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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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Ashton Lyn
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Ashton Lyn

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MessageSujet: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeJeu 9 Juil - 18:19

C'était toujours la même chose. La lumière furtive déchirant la nuit, la zébrure furieuse entre ciel et terre, le poignard de nacre éventrant la voie lactée. Puis venait le grondement. Le bruit sourd et mortel qui résonnait dans ses entrailles comme un macabre réveil. Le hurlement des nuages, comme un appel. L'air, liberté devenue entrave, l'enserrait alors de ses bras électrisés. L'atmosphère de plomb pesait sur son corps comme pour l'inciter à s'en débarrasser. Pourquoi le garder, la Bête était là, la Bête veillait, la Bête désirait, la Bête s'obstinait. Et l'orage nocturne l'appelait de son funeste cor. Alors les démons, les déchus, les reniés se levaient dans un ultime assaut, hélés par les éclairs, se levaient et s'agitaient, ruaient, bougeaient, se débattaient contre les chaînes qu'il leur imposait. Il sentait les mains décharnées de leur sombre existence pointer d'entre les barreaux, leurs auras se mêler et se séparer contre ses côtes et les crocs sanglants du Chien ronger ses entrailles. En rythme avec la symphonie du tonnerre, Il hurlait, et de Son union avec les roulements du ciel naissait le sinistre requiem qui, célébrant la fougue meurtrière d'un monstre, berçait Ashton jusqu'au jour. C'était la mélodie des ténèbres de son être, le chant de l'horreur qu'il se dissimulait, l'ode au cauchemar que seule une transformation, triste soulagement, pouvait faire cesser au prix de la Vie. C'était de ces soirs où Ashton n'était plus Ashton, seulement un obstacle à l'apparition d'une créature de l'Enfer, simple fantassin face à l'armée des maux, où il bafouait jusqu'à son identité pour résister aux appels funèbres de la Bête qu'il était. C'était de ces soirs où Ashton s'oubliait pour dix heures de cauchemar, pour la souffrance de la résistance, pour le mal-être de sa propre abjuration. C'était de ces soirs où Ashton était plus chien qu'homme, où son être et sa conscience se livraient à un combat farouche qui ne cessait jamais qu'aux premiers rayons du soleil. L'orage, pour lui, était synonyme de douleur, de malheur, de terreur. Il était le synonyme d'une nuit éveillée à combattre sa propre existence et, surtout, il était le synonyme d'une journée placée sous le signe du Chien.

Alors parfois Ashton détestait l'été, détestait la pesanteur des jours les plus chauds, détestait l'accumulation intempestive des nuages sombres dans le ciel et, surtout, détestait ce corps qu'il devait endurer toute une nuit durant avec pour seule récompense le spectre de son Passé et la douleur fantôme d'une existence qu'on empêchait de tuer malgré ses désirs. Parfois, tandis que les lueurs de l'aube le délivraient enfin de sa lutte incessante, il se prenait à se demander pourquoi ; pourquoi il résistait tant, pourquoi il ne se laissait pas simplement aller à la bestialité que lui quémandait son être tout entier, ne serait-ce que pour s'épargner de telles souffrances. Puis il tournait les yeux vers le dehors pour apercevoir la lumière tamisée du soleil, sentait le vent agiter les âmes de l'extérieur et surtout, surtout, il percevait sa présence au creux de ses entrailles. Alors il se souvenait, et un léger sourire, un sourire fatigué mais plaisant s'épanouissait sur son visage marqué par l'insomnie et la peine.



Ashton ouvrit doucement ses paupières et constata avec soulagement les rayons délicats qui perlaient au travers de ses fins rideaux. Il poussa un bref soupir, ne sachant trop s'il devait bouger déjà ou attendre, attendre encore que son corps ne le trouvât judicieux. Son regard pourpre coula jusqu'à ses mains liées, détailla longuement les larges menottes qui maintenaient solidement ses poignets joints, puis se détacha à la recherche des clés qui, sans doute, avaient été déplacées par son agitation de la nuit précédente. Il déglutit et, péniblement, se redressa, prenant garde à ne pas se prendre les pieds dans les chaînes qui les enserraient également. Un bâillement fut étouffé d'un revers, puis il s'accroupit à la recherche de la fine pièce argentée qui le délivrerait finalement de cette soirée d'isolement et de peine. Se détacher était le premier symbole, le premier cap vers une journée qui petit à petit s'arracherait au soir exécrable qu'il avait subi. Bientôt, ses doigts rencontrèrent la surface dentelée qui leur était devenue si familière. Enfin. Le jeune homme contorsionna élégamment sa main droite, d'un geste cent fois répété, pour atteindre la serrure qui céda après quelques à-coups. Les menottes rencontrèrent le parquet dans un claquement sourd tandis que ses poignets ivoiriens se dévoilaient. La peau, là, était d'un léger bleu qui s'estomperait définitivement d'ici le quart-d'heure suivant. Il n'y prêta aucune attention et entreprit de défaire l'entrave de ses chevilles avec la même dextérité. Là, il était libre. Là, il était bien. Bien mieux.

L'orage de la veille avait été mauvais, mais pas catastrophique et, si les crocs du chien s'étaient montrés impitoyables contre ses entrailles, il s'était épargné de larges plaies. La nuit dernière, pas de crise, seulement les spasmes passagers et la douleur lancinante. En ce jour, pas de sang, pas de blessures, seulement l'obstacle perpétuel des courbatures et l'impression persistance de porter physiquement les âmes déchues de son monstre. Ses doigts se perdirent sur sa poitrine, distraitement, puis vinrent trouver sa gorge dans une caresse légère.

« Νεχ ποσσυμ τεχυμ ωιωερε, νεχ σινε τε. »

Il connaissait le tatouage par cœur, ou peut-être cette phrase était-elle encrée dans ses entrailles plutôt que sur sa peau. Il préféra toutefois ne pas s'attarder sur le sujet et ce fut d'un pas traînant qu'il se dirigea vers la minuscule douche dont il bénéficiait et qui lui valait de payer un loyer deux fois plus élevé qu'il ne l'eut dû. L'eau contre sa peau, délivrance. La fraîcheur sur son corps, libération. Il sortit de la salle de bain fatigué et revigoré, las et motivé. Ses vêtements furent choisis au hasard, sa bourse enfoncée dans une poche de sa blouse et, sans prendre le temps de jeter un dernier coup d’œil à son appartement, il fila.

En ces moments il voulait changer d'air, changer de vision, parler, toucher, explorer, se vider la tête et le corps pour ne pas sentir, pour ne pas la sentir et fuir les sentiments qui l'assaillaient. Il se trouvait justement qu'un endroit l'appelait à lui, un endroit délicieux où la compagnie était silencieuse et douce. Un endroit qu'il n'avait pu visiter dix jours durant à cause de la paperasse qui les avait soudainement envahis, à la Curia. Un sourire malicieux se dressa sur les lèvres du jeune homme tandis qu'il s'éclipsait.

Ce matin, il allait voir Ewen.

***

Ewen. Ewen et son aura puissante et délicate, Ewen et son sourire de grand garçon, Ewen et ses attentions adorables. À peine arrivé sur place qu'Ashton passait un bras enjôleur autour des épaules de son ami à son insu. Ses lèvres, toutes proches de ses oreilles, susurrèrent d'un ton qui demeurait fatigué au travers de son malice :

« J'ai ramené le petit dej', 'Wen. »

Il adressa un sourire au jeune homme, désireux d'être vif quand il n'était que las, comme pour mieux faire passer les cernes qui entravaient son visage et la pâleur maladive qui avait soudain saisi des joues. Il ne voulait pas en parler. Il n'en parlerait pas. Et lorsqu'il sentit le regard de son frère de coeur contre son être, il détourna le regard. Une aura. Il avait senti une nouvelle aura en ce lieu et cela l'intriguait d'autant plus qu'elle n'était pas humaine. Alors, désespérément, il sauta sur l'occasion d'interrompre Ewen, vite, avant qu'il n'ait le temps de commenter son teint blafard et la fatigue dans ses mouvements.

« Une nouvelle venue ? Rah, zut, je ne lui ai pas pris de pâtisseries... Je mangerai moins, je suppose. »

Il tendit ses deux sachets à Ewen tandis qu'il ajoutait un nouveau sourire à sa comédie:

« Je devrais aller me présenter, n'est-ce pas ? »

Sans écouter la réponse, il fila. Il y avait quelque chose de profondément désespéré dans la démarche fuyante du garçon, un instinct presque malsain de fuite et d'évitement. Il ne voulait pas s'éterniser sur des sentiments qui lui faisaient mal et, s'il devait rester seul avec Ewen, celui-ci le forcerait à se plonger dans ce lieu douloureux qu'il voulait tant oublier. Alors il marcha, marcha de son pas courbaturé jusqu'au creux d'une tombe de laquelle dépassait une chevelure caramel. Il s'accroupit et, de sa voix la plus suave, la plus délicate, murmura:

« Bonjour... »

Il n'oublia même pas d'adresser un sourire fatigué à la demoiselle à l'aura sombre.

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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeDim 12 Juil - 19:55

Le soleil était une caresse brûlante sur sa peau de nacre qui, déjà, rougissait de la pression de l'astre diurne. Cela faisait deux heures qu'elle creusait et le sol commençait tout juste à s'abandonner à la chaleur cuisante qui menaçait déjà de tous les engloutir. Aujourd'hui allait encore être une chaude journée et Tala Harcourt, employée par Ewen depuis dix jours, planta sa pelle comme s'il s'était agi là de l'acte le plus important du monde. La terre vola au delà du trou et un coup d'oeil lui permit d'apercevoir Ewen qui se hissait hors de son propre trou et se rendait jusqu'au caveau glacé où ils installaient les cadavres au début de journée. Un ver mécontent vint remuer juste sous ses pieds, qu'elle avait dénudé pour éviter de salir sa seule paire de chaussure et Tala le regarda avec plus d'intérêt que nécessaire. Visiblement, elle avait dérangé ses galeries et le pauvre lombric, perdu, cherchait de nouveau à s'enfuir dans un sol qu'elle remuerait bientôt. La jeune femme l'observa encore quelques minutes, puis poussa un long soupir découragé. Si l'animal était aussi vulnérable désormais, c'était avant tout sa faute... Alors, Tala se baissa et rattrapa le petit fuyard avant que celui-ci n'ait le temps de disparaître. Très délicatement, de peur de le blesser sans doute, elle le déposa sur le tas de terre qu'elle avait fini par constituer et le laissa filer avant de s'en retourner à sa tâche. Elle avait pris un peu de retard et si Ewen ne lui en tiendrait pas rigueur, elle le ferait suffisamment pour deux. La tête de nouveau dans son trou, Tala creusa de plus belle ce qui deviendrait la dernière demeure d'un macchabée qu'elle n'aurait jamais connu autrement qu'ainsi. Au loin, elle put apercevoir une dernière fois la silhouette d'Ewen qui sortait un corps du caveau.

« Oumpf ! Et bien, madame, pardonnez mes manières mais vous auriez dû manger un peu moins avant de mourir. »

Le jeune homme hissa la concernée sur la sorte de chariot qu'il utilisait toujours dans ces cas-là et, souriant, se remit en marche vers la tombe qu'il avait précédemment terminé. Passant une main sur son front, il lança un coup d'oeil à Tala qui le surprenait un peu plus chaque jour. Bien que femme, elle creusait avec la même force qu'un homme adulte et ne se laissait nullement distancer par le rythme habituel d'Ewen qui enchaînait parfois plus de cinq tombes sans s'accorder la moindre pause. Cette fille, qui hurlait de tout son être qu'elle avait besoin d'aide, était plus qu'étonnante et assez... attachante. Un second sourire se glissa sur ses lèvres alors qu'il pressait l'allure. Ce fut à cet instant qu'un bras bien connu vint se poser sur ses épaules. Ashton. Ça faisait bien... dix jours, peut-être plus, qu'il ne l'avait pas vu et ce dernier lui avait manqué. Son sourire s'élargît lorsque celui-ci lui annonça avoir ramené le petit déjeuner. Ewen tourna la tête en sa direction et remarqua instantanément les cernes marquant le visage de son petit frère. Ses traits se crispèrent légèrement mais il prit le temps de répondre avec enthousiasme.

« Je meurs de faim, Ash... ! J'ai perdu l'habitude de déjeuner, sans toi ! »

Mais son vis-à-vis avait déjà détourné l'attention. Il regardait en direction de l'endroit où creusait Tala qui avait définitivement disparu dans son trou, à présent et qu'on ne pouvait pas même deviner depuis là où ils étaient. Pourtant, Ashton y parvint, et un instant Ewen se dit qu'il avait dû la sentir. Non, décidément, c'était trop bête. Ça ne pouvait pas être ça, ça ne valait pas mieux que toutes ces fois où il parlait à ses morts comme si ceux-ci avaient pu lui répondre. C'était absurde. Ashton avait simplement dû la repérer en arrivant mais avait préféré le saluer. Ewen le prit dans ses bras avant qu'il ne puisse s'enfuir, dans un mouvement qui tenait presque du réflexe, et ébouriffa les cheveux du jeune homme.

« Elle s'appelle Tala... et ne t'en fais pas pour ça, tu ne savais pas, c'est moi qui partagerai mon petit déjeuner avec elle. Toi, tu viens de prendre rendez-vous avec un grand bol de gruau ! »

Il relâcha ensuite son petit frère qui lui tendit les deux sachets avant de s'éloigner.

