n'osaient pas bouger un orteil et qui l'assommaient avec leurs peurs débiles. Et il y avait ceux, - encore pires ! - qui ne savaient pas où étaient les limites et les enfreignaient sans une once de respect, comme ces stupides naïades, ou encore cette fille au Cabaret, là, Elise…

Ah, tiens. Elise lui avait parlé d'Ashton. Qu'avait-elle dit, déjà ? Rien d'intéressant, sûrement, elle parlait tellement trop pour dire tellement de choses qui n'avaient aucune utilité directe qu'il était dur de faire le tri dans ses paroles... Quoique, si. Elle avait parlé de sa musique, indescriptible par les mots, tellement elle était magnifique.

Parlait-elle alors de ses gestes ? De sa façon de savoir très, très exactement où était sa place par rapport aux autres ? Elise était-elle capable de sentir tout ça spontanément ?

Elle lui lança un regard où elle eut du mal à cacher sa curiosité.

Et sa tension tomba, légèrement. Celle de son dos, de ses épaules, de sa posture droite. Elle avait l'air plus à l'aise, l'air de marcher à côté de quelqu'un qu'elle connaissait depuis plus longtemps que ce n'était véritablement le cas.

Pourquoi ?

Parce que bien qu'Ashton Lyn ait l'air, extérieurement, de quelqu'un de dangereux, du fait de son apparence et de son attitude, elle avait l'impression, au contraire, d'être totalement en sécurité. Parce que s'il savait où étaient les limites, il ne les passerait pas par inadvertance. S'il ne les passait pas, tout allait bien. S'il les passait… Il apprendrait ce que c'était d'outrepasser les frontières posées par une vouivre.

Mais elle le sentait plus intelligent que ça.

- Non, je ne m'intéresse pas à la littérature. Les hommes écrivent déjà assez d'ordures pour ne pas en plus se prélasser dans ce qu'ils inventent dans leurs esprits tordus.

Méprisante.

Elle ne lisait que des livres pouvant lui apprendre quelque chose de manière très directe. Des livres d'Histoire pour comprendre un endroit, des livres de sciences pour comprendre le fonctionnement d'une chose. Le tout, souvent avec un regard extrêmement critique et une méfiance spontanée. Méfiance qui se révélait encore dans ses paroles, malgré le fait qu'elle soit un peu plus détendue qu'à leur rencontre.

- Pourquoi vous intéressez-vous donc au sort des miens, chien ?

Le ton était peut-être un peu plus mordant qu'il ne devrait – mais il touchait là à un sujet tabou, et en avait parfaitement conscience. Elle lui relança la balle.

- Et vous, alors ? On dit que les canins sont très attachés à la hiérarchie. On dit qu'ils savent où est leur place, qu'ils sont joueurs et très attachés à leur maître. On dit qu'ils gardent les maisons, et qu'ils sont les meilleurs amis des hommes.

Elle lançait les clichés, un par un, comme des piques ou des provocations. Et vous, Lyn ? Questionnez-vous sur vous-même, au lieu de théoriser sur la capacité de survie des lézards.  Êtes-vous un gentil toutou ou un loup aux crocs acérés ? Avez-vous un maître ? Quels trésors protégez-vous ? Aimez-vous les hommes ?

Il n'avait pas pu ne pas sentir sa haine pour eux.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeSam 30 Mai - 0:14

Ashton avait l'impression volatile d'accomplir des miracles. Car à ses côtés, Mariotte se détendait doucement pour, peut-être, dévoiler un peu l'âme sous la craquelure de la façade. Cette certitude apporta un léger sourire à ses lèvres tandis que son cœur s'animait un peu plus de cette réussite. D'un pas désormais assuré, il s'avança sur les pavés et savoura leur résonance contre les murs parisiens. C'était la musique urbaine, l'âme de la cité des Lumières, une mélodie qu'il se félicitait de partager avec cette femme étrange. Au fil de ses pas il se rapprochait, presque inconsciemment, imperceptiblement, son corps une caresse frôlée contre celui de la reptilienne à la chevelure d'or. Le regard vert vint de nouveau se planter dans le sien, un contact qu'il n'eut aucun mal à apprécier.

« - Non, je ne m'intéresse pas à la littérature. Les hommes écrivent déjà assez d'ordures pour ne pas en plus se prélasser dans ce qu'ils inventent dans leurs esprits tordus. »

La voix perpétuellement cassante était désormais teintée d'une haine qu'il peinait à comprendre. La littérature était-elle vraiment quelque chose que l'on pouvait détester ? Lui qui se pensait si chanceux d'avoir vu le jour dans ce siècle de Création, d'évoluer dans le Paris de feu Baudelaire, d'admirer les arts qu'on pouvait lui offrir... Curieux, il laissa son sourire s'agrandir tandis que ses jambes esquissaient un rapide pas de danse.

« Vraiment ? »

Son intonation, ses mots, son expression, toujours énigmatique, comme désirant renvoyer à son interlocutrice son propre mystère. Mariotte le rendait enfantin, taquin. Pourtant celle-ci était déjà loin, physiquement de même que mentalement. Petit à petit, il en venait à la cerner un peu mieux, elle et son esprit volatile. Car derrière l'air farouche et rigide se cachait un profond désir de liberté, une vague déferlante, irrésistible et indomptée. Ashton aimait trouver cette étincelle dans les yeux émeraude de sa compagne du jour, aussi écouta-t-il les réponses couler le long de sa peau.

« Pourquoi vous intéressez-vous donc au sort des miens, chien ? »

Ainsi apostrophé, le jeune homme sourit malgré le ton glacial et la mine renfrognée qu'elle lui adressait. Le sobriquet condescendant ne frôla pas même son cœur. Il pouvait comprendre la réticence de cette femme, après tout. Ce sujet ne pouvait qu'être délicat auprès de son espèce, dont elle semblait se sentir représentante à part entière. Une espèce qui l'appelait à ses souvenirs les plus lointains et à ses envies les plus primaires. Les vouivres, serpents des eaux, des créatures d'autant plus singulières qu'elles étaient aussi rares que leurs trésors. Il en avait entendu parler, beaucoup, souvent, et était habité de l'envie de découvrir par lui-même leurs attraits.

« Je suppose que je suis curieux. Et inquiet. Vous semblez être une créature unique, différente de toute autre. Cela me plaît et je serais terriblement déçu de devoir abandonner l'idée de trouver d'autre représentant de votre espèce, mademoiselle. »

Il ne l'avait pas lâchée du regard, désireux qu'il était de voir sa réaction. Serait-elle en colère, ou bien flattée ? Il commençait tout juste à la connaître et la surface qu'il creusait ne faisait que l'inciter à aller d'autant plus loin. Son sourire se fit plus léger, plus mielleux de même. La réaction, pourtant, ne fut pas celle attendue.

