Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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» Elysion Earth par Eglantine Jocor Sam 9 Nov - 16:31
L’instant était solennel au tribunal de la Curia. Les quatre juges s’étaient réunis pour une affaire des plus cruciales et débattaient, depuis un moment déjà, de la décision à prendre. Chacun avait pris sur son temps libre pour être présents, conscients qu’ils ne pouvaient déroger à cette tâche. La salle, fermée au public, n’accueillait d’ailleurs que leurs silhouettes, chacune se distinguant dans le fauteuil qui lui avait été attribué. La voix d’Ezekiel résonna fermement entre les murs :
– On ne peut définitivement pas continuer comme cela. – Non c’est une évidence. Il en va de notre responsabilité, renchérit Edward. – C’est franchement s’attarder sur des détails, glissa Peter dans un soupir las qui transpirait pourtant la moquerie. – Ah ne recommencez pas Peter, votre petit jeu n’a rien de drôle ! S’exaspéra Prospérine. Qu’on fasse quelque chose enfin ! Il fait plus chaud ici qu’en enfer !
Le rire narquois du vampire s’éleva, tandis qu’il toisait calmement ses trois comparses souffrant visiblement de la température élevée qui régnait à la Curia. Ezekiel et Edward, en bras de chemise, avaient renoncé au costume trois pièces de crainte de se liquéfier, quand Prospérine s’éventait assidûment et avait opté pour une tenue plus légère encore qu’à son habitude. Pour ces messieurs, ce dernier point restait toutefois l’unique avantage de cette chaleur étouffante. Peter quant à lui, était aussi frais et sec qu’un non-mort peut l’être. Nullement incommodé, il se moquait, non sans plaisir, de ses camarades, ajoutant sur le ton du reproche :
– Vous ne faites aucun effort. Est-ce que je souffre moi ? Je prends sur moi voyez vous, afin de ne pas incommoder nos mages avec des commandes futiles. – Faites le taiiiiire ! Implora la démone en s’avachissant davantage sur son siège. – Laissez le faire le malin, grogna Edward. Pour une fois que son cœur de glace lui sert à quelque chose… – Allons vous n’allez pas vous disputer juste parce que Peter est insensible à la différence de température ? Glissa l'ecclésiastique dans un sourire timide. – Et pourquoi pas ? Répliqua l’aristocrate infernale une moue boudeuse marquant ses traits. – Chère Prospérine, Ezekiel a raison, cela ne serait pas raisonnable, continua Edward dans un sourire en total contradiction avec ses paroles. Peter est insensible à tant de chose que l’on se disputerait sans cesse. Tenez, insensible au charme féminin, à l’art… – À la gastronomie ! – À l’industrie. – À l’amour ~ – À la gentillesse. – N’est-ce pas un peu puéril ? S’enquit doucement Ezekiel. – Comme si cela m’importait ! S’offusqua Peter. Qu’ils continuent si cela les amuse, je m’en moque ! – À la miséricorde. – Aux mots doux ! – Aux sucreries. – Aux limaces répugnantes… Erk. – Au solei… Ah ! Ah non ! – Ça suffit maintenant ! S’exclama finalement Peter dont la patience n’avait pas tenue le choc. Je ne sais même pas pourquoi je reste ici à écouter vos stupidités ! – Mon cher Edward, je crains que nous ayons omis son insensibilité la plus marquée. – En effet, c’est très clairement visible à ses sourcils froncés. – Vraiment ? Laquelle ? Interrogea innocemment le religieux. – Ezekiel ! S’offusqua le vampire. – L'humour ! S'exclamèrent Edward et Prospérine d’une même voix, achevant de rendre fou de rage le pauvre non-mort.
Peter quitta son assise, et descendit les marches de la tribune d’un pas rapide en maugréant dans sa barbichette qu’il avait autre chose à faire que de s’occuper de tels « gamins ». Cela ne fit qu’augmenter le sourire de ses deux tortionnaires, heureux d’être vengés de cette injustice biologique flagrante. La porte claqua sèchement derrière le vampire, et soupirant, Ezekiel abandonna pour ses interlocuteurs :
– Vraiment. Vous ne devriez pas profiter ainsi de son côté caractériel. D’autant plus qu’il ne s’était pas montré si désagréable que ça pour une fois. – Mais c’est beaucoup plus drôle ainsi, trancha la diablesse dans un éclat de rire. – Pourtant, je doute que Peter soit du même avis, abandonna-t-il en se levant. Bien. Comme nous l’avons convenu, je vais aller trouver Mademoiselle Kiki pour lui demander de plancher sur ce problème de température. – Merveilleux, enchaîna le loup. Ce n’est vraiment plus tenable. Je vais rentrer au cabaret avant de ressembler à un pruneaux dessécher. – Vous aurez bien quelques minutes à m’accorder avant Edward ? Je voulais vous parler de quelque chose, intervint Prospérine en le rejoignant au bas de l’estrade. Sortons.
Ezekiel quitta la pièce, suivi quelques minutes plus tard par le lycanthrope et la diablesse. Ils empruntèrent un chemin différent de l’évêque, gagnant le long corridor qui menait vers l’extérieur. Prospérine s’éventait toujours, elle avait passé son bras libre autour de celui d'Edward qui demanda :
– Vous vouliez me parler alors ? – Oui. C'est au sujet de l'être démoniaque devenu en quelque sorte votre… Protégé. – Ashton ? – C'est cela.
Une fraction de seconde plus tard, Edward se retrouvait le dos collé au mur, la démone bien trop proche de lui augmentant de nouveau la température. Les mains fines de Prospérine glissèrent sur son buste solide tandis qu'elle relevait vers lui ses deux grands yeux d'or, soufflant contre sa joue, du bout de ses lèvres gourmandes :
– Je voulais vous remercier comme il se doit d'être si attentionné avec lui. – Qu… Euh… Hein ? Commença le loup dont les joues avait pris une teinte écarlate. Me quoi ? Pourquoi ? Noooon, pas bes… – Chut… Vous vous montrez si… impliqué pour un loup-garou. Vous lui avez trouver un poste, un emploi épanouissant pour lui. C'est charmant… – Je vous… Je vous assure que ce n'est pas grand chose, balbutia Edward, secoué par un rire nerveux. – Au contraire… Votre récompense doit être à la hauteur ! J'ai même appris qu'il y aiguisait son sens artistique, abandonna la belle en glissant sa main sur la nuque de son interlocuteur. – Euh… Ce… Ce n'était qu'un conseil pour qu'il… qu'il…euh… – Brillant… Dessiner ses collègues et les juges, pour égayer un peu les archives ~ – Seulement dans les dossiers class… Attendez. Les juges ?
La poigne de Prospérine se resserra brutalement sur la gorge d'Edward, tandis qu'elle lui plaçait sous le nez une œuvre Ashtonniene du plus mauvais goût. Elle la représentait comme une folle furieuse échevelée et dépossédée d’une ou deux dents. Le souffle momentanément coupé, le loup ouvrit la bouche, la referma, avant de lâcher :
– Je ne savais pas qu… – Vous venez de dire le contraire ! – Vraiment ? Tenta le loup dans un faible sourire. – Surveillez ce cabot où je le ferais rôti… Ah ! Quoi ! Quelle est cette magie ? White ? White ! Edward où êtes vous !? Si je vous retrouve v…
Mais Edward White avait bel et bien disparu, et là où il avait atterri, même la colère de Prospérine ne lui parvenait pas.
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Le froid mordant qui saisit soudainement le corps du loup ne fut nullement pour l'aider à le réveiller. Il se sentait mal, sa tête lui tournait affreusement et la violente nausée qui l'accompagnait n'était pas pour l'aider. Il songea que Lûka avait peut-être eu raison de lui déconseiller le mélange charcuterie-beignet, mais ne se promis pas pour autant de l'écouter à l’avenir. Grommelant un peu, un contact imprévu sur sa peau lui fit retrouver tous ses réflexes de loup. D'un mouvement brusque, il balaya les environs avant de se hisser sur ses jambes encore tremblantes, mais prêtes à combattre. Cependant, ce qu'il vit lui fit tant d'effet qu'il en oublia ses appuis, abandonnant simplement :
– Qu'est-ce que c'est que ça ? – La logique autant que la politesse voudrait plutôt que vous demandiez : « Qui sont-ils ? ».
Cette réponse, sortie tout droit du néant, fit bondir Edward qui se retourna violemment pour tenter d'asséner un crochet de droit à l'individu censé se trouver là. Le vide auquel il fit face le dérouta plus encore. Inquiet, il observa avec attention les êtres invraisemblables qui l’entouraient, mais aucun ne marqua la moindre réaction. Alors, il tendit l’oreille, puis interrogea vivement :
– Qui parle ? – Vous apprenez vite. Maintenant, réfléchissez. Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, aussi improbable que cela paraisse, doit être la vérité. – Hein ? C’est quoi ce charabia ? Répondez moi ! – Parle-t-il seul ? Souffla l'un des présents. Peut-être le voyage l'a-t-il épuisé au point de lui causer quelques hallucinations ? Allez chercher le Yhmyh. – Qu… Mais non ! Attendez… Qu'est-ce qu’il se passe ? – Arrêtez de vous agiter ! Vous perdez inutilement vos forces à brasser de l'air comme cela. D'autant qu’il ne m'entendent pas, mais vous oui. Vous allez passer pour un idiot, si ce n'est déjà fait. – C'est possible ça ? – Et bien, leur civilisation me parait suffisamment avancée pour qu’un esprit inférieur puisse t’être identifié et catal… – Qu'ils ne vous entendent pas, trancha sèchement Edward. – Oh. Il semblerait. Aimeriez-vous en connaître la raison ? – Un peu oui ! C'est ce que je demande depuis une bonne dizaine de minutes ! – Je suis votre narrateur. – Mon… Oh bon sang. Et vous êtes ? – Sherlock Holmes, détective consultant. Le seul au monde car j'ai moi-même crée l… – Nous ne vous voulons aucun mal, intervint l’un des inconnus. Nous vous attendions, Élu. Nous avons besoin de vous. – Misère. J’ai le sentiment désagréable que je vais être grossièrement interrompu à de multiples reprises durant cette affaire.
Mais Edward ne s'intéressa pas aux lamentations de Holmes, les derniers mots de son hôte l'ayant figé, au point que même la température glaciale ne parvint pas à lui arracher un frisson. La bouche entrouverte, il souffla :
– Élu ?…
Manche n°1 ouverte !
Et c'est le début de cette première manche dans la monde fascinant de Meilledeï !
Visiblement, on a grand besoin de vous sur cette terre fantastique. Preuve en est, ce fut sans vous demander votre avis qu'un peuple a fait appel à vous, appelant leurs meilleurs enchanteurs afin de vous invoquer. Rien que ça !
Mais voyons voir où vous avez atterri !
N'oubliez pas de faire défiler sur la droite, il n'y a pas qu’Aiko qui ait été appelée au secours !
Le déroulement de la manche est très simple : chaque participant doit réaliser un poste de RP (et un seul) dans lequel il devra tout faire pour sauver la tribu qui l'a appelé au secours, et ce en remplissant la prophétie annoncée.
Vous étiez tranquillement en train de vaquer à votre petite vie, lorsque vous avez tout simplement disparu ! Vous vous réveillez bien loin de chez vous, dans une contrée totalement inconnue, entouré de créatures inédites et à l'air plus ou moins amical. Vous êtes l'élu. Ils vous ont appelé à l'aide.
Ces peuples ont tous leurs particularités, mais ils sont également touchés par leur propre malédiction. Elle prend diverse forme et les met en péril. Vous êtes leur seule chance de les sauver et résolvant l'étrange prophétie qui vous est destinée. Qu'importe qu'elle ne veuille strictement rien dire ! Débrouillez vous !
Envie de renoncer peut-être ? Après tout, vous ne les connaissez même pas… Ne vous y risquez pas, car à votre tour vous êtes touché par cette malédiction et elle a un impact étrange sur vous. C'est votre handicap. Il ne disparaîtra que lorsque vous aurez accompli votre sauvetage.
Une fois votre prophétie réussie, nous vous conseillons de ne pas trop vous éloigner du peuple sauvé. On ne sait jamais, ils pourraient peut-être vous remercier avec un présent.
Mais comment survivre dans ce monde inconnu ? C'est là qu'intervient le personnage que vous avez choisi lors de l'inscription. Un peu de fourberie de notre part, car vous formerez un duo étonnant. Vous serez le héros, il sera le narrateur de votre aventure. Vous êtes le seul à l'entendre et donc à le supporter. Ceux ayant privilégié une surprise ont d'ailleurs obtenu la personnalité qui les accompagnera.
C'est le hasard qui a fait le choix pour vous, une liste de plusieurs peuples ayant été associée à l'ordre donné par les numéros choisis. N'hésitez pas à nous demander si vous souhaitez l'image de votre peuple en entier, ou en plus grande.
N'oubliez pas, soyez fous, faites vous plaisir et profitez de ce grand n'importe quoi ! C'est fait pour ça ! Votre personnage se retrouve dans un univers 100 % fantastique et vous avec, alors amusez vous /o/
Vous posterez à la suite ce message, sans ordre particulier et vous avez jusqu'au mercredi 29 juillet (au soir) pour briser la malédiction !
N'hésitez pas à contacter le staff si un élément vous semble flou, on vous répondra le plus vite possible !
Il est temps de rejoindre votre destinée !
Dernière édition par Edward White le Mar 21 Juil - 9:51, édité 1 fois
Alexander Wenhams
†Tueur à la retraite†
Messages : 418 Date d'inscription : 16/07/2011 Age : 34 Localisation : Là où personne ne vous entendra crier.
Comme à l'accoutumée Charles Antoine observait la scène d'un œil neutre, préférant ne faire aucun commentaire. Son épouse avait préparé un bon repas, ils avaient mangé avec gourmandise et au moment de faire la vaisselle, un lourd débat tombait sur la tablée, leurs trois enfants se disputant pour savoir qui était de corvée. Entre un qui faisait des calculs pour faire comprendre qu'il avait débarrassé bien plus souvent que les deux autres, un deuxième prétextant qu'en retour il passait plus souvent le balai et enfin le dernier se contentant simplement de lancer qu'il n'avait pas le temps... Non vraiment, il s'agissait là d'un spectacle presque identique et cela chaque week-end. Durant la semaine, ils allaient à l'école et ne se prenaient pas la tête, au grand soulagement des parents. Mais là les vacances s'étaient pointées et ils y avaient le droit tous les jours...
Au final ce n'était qu'un prétexte et une vilaine mise en scène pour que leur mère, impatiente et agacée, aille faire la vaisselle à leur place en grognant sur eux. Charlie l'avait bien comprit depuis le temps, mais n'en disait mot de peur de voir ses fils se venger un jour ou l'autre. Même, il était amusé de voir jusqu'où ils étaient prêt à aller pour éviter les corvées ménagères. Secouant la tête, il prit son journal et lorgna les nouvelles de la veille, n'ayant pas eu le temps de le faire avant. Ils annonçaient encore très chaud pour la semaine suivante, un vrai calvaire.
« Charles ! Au lieu de rester le nez plongé dans les journaux, emmènes les acheter de nouveaux uniformes scolaires, ils leur en faut un nouveau pour la rentrée prochaine ! »
« Chérie, on est qu'en Juillet, on a encore le temps... »
« Éloignes les de mon champ de vision avant que j'en prenne un pour taper sur les autres ! »
Le père de famille se crispa, réalisant que Marcelline était sur le point de craquer. Il se leva, attrapa l'un d'eux qu'il mit sous le bras, tira l'oreille d'un autre et poussa du pied le dernier en direction de la sortie. Il les promena ainsi jusqu'au bout de la rue, débouchant sur une petite place avec un joli parc remplit de promeneurs. Des regards amusés se tournèrent vers le groupe, certain surprit, d'autres habitués, vivant à proximité. Charlie finit par lâcher sa portée de petites fripouilles et tapa du pied d'un air agacé.
« Les garçons, il va falloir cesser vos chamailleries futiles à la maison, ça énerve votre mère et à la fin, vous comme moi, ce sera corvées obligatoires ! Vous avez envie de nettoyer les toilettes, gratter l'antre de la cheminée ou l'aider à tricoter peut-être ? Moi pas ! »
« Pardon, papa... »
« Maintenant allez vous défouler dans le parc durant le reste de l'après midi, on fera une tentative pour rentrer dans quelques heures. »
Les trois adolescents aux visages similaires acquiescèrent et s'éloignèrent gentiment avant de recommencer à se courir après, deux d'entre eux se cherchant déjà des noises. Le dernier, le plus sage, soupira et tourna la tête un instant vers son père, mais découvrit qu'il avait disparu. Il fut assez surprit, ne le voyant nul part, mais se résigna bien vite et rejoignit ses frères, inconscient que si Charlie s'était volatilisé, ce n'était pas du tout volontaire.
*****
Le sol tremblait, le secouant désagréablement, comme si on s'amusait à remuer son lit. Dormait-il ? Étrange, il ne se rappelait pas d'être rentré à la maison. Il finit par ouvrir les yeux, la tête lourde et se sentant limite nauséeux à force d'être gigoté ainsi. Mais il constata bien vite que l'endroit où il se trouvait n'avait rien de semblable à ce qu'il connaissait déjà... Et qu'il n'était même pas assoupit d'ailleurs. Debout, raide comme un piquet, il subissait un vilain tremblement de terre, provoquant autour de lui des cris proches de... glapissement de cochon ? Il s'était téléporté près d'une porcherie, ou quelque chose dans le genre ? Le sol finit par se stabiliser et le calme revint, plongeant le tout dans un étrange silence, qui s'interrompit brutalement par une petite voix enfantine, le faisant sursauter méchamment.
« Fouah ! Eh bien, elle était intense cette secousse ! C'est dangereux de rester ici, autant se mettre tout de suite au travail ! »
« Qui... qui parle ?! Sortez de là ! »
« Tu veux que je sorte de ta tête ? Mais il faudrait subir une opération très compliquée tu sais... Et au final ça ne fonctionnerait pas car je suis bien réel ! »
La petite voix semblait contrariée d'avoir été considérée comme simple folie passagère, calmant doucement Charlie qui secoua la tête.
« Donc si je comprend bien... Tu peux me parler, je t'entend, mais tu n'es pas vraiment là ? »
« C'est ça ! Je m'appelle Chopper ! »
L'horloger soupira. Il devait probablement dormir sur un banc, assommé par le soleil et faire un rêve complètement loufoque. Bah valait mieux jouer le jeu, le supplice se terminerait plus vite. Et ce fut ce qu'il se répéta de nouveau quand il découvrit la source des bruits de groin, lui rappelant les cochons... Il en avait plein devant lui. Mais pas n'importe quels genres de porcs, attention, là c'était des Monsieur Porc ! Ils se tenaient sur leurs deux pattes arrières et arboraient des armures et des armes, décourageant d'éventuels opposants.
« Oh il bouge ! Nous avons réussit, l’Élu est venu parmi nous ! »
« Il va nous sauver ! »
« Quelle curieuse créature, il n'est pas très beau. »
« Oh hey tu t'es vu ?! »
« Chuuuut, ne les provoque pas, ils ont un sale caractère ! »
« Mais il m'insulte D8< »
« Laisses couler, ça vaut mieux. »
Un des porcs s'approcha de lui et l'observa avec attention, semblant jauger sa force. C'était idiot de faire cela, l'humain en était conscient, il n'avait aucune force physique et avait peur d'un rien. En bref, il n'était aucunement le fameux élu qu'ils avaient énoncé... Et pourtant l'autre remua, comme faisant une petite danse ravie consistant à remuer ses fesses grasses et se tourna vers les autres.
« Oui oui c'est bien lui, je le sens ! »
Charlie se renfrogna, fronçant le nez avec désapprobation. Lui aussi pouvait le sentir et cela l'incommodait fortement. S'ils avaient gagné en intelligence et civilité, ils n'avaient pas perdu de leur odeur de bête de ferme. C'en était presque écœurant. Prenant sur lui-même, il secoua la tête et prit la parole.
« Vous me voulez quoi au juste, que je lance une campagne de pub contre la viande de cochon ? »
« Qu'est-ce qu'il vient de dire ?! »
« Du calme Raoul, si tu l'écrases, on pourra jamais calmer la colère du volcan. »
« Je pourrais l'écraser après ? »
« Seulement s'il échoue dans ce cas. »
« Ouah l'autre eh ! »
« Ce peuple est très intéressant, j'aurais bien aimé les étudier. »
« T'as qu'à prendre ma place ! Au fait t'es quoi toi ? Avec une voix pareille... »
« Un renne ! Et je suis aussi médecin à bord d'un navire. »
« … et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d'alu... »
« C'est vrai, elle peut faire ça ?! *o*»
« Oublies ça... »
Un autre cochon s'approcha, portant de petites lunettes et possédant un air plus intelligent. Il s'inclina légèrement et afficha une grimace qui devait apparemment être un sourire.
« Veuillez leur pardonner leurs remarques. Ils sont nos meilleurs forgerons mais sortent peu de la forge. Suivez moi je vous prie, Elu, vous venez de loin, nous allons préparer un festin pour fêter votre venue. »
Les autres se réjouirent à l'avance de festoyer, avançant gaiement dans un sentier où Charlie fut invité à les suivre. Ils arrivèrent dans un endroit plutôt déstabilisant, rappelant sans mal les mines des nains dans les contes féeriques. La cité était impressionnante mais beaucoup trop proche de l'énorme monticule de terre qui, d'après ce qu'il avait comprit, n'était pas une montagne mais un volcan. Prof version cochonnet lui parla de l'endroit et du soucis qui les menaçait. Il mentionna les sacrifices faits pour l'occasion, faisant grimacer Charlie. Ils arrivèrent près d'un grand feu au centre d'une place, représentant les forges et la persévérance du peuple. Apparemment le buffet serait installé ici mais l'humain n'était franchement pas tenté. Il venait de sortir de table et se demandait bien ce qu'ils pouvaient avaler si ce n'était de la viande de porcs...
L'un d'eux s'exclama soudain, montrant le brun de la patte, criant au feu. Il sursauta et regarda son bras sur lequel quelques flammèches dévoraient sa manche sans aucun respect. Par réflexe, il frappa dessus pour l'éteindre mais à sa grande surprise, les flammes semblèrent glisser entre ses doigts et s’intéressèrent à son autre main. Pourtant il ne sentait aucune douleur de brûlure. Avant qu'il ne réalise, elles avaient déjà disparu.
« C'était quoi ça ?! J'ai pourtant pas approché le feu »
« Oh voilà qui est fâcheux... Il semblerait que vous subissez les effets de l'invocation. Temps que notre demande n'est pas réalisée, vous êtes tout aussi en danger que nous. Je crois que nous allons devoir remettre notre repas à plus tard... quand vous aurez réalisé la Prophétie ! »
« Comment ça, quelle prophétie ? »
« Derrière l’obélisque plane, dresser les pieds du héros. »
« Oooooh *o* »
« Mais ça ne veut rien dire O_O »
« Cela veut sûrement dire quelque chose si c'est une prophétie. »
« Tu parles je vais être condamné à finir en torche humaine... Pourquoi faut que ça tombe sur moi... »
« Allons je t'aiderais ! o/ »
Les porcs s'organisèrent ensemble pour savoir comment ils allaient s'y prendre à présent. Charlie maugréait dans son coin, agacé d'être obligé de subir un rêve qu'il trouvait déjà encore plus dangereux et incertain que les sauts d'humeur de sa femme. Finalement il s'approcha d'eux, décidé à régler vite fait tout cela. Il leur demanda s'il existait un temple ou une chose dans le genre concernant le fameux volcan. Ils acquiescèrent mais lui annoncèrent qu'il était positionné dans une zone élevée qu'ils évitaient comme la peste. Non pas parce que l'endroit était synonyme de mort, mais parce qu'ils avaient le vertige.
Après lui avoir indiqué le chemin, Charlie les quitta, prenant le chemin tout seul. Quitte à faire le boulot, autant le faire immédiatement. Ce n'était pas quelqu'un de très débrouillard, mais étant un père de famille, il avait apprit à prendre sur lui et de donner le meilleur de lui même pour régler les soucis au sein de sa petite communauté, alors un peuple de cochons... Il grimpa un bon moment, Chopper cherchant différente interprétation de la prophétie tandis que l'humain faisait de son mieux pour ne pas faire cramer ses vêtements à cause de cette foutue combustion spontanée de bordel de malédiction de postérieur de chèvre !
Ils dénichèrent l'entrée du temple, cachée entre deux énormes rochers adossés l'un à l'autre. Charlie eu peur que la prochaine secousse ne les fassent tomber et clôture l'entrée définitivement. L'intérieur était éclairé par des fontaines de lave, coulant paresseusement dans des cavités sculptées avec finesse. L'endroit était frais malgré la chaleur évidente que dégageait le magma. Il avança avec précaution, détaillant chaque centimètre de parcelle, cherchant quelque chose qui pourrait ressembler à la prophétie. Mais il avait beau regarder, il ne trouvait pas et cela commencer sincèrement à l'agacer.
« Charlie ! Tu as la tête en feu !! D8 »
« C'est le cadet de mes soucis en ce moment, garçon ! »
«... Oooooh quelle assurance ! *o*»
Ne sentant pas de brûlures, il avait cessé de se soucier des flammes qui s'enclenchaient soudainement sur lui, le transformant de plus en plus en un ifrit incandescent, comprenant bien qu'il valait mieux se concentrer sur ses recherches pour que tout s'arrête. Après plusieurs minutes d'explorations, il découvrit enfin quelque chose qui ressemblait à une colonne, des gravures l'ornant de haut en bas.
« L'obélisque ? »
« On va bien voir... »
Charlie s'en approcha et le contourna lentement, sur ses gardes. Ce qu'il vit derrière le conforta dans son idée. Une étrange plaque de pierre flottait silencieusement, ne touchant ni l'obélisque, ni le sol. Il semblait attendre qu'on y pose quelque chose... ou quelqu'un ?
« Monte dessus ! »
« Quoi ? Tu m'as pris pour Aladdin ? Je n'ai pas envie de m'envoler je sais où. »
« Mais non regarde au dessus de toi, y a une ouverture ! Aller aller ! »
L'horloger grimaça un instant mais monta malgré tout sur le bout de pierre, tenant malgré le peu d'épaisseur dont il était composé. Au départ il ne se passa rien, plongeant Charlie dans une profonde déprime, se trouvant parfaitement ridicule. Et puis, un tremblement léger se fit et la plate-forme s'éleva tranquillement vers le haut, une ouverture lui permettant d'accéder vers un niveau supérieur inimaginé.
Bien plus sombre que celle du bas, la salle de pierre était petite et conduisait vers un long couloir descendant. Monter pour mieux redescendre. Ce n'était pas l'inverse normalement ? Il quitta la pierre et continua sa route, empruntant le sentier de marches brutes, débouchant ainsi sur un vaste antre spectaculairement grand. L'endroit était circulaire et en son centre une statue trônait fièrement. On y voyait une sorte de sanglier à l'apparence plus barbare que ses congénères vivants. Il maintenait un gourdin énorme et devait presque se tenir à quatre pattes pour supporter son poids. Le brun s'approcha et tenta de déchiffrer les écritures usées inscrites dessus.
« Je ne comprend pas ce qu'il y a d'écrit... »
« Je crois qu'il y a marqué que c'est pour rendre hommage au tout premier Mremeer qui a colonisé la montagne enflammée. »
« … C'est donc... leur héros ? »
« Euh oui, proba... Attends, à quoi penses-tu ? »
« La prophétie ne parle pas de soulever ses pieds ? Il suffit de la faire tomber. »
« Attends, cette statue ne doit pas être là pour rien, elle est peut-être sacrée ! »
« Ils ne viendront jamais vérifier avec leur vertige, héhé... »
Chopper tenta de le raisonner, apparemment respectueux des préceptes des autres peuples, mais Charlie avait déjà cessé de l'écouter, sentant des flammes lui chatouiller la colonne vertébrale. Il n'avait plus beaucoup de temps et certainement pas pour poser le pour ou le contre. Prenant son élan, il piqua un sprint vers la statue et la percuta de toutes ses forces, cherchant à la faire basculer. Il sentit son épaule réagir négativement au choc, mais il s'en désintéressa, continuant à bousculer cette figure porcine de pierre avec acharnement. Ce fut avec un soulagement non feint qu'il entendit la roche craqueler. Une dernière tentative la brisa enfin, la statue perdant son équilibre et s’effondra, roulant sur le côté dans un bruit tonitruant. Le porc s'immobilisa sur le dos, tourné vers le plafond, pattes redressées.
Charlie recula de quelques pas, observant le spectacle en silence, s'interrogeant sur l'efficacité de son geste. Avait-il réussit ? Bientôt un tremblement s'enclencha et tout l'endroit fut prit d'une secousse particulièrement violente. Au centre de l'endroit, là où s'était trouvé la statue, une fissure impressionnante apparu, semblant descendre jusqu'au tréfonds du monde. De la vapeur en sortit, projetant l'humain dans le couloir. Il se passait visiblement quelque chose mais il n'avait plus aucune envie de rester voir le résultat. Se relevant, il détala comme un lapin jusqu'à la dalle de pierre et la laissa le ramener au niveau inférieur, sautant à mi-parcours, préférant gagner du temps. Il s'esquinta les genoux et les mains, mais ne s'arrêta pas et retrouva l'air chaud de l'extérieur avec soulagement. Mais le tremblement continuait toujours avec ferveur et l'homme préféra reprendre sa fuite, avalant sa salive avec difficulté quand il découvrit, en se retournant, que les deux roches géantes venaient de s'effondrer sur l'entrée du temple. Il l'avait échappé belle.
Hésitant, il arriva en vu de la cité un peu après que le séisme se soit arrêté. Le volcan n'était pas entré en éruption et la fumée noire qui volait au dessus à son arrivée s'était presque volatilisée. Avait-il... réalisé la prophétie ? Chopper, qui s'était tut un long moment, se manifesta à nouveau, un peu intimidé.
« Ooooh *o*... Tu avais vu juste ! La statue bloquait un puits de refroidissement, à mon avis. Cela a dû calmer le noyau en fusion je crois. »
« J'y connais rien là dedans... Je sais même pas si ça a vraiment arrangé les choses. »
« Mais si regardes, tu ne brûles plus ! »
Charlie accorda enfin un regard vers son corps qu'il avait soigneusement ignoré jusque là et réalisa que hormis le sang de ses plaies, il n'y avait plus aucune trace de flammes pour le taquiner. Il ne put s'empêcher de soupirer de soulagement et regagna la cité, où les porcs, apparemment déjà au courant de sa réussite, l'accueillirent avec grande joie et le convièrent enfin à leur gigantesque buffet, lui décrochant enfin un sourire.
[Et de 1 /o/]
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Spoiler:
Dernière édition par Charles Antoine Colbert le Mar 21 Juil - 17:31, édité 1 fois
Il y avait des tâches lorsqu’on était célibataire auxquelles on ne coupait pas. La lessive en était une. Et comme chaque samedi, jour dédié à la lessive et aux tâches ménagères, il regrettait de ne pas avoir trouvé une jolie jeune femme qui s’occuperait, sourire aux lèvres, de ces corvées. Encore aurait-il fallu qu’il s’intéresse un tant soit peu à la gente féminine… Finalement, il serait sans nul doute préférable qu’il s’habitue une bonne fois pour toute à faire ces corvées. Nu-pieds baignant dans les flaques d’eau sur le bois du plancher, bas de pantalon et manches de chemises roulés sur eux-mêmes, il frottait au savon de Marseille un de ses caleçons dans l’évier de sa minuscule cuisine. Il était loin d’avoir terminé mais on pouvait déjà voir quelques chemises et chaussettes s’égoutter sur un fil au-dessus de la cuisinière au charbon.
Il faisait chaud puisqu’il fallait bien faire sécher le linge au plus vite, et l’énergie qu’il mettait à frotter ses vêtements n’arrangeait rien. La sueur coulait dans son dos et sur son front, allant jusqu’à lui piquer les yeux. S’épongeant le visage avec sa chemise roulée sur son bras, il cligna plusieurs fois des yeux pour en chasser les picotements, et stabiliser sa vue qui devenait de plus en plus floue.
* Ah, enfin ! Tu ouvres les yeux ! Ce n’était pas trop tôt ! Et tu as le droit de te bouger un peu ! Rassure-moi, tu ne comptes quand même pas compter chaque brin d’herbe de cette prairie ?... *
Une prairie… Ou plutôt une clairière d’herbes folles cernée de toutes parts par les arbres. Mais ce n’était pas cela qui le choquait le plus. Même s’il n’y avait à peine deux secondes, il se trouvait dans son petit appartement parisien qui ne ressemblait en RIEN à… Cela. C’était surtout ces… Oignons blancs ? Se balançant ? Dans un même mouvement sous un son étrangement cristallin… Quelque part, c’était beau et surtout très étrange. Un peu comme ces trois mini-oignons ? Qui arrivaient en tournoyant jusqu’à ce que le plus petit chute dans les hautes herbes avant de se relever difficilement sur ses filaments écarlates…
~~~~Hobbbbbitttt~~~
Ok… Première constatation, ils étaient plusieurs dans sa tête. Ce qui était tout de même le premier signe lors d’une possession démoniaque. Matt imagina aussitôt un petit démon et un petit ange, chacun juché sur une de ses épaules et prêt à se livrer une guerre sans merci pour conquérir son âme.
* Non, non, non, ne t’occupes pas de ce que te disent ces petits Pacifilms. Un Leprechaun n’est en rien un Hobbit ! Dépêche-toi plutôt de ramasser tes cadeaux, tu en auras bien besoin. C’est que nous sommes déjà en retard, affreusement en retard ! *
Nouveau bug… Quels cadeaux ?! Parce qu’il fallait toujours se méfier de ce que le Diable vous offrait ! Soudainement très méfiant, il balaya son environnement du regard jusqu’à tomber sur des machins plutôt louches. Une fine cape fermée par une broche en forme de feuille, un gros médaillon représentant deux serpents se mordant la queue -Ah ! Des serpents ! Le symbole du Malin ! Comme quoi, il avait bien eu raison de se méfier !- et l’apothéose de la bizarrerie, un parapluie rose fiché dans un bloc de pierre…
Sortant ses pieds de la rivière dans laquelle ceux-ci barbotaient depuis son réveil, Matt se leva soudainement pour reculer le plus loin possible de ces objets sataniques.
~~~~Ppppppfffffffftttttt~~~
Ce n’était pas des paroles mais une lamentation désespérée comme un écho lointain porté par le vent. Cette plainte était si triste qu’elle vous tordait littéralement le cœur. Matt ne put faire autrement que de s’arrêter net. Il ne comprenait pas ce qui se passait mais il savait qu’il venait de blesser quelqu’un.
*Non mais franchement, même Alice était plus réactive que toi ! Ramasse donc tout ça et mets-toi en route ! Nous avons déjà perdu trop de temps, beaucoup trop de temps ! Tu as une prophétie à accomplir et pour une raison loin d’être évidente, il semblerait que tu sois le seul à pouvoir tous les sauver. Alors arrête de perdre ton temps à rêvasser ! *
Ce qui eut pour effet de secouer quelque peu Matt. Sans chercher à comprendre, il passa l’amulette à son cou, ramassa la cape et tira le parapluie rose hors de son fourreau de pierre. Puis, se sentant tout de même légèrement idiot, il tenta un contact mental.
*Euh… Vous êtes là ?*
Apparemment, non. Secouant la tête devant l’idiotie de sa situation, il recommença l’opération en chuchotant cette fois.
« Euh… Vous êtes qui ? Et qu’est-ce que vous faites dans ma tête ? »
Il croisa les doigts pour ne pas avoir besoin de réitérer ses questions en hurlant. Mais non, le… Parasite ? Lui répondit.
* Je suis le Lapin Blanc du pays des Merveilles. Et vu que tu sembles plutôt lent à la détente, laisse-moi t’informer que tu as une queue. Petite. Brune. Se terminant en tire-bouchon… Et ne te contorsionne pas, elle est bien trop petite pour que tu parviennes à la voir comme ça. Maintenant, suis mes directives, ça ira plus vite !*
~~~~Couraaaaage, notre Sauveuuuur~~~ ~~~~Victoiiiiire à toi, Hobbbbittt~~~ ~~~Viiiiive le Hobbbbittt~~~ ~~~~Noootre Héroooos~~~
Ce fut sous le vent chantant que Matt s’éloigna vers une arche de verdure, tout en vociférant contre les épines qui lui piquaient la plante de ses pieds nus… Et en ayant une folle envie de manger un civet de lapin aux petits oignons. Il en salivait presque… En fait non, il en salivait tout court. A croire qu’il avait sérieusement faim.
* C’est tout de même un peu inquiétant pour un élu censé sauver le monde… *
Un élu censé sauver le monde… Matt commençait sérieusement à se demander s’il n’y avait pas eu erreur sur la personne. Mais préférant ne pas tendre le bâton pour se faire battre, il garda le silence et suivit religieusement les indications données par le… Lapin. Il se trouva ainsi guidé au milieu d’un dédale de couloirs et de salles de ce qui semblait être une forteresse-cathédrale. Tout n’était que finesse de feuilles entrelacées et puits de lumière tombant des cimes des arbres. Le vert omniprésent se mêlait à merveille au doré du soleil perçant à travers les feuillages. Mais sous les injections toujours plus virulentes pour presser le pas, il n’eut pas vraiment le loisir d’admirer ce travail d’orfèvre. Il poursuivit donc, redoublant même la cadence, jusqu’à s’arrêter net à un croisement qui menait soit à droite, soit à gauche.
*Voilà, je le savais ! Nous avons déjà perdu un cycle lunaire moins deux rotations de soleil et quarante-douze secondes ! Ce n’est pas possible, on m’a donné le Leprechaun le plus lent des neufs mondes !*
Soudainement vexé, Matt s’époumona alors que sa queue battait maintenant le creux de ses genoux sans qu’il n’y porte vraiment attention.
« Je m’appelle Matt Carey ! Et je suis un humain ! Pas un Leprechaun ! Un humain ! Avec une tête, deux bras, deux jambes et… »
Et une queue ?! Surtout, surtout, ne pas paniquer ! Ni hyper ventiler. Et encore moins tomber dans les pommes. Ça ne le faisait pas trop pour un… Elu. Oh. Mon. Dieu… Une soudaine douleur cuisante le tira soudainement de son angoisse existentielle. L’amulette rougeoyait sur sa chemise qui commençait à fumer… Recommençant une nouvelle fois à paniquer sérieusement, il se calma instantanément lorsqu’il vit un énorme dragon blanc voler vers lui. Calme qui s’évapora dès qu’il se sentit décollé du sol. Hurlant et se débattant dans le vide comme un beau diable, il ne porta aucune attention à ce que le Lapin lui racontait.
* Je te présente Falcor. C’est l'Auryn, l’amulette que tu portes qui l'a appelé. Le parapluie de Mary Poppins aurait été certes pratique mais il a une fâcheuse tendance à toujours vouloir monter. Voilà ce que c’est que de passer sa vie à danser sur les toits… Là, on va être en bas en un rien de temps ! *
Sauf qu’ils montaient, toujours plus haut, de plus en plus haut. Et que Matt en avait perdu sa voix à force de hurler dans le vide. Il fut finalement déposé sur une passerelle faite de lianes tressées rendue glissante par le sable qui s’y trouvait. Il manqua d’ailleurs de tomber, sa ‘queue’ trainant à terre l’encombrant quelque peu. Mais son attention était tournée sur tout autre chose. Un groupe de cinq ou six petits oign… Pacifilms, le guettaient à bonne distance.
~~~~C’est l’ééééluuuu….~~~ ~~~~Le Hoooobbbbiiiit…~~~ ~~~~Il va nous sauuuuveeeer…~~~ ~~~~Ou nouuus mannnnger.~~~
Ce qui aurait pu être fort probable au vu de sa faim grandissante. D’ailleurs, de frustration, il ne trouva rien de mieux que d’attraper sa ‘queue’ pour en mâchouiller le bout tout en fixant les petits oignons blancs qui se dandinaient face à lui. L’effet fut immédiat et radical. Il rapetissât. Dérouté, il chercha à comprendre ce qui lui arrivait encore lorsque la ‘voix’ se rappela à nouveau à lui.
* Il y a plus urgent à régler ! Mets ta capuche, il va pleuvoir. Willy Wonka adore arroser les Chraps de chocolat. Ce que évidemment, ils n'apprécient guère...*
Plus urgent que son problème de taille ?! Et les Cha… Quoi ?! Obéissant, il n’eut pas le temps de demander davantage d’explications que déjà des Smarties au chocolat lui pleuvaient sur la tête ! Et pour le coup, il renonça à y comprendre quelque chose ! Ouvrant la bouche vers les lointaines cimes des arbres -il était donc réellement en bas ?!- il tenta d’avaler un maximum de ses sucreries littéralement tombées du ciel. Ce qui ne résorba en rien sa faim… Il voulait des petits oignons. Croquants et juteux. Et juste épicés comme il fallait... Il en voulait tellement qu’il aurait même pu vendre père et mère pour en avoir.
*Je rêve… Le héros de tout un monde qui cherche à avaler le plus grand nombre de confiseries possibles... La chocolaterie de Willy Wonka ne va visiblement pas fermer demain ! Et si on essayait d’avancer un peu maintenant ?*
Matt préféra ne pas relever l’ironie mordante du Lapin. C’était de toute façon un parasite bien incapable de faire quoi que ce soit seul. Bon, lui aussi mais ce n’était pas pareil ! D’ailleurs quelques instants plus tard, il se félicita de ne pas avoir avancé justement. Un ver énorme, un Cha-quelque chose ?, se tenait face à lui. Le petit groupe de Pacifilms disparu soudainement et il se retrouva seul face à ce ver plein de sable qui semblait ne pas le voir… Le Chraps resta un long moment à scruter les alentours de ses yeux entièrement bleus.
*C’est le signe distinctif de l’Epice… L’Epice est substance contenue dans les petits Pacifilms et qui permet aux Chraps, une fois ingérée, de prendre cette taille gigantesque. Au point de ne même pas voir le bout de leur ‘queue’, accrochée en permanence à l’Yggdrasil, un majestueux frêne supportant les neufs mondes existants dans l’univers. Et pour briser l’écorce des terre à terre, donc ces fameux ver des sables, faut-il encore arriver jusqu’au sempiternel refuge, l’arbre de vie.*
Ah, il n’était pas seul finalement ! Et face à ce monstre, le plus petit soutien, même seulement moral semblait être une véritable bénédiction. Même s’il fallait bien l’avouer, il ne comprenait pas grand-chose à tout ce charabia. Il supposait que c’était en rapport avec les neufs cercles de l’Enfer ou un truc du genre…
*Tues-le ! Tu dois le tuer pour arriver à l’arbre de vie ! Avant que ta ‘queue’ ne prenne le dessus sur ton corps, ne s’accroche à l’arbre et te transforme totalement en un gros ver ! Tu dois accomplir la prophétie, Leprechaun ! *
« Bon sang, je ne suis pas un Leprechaun ! Même si j'ai les cheveux roux !»
L’exclamation indignée de Matt lui fit perdre la couverture de la cape. Aussitôt le Chraps se tourna de son côté. Il tenta de reculer mais fut vite arrêté par sa ‘queue’ qui commençait déjà à se relever à la façon d’un ver… Les yeux du Chraps avaient virés au noir intense, déjà trop chargés d’Epice et cherchant encore à en aspirer la moindre parcelle, quitte à tuer d’autres congénères pour cela. Matt gémit de peur, se sachant déjà fichu… A la base, cela se voulait ironique. Mais ce fut plutôt d’une voix déjà morte qu’il prononça sans y croire un seul instant.
« Le tuer ?! Oui bien sûr, je vais essayer… »
*Un vieil ami de Dagobah a un jour dit à un de ses disciples ceci : Non, n'essaie pas. Fais-le. Ou ne le fais pas. Il ne faut jamais essayer.*
Arriva le moment fatidique où le Chraps ouvrit sa gueule et où Matt réagit enfin. Par peur, il ouvrit la seule chose qui pouvait faire obstacle entre lui et le monstre. Et de ce parapluie rose, une énorme boule de feu jaillit et embrasa le ver géant. Puis sans même ralentir sa course, elle alla frapper l’écorce de l’Yggdrasil derrière celui-ci. La surface de l’arbre brûla en même temps que les ‘queues’ des vers qui calcinèrent jusqu’à la tête de ces monstres. Le feu d'une étrange couleur violette finit par s‘éteindre pour dévoiler un tronc au bois neuf, sain et libéré de toute entrave.
Tétanisé, Matt resta un long moment à fixer le bois clair du tronc. Et il lui fallut plus de temps encore pour se rendre compte qu’il avait retrouvé sa taille normale et surtout, perdu sa queue ! Il était vivant. Entier et vivant ! Jusqu’à ce qu’il tourne sa tête de tous côtés tout en grimaçant devant le décor inchangé.
« Bon, le civet sur pattes, t'es mignon comme tout mais c’est quand que je me réveille ? Parce que c’est quand même bien dangereux ton rêve sans queue ni tête ! »
Voilà, c'était ça, juste un rêve. Rien de bien dangereux donc... Sans compter qu’il avait quand même une lessive à terminer et qu'à ce rythme-là, il n'allait pas beaucoup avancer…
Dernière édition par Matt Carey le Mer 22 Juil - 2:21, édité 2 fois
Ashton Lyn
☽-I am the Captain of my Pain-☾
Messages : 356 Date d'inscription : 15/03/2015 Localisation : Le Lost, un vieux bar défraîchi...