« Je devrais aller me présenter, n'est-ce pas ? »

Ewen se crispa, secoua la tête et tendit le bras pour rattraper Ashton. Trop tard, celui-ci s'éloignait déjà à grandes enjambées.

« Ashton, non, reviens ! Je ne sais pas si c'est une bonne idée, elle n'aime pas le... »

Sa voix mourut. Ça ne servait à rien, de toute manière. Ashton était déjà trop loin pour l'entendre. Ewen se remit donc à l'ouvrage, amenant enfin sa cliente jusqu'à sa dernière demeure.

« Désolé mademoiselle, je suis décidément incorrigible, j'ai bien failli vous faire attendre, et avec cette chaleur... »

~

Tala jeta une nouvelle pelletée de terre en dehors de son trou, peinant de plus en plus à mesure que la tombe s'approfondissait. Désormais, elle ne voyait plus vraiment l'extérieur, ce qui n'était en vérité pas pour lui déplaire. Elle ne risquait pas de croiser un seul regard ou même d'entendre la moindre voix, et elle qui détestait l'idée même qu'on puisse l'approcher se sentait rassurée par cette absolue certitude. Le seul qui pourrait venir la voir était Ewen et il ne viendrait pas avant plusieurs heures pour la forcer à boire. De plus, il ferait suffisamment de bruit pour la prévenir de son arrivée. En ça, et en tant d'autres choses, Tala se rendait compte de la chance qu'elle avait eue de tomber sur cet homme. Il lui avait offert un travail sans rien savoir d'autre que son nom et depuis, il ne s'était pas permis quoique ce soit qui eut pu la déranger. Il se montrait compréhensif et, Tala en avait de plus en plus l'impression, presque protecteur. Lorsqu'il s'était rendu compte à quel point le contact la dérangeait, il n'avait plus jamais insisté, à peine fait quelques tentatives et ne s'était jamais offusqué du moindre de ses refus. En dix jours, Tala pouvait le crier haut et fort sur tous les toits : elle avait eu de la chance de tomber sur Ewen. Un très léger sourire s'autorisa à se risquer sur ses lèvres tandis qu'une nouvelle gerbe de terre rejoignait le tas déjà conséquent qui dominait son univers.

« Bonjour... »

Tala sursauta, bondît presque et en lâcha sa pelle. Celle-ci rejoignit le sol, et son pied, qu'elle rencontra dans une douloureuse caresse. La jeune femme lâcha un juron qu'elle regretta immédiatement en se souvenant qu'elle n'était pas seule et leva un regard absolument honteux sur le nouveau venu.

« B-bonjour monsieur... Pardonnez mon langage, je... »

Mais déjà, les mots lui manquèrent. C'était la toute première fois qu'elle se retrouvait confrontée à quelqu'un sans Ewen, et forcément, elle paniquait. Elle ne se sentait absoooolument pas prête à affronter la peine d'une personne ayant perdu quelqu'un et vu les cernes énormes qui couvraient le visage de son vis-à-vis, celui-ci devait passer ses nuits à pleurer son être cher. Super. Vraiment, c'était super. Elle n'aurait pas pu rêver mieux. Et, évidemment, elle ne pouvait plus lancer de regard désespéré à Ewen sans se faire lamentablement griller. Oh oui, décidément, c'était parfait. Elle ramassa sa pelle pour se donner du courage, et lorsqu'elle releva la tête, elle reprit la parole. Il fallait de toute façon que cela arrive tôt ou tard, et mieux valait tôt que tard, en y pensant bien. Ainsi, cela bouleversait ses habitudes dès maintenant et lui permettrait de s'en créer d'autres où l'accompagnement des proches éplorés figurerait certainement en tête de liste.

« Je disais donc, vous venez pour enterrer un proche... ? Je sais à quel point c'est difficile, et c'est pour ça que je suis prête à vous écouter sans vous interrompre sur la dernière demeure idéale que vous voudriez offrir à votre cher disparu. C-comme vous le voyez, creuser des tombes de la meilleure des manières nous tient profondément à cœur, et celle de la personne que vous venez de perdre ne fera pas exception. J-je m'y engage personnellement. »

La jeune femme se racla la gorge et se dit qu'en toute objectivité, pour une première fois, elle ne s'en était pas si mal tirée. Mais... l'homme éclata de rire et avec lui, toute sa fierté vola en éclat. Elle fronça les sourcils, fit la moue, puis serra les poings. Ewen l'avait prévenue, de temps en temps il arrivait que des gens soient pris d'un éclat de rire nerveux et qu'ils ne parviennent pas à exprimer leur peine. Dans le doute, toutefois, elle trouva bon de demander.

« V-vous êtes là pour une autre raison... ? »

La phrase qu'elle obtint en guise de réponse lui fit lever le regard le plus sceptique de toute sa vie.
Ashton Lyn
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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeMar 14 Juil - 11:32

L'aura de la louve était étrange, singulière, intrigante. À vrai dire, Ashton ne la comprenait pas vraiment. C'était la toute première fois qu'il voyait une telle chose et ce spectacle le captivait. La substance vaporeuse qui émanait de la jeune femme, rendue sombre par une succession indubitable d'événements dramatiques, semblait cependant lumineuse. Le canidé n'avait jamais rien vu de tel. Toutefois, la couleur plus que le reste le fascinait.
Car l'aura de la louve était grise.
C'était une teinte qui, jusqu'alors, était restée impossible à ses yeux. Les âmes étaient colorées, pâles ou sombres, portaient dans leur légère fumée l'essence même de leur conscience, ne pas en posséder était impensable. Pourtant, cette demoiselle qui se tenait là était la preuve du contraire. C'était comme si une vague foncée avait englouti tous les pigments de son existence.

Lorsqu'elle sursauta, il n'en fut qu'à demi surpris. Le regard paniqué de l'inconnue, d'un vert de jade si particulier, résonnait en écho avec les élans vaporeux de son aura, et Ashton eut la sensation de comprendre un peu cette personne au premier coup d’œil. Elle lâcha sa pelle, qui atterrit au sol sous le son d'un juron coloré, lui arrachant un sourire amusé. Les yeux du jeune homme percèrent sans gêne ceux de son interlocutrice tandis que celle-ci s'excusait de son vocabulaire. Le ton était hésitant, incertain, témoin d'une vraisemblable lacune en dialogue et il se sentit obligé de lui adresser un visage avenant pour la rassurer un peu. Cela ne sembla pas fonctionner le moins du monde, puisque l'attention de la demoiselle virevoltait visiblement entre sa pelle, ses pensées et lui-même dans un fourmillement paniqué. Si le garçon n'avait vu sa réaction à une simple parole, il eut tenté de la toucher pour la calmer, un geste qui eut sans doute fort déplu. Sagement, il patienta donc, observant de son regard noisette l'agitation croissante dans le corps de son vis-à-vis.

« Je disais donc, vous venez pour enterrer un proche... ? Je sais à quel point c'est difficile, et c'est pour ça que je suis prête à vous écouter sans vous interrompre sur la dernière demeure idéale que vous voudriez offrir à votre cher disparu. C-comme vous le voyez, creuser des tombes de la meilleure des manières nous tient profondément à cœur, et celle de la personne que vous venez de perdre ne fera pas exception. J-je m'y engage personnellement. »

Le discours ressemblait tant à un parlementé commercial qu'il ne put s'empêcher d'éclater de rire. Cette demoiselle souffrait décidément d'un véritable problème de spontanéité. Son hilarité aux sonorités exotiques était certes ternie par la fatigue, mais n'en demeurait pas moins joviale et il prit plaisir à tenter de la transmettre. Son échec était certain, pourtant il ne s'en amusa pas moins. La réaction de son interlocutrice ne tarda pas et le fascina d'autant plus. Celle-ci semblait être pourvue d'un caractère explosif qui promettait de lui faire voir des étincelles. Oh, Ewen s'était trouvé une employée hors norme, pour sûr. Curieux, sans doute, de connaître un peu plus de l'attitude toute particulière de cette jeune femme, il laissa le silence planer jusqu'à l'entendre de nouveau :

« V-vous êtes là pour une autre raison... ? »

Il était là pour une multitude de raisons. Il était là pour fuir ses démons et s'en distraire le temps d'un repas en agréable compagnie, là pour se préparer un peu plus à affronter une journée difficile, mais surtout...

« Tout à fait. J'ai ramené le petit déjeuner ! »

Sa voix était légèrement plus rocailleuse qu'à son habitude, mais elle n'en demeurait pas moins sensuelle. La fatigue n'était jamais qu'une vieille compagne de plus et il s'en moquait allègrement. Il battit lentement des paupières, désireux de capter l'attention de la demoiselle et d'obtenir une réponse intéressante, d'observer sur sa face crispée s'esquisser un tableau d'émotions. Le regard profondément sceptique qu'elle lui adressa eut tôt fait d'apporter un nouveau sourire amusé à son visage blafard. Cette jeune femme était intéressante. Son manque de franchise envers les autres ainsi qu'envers elle-même semblait prendre une envergure gargantuesque déjà, et il ne la connaissait que depuis quelques minutes. Elle disait blanc pour dire noir quand, du moins le pensait-il, elle songeait gris. Tout chez elle semblait être paradoxal, une opposition presque harmonieuse qui s'accordait par force plutôt que par subtilité. Cela s'accordait, en soi, assez bien avec l'aura cendrée qui l'entourait comme le plus parfait des halos, réveillant en lui une curiosité qui ne venait pas seulement de sa conscience. Sa mâchoire se crispa un instant, puis il passa une main dans ses cheveux ébènes et se redressa pour offrir son plus beau sourire à cette demoiselle.

Une personne intéressante, donc. Ashton lui tendit la main, avenant, sûr de lui, certain cependant qu'elle ne la saisirait pas. Rien ne lui coûtait d'essayer, après tout. De plus, les présentations s'imposaient.

« Ne vous en faites pas, je ne suis pas encore assez fou pour donner à manger aux morts. »

Un clin d'oeil complice saisit son visage et il sourit encore davantage, désireux sans doute d'effacer l'incroyable lassitude dont était marqué son corps.

« Je suis un ami d'Ewen. Mon nom est Ashton Lyn, mais vous pouvez m'appeler Ashton, ou Ash, c'est ce que tout le monde fait. »

Disant ceci, il pencha la tête sur le côté comme pour mieux capter les émotions qu'il suscitait auprès de son interlocutrice. C'était quelque chose qu'il faisait souvent et qu'il appréciait d'autant plus lorsque la dame en question était aussi palpitante que celle-ci. D'autant que celle-ci semblait plus réfractaire qu'ouverte à sa personne, un fait qui, loin de le repousser, l'attirait encore plus. Ashton adorait les défis, les adorerait à jamais sans doute. Il trouvait que cela rajoutait du piment à la vie, ce qu'il ne pouvait décemment refuser. Toutefois, cette jeune femme paraissait en constituer un à elle seule, et cela le fascinait. L'employée d'Ewen était décidément quelqu'un de très particulier. Louve, on ne pouvait cependant l'estimer sûre d'elle, une caractéristique qui était d'ordinaire commune, à divers degrés, à toute son espèce.

Sa curiosité grandissante l'animait plus à mesure qu'il observait son vis-à-vis, le saisissant aux tripes pour le pousser vers elle, elle et ses grands yeux verts, elle et sa moue boudeuse, elle et son ton incertain. Il se pencha sur elle, soudainement plus suave encore, pour lui souffler:

« Je suis enchanté. »

Enchanté, certainement, mais plus intrigué encore. Il lui offrit son plus beau sourire par désir de le voir reflété sur le fin visage que la demoiselle pointait sur lui, conscient cependant que les chances pour réaliser cela restaient minces. Quelques flammèches d'audace rendirent sa brillance à son regard noisette tandis qu'il continuait de tendre la main, nullement gêné de l'attitude qui lui répondait.

« Vous accepteriez de venir avec nous ? J'aimerais faire connaissance avec la nouvelle employée d'Ewen. »

La jeune femme pouvait refuser, bien entendu... à ses risques et périls.

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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeMar 14 Juil - 23:12

« Tout à fait. J'ai ramené le petit déjeuner ! »

Tala écarquilla les yeux. Elle avait dû mal entendre, pas vrai... ? C'était forcément ça, et le regard qu'elle lui lança trahissait l'extrême scepticisme dont elle était victime. Puis la jeune femme se rappela ce qu'Ewen lui avait expliqué sur le deuil : certaines personnes avaient des façons bien à elles de supporter la mort d'un proche et, dans de telles situations, il ne fallait absolument pas juger ces gens. Au contraire, il fallait les accompagner. Tala se mordit donc la lèvre inférieure, se maudissant du regard qu'elle avait précédemment adressé à son vis-à-vis. C'était indélicat, et pire encore, c'était le genre de choses qu'elle détestait. Alors qu'elle se souvenait d'un vieil adage que lui disait toujours son père lorsqu'elle faisait quelque chose de mal envers quelqu'un, elle adressa un air sincèrement navré au jeune homme. Puis elle reprit la parole dans le but de lui montrer qu'elle comprenait.

« O-oh, j-je... je vois. J'espère que la... personne à laquelle vous rendez visite appréciera l'attention... C'est quelle tombe, la sienne ? »

Elle essaya  de rendre sa dernière phrase enthousiaste mais ne put contenir le brusque mouvement de recul qui s'empara d'elle lorsqu'il lui tendit la main. Une fois encore, Tala déversa un flot d'insultes mentales contre elle-même, puis se ressaisît juste à temps pour entendre la phrase suivante de son interlocuteur.