« - Et vous, alors ? On dit que les canins sont très attachés à la hiérarchie. On dit qu'ils savent où est leur place, qu'ils sont joueurs et très attachés à leur maître. On dit qu'ils gardent les maisons, et qu'ils sont les meilleurs amis des hommes. »

Le mordant dans le timbre de Mariotte possédait quelque chose d'insaisissable et d'onirique qu'il adorait absolument. La remarque, elle, le prit de cours, et ce fut sérieusement qu'il songea aux réponses. Ses pensées virevoltaient entre son esprit et sa bouche, se transformant en mots sans filtre et sans volonté. Pouvait-il seulement répliquer alors qu'il était tout juste certain de ce qu'il était vraiment ? Était-il en mesure d'attester d'une quelconque mesure sociale quand il se trouvait seul représentant d'une race dont il était l'unique humanoïde, jusqu'à présent ? Quant à un maître... Une image d'Evelyn, la douceur du visage poupin, la pureté d'une âme qui avait été son début et sa renaissance, fit un instant planer sur son visage une ombre lumineuse, amère douceur qui envahit son cœur le temps d'un éclair. Il retrouva immédiatement un sourire plus éclatant encore et se tourna vers elle, haussant des épaules.

« Je ne sais pas vraiment, à vrai dire. Suis-je seulement intéressant, comparé à vous ? Je n'ai pas de maître et si j'en ai eu un, il n'est plus... Pas de congénère, que je sache... Quant à ma place à vrai dire, je dois être un bien piètre chien, je n'en ai aucune idée ! »

Il éclata d'un rire qui le caractérisait bien. Son hilarité était propre à lui-même, inqualifiable ou presque dans sa singularité séductrice. Ashton n'était pas des personnes qui se préoccupaient de l'avis des autres ou d'une quelconque attribution que la société lui imposerait. Il était de la fumée entre les doigts des codes ; il les outrepassait, les déviait, les floutait jusqu'à ne plus en voir ni les limites ni la forme. À vrai dire il se fichait de ce qu'on pensait de lui, tant qu'on ne l'embêtait pas avec. Tant de choses lui semblaient infiniment belles qu'il en perdait le goût du scandale. Plus jeune, les quelques mois suivant la mort d'Evelyn, il avait été impulsif, presque incontrôlable. Ce temps était depuis longtemps révolu et la vie lui avait appris bien trop de choses pour qu'il s'offensât de ne pas tomber dans un moule. Comme il le disait, si être un chien était sa nature, il en était un bien triste représentant. Toutefois parler de lui le détournait de son principal sujet d'attention. Mariotte laissait savoir des faits, sur elle, sur son caractère, sur sa vie, qui intriguaient le jeune canidé plus qu'ils n'assouvissaient son désir de savoir. Alors il se pencha et, toute en subtilité, souffla la question à laquelle il voulait véritablement une réponse :

« Que pensez-vous des humains ? »

Elle semblait les détester, il souhaitait en connaître la raison.

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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeJeu 13 Aoû - 12:50

Mariotte plissa les yeux.

Elle n'aimait pas la curiosité. La curiosité, c'était une sensation déplacée – une intention qui se glissait sans permission vers une chose, qui tentait de la cerner, de l'expliquer, de la comprendre, quand cette chose n'avait absolument rien demandé. Elle demandait, tapait à la porte, s'infiltrait d'un regard puis d'un corps entier, au nom de la compréhension… Introduction sans permission. Non, décidément, Mariotte n'aimait pas la curiosité. Elle-même préférait se contenter de son univers, de ce dont elle avait besoin, et n'allait pas importuner les autres avec indiscrétion. La curiosité intellectuelle, encore – elle pouvait comprendre le besoin et l'envie de savoir le fonctionnement du monde dans lequel chacun se mouvait, d'en tirer un sentiment de contrôle. Mais c'est justement cette sensation de contrôle qu'elle voulait garder pour elle-même et ne pas partager. Comprendre le secret des vouivres, c'était les rendre vulnérables, que l'intention de la personne soit ou non mauvaise. Ashton Lyn avait beau dire qu'il ne s'intéressait à sa race que pour mieux la protéger, elle ne mettrait pour rien au monde leur protection entre ses mains. Elles se défendaient d'ailleurs très bien toutes seules. Il n'était pas étonnant que le jeune homme soit curieux – après tout, s'il était archiviste, c'est qu'une soif insatiable devait déferler en lui, la soif de tout connaître, de tout comprendre, de tout posséder par l'intellect.

Le compliment – créature magnifique – ne l'effleura même pas. Elle aurait voulu le prévenir – que la curiosité tuait les chats et pourrait bien tuer les chiens aussi, de ne pas trop s'intéresser aux vouivres s'il ne voulait pas le regretter – mais le prévenir ne ferait qu'attiser d'autant plus sa volonté de savoir. Elle savait comment cela fonctionnait. Mettez une boîte en haut de la plus grande étagère en interdisant aux gamins d'y toucher, et la première chose qu'ils feront quand vous aurez le dos tourné serait de sortir un tabouret et de se casser le cou pour l'atteindre. Elle n'allait pas se rendre plus intéressante à ses yeux qu'elle ne l'était déjà en faisant des cachotteries. Elle préférait qu'il se lasse de lui-même, et lui répondrait donc avec de la vase.

L'image était jolie – plutôt que de lui donner l'eau claire de la sincérité totale, il aurait de l'eau à travers laquelle il pourrait voir, puisque l'opacité attisait les convoitises, mais une eau dégueulasse dans laquelle personne n'aimerait se baigner.

La réponse d'Ashton Lyn sur lui-même lui laissa au moins le temps de prendre cette décision. Il se dévalorisait – lui aussi connaissait les méthodes pour désintéresser ses interlocuteurs, et mieux pouvoir leur tirer les vers du nez. C'était les autres – elle, en l’occurrence – qui l'intéressaient, et il n'avait visiblement pas plus envie que ça de parler de lui-même. Pourtant il ne se cachait pas. Les confidences avaient un ton de légèreté qui tendait à les faire oublier, mais elles se posaient tout de même, comme de la poussière qui volettent puis doucement vient créer une couche sur une surface, sans que cela puisse être perçu d'abord. Pas de congénère. Seul représentant de sa race. En disparition, alors, comme les dragons. Perdu dans le monde – une chose que Mariotte n'aurait jamais, jamais, jamais avoué pour rien au monde si elle avait été dans ce cas (ce qu'elle n'était bien sûr pas). Il était comme un papillon qui allait de lumière en lumière, rempli de questions à poser, sans savoir quoi faire de son savoir, alors ? Un chien sans meute, c'était tout de même étrange. Et sans maître aussi – mais pas volontairement, puisqu'il y avait eu quelqu'un, dans son passé, qu'il avait considéré comme tel. Était-ce un éclair de tristesse qui était passé tout à l'heure sur son visage ? Il souriait tellement qu'elle ne savait plus quoi croire de ses expressions. Ses yeux, sûrement. On peut toujours lire les yeux – mais elle n'avait pas envie de s'y plonger maintenant.