Un sifflotement joyeux perçait le silence écrasant qui pesait sur le département des archives. C'était une mélodie entraînante et entêtante qu'Ashton chantait de manière tristement communicative. Et il ne se lassait pas. Au bout d'une demi-heure, la plupart de ses collègues se trouvèrent hantés de cette même musique et, satisfait, le jeune homme poursuivait joyeusement.
« Lyn. »
Il ne prêta pas attention à l'apostrophe aux allures d'avertissement, trop concentré sur l’œuvre d'art qu'il était en train de parfaire. À vrai dire, il n'était pas peu fier de parvenir à transformer de vieux dossiers encrassés de poussière en socles majestueux prêts à accueillir ses dessins de toute beauté. Son idée de ponctuer les fichiers de bonhommes souriant, neutres ou tristes selon l'état de résolution des affaires n'avait certes pas été bien accueillie, mais avec ceci il était certain de faire l'unanimité. Ou l'inverse, ce qui serait infiniment plus drôle. Un sourire malicieux au visage, le jeune homme reprit son sifflement tandis qu'il apportait une dernière touche à sa toute nouvelle caricature. Un bijou, vraiment. Il l'avait gardée pour la fin, de manière à ce qu'elle soit parfaitement réussie. Le clou du spectacle. Un chef d’œuvre.
« Lyn. »
Pouvait-on seulement lui en vouloir d'évacuer son ennui de manière si artistique ? Ashton était certain que non. D'ailleurs, cette idée ne venait pas de lui mais du meilleur psychologue de la Curia en matière de distraction, à savoir le beau, le grand, le majestueux Edward White... Impossible de remettre en doute l'un des grands juges, n'est-ce pas ? Il en était persuadé. D'ailleurs c'était en l'honneur de son splendide patron qu'il avait réalisé ce dernier ouvrage. Une merveille. Edward allait le détester. Le bouchon de son stylo entre les dents, le canidé fit glisser la pointe encrée sur le papier rugueux pour dessiner une rose pincée entre les lèvres du roi des lycaons, lui donnant un air de Don Juan séducteur que l'intéressé allait adorer haïr.
« Lyn !!! »
Ashton releva brusquement la tête avec un sourire et se pencha sur son bureau de manière à dissimuler son méfait. Si quelqu'un remarquait, il se ferait crucifier sur place et bien que l'ironie de ce fait ne manquât pas de l'amuser, il n'en désirait aucun aspect, d'autant qu'Edward n'était pas la seule victime de son ennui profond. À sa décharge, il n'y avait pas eu un chat aux archives aujourd'hui et les dossiers s'amenuisaient tant qu'ils avaient dû rouvrir les plus vieux... La tentation avait été trop importante.
- Cessez. Vos. Sifflotements. - Allons, je sais que vous adorez ça. - Je vais vous botter le derrière. - Ah, vraiment ? Je ne vous savais pas adepte de ce genre de pratiques, mais chacun ses goûts après to- - LYN !!! - C'est moi ~
Oh, comme il aimait voir la face rougeaude de son patron se diriger vers lui, pleine de fureur ! C'en était presque poétique, cette haine dans le regard de son vis-à-vis, tournée avec passion contre son être... Toutefois, aussi plaisant cela fût-il, la présence furibonde de son supérieur l'empêchait de terminer sa tâche ô combien importante. Il manquait à la caricature un élément crucial, un élément magique sans lequel elle ne serait rien : des oreilles et une queue de chat. Il ne pouvait se permettre de rendre un travail incomplet et c'est guidé par cette impatience qu'il pencha la tête sur le côté :
« Vous désiriez ? »
L'homme croisa ses bras et le fusilla du regard :
- Que vous vous taisiez. - Mais n'est-ce pas vous qui venez me parler, monsieur ? - Lyn... - Bien, bien ! À vos ordres, patron.
L'intéressé le jaugea puis, satisfait sans doute d'avoir été entendu, fit volte-face pour retourner à son bureau. Ashton, lui, se concentra de nouveau sur son œuvre d'art. Il fallait dire que les attributs seyaient son vieil ami à merveille et que l'air séducteur qu'il lui avait attribué donnait au tout un magnétisme étonnant. Il avait de quoi être fier de lui, vraiment. Toutefois, une préparation physique était nécessaire avant de rendre ce chef-d’œuvre publique : il devrait pouvoir courir, et courir très vite pour fuir la rage – méritée, certes – du grand juge. Un large sourire amusé s'épanouit sur le visage pâle du chien des Enfers tandis qu'il apportait la touche finale à son dessin : des moustaches de chat. Edward était tout bonnement magnifique ainsi. Un amour. Un éclat de rire s'échappa de ses lèvres pleines lorsqu'il imagina la réaction du lycanthrope à la vue de ce dessin, puis il se décida à dissimuler les dossiers incriminateurs pour l'instant. Il passa une main fatiguée dans sa chevelure sombre et se rabattit dans sa chaise pour pousser un soupir las tandis qu'il dépliait ses jambes en tailleur.
« Lyn, bossez voulez-vous ? Bon sang, j'ai l'impression d'être toujours derrière vous ! »
Ashton essaya de répondre... en vain. Qu'est-ce que...
« Lyn, à quoi jouez-vous ? Lyn ? Ne me dites pas qu'il a encore joué avec un objet de la section magique ?! LYN ! »
Mais avant même qu'il ne puisse protester en disant qu'il n'avait pas fait cela depuis au moins deux semaines, son corps n'était plus. Sa dernière pensée alla aux caricatures qu'il n'avait encore pas eu l'occasion de cacher et qui allaient sans aucun doute être découvertes.
Oups...
+++++++++
PLOUF Soudain, de l'eau. Partout. Lorsqu'il essaya de respirer, celle-ci rentra dans sa gorge et c'est avec un haut-le-coeur qu'il nagea vers la surface – ou du moins l'espérait-il. Fort heureusement, ce fut le cas et l'air remplaça bientôt le liquide meurtrier. À peine la tête hors de ce cauchemar que le jeune homme prenait une profonde respiration, aussitôt interrompue par une impressionnante crise de toux. Le chien n'appréciait pas plus cette brusque intrusion dans ses poumons que lui, apparemment. Il se racla péniblement la gorge.
« Rah, damn ! » « Ce ne serait pas arrivé avec l'armure. »
Une voix venait de retentir dans son crâne et, s'il n'avait travaillé dans l'endroit le plus surprenant de la planète, Ashton se serait sans doute cru fou. Il jugea bon de regarder autour de lui, vérifiant de cette manière qu'il n'était pas accompagné d'un individu quelconque auquel eut pu appartenir cette intonation. Il n'y avait là nul autre que lui-même et, au loin, sur le rivage, quelques silhouettes étranges.
« On dirait que nous sommes sur une autre planète, hein ? Je suis d'accord. D'ailleurs la biologie semble complètement différente, ça mériterait un scanner et quelques échantillons. J'espère qu'on n'est pas tombés sur un monde peuplés de trucs... gros, poilus, moches, dangereux... Quoiqu'un Chewbacca de compagnie pourrait être intéressant, il serait toujours plus intelligent que Dum-E. Jarvis ?... Sérieusement, pas de Jarvis ? »
L'inconnu qui avait pris possession de sa tête était quelqu'un de bavard, visiblement. Si cela ne l'eut d'ordinaire pas dérangé, il avait terriblement mal au crâne et le discours incessant de l'individu ne l'aidait absolument pas. Poussant un soupir, il entama sa nage pour revenir sur la rive et en profita pour interrompre le monologue de son interlocuteur :
« Excusez-moi... » « Ah, oui, c'est vrai, je dois vous guider. Euh, vous devriez vous dépêcher de retourner sur la terre ferme. » « Je sais, merci. » « Non mais vraiment, il y a une sorte de changement moléculaire on dirait... Rah, si seulement Jarvis était là ! On dirait une altération de la production d- » « Pardon ? » « Vous rajeunissez, en fait. »
Ah. Ah ?! Horrifié, Ashton adressa un regard éberlué à son corps qui, loin de perdre ses tatouages, se contentait de rapetisser. Ouh la la. C'était mauvais, c'était même très mauvais. Non content de nager, le canidé entama un crawl endiablé pour parvenir à la rive le plus vite possible. La terre était à une centaine de mètres au devant, lui donnant l'occasion de poser sa principale question :
« Et donc, vous êtes... ? » « Tony Stark, alias Iron Man, génie, playboy, milliardaire, philanthrope. »
Un sourire amusé s'épanouit sur le visage du chien noir :
« Rien que ça, hein ? » « Non, en fait je suis aussi votre narrateur. » « Narra-... quoi ? » « En gros je vais faire le boulot, et vous allez faire votre gentil petit et bien m'écouter. » « Hahaha. »
Ses pieds rentrèrent en contact avec des pierres plates et il grimpa en un bond l'espace qui le séparait du sec. Là attendaient une multitude de petits êtres bleus – « Comme les Schtrompfs ! » – aux grands yeux globuleux, qui ressemblaient à des batraciens humanoïdes aux larges membres. Certains le fixaient, d'autres se penchaient les uns sur les autres et se frappaient à grands coups de bâtons.
- Je vous avais bien dit d'envoyer un autre Starxhym ! Il est nul, lui ! Il y a trois semaines que je lui demande ce remède pour la peau et- - Oh, je ne t'ai pas demandé ton avis, vieux Krysh ! - Pardon ?! Pardon ?! - Vieux Krysh !!
Ashton ouvrit de larges yeux sur la scène étrange qui se déroulait devant lui, éberlué par tant de mots incompréhensibles. Et si cela n'était pas suffisant, il avait droit aux commentaires ô combien pertinents de Stark :
- Essayez de leur parler en Vulcain, ils comprendront peut-être. - En quoi ? - Vulcain... Non, personne ? Star Trek ? - Star-quoi ? - Star Trek !! Ne me dites pas que vous ne connaissez pas ?! La série ! Vous aussi vous avez passé soixante-dix ans congelé ou vous êtes juste inculte ? »
C'est alors qu'Ashton réalisa que tous les regards étaient désormais rivés sur eux – ah non, sur lui. Il tenta donc de faire bonne figure et leur offrit un souvenir avenant, désireux de leur montrer qu'il n'était pas venu en ennemi, sait-on jamais qu'ils se mettent en tête de le noyer. À vrai dire, il ne s'était toujours pas remis de sa mésaventure dans le lac et quelques toussotements l'agitaient à intervalles réguliers, il ne se sentait pas prêt à affronter le courroux d'un peuple dont il ne savait rien.
- Il a détraqué notre Élu... - C'est une catastrophe... Il est bien trop jeune... Et son esprit est endommagé désormais. N'y a-t-il plus d'espoir ? - IMBECILE DE STARXHYM ICOMPETANT ! - JE TE XHUT !!!
Il y eut un hoquet d'horreur général face aux paroles outrageantes dudit Starxhym. Ashton, lui, se contenta de hausser un sourcil perdu. Élu ? Qui ça ? Ce n'était tout de même pas...
« Vous, Ashtein. »
S'il n'avait pas compris le surnom, il avait au moins réalisé la gravité de la situation. Ce peuple le prenait pour quelqu'un qu'il n'était pas et tous étaient en train de se monter les uns contre les autres à cause de ce simple fait. Le jeune homme afficha une mine contrite tandis qu'il avançait d'un pas :
- Excusez-moi, je pense que vous vous trompez de perso- - Vous voyez ? Vous voyez ?! Il ne sait même plus qui il est, pauvre enfant ! - Enfant ?
Il s'adressa un regard surpris et constata avec horreur qu'en effet, il semblait plus jeune. Un individu s'avança vers lui à pas lents, comme d'aucun marcherait dans l'eau, et posa sa large main sur son épaule désormais frêle. Sa voix était vieille et sage :
« En effet, mon petit. Regarde-toi dans le lac et tu sauras. »
Malgré une apparente méfiance, Ashton se tourna vers l'étendue aquatique et lui offrit son premier véritable regard. L'endroit était magnifique et il se maudit de n'avoir pas observé son environnement plus tôt.
« Personne ne me croira quand je leur dirai que j'ai fait un tour dans Star Trek. »
Le canidé leva les yeux au ciel et s'approcha doucement du lac, veillant à ne pas y exposer le moindre bout de peau. Fort heureusement, il était d'ores et déjà complètement sec, un fait qui le surprenait au moins autant qu'il le réjouissait, et il pouvait se contempler dans l'eau cristalline du lac miroir. Ses yeux s'écarquillèrent, incrédules face à la vérité qui s'y reflétait.
Physiquement il avait, quoi, quinze ans tout au plus. Il était un gosse de quinze ans avec des tatouages et des piercings. Une anomalie plus étrange encore que lorsqu'il paraissait son âge. Il battit des paupières, désireux de s'habituer à cette nouvelle image, sans doute, et incapable de s'y faire.
« Un phénomène intéressant, pour le moins. Ça me fait penser à la malédiction de Loki l'année dernière... Thor devrait vraiment apprendre à surveiller son frère. »
Ashton haussa un sourcil à l'intention de son narrateur, réalisant trop tard que celui-ci ne le voyait pas puis, passant de nouveau une main dans ses cheveux ébène, se tourna vers l'attroupement. Un large sourire s'étendait sur son visage et il s'avança vers ces petits êtres qui lui arrivaient à peine à la poitrine.
« Enchanté, je m'appelle Ashton Lyn. »
Les intéressés se lancèrent un regard avant d'en revenir à lui. Le plus vieux – du moins le pensait-il – marcha en sa direction et lui tendit son immense main avec un fin sourire :
« Bienvenue, Ashton Lyn. Nous sommes le peuple des Glogul et nous te demandons humblement ton aide. » « Sois flatté, jeune padawan, la parodie d'Avatar a besoin de toi ! »
Stark avait pris un ton plus grave que d'ordinaire pour annoncer ce charabia, se trouvant apparemment hilarant dans sa manière de gérer la situation. Ce curieux personnage semblait décidé à occuper ses pensées ad vitam eternam, ce qui ne dérangeait pas le jeune homme plus que ça à vrai dire. Il fallait dire que le génie, milliardaire, playboy, philanthrope était toujours de meilleure compagnie que son propre alter ego canin. Clignant brièvement des yeux, il se rendit brusquement compte qu'il n'avait pas répondu à la demande des... Glo... grul ? Oui, c'était sans doute ça.
« Hé bien, ce serait avec plaisir, si tant est que je peux vous aider. »
Le vieillard prit sa main dans la sienne et entreprit de le guider jusqu'aux huttes qui bordaient le lac. Fait intéressant auquel il ne pouvait se soustraire : le rythme de marche des Glo... grul..., qui se déplaçaient dans l'air comme on le faisait normalement dans l'eau, était en conséquence plutôt très lent. Fort heureusement, Ashton était quelqu'un de patient, une qualité dont tous ne pouvaient se vanter.
« S'ils font tout à cette vitesse pas étonnant qu'ils n'arrivent pas à se sauver tous seuls... »
Un éclat de rire s'échappa des lèvres du jeune homme malgré lui, s'attirant un regard de toute la peuplade. La peuplade qui ne semblait pas apprécier qu'on trouve quelque chose hilarant en leur présence. La peuplade qui avait désormais l'air de bien vouloir organiser une rencontre entre leurs bâtons et sa tête. Un sourire embarrassé s'épanouit sur son visage pâle :
- Notre élu se moquerait-il de nous ? - Quoi ? Non, non je n'oserai jamais ! - Je m'en charge pour deux ~ - Son esprit est endommagé... - Je vous assure que mon esprit se porte à merveille, madame.
Il n'en était pas si certain qu'il voulait bien le dire – aux dernières nouvelles avoir une voix dans sa tête n'était pas un bon signe en matière de santé mentale – mais il était prêt à faire semblant si cela pouvait lui éviter de courroucer les Glo... grul.
Finalement, après de longues minutes de parcours, la petite troupe parvint à un ensemble de huttes semblables à des tipis, temporaires sans doutes, qui formaient ensemble un large village. Ashton observa en silence, ou du moins ce qui pouvait le plus s'en approcher en sachant qu'il avait un scientifique bavard dans le crâne, la structure particulière des petites maisons, puis songea qu'il devait y avoir une raison pour que ce peuple se trouvât ici. Le vieillard le guida dans sa hutte et lui proposa de s'asseoir face à lui de manière à lui tendre une longue pipe pleine d'herbes qui sentaient... Il n'était pas certain de vouloir savoir. Fronçant le nez, il releva les yeux vers son hôte, qui le fixait d'une mine sévère. Le message était on ne peut plus clair : s'il refusait cette offre, il refusait l'hospitalité des Glo... grul.
« Est-ce une commodité ou un outil particulier ? », demanda-t-il tout de même. « Grâce aux herbes sacrés, répondit le Glo...grul, la prophétie viendra à toi. » « Par la drogue des paroles tu entendras, toi la force guidera. »
Si le ton profondément solennel de Stark avait bien failli lui arracher un éclat de rire, et ce malgré son apparente inculture cinématographique, il devait bien admettre que le super-héros qu'il s'avérait être avait sans doute raison. Normalement, ce genre de substances n'avaient aucun effet sur lui, mais il était dans un monde où l'eau rajeunissait, alors... Il leva de nouveau les yeux vers son vis-à-vis puis, une fois que le regard neutre de celui-ci eût achevé de le convaincre, il aspira.
Ce fut une profusion de couleurs. Partout, du rouge, du vert, du bleu, du fuchsia, du doré... C'était beau... Si beau... Il flottait. Il flottait mais il parvenait à respirer sans peine et chaque inspiration était comme une explosion de paillettes. C'était magique !!! Ashton nagea dans cet espace, riant aux éclats, tournant sur lui même en tentant d'attraper les fleurs qui dansaient autour de lui. Soudain, il était dans un gigantesque toboggan qui tournait, tournait, tournaiiiiiiit !
« Youhouuuuuuu ! » « Si on ramenait cette herbe sur Terre on se ferait un fric monstre ! »
Non pas que Stark en avait l'intention, bien entendu. Au terme de sa descente le long d'un monde de feux d'artifices, le canidé atterrit dans un océan de nuages pastels où des petites poupées se dodelinaient en chantant une mélodie dont il se souviendrait jusque dans ses pires cauchemars :
« Lalalaaaa lala, lalalaaaa lala ! ♫ Ouh la, Stark reprends toi. Je m'inquiète là. »
Ashton lui aussi était déjà victime de l'épidémie de chanson guillerette et, soudain, il comprit le calvaire qu'il faisait subir à ses collègues. Mais ce n'était pas grave, le monde était si joli ! Il se leva et entreprit de faire une farandole avec les poupées qui, comble du bonheur, bougeaient ! C'était tout bonnement génial. Bientôt, ils furent rejoints par quatre créatures de différentes couleurs avec des antennes et des écrans sur leurs ventres et tous entamèrent la plus joviale des rondes, si belle qu'elle attira même des nounours colorés et, surtout, des poneys ! Autour d'eux, même les arbres se déhanchaient et les étoiles brillaient plus que jamais. La Lune se dandinait aux côtés du Soleil par une magie qu'il ne comprenait pas mais qu'il a-do-rait !
« C'est ça la prophétie ? Dans votre enfance vous retomberez pour que jamais intelligent vous ne soyez... »
Ah oui, la prophétie. Soudain, tout le son s'estompa et le monde devint d'un blanc si pur qu'il lui en piqua les yeux. Là, il n'y avait plus rien. Rien d'autre que lui et son narrateur, perdus dans un endroit dont ils ne comprenaient pas le moindre élément. En même temps, d'éléments il n'y avait point. C'est alors qu'une voix, en fond, retentit :
« Différent du chant noir, transformer l’œuf écarlate. »
Son ton était doux, mielleux, prononcé des lèvres pleines d'une belle femme sans doute, mais cela ne changeait rien aux faits : drogue ou pas, il n'y comprenait rien.
Ashton se redressa en un sursaut, inspirant à plein poumons l'air qui semblait lui manquer. Aussitôt, il posa son crâne entre ses mains, souffrant déjà de ce que d'aucun qualifierait de gueule de bois. Sauf qu'il ne connaissait pas cette sensation et que, damn, c'était douloureux ! Un grognement sourd s'échappa de sa gorge en réponse à ce terrible inconfort tandis qu'on se penchait sur lui.
« Ashton... Ashton... Vous allez bien ? Connaissez-vous la prophétie ? »
La prophétie. « Différent du chant noir, transformer l’œuf écarlate. » Il n'était pas certain de pouvoir avouer que cette phrase était aussi claire pour lui que le Vulcain – comme le disait si bien Stark – sans être aussitôt... bafoué, puni, tué, quoique ces gens fassent lorsqu'ils étaient en colère contre quelqu'un. Mais déjà, il fallait commencer par le commencement.
Le jeune homme se redressa péniblement et s'assit en tailleur face au vieillard qui le fixait, main au bâton. Leurs regards se lièrent et il se pencha en avant de la plus sensuelle des manières, comme à son habitude :
« Quel est le mal qui vous ronge, monsieur ? »
Le Glo... truc détourna les yeux avant de soupirer et de souffler : « Nous ne pouvons plus respirer sous l'eau, et nous sommes un peuple aquatique. » « Et évidemment, brillants comme ils sont, ils choisissent d'invoquer à leur secours une créature dont la seule faiblesse est l'eau. J'admire, vraiment. Presque aussi intelligents que la Chose. »
Ashton ne pouvait qu'approuver tristement les paroles d'Iron Man. Il risquait d'être fort inutile dans cette mission qu'on lui imposait, d'autant qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire pour rompre cette malédiction, au juste. Une grimace compatissante s'esquissa sur son visage et il passa une main embarrassée dans ses cheveux :
« C'est que... Je ne peux pas aller sous l'eau non plus, alors... »
À peine ces mots prononcés que les Glo... Glocu... Glodu... Glogul ! se tournaient les uns vers les autres pour chuchoter leurs inquiétudes. Précaution bien inutile, puisqu'il entendait tout :
- Il refuse de nous apporter son aide ? - Vraiment ? - C'est ignoble ! Quel malotruxht ! - Cesse d'être vulgaire Filiborg. - Je ne t'ai pas sonné toi ! - TU OSES ?!
Une nouvelle dispute éclata et Ashton eut peine à retenir son hilarité. Dans sa tête résonnait le rire communicatif de Stark qui, je cite, « trouvait ces grenouilles aussi raffinées que le Hulk ». Les lèvres du jeune homme se pincèrent dans un effort désespéré de ne pas être pris d'un fou rire vexant pour les pauvres batraciens. Le vieillard ne prêta nulle attention à la discorde qui régnait dans sa hutte et se pencha à son tour vers le canidé :
« Vous ne nous refuserez pas votre aide. » « Ah ? »
Le ton de l'homme laissait penser qu'il y avait là quelques raisons de s'inquiéter et, possédant désormais un corps qu'il n'était pas certain de connaître, Ashton ne désirait pas subir de démonstration.
« Sait-on jamais. Il faut se méfier des batraciens, des fois qu'ils crachent de la bave acide ou que leurs ventouses soient empoisonnées... Est-ce qu'ils ont des ventouses, tiens ? » « Vous avez des ventouses ? », s'enquit donc le canidé sans se préoccuper d'être le seul à pouvoir suivre cette conversation.
Papy Grenouille n'eut pas l'air d'apprécier. Son visage se renfrogna sensiblement et il fusilla le jeune homme du regard :
- Vous vous moquez de moi, c'est ça ? - Ah non non, pas du tout, je me demandais juste. Ça peut être utile pour la... mission. - Alors vous acceptez ? - Oui tout à fait, ce serait un plaisir d'aider le peuple Glo...
Zut. Flûte. Crotte. Nom d'une bistouflette papouasienne, il était dans la panade. Le nom de cette peuplade ne parvenait jamais à s'incruster dans sa mémoire pourtant exemplaire, c'était dingue ! Glo quoi... Glo quoi...
S'il en croyait la tête horrifiée que lui adressèrent tous les... glo-trucs, ce n'était pas ça. Lorsque l'effroi sur le visage de ses vis-à-vis fut remplacé par une sourde colère, il en déduisit qu'il venait de faire une grossière erreur. De larges bras vinrent le saisir aux épaules – « Aha ! Ils ont des ventouses ! » – et entreprirent de le traîner jusqu'au lac. C'est à cet instant qu'Ashton réalisa que les herbes qu'on lui avait administré avaient volé ses forces. Car malgré le temps considérable que prit la conspiration des grenouilles, comme l'appelait si bien Stark, pour le tirer jusqu'à l'eau, il ne parvint jamais à s'extirper de l'emprise de leurs mains sur son corps – « Dit comme ça, ça sonne étrange, Nonos. » (Oui, Iron Man avait appris qu'il était un chien des Enfers et oui, il s'en amusait). Au final, les batraciens n'eurent aucun mal à le plonger tête la première dans le lac. Ils firent immédiatement volte-face et le laissèrent là, trempé jusqu'aux os, courant vers le rivage dans l'espoir de ne pas finir avec le physique d'un enfant de cinq ans.
- Trop tard ? - Comment ça trop tard ? - Au moins ce n'est pas cinq ans. Et si tu regardes ton reflet, t'es tout kiki ! J'en connais un qui a dû faire craquer Papa Belzébuth à ses débuts, hein ? Quoiqu'un gosse avec des tatouages est perturbant, en fait.
Ashton, tout juste extirpé du liquide étrange, se pencha au dessus pour constater les dégâts. Un hoquet d'horreur, prononcé d'une voix bien trop enfantine à son goût, résonna dans l'air. Il avait... dix ans. À peu près. Ses cheveux noirs formaient d'adorables bouclettes autour de son visage poupin et la largeur de ses vêtements apportait un côté « chouuuu » à la scène. Oh, au pire... Le jeune homme, ou plutôt le garçon, haussa machinalement des épaules et s'éloigna définitivement du lac. Décidé à ne pas retourner dans ce village avant d'avoir résolu l'énigme de l’œuf, convainquant ainsi ces charmantes grenouilles de son innocence, il avança d'un pas. Et trébucha lamentablement sur son pantalon.
- Si seulement j'avais une caméra. - Une quoi ? - Caméra ! Tu aurais fait un carton sur Youtube !
Ah. Ashton n'avait sincèrement aucune idée de ce à quoi faisait référence Tony, mais il commençait à avoir l'habitude et c'est avec un sourire qu'il s'assit au sol afin d'entreprendre de retrousser le vêtement gênant. Cela fait, il détacha ses cheveux et enroula le long ruban autour de sa taille de manière à maintenir son pantalon en place. Non pas que se balader sans l'eut véritablement gêné, mais il préférait éviter d'être une nouvelle fois la cible de la colère des Glo...
- Mais oui ! C'était les Gloguls ! - Tout ça pour un r... Kermit n'a aucun humour, vraiment. - Kermit ? - … Tu t'entendrais bien avec le Captain, hein Médor ? - Sans doute oui !
Le garçon ne fit aucunement attention aux vaines tentatives de le vexer et leva les yeux vers le ciel, intrigué. Car aux quatre coins du lac se dressaient d'immenses câbles qui s'étendaient au delà même de la voie lactée, vers l'infini suprême du royaume des cieux. Ce monde là était bien différent du sien, mais cela ne le choqua pas plus que ça. Au contraire, cela l'intriguait même. C'est alors qu'il repéra, sagement posé sur un nuage, un énorme objet circulaire dont la couleur rouge vif créait un halo de lumière. Ses yeux s'écarquillèrent.
« L'œuf écarlate ?! », s'enquirent en chœur le narrateur et son acolyte.
Vite, il fallait avancer. C'était leur seul espoir de réussite, et Ashton ne désirait pas mourir par ingurgitation d'eau de jouvence, encore moins si celle-ci était causée par une bande de batraciens colériques. Le petit bonhomme qu'il était maintenant courait bien moins vite qu'un adulte – comme si sa voix de crécelle ne suffisait pas à faire croire à son âge – ce qui ralentit considérablement sa course vers le câble Ouest adjacent à l’œuf. Arrivé à son pied, il leva de nouveau son regard rouge vers le nuage, qui tournait inlassablement autour de la corde qu'il lui faudrait grimper. Ce ne devait pas être si compliqué, lui-même l'avait fait des dizaines de fois dans son corps original. Certes, la distance à parcourir était pénible et certes, il mesurait à présent une taille bien ridicule mais c'était une mission faisable. Normalement.
PLOUF
« Mes félicitations, tu viens de te condamner à un corps d'enfant. Allez, je parie sur... sept ans ? Ou peut-être suis-je trop positif ? »
Un grognement de dépit s'échappa de la gorge d'Ashton tandis que celui-ci nageait vers le rivage. À croire que cette histoire n'était qu'un perpétuel recommencement. Il s'extirpa de l'eau et sentit avec soulagement l'herbe fraîche sous ses pieds... Pieds qui étaient de nouveau couverts par son pantalon trop long. Il fit volte-face pour admirer son faciès dans l'eau... et tomba nez-à-nez avec un bambin d'à peine cinq ans, aux grands yeux rouges et aux joues rosées.
« Hahahaha ! »
Même son rire était enfantin, et cette constatation l'arrêta net. Il n'avait plus qu'à espérer que cette situation ne soit pas irrémédiable...
« Non sérieusement, c'est super glauque. Avez-vous déjà vu ? Un gamin démoniaque avec des tatouages. Maintenant, oui. »
Ashton leva les yeux au ciel et, se résignant à se séparer de son pantalon, retroussa ses manches pour se remettre au travail. Il allait trouver cet œuf et le changer différemment du chant noir, qu'il le veuille ou non ! Une tâche difficile, sans nul doute, lorsqu'on ne savait pas ce qu'était un chant noir au juste, mais il y parviendrait, il en était certain. Alors le petit minois du chien noir s'éclaira de malice et il posa ses mains sur la corde.
Cette fois-ci, il parvint à faire cinq mètres avant de chuter. Sauf qu'il tombait désormais du mauvais côté et que ce n'était pas le lac qui l'attendait mais un vide si impressionnant que lui-même n'était pas certain d'en réchapper. Oups... Il tendit bêtement les bras vers le côté, espérant se rattraper à une branche quelconque ou à quelque chose de ce type. Peine perdue, il était en train de faire un vol plané tout droit vers la Mort.
« Raaaaaaaaah ! »
PLOMP Hein ? Plomp ? Pourquoi se sentait-il rebondir ? Il repartait dans l'autre sens ?!
« Oooooh mon Dieu ! Redresse-toi redresse-toi !!! Chope le câble ! JAR-... Ah non, pas de Jarvis. »
Ashton ne se fit pas prier – et l'ironie de ce verbe, l'ironie était splendide ! – pour tendre la main vers le câble... En vain. Déjà, il chutait de nouveau.
« DAMN IT TO HELL ! »
Pouf... Voilà que son dos se trouvait tout contre une surface molletonnée et délicieuse. Le souffle court, il ne prit pas le temps de réfléchir à l'identité de son sauveur et se contenta de fermer les yeux dans un soupir. Cette fois-ci, il était vraiment passé à deux doigts de la catastrophe.
« C'est bien gentil de faire la sieste, mais il faudrait peut-être regarder où on est. »
Lorsqu'il tourna lascivement la tête, Ashton vit deux choses : un matelas duveteux blanc – « Un nuage ? » – et un... Objet rouge circulaire. Il se redressa d'un bond dans le but évident d'attraper l’œuf qui, enfin, semblait à portée de main. Ce faisant, il oublia deux éléments cruciaux – à croire que tout était une affaire de deux, vraiment ; d'abord, il n'avait pas d'aussi grands bras qu'à l'ordinaire et, quand bien même et c'était là le deuxième élément, il était sur une surface moelleuse qui rebondissait. La réaction à son brusque mouvement fut sans appel : l'autre côté du cumulus se bomba, envoyant l’œuf... Dans les airs.
« NON !!! »
« Il ne reste plus qu'une chose à faire... Allez Médor, va attraper la baballe ! »
Il leva les yeux au ciel et plongea, espérant de tout cœur chuter vers le lac plutôt que vers le sol quelques milliers de mètres plus bas. L’œuf. Était. Là. Il tendit désespérément ses petits bras pour l'attraper et le serra tout contre lui de manière à le protéger de l'impressionnante voltige qu'ils étaient en train d'effectuer. Leur destination se rapprochait, se rapprochait, encore et encore... et ce n'était pas le lac. Ils allaient atterrir au cœur des huttes des Glogul, histoire de bien leur faire profiter du spectacle. Ashton éclata de rire, puis se souvint que l'arrivée serait sans doute douloureuse et grimaça. Fort heureusement....
CRACK L’œuf était bien entendu parvenu au sol le premier et avait essuyé son poids en plus du choc, le transformant en une splendide omelette sous les yeux horrifiés des batraciens.
« L’œuf sacré !!! Il a brisé l’œuf sacré !!! »
Voilà qui compliquait légèrement les choses, en effet. Les Glogul accouraient, tous plus atterrés les uns que les autres et poussaient dans un sublime concerto :
C'était une mélodie de la terreur qui ne faisait pas plaisir à entendre. La haine se lisait désormais sur les visages des villageois qui s'approchaient dangereusement du petit garçon. C'est alors qu'un craquement sonore se fit entendre dans le calme approximatif de cet après-midi chaud. Tous tournèrent brusquement la tête vers l'oeuf, qui venait de se reconstituer à l'exception près qu'il était devenu... vert. Ashton cligna des yeux puis sauta sur l'occasion de fuir ses agresseurs.
POUF La soudaine grandeur de ses jambes le déséquilibra et il s'affala vilainement sur le sol dans un bruit qui apostropha les Glogul. Ceux-ci le jaugèrent, incrédules, puis dans un mouvement commun, se ruèrent vers l'eau en riant aux éclats. Soudain, il en sortait de partout et il fut contraint de s'éloigner bien vite sous peine d'être sauvagement piétiné par une armée de batraciens contents.
Une fois sorti d'affaire, Ash s'assit sur l'herbe et détroussa patiemment son pantalon et ses manches. Il les regarda ensuite faire, heureux d'avoir pu aider ce peuple, aussi peu sympathique fût-il.
La lune était très lumineuse ce soir-là, Aiko adorait ça, elle virevoltait dans le ciel, cachée par les nuages aux yeux de tous. Elle avait décidé de se laisser tomber en chute libre, tête vers le sol, pour s’amuser à remonter avant de passer le cumulonimbus. Alors que la dragonne se préparait à remonter, une lumière éclatante l’aveugla, elle avait senti les nuages frôler son museau. Aiko avait voulu remonter, mais elle était comme aspirée par ce nuage. D’un coup, la lumière aveuglante se dissipa.
Elle pouvait maintenant reprendre le contrôle de sa chute, sauf que c’était trop tard, la terre était à deux centimètres de son museau, le choc était inévitable.
« - Quoi ?! Un dragon après les machins poilus là ? C’est quoi ce rêve… Je suis sûre que c’est à cause de ce que j’ai mangé hier, j’aurai dû faire attention. »
Aiko était assez assommée, mais elle sentait des pattes poilues qui tiraient son corps. Elle se débattait pour arriver à sortir sa tête de la terre, mais en vain, alors, elle avait choisi de prendre forme humaine malgré peut-être un danger qui l’attendait.
A peine la tête sortie du trou, une surprise attendait Aiko.
« DES CORNES ?! » Pensait Aiko.
« - Owh ! Crie pas ! Je suis là aussi. »
Aiko avait sursauté, surprise. Elle leva les yeux et en face d’elle se trouvait une grande créature avec un masque et des cornes. La créature était poilue, surtout colorée de vert et marron, sur son ventre se trouvait une sorte de rond qui donnait l’impression que la peau était plus souple. La jeune dragonne était impressionnée par la taille de la bête.
« Bienvenue, jeune élue. Nous avons de la chance d’avoir trouvé une dragonne, même si vous semblez maladroite. »
Aiko se releva rapidement, surprise par sa voix grave, mais surtout par ce qu’il disait.
« Je m’appelle Ahtnas, je suis le chef du peuple Verdiio. Vous vous demandez sûrement pourquoi vous êtes…. »
Ahtnas avait arrêté de parler en voyant Aiko qui partait, montrant qu’elle n’était pas du tout intéressée. Le chef Verdiio commença à taper sur son ventre, énervé de l’insolence d’Aiko. Des racines, obéissant aux sons, attrapèrent les chevilles de la jeune fille et la soulevèrent jusqu’à lui.
« Hum… Comme je disais, vous vous demandez sûrement pourquoi vous êtes là et bien en fait… »
« - Il est soulant ce vieux machin là. »
Aiko fut surprise d’entendre une deuxième voix, elle regarda autour d’elle, cherchant une autre personne, mais en vain et bien sûr, elle n’écoutait pas Ahtnas.
« Voilà toute l’histoire. Alors, voulez-vous m’aider ? » Questionna le chef.
Aiko fixait la bête, d’un air stoïque.
« -Bon allez, accepte qu’il nous lâche ! Ce rêve va vraiment trop lentement. »
Aiko sursauta en entendant de nouveau la voix, puis elle comprit que la voix féminine venait de sa tête, mais elle était d’accord avec ce que disait celle-ci.
« J’accepte. »
A peine la phrase prononcée, un brouhaha se fit entendre, pleins de voix fusaient de tous les sens en criant des « YEAAAAH, ELLE A ACCEPTE ! WOUHOU ! »
« Silence ! Vous allez lui faire peur ! » S’écria Ahtnas avant de poursuivre. « Tu entends toutes ces voix ? C’est la nature. La faune et la flore peuvent te parler désormais grâce à ceci. »
Il lui montra les cornes qu’elle possédait depuis son arrivée dans ce monde. Aiko passa ses mains sur les cornes, intriguée. Elle écouta autour d’elle, c’était vraiment le bazar. Un grand serpent passa sa langue sur la peau d’Aiko pour attirer son attention. La chose chatouilla la jambe de la jeune fille, elle baissa donc le regard vers le sol.
« Eh, Eh, t’es trop bonne en dragonne. »
« - Ce monde est vraiment.. Vraiment bizarre. Bon, tu ne veux pas accomplir la prophé-machin-chose pour que je me réveille enfin là ? »
Aiko commençait déjà à avoir une migraine avec tout ce bruit.
« Qui es-tu et pourquoi tu es dans ma tête ? » Pensa la dragonne pour questionner la voix.
« -… Attend, c’est mon rêve et tu ne sais pas qui je suis ? »
« Comment ça, ton rêve ? Si c’est réellement ton rêve, explique moi pourquoi on ne te voit pas. »
« - Très bonne question. Je devrai être le personnage principal. Je ne sais pas en fait. Sinon, je m’appelle Saki, maintenant tu veux bien aller réaliser la demande du vieux machin, que je puisse me réveiller ? »
Aiko fut satisfaite de la réponse, mais étant donné qu’elle n’avait pas écouté Ahtnas, elle n’avait aucune idée de ce qu’il demandait.
« En fait… Je n’ai pas écouté. Tu as écouté toi ? »
« - Ah bah bravo ! Je sers de bloc-notes en fait dans ce rêve. Vive les repas chez Sasahara. »
« C’est qui Sasa… »
« - Laisse tomber ! Enfin bref, il parlait d’une malédiction qui attaquait son peuple et que pour arrêter celle-ci, il fallait accomplir la prophé-truc : A l’inverse du miroir épineux, manger le vide pomme. Ensuite il a seulement rajouté que son peuple était enfermé sous la terre, au centre de la jungle. Voilà tout. »
Aiko était en train de jouer avec une sorte de rat volant pendant que Saki parlait.
« - T’ES SERIEUSE ?! Tu ne m’écoutes même pas ! Raaaaah, mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça. »
« Je t’ai écouté, mais à vrai dire je ne sais pas où est le centre de la jungle. »
« - Bah avec tes ignobles cornes, tu vas pouvoir demander. »
Aiko soupira, cette Saki était vraiment désagréable, mais elle avait de bonnes idées.
« E-Excusez-moi, est-ce que quelqu’un pourrait me guider au centre de la jungle ? »
Le brouhaha se stoppa d’un coup, comme s’ils avaient tous disparu.
« Pourrrr toi, je ferai tout ma belle. » Siffla le serpent.
Le silence lui répondit que non, alors, Aiko soupira et accepta l’aide du serpent.
~
La jeune fille se transforma en dragon, pour se déplacer plus rapidement et prit le serpent dans une de ses pattes.
« Quel honneur d’être touché par une telle beauté, au fait, moi c’est Naga. »
Aiko soupira de plus belle, accompagnée des rires moqueurs de Saki. La quête commença. La dragonne suivait les instructions de Naga, se débattant des fois pour se faufiler entre les arbres.
« Eh oh ! Tu t’prends pour qui d’me pousser comme ça là ? T’as de la chance que je ne puisse pas bouger mes branches ! »
Aiko regarda bizarrement l’arbre qui venait de lui parler, ayant vraiment du mal à s’y habituer.
~
Une heure plus tard, elle arriva enfin au centre de la jungle.
Le centre de la jungle:
Elle remarqua de suite que cette partie de la jungle avait un problème, elle était bien plus sombre et peu accueillante.
« Nous y voilà beauté, mais tu ne m’as pas dit pourquoi tu voulais venir là en fait. » Fit remarquer Naga.
« Il faut que je sauve le peuple Verdiio, il est enfouit sous la terre à cet endroit d’après Ahtnas. »
Le serpent se crispa à ces mots.
« T-Tu veux aller te confronter à Dame Nature ?! »
Aiko reprit forme humaine, gardant le serpent contre elle.
« - Dame Nature ? Elle existe aussi dans ce monde ? Mais alors toutes ces bestioles produisent également du sirop de fraise ? »
Aiko écarquilla les yeux en entendant Saki commenter.
« C’est quoi du sirop de fraise ? » Pensa Aiko pour s’adresser à Saki.
« - Bah du sirop, goût fraise, mais c’est assez visqueux. »
La jeune fille eut alors les yeux pétillants, aimant la fraise.
« Il y a un endroit pour accéder aux sous-sols ? »
Le serpent remua pour montrer un arbre. Sans attendre, Aiko était allée se poster devant l’arbre, sans trop comprendre avant que Naga tire une petite branche et que…
« - QUOI ? Un ascenseur dans un arbre… Ce rêve est vraiment vraiment bizarre. »
Aiko se demandait ce que ça voulait dire, mais peu importe, elle grimpa à l’intérieur.
« Bonjour, vous êtes bien dans l’ascenseur de Dame Nature, Quel étage voulez-vous ? Non je rigole, y’a qu’un sous-sol. »
A peine sa réplique terminé, l’ascenseur se ferma et descendit en chute libre.
~
Quand l’ascenseur s’arrêta et s’ouvrit, Aiko laissa dépasser un peu sa tête hors de la cage et regarda autour d’elle. Le spectacle était assez horrible, des centaines de Verdiio étaient enfermés dans des cages en racines avec des épines aux couleurs dorées. La dragonne remarqua qu’ils dormaient tous. Quelque chose bougea sur sa droite. Quelque chose ou plutôt quelqu’un. C’était une grande femme formée de végétaux, mais elle avait aussi quelques attribues de la faune.
« - Je la pensais beaucoup plus jolie que ça. Maintenant je me sens encore plus belle ! Ahah ! »
Aiko soupira en entendant Saki se faire des éloges et commença à sortir discrètement. Une fois dehors, elle se cacha derrière un rocher, même si elle se doutait que Dame Nature savait déjà qu’elle était là.
« Fais un peu moins de bruit ! Tu vas réveiller mon cher enfant, Bob Çinkan . »
Aiko sursauta, en entendant la voix mielleuse de la femme nature, vu qu’elle n’avait plus trop le choix, elle sortit de sa cachette et avança vers cette dernière.
« Que viens-tu faire dans mon entre ? » Chuchota sèchement la dame.
« Libère le peuple Verdiio. » Aiko ne se fit pas prier pour parler fort.
« D’accord d’accord mais parle un peu moins fort ! Je n’ai pas le temps aujourd’hui, passe demain vers 16h, Bob sera réveillé au moins. »
Les deux femmes n’avaient pas remarqué Naga qui était allé chatouiller le p’tit Bob Çinkan.
« Il a une tête chelou ce gosse. »
Dame Nature se crispa en voyant l’enfant se réveiller.
« Voilà, regarde ce qu'a fait ton *beep* de compagnon ! Je vais passer toute ma soirée à devoir m'en occuper et je ne pourrais pas regarder Plus belle la Nature. »
« - C’est quoi ce beep ? Y’a aussi de la censure ici ? »
Aiko avait un air stoïque, complètement ailleurs.
« Bon, tu le libères ou pas ? »
La dame soupira avant de faire apparaître un palmier et de se facepalmier. Les rochers rirent.
« Je vais essayer d’être zen et de te répondre poliment, car en temps normal on aurait dû régler ça au cours d’un combat déchaîné et déroutant mais en présence de mon petit Bob Çinkan, je te propose un bras de fer chinois. »
Aiko plissa les yeux, ne comprenant pas pourquoi Dame Nature lui tendait son poing, le pouce levé.