« Ne vous en faites pas, je ne suis pas encore assez fou pour donner à manger aux morts.
- … Ah. »

Ahahahahah. Évidemment. Ééééévidemment. Il ne pouvait tout simplement pas être ce type un peu peiné par la mort de sa femme qui continue à venir la voir tous les jours, non. Il ne pouvait pas vouloir rendre visite à une parente décédée récemment pour poursuivre un vieux rituel matinal avec elle. Non, absolument pas, messieurs, dames. Tout cela aurait été bien trop simple. Il fallait au contraire qu'il s-...

« Je suis un ami d'Ewen. Mon nom est Ashton Lyn, mais vous pouvez m'appeler Ashton, ou Ash, c'est ce que tout le monde fait. »

… Il fallait qu'il soit un ami d'Ewen. Bien entendu. C'était tellement logique, après tout, qu'on vienne la trouver elle plutôt que son patron, justement pour voir celui-ci. Absolument. Pourquoi éviter de prendre un fou-rire quand on en avait l'occasion ? Et c'était encore plus drôle si c'était à ses dépends... Quelque chose au fond d'elle-même, une sorte d'instinct, sans doute, lui hurla que cet homme raconterait tout à Ewen. Alors Tala ne réfléchît pas une seconde lorsqu'elle lui offrit un regard totalement paniqué en réponse à son clin d'oeil.

« S'il vous plaît monsieur Lyn, n'en parlez pas à Ewen ! Je ne veux pas qu'il se moque... ! »

L'inquiétude s'empara tant et si bien de son cœur qu'elle en oublia même de lui fournir un nom. Ses yeux se plantèrent de nouveau dans ceux de son vis-à-vis et c'est d'un ton rempli d'excuses qu'elle rattrapa sa bourde. Décidément, aujourd'hui, elle était tout de même plus que douée.

« J-je m'appelle Tala Harcourt, monsieur Lyn, veuillez pardonner mon impolitesse. »

Ce ton, cette façon de parler, rien de tout cela ne lui ressemblait et, un instant, la louve eut l'envie de se mettre une baffe. Elle se retint bien heureusement, juste à temps pour sentir les yeux de l'homme en face d'elle scruter jusqu'à son âme, et c'est en rougissant qu'elle détourna expressément le regard. Décidément, elle n'était vraiment pas à l'aise avec qui que ce soit, et cet étrange jeune homme ne faisait pas exception à la règle. Lorsqu'il pencha la tête, sa réaction fut immédiate : Tala se crispa comme si Ewen l'avait frôlée et elle se mordit la lèvre en se traitant d'idiote.
Il. Avait. Juste. Penché. La. Tête. Il ne l'avait pas touchée, pas approchée, pas mordue, il avait simplement effectué un mouvement et n'en était pas mort jusqu'à preuve du contraire. Elle ne l'avait pas tué par sa seule présence. Ashton Lyn était en vie, et en bonne santé, et elle n'avait donc aucune raison de se crisper autant. Tala baissa donc la tête en direction de ses pieds, poussant un long soupir censé la soulager. Et effectivement, celui-ci fonctionna. Lorsqu'elle releva les yeux vers son vis-à-vis, il y eut bien une seconde durant laquelle elle se sentit pratiquement détendue. Une seconde avant qu'elle ne se rende compte de la proximité de ce dernier. Alors, Tala fit un bond en arrière et trébucha sur le sol de sa tombe.

« Je suis enchanté. »

Désormais assise par terre, elle put détailler l'étrange accoutrement de son interlocuteur et prit du temps avant de lui répondre. Sa tenue, déjà, sortait absolument de l'ordinaire et couvrait trop peu son corps pour que tout cela soit véritablement décent. Tala s'empourpra donc et détourna précipitamment le regard avant d'y revenir pour détailler les... tatouages ornant le cou et les bras du jeune homme. Si elle ne pouvait nier que le résultat allait plutôt bien à l'homme qu'elle avait face à elle, leur côté atypique la déstabilisait assez pour qu'elle ne pense pas immédiatement à se relever. Et enfin, il y avait ce qu'Ashton dégageait. C'était dangereusement attirant et la jeune femme fronça les sourcils, comme pour effacer l'idée qu'il puisse ne pas être humain. Impossible. Elle n'avait pas le droit de chercher à atténuer sa propre monstruosité en l'imposant inconsciemment à d'autres. C'était injuste, et de toute façon, il ne pouvait pas y avoir tant d'êtres surnaturels que ça. Culpabilisant à demi, Tala répondit au sourire d'Ashton par quelque chose de profondément triste et d'un peu hésitant qui ressemblait à peine à quelque chose de crédible.

« D-de même... »

Puis ses yeux revinrent à la main du jeune homme qu'elle se refusait toujours à saisir. Son sourire disparut, laissant place à une mine pensive, puis elle releva de nouveau la tête en direction d'Ashton, alors que celui-ci reprenait.

« Vous accepteriez de venir avec nous ? J'aimerais faire connaissance avec la nouvelle employée d'Ewen. »

Dans un mouvement presque automatique, Tala secoua la tête. Elle n'était pas à l'aise, avec les gens, et ne voulait de toute manière pas être là lorsque son vis-à-vis raconterait à Ewen sa méprise. Au contraire, justement. Elle voulait être loin, absorbée dans l'exercice de ses fonctions et oublier jusqu'à l'existence de cette mésaventure. Décidément, tout la ramenait au trou qu'elle devait achever pour, elle devait bien l'avouer, son plus grand bonheur. Elle se releva en rattrapant sa pelle et planta cette dernière dans le sol meuble dans l'intention manifeste de poursuivre son travail.

« Navrée, j'ai encore beaucoup de travail, comme vous pouvez le voir, et je n'ai pas non plus très faim... Cependant, je ne vous retiens pas, Ewen doit d'ailleurs vous attendre et je suis certaine qu'il s'ennuie de vous. J-... »

C'est à cet instant précis que son ventre se rebella et informa le monde entier de son désir de s'alimenter. Tala sursauta, s'empourpra, et baissa précipitamment le regard.
… Sale traître ! Il était censé être de son côté, non... ? Elle se racla donc la gorge, puis rectifia aussi vite que possible sa précédente affirmation.

« … Je suis au régime, en fait. C-c'est pour ça que j'ai prétendu n'avoir pas faim... »

Et, sans laisser le temps à son interlocuteur de la contrarier, Tala s'absorba de nouveau dans sa tâche, projetant une énième pelletée de terre sur le côté de son trou. Lorsque son ventre protesta une fois encore, elle l'ignora superbement. Peut-être qu'en faisant de même avec Ashton, ça finirait par lui donner l'envie de fuir... ?
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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeJeu 16 Juil - 22:30

Monsieur Lyn. Un éclat de rire franchit sa barrière de chair pour s'élever dans les airs, mélodie fatiguée de l'hilarité d'Ashton. Monsieur Lyn. Non, vraiment, c'était impossible. Le jeune homme acceptait tous les surnoms, toutes les appellations, du « Lyn ! » sévère qu'employaient trop souvent ses patrons au « Ashouille » affectueux qui sortait parfois de la bouche des enfants des bas quartiers, mais... Monsieur Lyn. Ridicule. Absurde. Il refusait qu'un tel mot s'échappe des lèvres de cette demoiselle, et de quiconque d'ailleurs. Monsieur Lyn...

« Je vous en prie, mademoiselle, pas de "monsieur" avec moi. Je semble sans doute étrange ainsi, mais il me sied plutôt que vous m'appeliez... comme vous voulez, en fait. Tout sauf "monsieur", vraiment. »

De surcroît, elle venait presque de le supplier de ne pas parler de sa misérable bourde – qu'il avait personnellement trouvé fort amusante – à 'Wen. Certain d'essuyer un nouveau refus de la part de la jeune femme, il lui offrit un sourire aimable qu'il ponctua d'un clin d’œil malicieux :

« Je ne dirai rien à 'Wen si vous cessez de m'appeler monsieur... Marché conclu ? »

Elle se présenta, sans l'écouter sans doute, l'appela de nouveau de la même manière, et s'excusa. Ashton la trouvait très sympathique, à vrai dire. Pas dans le sens avenant du terme, ça non, elle semblait même être tout le contraire, mais elle comportait ce petit côté drôle bien à ses dépends et il percevait cela avec une forme d’attendrissement jovial. Ça, et la jeune femme lui permettait de s'évader sans peine de son côté sombre.

« C'est oublié. »
, ajouta-t-il avec un sourire.

L'instant d'après, il devint évident que sa proposition de l'accompagner au déjeuner avait fait mouche de la pire des manières. La dénommée Tala, donc, s'embourbait dans ses propres mots et peinait à mettre en marche la mécanique de la langue pour lui offrir un refus convenable. Son excuse, au final, fut fort peu crédible et il haussa spontanément un sourcil sceptique. Qui croyait-elle donc tromper ? Pour une louve, cette demoiselle manquait de flair.

« Allons, made- »

Il fut interrompu par le grondement sourd de l'estomac de la belle, qui se plaisait audiblement à la contredire. Un éclat de rire fatigué s'échappa de la bouche du canidé tandis qu'il baissait les yeux de manière à dissimuler son hilarité. Ah, vraiment, quelle rencontre intéressante ! La pauvre Tala lui apparaissait désormais telle Pinocchio, prise dans ses propres mensonges, et le visage qu'elle affichait était la meilleure preuve de sa culpabilité. Ashton ignorait qu'il était possible d'apparaître contrarié de sa propre bêtise, mais c'était apparemment le cas. Il adressa un regard rayonnant à la jeune femme, un regard qui parvenait à rester pétillant au travers des cernes qui parcouraient son visage blême, qu'il accompagna d'un large sourire. Oh, vraiment, elle l'amusait. Cette liesse parvenait même à réchauffer son cœur glacé par le souvenir et cela lui faisait plus plaisir encore.

« … Je suis au régime, en fait. C-c'est pour ça que j'ai prétendu n'avoir pas faim... »

Cette fois-ci Ashton éclata franchement de rire. Son hilarité était certes loin de son niveau habituel, plus douce, plus faible que d'ordinaire, mais cela ne l'empêchait nullement de s'élever joyeusement dans les airs. Cette fille était tout bonnement hallucinante. S'il était au courant de la mode étrange de ladite "taille de guêpe", le canidé n'avait pas connaissance de son accomplissement par de tels extrême et il était de toute manière certain qu'elle mentait de nouveau. Une habitude chez la demoiselle, il semblerait. Il s'accroupit au bord du trou qu'elle creusait une fois calmé pour lui adresser une mine avenante.

« Bien, bien. Vous n'aurez qu'à manger quelques pâtisseries seulement, rien ne vous empêche de grignoter quelque chose sans perdre votre visée, n'est-ce pas ? »

Il pencha doucement la tête sur le côté, pénétrant le regard de Tala du sien, intense, puissant, doux aujourd'hui, et passa une main dans ses cheveux avec un sourire. Vraiment, croirait-elle qu'elle l'avait trompé ? Il ne savait trop qu'espérer: d'un côté il préférait amplement la franchise, de l'autre être spectateur de l'enfoncement de son interlocutrice était divinement amusant. Dans son dos, le jeune homme sentit la présence d'Ewen et son urgence lui revint: il devait inviter la demoiselle au petit déjeuner et, surtout, être certain qu'elle accepte. Il cligna des yeux et, offrant un large sourire à son vis-à-vis, reprit:

« J'aimerais vraiment que vous nous accompagniez ce matin, ce serait un plaisir. 'Wen étant votre patron et prenant une pause, vous n'avez pas besoin de vous préoccuper de le faire de votre côté et je suis certain qu'il sera ravi de s'attabler à vos côtés. S'il vous plaît ? »

Ashton joignit ses mains dans un geste si ironique qu'il l'adora et offrit un clin d’œil à la jeune femme, désireux de la convaincre plus encore du bienfondé de sa venue:

« Avez-vous déjà goûté à du gruau ? J'ai mal dormi cette nuit et si vous ne venez pas Ewen m'en fera manger... C'est une question de vie ou de mort, vraiment. Si vous vous montrez clémente je vous serai redevable. »

Et il ne plaisantait qu'à moitié. La mixture que son ami se plaisait à cuisiner sous le prétexte qu'il n'était pas en forme avait un goût infâme et il se sentait plus souvent mal que bien après en avoir ingurgité un bol. Si cela pouvait être une excuse convenable à la venue de Tala, il n'en serait que plus satisfait, d'autant qu'il pourrait plus aisément contourner le sujet. Ashton adorait sincèrement son frère de cœur, mais en ces jours il ne pouvait l'autoriser à lui jeter sa faiblesse au visage avec trop de douceur pour qu'il ne le repousse. Tout ce qu'il souhaitait pour le moment, c'était se distraire, regarder ailleurs et ignorer du mieux qu'il pouvait la présence sous-jacente du Monstre et d'Elle. Une boule de nervosité se noua dans sa gorge tandis qu'il caressait du doigt cette possibilité et il décida que non, non il ne voulait pas gérer cela de cette manière, ne voulait pas regarder ses sentiments en face tant qu'il ne serait pas éloigné d'eux. Cela ne lui amènerait rien de bon de toute manière.