Une fois de plus, c'est par une question pour lui qu'elle commença sa réponse – mais sa réponse viendrait, elle sentait trop l'attente de son compagnon et ne voulait pas la faire grandir outre-mesure. Tuons la curiosité, diable.

- Sont-ce les humains qui vous ont coupé d'un maître et d'une meute ?

Peut-être pas – mais elle était tellement aveuglée par la haine qu'elle les blâmerait bien pour tous les maux du monde.

- Vous semblez connaître suffisamment l'histoire de mes cousins pour savoir que les humains sont des êtres destructeurs et cupides. Ils sont faibles, mais nombreux… et ils détruisent tout ce qui ne leur ressemble pas. Nous sommes obligés de nous cacher sous ces formes abjectes pour se protéger de leur peur… La Déclaration nous oblige à nous humilier au quotidien, soi-disant pour les protéger… Protéger ceux qui se placent eux-mêmes comme nos ennemis, lorsqu'ils apprennent notre existence…

Violente amertume.

- Vous n'avez jamais vu de vouivres parce que nous ne voulons pas nous avilir en nous mélangeant à cette vermine. Nous n'avons pas l'intention de laisser notre race s'amoindrir et se laisser chasser. Paris est certainement l'endroit le plus détestable au monde.

[Des milliers d'excuses pour le retard >< J'espère que ça te plaira :etcalin: ]
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeMar 8 Sep - 23:45

La question de Mariotte l'arrêta dans ses pas sans qu'il n'y pût rien. Le sujet frôlait la surface d'eaux profondes et ténébreuses dans lesquelles il ne faisait pas bon se plonger. La direction que prenait la conversation était dangereuse, ou du moins le semblait-elle. Elle creusait une surface soigneusement dissimulée par ses soins, une tombe cachée aux yeux du monde qu'il ne souhaitait nullement dévoiler. Le sourire d'Ashton lui fit l'affront de se crisper, et il se prit à réfléchir sincèrement à l'interrogation. L'espace d'un instant tout lui revint. L'odeur, l'écume, la joie et le désespoir viscéral qui engloutissait tout pour ne laisser d'un cœur que les cendres fumantes d'une agonie indéfinissable. Il revit la robe, la longue robe noire, religieuse, la silhouette gracile qui paraissait caresser le sol en marchant. Il se souvint du sourire angélique et du regard brillant, de cet air si tranquille sur le visage ivoirien. Il se rappela de ce flottement si étrange dans le large vêtement, de sa manière de s'étendre et de se gonfler comme s'il eut aspiré au plus beau des envols. La blessure était ancrée en lui au fer rouge. Elle saignait parfois, trop souvent encore, revenait le hanter et le forcer à ne pas oublier. L’Église lui avait tout pris. La haine qu'éprouvait son interlocutrice envers les humains lui était moins étrangère qu'on eut pu le croire. La rage, la flamme, vicieuse, qui le consumait toujours, encore. Familière, sans doute trop. L'ombre qui passa sur son visage ne dura qu'une seconde. Il eut voulu éviter le sujet, le changer à sa guise, mais quelque chose lui soufflait qu'il devait cela à sa collègue. Ce n'était après tout que partie remise : s'il voulait obtenir ce qu'il convoitait alors il se devait de donner quelque chose en retour. Ashton avait pleine conscience de la réalité : à chaque service son prix. Il rattrapa donc sa compagne d'un bond souple et haussa des épaules, un fin sourire aux lèvres.

« Pensez-vous que je puis seulement avoir un maître ? Vous, ma chère, me surestimez. »

De nouveau, inconsciemment peut-être, il jouait à l'anguille. Il contournait, répondait sans vraiment répondre, naviguait entre les sujets sensibles pour rester dans une mer plate et calme plutôt que dans un océan trouble et facétieux. Il n'avait même pas vraiment menti. Être possédé lui était désormais impossible : il n'avait jamais supporté les ordres arbitraires, trop attaché à sa liberté, trop indépendant pour accepter que l'on se mêle sans invitation de ses affaires personnelles. Evelyn, de toute manière, n'était plus. Ou du moins plus assez pour remplir ce rôle, auquel elle n'avait d'ailleurs jamais prétendu. Ashton était Libre comme l'air, de ce grand L qu'il déployait depuis toujours pour prendre son envol. De nouveau, il dévoila sur ses traits un malice contagieux :

« Quant à une meute, je n'ai pas souvenir d'en avoir jamais eu. Bien triste pour un chien n'est-ce pas ? »

Il laissa les mots planer un moment dans les airs, en savoura l'humour, puis se concentra. Il était temps pour lui d'obtenir sa récompense, son objectif, son dut. Mariotte parlait enfin. Il écouta attentivement, surpris de découvrir lui-même l'amère sauvagerie qui se dégageait de la jeune femme tandis qu'elle s'emportait dans un torrent de haine. Il pencha la tête sur le côté, confus, curieux à son tour. Une fois de plus la déclaration laissait dans son sillage une multitude de nouvelles interrogations, un mystère dont il n'eut su souffrir.

« Paris est certainement l'endroit le plus détestable au monde. »
« Alors pourquoi être ici ? »

Les mots s'étaient échappés seuls de ses lèvres. Il n'avait pu s'en empêcher, la pensée avait été prononcée à peine formulée, se bousculant hors de lui comme si rester dans son esprit l'eut mortellement brûlée. Il offrit un sourire qui se voulait gêner à sa compagne. Nul doute que celle-ci aurait du mal à accepter cette soudaine interrogation : elle la prendrait sans aucun doute pour un affront volontaire, une intrusion délibérée dans ce qui ne le regardait pas, quand il n'en était rien. Ashton était simplement curieux, et un peu confus à vrai dire. Il accéléra brièvement le pas, de manière à pouvoir plonger son regard dans l'océan émeraude qui composait celui de son vis-à-vis. Là, il prit une seconde pour se demander si vraiment tous les reptiliens portaient dans leurs iris les reflets des parures qui leur plaisait tant. Mais peu importait. Pour le moment il avait des explications à donner :

« Ce que je veux dire, c'est que si je comprends votre aversion envers l'espèce humaine – bien que je ne la partage pas – je suis déconcerté par votre présence ici. Pourquoi s'installer dans un endroit que vous méprisez ? N'est-ce pas une source de mal-être ? »

Lui qui de sa vie n'avait jamais souffert d'aucune contrainte, il éprouvait de sincères difficultés à comprendre les raisons qui eussent pu pousser quelqu'un à mener une vie qui lui faisait horreur. Partir, voyager, s'échapper, toutes ces actions prenaient dans sa vie une telle place, et depuis si longtemps qu'il oubliait souvent que certaines personnes ne fonctionnaient pas de cette manière – et ne pouvait d'ailleurs pas le faire. Il détourna le regard, se reporta sur la rue comme pour y chercher une éventuelle réponse. C'est alors qu'un petit bar, coincé entre deux grand bâtiments, attira son attention. Une idée germa immédiatement au sein de son esprit. Il sourit davantage, tandis son bras à Mariotte, espérant la voir accepter son offre.