« - Me dis pas que tu connais même pas ça ? » N’entendant pas de réponse, Saki continua. « - C'est un jeu ancestral consistant à démontrer toute l'étendue de son pouvoir en se livrant à un duel épique avec le pouce de la main droite. Il faut saisir la main droite de son adversaire en laissant uniquement son pouce en l'air. Le but est de littéralement écraser le pouce de son adversaire et de réussir à dire "1,2,3 bras de fer chinois !". Le premier à réussir cet exploit deux fois a gagné le duel. C'est bien mieux que les jeux vidéo stupides d'aujourd'hui ! »
En entendant la description de Saki, Aiko comprit le but du combat de pouce et attrapa la main de la femme feuillue, bien décidée à gagner.
Battle:
« -C'est parti ! »
La main d'Aiko, à peine positionnée, se fit agresser par les assauts du pouce de Dame Nature. Elle possédait un ongle long teinté d'un vernis aussi rouge que du sirop de fraise, son pouce venait tacler celui d’Aiko, en attendant le moment propice pour le bloquer.
Aiko, sans réellement comprendre l'excitation du pouce de Dame Nature, posa son pouce sur le sien.
« Libère toi Maman ! » s'écria le petit Bob Çinkan.
« - Bloque son pouce maintenant ! Appuie fort ! Répète après moi : 1.. »
« 1.. ? »
« - 2... »
« 2, 3, 4, 5 »
« Je ne perdrai pas aussi facilement, je ne m'entraîne pas chaque jour avec mon bel enfant pour perdre face à la première venue. »
La main de Dame Nature commença à trembler et dans un mouvement sec, elle retira son pouce de l'emprise d'Aiko. La dragonne, sans trop savoir comment, aplatit de nouveau le pouce de la femme.
« - Recommence à compter jusqu’à trois mais plus rapidement et en rajoutant ‘’Bras de fer chinois’’ à la fin ! »
Aiko obéit à Saki, sans trop de motivation.
« 1.. 2 .. 3.. Bras de fer chinois. »
Dame Nature soupira face à sa première défaite et alla se re-facepalmier avant de reprendre le combat. Cette fois-ci, les coups de pouce fusaient dans tous les sens et face à ce combat déchaîné, Aiko se concentra pour une fois. Alors que Dame Nature allait aplatir le pouce de la jeune fille, elle fut bousculée par le p’tit Bob qui s’accrocha à sa jambe.
« Je veux du sirop de fraise Maman ! »
« Booob, pas maintenant ! »
Ce fut trop tard, Aiko avait profité de l’inattention de la femme pour aplatir son pouce, affichant un petit sourire victorieux.
« 1..2..3.. Bras de fer chinois ! »
Dame Nature voulu se plaindre mais le cri de caprice de Bob Çinkan la stoppa. La femme lança alors une pomme à Aiko, avant de prendre le p’tit Bob dans ses bras.
« Donne un morceau de pomme à chaque NomNom-Racine. »
Aiko se retourna vers la prison dorée, se demandant ce qu’était une NomNom-Racine avant d’en voir une gigoter en faisant « NomNomNom ». Aiko craqua donc la pomme en tirant de chaque côté, encore et encore jusqu’à en avoir assez pour toutes les racines.
« - Je pense avoir compris la prophé-truc du coup.. Les miroirs épineux c’est les racines et en fait il faut leur faire manger de la pomme.. C’est vraiment bizarre. »
Aiko hocha la tête, en accord avec Saki et s’approcha des racines avec la pomme coupée. Les racines ouvraient une toute petite bouche en chantant une chanson assez bizarre.
« - Dépêche-toi de leur donner, cette chanson est affreuse. »
Aiko remuait la tête de droite à gauche, aimant bien la chanson.
« - AIKO DONNE LEUR A MANGER ! »
La jeune fille continuait de remuer de droite à gauche.
« - AIIIIIKOOOOO ! »
Aiko finit par céder et distribuer un morceau de pomme à chaque racine. Elles se mirent à danser en plus de chanter, mais on pouvait voir qu’elles rentraient peu à peu dans le sol. Quand elles eurent terminées leur descente, le peuple Verdiio commença à se réveiller.
« C’est dommage, elle était bien leur chanson. »
« - Non. NON. NOOOON. » Appuya Saki avant de rajouter. « - Sinon, tu as réussi.. Il se passe quoi maintenant ? »
L'endroit était calme et paisible, dévoilant un paysage forestier à perte de vu. Où que son regard se portait, il ne distinguait que des marais, des lacs, des arbres, des roches ou encore de la mousse, le tout hydraté dans une rosée douce et rafraîchissante. Le plus spectaculaire là dedans restait malgré tout écosystème et ses habitants des plus étranges. L'entourant et l'observant dans un silence tranquille, le regardant avec une expression de joie. De très grosses créatures aquatiques, tels des serpents ou des anguilles écailleuses, le regardaient avec sympathie. Bastian venait d'apparaître dans un lieu inconnu et ça, sans en être avisé à l'avance. Debout sur une boucle verte sortant de l'eau semblant n'être autre que la queue de l'une de ces créatures, il semblait bien petit au centre de son comité d'accueil.
Il se remémora son début de journée pourtant quelconque, préparant diverses choses pour son travail ou ses besoins personnels. Il s'était entêté à rester seul dans son bureau, aussi personne dans son manoir, n'avait dû réaliser qu'il avait disparu comme par enchantement. Il ne comprenait pas comment tout cela s'était produit mais il était à présent devant le fait accomplit et ne pouvait que constater les choses sans pouvoir s'y opposer.
« Sois le bienvenu, élu. Nous réclamions l'aide d'un sauveur et tu es apparu. Ainsi grâce à toi, la prophétie s'accomplira et sauvera nos vies de la malédiction. »
« J'en suis fort aise, mais pouvez vous me donner un peu plus de précisions ? Voyez vous, jusqu'à maintenant j'ignorais même que vous existiez. »
« Je me nomme Qwib-qwib et nous appartenons, moi et mes frères, au peuple des Bwabwa... »
« Tssk, quels noms stupides... »
« … Nous sommes peu nombreux ici présent pour des raisons pratiques, mais nous sommes bien plus nombreux par delà le marais. »
« Ce genre de créature, j'en mange cinq au petit déjeuner... »
« Nous souffrons hélas, depuis quelques temps, d'une étrange malédiction, nous frappant de plus en plus, nous condamnant à un sommeil éternel. »
« Tssk, comme si ça m'intéressait... »
« Vous êtes notre dernière espoir de sauver notre peuple. Voulez vous bien nous aider ? »
« Non ! »
« Je comprends votre détresse et il est vrai que je ne peux vous laisser ainsi, ce serait cruel de ma part. Très bien, je ferais de mon mieux. »
« Tu n'es pas sérieux ?! »
« Pouvez vous me parler de cette fameuse prophétie ? »
« Bien sûr ! Il est dit que Près des larmes vaporeuses, embrasser l'éclat scintillant, fera cesser notre malédiction. »
« C'est idiot, renonces donc à ces fadaises ! »
Bastian fit une révérence courtoise aux créatures au regard doux et sourit, faisant ainsi comprendre qu'il les remerciait de leur complète coopération. Il passa un peu de temps en leur compagnie, curieux d'en savoir plus sur eux. Ils n'étaient, dans ce lac, que trois à y vivre, prenant des nouvelles de leurs compères quand ils le pouvaient. Ils avaient ainsi apprit leur destin funeste que très récemment et tandis que les autres cherchaient une autre méthode, ce groupe avait choisi de l'invoquer. C'était un véritable miracle qu'ils y étaient parvenus d'ailleurs. De leur côté aussi, ils posèrent des questions sur le démon qui répondait évasivement, comprenant que la moindre information les émerveillait. Durant toute cette conversation civilisée, des remarques désagréables et incessantes parasitaient l'esprit de Bastian, râlant de plus en plus, n'appréciant pas d'être ignoré de la sorte. L'homme avait réalisé dès le début, que cette voix étrange n'était présente que dans sa tête et s'était forcé de l'ignorer royalement. Mais le temps passant il se montrait plus agressif, forçant parfois Bastian à secouer la tête de dépit. Finalement, se renseignant une dernière fois sur la forêt, il prit congé des Bwabwa, promettant de revenir rapidement avec la solution à leur problème.
Il sauta jusqu'à la rive et après un petite réflexion, prit une direction en particulier, s'orientant grâce à la mousse sur les arbres. Le peuple avait mentionné les points importants du marais et le démon avait retenu quelque chose qui avait fait tilt dans son esprit. Finalement, lorsqu'il fut certain de ne plus être entendu par les grandes créatures, il s'arrêta et soupira.
« Bien, monsieur le rabat joie, puis-je savoir à qui ai-je affaire ? Votre ramage commence sérieusement à me taper sur le système. »
« Tssk, imbécile. Tu n'aurais jamais dû accepter, à présent on va être obligé de se coltiner tout le boulot alors qu'on y gagnera strictement rien ! »
« Tu n'as pas envie de faire une bonne action ? Ce n'est jamais une mauvaise chose d'en faire une fois dans l'année. Comment te nommes tu ? »
« Je suis Vegeta, le prince des Seiyen ! »
« Un prince, voyez vous ça. Quoi qu'il en soit, puisque apparemment nous allons devoir nous supporter, je te conseil de cesser de râler. Je suis de nature patiente, mais il ne faut pas trop en abuser. »
« Pff, de toute façon que comptes faire ? Je ne suis même pas là, aussi me menacer ne te servira à rien. »
Bastian roula des yeux, désemparé d'avoir à supporter ce calvaire. Pourquoi avait il un seiyen dans le crâne, il se le demandait, mais au moins ne pouvait il pas lire dans ses pensées, c'était mieux que rien. Comme pour le prouver, Vegeta reprit la parole, l'interrogeant sur un ton dédaigneux.
« Alors que comptes tu faire, maintenant que tu as eu l'idée stupide de t'engager ? »
« Qwib-qwib a mentionné une cabane dans les arbres où vit un vieil ermite. J'aimerai assez le rencontrer. Les personnes dans le genre sont souvent informés des choses se déroulant dans leur zone de résidence. Peut-être connaît il une solution. »
« Tseuh, comme si un vieux sénile peut apporter quoi que se soit. »
Bastian haussa les épaules et partit vers la cabane en question, passant près d'autres bassins d'eau où il déplora de voir des silhouettes de Bwabwa gisant à la surface de l'eau. Étaient ils morts ? Le démon ne connaissait ce peuple que depuis très peu de temps, mais ils n'étaient pas bien méchants et avaient attiré sa sympathie. Il préféra ne pas s'arrêter pour constater les dégâts et sauta en haut d'arbres robustes afin se circuler de branches en branches, gagnant en rapidité. Concentré sur son prochain saut, il faisait mine d'ignorer son narrateur et fut fort surprit quand son pied ne trouva aucun support à la réception, tomba au sol avec fracas. Il se rattrapa tant bien que mal et leva la tête, son regard se posant sur une branche épaisse.
« Étrange, j'ai pourtant bien ciblé cette branche en atterrissant... »
« Tu es passé à travers, idiot. »
« Comment cela est possible ? »
« Qu'est-ce que j'en sais ?! »
Le démon fronça les sourcils, mais reprit sa route, restant au sol, jugeant n'être plus très loin de la cabane. Au bout d'une quinzaine de minutes, il la dénicha sur un énorme chêne centenaire, l'abritant de tous les tracas de son écorce robuste. Il sourit, trouvant l'endroit bien choisi et grimpa, frappant poliment à la porte sculptée grossièrement. Un petit bruit se fit à l'intérieur et un vieil homme apparut sur le seuil, un peu surprit de cette visite inattendue. Il avait une très longue barbe brune et une masse de cheveux hirsute, également de couleur sombre, ne montrant que de fines mèches grisonnantes.
« Bonjour Monsieur, je me nomme Bastian, et d'après le peuple Bwabwa, je suis l'élu capable de les aider à conjurer la malédiction. Et donc... j'ai des pouvoirs me permettant d'escalader les arbres, bien sûr ! »
« C'est complètement stupide comme argument ! »
« Oh je vois... Eh bien entrez donc, je suppose que vous n'êtes pas là juste pour prévenir de votre arrivée. »
Le démon afficha un air ravi et entra dans la bâtisse de bois, découvrant un intérieur tout à fait charmant et pittoresque pour une cabane dans un arbre. Il fut invité à boire un thé qu'il accepta avec joie, le savourant avec délice, découvrant un parfum qu'il n'avait encore jamais goûté. Un silence gêné se fit quelques instants. Le démon ne savait plus vraiment comment aborder le sujet, ses connaissances en ce monde se trouvant très restreintes. Il chercha à masquer sa gène en tendant la main vers sa tasse, allant pour reprendre une gorgée. Le soucis fut que sa main traversa l'objet sans même la toucher.
« Je constate que vous aussi souffriez d'une malédiction, mon garçon. »
« Hum... voilà qui est fort fâcheux. Mon temps d'action est donc limité si je comprend bien. »
« Ça t'apprendra à accepter n'importe quoi ! »
« Pourriez vous m'aider dans mes recherches ? Il me faut un moyen d'empêcher le peuple de sombrer dans un sommeil éternel. »
« Hm... Ces créatures aquatiques sombrent les uns après les autres. Ceux qui vivaient non loin de chez moi se sont endormit et refusent de se réveiller à mon plus grand désarroi... Si seulement nous pouvions en parler à l'Ondine. »
« L'Ondine ? Un esprit de l'eau ? »
« Oui, l'une d'elle s'est installée dans le marais il y a de cela très longtemps. Elle réside près des cascades. Hélas, pour une raison que j'ignore, elle a cessé de visiter les points d'eau, ne quittant plus son repère. Je suis trop vieux pour voyager jusqu'à chez elle. Peut-être devriez vous vous y rendre grâce à vos fameux pouvoirs ? »
« Hum... C'est la seule piste que je possède actuellement, je vais donc m'y rendre. Je ne perd rien à y jeter un œil. »
Il s'informa de la direction à prendre et prit congé de l'ermite, retournant à terre, à présent soucieux de traverser les objets. Cela n'était que des crises passagères, mais il se méfiait quand même. Mieux valait prévenir que guérir. Le chemin était assez long au final, non pas à cause du trajet mais bien à cause de la mauvaise humeur de Vegeta qui ne cessait de râler dans la tête du pauvre Bastian. Plus ça allait et plus celui-ci regrettait de ne pas l'avoir sous les yeux pour lui cramer son ardeur à lui taper sur le système. Il comprit qu'ils étaient arrivés lorsque le bruit caractéristique d'une cascade parvint à ses oreilles.
Soulagé, il s'en approcha et fut témoin d'un spectacle peu commun. Une roche gigantesque sortait du décors habituel des marais, s'ouvrant en deux fentes symétriques afin de laisser échapper de fines cascades d'eau pure. Elles s'écoulaient jusqu'à un lac, dissimulant le bas du rocher grâce à la brume qu'elle dégageait à son contact. Bastian s'en approcha lentement, admirant la vue. Il n'avait eu que peu l'occasion de voir pareille beauté et s’enorgueillit de pouvoir rajouter cela aux endroits qu'il avait un jour découvert et dont peu d'êtres vivants avaient été témoins.
« Je sens une aura puissante derrière la cascade. »
« Je la sens aussi... »
Il n'aimait pas l'humidité mais s'aventura tout de même derrière les flots, longeant la pierre brute et y découvrit une gravure étrange, ressemblant à un dessin de porte, mais il n'y avait aucun moyen de l'ouvrir. Bastian resta interdit un instant, posant sa main sur la surface dure et froide. Elle s'enfonça, à nouveau immatérielle. Une idée lui venant à l'esprit, il marcha et alla pour entrer au contact de la porte mais la traversa. Sa malédiction venait de lui apportait une aide inespérée. De l'autre côté, il découvrit une petite cavité sombre, s'enfonçant dans l'obscurité. Le démon approchait du but, il le sentait. Il fit quelques pas, sur ses gardes et son ouïe fine cru distinguer des pleurs. Quelqu'un était avec lui. Il leva la main et claqua des doigts, enclenchant une flamme qui se posa paresseusement dans sa paume ouverte, éclairant ainsi les lieux.
Les pleurs cessèrent, se changeant en de petits cris surprit. Une silhouette était recroquevillée dans une petite alcôve. Elle sembla hésité, puis en sortit, s'approchant de lui. Un visage féminin aux traits raffinés et doux, apparurent dans son champ de vision, provoquant un sourire charmeur sur les lèvres du démon. Il avait devant lui une ravissante enfant de l'eau, l'Ondine disparu. Elle avait les cheveux longs et de couleurs clairs aux reflets bleutés. Tout ce qu'elle portait avait d'ailleurs la même teinte, même son magnifique collier orné d'un saphir brillant de milles éclats grâces aux flammes de Bastian.
« Qui êtes vous ? »
« Quelqu'un envoyé par les Bwabwa pour sauver leur peuple... et vous sauver, par la même occasion ? »
« Leur peuple est en danger ? Oh non, c'est bien ce que j'avais ressenti... je suis bloquée ici depuis beaucoup trop de temps. Le glyphe protecteur a été vandalisé et je ne peux plus sortir par magie. Comment allons nous sortir d'ici ? De quelle manière avez vous pu entrer ?»
« J'ai été atteint moi aussi d'une malédiction et celle-ci m'a permit de traverser la pierre. Hélas, je crains de ne pouvoir réutiliser cette méthode avec vous pour le retour. Mais soyez en sûre, je vais vous délivrer de votre prison. »
Il tourna la tête vers l'ouverture scellée et s'en approcha, l'observant avec attention. La pierre semblait lourde et ses flammes risquaient d'être une plaie plus qu'une aide. Vegeta fit un bruit agacé avant de se manifester.
« Tseuh, c'est idiot, un simple Final Flash suffirait à détruire cette porte ou encore un Kame... Ah mais oui ! Je vais t'enseigner cela, tu ne peux pas plus bête que ce crétin de Kakarotto et pourtant il sait s'en servir. A présent écoute moi bien attentivement si tu veux réussir... »
Silencieux comme une tombe, le démon laissa le seiyen lui parler d'une étrange technique qu'il connaissait et qui canalisait l'énergie du lanceur. Il suffisait d'une forte concentration et de force. Il trouvait cela des plus étranges mais ne fit aucun commentaire, écoutant soigneusement. Il ferma les yeux et se concentra du mieux qu'il le put. Il ne sut combien de temps cela lui prit mais, suivant les instructions de Vegeta, il se positionna et joignit ses mains, focalisant son énergie dans leur creux. Il devinait qu'il allait passer pour un parfait idiot, aussi il fit disparaître les flammes, les replongeant dans le noir. Un silence pesant se fit, puis la voix du démon retentit dans la grotte, énonçant distinctement un nom des plus étranges.
« KAMEHAMEHA !! »
Un rayonnement vif les aveugla et percuta violemment la porte, la détruisant suffisamment pour laisser une ouverture qui leur permirent de sortir en se glissant à l'intérieur. L'Ondine fut la première a retrouver l'extérieur, sautant dans l'eau avec soulagement. Le démon se sentit très faible, mais resta calme et la rejoignit, content de lui.
« Bien, tu vois que tu peux servir à quelque chose que tu veux ! »
Il sourit, mais ne lui répondit pas. Il avait à présent d'autres soucis en tête. L'enfant de l'eau sortit du lac et s'approcha de lui, bien heureuse d'être enfin libre. Bastian fit une légère courbette et lui prit la main alors que son corps redevenait matériel. Par politesse et galanterie, il lui fit un baise-main et se redressa.
« Pouvez vous sauver le peuple des Bwabwa ? »
« Oui. Je sens une étrange maladie sur eux. Je vais de ce pas voyager jusqu'aux différents groupes pour les guérir de cela. »
« Pouvez faire de même pour ma malédiction ? »
L'Ondine l'observa et lui fit un sourire charmant qui ne laissa pas Bastian indifférent.
« Mais voyons, vous ne semblez plus souffrir d'aucun mal. Nous nous reverrons très bientôt, Élu. »
Elle retourna dans l'eau et plongea. Elle avait disparu avant que le démon ne comprenne ses dires. Levant la tête vers la cascade, il réalisa que de l'angle où il se situait, la roche formait un visage dont les cascades coulaient de ses yeux.
« Près des larmes vaporeuses, embrasser l'éclat scintillant... »
« Mais elle n'était pas scintillante. »
« Elle non, mais son saphir, oui. J'ai résolu l'affaire sans même le réaliser. »
« La chance du débutant. »
« Je suis certainement bien plus vieux que toi, Vegeta. A présent retournons voir Qwib-qwib, il me tarde de lui apporter la bonne nouvelle. »
Jetant un dernier regard au visage de pierre, il sourit, satisfait de son travail et tourna lentement les talons, se permettant un retour dans la tranquillité, récupérant ses forces et ses émotions.
« Bonjour Mademoiselle Barcarolle ! Comment allez-vous, aujourd'hui ? - Bonjour Monsieuuur ! Ça va et vous-même ? Oh, j'ai fait un de ces rêves, cette nuit ! - Allons bon, et de quoi s'agissait-il, cette fois ? »
L'homme adressa un sourire à sa cliente préférée. Il la connaissait depuis quelques années maintenant et elle ne lui avait jamais fait faux bond. Tous les deux jours, sans exception, la jeune femme venait lui acheter des pâtisseries et passer une dizaine de minutes à discuter, avant de se rendre compte qu'elle était en retard et de courir à son -il citait- merveilleux travail. Avec le temps, il avait appris à apprécier le caractère sacrément exubérant de la belle et s'en amusait à présent beaucoup. Il y avait ça, et puis tous ces récits fantasmagoriques qu'elle lui racontait toujours... Non, décidément, cette femme était un rayon de soleil matinal et il s'était pris plusieurs fois à attendre impatiemment sa venue.
« Oh, c'était une histoire de crocodile géant et de palmiers vivants ! - Croco-quoi ? - Vous ne savez pas ce qu'est un crocodile ? Vraiment ? C'est une sorte de lézard géant qui vit dans l'eau et qui a plein plein plein de dents ! J'en ai vu un, une fois, en Egypte ! D'ailleurs -ne lui dites pas que je vous l'ai dit, il m'en voudrait mortellement- Ptolémée XIV en avait terriblement peur... ! - Euh... Excusez-moi mais... Qui est Plotlémée Quatorze ? - Comment ça, vous ne savez pas non plus qui c'est ?! Je sais que sa sœur a un peu estompé son règne et qu'il a fini plutôt tristement, mais quand même ! Ptolémée XIV a gouverné l'Egypte, en son temps ! Et même qu'il a épousé Cléopâtre... Bon, c'était clairement un coup politique, mais c'était tout de même un règne ! Ne me regardez pas comme ça ! Puisque je vous dis que je n'invente rien, monsieuuur ! - Mais oui mademoiselle Barcarolle, je vous crois... Un croissant, vous m'avez dit ? - Non, non, moi je voudrais un Opéra et... un éclair au chocolat, s'il vous plaît. Ça me fait toujours penser à un de mes amis... et puis c'est tellement bon ! Vous voulez savoir de qui je parle ? »
Il ne savait pas qui était Ptolémée, ni si celui-ci avait réellement existé. Il ne savait pas non plus qui était Cléopâtre, et il ne comprenait pas toutes les répliques de la jeune femme qu'il avait face à lui. Néanmoins, il ressentait l'envie de savoir qui était cet ami auquel elle pensait lorsqu'elle lui achetait, quelques fois, ces éclairs au chocolat qu'elle complimentait systématiquement. Il hocha donc la tête et répondit par l'affirmative.
« Oh oui, avec plaisir Mademoiselle Barcarolle ! Cette fois-ci, ne serait-ce pas un pâtissier que vous auriez connu durant votre vie ? À moins qu'il s'agisse d'un de vos gros lézards parlants... ? »
Cependant, sa vis-à-vis secoua farouchement la tête, comme s'il n'avait rien compris du tout. Et c'était sûrement le cas, au fond. Il se fit donc attentif.
« Mais nooooon ! Les crocodiles, ça ne parle pas ! Ce sont des animaux ! Et non, mon ami n'était pas pâtissier du tout ! En fait, il était spécialiste dans les éclairs, mais pas dans ceux-là, si vous voyez ce que je veux dire... »
Il ne voyait absolument pas ce qu'elle voulait dire et secoua la tête pour en informer la demoiselle. Cette dernière fit la moue, lança un regard de conspirateur autour d'elle, puis se pencha vers lui pour poursuivre. L'attitude si atypique de la jeune femme l'intriguait, et il avait soudainement envie de savoir qui était précisément cet ami dont l'identité véritable semblait devoir rester secrète. Il tendit donc l'oreille et... rien. Le boulanger releva la tête, interloqué, et ne fit face qu'à sa boutique vide. Mademoiselle Barcarolle avait tout bonnement disparu. Il savait qu'elle travaillait dans un cabaret, mais tout de même, ça, c'était très fort. Un peu frustré et surtout très curieux, il se promit de lui demander dès la fois prochaine comment elle avait fait. Apprendre un tel tour devant les collecteurs d'impôt pouvait toujours être utile, après tout.
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Elle était là. Belle, majestueuse, envoûtante. Elle était là. Comme le vénérable Sans-Queue l'avait prédit. Elle était là. Et avec elle renaissaient tous leurs espoirs. Doucement, presque tendrement, Xa'nesh fit un pas dans sa direction, sans jamais la perdre du regard. Elle semblait si fragile, dans leur univers de sable et de chaleur... Sa peau semblait si vulnérable... et que dire de ses yeux ? Ils étaient d'un bleu si étrange et si saisissant qu'il était presque certain qu'elle souffrait de la luminosité de leurs soleils. Dans son dos, tous ses semblables se prosternèrent. Lui-même adressa une révérence à l'élue et, une fois à sa hauteur, tendit une main écailleuse sans oser la frôler. Ses longs cheveux rosés, pareils à ce qu'ils avaient toujours imaginé, l'intriguaient pourtant au plus haut point et il eut tout le mal du monde à se retenir. Mais s'il l'effrayait ? Si elle prenait peur à son contact ? Et si elle fuyait sans jamais se retourner ? C'était un risque qu'il ne pouvait prendre, et tout l'avenir de son peuple en dépendait. Dans un recoin de sa mémoire, il se souvint de son frère, Al'druist, emporté deux nuits auparavant. L'amertume gagna sa gorge et il secoua la tête avant de se reconcentrer sur leur si précieuse invitée. Alors seulement, il croisa le regard éberlué de la jeune femme.
« Sois la bienvenue, Ô élue. Nous t'attendions avec impatience et avons transmis le savoir de ton langage dans l'espoir de ce jour. Suis-nous, nous allons te conduire au Sans-Queue, le plus sage des Lazreg. Je suis Xa'nesh, et ai été choisi pour t'apprendre à vivre parmi nous. C'est un honneur de pouvoir enfin te rencontrer. »
Alors qu'il prononçait ces mots, l'élue fit quelque chose d'insensé, qu'il n'avait absolument pas prévu : elle lui prit la main, sans crainte aucune. Xa'nesh tomba à genoux.
« … Le boulanger avait raison, les lézards peuvent parler... »
Il ne comprit pas un mot de ce que la demoiselle avançait, trop occupé qu'il était à bénir l'instant où Elise s'était décidée à le toucher.
« Tu devrais peut-être lui dire de se relever et toi, tu devrais refermer la bouche ! Crois-moi, aucun d'entre eux n'aimerait voir mourir leur élue si vite après qu'elle se soit étouffée avec du sable ! »
La muse sursauta et ouvrit plus grand la bouche. On venait de lui parler dans sa tête, et-...
« Non non, pour fermer la bouche, c'est dans l'autre sens ! »
Elle s'exécuta sans rechigner le moins du monde, trop surprise qu'elle était pour faire quoique ce soit. Elle lança un long regard à Xa'nesh, puis à chacun de ses semblables, et prit la parole après s'être raclé la gorge.
« Oh oh... Qu'as-tu fait, malheureuse ?! »
Tenta de prendre la parole. Regretta amèrement son action précédente. Avant qu'elle n'ait pu prononcer le moindre mot ou esquisser le moindre geste, Xa'nesh se releva promptement, l'air absolument paniqué.
« Elle a avalé du sable ! Elle a avalé du sable ! Vite, qu'on m'apporte de quoi la couvrir ! - Mais je n'ai ri-... ?! »
Sans lui laisser le temps de finir, Xa'nesh lui mit une telle claque dans le dos qu'elle voltigea jusque dans le sable, et, cette fois-ci, en avala une longue rasade, s'étouffant pour de bon.
« Teu-heu, teu-heu ! M-mais ça va pas ?! J- ?! »
Mais de nouveau, on l'empêcha de parler et on la couvrit de la tête jusqu'aux pieds. Et ce sans laisser le moindre morceau de peau apparent. Dans son esprit, quelqu'un éclata de rire. Pour la première fois depuis longtemps, Elise sentit la rage lui monter au cœur.
« Ça n'est pas drôle ! »
Commença-t-elle d'un ton qui se voulait colérique sans véritablement y parvenir. À vrai dire, c'était presque mignon.
« Pourquoi vous faites ça ?! Qu'est-ce que j'ai fait de mal ? - Regarde au delà de ce que tu vois, Euterpe. - Oui bah pour l'instant, je vois rien du tout, c'est bien là le problème ! Et puis vous êtes qui, d'abord ? - La question n'est pas de savoir qui je suis, mais qui tu es toi ! - Mais je SAIS qui je suis ! »
Grommela la muse d'une voix mécontente. Dehors, enfin... au delà de son voile de tissu, quelqu'un se racla la gorge. Devant l'absence totale de réaction des autres Lazreg, Elise se sentit submergée par un élan d'injustice qu'elle fit ouvertement remarquer.
« Eeeeeh ! C'est pas juste ! Pourquoi personne ne le frappe, lui ?! Il s'est raclé la gorge aussi ! »
Si elle avait pu les voir, la muse aurait remarqué l'air unanimement dubitatif de tous ses interlocuteurs. L'un d'entre eux, qui n'était pas Xa'nesh, elle l'aurait reconnu, se crut discret et chuchota quelques mots à ses comparses.
« Le Sans-Queue nous avait prévenu qu'elle serait un peu... différente, mais là... »
Allons bon ! Maintenant, on remettait en doute sa santé mentale ! Mais elle allait très bien, elle !
« Vous croyez que le voyage l'a rendue aussi folle qu'un Ichmir... ? - Oh non... faîtes que ça ne soit pas le cas... Je ne saurais pas comment me comporter avec elle si-... - Eh, je vous signale que j'entends tout, à défaut de voir quoique ce soit ! »
Non loin d'elle, quelqu'un sursauta, elle en aurait mis sa main à couper. Cette même personne se prosterna au sol, suivie par tous les autres Lazreg. Elise se retint tout juste de pousser un long soupir découragé.
« Retour à la case départ... »
Cette fois-ci, le soupir lui échappa.
« P-pardonne-nous, Ô élue, nous ne voulions pas te contrarier comme nous l'avons fait... ! Nous pensions simplement que le voyage interstellaire avait pu t'éprouver et-... - Oui, oui, oui, vous êtes tout pardonnés, vous voudriez bien m'aider à me dégager les yeux, s'il vous plaît ? - M-mais tes yeux ne sont pas faits pour supporter la lumière de nos différents soleils, tu as besoin de cette protection et-... - Xa'nesh, ôtez-moi ce bandeau. Et pendant que vous y êtes, enlevez-moi au moins l'une des douze couches de t- - Quinze. - … Quinze couches de tissu dans lesquelles vous m'avez engoncée, j'ai même du mal à respirer ! »
Cela sembla paniquer le pauvre Xa'nesh qui arracha pratiquement treize des quinze vêtements qu'on avait enfilé de force à la jeune femme. Elise retrouva ainsi l'usage de ses mains et entreprit de se dévêtir du reste des tenues.
« Tu devrais en garder au moins une, jeune fille. - Mais j'ai trop chauuuuud ! En général, j'ai plutôt tendance à finir nue, moi. - Je doute que ce soit une bonne idée sous cette chaleur. - Mais moi j'aime pas avoir trop chauuuuud ! - Élue... ta peau si fragile ne supportera pas longtemps les rayons de nos soleils. Nos écailles nous protègent, mais toi... - Tant pis ! Je prends le risque ! »
Un soupir lui apprit que la voix dans sa tête n'approuvait absolument pas sa décision.
« Euterpe, tu vois la voûte rocheuse, droit devant toi ? - Celle-ci ? Fit la muse en indiquant la plus proche des gigantesques pierres, où se trouvaient d'ailleurs quelques Lazregs. - Oui, celle-ci. Approche toi donc en regardant le sol. »
Obéissante, Elise fixa le sol ensablé sur lequel elle marcha durant quelques pas, sous les regards interloqués du peuple l'ayant invoquée.
« Stop. - Mais il n'y a rien à voir ! - Chhht... Relève la tête, maintenant. D'un seul coup. - AIEUH ! »
La muse venait de se cogner brutalement la tête contre la pierre et maintenant, une bosse de la taille d'un œuf semblait se faire un devoir de parer son crâne. Elle poussa donc un juron mental pour informer celui qui habitait son esprit -et qui était mort de rire- qu'elle n'avait que moyennement apprécié la plaisanterie.
« Ça fait mal, hein ? - Evidemment que oui ! - É-Élue ! Tout va bien ?! - Non, ça ne va pas bien ! J'ai mal au crâne, maintenant... - Mais au moins, tu as appris ta leçon. - QUELLE leçon ?! - Celle selon laquelle tu n'es pas plus invulnérable qu'un autre, ici. Et tu regretteras furieusement le coup de soleil que tu prendras dans pareil endroit. - … »
Encore une fois, la terriiiiiiible souffrance dont elle était potentiellement la victime fut prise en charge avant qu'elle n'ait le temps de dire ouf. On lui banda le crâne d'une telle manière qu'elle sembla bientôt parée d'un véritable turban.
« … Ce n'est pas un peu exagéré, pour une bosse ? - Absolument pas ! Nous ne pouvons prendre aucun risque. Tu es la sauveuse de notre peuple... Mais je ne peux t'en dire plus. Nous avons déjà trop tardé. En route, maintenant. Le Sans-Queue t'attend. »
De peur de provoquer une nouvelle réaction dangereuse de la part de l'homme qui logeait dans sa têt-
« Je suis là pour te guider, Euterpe, pas pour te tuer, mais avec les têtes aussi dures que la tienne, il est nécessaire de les ouvrir pour faire rentrer les informations ! »
Donc. De peur de provoquer une nouvelle réaction meurtrière de la part de l'homme qui-
« Rafiki. Et tu sauras que ça signifie ami en Swahili. - Et bah je crois que nous n'avons pas la même signification du mot ami, toi et moi ! Et puis c'est où qu'on parle le Swahili ? - Dans plusieurs pays d'Afrique, et tu comprendras tout plus tard, tu verras ! Accélère en attendant, la rose s'épanouira bientôt ! - Hein ? - Je t'ai dit que tu comprendrais plus tard, en même temps que tu sauras qui tu es ! - Mais je SAIS qui je suis ! - Erreur... Moi je sais. Toi... tu t'es perdue à l'instant où tu as posé le pied ici. »
Alors qu'Elise grommelait, elle décida de se concentrer sur le paysage désertique dans lequel ils évoluaient. Tout serait toujours mieux que ce vieux bonhom-
« Singe, je suis un singe, un Mandrill, si tu veux tout savoir ! »
Allons bon. Le sing-
« Mandrill. »
Le Mandrill qu'elle avait dans le crâne, donc, était suffisamment pénible pour qu'elle en oublie d'observer les alentours. Et pire encore, qu'elle en oublie d'éc-... … …
« Quand je te disais que tu t'étais perdue en arrivant ici. »
… Elise s'arrêta net, stoppant tout aussi brusquement tout le convoi dont elle faisait désormais partie. Elle ouvrit grand la bouche, écarquilla les yeux, puis les ferma aussi sec. Alors seulement, son monde musical lui revint. La muse poussa un long soupir de soulagement, visiblement rassurée, puis se tint au premier Lazreg venu.
« Élue... Je vais te porter. »
La jeune femme ouvrit de grands yeux surpris, perdant dans un même temps la mélodie de ce monde. Faisant la grimace, elle secoua la tête.
« Non, ce n'est pas la peine, je peux très bien marcher ! - J'insiste, ce sera pour moi un véritable honneur. - Tu devrais accepter, Euterpe. Au vu de leurs tenues tu as à faire à un peuple nomade, et ils doivent beaucoup, beaucoup marcher. - … - Élue ? - Bon, c'est d'accord. Le Mandri- - Rafiki ! - … Rafiki a raison, ce sera peut être mieux pour moi... »
Alors, le Lazreg la prit tendrement à bras. Elise ne put s'empêcher de retrousser une de ses manches pour ressentir un contact plus direct avec son porteur et ce faisant, elle fut surprise de découvrir que leurs écailles étaient d'une douceur indéfinissable. La muse laissa glisser sa main tout le long de son cou, provoquant bientôt un frisson chez le propriétaire des bras la maintenant. Un sourire s'inscrivit lentement sur ses lèvres où pointait une bonne dose d'émerveillement.
« ...C'est magique... »
Elle releva son regard bleuté en direction du Lazreg, sans se départir de son sourire.
« Comment t'appelles-tu... ? - Je suis La'ënma Ish'Caël, Élue... Sois assurée que je suis enchanté de savoir que mes écailles te plaisent à ce point... - Cesse donc de m'appeler élue, je ne sais même pas ce que vous sous entendez par là. Appelle-moi plutôt Euterpe, c'est mon véritable nom. - Car même dans ton monde, tu possèdes des surnoms... ? Même là-bas, tu es une sorte de déesse... ? - Si on veut, mais c'est plus compliqué que ça, La'ë -je peux t'appeler comme ça ? »
Son vis-à-vis hocha la tête, caressant la main de la muse au passage sans le vouloir et la poussant à sourire encore davantage. Elle ajouta donc, plus paisiblement.
« Je peux fermer les yeux, La'ë ? J'ai terriblement envie d'entendre ta musique... - Ma musique ? - Oui, je vois le monde comme ça, normalement, mais ici, je suis obligée de fermer les yeux, tu veux bien du coup ? »
La'ënma hocha la tête et la muse s'abandonna à l'univers qui était véritablement le sien et le serait certainement à tout jamais.
Dès les premières notes, la muse fut transportée au cœur du désert qu'elle avait visuellement quitté. Le sable était partout, omniprésent, emporté lascivement par un souffle de vent qui caressait ses sens aussi sûrement que s'il avait été réel. Où que son regard se posa, l'océan doré s'étendait à perte de vue dans un calme apparent, apaisant, tranquillisant. La'ënma ne pouvait nier ses origines, était à lui seul un enfant du désert et le revêtait jusque dans son âme. À vrai dire, chacune des notes était si reposante que la muse sombra lentement dans le sommeil. La dernière chose dont elle se souvint fut la voix de Rafiki qui s'étonnait de sa vision du monde.
« Alors c'est comme ça que tu arpentes la vie, Euterpe... ? C'est vraiment magnifique. »
Un sourire endormi se glissa sur ses lèvres alors qu'elle quittait les bras de La'ënma pour ceux de Morphée.
« … Terpe... Euterpe... Réveille-toi, nous sommes arrivés... Le Sans-Queue te recevra dans un moment... Mais pour l'heure, Xa'nesh souhaite te faire découvrir notre communauté... - Hmmnmn... La'ë, vient avec moi, je veux rester avec toi... ! - Mais Euterpe, je ne sais pas si... - S'il te plaît La'ëëë ! - … Bon, c'est d'accord. Je parlerai à Xa'nesh... »
La muse, les yeux toujours clos, savoura la douce musique de son ami et hocha la tête, un sourire aux lèvres. Elle le libéra de ses obligations en quittant ses bras et fut surprise de découvrir que trois des quatre soleils s'étaient déjà couchés, atténuant fortement la luminosité du désert de... Tiens, oui, quel était le nom de ce désert, déjà ?
« Tu ne l'as jamais demandé, et maintenant La'ënma est reparti. D'ailleurs, tu as l'air de bien l'aimer ce garçon, n'est-ce pas ? - Je ne sais pas ce que tu t'imagines, Rafiki, mais tu as tort. - Je n'en suis pas si sûr ! »
La muse secoua la tête, un air amusé sur le visage, et se dirigea vers une jeune Lazreg qui devait avoir un âge équivalent à celui d'un enfant, sur Terre.
« Bonjour mademoiselle, je peux t- ?! »
La petite fille venait de se jeter à ses pieds sans lui laisser le temps de terminer sa phrase. Elise soupira, puis la releva d'une main tendre.
« Eh, tu n'as pas à faire ça... - C'est ce qu'on m'a appris depuis que je suis toute petite, élue, tu représentes tant pour notre peuple... - Appelle-moi Euterpe et révèle moi plutôt ton nom, nous ne sommes pas si différentes, tu sais ? - Je me prénomme A'ïsha, Euterpe... »
Le ton hésitant de la petite demoiselle arracha un sourire affectueux à la muse qui tendit le bras dans le but évident de caresser la joue de l'enfant. Mais celle-ci lança un regard si terrifié à sa main qu'Elise ne put s'empêcher de baisser les yeux pour voir ce qui terrorisait A'ïsha. Ce qu'elle découvrit alors la laissa sans voix.
« Ohohoh ! Tu veux ressembler à La'ënma à ce point ? »
Elle ne releva même pas. Sur ses doigts et sur sa paume s'étendaient à présent de douces écailles colorées, qui juraient furieusement avec le reste de sa peau. La petite fille dévisageait elle aussi les nouveaux attributs de la muse avec une terreur sans nom.
« J-je suis désolée, é-élue, j-je ne comprends pas ce qui t'arrive, c-ce n'est pas normal, n-nous sommes régulièrement en contact avec d'autres peuples e-et ça n'a jamais fait ça, j-... - Comme c'est beauuuu ! Oh, A'ïsha, c'est tellement magique ! Touche ! Touche ! C'est tout doux ! Tu crois que je vais les garder ? Hein ? Dis ! - Je ne pense pas qu'elle s'attendait à ce genre de réaction de ta part, Euterpe, vu la tête qu'elle fait... »
Elise planta son joli regard dans celui d'A'ïsha qui ne savait visiblement pas quoi faire. Elle lui adressa un énième sourire, ravi celui-ci, puis tendit les bras pour la prendre contre elle.
« Eh, A'ïsha, c'est trop génial, tu ne trouves pas ? Je vais devenir comme toi, et ensuite je ne serai même plus obligée de porter de vêtements ! »
A'ïsha, visiblement, ne trouvait pas ça aussi génial que la muse. Toutefois, on l'avait prévenue à maintes reprises que l'élue serait un peu particulière et la demoiselle se contenta donc de hocher la tête en silence. Elise la reposa doucement, puis lui tendit la main.
«Tu me fais visiter le campement ? »
La petite fille hocha la tête et Elise eut le plaisir de découvrir les us et coutumes du peuple qui l'avait appelée. Ils étaient riches de tradition à défaut de l'être financièrement et la muse ne put s'empêcher de se dire qu'elle y resterait bien, dans cet endroit. Peut être que, finalement, on l'avait appelée ici pour qu'elle trouve un nouveau foyer... ?
« Oh, j'attends de voir quand tu vas découvrir leurs habitudes alimentaires ! »
Rafiki ne fut pas déçu. Alors qu'on expliquait à Elise qu'elle devait se sustenter avant de découvrir le Sans-Queue, on lui apporta un gigantesque plateau couvert... d'insectes. La'ënma, qui l'avait rejointe pour l'occasion, annonça.
« Je doute que tu aies souvent eu l'opportunité de manger pareil repas, mais tu vas voir, c'est meilleur que ce que tu imagines. Ils viennent des roches globuleuses qu'on trouve un peu partout dans le désert, je t'y mènerai demain, si tu le souhaites. »
La jeune femme lança un regard désespéré à La'ënma qui haussa les épaules, ne pouvant rien pour un elle. Xa'nesh se racla la gorge et... lui tendit la larve la plus dodue du plateau.
« Ce doit être le meilleur morceau, se moqua Rafiki dans sa tête. »
Cette fois-ci, elle grimaça franchement. Elle voulait bien manger n'importe quoi, mais ça... !
« Je crois que je n'ai pas très faim... »
C'est à cet instant que son ventre se décida à gronder, stoppant net la tentative de fuite de la muse.
« Ne te sens pas gênée de devoir manger le met d'honneur, élue. Nous te l'offrons de bon cœur. »
Allons bon. Et en plus, c'était un privilège. Elise offrit un sourire forcé à l'assemblée et avala doucement sa salive.
« Tu ne peux pas passer outre, Euterpe. »
Elle le savait !!! Mais... Entre elle et lui... la larve n'allait jamais rentrer, pas vrai... ?
« Mais si, mais si, tu verras. De toute façon, comment veux-tu y échapper ? »
N'était-il pas censé l'aider, comme il l'avait sous entendu précédemment ? Alors pourquoi ne faisait-il pas en sorte de la dépatouiller de cette affaire-là ?
« Peut-être parce que je ne suis qu'une voix dans ta tête ? »
… Cette fois, la muse se dît qu'il avait bien de la chance de n'être rien d'autre que ça. Elle poussa un loooong soupir et tendit enfin la main vers la larve qu'elle... découvrit vivante. Un haut-le-cœur lui souleva l'estomac tandis qu'elle approchait la créature de sa bouche en maudissant l'instant où elle avait décidé, ce matin-là, d'attendre un peu pour s'emparer de ses pâtisseries. Si seulement elle avait su... ! Comme pour la rassurer, La'ënma se sentit obligé d'intervenir.