Le canidé offrit son faciès le plus jovial à Tala tandis qu'il se relevait, tendant la main avec la certitude qu'elle ne serait pas saisie. Si la demoiselle acceptait, il lui en serait sincèrement reconnaissant, d'autant qu'il n'avait eu aucune peine à remarquer l'effort que cela lui demandait. Il se retourna, apercevant Ewen, et lui adressa un large signe de la main comme pour le convaincre que tout allait bien:

« J'arrive, 'Wen ! »

Puis, se tournant vers la jeune femme:

« Viendrez-vous ? »

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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeMar 21 Juil - 0:38

Les éclats de rire répétés du jeune homme la gênèrent plus qu'ils ne la détendirent, la faisant croire à un terrible jugement contre lequel elle ne pourrait jamais rien. La détestait-il déjà ? La trouvait-il pitoyable ? Idiote, peut-être ? Insensée, sûrement ? Pénible ? Avait-il compris à quel point elle lui mentait ? Et si oui, lui en tiendrait-il rigueur à jamais... ? Alors qu'elle avalait difficilement sa salive dans l'attente de sa pénitence, le jeune homme s'accroupît au bord de son trou, son refuge, produisant de nouveau chez elle un formidable mouvement de recul qui manqua de la faire chuter une fois encore. Heureusement, la paroi de terre opposée à son vis-à-vis la retint, et elle se serait laissée tomber s'il n'avait pas pris la parole à ce moment précis.
Bien. Donc, elle était carrément grillée. Le faux sourire qu'elle avait réussi à placarder sur son visage se crispa tandis qu'Ashton pénétrait son regard sans aucune gêne, comme si le contact avec autrui était pour lui quelque chose de terriblement aisé et surtout, de naturel. Ça n'était absolument pas son cas, c'était à vrai dire plutôt tout l'inverse et Tala savait qu'en le laissant lire dans ses yeux, c'était tous les aveux du monde qu'elle lui offrait. Pourtant, elle ne détourna pas la tête, comme paralysée par le magnétisme de ce regard-là. Pire encore, lorsqu'elle rouvrit la bouche, ce fut pour se justifier.

« J-je ne suis pas vraiment au régime, m-mais je n'ai pas vraiment envie de venir et-... »

Mais son interlocuteur la coupa en plein dans sa lancée, insistant absolument pour qu'elle vienne. Et chacun des mots qu'il prononça fit mouche dans l'esprit de la jeune femme. Un plaisir. Pas de préoccupation vis-à-vis de son potentiel retard. Ewen ravi de partager son repas avec elle. Toutes ces choses lui donnèrent très envie de quitter son trou, mais pourtant, elle n'en sortit absolument pas. Et s'il ne tenait pas sa promesse ? Et s'il racontait tout à Ewen ? Et si celui-ci la jugeait à son tour ? Non, décidément, c'était une mauvaise idée, elle ne pouvait tout simplement pas accept-...

« Avez-vous déjà goûté à du gruau ? »

La mine dégoûtée qu'elle adressa à son vis-à-vis parla pour elle. Oui, hélas. Ewen l'avait trouvée un peu pâlotte le lendemain de son arrivée et... lui avait servi l'immondice pour « la requinquer. » Ahah. La blague. Elle s'était sentie encore plus mal après ça. Ce fut grâce à cette simple phrase que son regard changea, sur Ashton. Il s'y trouva bientôt une touche de profonde compassion face à la terrible épreuve qu'Ewen menaçait de lui faire subir. La simple vision mentale du gruau lui arracha un haut-le-cœur, la décidant définitivement dans ce qu'elle devrait faire.

«  ...En sachant ça, je ne peux décemment pas vous laisser retourner seul aux côtés d'Ewen, mons-... Ahem. J-je disais donc que j'acceptais de vous accompagner. »

Ses yeux se fixèrent ensuite sur le rebord du trou, désormais trop haut pour qu'elle puisse s'y hisser simplement, puis sur la main toujours tendue du jeune homme. Si elle la prenait, cette main, ce serait beaucoup plus simple pour remonter, il avait l'air plutôt costaud et elle-même ne pesait pas très lourd -ce qui rendait d'autant plus idiot son mensonge précédent. Mais si elle la prenait, cela signifiait qu'elle prenait également un énorme risque. La dernière fois qu'elle avait accepté d'être touchée, ça avait été par Louis et-... Elle baissa la tête. Cette simple pensée la détruisait plus encore que tout le reste. Et il en était mort.
Mais ce type n'était pas Louis, il ne l'avait jamais été et ne le serait jamais. En plus, c'était le matin, et la pleine lune n'arriverait pas avant une vingtaine de jours. Il n'y avait, apparemment, aucun risque, et c'est cette vérité qui lui fit tendre le bras pour s'emparer de la main tendue qu'on lui offrait. Cependant, lorsqu'elle la frôla, l'image de l'homme se superposa une seconde avec celle de Louis et la fit reculer comme si elle s'était absolument brûlée à son contact. Le regard terrorisé qu'elle lui offrit alors dût lui sembler incompréhensible et la jeune femme se maudît de n'avoir plus le refréner. Alors qu'elle reprenait le souffle qui était venu à lui manquer, la voix de son patron retentît, juste. Derrière. Ashton.

« Ashton, Tala, qu'est-ce que vous faîtes ? »

Puis les yeux d'Ewen tombèrent sur le visage de Tala. Soudain, ses traits se firent à la fois plus sévères et plus inquiets.

« Ashton, est-ce que tu as touché Tala ? »

Le ton que le fossoyeur employa se voulait extrêmement sévère, de ce ton qu'utilisent parfois les pères pour réprimander un enfant désobéissant qui aurait fait une énorme bêtise. Tala sursauta, lança un long regard désolé à Ashton en retrouvant ses esprits, puis secoua frénétiquement la tête, afin d'attirer l'attention d'Ewen. Celui-ci tourna les yeux vers elle et leva un sourcil interrogateur. Il n'en fallut pas plus pour que la jeune femme s'exprime enfin.

« I-il n'a rien fait Ewen, c'est ma faute, j-je, j'ai paniqué toute seule, pardon, j-...
- Eh, Tala, ce n'est rien, personne ne t'en veut... pas vrai Ash ? »

Sa voix était soudain devenue douce, et le regard qu'il offrit à Ashton sous-entendait qu'il lui expliquerait plus tard. Pas maintenant. Pas ici. Il reprit donc.

« Bon, maintenant que tout ça est réglé, vous venez manger ? Je meurs de faim ! »

En guise de réponse, le ventre de Tala quémanda son dû. Lui, il se moquait bien des scrupules de sa propriétaire. Il avait sauté un repas et entendait bien réparer cette grave erreur, non mais ! Et avec ou sans le consentement de la demoiselle. Heureusement pour lui, elle semblait avoir retrouvé la voie de la raison et, une fois qu'il l'eût aidée à se hisser hors de l'horrible trou où elle avait cru bon de s'enfermer, c'est sans résister qu'elle suivit son patron et l'ami de celui-ci. Ils arrivèrent bientôt au devant du caveau principal où se trouvaient les deux sachets de pâtisseries et l'estomac se sentit fort satisfait. Il gronda une dernière fois tout de même, histoire d'informer le monde entier en même temps que sa détentrice qu'il ne la laisserait pas faire de régime. Non mais oh ! Lui, il avait faim ! Le dénommé Ewen éclata de rire, ce qui eut pour effet de ravir l'estomac. Alors, seulement, il se calma.

« Et bah, Tala, tu meurs visiblement toi aussi de faim ! C'est pour ça que tu es un peu pâlotte, certains jours ? »

Tala releva la tête, planta ses iris de jade dans ceux de son vis-à-vis. Elle n'hésita qu'une seconde avant de répondre par l'affirmative.

« Euh... Oui oui, m-mais c'est parce que je ne prends jamais le temps de le faire... M-mais je me rattrape à midi, en général ! »

Ahahaha. Cette explication sembla déplaire à Ewen qui fronça bientôt les sourcils.

« … Tala, si tu ne manges pas le matin, je te préparerai du gruau tous les jours, sans excepti-
- NOOOOON ! J-je mangerai, c'est promis. »

Finalement, elle ne savait pas si elle avait bien fait de mentir et de nier la réalité jusque dans sa propre tête. Ce qui la troublait au point de lui donner des cernes le matin, ce n'était pas la sous-alimentation qu'on lui présumait désormais, non. Ce qui la terrifiait jusqu'en plein jour, c'était ces cauchemars récurrents qu'elle faisait pratiquement toutes les nuits. Elle avala sa salive sous le regard bienveillant de son ami, et celui-ci tourna la tête vers Ashton. Alors qu'il allait parler, elle prit la parole en premier lieu. Elle avait échappé au gruau, il n'était pas question qu'elle laisse son voisin de table subir pareil châtiment.

« Euhm, vous ne m'aviez pas dit que vous aviez des choses à faire, bientôt, et que c'est pour ça que vous aviez ramené un petit déjeuner déjà tout prêt... ? »

Elle esquissa un quart de sourire en direction du concerné, alors qu'Ewen se tournait également vers lui.

« C'est vrai Ash ?! Raaah, désolé, j'oublie toujours que tu passes juste avant d'aller travailler et que je ne peux pas te garder de force pendant que je te prépare un gruau... Il faudrait que tu passes, certains soirs, quand tu es fatigué. Je m'occuperai de toi et tu pourrais même dormir à la maison... ! D'accord ? »

Tala secoua furieusement les deux bras pour le prévenir du piège et afficha un air profondément innocent lorsqu'Ewen tourna les yeux vers elle.

« Qu'est-ce que tu en penses, Tala ? La dernière fois, le lit de la chambre d'invités était confortable, non ?
- Oui oui, j'ai vraiment bien dormi... et merci encore pour la baignoire...
- Pas de quoi ! Tu repasses quand tu veux et tu le sais. »

La concernée lança un regard fuyant en direction du sol et hocha timidement la tête. Ewen insista.

« Tu n'as pas à être gênée, Tala, arrête donc de croire que tu n'es pas la bienvenue, car ce n'est absolument pas le cas... Tiens, pourquoi ne viendrais-tu pas manger, ce soir, en même temps qu'Ashton ? »

Tala releva les yeux vers l'ami d'Ewen, plongea dans les iris si envoûtants de ce dernier, hésita longuement, puis secoua la tête.

« J-je ne vais pas te déranger lorsque tu es avec ton ami, Ewen... Et puis il ne me connaît pas, il a peut être des choses très personnelles à te raconter et-...
- Ash ne me racontera rien de toute façon. C'est une vraie bourrique ! Pas vrai ? »

Il adressa un sourire au concerné, puis poursuivit.

« Et puis Ashton est un garçon sociable, ta présence ne le dérangera pas ! Et entre nous, Tala, ça te fera du bien. »

La dénommée Tala poussa un soupir à fendre l'âme, puis hocha doucement la tête.

« … Bon, c'est d'accord. »

Alors, le repas commença. Lorsqu'elle croqua dans un croissant, son estomac satisfait remercia tous les dieux du monde que ce type soit venu la sortir de son trou. Oui, décidément, cet Ashton devait être une sorte d'ange gardien des estomacs. Il ne pouvait pas se tromper plus que cela.
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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeDim 2 Aoû - 23:30

L'aura grise de Tala dansait autour de son corps avec une torpeur mélancolique indigne d'une jeune femme de son âge. Elle tanguait lascivement, s'évaporait à peine de la peau légèrement hâlée, comme animée d'une fatigue millénaire. Cela le fit penser à Élise, qui était si proche de cette même sagesse et pourtant si éloignée de cette farouche lenteur. Les âmes de ses deux jeunes femmes étaient différentes, ce qui s'entendait aisément à l'exception près qu'elles étaient comme... inversées. Oui, c'était le mot. La plus juvénile portait en elle le poids d'années qu'elle n'avait pas vécues tandis que la muse, la divine, l'éternelle se complaisait dans la vivacité de son esprit, dans sa capacité à faire du monde qui l'entourait celui d'un enfant.

À vrai dire, l'aura de Tala l'inquiétait presque. Plus qu'une exception, il s'agissait là d'une anomalie qu'il ne s'expliquait pas. La qualifier de grise était même un peu trop optimiste, tant elle était indéfinissable, simplement floue. L'âme de la jeune femme était comme en suspend et cela ne lui plaisait que moyennement. Et son comportement ne faisait qu'appuyer ce qu'il constatait : craintive du moindre geste, elle semblait décidée à éviter tout contact, fut-il physique ou verbal. Le simple fait de croiser son regard paraissait prendre un sens qu'il ne comprenait pas.

Ne pas apprécier la proximité d'autrui était quelque chose qu'il avait appris à entendre. C'était simplement un état d'âme, un trait de caractère comme un autre. Pour la jeune fossoyeuse toutefois, cela prenait une toute autre envergure et un instant le voile des souvenirs plana sur l'esprit d'Ashton pour y semer les graines de l'inquiétude. Il se ravisa cependant vite. Pour le moment il n'en savait rien, n'avait pas l'intention de creuser plus que nécessaire le sujet tant qu'il ne la connaîtrait pas elle-même plus encore, et se préoccupait davantage de leur faire passer une bonne matinée à tous les deux. Quelque chose qui, fort heureusement, semblait également animer sa compagne. Lorsque celle-ci accepta son marché, il laissa un large sourire animer ses traits, le regard pétillant et chaleureux, espérant sans doute qu'ainsi son soudain rapprochement paraîtrait plus normal, moins offensif.