« Mais je me montre terriblement impoli. Accepteriez-vous de partager un verre avec moi ? Nous serons plus à l'aise pour discuter, si tant est que vous le souhaitez. »

Charmeur, de nouveau. Ses longs doigts dentelés flottaient dans les airs comme une invitation silencieuse, impatients, frémissants. Ashton attendait.

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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeJeu 10 Sep - 13:25

Voilà une question qui ne le laissa pas indifférent.

Réaction intéressante – réaction de coupable. Un arrêt, puis le sourire toujours, comme pour montrer, prouver, qu'il n'y avait rien à cacher. Prouver à qui ? A elle ? Ou à lui ? Mariotte n'était pas indiscrète – elle ne poserait aucune autre question, puisqu'il affirmait qu'il n'y avait rien. Mais elle ne le croyait pas. Elle n'empêcha pas ses pensées de voguer, de chercher, d'imaginer – les pensées ne font de mal à personne, elles ne sont que pour soi-même. Il était libre, voulait être libre, indépendant de tous. Il avait dit que s'il avait eu un maître, il n'était plus. Il disait maintenant être incapable d'en avoir un. Etait-ce un maître qui l'avait trahi ? Un maître qu'il reniait à présent ? Ou quelqu'un dont il s'était débarrassé, peut-être, quelqu'un qui avait voulu l'enchaîner ? Il disait qu'il était triste pour un chien de ne pas avoir de meute – pourquoi « triste », tout de suite, comme s'il était forcément triste d'être seul ? Etait-ce parce que cela lui manquait, alors ? Le concept de famille ? Mariotte était très solitaire, et si elle respectait ses congénères, cela ne voulait pas dire qu'elle était particulièrement sociable et qu'elle recherchait leur présence incessante. Elle aimait son indépendance, n'aurait pas aimé avoir une meute. Une meute, ça impliquait des responsabilités – la responsabilité de protéger les plus faibles – et de la confiance – la confiance d'être protégée par les plus forts. Elle ne voulait compter que sur elle-même, même si, bien sûr, elle protégerait les siens si la situation se présentait. En tant qu'électron libre. En tant que loup solitaire, elle aussi. Mais elle pouvait comprendre que d'autres ne fonctionnent pas comme elle ; elle pourrait comprendre que, malgré la liberté affichée d'Ashton Lyn, tout ce qu'il désirait vraiment, c'était pouvoir compter sur d'autres, sans pour autant se sentir enchaîné à eux… Savoir qu'il n'était pas seul.

Elle ne saurait pas.

De toute façon, ça ne l'intéressait pas plus que ça. Le passé de chacun ne regarde que soi-même. Tout ce qui l'intéressait, c'était son présent, puisqu'il le partageait avec elle. Elle ne savait pas vraiment ce qu'il pensait d'elle – elle semblait l'intéresser, et sûrement était-elle davantage à ses yeux un puzzle à résoudre qu'une personne. Et bien, cela ne la dérangeait pas, et elle répondait. Elle s'attendait à sa question – c'était la logique même qu'il la pose. Elle aussi savait jouer à l'anguille, et bien qu'elle n'ait aucune intention de lui livrer son secret, elle n'avait pas non plus besoin de lui livrer de fausses informations. Elle jeta un regard au café qu'il lui montrait, n'hésita pas longtemps – s'il l'avait ennuyée, elle serait partie, mais elle n'était pas pressée, trouvait l'échange intéressant et sentait éclore dans sa tête quelques nouvelles questions, avec un peu de chance utiles pour elle... Elle lui sourit, un sourire froid de reptile, glacé, qui tomba rapidement, parce qu'elle n'avait pas l'habitude de faire de ces rictus qu'il semblait toujours avoir collé sur le visage, et elle accepta son bras :

- Gardez vos amis proches et vos ennemis plus proches encore – vous connaissez le proverbe, je présume ? C'est ce que je fais.

Elle resserra ses doigts sur son bras, petite pression qu'elle relâcha immédiatement – sentirait-il l’ambiguïté ? S'il la sentit, elle le détrompa pourtant immédiatement après, pointant du doigt d'autres personnes dont elle pouvait se méfier.

- Je ne fais certainement pas confiance à un loup-garou, un vampire, une démone et un évêque pour protéger les nôtres.

Encore ce petit ton de mépris condescendant. Arrivée au café, elle lâcha doucement son bras, et s'assit sur la chaise qu'il lui tira, en terrasse.

- Merci pour l'invitation. Un café ne serait pas de refus.

Elle appréciait ses manières, à défaut d'être certaine des intentions derrière toutes ses questions. Elle avait introduit le sujet de la Curia, sujet qui l'intéressait davantage que de continuer à tourner autour des habitudes des vouivres ; ne restait qu'à attendre le départ des moucherons humains pour pouvoir continuer.

- Vous êtes archiviste, je crois, Lyn ? A part votre curiosité insatiable, y-a-t-il autre chose qui vous a attiré ici ?

La curiosité brillait dans ses yeux à elle, maintenant. Elle s'humecta les lèvres, réfléchit une seconde avant de proposer elle-même une réponse.

- Ce doit être intéressant, d'être l'investigateur – celui qui recherche, des objets rares, des informations. Je ne fais qu'exécuter : on me dit d'aller à tel endroit, j'y vais, je fais mon travail, c'est terminé. Je dois rarement enquêter. Dites-moi. Imaginons un instant que vous êtes à la recherche de… mm... une montre à gousset. Créée par un alchimiste, avec des propriétés magiques et dangereuses. Le détenteur de la montre ne sait pas ce dont elle est capable. Il la vend, à un prix dérisoire, du coup, mais est incapable de dire à qui, il ne se souvient plus. Comment retrouvez-vous la montre ?

Elle semblait se prendre au jeu.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeVen 11 Sep - 23:08

La main de Mariotte passa au creux de son bras, et Ashton s'autorisa un sourire charmeur. Il savoura la sensation de cette femme acide contre lui, cette impression grisante de frôler du doigt un animal sauvage et indomptable. Le rictus glacial qu'elle lui adressa ne le refroidit pas. Bien au contraire, sa joie s'afficha davantage encore sur son fin visage et il mena le pas, amusé et, s'il osait le dire, séduit. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas été attiré par une telle demoiselle. Une demoiselle qu'il n'obtiendrait pas – et qu'au fond, il ne voulait pas obtenir.