« C'est plein de protéines, ça te donnera des forces pour cette nuit. C'est le Sans-Queue qui nous l'a appris. Il est d'une sagesse à toute épreuve ! - De mieux en mieux. Si tu croyais pouvoir refuser précédemment, maintenant c'est fini. - Tu ne voudrais pas vexer tout un peuple, n'est-ce pas... ? Et ce pauvre La'ënma qui a l'air si enchanté à l'idée de te faire goûter ce merveilleux repas... - La ferme !! Pas toi La'ë ! Je parle à... un ami. - Un ami, hein... ? »
Et maintenant, même La'ënma la pensait folle. Elle poussa un long soupir, tenant toujours du bout des doigts le ''merveilleux repas'', selon les propres mots de Rafiki, qui l'attendait.
« Oh, mais son avis te préoccupe à ce point... ? »
Choisissant de ne pas relever, Elise détailla l'animal encore un moment avant de se décider à ouvrir la bouche.
« Hakuna Matata, Euterpe, Hakuna Matata... ça veut dire pas de soucis ! - Quoi ?? - Hakuna Matata, c'est une phrase magnifique ! - Hakuna Matata ? - Quel chant fantastiiiiiique ! - Un ch- ?! - Ces mots signifiiiiiiiiiiiiiiient que tu vivras ta viiiiiiiiiiiiiiiie sans aucun souciiiiiiiiiiiis ! »
… Comme si elle avait besoin qu'on lui chante quoique ce soit en cet instant. Et puis d'abord, d'où sortait-il ces étranges paroles ?!
« J'ai appris cette philosophie à un suricate nommé Timon, et il en a fait une chanson avec un Phacochère nommé Pumba. - ... »
Oui, bon, finalement, Rafiki était peut être aussi particulier qu'elle, ce qui lui donnait légitimement le droit de chanter sa drôle de mélodie.
« A la bonne heure ! Hakuna Matata ! »
Au final, le tout était plutôt entraînant et lui donna le courage nécessaire pour affronter sa larve.
« Et bien... Hakuna Matata. - C'est ça, tu as tout compris ! »
Les Lazregs la regardèrent interloqués, mais Elise n'y fit plus attention. Elle approcha la larve de sa bouche une bonne fois pour toutes. Lorsqu'elle l'y enfourna, les larmes lui montèrent aux yeux. L-la sensation était tout simplement... indescriptible. Quand elle sentit l'animal remuer, elle décida qu'il était hors de question qu'elle croque dedans. Elle avala donc tout rond la bestiole et se mit brusquement à tousser tout ce qu'elle savait. Alors qu'on lui apportait de l'eau et qu'on la regardait s'abreuver, tous les regards convergèrent dans sa direction en attente de son verdict. Elise leur adressa un faible sourire en reprenant son souffle.
« … Un peu gluant... mais appétissant ! »
Dans un coin de son esprit, Rafiki éclata de rire.
« Tu te serais très bien entendue avec un lion de ma connaissance, Euterpe. »
La muse se fit la réflexion que ce serait une peluche géniale, un vrai lion avec tout plein de poils et une grande crinière, mais le mandrill la coupa.
« Oh non, malheureuse, je te parle d'un roi ! - … Et ? - ... »
Fière d'avoir fait taire le singe, la jeune femme laissa naître un plus grand sourire sur ses lèvres.
« Je suis heureuse d'avoir partagé votre repas ! Maintenant, j-... - Oh mais rassure-toi, élue, il y en a d'autres. »
Lorsqu'on lui présenta une douzaine d'autres larves, elle eut véritablement l'envie de pleurer. De nouveau, Rafiki intervint en éclatant de rire.
« Les dieux me vengent ! »
Pour la seconde fois de sa vie, Elise eut envie de faire taire quelqu'un.
« Dommage que tu n'y puisses rien ! »
Rectification. De faire taire violemment quelqu'un. Puis la muse prit son courage à deux mains et se pencha sur sa si merveilleuse assiette avec le sourire le plus crispé de toute son existence. Douze larv-
« Treize. Sans compter la première. »
… Quatorze larves plus tard et l'estomac monstrueusement ballonné sans véritable raison, el-
« Si ça se trouve, c'est parce que les larves sont encore vivantes et qu'elles remuent dans t- »
ELLE NE VOULAIT PAS SAVOIR.
« Mais Euterpe, quel mal y aurait-il à ça ? Tu les as mangées à ce que je sache et-... »
Non, vraiment, elle ne voulait pas savoir.
« Bon, bon, d'accord... »
Bien. Donc, après avoir longuement expliqué qu'il n'était absoooolument pas nécessaire de lui préparer une seconde assiette, Elise avait raconté qu'elle n'était pas très desserts et préférait rencontrer immédiatement le vénérable Sans-Queue dont on avait tant vanté la sagesse depuis son arrivée. Elle prendrait du dessert la prochaine fois, mais ce soir, c'était bien assez, peut être même déjà trop ! Ce fut seulement lorsqu'elle vit du coin de l'oeil le dessert en question -une montagne de fruits visiblement succulents- qu'elle regretta amèrement sa décision. La muse fit la moue et se laissa guider en direction de la tente du Sans-Queue en traînant des pieds.
« Tu vas voir Euterpe, le Sans-Queue possède l'expérience de plusieurs siècles pour l'accompagner. Il sait tout, il connaît toutes les dunes du Désert de Falmir et sait lire les étoiles comme personne d'autre. C'est lui qui nous guide et nous conseille. Le Sans-Queue est le plus grand de tous les sages. - Ouuuh, tu vas rencontrer beau papa, ou quelque chose comme ça... Il va falloir faire bonne impression ! - J'ai vraiment hâte de le connaître. - Sois douce avec lui. L'âge a entravé son corps aussi sûrement que son esprit se veut libre. Je compte sur toi. »
La muse hocha calmement la tête avant de caresser le bras de La'ënma d'une main tendre -où avaient poussé encore davantage d'écailles pour le plus grand déplaisir de Xa'nesh.
« Tout ira bien La'ë... d'accord ? »
Le concerné hocha la tête avec un semblant de sourire, puis souleva la toile de la tente, laissant Elise y pénétrer. Lorsque ce fut fait, il la rabattit. Désormais, la jeune femme était seule face au Sans-Queue. C'était elle et lui, sans personne d'autr-
« Ehhh ! Et moi ?! »
… Elle, lui, et Rafiki. C'était l'instant le plus crucial de toute son épopée, et la muse le sentait.
« Assssssieds-toi mon enfant... Sssssois la bienvenue parmi le peuple Lazreg... »
Presque intimidée, elle s'exécuta sans un mot, gagnant une sorte de pouf aux couleurs chatoyantes et qui se révéla très, très confortable. … Presque trop confortable, d'ailleurs.
« S'endormir devant le membre le plus respecté de tout un peuple, ça ne le fait pas vraiment. Tu le sais, ça, Euterpe ? »
Elise sursauta, puis hocha la tête dans un mouvement presque automatique. Le Sans-Queue prit cela pour une salutation à laquelle il répondit avec le sourire.
« Vous êtes le chef des Lazregs, monsieur ? »
L'éclat de rire qu'elle provoqua chez le vénérable ancêtre lui fit craindre une erreur, mais celui-ci lui répondit d'une voix presque attendrie.
« Loin de là, élue, loin de là... Les Lazregs n'ont d'autre chef que le Désert lui-même, je ne ssssuis que le consssseiller des miens... C'est d'ailleurs moi qui leur ai proposé de t'appeler. Ssssais-tu pourquoi tu es icccci... ? »
La muse secoua la tête, attendant sagement la suite.
« Et bien il sssse trouve que le Désert nous rejette pour une raison inconnue, élue... Il dévore les miens lorssssque nous nous déplaçççççons à la nuit tombée... Lorsssssque j'ai interrogé les étoiles cccc'est ton visage qui est apparu... Tu es la sssseule à pouvoir comprendre la prophéttttie que mon peuple porte dans sssson ssssillage depuis des sssssiècles... - … Et quelle est ccccette prophéttttie... ? »
C'est à l'inssssstant même où Elise posa la quessssstion qu'elle comprit qu'elle avait fait une erreur... Oui, mais laquelle ?
« Tu sssssais Euterpe, faire remarquer aux gens qu'ils ont un accent aussi prononccccé que le ssssien peut être parfois très, très mal vu... »
… Oh non ! L'avait-elle vexé ?!
« Pardon monssssieur ! Moi je l'adore, votre accent ssssifflant !! On ne peut pas dire de toi que tu sssaches ménager l'orgueil des gens qui t'entourent, hein Euterpe... ? »
Elle devait bien l'avouer, Rafiki disait vrai. Mais le pire, dans tout çççça, ccccc'est que cccce curieux accent était visiblement contagieux ! Le Ssssans-Queue la dévisagea ssssévèrement, puis demanda.
« Te moquerais-tu de moi, élue ? »
Le ton employé par sssson vis-à-vis était glacccial. -RAAAH ! Ççça Sssssuffisait, cet accent ! Elle en avait marre et ferait désormais attention à chacun de sss- chacun de ses mots, donc.
« Ssssage déccccision, Euterpe. »
Et Rafiki allait, bien évidemment, faire de même.
« Oui, oui, dit-il en soupirant exagérément. »
Elise reprit précipitamment la parole en secouant la tête.
« Bien ss- sûr que non ! Je vous assure que c'est une regrettable méprise !! »
Le Sans-Queue la jaugea d'un air sévère, puis sembla s'apaiser un peu. Conservant un ton absolument pince-sans-rire, il reprit donc.
« … Pour entendre pleinement cccette prophéttttie et la comprendre, il te faudra fermer les yeux et te détendre abssssolument... - Son accent a quelque chose de très amusant, plus encore que le mien, c'est dommage qu'il ne sache pas en rire ! Lui aussi devrait appliquer ma devise ! Tu ne veux pas la lui chanter ? »
Un sourire amusé s'inscrivit sur les lèvres de la muse alors qu'elle s'imaginait apprendre au vieux sage-
« … à faire la grimace ? »
Cette fois, la jeune femme ne put retenir un léger rire, qui ne fut pas du tout du goût du reptile précédemment vexé. Celui-ci se fit plus sévère encore. Lorsqu'il reprit la parole, Elise eut la furieuse impression que c'était un ordre qui quitta ses lèvres.
« … Ferme les yeux, élue. Maintenant. - Très bien, très bien... »
Elise s'exécuta donc sans faire d'histoire. De plus, elle était curieuse d'entendre la prophétie à laquelle son destin se rattachait. Aussi, lorsque le vénérable Sans-Queue ouvrit la bouche pour la lui annoncer, elle se fit terriblement attentive.
« Ssssous le rideau de rés-... - AAAALLEZ MUSIQUEEEEEUUUUH ! »
La muse sursauta et écarquilla les yeux, s'attirant un regard noir de la part de son interlocuteur. Dans sa tête, la voix de Rafiki se questionna.
« Il y a quelqu'un d'autre dans ta tête, Euterpe ? »
Non, non, enfin, pas jusqu'à preuve du contraire...
« Vous avez entendu ?! - Abssssolument pas. Ccccesssse de m'interrompre, jeune fille, je te parle de choses ssssérieuses... Cccc'est le dessssstin de tout mon peuple qui est en jeu. »
Il avait raison, et elle le savait. Elle afficha bien vite une mine coupable, hocha la tête, puis referma aussitôt les yeux.
« Ssssous le rideau de résill- - … - … »
De nouveau, le Sans-Queue fut coupé. C'est alors qu'elle comprit. Dans son esprit, Rafiki se prit un fou rire incontrôlable et sans qu'elle n'y puisse rien, ses lèvres s'incurvèrent en un sourire amusé.
Non, c'était impossible, hein... ? Elle devait faire erreur, c'était obligé ! Rafiki n'en finissait pas de rire, et, déjà, ses propres épaules étaient secouées par une hilarité qu'elle comprit bien vite comme étant inévitable. Elle rouvrit brusquement les yeux et se mordit la lèvre aussi fort qu'elle le put lorsque le Sans-Queue s'énerva contre elle. De nouveau, elle ferma les paupières, mais immédiatement, la musique reprit, cette fois en duo avec Rafiki.
« … La petite, petite marionnetteuh ! - Tu ne m'aides PAS DU TOUT, RAFIKI ! »
Le Sans-Queue écarquilla les yeux à son tour alors que la muse rouvrait les siens sans pouvoir se retenir. Non, décidément, elle n'y arriverait jamais.
« Qui que ssssoit Rafiki, qu'il sssse tienne tranquille. Clos le regard, élue. - … Je ne peux vraiment pas garder les yeux ouverts ? Pitié ! - Non. - M-mais vous ne comprenez paaaas ! Ce n'est tout simplement pas possible pour moi de fermer les yeux dans ces conditions ! - Quelles conditttttions ? »
Oups. Elise avala sa salive et secoua la tête.
« C'est sans importance. »
Elle se dépêcha de clore ses paupières et tenta, cette fois, de garder son sérieux.
« ...Regaaaarde moiii eeeet n'oublie paaaaas ! Le petit bonhomme en mooouuussseeeuh ! »
C'en fut trop pour la muse qui partit à son tour dans un fou-rire incontrôlable. Qui ne fut pas du tout du goût du vieux reptile.
« … - Je vous assure que je ne me moque paaaas ! C'est vous qui- - Mau-mauvaise idée, Euterpe ! Parvint à articuler le mandrill hilare. - C'est MOI ?! »
Cette fois-ci, le reptile se vexa de façon irréversible et... jeta la muse dehors. Elle ne put s'empêcher de penser qu'il avait quand même vraiment la pêche pour un homme de cet âge.
« …De toute façon, c'est pas une chanson de vieux sage, ça ! Bougonna-t-elle, pas du tout contente de s'être faite mettre à la porte. - Chanson adéquate ou pas, on s'en moque, toujours est-il qu'il ne veut plus nous parler et qu'on a un peuple à ssssauver ! »
Elise ne put retenir un léger rire.
« Mais quand même, c'était drôle. - A qui le dis-tu ! »
La jeune femme retrouva sa bonne humeur et se releva pour faire face à... un La'ënma à l'air profondément inquiet.
« Dis moi que c'est la façon qu'ont les gens de chez toi pour quitter la maison de quelqu'un. - Ahahahaha... Tu vas rire, La'ë... »
Étonnamment, il n'éclata pas une seule fois de rire. Ce fut même tout l'inverse.
« Oh Euterpe, qu'as-tu fait... ? Beaucoup des miens ne supportent pas qu'on leur rappelle leur accent... et puis cette histoire de musique... - Mais moi je l'aime vraiment bien ! Je ne mentais paaaaas ! Et ce n'est pas de ma faute, si son âme dégage cette musique-là plutôt qu'une autre ! Toi, par exemple, tu as une musique très, très douce, que j'aime beaucoup. - M-merci Euterpe... - Ouuuh, je crois bien qu'il est gêné ! »
Et c'était vrai, à voir l'air un peu perdu que La'ënma afficha bientôt. Elise eut pour lui un sourire attendri et tendit le bras pour toucher le sien. C'est ainsi qu'elle remarqua que les écailles le couvraient désormais entièrement.
« Trop bien... »
Marmonna-t-elle d'une voix émerveillée. La'ënma, lui, semblait visiblement inquiet.
« Regarde La'ë ! Je deviens comme toi ! »
Le sourire qu'elle offrit au jeune Lazreg le rassura et celui-ci se risqua même à caresser la peau nouvellement écailleuse de la jeune femme. Un frisson la parcourut, et elle n'hésita plus avant de se jeter dans les bras de La'ënma. Si celui-ci fut tout d'abord surpris, il la serra bientôt contre lui et, après un instant de calme que Rafiki lui-même n'osa pas rompre, murmura.
« … Ferme les yeux, Euterpe. »
Sans hésiter une seule seconde, la demoiselle s'exécuta. La tendre mélodie de son ami résonna bientôt à ses oreilles alors que lui-même lui chuchotait quelques mots.
« Sous le rideau de résille, pleurer le fruit des roches globuleuses... »
Son cœur s'emballa alors sans aucune raison et dans un coin de son esprit, Rafiki s'affola.
« La prophétie, Euterpe ! Il vient de te donner la prophétie ! »
Étrangement, une part d'elle semblait comprendre le texte. Mais c'était une part lointaine, qui lui donnait l'impression frustrante de savoir sans que ça ne soit vraiment le cas. Son compagnon mental, lui, était visiblement en pleine ébullition.
« Le rideau de résille... le rideau de résille... Euterpe, tu veux bien soulever tes tenues, que je vérifie quelque chose ? - Euh... Oui ? »
Interloquée, la muse s'exécuta sous le regard perdu de La'ënma qui détourna bien vite la tête.
« Euterpe ! Qu'est-ce que tu fais ?! - Bah rien, j'ai trop chaud ! - Ou-oui, mais le soleil n'est pas encore couché, ta peau ne va pas le supporter ! - Ce qu'il essaye de te dire, c'est qu'il est gêné de te voir te déshabiller. Baisse les yeux et regarde, en attendant. - Quand est-ce qu'ils m'ont mis ça ?! - Quand tu as osé te racler la gorge, quelle question ! - … Ah. »
Un instant, Elise se demanda si c'était ce qu'Ashton appelait être sensuel, puis se ravisa. L'important, pour l'heure, n'était pas là, et elle ne voyait de toute façon pas où voulait en venir Rafiki.
« Je t'expliquerai, Euterpe. Mais le temps n'est pas encore venu... »
Oui, bah elle, elle s'interrogeait tout de même sur l'utilité de ce truc, hein.
« Eu-Euterpe... »
La jeune femme releva les yeux vers La'ënma et se rappela qu'elle était en train de se dénuder depuis ses bras et que, pour lui, la situation pouvait être un peu... gênante.
« Oh, pardon ! Mais c'est rigolo, tes écailles rougissent ! - C-C'est parce que je suis un peu troublé... - Un peu, hein... ? »
Elle laissa donc retomber les tenues sur son corps, acceptant l'idée que le soleil de ce monde, même s'il n'en restait plus qu'un, soit trop violent pour elle. La'ënma sembla profondément soulagé par sa décision mais mit un moment avant que sa peau ne reprenne sa teinte habituelle. Une fois que ce fut chose faite, il reporta le regard sur la jolie demoiselle qui l'accompagnait. Elle lui souriait le plus innocemment du monde, comme si elle était inconsciente du trouble qu'elle avait créé en lui.
« J-je te propose de rentrer au campement, il commence à se faire tard et nous avons un très, très long voyage, cette nuit... Si tu veux, je te porterai de nouveau, Xa'nesh m'a délégué le rôle d'accompagnant. - Oh, mais moi je veux marcher un peu aussi ! - Ce ne sont pas mes pieds, Euterpe, mais à ta place, je l'écouterai. - Pffff... »
De mauvaise grâce, la muse accepta l'offre de son ami et prit sa main pour rentrer. Lorsqu'ils arrivèrent au camp, elle fut surprise d'y trouver une agitation remplie d'un stress qu'elle ne connaissait pas à ce peuple. On aurait presque dit... qu'ils avaient peur. La'ënma lui-même semblait désormais plus soucieux. Il adressa un sourire navré à sa compagne lorsqu'il la vit lancer un regard interloqué autour d'elle, puis expliqua.
« Les... attaques surviennent surtout la nuit... j'espère qu'il n'arrivera rien d'ici demain... »
En voyant l'air contrarié qui revêtit les traits de son ami, Elise eut l'envie de l'embrass-
« NOOOOON ! - ?! - Chut, ne fais rien, c'est tout ! »
La jeune femme haussa un sourcil puis se rappela qu'elle était la seule à entendre Rafiki et qu'elle avait donc oublié de répondre à La'ënma. Celui-ci s'en voulait déjà beaucoup trop à son goût, comme elle put le comprendre au moment où il reprit la parole.
« Ça n'a pas d'imp- - Mais bien sûr que si, La'ë ! Je te promets de réaliser la prophétie au plus vite. D'accord ? »
Ce faisant, elle le prit dans ses bras, semant de nouveau le trouble dans l'esprit du jeune Lazreg. Lorsqu'elle le relâcha, ce fut pour s'emparer de sa main.
« Tu viens ? On va aider à ranger ! »
Un sourire reconnaissant se glissa sur les lèvres du concerné qui hocha la tête. Ils se rendirent donc auprès de plusieurs autres Lazregs et entreprirent de ranger. La muse y mit tant d'enthousiasme que le peuple en fut enchanté. Lorsque le soleil caressa le monde de ses derniers rayons, ils étaient fin prêts. Elise porta un dernier regard sur l'endroit où elle était arrivée et dont il ne restait plus rien et se dit que tout cela avait quelque chose d'extrêmement poétique. Un doux sourire se glissa sur ses lèvres tandis que La'ënma la rejoignait. Xa'nesh les observa un instant d'un air amusé, puis se dirigea vers un vieux Lazreg qu'il prit sur son dos. En voyant cela, la jeune femme ne put s'empêcher de se dire que ce peuple se magnifiait dans son unité si singulière. À leurs côtés, Elise se sentait libre. À leurs côtés, Elise se sentait vivre.
« Et ça a toujours été comme ça ? »
La'ënma, qui était en train de refermer un énorme sac de voyage, tourna la tête en direction de la muse et lui adressa un regard interrogateur.
« De ? - Cette façon de tout quitter pour tout reconstruire ailleurs... Encore et encore... Tu as toujours vécu ainsi, La'ë ?»
Le Lazreg installa le sac sur ses épaules et se redressa dans un sourire. Puis il hocha la tête.
« Je crois bien que oui... Moi-même, je suis né lors de l'un de ces voyages, tu sais ? - Vraiment ?! Oh, raconte-moi tout La'ë ! S'il te plaît ! »
Le concerné éclata d'un rire amusé puis tendit les bras vers la muse.
« Grimpe. Je te raconterai en chemin, si tu le veux toujours, juste après que les étoiles nous aient indiqué notre route. Ça te va ? »
Pour toute réponse, Elise ne se fit pas prier pour obéir et se retrouva bientôt accrochée au cou de La'ënma, dont les écailles se teintèrent légèrement de pourpre. Ce faisant, elle découvrit qu'elle-même en possédait de nouvelles sur son autre bras, désormais semblable à ceux de son ami. Celui-ci se fit plus soucieux, puis, voyant que la muse s'en accommodait très bien, s'en réjouissait même, il retrouva le sourire. Une fois qu'elle fut tout contre lui, il se dirigea vers le reste des siens qui, déjà, observaient le ciel s'illuminer avec un intérêt presque religieux. Elle-même tenta de se concentrer afin de comprendre le monde comme les Lazregs le faisaient...
« Eh, Euterpe regarde un peu la lune ! - Chhhht Rafiki, je me concentre... chuchota la muse. - D'accord, je reformule. Regarde un peu LES lunes. »
Elise sursauta et se contorsionna jusqu'à apercevoir les deux lunes qui rayonnaient dans le ciel telles les souveraines qu'elles semblaient être.
« Waaaaw ! - Chhhhhht ! »
Tous les visages s'étaient brusquement tournés vers elles, dont le Sans-Queue qui lui envoya un regard peu amène. L'élue, comme ils se plaisaient à l'appeler, le salua avec un petit sourire gêné. Étonnamment, il ne répondit pas.
« Pardon tout le monde... »
Se sentit-elle obligée de marmonner. Elle se laissa un peu plus aller contre La'ënma qui lui fit un clin d'oeil amusé, puis tous deux concentrèrent à nouveau. Et Elise devait bien l'avouer, l'océan étoilé auquel elle faisait face avait de quoi concurrencer le confort d'une vie sédentarisée à lui seul.
« Regarde, Euterpe, murmura La'ënma, tu la vois, cette étoile... ? »
La muse leva les yeux en direction du point qu'indiquait son ami et rencontra un point si lumineux qu'il lui fit presque mal.
« Et bien cette étoile, c'est Dra'esh. Ça signifie « Ponctuelle » en Lazreg... Toujours au Sud, jamais absente, si un jour tu te perds dans le désert c'est vers elle que tu dois te tourner. Et là... »
Dit-il en pointant une autre étoile, plus timide mais dont l'éclat estompait presque la luminosité de Dra'esh.
« C'est Mo'ïra, « Celle qui ne dort jamais. » Si tu fais très attention, tu la vois même de jour. - C'est vraiment très intéressant, La'ë... - N'est-ce pas ? Regarde un peu par là. »
Et, alors qu'Elise s'attendait à devoir suivre un autre point céleste, La'ënma lui indiqua une bande de jeunes enfants qui devaient avoisiner les 5 années terrestres ainsi qu'une femme Lazreg en âge d'être mère.
« Tu vois ces enfants... ? Ils apprennent les étoiles, tout comme je suis en train de le faire avec toi. Bien sûr, ils le font depuis plus longtemps, alors ils doivent au moins en connaître une vingtaine. Mais tu verras, ça viendra. - Ouuuh, il oublie que tu devras repartir un jour ! »
Rafiki disait sûrement vrai, mais ce soir-là, Elise ne voulait pas y penser. Ici, elle était bien, apaisée, vivante, heureuse. Ici, elle avait l'impression d'avoir encore des milliers de choses à apprendre et en découvrait un peu plus à chaque instant avec un plaisir grandissant. Alors, la muse décida d'ignorer Rafiki et hocha la tête.
« J'en connais déjà deux, mais je voudrais en connaître une dernière. Laquelle est ta préférée, à toi, La'ë ? »
Le jeune Lazreg eut un sourire et prit doucement la main de son interlocutrice pour lui indiquer une autre étoile au rayonnement si doux qu'il en toucha presque le cœur de la jeune femme.
« Masal'dre, « La mère. » Je la trouve d'une infinie tendresse et puis... quand je la regarde, j'ai l'impression que tout se passera bien. »
Il eut un sourire embarrassé, puis poursuivit.
« En fait, je crois qu'elle me rassure... C'est idiot, hein ? »
La muse ne l'entendait pas du tout de cette oreille.
« Mais bien sûr que non, c'est même adorable, La'ë ! Et puis je trouve qu'elle te correspond bien, tu es aussi doux qu'elle... »
Ses écailles devinrent rouges écarlates et il secoua la tête, l'air gêné.
« J-je dois t'avouer que je ne sais pas quoi te répondre... - Ohohoh ! Je crois que tu as touché juste ! »
Touché quoi ? Elise n'en avait aucune idée et, pour tout avouer, elle n'était pas sûre de vouloir savoir. Ce singe avait parfois des pensées bizar-
« Ehhhh ! »
Mais qu'il la laisse finir à la fin ! Des pensées bizarres donc, qui, malgré ça, lui plaisaient tout de même. Cependant, la muse voulait préserver la magie de cet instant. Hélas pour elle, il en fut décidé autrement par Xa'nesh qui, d'une voix calme et décidée, annonça.
« Maintenant, il nous faut partir. Nous nous dirigerons vers l'Est, si tout le monde le veut. Nous devrions atteindre les roches globuleuses d'ici le lever du troisième soleil. Allez, en route. »
Alors, tous partirent. À l'entente du lieu de leur destination, le cœur d'Elise se souleva. Elle avait le sentiment que le destin du peuple se jouerait là-bas et nulle part ailleurs. Mais pour l'heure, ses yeux se fermaient seuls, bercés par le spectacle d'une beauté à couper le souffle qui animait le ciel. Cédant à l'appel de Morphée, Elise ferma les yeux et ne tarda pas à sombrer dans un profond sommeil. La dernière chose qu'elle entendit furent les voix à l'unisson de ses deux amis.
« Bonne nuit Euterpe. - Bonne nuit Euterpe. »
Un sourire se glissa sur ses lèvres lorsque sa respiration se fit plus douce.[/color][/color]
Dernière édition par Elise Barcarolle le Mer 5 Aoû - 0:15, édité 2 fois
Quand elle se réveilla le lendemain, le second soleil enflammait seulement le ciel de ses premiers rayons incendiaires. Le peuple Lazreg avait marché toute la nuit et poursuivrait encore pendant de longues heures. La jeune femme bâilla, s'attirant un regard attendri de la part de La'ënma.
« Bien dormi ? »
Alors qu'elle hochait distraitement la tête, Rafiki fit écho aux élans de son corps dans un bâillement sonore.
« Oui, merci, mais toi, tu n'as pas dormi... ? - Non, lorsque nous nous déplaçons comme ça il est habituel pour nous de ne pas dormir... Seuls les enfants et les vieillards ne tiennent pas le trajet, mais les adultes en pleine santé le peuvent aisément. - Waaaaw... Et bah, ça c'est courageux... »
Un sourire amusé s'empara des traits de La'ënma, mais ce fut Rafiki qui répondit.
« Oui, courageux, et puis, entre nous, reptile ou pas, il a quand même du charme, hein ? Quelque chose... d'exotique... - Mais n'importe quoi... ! - Oui, oui, c'est ça... Ne t'en fais pas, c'est parfait comme ça ! »
Parfait comme ça ? La muse n'avait aucune idée d'où voulait en venir le Mandrill et haussa les épaules, croisant le regard interloqué de son ami.
« Euh, je parlais à la voix dans ma têt-... »
Pour la première fois de sa vie, Elise se rendit compte à quel point cette phrase, prononcée innocemment, pouvait amener à se questionner sur sa santé mentale. Elle reprit donc.
« Euh, c'est compliqué, mais quelqu'un me guide depuis... euh... Tu viens d'où, Rafiki ? - D'Afrique ! - Depuis l'Afrique, donc. C'est un continent de chez moi ! - Euterpe, tu es en contact avec l'un des dieux de ton monde... ? - Un dieu ? Rien que ça ? Ne le contredis pas, c'est rigolo ! »
La jeune femme ouvrit la bouche en un rond parfait, sourde aux réclamations du Mandrill.
« Non ! Ce n'est pas un dieu ! Enfin il ne s'est pas présenté comme tel... ! C'est une espèce de... singe et-... - Un singe ? - Ouiii ! C'est un animal qui vit dans les arbres, souvent dans la jungle, enfin je crois... - Tu veux dire... comme un Verdiio ? - Euh... sans doute, c'est quoi, un Verdiio ? - C'est grand et plein de poils et-... - Pour l'instant, ça correspond, même si je ne suis pas très grand ! - Ils raffolent des calebasses... - Oh, moi aussi ! Ça me sert pour certains rituels ! - Tu fais des rituels, Rafiki ? - Oui, je bénis les enfants du couple royal. - Woooow ! Oh, pardon La'ë, continue ! - Ils sont très colorés, aussi... - Bon bah ce doit être ainsi qu'ils appellent les singes. Verdiio, tu dis ? Ça a une certaine classe. Appelle-moi donc ainsi, pour ne pas le dépays-... - ...Et ils ont une sorte de tambour sur le ventre. - Un tambour ?! Non, non, ça n'est pas comme ça un singe ! - Ohhh ! Et à quoi ça leur sert ? - Quand ils sont en colère, ils tapent dessus. »
La muse éclata de rire, s'attirant les foudres du mandrill qui occupait son esprit.
« Tu vas taper sur ton ventre, Rafiki ? - Très drôle mademoiselle ! En attendant, moi je sais comment résoudre la prophétie ! - Vraiment ?! Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ?! - Parce que tu n'es pas prête à l'entendre, Euterpe. Il te manque une donnée essentielle que tu découvriras sans doute seule... - Ton Verdiio est fâché contre moi ? - Non non, La'ënma ! Mon Verdiio va très bien ! Pas vrai Rafiki ? - Je ne suis pas un Verdiio, je suis un Mandrill ! - Il vient de me dire qu'il allait bien. - Dis le lui ! - Et qu'il t'aimait bien. - Oui, ça c'est vrai, mais ce n'est pas ce que je voulais dire ! - Et qu'il allait se taire pour le reste du trajet. - Ehhh ! »
Un sourire amusé se glissa sur les lèvres de la muse alors qu'elle se blottissait de nouveau contre La'ënma. Celui-ci fit écho à sa gaieté et répondit.
« Il n'a pas dit ça du tout, hein... ? »
La jeune femme secoua la tête.
« Non, mais c'est plus drôle de déformer ses paroles ! »
La'ënma sembla de son avis puisqu'il éclata de rire, bien vite rejoint par Elise. Décidément, elle l'aimait bien. Le jeune Lazreg avait ce quelque chose d'extrêmement doux qui, progressivement, poussait la muse à s'attacher à lui. Et pour lui, elle sauverait tout son peuple, n'en déplaise au Sans-Queue colérique. D'ailleurs... Elise remua dans les bras de son ami et reprit la parole.
« Dis, La'ë... Qui est-ce qui porte le Sans-Queue ? - C'est Xa'nesh, mais je pense que c'est une mauvaise idée d'aller lui parl- »
Mais déjà, la jeune femme embrassait la joue de son interlocuteur et se jetait au sol, dans le but évident de retrouver le Sans-Queue susceptible. La'ënma eut beau l'appeler, elle ne se retourna même pas.
« Bon. Il ne faut juste pas qu'on oublie de faire attention à nos s. Et surtout, surtout, ne ferme pas les yeux. - Oh non, plus jamais hein ! Une fois. Pas deux. Quoique... Je me demande -quelle est la musique de Xa'nesh... - Non, Euterpe, tu ne fermeras pas les yeux. Sauf si tu veux qu'on nous abandonne en plein désert. - Pfffff... T'étais plus drôle hier, Rafiki ! - Allez. Sssssois ssssage, surtout ! »
Elise éclata de rire, s'attirant au passage quelques regards étonnés, puis poursuivit son chemin entre les voyageurs jusqu'à parvenir au duo Xa'nesh/Sans-Queue.
« Bonjour à vous ! »
La réaction du Sans-Queue fut immédiate. Il sursauta.
« Élue ?! Que viens-tu faire icccci ?! Je n'ai toujours pas pardonné tes moqueries à mon égard. - Des moqueries ?! - Mais, non, mais non Xa'nesh, on s'est simplement mal compris, lui et moi... Pas vrai, vénérable Sans-Queue ? - Mmpff ! - … Pourrait-on s'éloigner du reste du groupe, Xa'nesh ? - Nous pourrions nous perdre et tu es le seul espoir de notre peuple et-... - La'ënma m'a appris où se situait Mo'ïra. Je sais aussi qu'elle brille même de jour. On peut s'éloigner, maintenant ? - … D'accord, mais pas longtemps. - Et un point pour la muse, un ! »
Un sourire triomphal se glissa sur les lèvres de la jeune femme une fois qu'elle obtint gain de cause et c'est avec un plaisir sans nom qu'elle mena le groupe vers une dune éloignée. Aucun de ses deux nouveaux vis-à-vis ne semblait enjoué par la nouvelle, en particulier le plus âgé des deux qui affichait une mine désormais boudeuse. Xa'nesh, quant à lui, se contentait de lancer quelques regards affolés en direction du reste de son peuple, comme si celui-ci avait pu brusquement disparaître. Une fois qu'ils furent suffisamment loin, Elise prit la parole.
« Je tenais à vous revoir pour m'excuser de mon comportement. Mais je considère que vous aussi, vous me devez des excuses ! Ce n'est pas une façon de traiter une jeune femme ! - Tu n'en auras pas. - Mais quel vieux fossile... Et encore, je suis sûr qu'il est plus jeune que toi ! - Et je peux savoir pourquoi ? - Car tu as inssssssulté mon, non, notre accent. - Mais n'importe quoi ! J'ai même dit le trouver très beau ! Vous pouvez demander à La'ë, il-... - La'ënma Ish'Caël n'est plus neutre, dans ccccccette histoire. Ta présencccccce le disssssstrait. - Alors ça, c'est la meilleure ! - Vas y Euterpe, fais-le taire ! Je suis avec toi ! -Et quand bien même, je peux savoir où est le problème ?! - Notre peuple n'est pas habitué à resssssssentir autant de choses. - Oui ça, je l'avais bien remarqué. Vous voulez que je vous dise ? - Ne me manque pas plus de ressssssspect que tu ne l'as déjà fait, jeune fille. - Jeune fille ?! Entre nous, c'est vous qui êtes un enfant, par rapport à moi ! - J'ai plusieurs sssssssiècles derrière moi ! - Vas-y, cogne ! Ne te laisse pas faire ! - Et moi je suis née à l'aube de mon monde. J'existe depuis le début de l'éternité. Quelque chose à ajouter ? - … - C'est bien ce que je pensais. Alors maintenant, je vais vous dire. Ce n'est pas votre accent, le véritable problème de ce peuple. Il est même très joli, et il vous va bien. Il est juste un peu communicatif, mais si vous ne vous vexiez pas si facilement lorsque l'on aborde le sujet, vous sauriez que ça ne m'a jamais dérangée, ni même fait rire. - Tu as pourtant ri, lors de notre rencontre !! - Ce n'était pas pour ça, je vous l'ai déjà dit. Mais revenons à nos moutons, voulez-vous ? »
À cet instant, Xa'nesh se pencha vers le Sans-Queue et lui murmura quelques mots.
« … Je crois que leurs moutons ressemblent aux Snolings... - Oui bah si les Snolings sont aussi semblables aux moutons que le sont les Verdiios aux singes, ils sont trèèèèès loin de savoir ce que c'est. Mais passons. Continue donc ! - Ahem. Je parle. - P-pardon élue ! - Achève-le Euterpe, vas-y ! - Ce n'est rien, Xa'nesh. Je disais donc que le véritable problème de ce peuple, c'est qu'il ne sait pas se laisser aller ! Si vous ne cherchiez pas autant à rester sages, peut-être n'auriez-vous pas autant de problèmes. - OUIIIII ! Et tu as mis le doigt sur le plus gros problème des Lazregs. Je te propose de tenter de régler ça, aujourd'hui. Mais en attendant... le Sans-Queue semble mécontent, vu le regard qu'il t'adresse... - Non. Ne dites rien. Nous n'avons de toute manière plus rien à nous dire, si vous n'entendez rien de ce qui vous déplaît une fois fâché par un sujet aussi dérisoire que votre accent. Et que ce soit bien clair : j'ai quand même l'intention de réaliser la prophétie. Mais ça n'est certainement pas pour vous que je le ferai. »
Et, sans un regard en arrière, Elise se dirigea d'un pas rageur vers le reste des Lazregs qui étaient à des lieues de s'imaginer la discorde régnant entre leur élue et leur sage.
« Waouw... Rappelle-moi de ne jamais te mettre en colère, Euterpe... »
La remarque de son ami lui arracha un sourire, et c'est plus détendue qu'elle rejoignit La'ënma. Celui-ci l'accueillit à bras ouverts, bien que visiblement soucieux.
« Comment ça s'est passé... ? - Euhm... de façon discutable, dirons-nous, mais ne t'en fais pas, s'il est aussi sage que toi, il réfléchira sur ses erreurs, je ne me fais pas de doute. »
Le jeune Lazreg sentit ses écailles s'enflammer sous le compliment.
« … J'en conclue que ça s'est mal déroulé. Euterpe, je pense que nous n'irons pas aux roches globuleuses aujourd'hui... - Oh, mais noooon ! - Il va falloir des gens pour garder le camp, lorsque tous vont partir chercher l'oasis la plus proche et le repas du soir. Étrangement nos noms seront en premier sur la liste. - Pfffff... - Quelle basse vengeance. -C'est pas juste... - Nous irons demain, ne t'en fais pas, d'accord... ? »
La muse hocha la tête, boudeuse, puis se passionna pour le lever du troisième soleil, en oubliant ses états d'âme. Voyant cela, La'ënma se sentit rassuré. Elise marcha durant trois kilomètres avant qu'ils n'arrivent à l'endroit déterminé pour le camp. Très vite, on installa les longues toiles de tentes, et le paysage en fut totalement métamorphosé. Puis, comme l'avait prédit La'ënma, leurs noms furent choisis pour garder le camp ainsi que les plus jeunes des enfants. Lorsqu'Elise apprit la présence des petits Lazregs, son humeur s'égaya totalement et c'est d'un pas joyeux qu'elle arpenta le campement déserté aux côtés des plus petits et de son ami.
« … C'est quand même graaaaand ! »
Elise se mit brusquement à courir en riant, bientôt suivie par une bande de joyeux bambins qui semèrent La'ënma à travers le camp. Mais, alors qu'elle tournait sur elle-même pour observer l'étendue du lieu, elle cogna contre un instrument qui s'avéra être un triangle. Celui-ci teinta longuement, et Elise se jeta sur lui pour vérifier qu'elle ne l'avait pas brisé. Ce faisant, elle se risqua à tirer une nouvelle note à l'instrument, au moment précis où un enfant fit tomber une première assiette sur le sol. Alors qu'elle sursautait, la muse décrocha de nouveau quelques sons à son triangle et se rendit compte que ça sonnait... plutôt bien. À cet instant, un autre enfant déchira un vêtement posé là. L'ensemble était de... mieux en mieux.
« Mais... mais ouiiii ! Tiens, prends ça princesse, et tape dessus dès que ton ami déchire un peu plus de cette robe ! Et vous, gardez le rythme ! D'accord ? »
La petite Lazreg à qui elle avait donné quelques instructions hocha la tête et se mit à jouer tandis que ses camarades poursuivaient. À sa gauche, un gamin fit tomber une caisse. Le bruit qu'elle produisit en chutant s'harmonisa considérablement avec le reste. Un sourire décidé sur les lèvres, Elise décida qu'il était temps d'apprendre à jouer à tous ces enfants ainsi qu'à La'ë. Elle sautilla en direction d'un bambin qui fouillait dans un sac de voyage et lui en sortit ce qui ressemblait à deux maracasses. Elle lui montra comment s'en servir et poursuivit sa route d'un pas dansant. C'est lorsqu'elle arriva au coin cuisine qu'elle eut une illumination. Prenant par la main quelques petits, elle leur offrit à chacun une paire de couverts et les fit taper sur les différents instruments de cuisine, produisant un orchestre sur mesure, absolument sublime. Elle éclata d'un rire joyeux et encouragea les enfants laisser libre cours à leurs jeux.
« Eh mais Euterpe... t'as ça dans le sang, la musique... - Ne dis pas de bêtise, c'est un hasard ! Ouiiii, c'est ça, El'caër ! Continuuuue ! - Tu sais ce qu'il te manque... ? - Oui, des paroles ! Attends, je vais trouver l'inspiration ! »
Et Elise ferma les yeux, soudain engloutie dans le monde musical dont elle avait tant l'habitude. Elle navigua entre toutes les musiques des enfants quand soudain...
« Ehhhh ! Ecoute un peu celle-là... - Elle est parfaite ! - Bon, attends. Shoobydoo dabudah, dubadu dabada dadoodah... »
Aussitôt, ou presque, tous les enfants reprirent en chœur les quelques notes qu'elle leur offrit. Certains la modifièrent, en oubliant l'exactitude après quelques répétitions, mais le tout continua à rendre d'une façon très mélodieuse. Un enfant trouva même une sorte de petite trompette dont il s'arma rapidement, se révélant très très doué dans cet exercice. Un rire enchanté s'empara bientôt de la muse.
« Oh, Rafiki, c'est magiiique ! Continuez comme ça les enfants, amusez-vouuuuuuuuus ! »
Alors qu'un nouvel éclat de rire emportait la muse dans une danse endiablée avec elle-même, elle rentra en plein dans un La'ënma atterré par le spectacle auquel il assistait.
« Eu-Euterpe... Qu'as-tu fait... ?! Le camp, les enfants, ils-... - Ils s'amusent comme ils devraient toujours le faiiire ! - M-mais non, ils détruisent tout ! - Oh, La'ë, laisse-toi alleeeeer... ! - Euterpe, je ne peux pas, nous avons la responsabilité du campement, j-... - Chhhhht.... - Oui, fais-le taire, on n'entend plus que lui ! »
C'est alors qu'Elise posa les yeux sur les toiles de tentes étirées au maximum.
« Ouh, Euterpe... Tu penses à la même chose que moi... ? »
Oh que oui... Et plutôt deux fois qu'une. Tandis que La'ënma lui expliquait en long et en travers la responsabilité qu'ils avaient sur ces événements là, Elise repéra une tente un peu moins haute que les autres et se mit à courir, entraînant son ami dans son sillage.
« Euterpe, ralentis, c'est une mauvaise idée, on va avoir un accideeeeENNNNNNT ?! »
Hurla celui-ci lorsqu'il comprit ce que faisait la muse. Une fois arrivés en hauteur, ils se mirent presque immédiatement à rebondir, bercés par la mélodie qui émanait désormais de tout le camp, comme une véritable épidémie musicale. Elise éclatait de rire à chaque saut, et, bientôt, La'ënma commença à se dérider.
« Je parie que tu n'avais JAMAIS fait ça, La'ë, hein ? »
Le jeune Lazreg la suivit dans son hilarité, puis répondit.
« Non, jamais, je ne m'étais jamais autant amusé de ma viiiiie ! »
Dit-il en tentant un salto. La muse sembla ravie de le voir faire et ajouta bientôt.
« Je parie que t'es pas capable de sauter plus vite que moi jusqu'à l'autre bout du caaaaamp ! - Oh toi, tu vas voir ! »
Alors qu'ils s'engageaient dans une véritable course, Rafiki murmura tout bas dans son esprit.