Le prodigieux mouvement de recul qu'esquissa la demoiselle, toutefois, ne laissait planer aucun doute sur son échec. La mine réjouie du jeune homme se ternit et il afficha un air désolé, conscient d'avoir sans doute dépassé des limites qu'il ne comprenait pas encore. Ashton voulait se changer les idées, oui, c'était indéniable, mais il ne désirait pas le faire au dépend d'autrui et peut-être que son jeu auprès de Tala avait été mal perçu. Un instant, la culpabilité saisit le cœur du canidé et le serra dans un étau glacial, laissant le voile sombre de la veilla planer sur son esprit. Une ombre passa sur son visage, marqua un peu plus ses traits fatigués, ombra plus encore ses cernes puis, aussi vite qu'elle était apparue, s'évapora. Il afficha bientôt un fin sourire et commençait à s'excuser de son comportement quand il fut interrompu par Ewen. Ewen qui portait dans sa voix un ton défensif et sévère. Ewen qui le portait visiblement coupable de la réaction de Tala, ce qui était le cas, indéniablement.

L'ombre passa de nouveau et, cette fois-ci, eut plus de mal à s'arracher de lui.

« Eh, Tala, ce n'est rien, personne ne t'en veut... pas vrai Ash ? »

Ashton cligna des yeux et, de nouveau, força un sourire sur son visage. Sa bonne humeur s'était tarie comme une source d'eau en plein désert et il n'espérait qu'une chose : y apporter une pluie salvatrice. Petit à petit, par un soin minutieux, il afficha sur sa face un air radieux et chaleureux. C'était une affaire de quelques détails, même pas un mensonge en soi lorsqu'il prenait en compte le visage dépité de Tala. Il voulait la soulager. Il voulait sourire. Et puis tout allait bien.
Oui, tout allait bien.

« En effet, tout va pour le mieux mademoiselle. D'autant que vous m'avez accordé un petit déjeuner en votre compagnie qui, sans vouloir t'offenser Ewen, sera bien plus délicate que celle que j'ai habituellement. »

Le ton, jovial. Et petit à petit tout rentra dans l'ordre. L'échange entre son frère de cœur et sa nouvelle rencontre fit s'épanouir une mine attendrie sur son faciès et il battit un instant en retrait pour leur laisser le loisir de discuter. Visiblement, elle aussi devait subir le côté sur-protecteur du jeune fossoyeur, un point commun sur lequel ils s'entendraient sans doute tous deux. La mention du gruau, toutefois, eut tôt fait de faire mourir toute joie dans son expression et, lorsque Tala eut l'excellente idée d'interrompre leur ami commun, il lui adressa un regard éperdument reconnaissant. Dans le dos d'Ewen, il tira son pouce vers le haut ainsi lui sourit radieusement.

« C'est vrai Ash ?! Raaah, désolé, j'oublie toujours que tu passes juste avant d'aller travailler et que je ne peux pas te garder de force pendant que je te prépare un gruau... Il faudrait que tu passes, certains soirs, quand tu es fatigué. Je m'occuperai de toi et tu pourrais même dormir à la maison... ! D'accord ? »

Damn. Les yeux du canidés pétillèrent de malice, en totale opposition avec la soudaine nervosité qui l'agitait. Il éclata d'un rire joyeux et posa une main amicale sur l'épaule du fossoyeur, sincèrement amusé cette fois :

« Ewen, si tu veux que j'évite ta maison à tout jamais c'est exactement ce que tu dois me dire. »

Mais son interlocuteur était aussi têtu qu'une mule. Non, en fait, il était pire. Car sans même écouter la réponse qu'il avait à lui offrir, le concerné se tourna vers Tala et lui proposa la même chose qu'à lui-même. La jeune femme hésita, et offrit une excuse aussi crédible que la précédente.Une hésitation dans laquelle ne tarderait pas à s'engouffrer Ewen, s'il le laissait faire. Alors une fois de plus, dans son dos, Ashton fit signe à sa complice de dire non, non.

En vain.
Un grognement de dépit, faussement triste cette fois-ci, s'échappa de ses lèvres et il fit mine de s'affaler sur la table :

« Talaaaa, argumenta-t-il, pourquoi tant de haine ? Je venais de m'épargner un gruau ! »

Croisant le regard de son protecteur auto-proclamé, il éclata de rire et croisa ses chevilles sous la table. Il adressa un petit clin d'oeil à son interlocutrice, cherchant à lui signifier là que tout allait bien, puis se concentra sur le repas. Son long bras se tendit lâchement vers le premier sachet, dont il tira deux croissants. Un instant, son esprit se laissa aller au soulagement. Ainsi, en compagnie d'une personne supplémentaire, il pouvait camoufler, il pouvait dissimuler, faire passer son manque d’appétit comme un simple désir de partage. Son sourire s'agrandit et il croqua avec délice dans sa pâtisserie. Appréciant tout de même le goût beurré de son met, il se posa dans le bord de sa chaise et offrit une mine malicieuse à ses deux interlocuteurs :

« Alors... Parlez-moi de votre rencontre ! »

Ses croissants rapidement avalés, il noua ses doigts derrière sa nuque, les occupants sur le bas de ses cheveux ébènes plutôt qu'avec de la nourriture. Attentivement, il écouta la réponse qui ne tarderait pas à lui parvenir à l'oreille. Il s'agissait après tout là d'une question véritable, d'une interrogation sincère qu'il se posait depuis sa rencontre avec la louve. Et puis le désir, le profond désir de détourner les pensées de son propre état, toujours l'animait, toujours avec vigueur. Il éprouvait une envie, non, il éprouvait un besoin presque viscéral de rétablir en son cœur une humeur joviale. Pour cela, il avait besoin d'eux. Il avait besoin d'elle.
Et bien contre son gré, la jeune femme lui semblait toute acquise dans cet objectif. Il lui offrit un regard brillant qui trahissait son envie de jeu, de joie, de vie. Un regard qui, une fois de plus, une fois de trop peut-être, s'afficha sur son visage comme l'ultime séduction, le charme dans son essence la plus pure. Sa sulfureuse existence ne laissait pas même l'angoisse de la veille ternir son tableau langoureux. Et son sourire ne faisait là office que d'une inutile fioriture :

« Oh et pitié, offrez-moi des détails, je suis gourmand ! »

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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeMer 16 Sep - 22:33

Il venait d'affirmer ouvertement son mécontentement, et elle y était liée. Ashton ne voulait pas qu'elle vienne ce soir, et ne l'avait certainement jamais voulu. C'était sa faute, bien évidemment. Le temps d'un instant, elle avait oublié qui elle était, ce qu'elle était. Elle avait oublié qu'elle n'avait pas le droit à ce genre de moments, jamais, et que de toute manière, elle n'était pas faite pour ce genre de choses. Elle, elle était faite pour rester seule, se terrer au fond de sa monstruosité et pour éviter absolument de se lier aux autres. Voulait-elle vraiment qu'ils finissent tous comme Louis... ? Non. Bien sûr que non. Alors afin d'éviter ça, il était nécessaire qu'elle se souvienne où était sa place. En fait, elle se devait même d'être reconnaissante envers Ashton. Car grâce à lui, elle avait retrouve le monstre qu'elle était ét s'était rappelée qu'elle ne méritait rien d'autre que la mort. Ou la souffrance la plus absolue. Une brève seconde, un voile de peine passa dans son regard puis disparut aussi brusquement qu'il était arrivé. Ça non plus, elle n'en avait pas le droit. Un monstre n'avait pas le droit d'être triste. Un monstre devait accepter sa douleur avec la certitude inébranlable qu'il la méritait.

« Mais arrête, Ashton ! Le gruau est bon pour ta santé ! Si tu ne faisais pas l'enfant tu le mangerais sans aucun problème. »

La voix chantante et bienveillante de son patron la sortit de ses ténèbres, et ce n'est qu'à cet instant précis qu'elle osa enfin relever les yeux. Alors qu'elle surprenait le clin d'oeil qu'Ashton lui adressait -comme pour la déculpabiliser du crime qu'elle venait de commettre- Tala adopta bien vite une expression neutre qui ne laisserait passer aucune émotion. Il ne fallait pas qu'en plus les deux hommes se sentent obligés de lui remonter le moral, pour la simple et bonne raison qu'elle ne le méritait absolument pas. Son croissant toujours en main, elle se résolut à garder le silence alors qu'encore une fois, Ewen insistait sur les bienfaits du gruau.

« … Et ça te donnerait des forces, Ashton, si seulement tu voulais bien te donner la peine de manger ce gruau. Mais non, monsieur fait le difficile et se refuse même à y goûter ne serait-ce qu'une nouvelle fois. Il reste sur un premier avis biaisé : j'avais oublié la moitié de l'huile de foie de morue ! »

L'espace d'un instant, Tala afficha une mine absolument dégoûtée au souvenir de l'huile de foie de morue. Plus jamais. Plus jamais ça. C'était d'ailleurs un souvenir qu'elle préférait oublier.

« Tu sais Ash', la première fois que j'ai servi du gruau à Tala, elle l'a mangé en entier, elle. Et sans rechigner. »

La mine dégoûtée de la jeune femme se renforça. La vérité, c'est qu'elle ne s'était pas permise de refuser le plat, croyant qu'il s'agissait là du meilleur plat dont son patron était capable. Mais maintenant qu'elle savait qu'Ewen était plutôt doué en cuisine, elle s'arrangeait pour ne jamais nécessiter le bol de gruau que le jeune homme semblait toujours avoir sous la main. Et jusque là... elle s'en tirait plutôt bien.

« Pas vrai Tala ?! »

Celle-ci sursauta, puis hocha vigoureusement la tête, sans vraiment savoir à quoi elle donnait son aval. Ewen afficha bien vite un air triomphant alors que la jeune femme reprenait son sourire de façade.

« Ahhh ! MERCI Tala. Bien, donc ce soir, vous aurez chacun votre bol de gruau. Et toi, Ash, tu ne peux décemment pas laisser la PAUVRE Tala manger son bol seule. Ça ne serait pas correct. »

Tala manqua s'étouffer avec son croissant en découvrant avec horreur ce pour quoi elle venait d'acquiescer. Oh non... Mais pourquoi n'avait-elle pas été plus attentive ?! Et maintenant, cette fois c'était certain, Ashton allait tout bonnement la haïr. Déjà qu'il ne voulait pas la voir ce soir... D'ailleurs...

« J-... »

Alors qu'elle ouvrait la bouche pour expliquer qu'elle avait finalement un tas de choses à faire ce soir et qu'ils n'avaient qu'à se voir que tous les deux, Ashton la coupa net. Il avait apparemment décidé de savoir comment Tala et Ewen s'étaient rencontrés. Quelque part au fond d'elle-même, quelqu'un ou quelque chose lui hurla qu'il ne devait pas savoir, au risque de le voir comprendre plus de choses que ce qu'elle voulait qu'il sache. Aussi, lorsqu'Ewen commença, Tala l'écouta attentivement, prête à prendre la parole à sa place à tout moment.

« Des détails, Ash ? Mais ça n'est pas juste ! Tu ne m'en donnes jamais, à moi, des détails ! »

Ewen poussa un soupir absolument théâtral avant de secouer la tête. Lorsqu'il demandait quelque chose à Ashton, en général, il repartait avec plus de questions qu'il n'en avait en tête au départ. Toutefois, le patron de Tala n'était pas de ces gens méfiants qui refusent les détails de leur vie aux gens qui les entourent. Il poursuivit donc.

« Je crois bien que c'était un mardi matin. Il devait être... huit ou neuf heures, et j'enterrais une vieille dame. Tu sais bien comment je fais, parfois, je leur... parle... Sans attendre de réponse, hein ! Mais... voilà. Ce jour-là, j'étais en train de dire à cette mamie comme sa tombe serait belle et soudain, j'ai eu l'impression qu'elle me répondait ! Tu n'imagines pas le sursaut qui m'a traversé à ce moment ! Je me suis retourné et c'est là que j'ai vu cette fille, à l'air aussi perdu qu'un agneau qu'on aurait pris à sa mère avant qu'il ne soit sevré. D'ailleurs, j'ai d'abord cru qu'elle avait perdu un proche, mais non. Pas vrai Tala ? »

La jeune femme, ne s'étant visiblement pas attendue à se faire interpeller de la sorte, sursauta et se déconcentra tout en hochant la tête. Cette histoire lui rappelait furieusement celle qui, ce matin, s'était produite avec l'ami d'Ewen. Il ne lui restait plus qu'à prier pour qu'Ashton ait oublié ce menu détail. Tandis qu'elle reprenait son air impassible, Ewen continua son récit.

« En fait, je n'ai jamais su d'où lui venait vraiment cet air désesp-...
- Oui, bon, ça n'est pas vraiment intéressant, ça... ! Tout ce qu'il y a à savoir, c'est qu'Ewen m'a donné la chance dont j'avais besoin. Sans lui, je ne sais pas ce que je serai devenue, en vérité. »

Oh si. Justement, elle ne le savait que trop bien. Le schéma, encore une fois, se serait reproduit à l'identique. La peur, la faim, la pleine lune e-et... Non. Prononcer ces mots, même les penser, n'était pas une bonne idée. Elle devait songer à autre chose. Autre chose. Autre chose... Oui, voilà, comme ça. Elle devait absolument changer de sujet, pour oublier. Car l'oubli, toujours était la clé de tout, la clé de son repos. Elle aurait bien le temps de se souvenir ce soir et de s'en vouloir. Mais pour l'instant, il était complètement nécessaire qu'elle donne le change. Son visage, qui s'était crispé à l'idée même de la m-... chose qui lui était venue à l'esprit, retrouva des accents plus paisibles. Personne ne devait savoir. Personne ne devait même avoir ne serait-ce qu'un soupçon de compréhension. C'était trop dangereux. Et puis, surtout, elle ne le méritait pas. Ewen sembla surpris par sa réticence à s'exprimer, mais l'accepta visiblement, un brin partagé.