« Gardez vos amis proches et vos ennemis plus proches encore – vous connaissez le proverbe, je présume ? C'est ce que je fais. »

L'intéressé laissa un air surpris posséder son visage. À vrai dire il ne s'était point attendu à pareille réaction, et la pression sur son bras lui soufflait qu'il n'avait pas confondu le moindre mot. Il éclata de rire. Oh, vraiment, cette demoiselle était délicieuse... à sa manière. Tournant son regard pétillant vers elle, et soudainement frustré de ne pouvoir lui dévoiler ses véritables iris, ceux qu'il portait au travail et dont le rouge flamboyant brillait dans le noir, rétorqua :

« Suis-je donc votre ennemi ? Vous me brisez le cœur, mademoiselle Lanvers ! »

Son ton rieur sous-entendait tout le contraire. Ash n'était pas homme à se vexer de si peu, à reculer devant les remarques acerbes et les sous-entendus désagréables. Il aimait les gens, aimait leur parler, aimait aussi leur faire changer d'avis. Mariotte n'était pas une exception, d'autant plus qu'elle était infiniment intéressante. La suite de ses paroles, en revanche, le surprit. Il afficha un sourire confus :

« Si je comprends bien vous n'aimez ni l'endroit où vous habitez ni celui où vous travaillez ? Qu'aimez-vous donc dans la vie, alors ? »

La question était sincère. Il se demandait comment une telle personne s'occupait, vivait chaque jour une existence qui lui pesait vraisemblablement, et surtout si elle parvenait à rajouter un peu de piment à son quotidien, parfois. Un éclat de rire lui échappa. Tous deux travaillaient à la Curia : s'il était un endroit où nul ne pouvait employer le terme de « routine », c'était là. Le fait qu'il s'interroge sur la manière qu'avait Mariotte de s'extirper de son train-train prouvait qu'il était bien trop habitué à l'inhabituel. Il fixa la jeune femme.

« Malgré tout la Curia est un endroit intéressant, ne trouvez-vous pas ? »

Il avait préféré taire ses connections avec les différents grands juges. Edward, parce que tout le monde le savait déjà et cela n'eut pas eu énormément d'intérêt. Ezekiel, car ses sentiments envers l'Eglise n'avaient pas besoin d'être connus, ni même réveillés. Ils étaient fort bien où ils se trouvaient, enterrés sous une masse de joie et d'entrain. La haine ne devait plus avoir de place dans son monde, plus assez du moins pour l'emporter dans un cycle de honte. L'un dans l'autre, en apprendre plus sur son vis-à-vis paraissait être une opportunité bien plus attirante que de discuter de leurs patrons.

Ils parvinrent rapidement au café, ce qui le frustra presque. Il eut voulu obtenir une réponse, avant cela. Malgré tout il s'avança, d'un pas souple, et saisit du bout des doigts la chaise qu'il tira en arrière. Plusieurs humains étaient là, des humains normaux qui l'observèrent d'un air à la fois surpris et rebutés, lui arrachant un sourire amusé. Ashton ne se vexait pas de ne pas correspondre à une quelconque banalité : il ne l'était pas, ne l'avait jamais été, ne cherchait d'ailleurs pas à l'être. Il laissa donc Mariotte s'asseoir avant de l'installer, tel un parfait gentilhomme, se délectant des regards qui le parcouraient. Il se tourna vers ses admirateurs et leur adressa un large sourire ainsi qu'un signe de main. La réaction fut immédiate : comme si ses yeux avaient pu transmettre la peste, les passants baissèrent les yeux et vaquèrent à leurs occupations. Un second éclat de rire le saisit et il secoua la tête avec humour, cherchant à prendre place. Il se mit face à sa compagne, croisa les jambes d'un geste félin et s'avança sur la table, charmeur.

« C'est un plaisir mademoiselle. En fait, je devrais plutôt vous remercier moi-même d'accepter ma modeste invitation. »

Alors elle retourna sa question sur lui. Il sourit davantage, flatté, et posa son menton au creux de ses doigts. Pourquoi être entré à la Curia ? Pourquoi, aussi, avoir choisi le métier d'archiviste ? Il était vrai qu'au vu de sa force et de sa stature, on le prenait plus facilement pour un agent de l'exécutif que pour un bureaucrate. Et pourtant Ashton, pour la première fois de sa vie, avait choisi la tranquillité - sans s'en lasser, qui plus est. Il haussa des épaules.

« Il y a la curiosité, et puis... Paradoxalement, une forme de stabilité. J'ai longtemps voyagé, j'avais besoin de trouver un chez-moi je suppose. »

Il laissa son sourire s'élargir, recula dans son siège, et fixa Mariotte de ses yeux envoûtants. Lorsque celle-ci parla, avança une hypothèse, il écouta. Son attention toute entière était portée sur elle, elle et son aura froide et sanguine, et sur ses paroles. La vérité le frappa, le flatta: elle s'intéressait à lui. Une chaleureuse sensation s'étendit dans sa poitrine pour se montrer sur son visage. Il pétillait d'amusement. Quand elle termina, il cligna des paupières, chercha la réponse, improvisa:

« Ah, il est vrai qu'il y a ce côté-ci. On ne le rencontre pas souvent. Hm...  Hé bien je connais nombre de marchands à Paris, alors je demanderais à cet homme s'il se souvient où il a vendu sa montre. Si tel était le cas, je tenterais d'aller discuter avec ces amis dont je vous parle. Je chercherais à dévoiler leurs souvenirs - car une montre recherchée par la Curia ne peut être une montre ordinaire. Si c'est un endroit comme les puces, cela ne marchera pas, mais s'ils revoient l'objet, alors ils s'en souviendront et ils m’appelleront. En attendant j'interrogerais l'homme en cercles concentriques en étant de plus en plus précis, de manière à voir s'il ne se rappelle vraiment de rien. Si encore une fois tel est le cas, alors je lancerais une rumeur selon laquelle la montre est recherchés pour une valeur inestimable. Mes contacts m'aideraient sans peine. Et quiconque achète une breloque à un vilain prix pour apprendre qu'elle vaut le quadruple voudrait la revendre, ne croyez-vous pas ? »

Il était ravi de constater que son intérêt envers la jeune femme était mutuel, ne serait-ce qu'un peu. Si parler de lui ne le captivait pas, il ne peinait nullement à le faire lorsque c'était dans de pareilles circonstances, et avec pareille personne. Il s'apprêtait à relancer, à retourner une question à la demoiselle, quand un serveur apparut à leurs côtés:

« Puis-je prendre votre commande ? »

Ash se redressa et lui adressa un aimable sourire.

« Bonjour ! Avec plaisir. Un café, il me semble..., commença-t-il en vérifiant sa réponse sur le visage de sa collègue, et pour moi... Auriez-vous de la sangria ? »

L'homme, qui déjà semblait déstabilisé par son apparence, parut plus perdu encore. Le canidé lui offrit un visage avenant, connaissant désormais la réponse. Il retira sa commande d'un signe de main.

« Oubliez ça. Je prendrai un whisky, si vous le voulez bien. Merci ! »

Le serveur fit une brève révérence avant de s'éclipser. Il le regarda faire, de loin, avant de se recentrer sur sa compagne. Son sourire, déjà, devenait plus séducteur. Il s'avança sur la table et, perçant de son regard celui de Mariotte, souffla:

« Mais je suis plutôt curieux. Vous qui n'aimez ni votre ville, ni votre lieu de travail, ni même apparemment votre travail, du moins pas particulièrement, qu'aimez-vous donc ? Qu'est-ce qui vous fascine, qui vous passionne ? Une femme telle que vous doit forcément être animée par quelque chose, n'est-ce pas ? »

Un café ?:

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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeMar 15 Sep - 15:18

Ashton Lyn.