« Euterpe, tu es un génie. - J'ai fréquenté Mozart, moi, monsieur ! »
Le Mandrill n'avait pas la moindre idée de qui était ce Mozart, mais il supposait qu'il s'agissait là de quelqu'un de prestigieux. La'ënma, peu habitué aux jeux de ce genre, perdit la course. Toutefois, lorsqu'il arriva à la hauteur de la muse, celle-ci était interdite. Et bien que la mélodie continuât à résonner dans tout le camp, elle ne semblait plus pouvoir l'atteindre. Face à elle, cent visages colériqu-
« Rabats-joie. »
… Rabats-joie étaient dressés face à elle. Elise avala sa salive.
« Sois forte Euterpe. Tu as eu raison de faire ce que tu as fait. Tu es sur la bonne voie. »
Alors, la jeune femme commença.
« Ahahahaha... Vous allez rire... »
Étonnamment, personne ne trouva bon de rire. Et de nouveau, Elise se retrouva les fesses dans le sable chaud du désert. Cette fois-ci, elle fut accompagnée de La'ënma.
« … Et revenez lorsque vous aurez retenu la leçon ! »
Un instant, la muse eut l'envie de leur dire qu'elle ne retiendrait jamais de leçon de ce genre.
« Mauvaise idée, ou alors on ne nous laissera plus jamais rentrer... »
Elle devait bien l'admettre, le Mandrill avait raison. Alors, plutôt que de leur attirer de nouveaux ennuis, elle tourna la tête vers La'ënma, qu'elle imaginait plus contrarié qu'elle. Autant dire qu'elle fut terriblement surprise lorsqu'elle le vit éclater de rire.
« Oh, Euterpe, tu es une magicienne ! Je ne m'étais jamais senti aussi heureux, aussi vivant... ! Je-... »
Il lança un regard en arrière, vers le campement dont ils avaient été éjectés un temps, en guise de punition.
« Je ne regrette rien ! »
Le sourire qui s'épanouît alors sur les lèvres de la muse fut pour La'ënma comme un cinquième soleil dans le ciel de son monde.
« Si tu savais comme je suis ravie de te l'entendre dire, La'ë... ! »
Leurs rires se lièrent pour ne former plus qu'un, puis le jeune Lazreg se redressa avant de tendre sa main vers celle d'Elise pour qu'elle fasse de même. Lorsqu'elle releva la tête en sa direction, il put noter que de nouvelles écailles mangeaient désormais son cou. Mais cette fois-ci, il n'en dit pas un mot. Cela sembla même lui plaire.
« … Bon. Puisque nous sommes ''punis'', que dirais-tu que je t'emmène jusqu'aux roches globuleuses ? »
Avant même qu'elle ne puisse prononcer le moindre mot, Rafiki, plus sérieux que jamais, monopolisa la parole pour n'énoncer qu'un ordre unique.
« Accepte. »
Quand elle se questionna sur le pourquoi de son sérieux, il lui répondit d'une voix plus solennelle encore.
« C'est ta chance de réaliser la prophétie. Mais ne t'en fais pas, je te dirai lorsqu'il sera temps. »
Une boule de stress caressa un instant le fond de sa gorge, puis disparut lorsqu'elle s'adressa à son ami.
« Allons-y ! »
Alors, ils se dirigèrent vers l'accomplissement de leur destin. Lorsqu'ils arrivèrent, la muse ne put retenir un cri d'ébahissement.
« La'ë, c'est magnifique... ! »
Devant eux s'étendaient des pierres gigantesques et arrondies qui pouvaient plus ou moins ressembler à des yeux. La'ënma prit doucement la main de la muse, et murmura.
« Et encore, tu n'as rien vu, Euterpe... touche. »
La muse déposa une main nouvellement écailleuse sur la pierre et fut surprise de la trouver humide. Un sourire émerveillé se glissa sur ses lèvres alors qu'elle tournait la tête vers son ami pour commenter.
« C'est tellement magique... ! »
Le jeune Lazreg était de son avis, mais pour une raison bien différente. Il glissa un doigt sur le cou de la muse, qui se laissa faire. Cette femme venue d'un autre monde l'attirait bien étrangement, lui faisait ressentir des choses qu'il n'avait jamais éprouvé auparavant et... le subjuguait. C'était effectivement magique, comme elle le disait si bien elle-même. Et avec ces écailles qui recouvraient lentement sa peau, il avait l'espoir fou qu'elle-... Non. C'était idiot. La'ënma poussa un triste soupir, s'attirant un regard inquiet de la part de celle qui monopolisait désormais ses pensées.
« Quelque chose ne va pas La'ë ? »
Comme il ne répondit rien, elle poursuivit.
« Tu m'en veux un peu quand même pour le camp... ? »
Cette fois-ci, il secoua la tête.
« Non, absolument pas Euterpe ! C'est plutôt tout l'inverse... ! En fait, c'est... comme si tu m'ouvrais les portes d'un monde que je n'avais même jamais imaginé... »
Il prit une longue inspiration, soudain sujet au trac. Lorsqu'il ouvrit la bouche, Elise put déceler quelque chose dans son regard qu'elle ne connaissait que trop bien.
« Euterpe, je... »
Ses doigts glissèrent jusqu'à la joue encore intacte de la jeune femme, et cette vision l'arrêta le temps d'une seconde. Il était fou. Absolument fou, de croire cela possible. Et peut être que ce fut cette folie qui le poussa à murmurer un mot qu'il n'aurait jamais pensé prononcer un jour.
« Nazca'laë... »
Elise n'eut pas besoin de la moindre définition pour comprendre ce que cela signifiait. Alors, la muse paniqua.
« Nooooon, non Euterpe, c'est parfait ! C'est ce qu'il faut, c'est écrit ! Laisse-moi te guider, et surtout, fais tout ce que je te dirai de faire, sans réfléchir. Il va falloir agir vite, par contre. Ne le laisse pas parler, et répète ce que je vais te dire. Si tu es d'accord, hoche la tête. Surtout, pas un mot. »
La demoiselle ne se fit pas prier et hocha discrètement la tête pour signifier qu'elle suivait le vieux Mandrill.
« Bien... Prends lui la main, et entraîne le au centre des rochers. Vas-y ! »
La muse haussa un sourcil, puis exécuta les ordres de son ami. La'ënma fut certainement le plus surpris des deux.
« Eu-Euterpe ? Où est-ce que tu nous emmènes ? - Allez, c'est l'heure, c'est l'heure ! Hihahaha ! Prête ? - Hm hm ! »
Alors, le mandrill se mit à chanter. Et Elise répéta lentement ses paroles.
« Euh, ahah, La'ë... J-je connais un endroit charmant où les Verdiios sont complètement déments, où le lourd parfum des Pacifilms en fleur vous donnent des vap-... - Mais tu es déjà venue ici ?! Et les Pacifilms ne fleurissent pas, Euterpe, ils- - Chhhhht ! Fais le taire, chante plus fort ! - V-vous donnent des VAPEUUURS ! Quand le jeune Chraps b-boit du jus d'ananas, quand le BWABWA balance au son du tam-... - Rah, zut, ça ne rime plus ! Pas grave, continue ! - … tam ! La vie des Gloguls n'est pas trop nulle quand ils volent vers les étoiles ! - Les gloguls ne volent pas ! C'est plutôt l'inv-... - Monte le son, Euterpe, il ne doit pas t'arrêter ! Tu vas comprendre ! - A UPENDIIIIIIIIII ! Où la passion est un fruit ! M-mais ouiiiiii ! - Reprends ta chanson ! Tu n'as pas encore toute la donne ! - Tout le monde est ravi de cette folie quand on plane toute la nuit ! A UPENDIIIIIIIIII on oublie tout, on est heureux ! Mais c'est bien mieux quand on est deux ! Quel pays merveilleuuuuux ! - Mais Euterpe, attends, ce... pays dont tu me parles, où est-ce ? - Réponds-lui qu'il lui suffit d'ouvrir les yeux, ne réfléchis pas, fais-le. - I-il te suffit d'ouvrir les yeux... ! - Mais ils SONT ouverts, Euterpe ! - Bon, grimpe avec lui. Maintenant. »
La muse hésita une brève seconde, puis grimpa tout en haut des pierres, suivie par un La'ënma absolument perdu. Une fois en haut, elle se demanda quoi faire.
« Saute. - PARDON ?! - Ne réfléchis pas je te dis ! SAUTE ! - MAIS CE SONT DES PIERRES, EN BAS ! - SAUTE EUTERPE ! Mais avant, chante-lui ça. - F-fais bien attention, prends garde au plongeon, respire bien à fond, l'amour c'est profond ! - Euterpe, de quoi tu paaAAAAAAARLES ?! »
Elise marqua une nouvelle hésitation puis se jeta dans le vide, entraînant le pauvre Lazreg dans sa chute. Celui-ci hurla d'ailleurs tout du long, jusqu'à ce que...
« L-laisse flotter ton cœur en apesanteuuuuuuuuuuuuur et plonge dans le bonheuuuuuuuuuuuuuur ! »
Pour la première fois de sa vie, la jeune femme s'inquiéta de l'instant où ils rencontreraient les pierres du bas et-... Splouch.
« Splouch ?! - Oui, Splouch. Les pierres globuleuses sont spongieuses ! - ... - Bon, on reprend ! »
Trop abasourdie pour répliquer quoi que ce soit, elle recommença à chanter.
« A-A UPENDIIIIIIIIIII ! Où la passion est un fruit ! - W-wow, Euterpe, c'était extraordinaire et-... - TOUT LE MONDE EST RAVI de cette folie, quand on plane toute la nuit ! A UPENDIIIIIIIIIII ! On oublie tout, on est heureuuuux ! Mais c'est bien mieux, quand on est deux ! Quel pays merveilleuuuuuuuuuuux ! »
C'était vrai que les rimes étaient entraînantes et puis la chute avait été amusante et La'ënma semblait désormais heureux d'être là et-...
« Continue Euterpe, c'est presque ça ! Laisse-toi aller... ! - Tu pourras marcher, voler comme un Pepsoli ! Des épines de Muenor aux Terres boréales ! Tu trouveras A Upendi partout dans ta vie, OUI ! Sous les grands soleiiiiiils ! - Upendi, ça veut dire amour, n'est-ce pas ? - Bienvenue à Upendiiii ! »
Alors, il se passa quelque chose que le singe lui-même n'osait espérer. La'ënma se joignit au chant de la muse.
« A UPENDIIIIII ! Où la passion est un fruit ! Tout le monde est ravi de cette folie ! - Quand on plane toute la nuit ! A UPENDIIIIII ! On oublie tout, on est heureux ! - Mais c'est bien mieux, quand on est deux ! On plaaaaaane ! C'est merveilleux ! - A upendiiiiii ! - A upendiiiiii ! - A upendiiiiii ! Haha ! - A upendiiiiii... »
Progressivement, les notes s'estompèrent, laissant place à un silence rempli de promesses silencieuses. Elise elle-même sentait son cœur plein d'une étrange allégresse qu'elle n'avait plus ressenti depuis bien longtemps. Un doux sourire se glissa sur ses lèvres tandis que ses mains trouvaient le chemin de celles de La'ënma. Celui-ci lui répondit d'un regard débordant de tendresse et se pencha enfin vers elle, dans le but de l'embrasser. Mais alors que la jeune femme fermait les yeux, Rafiki vint gâcher ce précieux moment.
« Paaarfait. Maintenant, mets-lui la claque de sa vie ! »
Hein ?! La muse rouvrit les yeux dans un sursaut. Elle n'allait pas le-...
« VITE JE TE DIS ! C'EST LA SEULE SOLUTION ! »
M-mais...
« VITE ! »
Alors Elise décrocha une baffe magistrale au pauvre Lazreg qui ne comprit rien à sa vie. Mais tandis qu'elle allait s'excuser, Rafiki ne lui laissa pas même le temps de respirer.
La demoiselle entreprit de déchirer le tissu, quand Rafiki s'impatienta.
« Soulève le tout, on a juste besoin de tes bas ! - De mes bas ????? - Mais ouiii, le vêtement que tu disais sensuel hier ! - Oui, je sais, mais pourquoi ?! - Je t'expliquerai. Déchire les et jette les sur la tête de La'ënma ! - … »
Elle s'exécuta, terriblement décontenancée par la tournure des événements. Elle le fut encore plus lorsqu'elle eut fini et qu'une larme solitaire dévala la joue du pauvre Lazreg éconduit. Quand celle-ci s'écrasa sur le sol, toutes les écailles de la muse tombèrent à terre, pénétrant la pierre comme si celle-ci n'avait été que du beurre. Puis soudain, tout s'effondra.
« AAAAAAHHH ! »
Eurent-ils tout juste le temps de hurler avant de se relever dans une cavité souterraine. La jeune femme papillonna des yeux. Cette fois-ci, elle ne comprenait plus rien du tout.
« Je vais t'expliquer, Euterpe, mais avant ça, tu devrais te retourner vers La'ënma, il risque de ne pas en croire ses yeux. - A-... Al'druist... Tu es vivant... e-et toi, Es'laär... J-je... »
Elise fit volte-face et découvrit des dizaines de Lazregs s'époussetant, comme s'ils avaient été figés dans du... sable ?
« Oui Euterpe, tu es en train de comprendre. Ce n'est pas le désert qui engloutissait les Lazregs, ce sont les Lazregs qui devenaient une part du désert. En recherchant la sagesse dans l'absence d'émotions, ils finissaient par ne plus rien ressentir du tout et... Ils se figeaient dans un écrin de sable... - Mais ça n'explique pas comment j'ai pu briser cette malédiction... - J'y viens, j'y viens. Sous le rideau de résilles, pleurer le fruit des roches globuleuses. Pour les bas, ne me demande pas d'explication concrète, moi-même je ne sais pas. Mais le fruit des roches globuleuses, c'est l'amour que tu as réussi à faire naître dans le cœur de La'ënma, Euterpe. Et en le faisant ressentir cela puis la déception la plus intense qui soit, tu as libéré ses émotions, tu l'as fait éprouver des choses. Tu étais l'élue parce que tu étais la seule à comprendre l'importance des ressentis, et il était écrit que tout se passerait ainsi, je n'ai fait qu'accélérer les choses. - M-mais alors, ils ne sont pas morts... ?! - Non, et maintenant, ils retiendront sûrement la leçon. En plus... ils sont notre sésame pour réintégrer le camp ! »
Le sourire qui naquît sur les lèvres de la muse fit bondir le cœur de La'ënma qui se retournait dans sa direction, accompagné des siens.
« Euterpe, je ne sais comment te remercier, je-... - Chhhht... C'était ma mission, non ? Et puis... Je te l'avais promis ! Maintenant, il faut rentrer. Ils vont bien finir par s'inquiéter, en voyant qu'on a disparu... Même si on a un peu détruit le camp avant de partir ! »
Le doux rire qui s'éleva dans la cavité souterraine fut le fruit de deux voix qui se mêlèrent pour n'en former plus qu'une.
« Tu as raison. Mettons-nous en route. Je pense que de nombreuses personnes nous attendent... Et que ce soir, le reste du monde nous prendra pour une bande de Lym ! »
Cela devait être drôle car tous les Lazregs présents dans la caverne éclatèrent de rire. Elise attendrie, leur montra le chemin. Peu de temps plus tard, ils atteignirent le camp qu'ils avaient préalablement quitté. Lorsqu'on les vit survenir, plusieurs dizaines de Lazregs, hommes, femmes, enfants, vieillards, abandonnèrent tout ce qu'ils étaient en train de faire pour filer à la rencontre des ressuscités, pleurant de bonheur. C'est à cet instant précis que le monde reprit pour Elise ses accents musicaux. La muse eut l'impression de retrouver une vieille amie et sur ses lèvres se dessina le plus éblouissant de tous les sourires.
« C'est beau, hein, Rafiki... ? - Oh oui, Euterpe. Ce sont des larmes d'Espoir. - Et bien c'est l'une des plus belles choses au monde. »
Pour une fois, le mandrill ne put qu'être d'accord.
« Bon ! Je suppose que je vais rentrer chez moi aussi brusquement que je suis arrivée, hein... ? - Sûrement. J'ai été très heureux de te rencontrer. - Moi aussi Rafiki, moi aussi... Tu es le plus adorable de tous les mandrills. Sache-le ! - Arrête, tu vas me faire rougir... - … Pour ça aussi, tu vas frapper sur ton ventre ? - Tu n'as rien retenu, c'est quand je suis en colère que je suis censé le faire ! »
La muse éclata de rire puis commença à s'éloigner. Mais alors qu'elle avait visiblement pour objectif de disparaître, une voix la retint.
« Attends Euterpe ! »
Lorsqu'elle se retourna, ce fut pour faire face au visage rayonnant de bonheur de La'ënma. Finalement, tout n'était peut être pas terminé...
TO BE CONTINUED.
Dernière édition par Elise Barcarolle le Mer 5 Aoû - 0:17, édité 1 fois
Après une rude journée de travail, Silja n’avait qu’une envie : retrouver ses amis au Lost et enfin se détendre autour d’un bon jus de framboise bien frais. C’est avec cette image en tête qu’elle arpentait les rues désormais familières de ce quartier de Paris, ses bottes battant le sol avec assurance et légèreté tandis que la lumière du soir enrobait progressivement la ville d’une nappe chatoyante. Les clameurs des passants et le bruit des sabots sur les pavés étaient toujours aussi omniprésents, assistant sans le savoir la petite goule dans ses déplacements. Silja filait comme le vent, se faufilait entre les badauds et les lampadaires avec une facilité déconcertante, sans jamais obliger quiconque à se déplacer pour l’esquiver. Parfois, la fillette se surprenait à penser que la cécité avait ses bons côtés. Grâce à elle, elle avait pu découvrir le monde sous un nouveau jour, les verbes écouter et sentir avait pris un tout autre sens et elle profitait enfin de l’instant présent. Soudain, surgi de nulle part, un pigeon plongea en piquet sur Silja alors qu’elle était en train d’esquiver un homme bien trop corpulent, obligeant la fillette à effectuer une correction de trajectoire en plein bond. Si le pigeon assassin s’en sortit impunément, Silja ne put se réceptionner correctement et glissa sur le rebord du trottoir, perdant immédiatement l’équilibre dans une chute qui s’annonçait douloureuse. Elle ferma les yeux par réflexe et se prépara au choc.
La jeune goule s’étala de tout son long dans… de l’herbe..? C’était bien cela. Affalée en étoile face contre terre, Silja sentait des brins d’herbes lui chatouiller la peau. En se concentrant, elle sut tout de suite que quelque chose clochait (outre la présence de verdure dans une avenue) : le brouhaha parisien avait laissé place à un silence assourdissant, bercé par le souffle régulier d’une brise fraîche et constante, qui semblait glisser sur le sol et s’envoler plus loin par manque d’altitude. Une colline ? Se redressant telle un suricate, Silja prit soin d’analyser tout ce qu’elle pouvait pour en déduire ce qui lui était arrivé. Elle entendit le frottement de branches et le bruissement de buissons, le bruit d’une cascade déferlant avec force sur des rochers, les cris étranges d’animaux inconnus. Elle sentit la chaleur d’un soleil faire dresser ses poils sur sa peau et quelque chose dans l’air semblait différent. La pression semblait beaucoup moins forte ; oui, l’atmosphère était définitivement beaucoup moins oppressante. Silja se sentait comme emplie d’une légèreté étrange mais pour le moins agréable.
« - Eh bien ! C’est ce qu’on appelle une entrée fracassante ! »
Silja sursauta. La voix qu’elle venait d’entendre semblait avoir surgi de nulle part. Malgré ses sens aiguisés, elle n’était pas parvenue à localiser sa provenance.
« - Qu- Qui est là ? »
La voix mystérieuse lui répondit du tac au tac :
« - Garrus Vakarian ! Soldat d’élite de l’armée Turienne, pourfendeur de mercenaires, destructeur des Moissonneurs, tombeur de ses dames et… Oh, j’allais oublier : sauveur de la galaxie ! - Qu-… » - Tu peux m’appeler Archangel. »
La jeune goule afficha un air complètement perdu, avant d’ouvrir la bouche pour ne finalement rien dire et pencher la tête sur le côté en signe d’incompréhension. L’armée Turienne ? Les Moissonneurs ? Archangel ? Silja fit la moue, visiblement vexée de ne pas comprendre ce qui était en train de lui arriver.
« - Monsieur Vakarian… D’où sortez-vous, au juste..? »
L’inconnu éclata de rire.
« - Monsieur Vakarian ? Je t’en prie, je sais que les turiens ont la réputation d’avoir un balai dans le [JURON] mais s’il te plaît, appelle moi Garrus ! »
Silja leva un sourcil, amusée d’entendre autant de similitudes avec Khan dans le franc parler de ce « Garrus », puis croisa les bras et hocha la tête pour lui intimer de continuer.
« - Je ne sais pas comment je suis arrivé là, mais visiblement ni toi ni moi ne sommes de ce monde. J’étais en plein calibrage et voilà que je me retrouve ici, dans ta tête.»
Dans sa tête ? Silja afficha une moue dubitative et haussa les épaules. S’il était vraiment dans sa tête, elle n’y pouvait pas grand-chose. Et puis, apparemment il en savait autant qu’elle sur la raison de leur présence ici. Elle poussa un long soupir et réfléchit à un moyen d’en apprendre davantage sur ces lieux.
« - Euh... Au fait, petite… - Silja. - Silja. - Quoi ? - Je voudrais pas te faire peur mais il y a une dizaine de types bleus avec des cornes qui t’observent depuis toute à l’heure et je suis presque sûr que ce ne sont pas des Asari. »
Silja sursauta en décelant enfin la présence des dites créatures, jusque là silencieuses. Ce Garrus… Il n’aurait pas pu lui dire plus tôt, non ? Elle se mit en posture défensive, en l’attente d’un mouvement hostile. Pour toute agression, elle ne perçut que la voix d’une femme, assurée mais prudente, s’élever depuis le groupe d’inconnus :
« - Vous voilà parmi nous, élue. - Elue ? - Nous vous avons invoquée afin que vous délivriez notre peuple de sa malédiction. - Oh là, c’est quoi ce plan ? Petite..? »
Qu’est-ce qu’elle pouvait bien en savoir ? Au moins, elle savait ce qu’elle faisait ici ; c’était un bon début. Mais cette histoire d’élue et de malédiction..?
« - De quel genre de malédiction est-ce qu’on parle ? Si c’est une race de créatures synthétiques qui revient tous les cinquante mille ans pour moissonner toutes les espèces vivantes, je te préviens, ce sera sans moi… - Il est passé où le sauveur de la galaxie ? - En perm’. »
Comme Silja parlait à voix haute, elle s’attira une dizaine de regards interloqués. Puis, elle se retourna vers la femme qui lui avait adressé la parole pour lui demander davantage de précisions sur cette fameuse malédiction qui menaçait son peuple.
« - Nous sommes Shei’Anka, chamane des Eloïlm. Chacun de nous possède un totem depuis la naissance, qui nous permet de nous transformer en un animal précis. Mais un maléfice a déréglé cet ordre et nous ne contrôlons plus nos métamorphoses. En plus de surgir n’importe quand, nous nous transformons aléatoirement et n’avons plus le contrôle de notre totem. Je vous en prie, aidez nous. »
La chamane avait insisté sur sa dernière phrase et Silja avait clairement ressenti le désespoir dans sa voix. Visiblement, ce peuple était extrêmement lié à leurs totems. Elle se sentit mal pour eux. Bien qu’ils lui soient parfaitement inconnus, Silja comprenait leurs émotions et leur démarche témoignait d’une urgence désespérée.
« - On fait quoi ? - Comment briser le maléfice ? - L’ancienne prophétie raconte qu’il nous faut étendre la rivière sur l’horizon d’or à l’orée du confins des âges. - Rien que ça. - Rien d’autre..? »
La chamane secoua la tête mais ce fut son silence qui arracha un soupir résigné à Silja. Elle avait beau reconnaître une certaine qualité poétique à cette prophétie, cela n’empêchait qu’elle ne voyait absolument pas comment la réaliser. De son côté, Garrus semblait affreusement silencieux.
« - Où sommes-nous ? - Les collines de Gaek Wyn. - C’est un début, j’imagine… - Vous n’en savez pas plus sur la prophétie ? Elle ne mentionnait rien d’autre ? - Je suppose qu’on ne peut pas juste prendre un taxi pour l’Orée du confins des âges..? - Nous n’en savons que peu sur les légendes, élue, nous ne sommes que chamane. »
Silja croisa les bras, fronça les sourcils et se mordit la lèvre inférieure avec frustration. Quelque chose devait forcément leur échapper… Soudain, la jeune goule se sentit rétrécir. Littéralement. Des poils courts, marron et blancs, poussèrent d’abord sur ses bras et ses jambes puis partout sur son corps et une queue toute aussi poilue vint compléter le tableau.
« C’est quoi ce délire ? »
Garrus ne fut pas le seul étonné : l’assistance, jusqu’ici silencieuse à l’exception de Shei’Anka, poussa des exclamations d’incompréhension et de stupeur en s’apercevant que la goule s’était transformée en lémurien. Tour à tour, chaque Eloïlm se transforma en un animal différent, allant d’une version plutôt exotique de sanglier au crapaud géant multicolore, en passant par le bouc à six pattes.
« - Je… Je suis… - Un p’tit singe. - Je suis un p’tit singe ? - Ouaip. »
Silja utilisa ses petites pattes poilues pour inspecter chaque recoin de son anatomie avant d’en arriver à l’incontestable conclusion : elle était devenue un p’tit singe. Faisant signe à Shei’Anka, elle l’invita à lui expliquer pourquoi la malédiction semblait aussi la toucher. C’est la version autruche sous stupéfiants de la chamane qui lui répondit :
« - Nous… Nous ne savons pas, élue. Elle réfléchit un moment. Il nous faut aller consulter Wu’Eiwr l’Ancien. - Wu’Eiwr ? Vous faites exprès de choisir des noms impossibles à prononcer correctement ? - Ils ne t’entendent pas, Garrus… - Eux non mais toi si. »
Ne portant pas attention au dialogue intérieur de Silja, Shei’Anka poursuivit :
« - Wu’Eiwr était notre sorcier. Il est irascible et associable mais il a longuement étudié les mythes et légendes de nos contrées durant les neuf cents ans de sa vie. Il sait forcément quelque chose sur la prophétie. - Où est-il ? - Je parie sur la Falaise Gwakmt’Btadraz. - Il a quitté la tribu il y a quelques années pour s’installer dans le désert Wyrr Kahz. - J’étais pas loin. - C’est à moins d’un jour de marche, si nous partons maintenant et que nous voyageons de nuit nous devrions arriver demain en début d’après midi, lorsque les soleils seront levés. - On trouve le vieux sorcier associable, il nous montre comment accomplir la prophétie et tout revient à la normale. C’est un peu trop facile, non..? »
Comme pour ponctuer la déclaration de Garrus, les Eloïlm et leur élue reprirent tous forme originelle, à ceci près pour Silja qu’une partie de son soi animal subsista. La fillette passa la main sur les poils soyeux de sa queue de lémurien et haussa les épaules.
« - En route. »
Shei’Anka intima aux autres Eloïlm de rester sur la colline en attente de leur retour, puis elle rattrapa Silja en quelques foulées pour passer devant et guider l’élue à travers les vastes étendues de ce monde si singulier.
« - Sérieusement… Tu as une queue de singe et c’est tout ce que ça te fait ? Tu penses pas que tu devrais t’en inquiéter ? »
Silja sourit en penchant la tête.
« - C’est mignon ! - Mignon..? - Mignon ? - Ah oui, pardon Shei’Anka… Hum, en fait je parle à Garrus. C’est un archange, il est dans ma tête et il m’aide depuis que je sus arrivée ici. - En fait je ne suis pas techniquement un archange, c’est plus un pseudonyme et- - Enfin, jusqu’ici il ne m’a pas été d’une grande aide en fait… - Hé ! »
La chamane parut surprise, puis étrangement compréhensive. Silja n’aurait jamais pensé pouvoir la convaincre de l’existence de Garrus si facilement.
« - Nous voyons. Vous devez être très puissante pour avoir un ange à votre service. - A son service ?!»
La remarque tira un sourire à Silja, qui prit alors conscience de l’ampleur de la tâche qui lui était confiée : elle se trouvait dans un monde totalement inconnu, seule au milieu de personnes qu’elle venait de rencontrer, sans Khan ni Tala à ses côtés. Et pour couronner le tout, elle tenait le sort d’une tribu entière entre ses mains. Elle poussa un soupir. Ce voyage promettait d’être intéressant.
_________________
« - Élue, pardonnez ma curiosité. Nous ne savons rien de votre monde, comment est-il ? »
La question surprit Silja, qui ne sut que répondre. Cela faisait des heures qu’elles marchaient dans une jungle humide et la chaleur nocturne était si lourde que la jeune goule avait l’impression qu’on la vidait de toute énergie. Elle haletait, subissant cette chaleur moite avec résignation. Shei’Anka n’était absolument pas affectée par le climat, ou si elle l’était elle le cachait bien. Transformée en sanglier, elle foulait le sol trempé d’un pas vif et alerte. Après avoir avalé sa salive dans un remarquable effort de volonté, les mots sortirent avec fatigue de la petite bouche de Silja :
« - Mon monde est… chaotique. »
La jeune goule continuait de marcher en silence, suivant les pas de la chamane avec peine. Comme elle ne répondait pas, Garrus intervint de peur qu’elle ne tombe dans les pommes :
« - Le sanglier a l’air intéressé. - Oui. Pardon. Elle reprit son souffle avant de continuer. Mon monde grouille de gens qui se bousculent et crient dans la rue. Ils sont pressés, maladroits, lourds pour la plupart. Et certains sont dangereux… Hormis de rares exceptions, la plupart des gens sont… inintéressants.»
Le discours de Silja fut interrompu par une nouvelle transformation inopinée. Cette fois-ci, la petite goule prit les traits d’une adorable oursonne. Les traits luminescents des impressionnantes lunes qui logeaient dans le ciel nocturne sans nuages venaient lécher les membres de la petite ourse et glisser le long de sa fourrure noire.
« - Allons bon, la prochaine fois peut être que tu auras droit à un varren ! - C’est quoi un varren ? »
Shei’Anka interrompit Garrus sans le savoir avant qu’il ne puisse répondre.
« - Ce sont des quadrupèdes, courts sur pattes. Ils ont de grandes dents et une mâchoire puissante, certaines tribus les utilisent comme animaux de compagnie ou pour organiser des combats et parier sur le vainqueur. - Comment elle sait ça..? - Oh, un peu comme des loups ? - Il y a des varrens ici aussi et je suis le seul que ça choque ? - Des loups ? - Oui, des gros chiens. - Est-ce que quelqu’un m’écoute, au moins ? - C’est quoi, des chiens ? - Silja. - Des loups, en plus petit. - Bon, d’accord, tout le monde s’en fout apparemment. - J’ai du mal à comprendre… - M’en parle pas ! - Ce n’est pas très important. »
Silja fut alors prise d’une soudaine envie de se gratter le dos. N’écoutant que l’oursonne qui sommeillait en elle, elle se dirigea donc vers le premier arbre venu pour se frotter dessus avec vigueur.
« - Qu’est-ce que tu fabriques..? - Ca me gratte. »
Ignorant la scène, Shei’Anka était parvenue au sommet d’une butte et incita Silja à la rejoindre. Cette dernière parcourut les quelques mètres qui les séparaient et Garrus ne put s’empêcher de laisser s’échapper un « Woaw ! » émerveillé en découvrant le spectacle qui s’offraient à eux : un paysage magnifique se dessinait en contrebas et s’étendait à perte de vue, éclairé par les lunes à présent bien avancées dans le ciel nocturne. En dessous d’eux, une cascade longeait une route de terre ornée de galets blancs, pour finalement se jeter dans une large rivière aux eaux bleues et violettes dans lesquelles se reflétait avec poésie un ciel multicolore. Par delà la rivière, de grandes plaines étaient mouchetées ça et là de touches verdoyantes et parsemées de liserais bleus. Dans ces plaines, d’immenses créatures semblables à des éléphants se déplaçaient avec une lenteur gracieuse et des points luminescents fusaient en groupe autour d’eux.
« - Ce sont des meutes de varrens, leur peau s’illumine la nuit lorsqu’ils chassent. - C’est loin d’être discret, mais là d’où je viens ils ne sont pas réputés pour leur intelligence… - Ce doit être un sacré panorama…»
La jeune goule fut soudain emplie d’une profonde tristesse. Notant la moue sombre sur sa frimousse d’oursonne, Garrus entreprit de lui décrire avec précision chaque détail de ce fantastique paysage, ne comprenant qu’à cet instant le handicap pourtant évident de la fillette. De gigantesques serpents ailés plongeaient avec grâce dans la rivière avant d’en ressortir en projetant des gerbes d’eau claire. Dans le ciel étoilé, des aurores boréales de toutes les couleurs flamboyaient. Certaines venaient lécher le flanc des montagnes tandis que d’autres semblaient ruisseler le long des faites pour tamiser les plaines de leur poussière brillante. Tout, en cette nuit, respirait le calme et la beauté. L’air frais était apaisant, et lorsque Silja repris sa forme originelle elle était endormie en boule sur le sol aux côtés de la chamane, sa queue entre les jambes et ses griffes d’oursonne joints près de sa poitrine. Dans un murmure à peine audible, elle souffla :
« - Merci, Garrus… »
_______________
Lorsque Silja s’extirpa des bras de Morphée, le premier soleil brillait déjà haut dans le ciel de la planète sauvage. Tandis qu’elle s’efforçait de sortir de sa torpeur, elle réalisa qu’elle était en mouvement. La chamane, sans doute pressée de rompre le maléfice qui rongeait sa tribu, l’avait prise sur son dos et avait probablement marché toute la nuit pour arriver au plus vite chez Wu’Eiwr. La honte fit monter le rouge aux joues de la petite goule, qui se maudit d’avoir obligé Shei’anka à la transporter ainsi.
« - Bonjour.., commença-t-elle timidement. Vous.. Vous pouvez m’appeler Silja. Ce sera plus pratique… »
A ces mots, la chamane s’arrêta net et déposa la petite goule au sol. Elle s’agenouilla devant elle d’un mouvement leste et solennel.
« - Nous ne sommes qu’une chamane, élue, nous ne sommes pas digne. - Allons, allons, voilà qu’elle joue des courbettes. »
Prise d’une compassion aussi naturelle qu’inhabituelle, Silja s’accroupit à hauteur de son vis-à-vis et lui déposa une main amicale sur l’épaule. Lorsque Shei’Anka leva la tête, la jeune goule pencha la sienne sur le côté avec un sourire.
« - J’insiste, appelez-moi Silja. Je serais heureuse d’en apprendre davantage sur vous une fois cette malédiction levée et votre peuple libéré. - Je.. Très bien, él-.. hum, pardon. Silja. »
La fillette lui offrit un nouveau sourire en guise de réponse avant de se relever.
« - Dans ce cas, appelez-moi Shei’. - D’accord. - Vous êtes mignonnes toutes les deux ! »
Silja balaya l’intervention de Garrus d’un petit rire étouffé et se retourna face au vent, les poings sur les hanches, plus motivée que jamais. Face à elle, l’horizon océan plongeait sur les dunes d’or du désert Wyrr Kahz, qui s’étendaient à perte de vue. La demeure du sorcier n’était à quelques heures de marche et au fond d’elle, Silja sentait que leur quête touchait à sa fin. Bien sûr, il leur restait encore à réaliser la prophétie, mais la petite goule avait la nette impression de toucher au but. Dans son dos, elle sentit l’aura maintenant familière de Shei’ se métamorphoser. Garrus l’informa aussitôt de la forme qu’avait prise la chamane Eloïlm malgré elle : une marmotte.
« - Sérieusement, quand est-ce que l’une de vous se transforme en quelque chose d’utile ? Je sais pas moi.. Un Dévoreur ? Un Krogan ? Non ? »
A ces mots, Silja sentit pour la troisième fois son corps se façonner à sa guise à mesure que la transformation prenait effet. Elle se retrouva bientôt à quatre pattes, un pelage soyeux apportant la touche finale à la forme féline sans que Silja ne s’en inquiète plus que de raison. C’est donc sous la forme d’un magnifique lynx au poil orangé et flamboyant qu’elle se tourna vers son amie et lui intima de monter sur son dos.
« - Hm. Ça ne vaut pas un bon Wrex, mais au moins tu as des griffes et des crocs, c’est un début. - Accroche-toi, Shei’. »
Silja n’attendit pas la réponse de la chamane pour s’élancer. Tous ses sens en alerte, ses pattes puissantes et robustes lui conférant vitesse et adhérence, la fillette laissait parler le prédateur qui sommeillait en elle. Grâce à son endurance et son agilité, elle n’eut aucun mal à franchir les quelques obstacles naturels dont ils croisèrent la route et le petit groupe disparate parvint bientôt aux portes du désert. Tandis qu’ils s’approchaient d’une source d’eau fraîche, Silja reprit forme humaine. Le dérèglement de la malédiction dont elle était victime sembla néanmoins persister, puisque deux oreilles de lynx vinrent s’ajouter à sa queue de lémurien et à ses griffes d’oursonne.
« - J’avoue que j’étais sceptique, mais là tu marques un point : ces oreilles de chaton sont les choses les plus mignonnes qu’il m’ait été donné de voir, Silja. »
La jeune goule afficha un grand sourire victorieux et s’approcha de la source. Dès qu’elle y eut trempé les lèvres, le sol se mit à trembler sous ses jambes. Les tremblements s’intensifièrent à mesure que des fissures profondes semblaient engloutir le sable sur un rayon d’une trentaine de mètres. La marmotte jeta un regard affolé au sol avant de comprendre l’origine de ces perturbations, puis cria de tous ses petits poumons :
« - Silja ! Cours ! »
Trop tard. Une gigantesque montagne déchira le sol en un bruit sourd, des vagues de sable ruisselant sur ses flancs tandis qu’elle continuait de s’élever, Silja et Shei’ à son sommet. Puis, un rugissement assourdissant retentit, déchirant le ciel tel le tonnerre après la foudre, et Silja comprit. La source était en réalité un animal. Un IMMENSE animal. La créature mesurait près de trois cent mètres de haut, à peine plus petite que la tour Eiffel, et avait la forme d’un gigantesque rhinocéros. Six cornes se dressaient sur sont front et une queue semblable à une massue se dessinait derrière ses jambes.
« - [JURON], qu’est-ce que c’est qu’ce truc ??? - C’est Nidrom ! Un Élémentaire légendaire ! »
Un Élémentaire. La créature était recouverte d’une solide carapace de roche brute sur plusieurs parties de son corps, protégeant ainsi ses articulations, son dos et sa tête. Tout le reste de son corps était constitué d’une eau étrange qui semblait tenir par magie sous la forme d’un colossal rhinocéros. Soudain, d’un geste de la tête, il envoya valser Silja et Shei’ dans les airs. Elles tombaient, une longue chute de quelques centaines de mètres les séparant de la mort. Silja pensa à beaucoup trop de choses, beaucoup trop vite pour que son cerveau fonctionne correctement. Elle pensa à Khan, à Tala. Au cabaret, au cimetière. Elle pensa aux Eloïlm et à cet étrange monde qui aurait raison d’elle d’ici quelques instants. Ce n’était plus qu’une question de secondes.
« - Silja ! »
Deux ailes. Deux immenses ailes, suivies de serres affûtés et de centaines de plumes violacées. Silja venait de se transformer, à nouveau, et parvint à saisir sa comparse marmotte au vol juste avant qu’elle ne s’écrase sur le cratère dont avait jailli l’Élémentaire.
« - Ne me refais jamais ça ! J’ai failli faire une attaque ! »
Mais l’heure n’était pas aux célébrations. Nidrom était à leur trousse, chacun de ses pas le rapprochant un peu plus de ses cibles malgré la vitesse à laquelle Silja fendait l’air. Soudain, aussi vite qu’elle s’était transformée, Silja reprit forme humaine, laissant échapper Shei’ qu’elle tenait jusqu’alors dans ses serres. Elle réussit à la rattraper in extremis, ses ailes étant par chance les seules choses qui lui restaient de sa dernière métamorphose, et la déposa au sommet d’une dune avant de s’immobiliser en l’air, face à l’Élémentaire.
« - A quoi est-ce que tu penses ? - Je vais le tuer. - Que- T’ES SERIEUSE ??? »
Nidrom n’était plus qu’à quelques centaines de mètres, furieux, et chargeait droit sur Silja et son amie chamane. La petite goule serra les poings.
« - S-Silja.. - T’es sûre de toi ?? - Ça ira. Shei’, ne t’en fais pas. Je reviens. »
La chamane Eloïlm ouvrit la bouche pour répondre mais n’eut pas le temps de protester. Silja s’était élancée en direction du monstre, fendant l’air avec une incroyable rapidité, ne laissant qu’une traînée de sable retomber doucement sur Shei’ comme témoignage de sa présence.
« - J’espère que tu sais ce que tu fais. - Regarde et apprends, Archangel. »
Garrus ne put retenir un rire amusé. Cette fillette lui plaisait. En moins d’une dizaine de secondes, Silja avait parcouru la distance qui la séparait de l’Elémental, puisant au plus profond d’elle dans la bestialité qui l’habitait et qui n’était autre que sa vraie nature. Elle passa sous le ventre du colosse à une vitesse fulgurante et fit volte face une fois de l’autre côté.
« - C’est bien ce qui me semblait... - Quoi ? »
En passant près de l’eau qui constituait le corps de Nidrom, Silja avait ressenti une magie concentrée et extrêmement puissante. L’aura que dégageait le corps aqueux de ce monstre était d’une pureté extraordinaire.
« - Ce n’est qu’une intuition, mais… »
La fillette se mordit la lèvre inférieure. C’était risqué, mais probablement le seul moyen de vaincre ce titan sans épuiser toutes ses ressources. Elle plongea. Avec une rapidité époustouflante, Silja fusa. Lorsqu’elle atteignit Nidrom, elle traversa littéralement sa patte arrière gauche de part en part. Si cela n’eut aucun effet visible sur la créature, la fillette avait cependant vu juste ; elle avait pu absorber et assimiler la magie contenue dans l’eau ; ou plutôt, la magie s’était insinuée d’elle-même dans le corps de la jeune goule. Un torrent d’énergie pure se déversait en elle. La Goule se réveillait, galvanisée par cette obtention soudaine de pouvoir, mais étrangement, elle pouvait en garder le contrôle. L’instinct de Silja s’était avéré extrêmement utile. A présent que la fillette disposait d’une réserve de magie pure et concentrée, sa puissance en était multipliée au centuple.
« - Okay. C’est mon tour. »
Les mouvements de Silja étaient plus rapides, plus fulgurants encore que lors de son approche. En un instant, elle était parvenue à hauteur d’un genou en pierre brute d’une dizaine de mètres de haut et l’avait pulvérisé d’un coup de poing. Nidrom, décontenancé par la hargne et la puissance soudaine de son adversaire, poussa un hurlement et tenta de l’écraser sous sa patte. Silja l’esquiva sans problème, la lenteur de l’Elémentaire jouant contre lui, puis passa au travers d’une de ses cornes, la sectionnant net avant de replonger sous le colosse. A peine ce dernier eut-il réalisé ce qui lui arrivait, la fillette traversa une nouvelle patte pour détruire une autre protection de roche. Silja sentait la puissance rugir en elle et la laissait se déverser librement. Tandis qu’elle détruisait une nouvelle carapace rocheuse, la peau de ses bras commença à s’arracher et ses membres se teintèrent peu à peu de rouge, le sang maudit se solidifiant immédiatement au contact de l’air. Les rares personnes à avoir vu Silja sous cette forme ne l’avaient aperçue que quelques secondes. Et toutes sauf Khan en étaient mortes. La fillette plongea de nouveau sous le monstre, toujours plus rapide, frappa encore, toujours plus fort, puis accéléra de plus belle. Désemparé, le colosse ne savait plus où donner de la tête. Du haut de son mètre quarante-cinq, Silja faisait ce qu’elle voulait du géant de trois cent mètres. Elle dansait, disparaissant sous le monstre pour mieux réapparaître au-dessus, se jouant de lui, esquivant chacune de ses attaques avec une facilité déconcertante. Lorsqu’elle eut brisé toutes les carapaces inférieures, Nidrom s’écroula sur ses jambes, impuissant. La jeune goule se posa en face de lui, rouge sang. Le monstre tenta maladroitement de l’écraser d’un coup de corne, lacérant les dunes sur une centaine de mètres tandis qu’elle esquivait sans peine.
« - Et maintenant, on fait quoi ? - On l’achève. »
La fillette se propulsa tellement vite sur le crâne du monstre qu’on aurait dit qu’elle s’y était téléportée. Enfonçant ses griffes dans la roche qui constituait le crâne de Nidrom, elle traîna sans effort et à pleine vitesse l’Elémentaire sur une vingtaine de kilomètres, creusant une gigantesque tranchée dans le désert, avant de décoller vers les rares nuages qui mouchetaient le ciel bleu. Sa proie toujours en main, Silja s’envola aussi haut que le ciel le lui permit. Puis, lorsqu’elle estima être à une hauteur convenable, elle projeta le monstre vers sol avec toute la force qui lui était encore disponible. Lorsqu’il percuta le sol, Nigrom disparut dans une explosion aqueuse d’une beauté à en couper le souffle. Les millions de litres d’eau qui résultèrent de la mort de cet être légendaire se déversèrent dans la tranchée qui avait résultée de son combat contre Silja, une immense rivière prenant ainsi forme dans le paysage désertique.