« … Je peux au moins dire que tu m'as souri, ce jour-là... ? »

Tala, de nouveau, sursauta, puis s'empourpra.

« C-ce n'était rien de si exceptionnel, Ewen... »

Murmura-t-elle d'une voix rendue hésitante par son trouble. Son regard tomba sur Ashton, provoquant chez elle un énième sursaut. Elle observa donc son croissant, dont elle n'avait jamais prélevé que deux bouchées. Ce fut cet instant que choisit son estomac pour se rappeler à son bon souvenir. Ses joues devinrent plus rouges encore et la jeune femme fronça les sourcils d'un air mécontent. Se raclant la gorge, elle chercha à attirer l'attention sur tout autre chose.

« E-et sinon, Ashton, v-...
- Tu ne manges pas, Tala ? »

… Trop tard. Dans un recoin de son esprit, elle imagina un estomac se frottant les... mains, elle supposait. Le maudissant, elle adressa l'un de ses faux sourires au fossoyeur.

« Oh, si, si, ne t'en fais pas ! Je fais simplement une... pause. »

Un mensonge raté et un regard désapprobateur d'Ewen plus tard, Tala revenait sur sa diversion.

« Vous serez sans doute ravi de m'expliquer comment vous avez connu Ewen, non ? »

Fière de sa diversion, Tala s'installa plus confortablement, priant désormais pour que l'attention de tout le monde se porte sur autre chose qu'elle ou son croissant. Et un souvenir d'heureuse rencontre était certainement l'occasion idéale d'exaucer ses prières.
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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeSam 19 Sep - 0:05

« Mais arrête, Ashton ! Le gruau est bon pour ta santé ! Si tu ne faisais pas l'enfant tu le mangerais sans aucun problème. »

Ash eut volontiers opposé à la théorie de son ami que non, le gruau était en fait plutôt néfaste pour son système digestif, qui prenait généralement mal l'arrivée de l'ignoble plat en son sein, et qu'il pouvait tout juste faire l'enfant sans avoir jamais connu d'enfance à proprement parler. Annoncer cela, toutefois, risquait de sous-entendre les mauvaises choses et de refroidir considérablement l'ambiance, chose qu'il ne souhaitait pas le moins du monde. À défaut de répondre ainsi, il croisa donc les bras et haussa un sourcil sceptique, laissant son frère de cœur parler. Il demeura coi durant tout le discours du fossoyeur, tandis que celui-ci listait les qualités innombrables et inexistantes de son plat traditionnel. Le canidé, lui, n'était pas tout à fait d'accord. Son opposition formelle ne se révéla sur son visage que lorsqu'Ewen aborda le sujet ô combien délicat de l'huile de foie de morue. C'en fut trop.

« Je t'en prie, 'Wen, supprime cet ingrédient de tes placards à tout jamais. »

Une moue dégoûtée, rarissime, se dessina sur ses traits. Les nombreux souvenirs traumatiques que le jeune homme assimilait à cet aliment provoquaient en lui une série de réactions qu'il n'appréciait guère. À la seule pensée que cette ignominie puisse se retrouver contre ses papilles gustatives, il sentait le goût abominable de la substance, comme glissant dans sa gorge, et son estomac se révoltait. Il eut presque un haut-le-cœur.
La première fois qu'il avait avalé cette horreur – car ladite matière n'eut su porter d'autre nom – il était encore tout jeune matelot. Une vilaine crise, un soir d'orage et une nuit de cauchemars l'avaient alors mené à un lendemain pour le moins difficile qui n'avait été qu'empiré par la dégustation forcée d'une bonne cuillerée d'huile de foie de morue. Naïf qu'il avait été. Ses compagnons de voyages avaient été d'ignobles manipulateurs, vantant les mérites du produit malgré son odeur pestilentielle. La seule chose qu'Ashton avait gagné ce jour là était le droit de vomir ses tripes dans l'océan, et une seconde nuit d'Enfer avec d'incroyables aigreurs d'estomac. Les humains n'avaient pas de goût, parfois, et très peu de jugeote. S'il trouvait l'inventeur de cet aliment il lui en ferait manger jusqu'à ce que mort s'en suive.
Il s'apprêtait d'ailleurs à faire part, face à tous, de son indubitable expérience en matière d'huile de foie de morue. C'est alors que le drame survint. Tala venait inconsciemment de sceller leur destin. Ewen se tourna vers lui, un sourire satisfait au visage, mais déjà le canidé secouait la tête :

« Non. Non, non et non. Ce soir je veux bien manger chez toi mais c'est moi qui fait la cuisine. Je ne te laisserai pas assassiner cette pauvre demoiselle ainsi sous prétexte qu'elle est polie. Je ferai de la... paella ! Vous aimez la paella ? »

Il afficha un large sourire, nullement terni par la pâleur de ses joues, et défia son ami du regard. Il était de toute manière hors de question qu'il ingurgite un gruau de plus. Puisqu'il se trouvait partenaire de martyr avec Tala, mieux lui valait les épargner tous deux. Il adressa un regard pétillant de malice à la jeune femme, désireux de découvrir sa réaction face à l'idée d'un plat bien plus goûteux que celui prévu. Il n'eut cependant pas le temps de déduire beaucoup de choses, étant donné qu'Ewen continuait dans sa lancée.

La rencontre de ses deux interlocuteurs était intéressante. D'une part dans le sens où elle semblait tout droit tirée d'un roman, d'autre part parce que... Son sourire se fit diablement amusé. Il fixa Tala d'un regard profondément joueur. Car finalement, cette anecdote n'était pas si éloignée de celle qu'il venait de vivre avec elle. Un léger éclat de rire lui échappa, suivi d'un second. Sa poitrine, soudain, était plus légère, plus ouverte. Il respirait mieux. Battant lestement des paupières, il déposa son menton dans sa main pour observer son interlocutrice. La demoiselle semblait hésiter sur un croissant, qu'elle tenait entre ses doigts sans le manger, comme débattant avec elle-même. La voyant ainsi, il n'avait aucun mal à imaginer la version des faits d'Ewen. Cette gamine avait un sérieux problème. Il ne savait ni de quoi il s'agissait, ni d'où il venait, mais cette certitude était immuable. Une pointe d'inquiétude s'immisça dans son cœur, une inquiétude protectrice qui ne devrait jamais s'effacer. Il lui tendit un pain au chocolat :

« En voudrez-vous ? J'aimerais ne pas avoir à repartir chargé, comprenez-vous... »

Ashton n'avait plus faim, ne mangerait plus, sans doute plus de la journée, pas avant le soir du moins. Et encore, son estomac tiquait sur la seule idée de déguster une paella. Si Tala mangeait, ils auraient tous deux un soucis de moins sur leur conscience. À vrai dire le garçon peinait à comprendre l'attitude de la louve. Pourquoi refuser de se nourrir ? C'était bien connu : un membre de son espèce affamé était dangereux, meurtrier. Pourquoi choisir cette voie si compliquée, si risquée surtout ? Il se sentait obligé de lui donner ses provisions, une partie tout du moins, ne serait-ce que pour être habité de la certitude que la jeune femme subvenait à ses besoins. Lui qui de sa vie n'avait jamais été confronté au rapport entre la faim et sa bête intérieure, qui n'avait jamais eu le choix de se nourrir ou de tuer,  il ne concevait pas de passer à côté d'une telle chance. Et pourtant c'était précisément ce que Tala faisait. Dans ces instants où le Chien était si proche de sa surface, la question était d'autant plus douloureuse. Pourquoi ?

« Vous serez sans doute ravi de m'expliquer comment vous avez connu Ewen, non ? »

Le changement de sujet n'était pas des plus subtils, mais il accepta. La fixer ne donnerait pas envie à la demoiselle de manger de toute manière. Le thème ici abordé, de plus, faisait chaud au cœur du jeune homme. Un sourire suave prit possession de ses lèvres tandis qu'il se penchait sur sa chaise, l'air faussement penseur.

« Hm... C'est en fait une rencontre banale à souhait. J'habitais à Paris depuis quelques mois, et j'allais au travail lorsque j'ai décidé de changer de route, de découvrir un peu la ville Lumières... Comme vous vous en doutez je suis passé près du cimetière et, voyant Ewen, je l'ai salué. »

Il éclata de rire :

« Pouvez-vous le croire ? Le pauvre n'en est pas revenu ! Mon charme n'a de cesse de faire des miracles... »

La fin de la phrase, presque murmurée, sensuellement fredonnée du bout des lèvres. Il n'en dirait pas plus. Ce n'était pas qu'il désirait cacher la suite de l'histoire, seulement qu'il laissait de la place au récit de son ami, et qu'il ne sentait pas le besoin d'épiloguer sur le sujet. Ash, en ces jours-ci, ne voulait pas prendre du temps pour lui. Ce qui le concernait le désintéressait absolument.

Croisant les jambes, il se pencha sur la table, sur laquelle il s'accouda. Ses cheveux d'encre projetèrent des ombres fantomatiques sur sa peau blafarde tandis qu'il réfléchissait. Un sourire malicieux se glissa bientôt sur ses lèvres et il s'avança vers Tala sur un ton de confidence :

« Ewen est quelqu'un d'incroyablement timide, mais il ne l'assume pas... »

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Face à elle, un pain au chocolat qu'on lui tendait aimablement. Face à elle, la main d'un homme qui ne se doutait de rien. Elle ne pouvait vraisemblablement pas lui avouer qu'elle n'avait pas le droit d'accepter ce présent pour la simple et bonne raison qu'elle ne le méritait pas, non, ça ne passerait définitivement pas. Le temps d'un instant, elle leva son regard de jade pour croiser les yeux noisettes de son interlocuteur. Il ne souffrirait aucun refus, elle le sentait. Alors, c'est d'une main vaincue qu'elle s'empara de la chocolatine, et qu'elle croqua dedans, comme en signe de reddition.

« Merci... »

Sa voix, simple murmure, ne résonna certainement pas assez fort pour qu'Ashton puisse l'entendre. Après tout, lui avait la chance de n'être qu'un humain et n'avait certainement pas la même acuité auditive qu'elle. Peu importait, après tout. Si la vie avait choisi d'être injuste avec elle, c'était tant pis pour elle, et elle n'avait guère à envier les autres de bénéficier de cette heur qu'elle n'aurait probablement jamais. Elle était vouée à n'être rien d'autre qu'un monstre et devait apprendre à l'accepter, ou tout du moins, à n'en faire pâtir qu'elle-même. Et puis au moins, elle avait été polie. Elle n'avait donc rien de plus à se reprocher que l'essence même de son être, et c'était bien mieux comme ça. Retrouvant son calme, Tala fit donc diversion comme elle put avec une question malhabile, mais qui eut le mérite de détourner l'attention des deux hommes. Parfait. Comme elle n'était désormais plus la cible de leurs regards, la jeune femme déposa le pain au chocolat sur le côté. Ce n'était pas parce qu'elle n'avait, sur le coup, pas eu le choix, qu'elle devait s'autoriser quelque chose qu'elle ne méritait pas... Se faisant ensuite attentive, elle esquissa un semblant de sourire aux deux compères, afin de désamorcer tout soupçon. Et cela sembla fonctionner, puisqu'ils se passionnèrent pour le récit de leur rencontre qui, au demeurant, lui plaisait tout autant qu'à eux. C'était toujours intéressant, d'en apprendre plus sur les gens qui vous entourait, même si vous ne deviez pas réellement vous lier avec eux. Aussi se fit-elle sincèrement attentive. Au final, cette rencontre ne l'étonnait pas plus que cela. Dans son cas aussi, Ewen avait semblé surpris qu'elle puisse lui parler comme à n'importe qui. Et au vu des regards que les gens déversaient désormais sur elle aussi, elle comprenait mieux pourquoi. Pas que cela lui déplaise, hein ! C'était ce qu'elle cherchait. Mais le pauvre Ewen, lui, n'avait rien demandé, et c'était injuste qu'il bénéficie d'un tel traitement alors que lui-même avait tout d'un ange de bonté. Pour preuve, Tala en voulait qu'il lui avait offert un emploi alors qu'il ne savait que son nom. Sans le savoir, Ashton venait de gagner un certain nombre de points positifs, du fait même qu'il n'avait pas jugé Ewen. La jeune femme s'autorisa un sourire plus marqué en sa direction, tout en écoutant la suite de ses paroles. Lorsqu'il la prit à parti, toutefois, son sourire fondit comme neige au soleil et c'est une réponse troublée qu'elle lui adressa : elle ne s'y était pas attendue...

« J-je, euhm, oui, je vous crois... »

À sa droite, Ewen éclata de rire, visiblement amusé par son trouble. Tala ne retrouva donc pas son sourire. Pire, elle s'empourpra lorsqu'il eut la mauvaise idée de commenter ses dires.

« Visiblement, je ne suis pas le seul sur qui le charme d'Ashton a de merveilleux effets... »

La demoiselle détourna immédiatement le regard. Ce n'était absolument pas ça, mais ça ne servait à rien de l'expliquer. Aucun de ces deux-là ne pourrait comprendre  qu'elle était malhabile dans les rapports humains parce qu'elle en avait perdu l'habitude. Et puis... Elle n'avait pas, à proprement parler, envie de leur raconter les quelques vaines années de fuite qu'elle avait traversé avant d'arriver dans la capitale. Non seulement c'était une très mauvaise idée mais en plus, Tala en était persuadée, ni l'un ni l'autre n'en aurait eu quelque chose à faire. Au lieu de ça, elle se mura dans un profond silence dont elle ne sortit que bien plus tard.