Quand elle l'écoutait rire, quand elle le regardait balancer autour lui des sourires mi-séduisants mi-provocateurs, quand elle le voyait marcher comme si le monde était un terrain de jeu, quand elle l'entendait parler avec spontanéité, tout semblait soudain plus simple.

A l'entendre, tout le monde devrait pouvoir faire ce qui lui plaît, ce qu'il aime, et juste – le faire. Il voulait une sangria ? Il commandait une sangria. Il voulait parler avec elle ? Il venait lui parler, sans s'inquiéter des réactions potentielles (les recherchant, au contraire). Il en avait marre, il s'ennuyait ? Et bien, il partait faire un tour au Lost. Il n'aimait pas une situation ? Et bien qu'elle se démêle toute seule, il s'éloignait, ce n'était pas son affaire. L'apparence de l'homme libre et heureux, qui aime la vie, croque dedans, et trouve des délices dans chaque conversation, chaque mot échangé, parce qu'il en rit, il rit des attitudes, des comportements, des réactions, le vivant le passionne autant que les objets qu'il collectionne dans la salle des archives.

En apparence tout du moins – parce qu'elle ne le croyait viscéralement pas aussi léger qu'il en avait l'air. Déjà parce qu'il préférait parler des autres que de lui-même.

Sa vie était à des kilomètres de la sienne. Comment seulement lui expliquer ? A l'écouter, tous les choix devraient être guidés par le plaisir direct à en retirer. Mariotte faisait ses choix non en fonction de l'envie éphémère du moment, mais en fonction de ses responsabilités et de son sens du devoir. Il prenait des risques ; elle faisait tout pour les diminuer. Sa recherche même de son escarboucle en était la preuve – pourquoi ne pas simplement profiter de la vie, sans s'inquiéter de qui pouvait bien l'avoir ? Une pierre aussi belle, personne n'essaierait de la casser, de toute façon. Mais elle la voulait, elle voulait se sentir en contrôle de sa vie, ne pas laisser le hasard la ballotter de tout côté. Prendre ses décisions. Savoir. Avec certitude.

Elle écouta attentivement son « plan », et hocha la tête, pensive. Elle y avait pensé – se faire connaître comme acheteuse, découvrir où était la pierre, et l'acquérir par ce moyen. Elle ne l'avait pas fait, s'était contentée d'aller de boutique en boutique, pour plusieurs raisons. D'abord la peur du risque – dévoiler la valeur de son bijou ne lui disait rien qui vaille. Elle ne voulait pas que qui que ce soit puisse y trouver de la valeur, puisse par cette seule connaissance vouloir le garder, ou sentir le pouvoir qu'il avait sur elle… Le fait qu'il l'ait sans le savoir était déjà dur à avaler. Elle n'arrivait même pas à demander de l'aide parce qu'elle n'avait assez confiance en personne pour avouer l'importance que l'escarboucle avait pour elle, même sans parler des raisons pour laquelle elle l'était, alors le faire savoir indirectement à son détenteur… Erk. La seconde raison était qu'elle se sentait trop fière pour racheter quelque chose qui, de base, lui appartenait. Payer le client d'un voleur pour récupérer son bien, quelle idée. Mais la Curia n'accepterait pas de fermer les yeux une deuxième fois si elle choisissait un moyen plus… personnel.

Le faire, ne pas le faire.

Un autre problème aussi : Ashton Lyn avait peut-être des amis parmi les marchands de Paris, mais Mariotte Lanvers n'en avait pas. Elle leur faisait peur. Elle aurait besoin d'un intermédiaire.

Et puis elle n'avait pas l'argent pour racheter le bijou à coup sûr – quoique pour cela la Curia pourrait donner un coup de main. C'était leur boulot, après tout, de protéger les Légendaires.

Le canin la tira de son dilemme personnel, la recentrant sur la discussion en cours, et elle en fut heureuse, se voyant mal trouver une solution et prendre une décision dans la seconde. Sa voix traîna, lente, se raccrochant à ses réflexions précédentes sur les différences flagrantes de mentalités entre elle et son interlocuteur.

- Ce n'est pas parce que je n'éclate pas de rire toutes les dix minutes que je suis malheureuse, Lyn. Je montre moins mes joies, c'est tout. Après tout, elles ne regardent que moi – comme vous vos tristesses et vos voyages.

Elle fit un geste de la main, comme pour faire fuir une mouche, rendre tout ça… sans importance. Continua.

- Et j'ai bien peur que, si vous cherchez en moi une passion-moteur, vous ne soyez cruellement déçu. Les reptiles ont le sang froid. Nous sommes comme l'eau. Comme l'eau d'un lac qui a besoin du soleil de tout un été pour se réchauffer enfin. Comme l'eau qui se gèle et s'immobilise dans les temps froids. Je n'ai pas besoin d'agitation, des autres, des villes. Le piment est bon pour ceux qui ne savent pas apprécier le calme. Les lézards aiment paresser sur les pierres, se gorger de lumière, et sont très heureux qu'on les laisse tranquilles. Cela n'empêche pas que, s'il y a un danger, il n'y ait pas plus rapide qu'eux.

Non, elle n'aimait ni l'endroit où elle habitait, ni celui où elle travaillait. Mais elle était là tout de même. Elle ferma les yeux, visualisant mentalement sa Normandie natale.

- J'aime l'eau, le vent, les pommes, les champs.

Elle rouvrit les yeux.

- Les pierres précieuses, comme vous le savez déjà. J'aime ce qui est bien fait. Les repas bien cuisinés, les raisonnements bien tournés, les musiques bien composées, les bâtiments bien construits. Les jardins bien maintenus. Tout ce que l'on peut voir en pensant, « voilà qui a pris du temps et de l'attention à celui qui l'a fait ». J'apprécie l'effort.

- Un café et un whisky…
- Merci bien.

Elle remercia le serveur qui l'avait coupé, prit la tasse entre ses mains, sentit l'odeur, sans boire encore le liquide trop brûlant. Fronça les sourcils.

- En quoi trouvez-vous la Curia intéressante ?
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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeMer 16 Sep - 21:18

Mariotte était parfois – un mot qu'il n'eut jamais cru employer en qualifiant une personne autre que lui-même – étrange. Oh, Ashton ne prétendait pas exiger de ses interlocuteurs une quelconque notion de normalité, bien loin de là, cela l'ennuyait profondément, mais souvent les réactions de son interlocutrice le dépassaient d'une manière jusque là hors de son monde. Il n'ignorait pas qu'il avait affaire à une femme compliquée, pleine de tout un tas de détails étonnants qui s’imbriquaient les uns dans les autres avec une déconcertante complexité. Il adorait ça, d'ailleurs, trouvait cela incroyablement séduisant, terriblement attirant. Il observait donc, sans cesse et sans se lasser, chacune des réponses, des mimiques, des émotions furtives qui se laissaient entrevoir au creux des iris d'un émeraude glacial, les disséquaient, les imprégnait dans sa mémoire dans un farouche désir de possession – un travail en somme fort proche de ce qu'il accomplissait chaque jour. Et pourtant, elle continuait de le troubler. Il en était au point de songer à la laisser faire, à savourer ce mystère éternel plutôt que d'en chercher les clefs. Mais Ashton n'était pas le genre de gaillard à agir ainsi, et si son objectif était puéril en soi il n'en restait pas moins amusant à réaliser.