« - Ha, ouais ! Ca c’est ce que j’appelle un combat ! La bonne vieille méthode Turienne : écraser l’ennemi par la force ! »
Shei’ n’en croyait pas ses yeux. Le légendaire Nigrom avait été vaincu, et tandis qu’une rivière naissait sous son regard océan, Silja se posait près d’elle, sa peau rouge sang laissant place à sa forme humaine habituelle. En tournant la tête, elle réalisa qu’ils étaient enfin parvenus à destination, la cabane de Wu’Eiwr se découpant clairement en contrebas de la dune sur laquelle elles étaient perchées. Le sorcier de neuf cents ans était debout sur le seuil de sa porte, probablement alerté par les ravages du combat, et semblait terrifié. Et pour cause : la tranchée creusée par Silja s’arrêtait à une centaine de mètres de sa cabane et la rivière déferlait dangereusement dans sa direction, si bien que le vieillard n’eut même pas le temps de jurer avant de se faire emporter par le courant en compagnie de sa demeure.
L’appel à l’aide, plutôt pathétique, s’étouffa au loin, le vieil Eloïlm s’échouant en contrebas d’une dune, complètement déboussolé. C’est à ce moment que Shei’ repris sa forme originelle, enfin débarrassée de cette enveloppe de marmotte. Les griffes d’oursonne de Silja, sa queue de lémurien ainsi que ses ailes disparurent à leur tour. Même les oreilles de lynx finirent par disparaître, à la grande déception de la petite goule.
« - Aaaaawwwnn… - Attends une seconde… Ca veut dire que.. - La prophétie a été réalisée, Silja ! Notre peuple est sauvé ! »
La chamane rayonnait de bonheur. Elle s’était précipité vers Silja et était tombée à genoux, la serrant fort contre elle et laissant des larmes de joies perler sur son visage.
« - Étendre la rivière sur l’horizon d’or… - C’était au sens littéral..? Et l’orée du confins des âges, alors..? - Aiiiiideeeez moiii ! - Oooooooooh… »
Silja éclata d’un rire joyeux. Ce monde est amusant.
Ryden Haesmar
Who will save you now ?
Messages : 332 Date d'inscription : 24/10/2014 Localisation : Près des femmes ou des cadavres
Dans la pièce où se trouvait Ryden , il y régnait une atmosphère intense. On pouvait sentir toute la concentration et la tension des deux personnes présentes. Chacun était occupé à leur tâche et nul ne disait mot, mais si on portait une certaine attention, on pouvait entendre à l'occasion des gémissements, de profonds soupirs et même des grognements. Il n'aurait pas fallu que quelqu'un ose les déranger, sinon il aurait eu à subir le terrible courroux de ces deux êtres.
Concentré sur sa tâche, Ryden sentit enfin le moment si attendu et désiré arriver. Il pressentait que son extase atteindrait bientôt son apogée. Pour cela, il en était certain. Tout ce dur travail allait enfin porter ses fruits. Il ne restait plus qu'à attendre quelques secondes et...
*********
Et plus rien. Mais où était rendu son laboratoire ? Ses béchers, ses boîtes de pétri, ses tubes à essaies ?! Même la pipette qu'il tenait auparavant s'était éclipsée comme par magie. Au moment où il s'apprêtait à ajouter la dernière substance à son mélange complexe, tout disparaît en un clin d'œil ! Axel et lui travaillaient sur ce cas depuis si longtemps et maintenant plus rien. Complètement disparue. Et dire qu'il allait enfin avoir la réponse à leurs questions. Où était-il maintenant ?
Il avait beau regarder partout, tout ce qu'il avait devant les yeux à présent était un immense étendu bleuté. De l'eau ? Oui, il se trouvait bien dans un océan, une mer... une grosse mare très profonde. Il pouvait voir la surface au-dessus de sa tête, mais si loin. La colère qui l'enveloppait précédemment se transforma en désespoir. Il voyait déjà sa fin. Jamais il ne réussirait à remonter à temps avant de se noyer.
- C'est bien ma veine, je suis pris avec un démon qui n'a même pas conscience qu'il respire dans l'eau.
Un hoquet de surprise échappa du toxicologue. Mais d'où venait cette voix ? Et, le plus important, c'est qu'elle avait raison. Ryden prit une grande inspiration et l'air entra dans ses poumons comme s'il était sur la terre ferme. Il s'amusa ainsi à respirer pendant quelques secondes pour ensuite chercher la provenance de cette voix. Ryden ne voyait rien près de lui, sauf de l'eau et encore juste de l'eau. Puis, il constata qu'il n'était pas aussi seul qu'il le pensait. Il vit à quelques mètres de lui une chose qui s'approchait. Même à cette distance, il pouvait constater qu'elle était affreuse. Étrangement, elle ressemblait à ce petit poisson gélatineux, le blobfish. Était-ce cette chose qui lui avait parlé ? Probablement. Qui d'autre ça pourrait être ? Eh puis, il avait une face un peu humanoïde, peut-être pouvait-il parler. Après tout, ce ne serait pas plus étrange que de respirer soudainement sous l'eau.
- Qui êtes-vous et où suis-je ? -Je suis Dante et t'es sous l'eau. N'est-ce pas évident ?
Ryden trouvait ce poisson plutôt arrogant. Il avait même l'impression qu'il se moquait constamment de lui. Ce qui était étrange puisque son regard donnait l'impression d'être vide.
- Vous faites le petit malin, M. Dante. Merci, j'avais remarqué qu'on était sous l'eau. Le fait que je suis obligé de nager et toute cette eau, m'avait aidé à deviner. Vous ne pouvez pas être plus précis ? Eh puis, qu'est-ce que je fais ici ?
C'est à ce moment que Ryden se rendit compte qu'il y avait quelque chose de changer. L'ambiance autour de lui était différente. L'eau semblait soudainement plus agitée. Peu certain de vouloir réellement savoir ce qui provoquait cette agitation, le démon se retourna tout de même lentement. Son cœur manqua plusieurs battements quand il les vit. Une dizaine d'immenses ou plutôt de gigantesques poissons, baleines... choses, Ryden n'aurait su dire le terme exact pour bien les décrire, qui le regardait. Leur bouche était si grande qu'elle aurait facilement englouti une maison à deux étages et leurs dents... que dire, une vraie denture de requin.
Dans un ultime moment de désespoir, tout ce qui lui vint à l'esprit fut de se mettre à crier comme une fille et à nager le plus loin et le plus vite possible de ces requins-baleines. Geste totalement inutile, car quand il s'arrêta épuisé, la distance entre les êtres et lui ne semblait pas avoir vraiment changé. Même le blobfish l'avait aisément rejoint et continuait à lui tourner autour avec son regard vide tout en ouvrant périodiquement la bouche.
- Nous avons enfin trouvé l'élu ! - Je vous l’avais dit que je le localiserais. Je me suis juste trompé de quelques nageoires. - Je crois que nous avons fait peur à l’élu.
Reprenant son souffle, Ryden avait suivi la conversation entre les Faihas. Même s'il parlait le même langage et qu’il n’était pas évident de les comprendre, avec toutes ces choses qui encombraient leur bouche, il n'y avait rien comprit. C'était quoi cette histoire d'élu ? Et qui était-il ? Il ne comprenait absolument pas ce qui se passait, mais il commençait à croire qu'on l'avait encore drogué à son insu. Tout cela était trop irréel pour être vrai, même pour un démon.
Voyant que les monstres ne semblaient pas être dangereux, il prit le temps de les observer plus en détails. Il se rendit compte que seul un ou deux avaient encore une dentition presque complète. Et c'était quoi cette manie de ranger toutes ces choses dans leurs immenses bouches ?
- Ouuuh, ils parlent ! Vous croyez que si on les frappes à un certain endroit, leur voix va être encore plus aiguë ? - Est-ce que quelque chose peut être plus aigu que cela ? Ça détonne tellement avec leur physique imposant.
Les deux continuèrent à faire des blagues de plus en plus offensantes à propos de leurs hôtes. Les Faihas regardèrent à tour de rôle Ryden et le petit poisson. Ils essayaient de comprendre à qui leur élu parlait. Quand Ryden osa leur parler d’une voix lente et grave, fut la goutte qui fit déborder le vase. Même s’ils ne comprenaient pas toutes les allusions, il en comprenait suffisamment pour savoir qu’on riait d’eux. Un des Faihas perdit patience et cracha à la tête du démon une de ses dents qui venait de tomber.
- Outcheeeuu ! Mais ça fait mal ! - T'aurais pu l'éviter, aussi.
Avant que Ryden ne réplique à Dante, le même Faiha, qui avait craché sa dent, lui intima de sa voix aiguë de se la fermer. Puis, celui qui jouait le rôle d’enchanteur toussa afin d'attirer l'attention de leur sauver.
- Il veut quoi, le hamster ? - C'est vrai qu'avec les deux dents qui lui restent et ses grosses bajoues, il ressemble vraiment à un hamster, lâcha en riant le supposé sauveur.
On lui expliqua la raison de sa venue ainsi que leur malédiction. Au moment où il allait parler de la prophétie, le toxicologue l'interrompit. D’une manière peu délicate, il les envoya balader avec leur problème. Chose qu'il regretta aussitôt, car il vit un des gros poissons qui s'approchait de lui la bouche grande ouverte. Ryden comprit à cet instant présent ce que ressentait un krill juste avant de se faire avaler par une baleine. Avant même d'avoir pu faire quelque chose, il se fit gober.
Totalement paniqué, il s'accrocha désespérément au premier objet qui passa près de lui. Il se voyait déjà mourir d’une mort peu agréable, dissout par l'acide gastrique d’une gigantesque baleine presque édentée. Une fin peu digne de lui.
- Tu crois vraiment que ce caillou va te sauver ? - Peut-être… On…
Même s’il n’y voyait plus rien, Ryden senti par les mouvements réguliers que le Faiha se déplaçait. Où l’emmenait-on ? Il n’en avait aucune idée. Persuadé que son caillou l’empêcherait de se faire avaler, Ryden se calma un peu et entreprit d’écouter la conversation entre les Faihas. Le son était étouffé, mais il réussissait tout de même à comprendre l’essentiel. Peut-être trouverait-il une solution pour s’évader.
- Que faites-vous Mike ? - Je vais le forcer à nous aider. - Aaaah, je vois.
Puis, ce fut le silence. Ryden aurait voulu en savoir plus sur cette fameuse méthode , mais quand ils remirent à parler, c’était sur un tout autre sujet.
- Vous croyez qu'il parle avec ce parasite ? - Noon, sûrement pas... Bill, tu es sûr d'avoir invoqué la bonne personne. Il ne semble pas très enclin à nous aider. La dernière fois, tu... - Oui. Voyez, coupa le dénommé Bill ouvrit la bouche et avec ses nageoires pectorales, il se mit à fouiller dedans. Où elle est déjà ? Ah, tiens ! La voilà. La tablette prophétique. Voyez, c'est son portrait. - Peut-être qu'une force supérieure s'est incarnée dans ce parasite pour le guider ? - Vous ne trouvez pas qu’il a un certain charme ? - Retenez-vous, mes amis. Vous devez résister à son attraction. Il ne doit pas arriver ce qui est arrivé à l’autre élu. - Il est arrivé quoi à l’autre ?, cria Ryden peu certain de vouloir réellement le savoir.
Tout ce qu’il eut comme réponse, fut un long silence rempli de mal l’aise. Il comprit assez vite que le dernier élu n’avait sûrement pas eu une fin heureuse. Après cela, les Faihas ne turent sachant qu'on les écoutait.
Finalement, plusieurs minutes plus tard, tous mouvements cessèrent. Le démon en déduisit qu'ils étaient arrivés à destination. Quand une ouverture se fit, il se dépêcha à sortir de cette gigantesque bouche. Ce qu'il vit le déstabilisa. Ils se trouvaient à présent dans ce qui semblaient être un énorme marché où dansaient des lumières au-dessus, donnant presque l'impression d'assister à des aurores boréales. L'endroit fourmillait d'une quantité faramineuse de poissons en tous genres. Un vrai boucan sortait de cette place. Puis, soudainement, comme s'ils étaient qu'un seul être, ils se virèrent tous vers Ryden, le regardant. Pendant une seconde rien ne se passa, mais quand elle fut passée, tous les poissons nagèrent à toute vitesse vers l'élu en criant: " À MOI ! À MOI ! ". Une vague immense le frappa de plein fouet quand ils le rejoignirent. Ils tournoyèrent autour de lui sans cesse, certains lui rentrèrent même dedans.
- Mais qu'est-ce qu'ils ont ces poissons ? - Oups. Aurait-on oublié de vous mentionner cela ?, lui répondit-on sur un ton sarcastique. Vous êtes aussi maudit. C'est votre malédiction. - Salut, mon joli, dit une voix ensorcelante. De séduisantes sirènes venaient d'arriver, envoutées elles aussi par le charme du démon. Nullement indifférent à leur beauté et à leurs attributs, Ryden ne put réprimer son excitement.
- Au moins, il y a du bon à cette malédiction. - En effet... Allons mesdames, pas toutes en même temps. Il y en a assez pour vous toutes.
Mais cette joie fut de courte durée, tous ses poissons près de lui commençaient à l'étouffer. Ils formaient un rempart impénétrable autour de sa personne. Il n'y voyait pratiquement rien, sauf leurs mouvements incessants. C'est pourquoi, il vit le trident, qui tenta de le frapper, à la toute dernière seconde, juste à temps pour l'éviter.
- Merde! Mais qu'est-ce que c'est ?! D'où sort-il ?! - Enfin de l'action ! Let's rock !
Ryden entendit soudainement Dante chanter d'une grosse voix grave:
«Tu tu tuu tututu tu tu tu tuuu... Now you've really crossed the line Your hate for me is divine My love yearns your suffer On the grave lurks my prosper…»
Décontenancé, le démon dévisagea l'hideux petit poisson qui le suivait depuis le début.
- Eeuuh...?! - C'est à ce moment-là que t'es supposé te battre contre cette chose. J'ai toujours de la musique quand je me bats. Ça l'aide à la concentration. - Vous êtes fou, M. Dante ! Je ne sais même pas ce qui m'attaque. Je n'y vois rien avec ces foutus vertébrés aquatiques.
Un autre coup faucha son bouclier de poissons. Évitant encore une fois le trident, la brèche fut suffisamment longue pour lui permettre d'apercevoir son assaillant. Un nâga, cet être à moitié humain et serpent. D'où sortait-il ? Ryden n'en savait rien, ni même pourquoi il l'attaquait. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il devait absolument se sortir de ce mauvais pas. Mais comment, telle était la question. * Ils sont où ces maudits Faihas ? Ils pourraient m'aider. Gros comme ils sont, ils pourraient aisément le manger ! *
Les coups ne cessaient de voler dans sa direction, heureusement, le démon réussissait à les esquiver... parfois de justesse. Cependant, plus il les évitaient, plus il parvenait à voir son attaquant et plus son bouclier se réduisait.
- Essaie de frapper le disque lumineux sur son armure. - Avec quoi ? Je n'arrive pas à m'approcher de lui. - Débrouille-toi. - ...
C'est à ce moment que le blobfish qui avait survécu jusqu'à présent passa dans le champ de vision de Ryden. Une idée lui vint à l'esprit. Il esquiva une attaque et botta de toutes ses forces le gélatineux poisson. Dès qu'il recouvrit entièrement le disque lumineux, l'armure du nâga se désintégra, tuant en même temps le blobfish.
- Oups...
Une fois libérer de son armature, le serpent cessa ses attaques. En fait, tout sembla s'arrêter. Les Faihas retrouvèrent comme par magie leurs dentitions impeccables, les quelques poissons survivants cessèrent d'être sous le charme du démon. Perdus, plusieurs se demandèrent ce qu'il venait de se passer, pourquoi il y avait autant de cadavres des leurs.
Sortant lentement de son envoûtement, le nâga naga vers Ryden et s'inclina solennellement.
- Merci à vous. Vous m'avez libéré de ma malédiction. Je vous en suis reconnaissant. - Je vous l'avais bien dit qu'il était l'ÉLU ! Il a résolu la prophétie sans même la connaître. - Je dis que c'était un coup de chance. - Moi, je suis convaincu de le parasite était vraiment son guide et pour tous nous sauver, il l'a sacrifié. Il lui a dit la prophétie : Quand les couleurs danseront, frapper l'éclipse du soldat. C'est ainsi qu'il a su. - On dirait que tu as sauvé tout le monde, le sauveur, lâcha moqueusement Dante. - Euh... Vous n'êtes pas morts ? - Non, pourquoi le serais-je ?
L'impression de voler. Ce sentiment immuable et indescriptible qui l'agitait, si fort, si puissant qu'il faisait trembler ses entrailles. Son corps, lui, était souverain. C'était de nouveau, et il se sentait sublimé sans doute par la rareté de ses apparitions, le dragon qui s'exprimait, seul sur le fil souple. La créature de toute beauté, de toute fierté qui étendait ses ailes virtuelles vers un monde qui avait eu l'espoir de les briser. L'acrobatie, pour Narcisse, était cette défiance naturelle envers ceux qui, un jour, avaient tenté de le détruire. Sa passion, passion qui était graduellement devenu plus, bien plus, et qui englobait désormais sa vie comme pour la protéger de ce qu'il ne pouvait comprendre, mesurer, accepter. Alors sur le fil de fer, il dansait, il virevoltait, tournait, flottait presque.
Et le mieux dans tout ça, c'était qu'il était seul. La salle d'entraînement était merveilleusement vide et l'acrobate se complaisait dans le néant, l'interprétant comme une autorisation ultime de se laisser aller au meilleur de son art et de sa décadence. Il était seul, seul et il pouvait enfin en profiter pleinement ! Un sourire satisfait s'épanouit sur ses lèvres délicate, bouton de rose éclosant sur un visage pâle comme un fin bijou d'ivoire.
Beaucoup avançaient que la solitude était nocive, il n'en pensait rien. Non, bien au contraire c'était... c'était tout bonnement.... génial. Oui, voilà, c'était génial. Il n'avait pas à avoir peur qu'une paire d'yeux attentifs ne le sondent, ou que les pensées d'aucun ne soient dirigées contre lui ou sa performance non, vraiment, il était bien. Ce néant était parfait. Il était seul, et ce fait le soulageait. Un instant, il autorisa même un éclat de rire jovial de s'échapper de ses lèvres tandis que ses pieds dansaient sur le fil.
C'est alors que la catastrophe arriva.
« Narciiiiiiiiisse ! »
L'ennemie publique était là. Le cauchemar avait jeté son linceul ténébreux sur la salle. Horreur. Effroi. Élise était là. Élise était là.
Les yeux du pauvre dragon s'écarquillèrent et il fit volte-face, oubliant momentanément qu'il se déplaçait là sur un fil et pas sur un sol bien ferme. Un oubli momentané, certes, qui apporta toutefois une conséquence bien réelle et surtout, bien sentie. Car l'acrobate perdit alors son bien le plus précieux : l'équilibre. Il vacilla, tentant vainement de se redresser puis, inéluctablement, tomba. Évidemment lorsque vint la chute, ce fut la tête la première, car le destin se serait bien gardé de lui rendre service. Alors d'accord, il avait compris, ledit destin éprouvait envers lui une haine palpable et aisément sentie, mais Narcisse décida en ce moment que ce sentiment était réciproque. Le destin était un bon vieux malandrin et il ne se laisserait plus faire, à l'avenir !
C'est donc avec une détermination sans nom que le jeune homme regarda arriver vers lui le sol impitoyable de la salle d'entraînement. Il prendrait cette chute avec dignité. Et fierté. Et honneur. Hah, la fortune allait être dépitée de ne pas le voir s'effondrer ! Ça lui apprendrait, tiens, à lui faire les pieds ! Non mais.
Le contact entre lui et le parquet, pourtant, comme ayant écouté ses prières rageuses, ne vint jamais. Narcisse non plus, en fait.
« Hmpf ! »
Bon d'accord, il avait pensé trop vite. La chute était bel et bien survenue, à son grand dam, à l'exception près que ce ne fut pas le sol chaleureux du Lost qui l'accueillit mais une longue tige de... euh...
Nouvelle donnée à prendre en compte : il ne savait pas où il était. Ni ce qu'il faisait là, où que cela fût. Ni d'ailleurs comment il avait atterri ici. Ni même ce qu'il pouvait trouver autour de lui. Non, tout ce qu'il savait, lui, c'était qu'il était dans le noir, et qu'il faisait froid. Terriblement froid d'ailleurs, d'une température glaciale à vous geler un dragon. Tâtonnant le... truc sur lequel il était perché – car il était perché sur quelque chose, il le sentait –, il tenta de se redresser sans perdre l'équilibre. Pour un acrobate, c'était déjà trop d'une fois dans la journée, il ne souhaitait pas réitérer l'expérience. Il en profita également pour faire appel à son sens tactile dans l'espoir d'identifier la nature de son...
« C'est un arbre. »
Une voix. Juste. À. Côté. De. Lui. Un hoquet terrifié s'échappa de ses lèvres et il se débattit dans la pénombre, une sourde terreur animant chacun de ses gestes. Dans sa hâte il glissa et il était trop tard lorsqu'il se rendit compte qu'une superbe chute l'attendait sans doute. Un juron coloré résonna dans le noir alors qu'il entamait un vol plané qui, comme il l'avait escompté, s'annonçait prodigieux. Il atterrit à plat sur le dos dans un son étranglé qu'il nierait pour le restant de ses jours. Battant des paupières, il entreprit par la suite de regagner sa respiration coupée tandis que les derniers restes de l'adrénaline effrayée qui l'avait animé s'estompaient.
« C'était un arbre, du moins. Tu es à présent au sol, fils de Williams. »
Après qu'il eut hurlé de surprise et d'horreur, mais virilement tout de même cela s'entend, Narcisse eut pu jurer qu'il sentit son interlocuteur hausser un sourcil en entendant son couinem- ahem, son intonation délicieusement grave. Aussi grave et belle, d'ailleurs, que celle de son...
« Narrateur. Je suis ton narrateur. » « … M-Mais encore ? »
Un soupir résonna au creux de sa tête, et ce n'est qu'à cet instant qu'il réalisa qu'il était le seul à entendre ce timbre lointain et sage. Cet être semblait tout à fait spécial et royal mais, plus encore, imposant. Une intuition qu'il prenait un malin plaisir à confirmer.
« Cela signifie que je devrais te support-... te guider dans ta quête. »
Narcisse pouvait dès à présent se targuer d'être perdu à la fois physiquement et mentalement. Cet endroit comme cet individu lui étaient parfaitement inconnus et c'est avec un mélange de curiosité et de terreur qu'il appréhenda la nouvelle information qu'on lui imposait. Hésitant, il préféra répéter :
« Ma... quête ? » « Oui, ta quête. Tu as été envoyé ici par un peuple qui en ressent le besoin, et tu dois leur apporter leur aide, si tu en es capable. »
Il paraissait clair que ni le dragon ni son rôle ne plaisaient pas à son interlocuteur. De son côté, il eut voulu se rebeller, crier à qui voulait bien l'entendre qu'il était parfaitement capable de réussir la mission qu'on voudrait bien lui donner, mais la voix portait en elle une autorité indéniable et lui-même ne pouvait nier que sa première impression avait dû être déplorable. Et les doutes du...
« Elfe. »
… de l'elfe, donc... tout ceci était vraiment très étrange, mais bon... Les doutes de l'elfe, donc, n'étaient pas infondés.
« Mes doutes ne sont jamais infondés, dragon. Je porte en moi quelques millénaires d'expérience et rien de ce que tu pourras tenter n'atteindra mes capacités. Qu'attendre d'un dragon, de toute manière... »
La dernière partie de la locution colérique de la créature – « L'elfe. » – semblait avoir été prononcée pour lui-même plutôt que pour l'acrobate. Celui-ci crut cependant bon de répondre :
« Vous avez quelque chose contre les dragons, peut-être ? »
Mais une fois de plus, il se prenait à parler, oubliant qu'il était aussi doué pour les mots que pour la belote – c'est-à-dire pas du tout, Narcisse était une véritable catastrophe en belote. Ses pensées s'échappèrent de leur prison charnelle d'une manière qu'il n'avait pas escomptée et cela fut presque douloureux à constater. Il n'avait pas prévu de sembler si froid, si distant, si-
« Les dragons ? Les dragons ?! Ce ne sont que de viles créatures, attirées seulement par l'or et les joyaux, qui sèment partout la désolation la plus ignoble ! »
Voilà qui répondait au moins à la question. Un frisson d'effroi parcourut le jeune homme tandis qu'il se faisait remonter les bretelles par la voix dans sa tête. Pour peu, un couinement se fût échappé de ses lèvres, mais il le retint in extremis. Au lieu de cela, il entama une réaction bien plus digne :
« Désolé, désolé, je suis désolé, je ne dirai plus rien promis, prom- » « … » « … Pardon ? »
Il y eut un nouveau moment de silence qui, selon lui, fut plus oppressant que n'importe quelle parole. Narcisse battit vainement des paupières, joignit ses doigts et entreprit de jouer avec. Oh, comme c'était intéressant...
« Es-tu réellement un dragon ? »
Le ton de l'elfe traduisait une incrédulité qu'il ne savait trop comment prendre. À défaut de réagir – car vous l'accorderez, c'était bien compliqué pour lui – il fit comme si aucun son n'était parvenu à son oreille, oubliant ainsi que son "narrateur" pouvait lire dans ses pensées.
« Je t'ai posé une question, dragon, et j'aimerais obtenir une réponse, aussi stupide soit-elle. » « Mais... »
Un ange passa, et il se sentit un peu bête – beaucoup.
« Valar, nous voilà loin du but... Serais-tu une anomalie ? Je n'ai pas souvenir d'une telle faiblesse de la part d'un dragon... » « N'importe quoi !, s'indigna-t-il avec bravoure. Il n'y a pas que moi ! »
Non, ce n'était pas ce qu'il voulait dire !
« Mais non mais- … Euh... C'est faux ! Les dragons sont faibles! »
Ça non plus, en fait. Narcisse s'étrangla misérablement et décida de se taire à tout jamais, conscient qu'ouvrir de nouveau sa bouche n'allait le mener qu'à balbutier de nouvelles âneries. Déjà que son interlocuteur le prenait pour un demeuré, en plus il se ridiculisait et... Oui non, il devait vraiment garder le silen-.
« Sage décision. »
Un violent sursaut le traversa de nouveau et il retint à grand peine un cri. L'elfe avait une fâcheuse manie de le surprendre et cela commençait à sérieusement lui déplaire.
« Ce n'était pas volontaire, ne blâme pas tes erreurs sur les autres, dragon. » « A-arrêtez ! Je... Je ne suis pas qu'un dragon, j'ai un cœur qui bat et une conscience ! Et puis vous êtes qui pour me juger, d'abord ?! »
Aha ! Il allait lui montrer, à ce goujat, de quel bois il se chauffait ! L'autorité d'un fier dragon coulait dans ses veines et il savait la dévoiler de la plus belle des manières ! Oh, il ne faisait aucun doute que son interlocuteur ne savait plus quoi répondre ! Et à raison, c'était qu'il avait de la répartie, lui !
« Je suis un roi, misérable gueux ! »
… Ah. … Ah. Il venait non seulement de se ridiculiser prodigieusement, mais aussi de vexer un roi, rien que ça. Comme si se mettre à dos un elfe millénaire n'était pas suffisant, il avait réussi à se faire détester d'un noble. Et évidemment, étant lui-même un crétin notoire, il était parvenu jusqu'à engendrer le courroux d'un monarque. Bravo Narcisse, se félicita-t-il amèrement, quelle remarquable diplomatie ! Tu es un véritable champion, dis-moi ! Sa frustration envers lui-même était d'autant plus importante que la voix dans sa tête fulminait en monologue :
« -tis ! Vous les dragons vous êtes tous pareils, des Smaug en her- » « Vous connaissez Smaug ?! »
Ce maudit gredin ! Les deux reptiles ne s'étaient jamais entendue et chacune de leurs rencontres avait fini par dégénérer en dispute – ou plutôt en harcèlement, vous devinerez la victime. Il le détestait, il le damnait, et s'il apprenait que la haine de la fée des bois – « L'elfe. » – avait été causée par ce mécréant il le tuerait de ses propres m-... Ah oui, c'est vrai. Trop tard.
« Smaug, reprit son vis-à-vis d'un ton dangereusement calme, est ton ami ? » « Ah non ! Non non non ! C'est un vil saligaud qui m'a traumatisé durant toute mon enfance ! C'est un sadique. On ne traite pas son cousin ainsi ! Il se cachait derrière les montagnes d'or de sa caverne et me brûlait les fes- » « Est-ce vraiment l’Élu ? »
Une voix. Juste. Derrière. Lui. Dans le noir. Il fit volte-face, le cœur battant, et... se retrouva nez-à-nez avec un rhinocéros phosphorescent.
« Aaaaaaaaaaah ! »
Les tonalités aiguës de sa voix se révélèrent embarrassantes lorsque le silence revint et qu'il réalisa qu'il faisait face non pas à un, mais à plusieurs mastodontes. Leurs formes inquiétantes illuminaient la pénombre et il déglutit péniblement, apeuré par leur masse.
« Malheureux, qu'as-tu fait ? » « H-Hein ? »
Puis il comprit. Là où, quelques minutes auparavant se tenait son jumpscare tout personnel s'élevait désormais une statue de glace à l'effigie de ce dernier. Sauf que ce n'était pas qu'une statue, au vu des grands yeux écarquillés des animaux. C'était le moment idéal pour paniquer.
Sa voix avait gagné quelques octaves et il plaça ses mains devant sa bouche en écarquillant les yeux. Les rhinocéros, eux, n'avaient pas l'air contents.
« Cours. » « ... » « COURS ! Dôl lost lîn ou quoi ?! » (ta tête est creuse)
Du coup, Narcisse courut. À raison. Car bien évidemment, et cela s'entendait sans peine, les créatures n'avaient pas apprécié qu'on transforme leur confrère en Mr Freeze. Ce faisant, ils avaient communément décidé de le prendre en chasse. Une fois de plus, il s'agissait là d'une action parfaitement compréhensible mais le jeune homme n'était pas certain de désirer en faire les frais. Pas qu'il avait son mot à dire, de toute manière.
« À gauche, là ! »
Il tourna à l'aveuglette, ayant perdu la lumière des rhinos au cours de sa fuite. C'est dans ce genre de moment, alors que la poésie est à son comble, que nous vient la furtive pensée que, vraiment, la luminosité nous rend bien service. Car la paroi rocheuse qui rencontra le crâne de l'acrobate promettait de lui laisser un vif souvenir d'humiliation ainsi qu'une jolie bosse. La douleur elle aussi fut très belle. C'est alors qu'un éclat de rire s'étouffa, quelque part dans les méandres de son esprit.
« Tu peux dire , dans ce genre de cas. » « Sans vouloir vous vexer, j'ai plutôt envie d'annoncer un mot en cinq lettres qui commence par M et qui finit par de. » « Bon, tâte le mur. Je te donnerai la démarche à suivre. » « Vous m'avez dit de tourner, j'ai une bosse. » « Je n'avais pas prévu que tu soies assez dégourdi pour rentrer en collision avec le mur, mais je dois bien admettre que c'était... drôle. Un peu. » « C'était vil. » « Tâte le mur, te dis-je ! »
Poussant un gémissement plaintif – virilité, vous dis-je – Narcisse s'exécuta. Il palpa la roche, tentant de faire fi des bêtes qui approchaient à grande vitesse. Après tout, peut-être voudraient-ils simplement prendre le thé. Dans le noir. Dans le froid. Quoique cela pourrait sans doute les réchauf-
« Concentre-toi, dragon. »
Oh oui, le mur. Obéissant au roi, il longea la paroi en touchant la pierre, ne se rendant compte qu'elle était glacée que lorsque ses doigts y collèrent. … Attendez. Elle était gelée ?! Non non non, il n'avait pas fait ça. Du tout. C'était simplement parce que les températures étaient très basses. Et puis d'ailleurs c'était impossible, il était un dragon. Un être du feu. Les flammes et la glace ne pouvaient se mêler, c'était bien connu.
« À moins que tu ne soies pas exactement un dragon. »
La bonne blague. Et que serait-il, s'il n'était un dragon ? Une licorne ?
« Le sarcasme ne résoudra pas la situation, seul le calme en viendra à bout. Et je te prierai de te montrer poli envers ton supérieur. »
Grmlml.
« Réfléchis, si tu en es capable. Smaug serait-il en mesure de former de la glace avec son souffle ? Ses doigts ? » « N-non... » « Pourrait-il survivre dans un froid si important qu'il anime tout un pays ? » « N-non... » « Un dragon lambda en serait-il capable ? » « N-non... » « Quelle serait donc la conclusion logique ? » « Mais je SAIS que je suis un dragon ! »
Alors oui, cela faisait des années qu'il n'avait pas utilisé ses pouvoirs, mais quand même ! Il connaissait la brûlure familière et chaleureuse du feu dans son- … Noooon. Nooooooooooooooon. Impossible. Il refusait d'accepter ça.
« Tu n'as plus de feu, n'est-ce pas ? » « ... » « Ce n'est pas si grave, le Valar t'a pris un pouvoir en échange d'un autre. » « … M-mais... M-mais non ! »
Il ne voulait pas être autre chose qu'un dragon!!! C'était complètement fou, fou !
« Ah, je sais ! » « … Plait-il ? » « J'ai dû boire de l’absinthe. »
C'était la seule explication plausible, et elle le satisfaisait pleinement. C'était bien mieux, du moins, que d'accepter d'être autre chose que ce qu'il était. Oui, c'était parfait. Il était soul. Splendide. Il préférait encore avoir le crâne en étau qu'une réalité qu'il n'était pas prêt à affronter. Poussant un soupir, il se reposa contre la paroi rocheuse.
Qui rompit. Ou plutôt, qui l'avala au moment même où les rhinocéros parvenaient à son niveau. Esquissant une jolie roulade pour éviter une chute lamentable, il parvint à écouter leurs commentaires depuis... L'intérieur du rocher ?
« Ooooh, il est rentré ! » « Le nuage l'a laissé venir à lui ! » « … Vous croyez qu'il va y parvenir ? » « Mais il a glacé l'un des nôtres ! » « C'est l’Élu. »
Il n'était l'élu de rien du tout, et il ne désirait certainement pas être celui d'un nuage - car apparemment ce qu'il pensait être une paroi rocheuse était en fait un cumulus. Poussant un profond soupir, il se redressa doucement avant de se retourner vers ce qui l'attendait. Quitte à se trouver dans un monde sans queue ni tête, autant le faire jusqu'au bout. De toute manière il ne pouvait décemment pas revenir sur ses pas, sous peine de se faire empaler par les cornes d'un rhinocéros abyssal, une perspective fort peu désirable à ses yeux. Ce qu'il découvrit, toutefois, dépassait tout entendement.
Au devant de lui s'étendait une vaste... piscine à boules. Les petites sphères multicolores formaient une gigantesque pataugeoire de plastique, un véritable paradis pour enfant qui risquait de virer au cauchemar.
« Vous n'avez rien à dire, cette fois-ci ? » « Même mes huit milles ans de vie ne peuvent rien contre une telle chose, navré. »
Alors, courageusement, Narcisse s'engagea dans la piscine. C'était tout de même un comble que le seul endroit lumineux depuis le début de son épopée soit un jeu pour enfant, mais après tout il n'en était plus à ça près. Tout son monde semblait résolument capilotracté et il ne lui restait plus qu'à endurer et suivre le mouvement. Apparemment, il avait quelque chose à faire là. Quoi, il ne savait pas. Pourquoi, il ne savait pas non plus, mais au moins il avait une mission et s'il la réussissait il parviendrait peut-être à apaiser la furie des rhinocéros.
Sauf que la piscine était profonde, si profonde qu'il n'avait pas pied et, pire encore, le dragon réalisa à cet instant que son seul toucher glaçait les objets. Chacune des sphères qu'il rencontrait finissait donc inexorablement gelée et collait toutes ses voisines, créant une masse compacte dont il était presque impossible de s'extirper. Vraiment, c'était n'importe quoi. Mais Narcisse était brave, vaillant et vertueux, alors il persévéra. Le roi elfe, lui, se moquait ouvertement.
« Je n'aurais jamais cru voir un jour de dragon s'amuser dans un jeu d'enfants. Mais je suppose que tu n'es plus vraiment un dragon... Ah, coincé ? Je t'avais prévenu, dragon. »
Oui, il l'avait prévenu, il le savait ! Toutefois, quel choix avait-il ? Il lui fallait avancer et ceci était vraisemblablement la meilleure et seule option. Au loin, une lumière diffuse brillait, incandescente et rouge, l'appelant à elle de toute la force de ses rayons. La Nature de l'acrobate ne tarda pas à prendre le dessus et il se faufila dans la piscine, laborieusement certes, mais bien plus rapidement qu'avant. Sa démarche ressemblait à celle d'un serpent, ce qui ne manqua pas d'amuser son narrateur. Même si elle était parfaitement ridicule - un fait donc il avait tristement conscience, mais après tout il n'en était plus à cela près - elle était bien plus efficace que tout autre méthode. Ainsi, il créait une couche de glace qui lui permettait de glisser à plat ventre sur les boules. Alors oui, oui il avait l'air bête - « Le cerveau des dragons n'est pas réputé pour être énorme, cela dit. » - il avançait et cette constatation lui était précieuse. Comme la pierre qui l'attendait au fond.
Finalement, il arriva. C'était génial, somptueux, magnifique. L'étoile, car on eut dit qu'elle était ainsi, brillait de mille feux juste sous ses yeux, et il ne put s'empêcher de tendre la main pour la saisir.
Bzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzt
Puis il se trouva dans le noir complet et des cris de joies résonnèrent au dehors.
Sur le coup, Narcisse paniqua. Ils s'agita, reposa la pierre, constata que ça ne servait à rien, reprit la pierre, la reposa, poussa un hoquet d'horreur, reprit la pierre, la reposa...
« Dragon... »
La reprit...
« Dragon.»
... la reposa...
« Narcisse ! »
La force de la voix le fit sursauter - et gémir, à sa grande honte. Il en lâcha la roche, tenta vainement de rattraper son inexorable chute et observa avec effroi la rencontre de celle-ci avec le sol. Elle cassa comme du verre et il plaqua ses mains sur son crâne en hurlant:
« NON. NOOOOOOOOOOOOOOOOOOON !! » « Calme-toi, dragon, c'est nor-» « Débile, mais quel débile ! Je suis complètement crétin ! » « Certes, mais ce n'est pas gr- » « Je vais me faire tuer. C'est la fin. Et même pas par des chasseurs, par des rhinocéros. Des RHINOCEROS. Ça va être douloureux. Ça va forcément être douloureux et- » « DRAGON. »
Il sursauta de nouveau, trébucha sur une boule alentours, et s'affala superbement dans la piscine dans un fracas plastique qui ne manquait pas de charme. Un grognement plaintif lui échappa ainsi.
« Dragon, tu dois te calmer, sinon tu vas mourir avant la fin de cette quête et si tu fais ça, je vais encore être ennuyé de toutes les formulations à étudier. Rends-nous donc service et utilise le peu d'esprit que tu as pour t'en rendre compte. »
Ah. Ah oui. Il devait... respirer, respirer c'était bien. Et puis il avait encore une quête à finir, il devait se motiver, sans quoi les pauvres rhinocéros n'auraient jamais de quoi se sortir de la panade et surtout, lui n'allait jamais se faire pardonner. Il prit une profonde inspiration:
« En route.»
Ce qu'il ne savait pas, c'était que lesdits rhinocéros fêtaient déjà le retour de leurs proches congelés parmi eux et que la quête qu'il s'évertuait à réaliser venait de l'être inconsciemment.
Mais peut-être que pour sa santé mentale, il ne valait mieux pas.
_________________ I speak in #cc66ff
Dernière édition par Narcisse Williams le Ven 31 Juil - 5:00, édité 1 fois
Il était une fois, dans un royaume pas si fort lointain, vivait une jeune fille aux yeux d’émeraude et aux cheveux de brume. L’on peut d’abord penser à une métaphore de ma part, mais, hé, je ne suis pourtant pas si loin de la vérité ! Cette jeune fille avait un nom et une voix, qui sonnaient joyeusement aux oreilles de ceux qui l’écoutaient. Cependant, nous allons l’appeler Grincheuse, car déjà n’était-elle pas bien grande, mais aussi souffrait-elle, de ce que j’appellerais, un manque de gaieté. Et pour cause : de nombreux maux hantaient ses nuits. Par habitude, la belle cachait ses souffrances au fond de sa chambre étroite, au fond d’une petite pochette qu’elle conservait toujours sur elle. Puis, une fois les yeux ouverts vers la porte de son dortoir, elle s’en allait travailler comme de rien n’était, distrayant, de ses chants, quelques gens de la grande ville où elle habitait.
Il fut cependant un réveil pas comme les autres. Un matin, à la place de la porte de sa chambrée, son regard rencontra un ciel gris de pluie, et, lorsqu’elle se rendit compte qu’un de ses bras pendait dans le vide, son esprit réalisa vite la situation dans laquelle elle se trouvait : entourée de lianes tellement sèches qu’elles en sont coupantes, Grincheuse était suspendue au flanc d’une falaise de pierres grises, au dessus d’un océan avide d’attraper sa proie, presque à la portée de ses vagues impitoyables. Aussi pensa-t-elle à se débattre, mais, dès qu’elle bougea le doigt, un des cordages qui la soutenaient se détacha lâchement du corps de la jeune fille. Aussi, ne bougea-t-elle plus. Mais, si elle est incapable de faire le moindre mouvement, comment pourrait-elle se défaire de ses liens, me demanderez-vous ? Et bien, la méthode est très simple : attendre. Un tel acte m’aura sauvé la vie plus d’une fois sur les mers, croyez-le bien ma chère ! Guetter la meilleure opportunité est la plus sage des décisions. Et aussi la seule qui lui était offerte à ce moment-là. Yep, pas très glorieux comme position, je suis bienheureux de ne pas avoir eu à subir la même chose, sinon mon honneur de gentleman aurait- oui oui je continue. Cependant, Grincheuse n’avait guère la patience dans ses attributs et décida de retenter un mouvement. Manque de chance, la corde qui se détacha, cette fois-ci, vint la frapper en plein visage et l’assommer de plein fouet. Et c’est alors qu’elle pendouilla comme un rat des falaises - ça ressemble aux rats des marais de feu mais en plus granuleux et plus… pendouillant. -
À son deuxième réveil, Grincheuse eut l’incroyable surprise de contempler de ses deux yeux, une créature magnifique, couverte d’un pelage et d’une plumage blanc et noir, sauf sur son crâne, orné d’un cercle rouge flamboyant. La chose était à la fois bête et oiseau - je te jure mon aimée, je te jure que c’est vrai - et se tenait majestueusement devant la jeune fille, légèrement étonnée de voir pareil être devant elle. Derrière la dite créature, Grincheuse pouvait apercevoir le ciel à nouveau, toujours lourd de nuages, par l’entrée circulaire d’une cavité rocheuse, dans laquelle la jeune fille avait reposé. L’être tendit lentement le cou vers le visage de la jeune fille, approchant silencieusement son bec affectueusement. Plus surprise qu’apeurée, Grincheuse eut comme premier réflexe de gifler la pauvre chose, qui hurla son désarroi:
« MAIS ENFIN, AVEZ-VOUS LA CERVELLE D’UN MOINEAU? Pourquoi donc m’avez-vous frappé ?! »
« Pour vérifier que… »
Grincheuse s’arrêta un instant, constatant rapidement que cet oiseau géant à corps de lion venait de lui adresser la parole. La dite créature se tenait droit devant elle, levant sa tête pourpre avec dignité, avant de prononcer d’une voix suave :
« Au moins, vous êtes enfin morte. »
Un court moment de silence fut bientôt suivi d’une autre gifle pour l’oiseau, qui recula vivement en frottant son bec dans son plumage.
« Nom d’une pie, c’est pas bientôt fini ces baffes ?! »
« Seulement quand vous m’expliquerez ce que signifie « vous êtes enfin morte » ?! » rétorqua la jeune fille, debout sur l’amas de branches et de plumes sur lequel elle était allongée. Oui, on appelle ça un nid.
« Quelle autruche, celle-là », s’exclama la créature, avant de se rapprocher vivement de Grincheuse, les plumes entourant sa tête complètement hérissés et les ailes déployées, en instance de défense. « Je disais que vous étiez enfin réveillée ! »
« Haha.. Non. » certifia Grincheuse, que la créature s’apprêtait à contredire, lorsqu’un autre emplumé - c’est affectueux ma chère ne vous inquiétez pas - avança dans la grotte avec deux membres de sa garde, des créatures au rouge moins éclatant.
La première créature s’assit, rabattant doucement ses grandes ailes derrière son dos de fourrure, le silence étant de rigueur face à l’oiseau d’excellence qui venait d’arriver : le chef de la nichée.