« Ashtoooooon ! Je ne suis PAS timide ! Je suis juste plus... réservé que toi. En même temps, ça n'est pas bien difficile... »

Tala observa discrètement le visage d'Ashton alors qu'Ewen prononçait ces paroles. En fait, elle voulait savoir comment il allait réagir, dans l'espoir secret de pouvoir le jauger, de savoir si, oui ou non, elle allait devoir se montrer glaciale avec lui pour qu'il l'évite. Durant ce temps, son patron adressa un clin d'oeil à son ami et lui mit un léger coup de coude, signe qu'il le charriait. Ashton ne se vexa finalement pas, et la conversation put reprendre.

« Car vois-tu, Tala, Ashton ici présent est profondément à l'aise avec les gens et n'hésite jamais à aller vers personne. C'est impressionnant. Pas vrai Ash ?
- O-oh... ? »

Réponse pitoyable s'il en était une, celle-ci lui permit cependant de faire repartir la discussion loin d'elle. C'était bien mieux ainsi, si vous vouliez son avis. Quelques instants plus tard, Tala se rappela qu'elle devait faire bonne figure et mordit de nouveau dans son pain au chocolat, afin que tous aient l'impression qu'elle avait mangé. Quelques instants plus tard, l'échange prit une toute autre direction.

« … Et quand tu sors dans Paris, le soir, tu ne peux pas nier que tu sois à l'aise avec le reste du monde, pas vrai ? D'ailleurs, je ne sais pas comment tu fais. Si je faisais le quart de ces sorties, j'aurais des cernes plus grosses que des montagnes. Tiens, ça me fait penser, tu sors beaucoup, toi aussi, Tala, non ? »

Non.
Non, elle ne sortait jamais, ou si peu qu'elle pouvait compter ces fois-là sur les doigts de ses deux mains. Et généralement, ce n'était pas pour les bonnes raisons... Si elle aussi avait des cernes, c'était pour une toute autre raison qu'elle ne pouvait décemment exposer au reste du monde. En fait, c'était ce genre de choses qui ne doit jamais franchir l'enceinte de vos lèvres, et ce quoiqu'il advienne. Si Tala était ainsi cernée, c'était à cause des cauchemars récurrents qu'elle faisait la nuit. Autant dire qu'il n'y avait pas meilleur sujet que celui-ci pour plomber une ambiance. Elle se contenta d'un faible sourire, qui fut mal interprété par Ewen. Qu'importe. Tout, plutôt que de devoir expliquer la vérité.

« Je m'en doutais... Tu sors plutôt vers où, d'ailleurs ? Je n'ai pas souvenir de t'avoir déjà demandé.
- J-je vais souvent au-... »

Une idée. Vite. Il lui fallait une idée... ! Une brève seconde, le stress s'empara de son regard verdoyant, puis soudain, Tala trouva. Il y avait l'endroit où ce type là, le roi ou quelque chose comme ça, avait prétendu travailler... Comment déjà ? Ah oui.

« … Lost Paradise.
- C'est un coin que je ne connais absolument pas. Je sais simplement que c'est un cabaret. C'est bien ça... ? »

Silencieusement, et presque frénétiquement, Tala hocha la tête. C'était tout ce qu'il voulait, tant que ça pouvait lui servir d'excuse. Elle ne pouvait décemment pas nommer les noms des bars où elle traînait, les soirs où elle sortait. De toute façon, elle ne s'en souvenait jamais vraiment. Tout était flouté par la tendre étreinte de l'oubli. Un oubli qui se faisait trop rare, ces temps-ci, et qu'elle ne méritait pas. Elle ne céderait que lorsque la pression des souvenirs se ferait trop forte et que-...

« En tout cas, c'est drôle. Je ne t'imaginais pas fréquenter les cabarets.
- Ahahaha... »

Il fallait qu'elle change de sujet, et vite. Avant qu'Ewen ne demande un n-...

« Tu saurais me donner le nom d'un de ses artistes ? J'en ai peut-être entendu parler sans le savoir, après tout. »

Pour faire diversion, Tala toussa. Réfléchir. Il lui fallait réfléchir. Comment avait-il dit qu'il s'appelait, déjà ? Edgard... ? Edward... ? Lequel était-ce... ? Tousser plus longtemps. Il fallait qu'elle tousse plus longtemps. Ah ça, pour une diversion, c'était une diversion ! À en voir le faciès alerté d'Ewen, celui-ci devait penser qu'elle s'étouffait. Tala en eut l'extrême confirmation lorsqu'il martela son dos de l'une de ses grandes mains.

« Tala ?! Ça va ?! Ohlalala, j'ai bien cru que tu allais devenir bleue, vu comme tu toussais. Ça va mieux ? »

La concernée bafouilla un léger oui, dont la discrétion fut mise sur le compte de son présumé étouffement. Au moins, c'était réussi : la question du cabaret était oubliée.
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MessageSujet: Re: "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé   "C'est dans le silence qui suit l'orage, et non dans celui qui le précède, qu'il faut chercher la fleur en bouton." - [ft Tala][1890] - Terminé I_icon_minitimeMer 30 Sep - 21:35

« Merci... »

Le mot, tout juste audible, tout juste murmuré, trouva pourtant son chemin jusqu'aux tympans aiguisés du chien des Enfers. Bien loin de se douter qu'il s'agissait là d'une politesse adressée seulement à Tala elle-même, il se tourna vers elle.

« De rien... »

Presque un souffle. La demoiselle se détourna promptement de lui, balbutiant quelques mots maladroits qui confirmèrent une fois de plus ses impressions : cette gosse était incapable de se sociabiliser correctement. Celle-ci posa d'ailleurs son pain au chocolat sur le côté, comme espérant qu'il ne le remarquerait pas. C'était raté. Toutefois, avant même qu'il ne puisse lui adresser une remarque délicate, Ewen intervint :

« Visiblement, je ne suis pas le seul sur qui le charme d'Ashton a de merveilleux effets... »

Ashton éclata de rire. Le son était grave et doux, terriblement sensuel. Jusque dans la fatigue il demeurait démoniaque, diablement séducteur. Si seulement Ewen savait d'où il tirait ce charisme ravageur, sans doute eut-il déchanté rapidement. Pour le moment toutefois, le canidé se complaisait dans la sensation d'interdit qu'il était conscient de transmettre. Il était un peu la pomme du jardin d'Eden, ultime symbole d'une tentation nocive mais irrésistible. La métaphore était si ironiquement appropriée qu'il ne pouvait s'empêcher de la trouver délicieuse. D'ailleurs il n'avait jamais fait de mal à personne consciemment, au delà de quelques exceptions du moins. Moins que ce Dieu qu'ils prêchaient tous. Un pétillement d'amusement se mit à faire briller son regard terni par la lassitude tandis qu'il le fixait sur son frère de cœur.

« Allons, allons, tu me flattes bien trop, mon cher... »

Il croisa ses jambes, se sentant désormais plus détendu qu'auparavant. Le mouvement fut gracieux, délesté en partie de la fatigue qui pesait auparavant sur lui, accompagné d'un sourire séducteur. C'était de ces expressions qui saisissaient son visage et qui, des autres, tiraient de variables réactions. Certains étaient déroutés, d'autres hypnotisés. Personne ne restait jamais indifférent à Ashton, de toute manière. Il était trop hors des normes pour que cela fût possible, trop anormal.

« Ashtoooooon ! Je ne suis PAS timide ! Je suis juste plus... réservé que toi. En même temps, ça n'est pas bien difficile... »

Un rire, le sien, s'échappa de nouveaux dans les airs. Ewen était un monstre de timidité, ils le savaient tous deux. Aussi le jeune homme se pencha-t-il de manière volontairement sensuelle sur la modeste table qu'ils partageaient pour s'approcher tout près de son ami. Sa voix, presque chuchotée, tout juste parlée, légèrement rauque :

« Ah, vraiment … ? 'Wen, j'aurais besoin de... preuves... »

Il avait pleine conscience qu'en agissant ainsi il ne parviendrait guère qu'à embarrasser le fossoyeur. Cela tombait fort bien : c'était son but ! Ainsi, le canidé s'amusait beaucoup. Il fallait dire qu'il était particulièrement aisé de se distraire aux dépends d'Ewen, au grand dam de celui-ci. Car en redécouvrant les plaisirs de la vie sociale, celui-ci avait eu la surprise de découvrir qu'Ashton pouvait également se transformer en insupportable garnement. Un fait que le concerné ne prenait même pas la peine de nier.

« Je ne suis pas si exceptionnel, ne l'écoutez pas Tala. », conclut-il non sans humour.

La conversation continua allègrement, chacun ajoutant sa part à la conversation. Le canidé, toutefois, n'oubliait en aucun cas les quelques détails qui le chiffonnaient, comme le fait que Tala se refusât à avaler un simple pain au chocolat. Il s'agissait là d'un fait dont il devrait se charger au plus vite. Comment une louve pouvait-elle prendre tant de risques ? Pourquoi, surtout ? La question lui brûlait les lèvres.

« … Au Lost Paradise. »

Les mots s'imprimèrent immédiatement dans son esprit. Le cabaret. Ce doux endroit où il se sentait si bien. Il se redressa brusquement de sa position lascive, les yeux pétillants d'excitation.

« Oh ? Vraiment ? C'est génial ! J'y vais régulièrement ! »

Un élan de joie s'était imprimé en sa poitrine, un sentiment presque enfantin à vrai dire, bien qu'il n'en fût pas moins agréable. Il était ravi de constater que son interlocutrice était en réalité capable d'aller vers ce monde qui lui tendait les bras. Mais la demoiselle mentait. Cela parut bientôt fort évident et, si Ewen ne remarqua pas la distraction peu subtile qu'elle tenta de mettre en place, Ashton ne fut pas dupe une seconde. Il avait joué à la table des pires tricheurs et participé à un poker en compagnie de mafieux, ce n'était certainement pas une gamine aussi transparente que de l'eau claire qui allait le surprendre. À vrai dire, cela l'amusa même plus qu'autre chose et, tandis que son frère de cœur rassurait la jeune femme, il attendit la réponse d'un pied ferme.

« J'espère que vous allez mieux, mademoiselle... Voulez-vous un verre d'eau ? »

Il laissa un instant s'écouler avant de poser son regard perçant sur elle, un sourire ravageur aux lèvres.

« Nous disions donc... Quel est votre numéro préféré ? Je suis étonné de ne pas vous avoir déjà croisée à vrai dire, j'y vais presque tous les jours. »

Elle savait qu'il savait. Le sous-entendu était placé d'une main de maître de manière à ne laisser aucun doute possible. S'il se trompait tant mieux, sinon il aurait au moins appris une chose à l'enfant : mentir amenait plus souvent du mal que du bien. À vrai dire, Ash n'avait jamais bien saisi le but du mensonge, lorsque celui-ci dépassait le désir de ne pas faire de mal à autrui. Cela n'apportait après tout rien à personne, outre un fort sentiment de trahison lorsque la supercherie était inévitablement découverte. Ce comportement lui semblait d'autant plus curieux que les loups n'étaient pas réputés pour avoir la langue dans leurs poches. Il haussa des épaules. À quoi bon chercher à ranger les gens dans des catégories ? Il n'était jamais rentré dans une case quelconque, et il lui semblait que Tala non plus. Le tout était de savoir pourquoi. Dans son cas il s'agissait d'une naturelle excentricité, un savoureux mélange de sa nature endémique et de ses voyages infinis qui faisait de lui un être à part. Pour la demoiselle, en revanche, cela paraissait plus insidieux, et bien moins plaisant. De toute manière ce n'était pas une conversation qu'il pouvait entretenir en ce jour. Lui-même était trop vulnérable, elle était trop méfiante, bref, ils devaient d'abord faire connaissance. Une connaissance qui, vraisemblablement, servirait de leçon à la jeune femme. Il croisa les jambes :

« Que pensez-vous des serveuses, d'ailleurs ? Oh, et je connais une demoiselle remarquable là-bas, voyez-vous de qui je parle ? »

Il ne voulait pas de mal à Tala. Seulement, une part de lui était curieuse, et l'autre désirait plus que tout faire comprendre son erreur à l'enfant qui lui faisait face. Car elle n'était, en toute objectivité, rien d'autre que cela. Son souhait n'était pas de l'humilier, bien au contraire. Elle devait apprendre, de préférence avec quelqu'un qui ne se servirait pas de ce qu'il obtiendrait contre elle. Ash avait vu trop de personnes être détournées par un malfaiteur à cause de simples bourdes telles que celle-ci. Le chantage était vite arrivé. Si vite, d'ailleurs, qu'il surprenait la plupart de ses victimes. De ce qu'il avait vu, Tala n'était pas quelqu'un de mauvais, loin de là ; il ne voulait pas qu'elle s'attire des ennuis sous d'aussi bêtes prétextes. Alors, subtilement, il la corrigerait. Sans même l'obliger à avouer ses torts, simplement en lui faisant comprendre à quel point un individu avec sa connaissance, avec son expérience et son éloquence pouvait l'avoir dans sa poche si elle mentait face à lui.

« Ewen, tu devrais venir au Lost avec Tala une prochaine fois, ce serait une bonne occasion de sortir un peu. Leurs spectacles sont majestueux, tu peux lui demander ! »

En effet, Ewen pouvait, et Ashton comptait bien là dessus.