Les réactions de la jeune femme demeuraient étonnantes. Là où il eut simplement répondu, sans concession et avec une sotte simplicité, elle délayait. Il y avait toujours cette phrase, qui précédait chaque réponse, cette phrase sèche et farouche qui laissait entendre qu'elle ne voulait pas parler, qu'elle ne le faisait certainement pas pour lui, et qu'elle se fichait de son avis. Pourtant, elle continuait d'entretenir la conversation. C'était de ces paradoxes qu'Ash ne parvenait pas à saisir. Pourquoi ne pas simplement parler ? Il avait pleine conscience de l'âme indomptable de son vis-à-vis. Pourquoi, aussi, agir comme se défendant d'une offense ? Il n'avait fait preuve d'aucun soupçon, d'aucune agressivité, du moins l'estimait-il. Mariotte avait semblé pensive, à l'instant, juste après sa réponse. Elle n'avait rien dit. Il ne saurait pas. Pas tout de suite, du moins. Il était des choses pour lesquelles il devrait patienter.

Lorsqu'elle répondit, ce fut une fois de plus sur la défensive, si bien que le sourire du canidé s'agrandit. Une partie au moins de la jeune femme qu'il avait cernée. Écoutant la suite, il pencha la tête sur le côté. Elle ne débordait certes pas de bonheur, nul ne pouvait le nier, mais il n'avait pas voulu sous-entendre pareil constat. Bien sûr que la vouivre devait être heureuse, au moins de quelque chose, sinon pourquoi vivre dans cet endroit où tout lui déplaisait ? La remarque qu'elle lui adressa lui arracha une brève moue surprise. Vrai. Ash n'était pas personne à prétendre qu'il n'allait pas mal à certains moments – c'était de ces périodes qui venaient avec sa nature, mais il estimait les équilibrer à merveille avec le reste de sa vie, une vie palpitante qui lui plaisait, qui lui avait toujours plu. Sur le coup, il niait, presque automatiquement, mais si on lui demandait quelques jours plus tard il reconnaîtrait sans peine qu'il avait eu... un soucis. La plupart du temps ledit soucis impliquait quelque monstruosité, alors il n'épiloguait pas. Quant aux voyages, il ne pourrait jamais les raconter dans leurs ensemble à quiconque : ils lui appartiendraient toujours, une certitude rassurante en soi. Sa vie était sienne tout autant que celle de Mariotte. Il acceptait.

Pourtant, lorsque celle-ci détailla ses préférences, il se trouva de nouveau perdu. La jeune femme aimait les petits plaisirs simples de la campagne, les détails d'une vie paisible entourée de nature. Pourquoi donc était-elle venue à Paris, dans ce cas ? C'était un lieu si éloigné de tout cela, de tout ce qui était cher à son cœur ! Outre les fins ouvrages, rien de ce qui l'animait ne se trouvait dans la capitale. Il y avait forcément une raison, non ? Une telle privation ne pouvait avoir lieu sans objectif final, il en était certain. Un milliers d'interrogations fourmillaient soudain dans son esprit et ses pensées voyagèrent dans les plus hâtives hypothèses. Il avait soif de savoir.

« Un café, un whisky. »

Il ne saurait pas. Un fin sourire se dressa sur ses lèvres tandis qu'il se tournait vers le serveur, le remerciant chaleureusement. Mariotte fit de même, de manière plus neutre toutefois, avant de se reporter sur lui. Il n'avait même pas eu le temps de lui poser ses questions. Un vent de frustration balaya ses entrailles, le rendant si possible plus intéressé encore. Ash était quelqu'un de contradictoire.

« En quoi trouvez-vous la Curia intéressante ? »

Légitime interrogation. Lui qui ne cessait de lui faire remarquer que prendre plaisir à faire son travail était important, il eu dû en répondre tôt ou tard. Fort heureusement, il connaissait déjà la réponse. Son sourire s'agrandit pour devenir enjôleur, charmeur, et il porta un regard intense sur celui de sa compagne.

« Les gens. »

Un mot tout simple qui englobait tout. La Curia, c'était un endroit où tous les employés sortaient de l'ordinaire, un endroit où l'ordinaire n'existait pas, ou du moins pas de la même manière, où les personnalités les plus étranges se côtoyaient avec une facilité déconcertante. Il adorait ce lieu. Chaque jour des surprises arrivaient, repartaient, se dévoilaient. Il ne s'en lassait pas, ne s'en lasserait sans doute jamais. Il n'y avait pas de routine. Pas d'ennui. Son travail lui avait permis de se rendre compte de l'étendu de son monde, et de l'intégrité de toutes ces espèces qui croisaient habituellement sans jamais se voir. Il sourit davantage, une expression qui cette fois prenait une tonalité ravie.

« J'aime être entouré de personnes hautes en couleurs, expliqua-t-il, et aussi de personnalités véritables. Il n'y a pas de faux-semblants à la Curia, du moins pas autant que dans le monde "normal". On peut y rencontrer de tout, et j'adore ça. Me rendre au travail, c'est comme partir en voyage. »

Il croisa ses chevilles et saisit son verre de whisky du bout des doigts pour le porter à son nez. L'odeur familière fit frémir ses narines tandis que son regard se perdait dans la couleur orangée du liquide. Il reporta son attention sur Mariotte.

« Et vous ? Qu'en pensez-vous ? En quoi la Curia vous est-elle utile ? »

Il y allait par plaisir, elle devait bien s'y rendre pour quelque chose. Et il voulait découvrir quoi, à défaut de savoir le reste.

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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeSam 26 Sep - 11:41

Les sourires d'Ashton Lyn commençaient à l'agacer.

Elle était fermée, agressive – comme toujours, puisque ça avait toujours très bien marché pour faire fuir les importuns – mais chacun de ses froncements de sourcils le faisait… sourire. Et elle se sentait agacée. Comme si, pour une fois, elle ne savait pas ce qu'elle voulait.

C'était habituellement facile. Répondre de manière désagréable deux fois, trois fois, quatre fois. La personne se lassait, partait, à la recherche d'une relation plus simple et plus amicale. Elle l'oubliait dans la journée, sinon pas dans la seconde.

Mais Ashton la trouvait, visiblement, intéressante. Il enchaînait les questions, les sourires et les regards… non, pas amicaux, n'exagérons rien, mais séducteurs sans hésiter, bien qu'elle n'ait pas l'impression qu'il ait sincèrement envie de la charmer. Les chiens font de mauvais charmeurs de serpents, de toute façon.