« Je vous présente mes excuses, Grande Fauvette, pour les impolitesses de mon fils. Son manque de maturité, digne d’un vautour, n’est malheureusement qu’un des nombreux maux que nous essayons de lui ôter. »
Le dit descendant ne fit guère le fier, s’inclinant d’autant plus envers Grincheuse et son père. La jeune femme, quant à elle, n’avait pas perdu tout orgueil devant les immenses bêtes. Pour te passer des détails, ma douce, disons que Grincheuse a la langue mordante, si ce n’est le regard. Le chef se pressa donc de lui expliquer ce qu’il lui était arrivé, ou tout du moins ce qu’il en savait : son fils et ses amis avaient découvert la jeune fille, suspendue dans un de leurs pièges, ceux destinés à la défense de son peuple, alors qu’ils faisaient leurs exercices de vol. N’ayant jamais vu une chose telle que Grincheuse, il la ramenèrent dans leur refuge, un ensemble de nids creusés ou suspendus à la va-vite le long de la Falaise Grise. Un territoire plutôt désolé si vous voulez mon avis, ma chère. Le chef se présenta comme étant Kiori, Seigneur des Pepsoli, une race mi-rouge gorge, mi faucon et mi lion. Leur peuple était composé de voyageurs aguerris et aux expériences toutes incroyables, que je vous les aurais bien racontés si elles n’étaient pas aussi interminables. Oui, le souci avec ces êtres, c’est que ce sont d’incorrigibles jacasseurs. Ainsi, même si Kiori savait parfois se contenir, ses accompagnateurs ne se délaissait pas de conter, pour Grincheuse, toutes sortes d’élucubrations aussi inutiles qu’indiscernables ! Aussi cela donna lieu à une gigantesque cacophonie, où la jeune fille tentait tant bien que mal de comprendre ne serait-ce qu’une phrase. Difficile, cependant, de saisir le sens d’une discussion, si celle-ci est altérée. En effet, entre deux piaillements incompréhensibles, Kiori parvint à expliquer à Grincheuse qu’une affreuse malédiction touchait son espèce depuis peu : les pauvres créatures ne pouvaient malheureusement dire ce qu’elles pensaient, que lorsque le nom d’un oiseau était prononcé dans le même temps.
« C’est un tel affront pour nous, qui n’utilisons le nom de ces animaux que lorsque nous avons du plaisir ou que nous aimons quelqu’un à un point… »
« J-j’ai peur, encore une fois, de vous comprendre de travers, Kiori » bafouilla Grincheuse, qui s’était confortablement assise dans le nid spécialement fabriqué pour elle.
« Nom d’une chouette hulotte, ça devient de plus en plus ridicule chaque jour » grogna Kiori. « Le pire est qu’on ne s’en rend compte qu’une fois la phrase finie, tel un calao idiot. »
« Oh, je crois comprendre à quoi les noms d'oiseaux vous servent maintenant » spécula la jeune fille, avant de continuer sur une note plus décisive. « Quoi qu’il en soit, je compatis grandement à.. à ce que vous traversez et vous remercie de votre hospitalité, mais je dois rentrer sans tarder mainten- »
« Il a été dit » la coupa Kiori, s’imposant encore plus devant la petite Grincheuse. « Il a été dit qu’un être tel que vous arriverait. »
Une autre surprise silencieuse, les yeux verts de Grincheuse se mêlant à ceux déterminés de Kiori, avant que ce dernier ne relance la discussion sur un ton haineux.
« Les Escagortiens, ces maudites buses, sont les responsables de ce sort terrible. Ces casse-croûtes pour cacatoès infects nous ont chassés de nos terres, nous ont humiliés et ont tués beaucoup des nôtres. Ils sont nos rivaux depuis des siècles, mais j’espérais qu’ils parviendraient à maitriser la magie de nos ancêtres. Hum pardon, je n’espérais pas, grèbe. Cependant, dans leur horrible malédiction de corneilles vicieuses, une lueur d’espoir demeura dans nos esprits : une vision que nous partageâmes tous, celle d’une grandiose Fauvette aux yeux verts, sortant du brouillard de l’océan, avant de se poser sur notre arbre mère, accrochant ses serres magnifiques sur la plus imposantes des branches : La Branche de l’oubli. Et au dessus de vous, dans un éclair, des lettres de feu se dessinaient dans le ciel lourd d’orage, une prophétie annonçant de vos actes majestueux ! »
Kiori s’arrêta un instant, son humeur enjouée l’ayant amené à dresser les ailes vers les cieux. Il se reprit, avant de continuer.
« Ces macareux odieux se sont appropriés sans vergogne notre maison, pourtant, vous êtes enfin arrivée ! Si vous réussissez à vaincre leur chef et à détruite sa coquille enchantée, nous pourrons à nouveau chanter comme des pinsons ! »
« Je ne voudrais pas vous décevoir Kiori, mais moi je ne suis qu’une chanteuse. Je peux vous aider si vous avez besoin de couturière ou même de forgeron. Cependant, je suis totalement inutile en ce qui concerne tout ce qui est « sauver des pauvres gens en détresse » et tout ça… »
« Pour l’heure, Grande Fauvette, nous allons vous laisser vous reposer. Vous pouvez circuler aussi librement qu’une alouette, mais je préférerais que vous demeuriez dans le village, le temps que vous repreniez des forces. Mon fils vous fera la visite plus tard, si vous le souhaitez, que vous ne vous perdiez pas comme un petit roitelet. »
Sur ces derniers mots, Kiori et sa suite quittèrent la caverne, le fils se tournant une dernière fois vers Grincheuse, lui jetant un regard dédaigneux avant de la quitter.
« Charmant personnage. »
N’est-il pas ?
« Ouais… Euh attends- »
Aaaah mais c’est qu’elle peut enfin m’entendre, la coquine ! Euh non ma douce, c’est une façon de parler.
« Mais-mais vous êtes qui ? Où êtes vous ? »
Oooh pas la peine de chercher sous les plumes, vous ne m’y trouverez pas ! Inutile de me chercher tout court par ailleurs, je ne suis nulle part autour de vous.
« C’est juste impossible, si je vous entends, c’est que vous devez être à portée de voix ! »
Et pourtant, je ne peux l’expliquer. Je me suis réveillé ce matin et je vous ai vu, comme si vous étiez à côté de moi. Toutefois, j’étais le seul à vous discerner et je commençais à désespérer que vous puissiez en faire de même. Par ailleurs, mon amie vous salue, je ne sais pas si vous pouvez l’entendre aussi.
« N-non… »
Oh, c’est dommage. Si seulement vous pouviez la voir, c’est une des créatures les plus douces et les plus belles de la création..
« O-oui oui, très bien, et vous êtes…? »
Mon nom est Whestley, et nul besoin de vous présenter vous savez, je vous ai observé depuis ce matin ! Ne me lancez pas un tel regard, ma douce, je n’ai rien fait d’indécent. Quoi qu’il en soit, jeune fille, désormais je vous accompagne dans votre aventure. Il est inutile de me demander quoi que ce soit, je n’ai aucune idée de ce qui a bien pu vous arriver lorsque vous étiez inconsciente. Oh allons, ne ronchonnez pas ainsi, allez plutôt explorer le village, comme Kiori vous y a invité !
« De un, je ne ronchonne pas. De deux, retenez-vous, je vous prie de me donner des ordres. C’est horripilant au possible. »
Et alors qu’elle me répondait avec vivacité, Grincheuse se rendit compte de quelque chose : en se levant de son lit de plume, elle remarqua que certaines d’entres elles étaient restées collé à son épaule. Cependant, à peine les eut-elle touchés qu’une douleur intense vint lui déchirer le dos, alors se retourna-t-elle pour constater que-
« Voulez-vous bien stopper ce baragouinage ? Rendez-vous utile et dites moi ce que j’ai dans le dos, nom d’un chien ! »
Des ailes.
« … Quoi? »
Des membres puissants couverts de plumes marron, mouchetés d’un orange doux sur la couche externe et recouvert d’un duvet beige de l’autre côté, tellement doux que l’on pourrait s’y endormir rien qu’en les effleurant du dos de la main et de-
« DES AILES?? »
Mais enfin, allez-vous cesser de m’interrompre à tout va ? C’en devient franchement désagréable !
« Non mais vous voyez comme moi là? »
Oui, je vois que vous avez des ailes, alors qu’avant vous n’en aviez pas. Je vous prie cependant de voir cela comme une opportunité, qui fait partie des nombreux mystères que la vie nous réserve. Et arrêtez donc de tourner sur vous même ainsi, vous ressemblez à un pauvre toutou qui n’arrive pas à voir le bout de sa queue. Voilà, maintenant que vous êtes immobile, on va pouvoir avancer dans l’histoire : de un, vous allez sortir d’ici, et faites attention la pente est à pic par ici. De deux, vous allez retrouver le fils de Kiori et lui demander de quelle message son père parlait tout à l’heure. De trois, vous levez la malédiction et on en parle plus !
« Mais vous êtes un grand malade, vous ! Pourquoi ferais-je tout ça, hein? Et et même si j’acceptais, je suis censée faire ÇA comment?? »
Parce que c’est votre rôle dans cette histoire ! Vous devez les aider, car vous êtes la Grande Fauvette. Par ailleurs, vous leur devez la vie, sans eux vous seriez encore suspendue au dessus de l’océan. De plus, vous m’avez, moi, c’est un sacré avantage ! Ne vous inquiétez pas, j’ai toujours un plan.
« … Bon, de toute façon, je n’ai rien d’autre à faire. »
Ainsi, la jeune fille entreprit de sortir délicatement de la cavité, un pas l’un après l’autre vers le bord de la falaise. Elle observait le vide devant elle, hésitante, jetant un coup d’oeil aux quelques Pepsoli voguant sur les vents ascendants. L’appel du ciel lui étouffant le coeur, elle ouvrit grand ses ailes et, ni une ni deux, se jeta dans les airs. Un spectacle bien pathétique s’offrit alors à la vue des locaux et à la mienne : une minuscule bestiole tentait de s’envoler vers les nuages, son vol relevant plus de l’albatros attardé que de l’hirondelle gracieuse. Elle tournoyait de désespoir comme un pauvre moucheron empoté, agitant les bras aussi énergiquement qu’un pégase bourré aux hormones bons marché. L’on entendait son cri terrifié, comme si un démon avait pris possession de sa voix délicate et l’avait remplacée par celle d’un pélican enrhumé. Heureusement que ce beuglement n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, car le fils de Kiori s’empressa de venir à l’aide de Grincheuse, observant ce spectacle désopilant d’un oeil condescendant.
« Besoin d’aide, Grande Fauvette ? Ou devrais-je dire Alouette inapte ? » ricana le Pepsoli, volant allègrement à côté de Grincheuse.
« Ne vous moquez pas et venez m’aider ! » cria la jeune femme. « Et arrêtez ne me nommer ainsi vous ! »
La créature vint se placer juste sous Grincheuse, qui put s’installer avec soulagement sur le dos du Pepsoli. Enfin à l’aise dans les airs, la jeune femme pouvait enfin parler avec son sauveur.
« Oui je sais, je sais… bon, hum, je vous remercie déjà, je n’ai guère l’habitude de ce genre de promenade. » Devant le silence de la bête, Grincheuse continua d’un ton hésitant : « Ahem, votre père m’a dit que vous pouviez m’aider en fait, et j’aurais voulu savoir quelques petites choses. Comme la prophétie dont il avait parlé tout à l’heure… »
« Aidan. »
« Pardon? »
« Je m’appelle Aidan, au cas où cela vous intéresserait, Grande Fauvette. Enfin, de mon point de vue, ça sera Petite Autruche. » Grincheuse prévit de lui répondre, mais fit la moue à la place. En réponse, Aidan fit une sorte de rictus qui, de mon point de vue, ressemblait à un sourire, mais ce n’est que mon interprétation.
« Je vais vous aider à vous rendre à la Branche de l’oubli, il faudra au moins ça pour vaincre ces vils escargots bons à se faire becter par des mésanges. Ça ne serait pas du luxe si vous aviez une idée de votre côté, l’alouette. »
« Qui vous a dit que je comptais- »
« D’abord, montrez-moi de quoi vous êtes capable dans les airs, Petite Autruche ! On va s’entrainer au vol sur le chemin, et vous ne risquez rien en plus ! »
Aussitôt dit, Aidan lança, d’un coup de rein, Grincheuse dans les airs, la redirigeant vers la Falaise. La jeune femme eut le plaisir de planer durant un instant, toutefois la maladresse hors norme finit par la déséquilibrer, et la pauvre, après quelques secondes, frappa de plein fouet le mur de pierre.
Son troisième réveil se fit sur le dos d’Aidan, qui l’avait rattrapé lors de son coma temporaire. Déambulant au coeur d’une forêt, Grincheuse ne tarda pas à apercevoir un monument gigantesque de bois et de feuilles : l’Arbre-mère, d’où dépassait la plus grosse des branches, la Branche de l’Oubli. La jeune fille déglutit, frottant d’une main la bosse saillante sur son front.
« Vous, on peut dire que vous êtes un sacré bavard… »
« Parce que? »
« Pardon Aidan, je réfléchissais toute seule… Humpf, je me suis bien cognée. »
« Non non, ce n’était pas si drôle que ça. »
« Bon, maintenant qu’on est pas loin, vous voulez bien me dire de quoi parle cette prophétie maintenant ? »
« Pour ma part, elle est aussi inutile que peut l’être une mouette : « Bigorneaux et chaussettes, dans l’éclair pourfendront ». Mon père y croit dur comme fer, pourtant moi je n’y vois que des mensonges de corbeaux. »
« … J’ai des chaussettes sur moi, mais je sais pas si ça va bien aider. »
Soudainement, Grincheuse eut une idée de génie, et elle sut immédiatement comment régler le cas des Escargotiens !
« Euh, non. »
Alors aussitôt pressa-t-elle Aidan de se rendre dans le territoire ennemi et de -
« Doucement ! Je ne comprends rien de ce que vous racontez ! »
« Je sais hein, petite autruche, cette prophétie est complètement idiote… »
Non non, ne vous inquiétez pas ! J’ai un plan, j’en ai toujours un, il suffit de me faire confiance… Vous me faites confiance, hein? Alors arrêtez de faire cette moue tout à fait dérangeante et pressez Aidan de vous emmener le plus proche possible. Et attrapez des Lianes de feu au passage, elles poussent dans cette forêt. Grincheuse concéda, avant de disparaitre à l’abri des regards dans les bois touffus.
L’Arbre-mère était devenu un endroit sinistre depuis l’arrivée des Escargotiens. Tout ce qui avait été vivant était désormais recouvert d’une bave translucide parfaitement dégoutante, et tout ce qui avait été vert avec été victime de l’appétit incroyable des envahisseurs. Ils déambulaient ici et là, à la recherche de n’importe quel morceau de vert à dévorer. Néanmoins, le plus gros de tous, leur chef, trônait avec fierté sur la Branche de l’oubli, se relaxant dans ce qui était un jour le nid le plus beau de tout l’arbre. L’orage grondait au loin, et la pluie n’allait pas tarder à pleuvoir, un temps idéal pour le Roi envahisseur. Tout aurait pu être parfait en ce cinquantième jour d’occupation… QUAND SOUDAIN :
Apparut dans le ciel noir d’encre, un monstre aux ailes puissantes et aux yeux perçants, d’un vert à l’éclat si intense qu’il appelait sur Terre toutes les âmes des temps anciens, rappelant les morts à la vie et, encore pire, ranimait le pire ennemi des Escargotiens : le feu ! Le tonnerre était sa voix, les éclairs, sa colère ! Les éléments l’entouraient pour honorer son pouvoir, révélant au monde d’en bas et aux créatures insignifiantes son visage terrible, déformé, couvert de feuilles mortes et de boue maladive. Des lianes animés par sa colère frappaient tous ce qui entourait cet être de malheur, serrant de dernier de tout leur amour impie. Il se tenait dans les airs, à la vue de tous, près du chef des Escargotiens, qui tremblait d’effroi dans sa coquille. Le pauvre ne pouvait rien, rien du tout face à une telle bête, venu des tréfonds des Enfers pour le dévorer tout cru, sûrement ! La chose tenait une branche de laurier à la main, et ne tarda pas à tourner sa tête vers le pauvre chef terrifié. Tout d’un coup, elle fondit vers lui, atterrissant de tout son poids sur le nid, qui commença à s’effriter sous le choc. Sa victime eut à peine le temps de reprendre ses esprits que la chose se tenait debout devant lui, de plus en plus menaçant. Son peuple en contrebas observa avec effroi la chose brandir haut son sceptre, avant que l’arme damnée et les lianes de l’enfer ne s’abattent sur leur seigneur bien aimé. Une immense lueur jaillit alors, aveuglant tous les spectateurs de ce théâtre odieux. Lorsque les nombreux gastéropodes rouvrirent les yeux, ils eurent le malheur de voir leur chef complètement dénué de coquille, celle-ci s’étant brisée sous le choc. Le démon ayant fini son acte, prononça alors son jugement :
« S’il vous venait l’envie de revenir sur ces terres, je ne m’arrêterai pas à la coquille. »
Aussitôt tous prirent femmes, enfant et maison et fuirent le plus loin possible, certains transportant leur pauvre souverain inconscient loin de l’Arbre mère, et loin de la Branche de l’Oubli.
Dès que plus personne ne fut en vue, Grincheuse retira la chaussette qui lui recouvrait le visage et la jeta au loin d’un air dégouté. Aidan ne tarda pas à la rejoindre sur la branche, alors que la jeune fille, désormais dénuée d’ailes, s’y assit tranquillement. Souriant face au soleil qui réapparaissait derrière les nuages, Grincheuse commença :
« Tu aurais pu me le dire plus tôt que tu pouvais rétrécir, Aidan. »
« Et te donner l’occasion de m’écraser sous ton pied ? Non merci, je préfère devoir me glisser sous la carapace d’un Escargotien dix fois de suite. »
« C’était comment d’ailleurs ? »
« Affreux et gluant. J’ai du aller au fond des choses pour trouver la source de sa magie. »
« Ugh. »
Surtout ne me dites pas merci pour mon plan de génie.
« Le plan qui consistait à aller me rouler dans la fange putride des marais pour me déguiser en esprit de la forêt démoniaque, habillée de lianes qui pouvaient potentiellement me tuer ? Génial. »
Que voulez-vous ? Je ne manque jamais de pimenter mes petites aventures ! Et puis, ça plait aux enfants.
« Moi, tu vois, j’y serais allé encore plus fort : je serais allé chercher la ruche remplie des guêpes les plus féroces de la forêt, pour ensuite me l’enfoncer sur la tête et puis me frotter à l’escargot, tout en le saupoudrant de sel et en criant « C’est la lutteur finaleuh ! » pour que ça fasse encore plus d’effet ! »
« Vas-y, je te laisse essayer ! »
Et c’est ainsi que s’enfuirent les deux tourtereaux vers le soleil couchant, remplis d’espoir qu’une vie meilleure et chaleureuse au sein de la forêt les attendaient. Ils vécurent ainsi heureux et eurent-
« Non mais ça va pas dans ta caboche mon gros, tu m’imagines faire ça avec un piaf ???? »
« Quoi?! Tu penses vraiment qu’on peut… »
« Mais non ! »
Peu après Aidan prit Grincheuse sur son dos et s’envola de la branche, laissant la jeune fille admirer une dernière fois la mer d’arbres émeraudes depuis les cieux. Peu de temps après, le Pepsoli la déposa sur une grande route, à l’orée de la forêt, avant de lui faire ses adieux.
« Voilà, c’est ici, c’est le seul chemin qui quitte la forêt. Je ne sais pas vraiment où il mène, désolée, je ne suis pas encore allé bien loin dans mes voyages… Tu es sûre de ne pas vouloir revenir à la Falaise ? Mon père a sûrement tout un tas de cadeaux pour toi. »
« Je n’ai besoin de rien, vraiment. Je te remercie infiniment, mais désormais je dois rentrer chez moi. »
Aidan hésita légèrement, grattant le sol de sa patte. Soudainement il eut une idée et tourna son bec vers l’une de ses ailes. Il en arracha une plume, qu’il présenta à Grincheuse.
« Ce n’est pas grand chose, mais cette plume est remplie de mon pouvoir. Si tu l’as tiens fermement dans ta main, elle pourra t’aider. Fais attention, par contre, son effet est limité. »
La jeune fille prit délicatement le présent dans sa main, adressant un sourire affectueux envers son ami. Ce dernier commença à battre des ailes et à s’envoler, seulement pour s’arrêter quelques mètres au dessus de Grincheuse.
« Je suis content de vous avoir rencontré, Grande Fauvette. »
Elle lui lança un dernier sourire, avant de porter une main à sa bouche pour se faire mieux entendre de la créature sur le point de partir.
« Rita. Au cas où ça vous intéresserait. »
Un dernier mouvement de bec en sa direction, et Aidan était reparti vers son peuple pour leur annoncer la nouvelle. L’ayant vu planer jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon, Rita se retourna et entreprit son voyage, dans ce nouveau royaume où elle avait désormais tout à découvrir.
Le soleil s'inflitrait à travers les carreaux de la fenêtre. Étendu sur le lit, le visage aplati contre l'oreiller, exprimant une neutralité se rapprochant du légume, Dominik fixait le vide. Il lui semblait que la chaleur faisait trembler les murs de sa loge, rendant leurs définition plus floue. Il se releva avec peine, soupirant, et se frotta les yeux, comme pour permettre à ses yeux de mieux voir à travers l'étrange brouillard de chaleur intense. Il aurait presque pu se faire cuire un oeuf sur le parquet. C'est sur cette étrange pensée qu'il s'activa et quitta sa loge. Bien qu'il n'en ressentait pas lui-même les effets physiques, il était persuadé que la puissance du soleil était telle que ça lui montait à la tête. Un peu d'air, s'il y en avait quelque part, lui ferait sans doute du bien.
Il quitta le cabaret et s'engagea dans les rues qu'il connaissait par coeur. Le pianiste fit le trajet qu'il préférait, passant près de la pâtisserie d'où de délicieuses arômes de gâteaux se dégageaient, pour finalement réaliser que l'air manquait même en extérieur. Les gens qu'il croisait s'éventaient comme elles le pouvaient, laissant échapper de pénibles soupires. Certains l'arrêtèrent sur son chemin, le reconnaissant d'un récent passage au Lost. Pianiste...Talent...Cabaret...Chaleur...
L'Anglais écoutait d'une oreille sourde ce qu'ils bavassaient. En temps normal, ces compliments à son sujet l'auraient ravi. Toutefois, sa concentration était toute ailleurs. Le sol frétillait devant lui. Les mouvements des passants étaients secs et incomplets, comme s'il manquait une partie trop importante des actions lorsqu'il clignait des yeux. Le seul fait de voir les habitants accablés par la chaleur semblait suffisant pour rappeller à Dominik les effets de la celle-ci sur un corps incarné, qu'il avait l'habitude de détester. Qui aurait cru que le mental puisse être assez fort pour le plonger dans cette divaguation inhabituelle.
Il se sentait soudainement très mal. Il avait mal au coeur, sa tête tournait et sa vision était trouble. Son corps semblait même trembloter, mais il n'avait même plus assez de force pour s'en assurer. Il devait aller quelque part, se reposer, ou bien se rafraîchir, n'importe où... Mais la femme qui l'entretenait n'en finissait plus.
« Mais si, mais si, je vous assure! J'étais très impressionnée, mmh mmh!»
« C'est bien aimable...»
« Oh, mais si! C'est la moindre des choses! Votre patron a bien de la chance de vous compter parmi ses artistes, mmmmh mmmh! Oh, je reviendrai, vous pouvez compter sur moi! »
« D'accord...»
« Mmh mmh!»
Dominik s'écarta, ne voyant plus la dame qui l'avait apostrophée. Il entendait encore les bribes de sa voix derrière, dont les sons ne formaient aucune cohérence. Ses pas se succédaient dans une valse en zigzags et il ignorait même où il tentait de se rendre à l'instant. Il ne voulait qu'une chose: fuir cet endroit qui lui donnait ce terrible sentiment de chute. De l'air... Peut-être y avait-il plus d'air dans la rue d'à côté. Prit d'un élan d'espoir, il accéléra le pas et...disparu.
*
Après une chute vertigineuse, le revenant s'écrasa brutalement au sol. Que s'était-il passé? Avait-il par malheur marché sur une bouche d'égoût ouverte? Mais le sol sous lui ne semblait pas aussi visqueux et nauséabonde qu'il ne devrait l'être. Dans ce cas...
Dominik se releva, une main sur le front, le temps de se remettre de ses émotions. Au moins, il ne ressentait plus de malaise ou d'étourdissement. Il regarda autour de lui. Une plaine infinie se dessinait à l'horizon. La pelouse était d'un vert éclatant d'une texture plus douce qu'un pelage. Il caressa le sol, étonné et confus. Il ne connaissait définitivement pas cet endroit.
« Un endroit inconnu... hostile... cruel... »
Le pianiste se releva d'un bon. Une voix, rauque et sombre, venait de se faire entendre. Pourtant, il ne voyait personne aux alentours. Son malaise n'était peut-être pas complètement disparu, finalement... Puis, les mots utilisés par la voix sans visage lui revinrent en tête. Hostile? L'Anglais tourna sur lui-même. Il ne voyait que l'herbe se balancer au gré de la brise, un environnement des plus paisibles. Il se frotta la tête, songeant que la chaleur lui avait réellement endommagé l'esprit.
« Ne te méprends pas. Il n'y a aucune place comme Joa Tha.»
Toujours cette voix! Dominik leva les yeux au ciel. Pouvait-il s'agir... de la voix du tout puissant? Non, non, bien sûr que non... Cette voix-là était bien trop effrayante pour appartenir au créateur.
« Je vois que tes idées sont obscures... Sweeney Todd, barbier de Fleet Street. »
« Fleet Street... Vous êtes de Londres? »
« Londres...oui.»
La voix se tut et le silence s'installa un bon moment. Le revenant, incrédule, cru comprendre après u instant que le barbier était plongé dans ses réflexions. Il ignorait ce qui envahissait ses pensées, mais il avait le sentiment que ses songes n'avaient rien de joli. Puis, soudain, la voix se fit entendre à nouveau, dans un chant faible et nébuleux.
« My friends... My faithful friends... »
« Aheum... M. Todd? Ai-je droit à des explications. »
Le barbier s'arrêta, semblant revenir de ses rêveries. Il parlait, l'air d'avoir constamment l'esprit ailleurs.
« Ah, oui... Ils sauront t'expliquer mieux que moi. Sois bien attentif. Manquer un détail pourrait t'être fatal... Oh, et... jolie poitrine. »
Le pianiste baissa les yeux aussitôt ces mots prononcés.
« QUOI ?! »
Non seulement Todd avait raison et il possédait bel et bien une poitrine, qui était d'ailleurs plutôt volumineuse, mais il était également muni de tout le reste de la gent féminine. Il porta la main à ses cheveux et toucha une large bande de cuir, qu'il retira, faisant descendre en cascades une longue chevelure de jais sur ses deux nouveaux attraits. Il n'eut qu'à baisser les yeux pour regarder plus bas en état de paniquer pour remarquer que tout avait changé. Devant cette remarque, il laissa s'échapper un petit cri aigu, horrifié. C'était une évidence. Il était une femme. Une femme qui, de plus, ne portait pas beaucoup de vêtements. Sur le moment, il ignorait s'il devait paniquer ou bien profiter de la situation. Mais il n'eut pas le temps de se poser la question plus longtemps.
Une horde de petites boules volantes filèrent soudain juste au dessus de sa tête. Il se pencha vivement, se protégeant la tête de ses bras maigrelets. Il se releva une fois la menace passée et les détailla un peu plus. D'une couleur verte et vive, les créatures ressemblaient à première vue à des lapins. Il plissa les yeux et remarqua que leur pelage semblait se mélanger à un plumage. Remplassant leurs grandes oreilles droites de lapin, deux ailes majestueuses venaient encadrer leurs petites têtes.
Les créatures, se suivant les unes derrière les autres, formèrent un arc dans le ciel et se dirigèrent vers Dominik à nouveau. Il recula d'un pas, cherchant assistance auprès de la voix qui ne se manifestait plus, mais les créatures s'arrêtèrent avant de le frapper de plein fouet, volant devant ses yeux. Un lapin un peu plus gros que les autres se détacha du groupe et vint se planter juste devant son visage. Il ouvrit la bouche et une petite voix aigue, vapoureuse s'en échappa, les paroles filant comme une flèche.
« Mam na filami Aky Lęm - pan oàk brany! »
Dominik(a) cligna des yeux plusieurs fois, comme si cela allait l'aider à comprendre ce que la créature venait d'exprimer.
« Todd ? »
« Malheur...J'ai oublié d'activer la traduction... »
Le pianiste fit face au lapin volant à nouveau.
« Je m'appelle Aky Lęm - vous êtes l'élue – l'élue!, répéta-t-il en tournant sur lui-même. Bienvenue sur les plaines de Joa Tha, élue - voici mon peuple, les Lym - nous avons besoin de vous! »
La petite bête avait parlé avec une rapidité inconcevable, si bien que, malgré la barrière de language tombée, il n'était pas certain d'avoir bien compris. Aky Lęm ne lui laissa aucune seconde pour tenter de déchiffrer toutes ces nouvelles informations et poursuivit.
« Mon peuple nage dans le désarroi, élue! - nos femelles disparaissent les unes après les autres – nous ignorons la cause de cette terrible malédiction – venez-nous en aide! »
Les Lym derrière lui s'agitèrent, murmurant tous en même temps, répétant sans cesse ce mot propre à leur langue, traduit par « élu ».
« Brany! Brany! »
Quatre autres Lym quittèrent la masse mouvante pour venir s'emparer du revenant. Ils agrippèrent ses épaules et le soulevèrent dans les airs, sans écouter ses cris aigus de protestation. La foule se remit en route à folle allure. Dominik arrivait difficilement à distinguer ce qui l'entourait. Le vent lui séchait les yeux et les longues mèches de sa tignasse féminine venaient lui frapper le visage, s'insinuant même jusque dans sa bouche.
« Pretty woman... Fascinating... »
« Non. »
« Sipping coffee...»
« Non, Todd, non. »
Ils dépassèrent une petite forêt de conifères et s'arrêtèrent derrière où un arbre gigantesque s'élevait vers le ciel. Déjà, le soleil avait commencé à descendre à l'horizon et de petites lumières s'allumaient un peu partout dans l'arbre et aux alentours.
« La nuit approche... Restes bien sur tes gardes. Ce monde est rempli de vermines. »
Les Lym déposèrent Domink au sol. Aky s'approcha à nouveau de lui.
« Il ne nous reste plus que deux femelles – nous les gardons protégées ici, à l'arbre maître – viens, brany! »
« Mon nom est Dominik... »
« BENJAMIN BARKER ! »
Dominik plaça lentement ses mains sur ses oreilles, tentant d'étouffer la voix de Sweeney qui résonnait, en vain. Les Lym volaient en tous sens, bourdonnant autour de l'arbre en scandant toujours et incessamment le même mot : brany. Aky fit alors signe au pianiste de le suivre. Quelques Lym les suivirent. À la base de l'arbre, un grand trou s'ouvrait, découvrant l'intérieur de l'arbre maître aux fortes racines. L'ouverture était un peu trop étroite pour que Dominik puisse y pénétrer sans peine et il perdit rapidement la trace des Lym. Il réussit tout de même à se frayer un passage et suivit le chemin, tandis que Todd décrivait ses moindres faits et gestes de sa voix venant des profondeurs des ténèbres.
« Elle agrippe une racine. Elle se hisse. Elle trébuche. »
De petites fleurs se mettaient à scintiller sur son passage, créant de petites lanternes pour l'éclairer. Un Lym revenait parfois pour s'assurer que l'élue suivait toujours, puis repartait. Il était hors de question de perdre leur seul salut.
« Ah! »
« Elle se pile sur les cheveux... »
« Todd! »
« Je suis sensé narrer cette histoire. »
« Eh bien, vous êtes un très mauvais narrateur. »
« Ah, tu crois... There was a barber and his wife...»
« Qu'est-ce que...? »
« And she was beautiful... »
Dominik arriva enfin à une sorte de plateforme créée par les épaisses branches de l'arbre maître. Une quantité phénoménale de Lym voltigeaient, faisant des vagues et des tours sur eux-mêmes sans même se frôler les uns les autres. L'Anglais s'émerveilla devant le décor surréaliste qui s'offrait devant ses yeux aux cils allongés par sa transformation.
Aky Lęm apparu alors devant ses yeux. Le battement rapide de ses ailes faisait voleter les longues mèches du pianste autour de son doux visage de femme. Celui-ci suivit la créature. Le lym le mena devant une large cage construire de petites branches sur lesquelles des petites feuilles poussaient encore à certains endroits. Deux Lym, dont le plumage était plus pâle que tous les autres, y étaient placées, les ailes repliées contre leurs épaules, un air inquiet et fatigué affiché sur leurs petits visages.
« Voici, brany, nos deux dernières femelles – Ląm, Ida! - l'élue est là! - l'élue est venue nous délivrer de la malédiction! »
« Quoi? Mais un instant... que suis-je sensé faire? »
« Elle ne connaît pas la prophétie... Elle ne songe qu'à la vengeance... »
« Arrêtez de dire n'importe quoi, M. Todd! »
Aky Lęm ainsi que les autres Lym, s'arrêtèrent tous de bouger un moment et l'observèrent, étonnés. Il n'avait pas songé qu'il paraissait un peu idiot à répondre au narrateur tandis qu'eux ne l'entendaient pas. Soudain, Dominik analysa plus en profondeur les paroles du barbier. Ce n'était peut-être pas que des futilités, finalement.
« La prophétie?»
« La prophétie! - oui! - vous connaissez la prophétie! - vite, vite! - il faut se mettre à l'oeuvre! »
« Non, attendez! Je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque prophétie, M. Aky Lęm... »
Celui-ci vola autour de sa tête échevelée.
« La prophétie dit qu'une fois réalisée, la malédiction sera brisée et toutes les femelles disparues reviendront - elle dit aussi que l'élue ne retrouvera sa forme originelle qu'une fois celle-ci accomplie. »
Une lueur d'espoir. Il y avait donc un processus inverse. Dominik remercia silencieusement le ciel de pouvoir redevenir comme avant. Toutefois, les indications d'Aky n'étaient pas précise. Il avait parlé si vite que lui-même semblait avoir oublié quelques détails. Du moins, c'est ce que l'élue en question espérait, car il n'y comprenait absolument rien.
« Pourriez-vous être un peu plus clair? Rien de plus... précis? »
Le Lym n'eut pas le temps de réponde qu'en un éclair, un autre, qui semblait beaucoup plus vieux, venait prendre sa place. Celui-ci se posa cependant sur une branche qui descendait tout près, ses ailes trop fatiguées pour continuer à voler.
« Celui-là fera une très mauvaise tourte... »
Dominik fût soulagé de voir que le vieux Lym parlait plus lentement.
« Le courant des coquelicots, sauvera le feu des étoiles.Voilà la prophétie, brany. Maintenant, c'est à toi de nous dire la suite. »
Il leva ses deux pattes avant et un Lym vint poser une petite assiette. Le vieillard la tendit ensuite à Dominik. Il s'agissait d'une concoction d'herbes et de plantes. Le pianiste leva un regard incrédule sur l'ancêtre, ne comprenant pas ce qu'il était sensé en faire.
« Manges. »
Il voulut protester mais il se rappella que c'était la seule solution pour retrouver son corps d'avant. Il ne s'habituait pas au poids de sa poitrine qui débalançait son équilibre, aux longs cheveux qui se retrouvaient constamment dans sa bouche, et... à tout le reste. Il inspira profondément. Le vieillard tapota sur la branche à côté de lui, lui faisant signe de prendre place, ce qu'il fit. Son repas d'élu était loin d'être alléchant. C'était le prix à payer. Il prit l'assiette et fit glisser les plantes dans sa bouche.
L'effet fût presque immédiat. Il croisa le regard rond du vieillard et se sentit absorbé par lui. Il était ailleurs, il faisait nuit et quelque chose encombrait la plaine. Tandis que les images défilaient, Sweeney lui expliquait ses visions.
« Plus tard, quand il fera nuit... tu voleras au nord des plaines. Tu y trouveras trois fleurs géantes, rouges... comme de précieux rubis... comme le sang. Il te faudra les couper. Mais attention à la bête... »
La vision de Dominik s'arrêta quand il vit une gigantesque paire d'ailes se placer autour des trois coquelicots. À son grand étonnement, tous les Lym dans la pièce avaient prit place au sol. Ils le regardaient tous fixement, avec des yeux remplis d'espoir, d'inquiétude. Ils le suppliaient. Une petite silhouette s'avança alors, sautillant jusqu'à Dominik. Il bondit et se retrouva sur ses cuisses. Sa petite voix d'enfant, encore plus aigue que celle d'Aki et des autres, fit fondre le coeur du revenant.
« Tu vas nous aider, brany? - tu veux ? »
La survie du peuple des plaines de Joa Tha dépendait de lui. Il ne pouvait refuser. Autant pour eux que pour lui. Et puis ce petit était si mignon...
« Oui, Ori. L'élue n'a pas le choix. », répondit le vieillard.
Dominik sourcilla en entendant cette phrase. Quelle drôle de façon de rassurer le petit et de le convaincre lui à la fois...
« C'est lui qui t'a transformé en femme, sans aucun doute... Nous devrions le donner comme appât à la bête... »
Le pianiste se leva, décidé à résoudre le problème une fois pour toutes. Il exposa le plan aux Lym présents. Plusieurs se portèrent volontaires pour l'accompagner. Il aurait besoin de gens pour l'escorter. Les Lym s'excitaient de voir leur destin pris en mains et, mine de rien, Dominik aimait savoir que c'était grâce à lui. Il préférait ne pas songer à ce qui l'attendrait une fois sur place pour l'instant. La joie des Lym lui donnait envie de sourire malgré la situation délicate dans laquelle il était.
Le soleil avait presque entièrement disparu. Il serait bientôt temps. Mais alors que les Lym avaient recommencé à s'agiter, rieurs et joueurs, un cri transperça leurs clameurs. Tous se tournèrent d'instinct vers la cage. Ida avait disparue.
« We learn, Johanna, to say... Good-bye... »
« Non, Ida!, s'écria Aky Lęm. Ida! - vite, vite! - il faut faire vite! - Partons maintenant! - surveillez Ląm, tous les signes – elle ne doit pas disparaître ou il sera trop tard – trop tard! »
Les Lym volaient de façon désorganisée. À force, Dominik n'entendait presque plus la voix de Todd, qui s'égarait dans ses pensées à des moments douteux. Il ne savait cependant pas comment réagir face au désarroi du peuple des plaines de Joa Tha, mais n'osait pas demander conseil au barbier, ce dernier étant très peu qualifié. Il ne faisait pas encore nuit. Devaient-ils tout de même partir maintenant ou cela risquait-il de tout changer à la prophétie et de tout rater? L'angoisse d'échouer à sa mission empoigna soudain ses entrailles.
Aky Lęm vint saisir les épaules de Dominik, lui tirant sans le vouloir les cheveux enroulés autour de ses maigres bras. Plusieurs autres firent de même et en un clin d'oeil, ils avaient quitté l'arbre maître et volaient haut dans les airs. Le ciel était déjà un peu plus sombre. De nombreuses lumières volaient partout autour, bien plus qu'à son entrée dans le nid des Lym. Une trentaine d'individus s'envolèrent avec eux. En regardant derrière, le pianiste pu apercevoir le vieillard perché sur une branche de l'arbre maître poussant vers l'extérieur. Il souffla dans ses mains et plusieurs petits fleurs scintillantes voltigèrent jusqu'à eux, leur procurant une lumière assez forte pour les guider dans la nuit qui s'installait. Un étrange sourire flottait sur les lèvres velues du vieux Lym.
« Ce vieillard ne paie rien pour attendre... »
« Ça va, Todd. Il fait un peu peur, mais... »
« We ALL deserve to DIE... »
Le revenant soupira. Ils filaient à toute allure. Sous eux, l'herbe ne ressemblait qu'à un tapis vert sans texture. L'Anglais entendait les murmures d'encouragement et d'espoir des Lym, du moins c'est ce qu'il imaginait. Ils parlaient si vite qu'il était difficile de tout comprendre, en plus du vent qui sifflait dans ses oreilles.
Les fleurs scintillantes volaient autour d'eux depuis bientôt une heure quand elles s'éloignèrent soudainement. La nuit était maintenant noire. Ils se retrouvèrent plongés dans la noirceur. Pourquoi les avaient-elles abandonnés au moment où ils en avaient vraiment besoin? Il tenta d'appeller Aky pour lui faire part du problème, mais ce dernier était trop loin devant. Il dût donc se résigner à solliciter une source moins qualifiée.
« Todd, que se passe-t-il?»
« L'heure de la vengeance approche... »
« Mais de quoi parlez-vous, à la fin? »
À cet instant, Dominik aperçu une source de lumière importante haut dans le ciel, comme une étoile géante, encore même plus grosse qu'une lune. Elle semblait également bien moins distante que ces dernières. En dessous, sur une partie de terre plus élevée, trois points rouges se dessinaient. L'élue comprit alors pourquoi les petites fleurs bleues lumineuses les avaient quitté. Ils y étaient. Le moment décisif était arrivé.
Les Lym se posèrent tous au sol, entraînant leur brany avec eux. L'herbe était bien plus haute à cet endroit des plaines, leur créant une cachette adéquate.
« Voilà, – il semblerait que ce soit le lieu décrit par ta vision – il n'y a presque rien plus au nord des plaines – c'est à toi de jouer, brany. »
Les Lym, assis, observaient Dominik avec attention, attendant impatiemment le moment où il se déciderait à avancer. Ce dernier déglutit, soudain envahit par la peur et la même angoisse que plus tôt. L'échec n'était pas une option. Sauf s'il désirait garder ses attraits féminins pour toujours, ce qui n'était pas le cas, et s'il voulait se faire botter les fesses par l'ancêtre Lym et sa canne (il en avait une, c'était certain). Il inspira profondément, tentant de se convaincre. Le temps lui était compté. Plus il attendait, plus Ląm risquait de disparaître. Pourtant, il n'arrivait pas à bouger un seul membre. Il était bien, là, à l'abris derrière les hautes herbes.
« Tu devrais te dépêcher avant que la bête ne se réveille... On ne sait de quoi elle est capable... »
Dominik avait oublié. Une créature gardait les coquelicots... De là où il était, il ne pouvait la voir. Tout ce qu'il avait vu dans sa vision était ses deux grandes ailes, encore plus grandes que les fleurs, qui devaient faire au moins trois fois sa taille. Ses ailes étaient constituées de plumes bleues et violettes, étincelantes comme les étoiles. Le pianiste avait de gros doute en ses capacités de combat pour vaincre le gardien des coquelicots. Même en étant accoutré en guerrière, même en étant l'élu. Sur ce point, Sweeney avait raison. Mieux valait tout faire tandis qu'il dormait à poings fermés.
Le pianiste marcha quelques minutes avant d'arriver près des fleurs rouges. Il prenait bien garde de ne pas faire trop de bruit, par peur de réveiller la bête. En s'approchant, il pouvait entendre ses légers ronflements. Puis il la vit. Nichée derrière la colline sur laquelle les coquelicots se balancaient, une énorme créature au visage ni humain ni animal, dont la tête était encadrée de cornes, dormait. Ses ailes aux couleurs froides et brillantes étaient repliées contre son corps. Deux grosses pattes d'oiseau, aux serres probablement aussi coupantes que les katanas du Japon, dépassaient de sous sa couverture de plume.
« Il est temps... »
L'élue percevait le léger sourire dans la voix du barbier et cela eu pour effet de l'effrayer plus encore. Soudain, un objet tomba du ciel juste à ses pieds. En y prettant attention, il reconnu une lame argentée, comme celles que les barbiers utilisaient dans leurs salons.
« Oh, je vois. Pour couper la tige des... »
« Pour tuer la bête... »
Dominik leva des yeux exorbités vers le ciel, même s'il ignorait où se trouvait vraiment le narrateur. Il ne savait quoi lui répondre, mais quelque part au fond de lui, quelque chose lui disait qu'il devait le faire. Il avala de travers et prit la lame dans ses fines mains.
« My friends... oh we'll do wonders... won't we... »
Il se refusait de trop penser comme il en avait l'habitude. Il devait agir. Dominik ne pouvait se laisser distraire par ses pensées. Telle la guerrière qu'il était devenu, les cheveux flottant dans la brise du soir, il s'avança d'un pas décidé, héroique, accélérant de pas en pas. Il était temps que tout se termine. Les hautes herbes fouettaient ses cuisses musclées. La lame en main, il écoutait attentivement les directives du barbier.
« Vises ses yeux... elle ne pourra plus te voir et se videra de son sang elle-même. »
Easy, songea Dominik. Il avait maintenant gagné une assez bonne vitesse pour attaquer en force. La musique épique en background (ou presque), il bondit haut dans les hairs, sa poitrine suivant le mouvement. Ne se laissant pas déstabiliser pour autant, il pointa la lame droit vers l'oeil clos de la créature. Sa concentration était au maximum, son regard fixé sur l'oeil endormi de sa future victime. Il ne devait pas manquer sa cible. Il approchait. La lame effilée et brillante dans la nuit, éclairée par la source d'énergie au-dessus de sa tête, pointée vers la bête. Il y était. La lame allait bientôt s'enfoncer dans... l'oeil ouvert de la créature.
Celle-ci poussa un cri strident à donner froid dans le dos et s'envola d'un bon dans le ciel. La guerrière sans compétence retomba sur le sol, les yeux rivés sur l'énorme bête qui le surplombait. Sans perdre une seconde, il abandonna l'idée de l'affronter, attrapa la lame qui lui avait glissé des mains et se précipita sur les coquelicots.