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Un sursaut. Le regard écarquillé et le souffle court. Il avait entendu. Malgré le volume sonore qu'elle avait employé, il avait entendu. Et ça, c'était tout bonnement impossible. Etait-il vraiment humain... ? Lui qui dégageait cette aura si impressionnante, était-il l'un des chanceux que Tala croisait tous les jours dans la rue, ou bien était-il... comme elle ?  Le regard perdu, la jeune femme chercha à voir, à comprendre, ce qu'il pouvait être, s'il avait lui aussi un secret inavouable qui le dévorait lentement de l'intérieur. Bien qu'elle sache qu'il ne s'agissait là que d'un espoir sordide, égoïste, qu'elle aurait dû réfuter, Tala insista encore un instant, puis secoua la tête pour elle-même. Impossible. C'était impossible, et elle n'avait pas même à envisager ce genre de choses. Reprenant le cours de la conversation, elle en arriva rapidement à la conclusion qu'elle avait simplement dû parler plus fort qu'elle ne l'avait cru. La suite se passa le plus normalement du monde, jusqu'à l'instant où Ewen la charria. Alors qu'elle prenait les couleurs d'ordinaire propres aux tomates, Ashton croisa les jambes et fit un sourire absolument différent de tous ceux qu'il avait esquissé jusque là. Celui-ci était purement... Séducteur. Bien qu'elle creusât son esprit à la recherche d'un adjectif plus approprié, Tala ne trouva rien qui puisse mieux le définir. Gênée, elle détourna un instant le regard. Sans doute n'aurait-elle jamais dû. Lorsqu'enfin, après une gestion intensive du trouble qu'on avait fait naître en elle, la jeune femme parvint à relever les yeux, elle eut un véritable choc. Les rougeurs lui revinrent, deux fois plus intenses et deux fois plus rapides. Ashton. Était. Pratiquement. Sur. Ewen. Et elle n'exagérait même pas... ! Ewen lui-même était désormais aussi rouge qu'elle et l'air gêné qui liait leurs visages eut le don de rassurer la jeune femme. Ashton était atypique, Ashton n'avait aucune conscience de la simple existence du mot pudeur. On ne s'approchait pas des gens ainsi, lorsqu'on savait ce que cela signifiait.

« Très bien, très bien, Ash, tu as gagné. Je suis timide. Tu peux reculer, maintenant... ? »

Le ton employé par son patron avait tout d'une supplication, motivée par la gêne la plus intense qui soit. Tala pouvait comprendre : à sa place, il y avait fort à parier qu'elle se serait sentie paralysée. D'ailleurs, elle-même était sujette à la muse d'Ewen en cet instant précis, et si celui-ci parvint à s'en débarrasser, ce ne fut pas son cas. Elle s'installa sur son épaule pour ne plus la quitter, et c'est elle qui répondit à Ashton lorsqu'il l'apostropha.

« Ahahahah... »

C'était, sans hésiter, la pire de toutes les réponses qu'elle avait pu formuler aujourd'hui, et Tala se maudit de n'avoir pas plutôt gardé le silence. Sur son épaule, sa muse muette s'esclaffa à ses dépends, ce qui eut le don de l'énerver. Ridicule. Elle était, comme toujours, ridicule. Et ce rouge qui se refusait à quitter ses joues... ! Elle mordit dans son pain au chocolat pour se donner une contenance, et son estomac contenté lui fit du bien. C'était mal, elle le savait, mais elle n'avait pas pu s'en empêcher. L'espace d'un instant, son épaule fut légèrement soulagée de son poids et Tala put observer les deux hommes autant qu'elle le souhaitait, sans croiser leur regard plus que nécessaire. Puis vint l'horrible question de son patron qui ne se doutait pas du trouble dans lequel il la précipita. Immédiatement, la gêne revint tinter ses joues tandis qu'elle élisait lourdement domicile sur sa pauvre épaule maltraitée. Alors qu'elle se dépatouillait tant bien que mal, Ashton vint de nouveau donner du grain à moudre à sa nouvelle amie.

« Oh ? Vraiment ? C'est génial ! J'y vais régulièrement ! »

Non, ce n'était pas « génial. » En vérité, c'était même tout l'inverse. L'enthousiasme bondissant du jeune homme allait trouver brides et mors en découvrant qu'il ne s'agissait de rien d'autre qu'un vaste mensonge. Malheureusement pour elle, il était trop tard pour reculer. Elle ne pouvait simplement pas leur parler du dernier bar où elle avait été, perdu dans les ruelles les plus sordides et les plus crasses de tout Paris. Ewen ferait certainement une crise cardiaque, mais c'était justement parce qu'elle savait qu'elle ne rencontrerait personne de sa connaissance qu'elle s'y rendait. Tala s'embourba donc au cœur de son mensonge, et termina même par donner l'impression qu'elle s'étouffait alors qu'elle ne faisait que réfléchir.

« Voulez-vous un verre d'eau ? »

Elle ne pouvait pas refuser ce verre, pas maintenant, pas alors qu'Ewen s'inquiétait de son état. Lui, à la différence de son ami, n'avait pas compris, ne savait pas qu'elle mentait, et Tala espérait bien qu'il n'en saurait jamais rien. Elle hocha donc la tête, acceptant le récipient qu'on lui tendit bientôt et qu'elle vida d'une traite.

« M-merci... »

La question qui suivit la mit mal à l'aise, et sur son épaule, sa petite accompagnatrice battit des jambes. Il le faisait exprès. Il voulait révéler la supercherie au grand jour et faire en sorte qu'Ewen la haïsse et peut-être même, la renie. Elle avait donc vu juste, lorsqu'elle s'était dit qu'il devait la détester... Une brève seconde, son cœur se serra. Malgré toutes ces années d'entraînement, Tala n'arrivait toujours pas à supporter l'instant où elle prenait conscience de la Haine qu'on lui portait. Son humeur, déjà bien entamée par les récents événements, se fit encore plus sombre.

« E-et bien... C'est le numéro avec l'acrobate... J'ai perdu son nom, mais il est vraiment extraordinaire, ahaha... E-et si nous ne nous sommes jamais croisés, c'est... sûrement un mauvais hasard... E-et puis... Nous ne nous connaissions pas, alors... Nous ne nous sommes certainement jamais remarqués. »

Bon. Jusqu'ici, sa justification hasardeuse semblait tenir la route et sauvait les meubles du côté d'Ewen. Celui-ci se fit plus attentif, un grand sourire aux lèvres.

« Et bien la prochaine fois, vous pourrez vous saluer, comme ça ! »

L'air enjoué d'Ewen la fit immédiatement culpabiliser. Alors qu'elle lui mentait, son patron se réjouissait à l'idée qu'elle puisse s'ouvrir aux autres, sans se douter une seule seconde de la vérité. Hélas, Tala le savait, il était trop tard pour reculer, et reculer en cet instant précis n'aurait rien fait d'autre que de ternir durablement l'ambiance. Au lieu de ça, Tala se contenta d'un long regard suppliant en direction d'Ashton. Si celui-ci ne la détestait pas, il-...

« Ewen, tu devrais venir au Lost avec Tala une prochaine fois, ce serait une bonne occasion de sortir un peu. Leurs spectacles sont majestueux, tu peux lui demander ! »

Il la détestait. Désormais, c'était une certitude. Alors qu'elle peinait à s'en sortir, cherchant par tous les moyens une issue de secours, Ashton l'enfonçait autant qu'il lui était donné de le faire. Alors qu'elle lui avait fait signe qu'elle avait compris, il avait poursuivi son œuvre.

« Oh non, Ash, tu sais bien que toutes ces sorties ne sont pas pour moi... C'est bon pour la jeunesse, tout ça ! »

Tala n'entendit pratiquement pas la réplique d'Ewen. Sur son épaule, la gêne avait été rejointe par sa sœur, la peine, et désormais, toutes deux dansaient une terrible valse qui bouleversait la jeune femme. Cela devait même dépasser le stade de la simple inimitié, à voir comme il l'enfonçait. Le rouge lui monta aux joues alors qu'elle envoyait un long regard blessé à l'ami de son patron. Sur ce, elle se leva, abandonnant là croissant et pain au chocolat à peine entamés, et usa du ton le plus froid qu'elle put trouver.

« Je n'ai plus envie de poursuivre cette conversation. Je vais donc prendre congé. »

Sur ces paroles, la jeune femme quitta la table aussi vite qu'elle le put. Sa pelle, son trou, son silence. C'était tout ce qu'elle espérait, tout ce qu'elle demandait et, plus généralement, tout ce qu'elle aspirait à retrouver. À peine arrivée au bord de la tombe, elle s'y laissa tomber dans un bruit sourd et sans aucune grâce, comme le corps qui y finirait sous peu. Un jour, ce serait son tour. Et il n'y avait de toute manière qu'ici qu'était sa place. Sa brève rencontre avec Ashton venait tout simplement de le prouver : elle n'était pas faite pour le monde des vivants. Elle, elle était fille de la mort, et c'est dans ses bras qu'elle finirait par retourner.

« … Parfois, je ne la comprends pas... »

Ewen poussa un soupir et secoua la tête, l'air attristé par le départ de Tala. Cette petite avait des problèmes, c'était certain, et chacun de ses comportements ne faisait que renforcer cette impression en passe de devenir certitude. Il rendit bientôt son regard à celui d'Ashton et se risqua même à sourire.

« Ce n'est pas ta faute, Ash, ne t'en fais pas. On... a simplement dû dire quelque chose qui l'a troublée... Mais quoi... ? Sérieusement, je n'en ai pas la moindre idée... ! »

L'air abattu d'Ewen se renforça, alors qu'un nouveau soupir quittait l'enceinte de ses lèvres.

« Non, décidément, parfois, je ne la comprends vraiment pas... »

Et Ewen ne pourrait jamais la comprendre réellement. Il était à des lieues de s'imaginer une réalité qui le dépassait tout entier, et de plusieurs mètres. Comment aurait-il seulement pu penser que derrière le regard vert anéanti se cachait une louve amoureuse de la lune et qui, en son nom, sortait certains soirs pour lui hurler son amour...?
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Un haussement de sourcils, une main pâle dans la chevelure sombre. Ashton laissa partir Tala, la regardant de loin, ne sachant trop que penser de ce premier contact pour le moins... Raté. C'était le mot. Pour peu il en eut ri. Il fallait l'avouer: c'était risible, tout bonnement risible. Lui, le jeune homme aux milles origines, qui avait amadoué des dizaines de bagarreurs et discuté avec les pires canailles, incapable de s'entendre avec une simple enfant pour une brève conversation. Bien joué, Ash..., songea-t-il avec lassitude. Le regard dépité d'Ewen ne fit qu'accentuer le bref sentiment d'échec qui pesa sur ses épaules. Oui, raté, décidément. Son manque de repos ne lui réussissait apparemment pas, et il venait de passer cela sur une gosse en mal de tout. Un instant, il se laissa se sentir coupable. La culpabilité n'était après tout pas un sentiment négatif: c'était normal, recommandé, même, lorsque l'on avait quelque chose à se reprocher. Il la sentit donc venir, s'installer brièvement, l'avala, l'accepta. Il avait fait une bourde. Ce n'était pas grave, pour le moment, pas irréparable, mais c'était le cas. L'accepter, et avancer, comme toujours. Ashton se réparerait bien assez vite; il avait la volonté et les moyens de le faire.

Il sourit à Ewen, d'un air légèrement penaud accentué par la pâleur macabre de son visage:

« Oh, j'ai fait une remarque qui a dû lui déplaire, Ewen. Je crois bien que je ne suis pas de très bonne compagnie aujourd'hui. »

Un haussement d'épaules. Avouer ses torts ne lui posait pas de soucis, ne lui en avait jamais posé d'ailleurs. Il ne comprenait pas l'intérêt de certaines personnes à dissimuler leurs fautes, comme si ne pas en parler les atténuerait d'une manière ou d'une autre. Ash savait qu'il ne s'agissait là que d'une illusion néfaste pour tous, semblable à celle dont Tala semblait s'entourer. Son regard se posa sur le pain au chocolat à demi mangé de la jeune femme, la vision lui arrachant un soupir. Gâchis.

Ce soir là, si tant est qu'elle respectait leur engagement mutuel, il lui parlerait. Il lui cuisinerait une paella de toute beauté, ravirait ses papilles, et tenterait de raccommoder la brèche qu'il avait apparemment dessinée entre eux. C'était important, après tout.

« Non, décidément, parfois, je ne la comprends vraiment pas... »

Il y avait beaucoup de choses qu'Ewen ne comprenait pas. Encore plus qu'il ne comprendrait jamais, et sans doute une infinité qui leur échappait à tous les deux. Un doux sourire se dressa sur le visage d'Ashton alors qu'il sortait sa montre à gousset de sa poche d'une main leste.

« Est-ce vraiment important, 'Wen ? Tu lui donnes un travail, tu lui donnes quelqu'un sur qui se reposer, et tu veilles sur elle... C'est plus important, non ? »

Son regard pétillant dériva du fossoyeur au cadran. Il était tard, un peu trop d'ailleurs. Souplement, il se redressa, adressa à son frère de coeur un faciès agréable:

« Je dois y aller, on m'attend au travail... Je passe ce soir ? Tala ne pourra pas refuser ma paella si elle vient, elle est beaucoup trop bonne pour ça...»

Un accent sensuel et chantant, de retour dans sa voix. Il s'approcha du jeune homme, ébouriffa sa chevelure blanche du bout des doigts et déposa un rapide baiser sur sa tempe.

« Passe une bonne journée ! »

Il était parti.

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