Et elle, bien qu'elle l'envoie toujours balader, ne réponde qu'à moitié, ou sur un ton méchant, répondait toujours. En pensant qu'il trouverait ses réponses plates et sans intérêt – ce qui visiblement ne fonctionnait pas du tout.

Elle ne savait pas si elle avait envie de vraiment le faire partir – n'aurait-elle pas mis fin à la conversation, sinon ? Elle avait même accepté de s'asseoir – n'était-ce pas un signe criant du contraire ?

Elle ne savait pas si elle avait vraiment envie qu'il reste – ne lui parlerait-elle pas plus spontanément, sinon ?

Elle ne savait pas si elle avait envie de son aide pour retrouver son escarboucle – non, non, non, elle ne pouvait compter que sur elle-même, mais elle ne trouvait pas, seule, alors ne lui faudrait-il pas accepter de faire un minimum confiance en une autre entité ? L'image d’Élise passa légèrement dans sa tête, et elle grimaça. Va savoir, du loup aguicheur ou de la fillette insouciante, qui était le plus apte à retenir son secret entre ses mains.

La réponse du chien noir à sa question sur la Curia étanchait au moins l'une de ses interrogations – s'il s'intéressait à elle, c'était par curiosité générale pour tous les gens, et surtout ceux qui tranchaient avec l'ordinaire. Et elle, avec ses tendances misanthropes, sortait probablement de son ordinaire. Elle était un voyage exotique, un objet d'étude.

Elle se sentit soudain plus calme. Sereine. Elle préférait la curiosité des scientifiques que celle des indiscrets. La tasse de café revint effleurer ses narines, qui s'ouvrirent pour laisser l'odeur entêtante se frayer un chemin en elle, suivie de près par le liquide, chaud et amer.

La décision se forma en elle tout aussi soudainement que la soudaineté du calme qui avait fait place au tourbillon de questions. Comme un grand coup de guillotine.

- Vous voulez la vérité, Lyn ?

Elle le regarda droit dans les yeux, les siens froids, violents, comme si elle souhaitait attaquer de ses mots, blesser, les laisser transporter sa haine.

- J'ai été jugée par la Curia.

Elle baissa d'un ton – il ne ferait pas bon être entendue ici, bien qu'ils ne parlaient pas forts depuis qu'ils avaient rejoint le café.

- Pour avoir tué un humain.

Toujours la bile, l’âcreté, l'acide. Cela ne devrait pas être une surprise – mais qu'il sache. Qu'il sache qu'elle ne reculait pas devant l'idée. Elle termina son café d'une traite, et cilla.

- Je suis à Paris pour purger ma peine à leur service.

La tasse vint se reposer exactement là où un petit cercle s'était formé sur la table, là où la tasse était précédemment posée ; puis elle sortit quelques pièces de son sac, et les posa à plat sur la surface, sans leur laisser le temps de résonner – les bruits inutiles lui étaient insupportables. Bien qu'il l'ait initialement invitée, elle ne supportait pas de lui devoir quoique ce soit, et préférait de loin le contraire. A présent debout, elle regarda une dernière fois le visage d'Ashton Lyn (son sourire y était-il toujours accroché ?) et hocha la tête. Elle n'avait rien d'autre à dire, et aucun envie de l'entendre répondre – elle se détourna, ses talons claquant sur les pavés.

[La suite... une autre fois Very Happy]
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MessageSujet: Re: C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte]   C'est l'histoire d'un caniche et d'une vipère... [ft Mariotte] I_icon_minitimeSam 26 Sep - 15:55

« Vous voulez la vérité, Lyn ? »

La question, s'il se le permettait, était un peu simplette. Bien sûr qu'il voulait la vérité. Il la cherchait depuis le début de cette conversation, sans jamais l'obtenir d'ailleurs, mais avec une conviction sans faille qui le mènerait semblait-il enfin à elle. Le ton colérique de Mariotte sous-entendait toutefois que sa prise de parole n'appelait à aucune réponse de sa part – ce qui l'arrangeait fort bien, il préférait écouter ce qu'elle avait à lui dire plutôt que de rétorquer un « oui » inutile et bête. Son regard brun se fixa sur celui de son interlocutrice, à qui il adressa un sourire encourageant et curieux.

« J'ai été jugée par la Curia. »

Oh ? Voilà qui était bien intéressant. Ainsi donc elle n'était pas aussi innocente qu'elle en avait l'air ? Cela ne le dérangeait pas. Le ton plus bas, elle poursuivit :

« Pour avoir tué un humain. »

Il pencha la tête sur le côté.

« Ah bon ? »

Les mots s'étaient échappés d'eux-mêmes. Qu'on ne se méprenne pas, Ashton n'approuvait pas plus du meurtre qu'un autre. Seulement il était fermement persuadé d'avoir plus de sang sur les mains que quiconque à la Curia, à quelques exceptions près. Il avait déjà tué en connaissance de cause. La Mort l'accompagnait où qu'il aille, il faisait même partie d'elle, parfois. Comment alors en vouloir à quelqu'un qui – pour des raisons qu'il ne connaissait pas encore – avait volé la vie d'autrui ? Il avait fait mille fois pire.

Ash ne jugerait pas. Il ne jugeait jamais. À quoi bon ? Tant de choses échappaient à son contrôle, à sa pensée. Il avait été tant de statuts, la plupart mauvais, que sa seule identité correspondait à des dizaines d'identités. Voleur, meurtrier, charmeur, passant, marchand, combattant, clochard, marin... Il ne comptait plus. Il n'avait jamais compté. Autant de raisons pour lesquelles il ne pouvait en vouloir à Mariotte. Il ne savait pas pourquoi elle l'avait fait, et il doutait que cela eût été gratuit. Non, la vouivre semblait toujours agir avec une logique implacable, toujours méticuleuse, calculée, jaugée. Il y avait anguille sous roche.

Mais la jeune femme ne le laisserait pas discuter. Si quelqu'un était dérangé par ce qu'elle avait commis, ce n'était pas tant lui qu'elle, du moins le pensa-t-il. Elle martela quelques pièces sur la table, lui adressa un dernier regard – l'un des regards si farouches qui lui plaisaient tant – et d'un pas sûr, s'éloigna. Il ne l'appela pas. Il ne chercha pas à la rattraper. Un éclat de rire franchit ses lèvres, un éclat de rire franc, sincère. Mariotte ne lui avait pas tout dit, sa réaction en était une preuve flagrante. Il tendit sa main vers les quelques sous sur la table, joua distraitement avec. Elle en avait trop mis. Le sourire d'Ashton s'agrandit davantage tandis qu'il menait la pièce manquante à ses lèvres. Son regard pétillant suivit la silhouette qui, déjà, s'effaçait au coin de la rue.

Quelque chose lui disait que la véritable raison de sa venue à Paris ne résidait pas à la Curia mais dans le motif de son crime. Et il comptait bien l'apprendre...

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