« Non! Il ne faut pas attendre! Reviens, elle doit mourir! Non! »
« Nope, nope, nope, nope, nope, nooooo...»
Il gravit la petite colline en un clin d'oeil sans se retourner. Il savait néanmoins que la bête était à ses trousses. Il pouvait sentir le battement de ses ailes tout près, qui envoyait valser tous ses longs cheveux dans ses yeux. Beaucoup de joie. Il se jeta sur la première tige. Le même cri aigu déchira la nuit. La tige était épaisse. Il s'efforcait d'essayer de la couper, mais la lame ne s'enfonçait que très peu à chaque mouvement.
« Todd, faites quelque chose! »
« Tues-la! C'est le seul moyen pour que la vengeance s'assouvisse... »
Mais Dominik savait qu'il n'avait aucune chance. Puis la tige flancha. La fleur rouge s'éleva aussitôt dans le ciel en tourbillonnant, perdant une à une ses pétales. Voyant l'un de ses précieux joyaux s'enfuir, la bête oublia Dominik et se dirigiea plutôt vers la fleur, paniquée. Avec ses serres, elle tenta de la rattraper, donnant de grands coups d'ailes. L'élue profita de ce moment d'inattention pour s'occuper des deux autres. Les deux autre coquelicots rejoignirent le premier dans les airs.
Dominik observa avec fascination, le souffle court, la route que les pétales empruntaient après s'être détachées de la base. Elles allaient vers la grande source de lumière. La créature les suivait de près, en détresse. Ses plumes bleues et violettes perdaient tranquillement de leur éclat. La source de lumière se tinta peu à peu de rouge et lorsqu'elle ne fût plus qu'un énorme rubis, elle éclata. Des centaines de particules vertes s'en échappèrent alors, fusant de toutes parts. Les femelles Lym!
Elles criaient de joies et volaient dans tous les sens, enfin libres. Aky Lęm et ses confrèrent Lym, restés dans les hautes herbes, sortirent de leur cachette et volèrent à leur rencontre. Il avait réussi! Il porta son regard vers la créature dans le ciel, impuissante. Celle-ci posa un regard furieux sur Dominik. Ses ailes cessèrent alors de briller complètement. Ses yeux rouges se fermèrent doucement et son corps tomba lourdement sur la plaine, inanimé.
Aky Lęm apparu alors devant les yeux de l'élue.
« Brany! - tu as réussi! - tu as sauvé notre peuple – hourra! - gloire à toi, brany! gloire à toi! »
Tous les Lym répétèrent après Aky, acclamant leurs sauveur (euse). Le jour se levait déjà. Plusieurs Lym agrippèrent Dominik. Tout en volant, les lapins volants s'amusaient, se lançant des défis, des concours de voltige improvisés et autres jeux du genre. En un clin d'oeil ils furent de retour à l'arbre maître. Voyant arriver les femelles, les Lym restés sur place sautèrent de joie.
« J'ai réussi, Todd! Et ce, sans tuer la bête. »
« Elle est tout de même morte. C'est ce qui compte... »
Le vieillard Lym s'approcha de l'élue.
« Bon travail. Je savais que tu y arriverais... Dominik. Voilà pour toi. Une légère récompense...»
Il lui tendit un petit fruit bleu, juste assez petit pour n'être avalé qu'en une seule bouchée. Sans trop se poser de question, le héros du jour l'avala tout rond. Il avait un goût légèrement sûr, mais n'était pas mauvais.
Ląm, qu'ils avaient libéré de sa cage protectrice s'inclina devant Dominik.
« Merci milles fois- merci, merci, ô brany! »
L'Anglais était touché de voir toute la reconnaissance dont le peuple Lym lui faisait part. Ne trouvant pas les mots pour lui exprimer à quel point il était ému, il porta une main à son coeur et sursauta en ne sentant aucune bosse sous sa paume. Il tapota partout sur sa poitrine pour s'assurer que tout cela était bien réel. Puis, un petit rire sacaddé s'échappa de ses lèvres. Il était redevenu lui-même. Il s'esclaffait tel un idiot, mais il s'en fichait. Il avait enfin retrouvé son corps.
« La ferme... ou ils pourraient bien changer d'avis à ton sujet et s'en prendre à toi... »
« Mais je suis un homme! »
« En effet... Une petite coupe? »
Dominik s'arrêta de rire. Il n'était pas certain de vouloir laisser Sweeney s'approcher de son cou, où qu'il soit. Les Lym s'amusaient dans le ciel ensoleillé, rieurs et heureux, comme ils l'étaient avant que tout cela n'arrive. Tout était rentré dans l'ordre. Aky Lęm vint le remercier une dernière fois.
« Merci encore! - sans toi nous n'étions plus rien – grâce à toi nous avons retrouvé notre joie et notre peuple pourra continuer de vivre sur les plaines encore longtemps! - Oàk valim kuje pozu fą nam jestem! »
« Todd! Qu'est-ce que tu fais? »
« L'histoire est terminée... »
Mais l'était-elle réellement?
Spoiler:
Merci merci d'avoir remis le délais à plus tard! J'avais remarqué 2 jours avant la fin que la première manche était commencée (shame on me), je voulais mouriiir xD (bref, merci de me sauver la vie)
Valentine Lefevre
○~ Héroïne de contes ~○
Messages : 1671 Date d'inscription : 22/02/2011 Age : 34 Localisation : Partout, même là où vous ne l'imaginez pas 8D
La lune scintillait timidement dans le ciel à cette heure là de la soirée. Minuit n'avait pas encore sonné et déjà les activités nocturnes s'emballaient discrètement à l'abri des regards. Mais pas au sien. Pour la journaliste intrépide, il s'agissait surtout de guetter les petits boulots que l'on préférait dissimuler dans le silence de la nuit, et donc, tout ce qui était illégal. La fraîcheur avait remplacé la chaleur étouffante de la journée, au grand soulagement de la populace. Valentine était la première à s'en réjouir, ne supportant pas la douce agonie laissé par le soleil, que beaucoup de touristes arboraient fièrement à leur retour de vacances. Comment pouvait-on aimer brûler et voir sa peau rougir comme un plat trop cuit et désagréable au goût ? Elle avait beau être une humaine, comme la plupart de ces décérébrés bronzés, elle ne comprenait pas leur logique. Et peut-être que cela valait mieux...
Savourant une légère brise nocturne, elle guettait sans relâche un bar de quartier, connu pour être fréquenté par du beau monde dans le secteur de l'escroquerie. Elle soupçonnait les habitués de participer à des jeux d'argent illégaux et n'attendait qu'une preuve pour les avoir. Il s'agissait là d'un petit boulot sans risques, aussi était elle venue sans Loki. Rester là, immobile sur un escalier de service au dessus de l'entrée de service, de l'établissement ne lui aurait guère plu de toute façon. Sa besace reposait sur ses jambes, prête à être ouverte afin de libérer l'appareil photo qu'elle contenait. Assise en tailleur, la rouquine commençait à s'ennuyer, époussetant de temps à autre sa tenue garçonne des soirs de traque. Cela devenait long et son impatience allait encore lui jouer des tours. Mais elle devait tenir bon.
Malheureusement, elle ne fut guère récompensée. Car même si au final, ses proies montrèrent le bout de leur nez quelques minutes plus tard, elle n'était plus là pour les prendre sur le fait.
******* Interlude musicale (attention tous les interludes n'auront aucuuuun rapport avec le rp, ils sont juste là pour vous mettre des airs dans le crâne mouahaha 8D)
*******
*Quelque part loin de Paris *
Comme soudain ciblé par un faisceau lumineux, Valentine fut aveuglée, devant fermer les yeux quelques instants. Une chaleur sèche mordit sa peau et une étrange sensation de déjà vu se fit en elle. Osant enfin regarder autour d'elle, le paysage qui s'offrit à elle lui décrocha un sourire résigné.
"Eh merde... ça recommence."
Elle soupira et se redressa, découvrant la zone où elle avait été amenée. Plutôt désertique, elle ne voyait que des roches et du sable à ne plus savoir qu'en faire.
"Mais pourquoi je finis toujours dans des endroits chauds, c'est une conspiration ou quoi ?"
"Veuillez cesser vos jérémiades, Lefevre, vous n'êtes plus une enfant, que je sache."
"Woh ! Kikim'parle ?!"
Elle tourna la tête, cherchant une présence humaine près d'elle. Un peu en hauteur, il lui semblait remarquer des silhouettes encapuchonnées, mais elles restaient lointaines et en retrait, ne pouvant en être l'auteur. Un soupir blasé résonna étrangement, comme s'infiltrant sans son esprit, avant de lui répondre.
"Je suis le professeur Severus Rogue, Maître des potions à l'académie Poudlard, la célèbre école des sorciers..."
"Connais pô, ça a un goût de cochonnail, ton Bout de Lard ?"
"... J'ai dit POUDLARD !"
"Aaaah... 8D"
"Silence ! Votre impertinence vous aurait coûté des points à votre maison... si vous étiez une élève de l'école."
"Tant que tu ne remplaces pas ça par des coups de fouet... Enfin, c'est bien beau tout ça, mais ça ne répond pas à ta présence, Servirus Ebola."
"C'est SevErus! Et je vous prierais de m'appeler Professeur Rogue. Je suis votre narrateur."
"Quoi, ils ont viré Bernard ?!"
"De qui parlez vous ?"
"Bah de Bernard Rateur m'enfin !"
"Vous vous croyez drôle !?"
"Non penses-tu, je sais pas ce qui m'a pris, c'est tellement mieux de tirer la gueule et de maugréer en mode Trodark of the dead."
"Petite sotte !"
"Oh oui, j'adore, dis moi des choses sales, Severus ♥"
"Grrr..."
Probablement furieux contre cette dissidente petite rouquine, Rogue se tut, la laissant seule avec elle-même, fière de sa connerie. Elle ne savait pas encore ce qui l'attendait mais elle s'amusait déjà.Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elle ne déchante pas... Les silhouettes encapuchonnées s'approchèrent timidement vers elle, se demandant probablement avec qui elle parlait depuis son apparition. Elle se ressaisit et les observa s'avancer avec curiosité. Ils atteignaient à peine sa taille et bientôt, elle vint à se demander s'il ne s'agissait pas d'enfants. L'un, à la voix aigüe et légèrement intimidée, fit quelques pas en plus dans sa direction et s'inclina humblement devant elle.
"Nous vous remercions, ô noble Élue, d'être venue nous aider..."
"Vous avez des problèmes ? ...Euh un instant: comment m'avez vous appelé ?"
"L’Élue !"
"Miâ oui !"
"... un miaulement? ôo"
"Oh, nous ne nous sommes pas présentés !"
Ils retirèrent leur capuche, dévoilant des bouilles félines avec de grandes oreilles toutes douces. Valentine retint son souffle, figée l'espace d'une seconde, puis reprit vie, affichant une expression béate.
"Y a des minous partouuuut ~♫"
"Vous êtes notre dernière chance de..."
"Gnahaha ! Ne craignez plus rien, mes chatons, Super Val, la protectrice des matous en détresse, est là maintenant ! Je reprends du service après une longue pause, et ça va chier !"
"Vous avez été bercée trop près du mur durant votre enfance, Lefevre ?"
"Toi la voix dans ma tête, Silence !"
"Cette histoire va être un cuisant échec avant même que cela ne débute à cause de votre bêtise..."
Mais le peuple chat ne semblait pas inquiet, au contraire, affichant des visages réjouis face à l'engouement de Valentine pour leur détresse. Ils scandèrent son nom, miaulant et ronronnant à tout va.
"Au fait j'ai oublié de vous demander mais... il se passe quoi ici ?"
****** Interlude Musicale
******
*Deux heures plus tard *
Valentine fut invitée au camp des Ichmir, nom du peuple félins, et traitée comme une personne de marque. Il n'y avait pas un regard se tournant vers elle qui ne montrait pas du respect, de l'admiration ou du soulagement. Elle était celle qui allait les sauver, c'était ainsi qu'ils voyaient les choses. La jeune humaine ne savait toujours pas ce qui l'attendait en réalité, mais tant qu'ils ne cherchaient pas à nuire à sa vie, elle pouvait bien faire son possible pour eux, après tout.
Installés dans des camps dissimulés dans des falaises, il était quasiment impossible de repérer l'endroit si on ne savait pas à l'avance où se rendre. Ils avaient même creusé la roche afin de faire quelques habitats troglodytes où ils rangeaient leurs réserves de nourritures et logeaient les plus anciens. La fraîcheur à l'intérieur y était très agréable lorsque dehors la chaleur était à son apogée. La jeune humaine put s'installer dans une de ces chambres en roche naturelle et leur en fut d'ailleurs fort reconnaissante.
Elle se sentait épuisée malgré le soleil qui resplendissait. Contrairement aux félins, elle avait déjà une journée entière et épuisante derrière elle et avait envie de se reposer. Malheureusement, il n'était pas encore l'heure et on vint la conduire jusqu'à la tente de leur chef. Elle les suivit docilement, voulant comprendre et en apprendre d'avantage sur la raison de sa présence ici. Ils ne s'étaient montré que trop évasifs dessus et préféraient laisser leur représentant le faire à leur place. Mais à son arrivée devant la grande tente aux couleurs vives, elle remarqua de l'animation, des Ichmir s'échangeant des regards gênés, tendant l'oreille vers l'entrée. Faisant de même, elle entendit des feulement et des grognements de chats furieux.
« Oooooh Long Johnson... »
« Mais enfin chérie... »
« I don't care !! »
C'est en tout cas ce que Valentine sembla comprendre. De l'anglais ? Ou quelque chose qui y ressemblait fortement. Quoi qu'il en soit, une personne se moquait éperdument des excuses d'une autre et sans que personne n'ose bouger, un dernier grognement rauque s'échappa de l'endroit avant qu'une grande chatte noire, marchant sur quatre pattes contrairement aux autres, en sortit, la queue bien droite et l'air remonté. Elle n'accorda aucun regard aux individus présents, installant un silence entre eux. Finalement, un garde de la tente se racla la gorge et entra, prévenant de l'arrivée de leur élue. Un bruit de chute se fit, puis plus rien, et enfin le chat vigile fit signe à l'humaine, affichant un air un peu blasé de ce qu'il venait de voir.
Valentine s'aventura dans la tente, se baissant pour ne pas se cogner et découvrit l'intérieur. Plutôt grand pour leur peuple, elle était remplie de tapis persan *humour trop lol, m'voyez* finement tissés et donnant une atmosphère confortable et rassurante. Une vraie résidence de pacha. *alors qu'en fait si 8D /mur/ * Au centre, un Ichmir grisonnant avec une belle moustache blanche garnie et des petites lunettes rondes sur le bout du nez, essayait de ranger des gobelets d'eau, ceux-ci ayant été la victime de vol non consentant. La rouquine comprit bien vite la situation et se retint de rire, s'installant en tailleur sur un coussin que le chef lui montra de la patte.
« Des soucis, chef ? »
« Ohlala, vous n'avez pas idée, ma femme a vraiment un sale caractère quand elle s'y met. Je vous raconte pas l'autre jour comment elle... Euh, mais nous ne sommes pas là pour ça ! Veuillez nous excusez pour cette lamentable scène. »
Il redressa ses verres optiques et détailla la rouquine de ses yeux en amande. Malgré son air de vieux matou, il respirait l'intelligence et le respect. Il s'assît sur un coussin en face d'elle et toussa légèrement.
« Je me nomme Olon Joenson, mais on me surnomme Johnson. Je suis le chef de ce peuple. Nous sommes contraints de vivre en cachette dans ce camp, faute de vivre en ville. Nous espérons pour que vous puissiez nous aider à rompre la malédiction qui nous ronge petit à petit. »
« Une malédiction ? »
« S'il s'agit d'un sortilège, je pourrais peut-être faire quelque chose... »
Johnson se frotta les pattes d'un air embarrassé, mal à l'aise. Il sembla hésiter, puis plongea son regard dans celui de la journaliste.
« Nous avons remarqué il y a quelques temps que nous régressions à l'état de simple chat. Nous avons toujours appris à nous débrouiller seuls, mais cette fois-ci, nous n'avons trouvé aucune solution, cela semble inévitable. Les plus touchés pour le moment sont les plus vieux et les tous jeunes enfants, restant à l'état de chatons non évolués.Comme vous avez dû vous en rendre compte, mon épouse se transforme de plus en plus, ne pouvant déjà plus marcher sur deux pattes. C'est un véritable drame pour notre peuple. Nous avons tout essayé, même jusqu'à rendre visite à un grand Oracle par delà les montagnes. Il nous a révélé que la seule manière de parvenir à nous guérir était de faire venir l’Élu pour qu'il nous sauve de cette malédiction. Nous avons suivi à la lettre ses instructions pour l'invoquer et vous êtes apparue. Vous êtes notre dernier espoir. »
Valentine resta muette, surprise d'une telle révélation. Cela semblait être plutôt complexe et elle n'avait strictement aucune idée de comment les aider. Elle n'avait aucun don et n'était qu'une humaine normale. Seul son audace et son caractère la différenciaient un peu des autres femmes. Mentalement, elle appela au secours son narrateur, mais celui-ci semblait sourd de toutes pensées. N'entendait il que lorsqu'elle parlait de vive voix ? Le chef la regarda avec un air de Chat Potté, la mettant encore plus mal à l'aise. Il attendait un miracle de sa part...
« Votre Oracle vous a-t-il donné plus d'information sur votre malédiction ? »
« Voyons voir... Ah oui, il a inscrit quelque chose dans une étrange écriture sur un parchemin que nous devions vous remettre afin de vous permettre d'accomplir la prophétie qui nous sauvera. »
La rouquine se sentit encore plus perdue en l'entendant mentionner une prophétie mais ne prononça rien, attendant le fameux parchemin. Johnson se leva, fouilla dans une malle d'osier et le lui tendit avec un air de triomphe. Elle s'en empara et l'observa un instant avant de le dérouler, ayant soudain peur de ne pas comprendre les inscriptions. Qu'allait elle pouvoir faire si cela était le cas ? Le chef venait de lui apprendre que lui-même n'en avait pas compris le sens. Elle se sentit angoissée et jeta un coup d’œil à contre cœur. L'esprit paniqué, elle ne saisit pas les mots, commençant à s'affoler intérieurement, mais la voix grave de Rogue parvint, par on ne sait quel miracle, à la soulager d'un coup.
« C'est du latin. Il m'est facile de le traduire »
« Oh vraiment ?! Quelle chance... »
« Plaît-il ?
« Euh non, je... Je prends très au sérieux votre détresse et je m'en vais analyser ces écrits avec le plus grand sérieux. »
Elle se redressa, un peu perdue dans ses pensées et prit congé, ressortant de la tente avant que le chef ne lui demande de traduire le parchemin sous ses yeux. Même si elle en avait été capable, il lui aurait fallut interpréter cela sous ses yeux et elle préférait réfléchir seule... en compagnie du professeur de potions. Les gardes la regardèrent sortir, inquiets. Elle se contenta de leur sourire poliment et regagna sa chambre troglodyte, manquant de se faire une bosse en oubliant de baisser la tête en passant la porte. S'assurant qu'aucun regard indiscret ne l'épiait par l'ouverture servant de fenêtre, elle reposa son regard sur le parchemin, se laissant glisser le long de la paroi rocheuse, épuisée.
« Peux-tu me traduire ce texte ? »
« Je peux oui... »
« … Alors ? »
« Il va falloir que vous appreniez la politesse si vous voulez qu'on vous respecte, Lefevre. »
« Ah... Okay, écoute celle-la : Pourriez vous, je vous prie, me traduire ce texte, ô grand et séduisant professeur Rogue de mon cœur ? … S'viouplait ? »
Un grognement agacé résonna dans sa tête, mais il ne l'insulta pas, gardant le silence un moment avant de lui répondre quelque chose dont elle n'aurait jamais imaginé la syntaxe possible.
« Au son des mains coupées, étendre le murmure des songes. »
« C'est ta manière de déclarer ta flamme ? C'est assez bof et très glauque. »
« C'est la prophétie, petite idiote ! »
Valentine cligna des yeux et pencha la tête, réfléchissant au sens de cette curieuse phrase. Mais elle avait beau y réfléchir, pour elle, elle n'avait aucun sens. Résignée, elle soupira et s'adossa complètement contre le mur, fermant les yeux, somnolente.
« C'est la merde... »
« On peut dire ça comme ça, oui. »
** Interlude Musical
**
*En début de soirée *
Un étrange bruit, comme un grattement, la fit sursauter. Immobile, dans l'incapacité de bouger, elle parvint à reprendre son calme, ses muscles se décrispant aussitôt. Elle réalisa qu'elle s'était endormie et la lumière filtrant par la fenêtre s'était atténuée. Combien de temps s'était elle assoupit ? La journaliste se redressa péniblement en cherchant l'auteur du bruit qui l'avait réveillé. Y avait-il des rats dans les grottes ? Son regard fit le tour de la pièce et finit par remarquer deux silhouettes à l'entrée, l'observant avec curiosité.
« Bon... soir ? »
« Tu vois que tu l'as réveillée, idiot ! »
« Mais il fallait bien le faire, Anko !
« Tu manques sérieusement de savoir vivre, Nïan... »
« Anko et Nïan... que me voulez vous ? »
« Oh désolé ! Nous avons été choisi pour être vos protecteurs le temps de votre présence parmi nous. Enchanté. »
« Ou... oui ! Ne vous en faites pas, ma sœur et moi sommes les meilleurs rôdeurs du camp ! »
« Qu'est-ce qu'un rôdeur ? »
« Des éclaireurs. Nous sommes capables d'escalader les roches et nous dissimuler dans l'ombre mieux que quiconque. Notre tâche est de veiller à ce que personne ne s'approche de notre camp. Nous repérons également les convois de marchandises en route vers Bastet afin de nous réapprovisionner... de façon peu légal. »
Anko, une Ichmir au pelage noir de jais, lui fit un sourire carnassier un peu moqueur. Elle l'observait de ses magnifiques yeux rouges, brillants de malice. Valentine ne put s'empêcher d'avoir une pensée pour son très cher Loki, possédant les mêmes traits significatifs. A ses côtés, son frère était également sombre mais virait dans un gris tacheté, idéal pour passer inaperçu entre les rochers. Ses yeux viraient plus au doré et des tics nerveux lui faisaient frémir les moustaches. Elle le surprit soudain à se lécher une de ses pattes avant, la glissant ensuite derrière sa grande oreille semblable aux fennecs. Ils étaient fins mais on devinait une musculature nerveuse sous leurs poils. Dans leur dos, des lames étaient solidement accrochées en croix, leur permettant de les attraper en levant les bras vers leurs épaules. Valentine n'avait aucun mal à les croire et faire confiance en leurs capacités. Elle sourit à son tour et hocha la tête.
« Très bien. Je vous remercie par avance de prendre sur votre temps pour me protéger. »
« C'est un honneur de vous servir, Élue ! »
« Pourriez vous m'appeler par mon prénom ? Je préfère... Je m'appelle Valentine. »
« Si c'est ce que vous souhaitez, nous le ferons, Valentine. »
La jeune humaine s'en réjouit, n'aimant pas trop cette manière que le peuple avait de la sacraliser. Cela lui donnait la pression plus qu'elle ne devrait le ressentir. Elle qui était habituée à vivre des choses peu communes, celle-ci se classait dans les plus surprenantes. La femelle s'approcha un peu et lui indiqua la sortie.
« Ce soir, une fête va être célébrer en votre honneur. Vous semblez épuisée mais vous voir parmi nous redonnera du baume au cœur des nôtres. Voulez vous bien vous joindre à nous ? »
« Oh, ce sera avec grand plaisir. Je serais curieuse d'en apprendre un peu plus sur votre peuple. »
Anko sourit de nouveau et se dirigea vers l'extérieur, son frère hésitant un instant avant de la suivre dehors. Valentine resta quelques secondes pensive, emmagasinant les informations et s'étira un peu, afin de se réveiller. La voix de l'homme revêche, se racla la gorge, lâchant un commentaire désagréable.
« Si seulement vous pouviez être toujours ainsi, cela m'éviterait d'avoir des migraines, à devoir vous subir. »
« A se demander qui subit l'autre, Severus. Dis moi, tu es toujours ainsi, même avec tes élèves ? »
« Pourquoi serais-je différent ? »
« … putain les pauvres gosses... »
« Je vous demande pardon ?! »
« Non rien ! »
Elle s'enfuit limite de la pièce, rejoignant les deux félins. Il était inutile de faire cela, son narrateur ne pouvant être qu'avec elle, mais c'était un réflexe. Elle sourit à ses accompagnateurs, faisant mine d'ignorer la voix de Rogue maugréant contre elle...
** Interlude Musical
**
*Tard dans la soirée *
La fête avait été installée au centre du camp, éclairé par quelques flambeaux dégageant une lumière douce. Ils se méfiaient et voulaient éviter qu'on ne repère leur campement dans la nuit. Et grâce à leur yeux félins, ils n'avaient besoin que de peu de luminosité. La journaliste n'était pas aussi douée qu'eux, mais elle aussi avait pris l'habitude de travailler dans l'obscurité, cette pénombre ne l'incommodait aucunement, lui reposant la vue et l'esprit. Le repas qu'on lui offrit fut très étrange mais délicieux, découvrant qu'on pouvait se régaler de brochettes cuites de lézards ou de crème au lait d'une créature nommée Bantha, ressemblant à une sorte de mammouth poilu sans trompe et possédant d'énormes cornes arrondies comme les béliers. Ces créatures servaient aussi de montures lors de longs trajets.
Beaucoup d'Ichmir vinrent la saluer et la remercier de son aide, la mettant parfois très mal à l'aise. Fort heureusement, son duo de garde du corps veillait à ce qu'elle puisse profiter de la fête sans être interrompue à tout va. Elle les avait observés avec beaucoup d'attention et avait fini par apprendre certaines choses sur eux. Si Anko était la grande sœur robuste et imperturbable, Nïan, son benjamin, se montrait plus introverti et maladroit avec les autres. Cela ne l'empêchait pas de se chamailler avec sa frangine gentiment.
En fin de soirée, alors que certains s'étaient mis à danser, sautillant comme des aristochats sur un air de jazz, Valentine s'éloigna un peu de la foule, profitant de l'air frais de la nuit. Son regard se perdit dans l'immensité des étoiles. Par chez elle, avec toutes les lumières arpentant les rues, il était rare de pouvoir observer ainsi le firmament. Un glissement se fit subrepticement derrière elle. Peut-être se voulait il discret, mais elle le releva malgré tout et tourna la tête vers Anko qui l'avait rejoint en silence.
« C'est calme. »
« Oui, nous sommes tranquilles ici. Parfois trop. »
« Votre chef a dit quelque chose qui m'a interloquée. Que vous viviez ici à défaut d'être en ville. »
« Il doit certainement parler de Bastet, notre ville de naissance. »
« Pourquoi vous n'y vivez plus ? »
« C'est... un peu compliqué. »
« Tente toujours... Si bien sûr tu veux bien me le dire. »
« Je le peux. La construction de notre cité remonte à des temps très anciens où n'étions alors que de simples chats. Près du peuple Constructeur, nous nous montrions utiles en les aidant à se débarrasser de la vermine ou en péchant en leur compagnie. Ils nous appréciaient comme nous les apprécions. Ils ont alors construit une ville pour nous rendre hommage, où nous vivrions en paix et heureux. Il s'agit de Bastet, portant le nom de la divinité qui nous symbolisait. Le temple arbore deux clochers dans des structures longues et pointues, rappelant nos oreilles. C'était un véritable bonheur d'être ainsi remercié par les Constructeurs. Mais ils durent continuer à voyager pour bâtir d'autres lieux. Certains félins voyagèrent avec eux, les autres s'installèrent dans leur cité. Nous vénérions la déesse avec amour et respect. Et un jour, un miracle se fit. Celle-ci nous bénît et nous accorda le pouvoir de marcher comme nos amis à deux pattes. Nous apprenions à parler et à nous comporter comme eux. Il s'agissait là d'un vrai miracle et étions fiers d'évoluer. Nous fumes les représentants sacrés de la déesse face aux autres félins. Et tous ceux qui venaient nous rejoindre, obtenaient également cet honneur. Nous n'avions aucun ennemi, étant un peuple pacifique, désirant vivre tranquillement dans notre belle Bastet, accueillant badauds en tous genres, afin qu'ils puissent se reposer avant de reprendre leur route. Hélas, nous ne nous sommes pas assez méfiés et des êtres malintentionnés vinrent et s'installèrent dans nos remparts, prétextant d'abord ouvrir des commerces itinérants et finissant par s'installer définitivement. Ils furent de plus en plus nombreux, prenant nos maisons, nous volant et nous accusant de chaparder pour des choses qu'avant, nous nous contentions de troquer. Ils n'acceptaient que des paiements que nous ne possédions pas. D'hôtes, nous devinrent des parias et subissions des maltraitances. Notre taille et notre appartenance à une race différente de la leur, servaient de prétexte à nous détester. Combien des nôtres finissaient enfermés dans les deux grandes tours à l'entrée de la cité... Nous pensons que ceux qui n'ont pu fuir avec nous, ont fini par être réduit en esclavages. Et dire qu'avant, ces bâtiments nous servaient juste à mirer les étoiles et à admirer notre belle ville... Nous sommes redevenus des chats errants et bientôt nous perdrons notre humanité si durement gagnée...et nous n'aurons plus jamais la force pour reprendre ce qui nous appartient. »
« Cette malédiction vous effraie pour cette raison ? »
« Oui... Mon frère... On refuse de l'admettre mais... il est atteint par ce mal et régresse lentement. Je souffre de le voir ainsi se voiler la face. Il est en couple avec une merveilleuse Ichmir qui attend une portée. Je ne veux pas qu'ils naissent simples chats et qu'elle se retrouve seule à les élever, Nïan probablement déjà redevenu comme eux. »
« … Tu as vécu l'invasion ? »
« Non. Je n'étais qu'un chaton quand nous avons fui avec ma famille. Nos parents nous transmettent notre histoire au fil des générations jusqu'à ce qu'un jour nous puissions à nouveau vivre à Bastet, seuls ou avec nos amis Constructeurs. Mais ils ne reviendront jamais, il faut se faire une idée... »
« J'en suis navrée... »
« Parfois il m'arrive de rêver de pouvoir un jour y retourner et marcher librement dans ses grandes allées colorées et fleuries sans craindre ceux qui croisent notre chemin. De simplement partager un peu de bonheur gratuit avec les autres, ne plus avoir à se disputer pour une poignée de pièces dorées qui ne sont mêmes pas comestibles. Je voudrais que les générations suivantes n'aient plus à piller les cargaisons et convois passant près de chez nous pour survivre... »
« C'est un beau rêve. J'espère que cela se réalisera dans un futur proche. »
Anko resta silencieuse, les yeux tournés vers le ciel. Les étoiles se reflétaient dans ses grands yeux rubis, qu'on aurait pu penser plus humide que d'ordinaire. Elle secoua la tête doucement et tourna la tête vers l'humaine, lui souriant tristement.
« Ce n'est qu'un rêve, Valentine... »
Comme mettant fin à la conversation, Nïan les rejoint, un peu ivre d'une boisson de lait fermenté de Bantha, présentant sa compagne au ventre arrondi à Valentine. La rouquine esquissa un sourire amusé en entendant son prénom, Félindra *tête de tigre!*, et la félicita pour les petits à venir avant de prendre congé, prétextant vouloir se reposer.
** Interlude Musical
**
*1 jour plus tard *
Valentine faisait les cent pas dans sa chambre, cogitant sur ce qu'elle avait entendu la veille. Cela la taraudait et avait l'impression de mettre le doigt sur quelque chose. Rogue n'avait quasiment rien dit de la journée, râlant juste de temps en temps, lâchant qu'elle lui donnait le tournis, qu'elle ferait mieux de prendre l'air, et autres conseils/ordres qu'elle ignorait royalement, plongée dans ses pensées. Elle avait demandé à être seule, ses deux compagnons pouvant vaquer à leurs propres occupations pendant ce temps là.
« Severus ? »
« Oui ? »
« Je ne cesse de tourner leur passé dans ma tête et il y a quelque chose dont j'aimerai avoir ton avis. »
« Je vous écoute. »
« … Voilà... Je ne suis pas quelqu'un de très croyant quand il s'agit de religion, voir même pas du tout, mais, étant donné que nous sommes dans un autre monde... »
« Abrégez. »
« Je me demandais : Leur Déesse Bastet leur a offert la possibilité d'évoluer et de devenir autonome. Et si en réalité, il suffisait qu'ils retournent prier pour elle ? Je veux dire... c'est vrai quoi, ils ont fui leur cité, n'ont plus eu l'occasion de rendre hommage à leur protectrice et du coup, redeviennent de simples chats ? »
« C'est plausible. Cependant il y a un problème. S'ils retournent dans la cité ils seront capturés et réduits en esclavage. »
«Je sais ça, c'est bien ce qui m'emmerde là-dedans !»
« Votre langage, Lefevre... »
« Rho Severus c'est pas le moment de m'enquiquiner avec ça, y a plus grave là ! »
« Comme les deux chats qui écoutent votre monologue ? »
Valentine sursauta et se retourna, découvrant Anko et Nïan, l'observant avec gravité, cherchant à comprendre avec qui elle parlait. Depuis combien de temps étaient ils là ? Sous le coup de la surprise, elle resta figée, les dévisageant, puis ne put s'empêcher de froncer les sourcils, mécontente.
« Depuis quand vous êtes là ? Vous ne pouvez pas vous annoncer au lieu de m'effrayer de la sorte ? »
Les deux chats furent également surpris de son agressivité, hésitants. Finalement ce fut Nïan qui osa rompre le silence tendu, grattant nerveusement le bout de son nez avec un coussinet.
« Veuillez nous excusez mais... euh... Nous vous entendions parler, nous pensions que vous parliez à quelqu'un... Avec qui conversiez vous ? Il n'y a personne. »
L'humaine resta silencieuse un instant, mettant ses idées en place, réfléchissant à sa réponse. Finalement elle haussa les épaules, préférant la jouer franc jeu plutôt que d'inventer des sornettes.
« Je ne parlais pas toute seule, si cela peut vous rassurer. Il se trouve que j'ai été envoyé ici avec quelqu'un d'autre. Mais contrairement à moi, il n'est pas là physiquement. Seul son esprit est présent et il m'aide. Hélas, ses paroles ne peuvent être entendues que par moi. J'ai découvert cela à mon arrivée d'où le fait que je n'ai rien dis sur lui jusqu'à maintenant. Rassuré ? »
Nïan hocha la tête, se montrant cette fois intéressé et émerveillé. Anko était resté imperturbable, jaugeant Valentine du regard, comme si elle cherchait à lire dans ses pensées pour savoir si elle disait la vérité. Mais il y avait autre chose qui l'intriguait, et l'élue l'avait bien compris. Ils avaient entendu bien plus qu'ils ne le disaient. Affichant un air soudain déterminé et ferme, elle accosta la chatte d'un ton qui ne voulait pas de refus.
« Tu as entendu mon hypothèse, n'est-ce pas ? Ton histoire m'a beaucoup fait réfléchir et j'ai besoin d'en avoir le cœur net. Amenez moi à Johnson, il est temps que je visite votre ancienne cité. »
** Interlude Musical
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Dernière édition par Valentine Lefevre le Ven 7 Juil - 11:29, édité 1 fois
Valentine Lefevre
○~ Héroïne de contes ~○
Messages : 1671 Date d'inscription : 22/02/2011 Age : 34 Localisation : Partout, même là où vous ne l'imaginez pas 8D
La foule ne désemplissait pas dans les allées de la grande cité de Bastet, dévoilant de nombreux stands et échoppes pour tous les habitants et les pèlerins de passage. Il y avait beaucoup d'individus de différentes ethnies, mais Valentine remarqua une majorité qu'elle devina être ceux qui avaient dérobé la cité. Ressemblant à des humains, leurs arcades sourcilières et leur front montraient néanmoins une légère protubérance, leur donnant une constante impression de froncer les sourcils. Leur mâchoire était également très prononcée et carrée, rappelant un peu les orcs des contes fantastiques, si ce n'était que leur peau avait différentes couleurs semblables aux humains.
Les Ichmirs n'avaient de prime abord, refusé de la laisser s'aventurer seule dans Bastet, mais, exposant son idée au chef, ils n'avaient eu d'autres choix que de la laisser faire. Impuissants, ils ne pouvaient que guetter son retour, cachés dans les roches avoisinantes la ville fortifiée. Les plus réticents furent ses deux protecteurs, ne pouvant faire ce pourquoi ils avaient été choisis. On l'avait mis en garde sur sa chevelure, sa couleur sortant de la norme, mais cela n'avait fait que faire sourire la demoiselle, ouvrant sa besace, fidèle au poste, pour y en ressortir une casquette de tissu qu'elle portait toujours lors de ses aventures nocturnes.
Ses longs cheveux rouges avaient été attachés avec soin et dissimulés dans le couvre chef, masquant ainsi son originalité et, de ce qu'elle voyait, elle avait bien fait. En effet, la plupart arborait des teintes monochromes, allant du noir au blanc en passant par de différentes palettes de gris. Les badauds de passages avaient parfois du brun ou du blond, ce qui les différenciait du peuple dominant. Il y avait beaucoup de races en tout genre à sa grande surprise. Elle aperçu quelques étranges sangliers sur deux pattes travailler durs dans une forge ou encore des sortes de lapins dont leurs oreilles ressemblaient à des ailes et leur permettaient de voler au dessus de la ville, transportant des parchemins ou des petites caisses entre les différents quartiers de la ville. Pourtant quelque chose la dérangeait dans cette impression d'égalité parmi les différentes races. Beaucoup semblaient bougons et apercevoir les Orcs -c'est ainsi qu'elle avait décidé de les nommer- regarder de hauts d'autres peuples lui fit un pincement au cœur.
Des oreilles pointues passèrent furtivement dans son champ de vision, attirant son attention. Un petit Ichmir roux slalomait entre les passants, transportant des affaires qui semblaient lourdes pour ses petits bras de chats. Cependant elle nota qu'il se déplaçait sur ses deux pattes sans aucun soucis. Curieuse, elle le prit en chasse, veillant à ce qu'on ne la surprenne pas à prendre exactement les mêmes directions que l'animal. Elle l'aperçu plus loin, déposer le tout devant une échoppe où un marchand observa la cargaison et fit un geste dédaigneux au rouquin, ne le remerciant même pas du service rendu. Celui-ci baissa la tête et s'éloigna, se glissant dans une petite ruelle. Valentine accéléra son allure, jetant un regard noir au vendeur qui n'en comprit aucunement la raison et s'aventura à son tour entre deux grandes bâtisses, surveillant discrètement ses arrières. Elle fut surprise de constater qu'il n'y avait personne, mais leva par réflexe la tête et entre aperçu une queue au bout du passage. Elle couru jusqu'à là-bas et interpella le félin, le faisant sursauter, regardant vers elle d'un air craintif.
« Que.. Que me voulez vous ? »
« N'aie pas peur, j'ai juste besoin d'informations. J'ai été appelé par les Ichmir vivant à l'extérieur de la ville. Ils rencontrent un problème et je dois savoir si cela vous touche aussi, au sein de la ville. »
« Vous êtes là pour les aider ? »
Le félin semblait suspicieux à son égard ce qui était parfaitement compréhensible. Ne se démontant pas pour autant, elle s'accroupit afin d'être légèrement en dessous par rapport à lui, ne se mettant pas en position de force. Cela fonctionna, le rendant moins méfiant.
« Oui, ils ont découvert qu'ils régressaient, redevenant de simples chats. Certains le sont déjà d'ailleurs. Est-ce qu'ici aussi vous soufrez de ce problème ? »
« Vraiment ?! oh... non non, nous n'avons pas cela ici. »
« … Est-ce que vous continuez à honorer votre déesse ? »
« Oui, bien sûr ! Nous prions chaque jour pour qu'elle allège nos peines subies durant la journée. »
« Vous êtes esclaves de ces individus ? Pourquoi ne vous révoltez vous pas contre eux ? »
« Oh, certains ont essayé mais ils furent sévèrement punis... Certains ne sont même jamais revenus des Tours. »
« Et vous êtes encore nombreux ici ? »
« Oui, bien plus que nos maîtres, mais nous ne devons nous montrer le moins possible devant les gens. »
Valentine cogita un instant et laissa échapper un petit sourire. Une idée venait de la saisir et si cela marchait, ils allaient probablement vivre quelque chose de grand. D'un ton doux et réconfortant, elle observa cet Ichmir maigrelet.
« Comment t'appelles-tu ? »
« Galufihild, m'dam... »
« Oula, va pour Garfield, dans ce cas. Dis moi, chaton, et si je te disais qu'il y a moyen de vous rendre votre indépendance et liberté, tout en permettant aux autres dehors, de revenir vivre ici ? Tu me croirais ? »
** Interlude Musical
**
*2 heures plus tard *
Garfield avait amené Valentine jusqu'au quartier des esclaves où tout le peuple Ichmir vivait misérablement, tous ayant un air épuisé ou déprimait. Seuls les jeunes avaient encore le regard pétillant de vie, semblant encore espérer de pouvoir un jour fuir de la ville. Et cela ne s'atténua aucunement lorsque le rouquin vint les interpeller pour que le plus possible puisse entendre ce que Valentine avait à leur dire. Celle-ci s'était présentée, se montrant le plus aimablement possible afin qu'ils ne la considèrent pas comme une personne potentiellement dangereuse. Animée d'une forte conviction, elle exposa son idée, cherchant à motiver les troupes, se portant garante de tout, endossant le rôle de chaf. Cela lui prit du temps, mais au final, tous comprirent son plan et l'information se propagea chez tous les Ichmirs. Les préparations allaient probablement leur prendre un peu de temps, mais les plus anciens et expérimentés, donnèrent une échéance de deux jours à compter de celle-ci. Tout se déroulerait dans la nuit du deuxième jour.
L'humaine en fut ravie et prit congé, se faisant raccompagner par Garfield et quelques autres félins, la surnomma eux aussi, l'Elue, même si elle craignait qu'ils ne l'appellent ainsi pour une toute autre raison que celle du peuple extérieur. Il l'emmena à travers les dédales des petites ruelles que seuls les félins pouvaient prendre sans se perdre. En route, elle apprit qu'il n'était autre que le cousin d'Anko et de Nïan, leurs parents venant d'une même portée. Cela le réconforta, et lui accorda enfin un sourire.
Arrivée, près de la seule sortie possible, entre les deux grandes tours sombres, Valentine s'arrêta pour les observer avec attention. Elles avaient été renforcées avec des roches grossièrement sculptées, leur donnant une forme presque triangulaire grotesque. Une longue muraille apparaissait des deux côtés et filait jusqu'au temple, tels des bras enveloppant la cité en son sein. Elle trouva cette comparaison ironique compte tenu du grand bâtiment aux oreilles pointues mais sentit qu'elle mettait le doigt sur quelque chose d'important. Des petits cris la sortirent de ses pensées et elle découvrit qu'un des Orcs, affichant un air mauvais, avait agrippé un de ses petits compagnons félins et lui lançait un chapelet d'insultes, en colère sous pretexte que celui-ci ne travaillait pas et traînait dans la cité aux regards de tous.
Elle fut pétrifiée en le voyant soudain le passer à tabac, frappant ce pauvre petit être qui n'avait pourtant rien fait de mal. Tout son corps refusait de bouger, assistant, impuissante, au spectacle insupportable. Quand elle retrouva l'usage de son corps, le mal était hélas déjà fait et l'Ichmir pleurnichait en fuyant retrouver son travail. Les autres avaient disparu par crainte et seul Garfield, dissimulé derrière Valentine, avait eu le courage de rester près d'elle.
« Je vais revenir très vite, et nous en finirons une bonne fois pour toute avec ces horreurs, tu en as ma parole, Garfield. »
Ils se donnèrent rendez vous pour le soir suivant et elle partit, sentant une larme d'amertume couler le long de sa joue, outrée par ce qu'elle venait de voir sans pouvoir rien y faire.
** Interlude Musical
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*Le Lendemain matin *
De retour chez les Ichmir rebelles, elle leur avait raconté tout ce qu'elle avait vu là-bas et exposé son plan. Plus sauvages et déterminés que les esclaves, ils s'étaient exclamés avec force et excitation, se préparant immédiatement aux préparatifs, prenant cela avec le plus grand sérieux. Voilà bien longtemps qu'ils souhaitaient assaillir Bastet pour récupérer leur dû. Grâce à elle, ils avaient enfin pu entrer en contact avec les leurs dans l'enceinte.
La journaliste fut très prise elle aussi par l'organisation et ce ne fut que le lendemain qu'on lui accorda un peu de temps pour se reposer. Elle s'isola dans sa chambre et se laissa tomber sur les tapis persans qui ornaient le sol. Allongée sur le dos, elle observait le plafond sombre, interdite.
« Quelque chose ne vas pas, Lefevre ? Vous avez attrapé une insolation ? »
« Je préférerais... Hier matin, lorsque ce pauvre Ichmir était battu... Je n'ai pas pu le protéger. »
« C'était la meilleure chose à faire. Si on vous avait prise en train de défendre les esclaves, vous auriez pu être capturée ou interdite d'entrée dans la cité. »
« Non tu ne comprends pas. Je n'ai pas PU bouger. Mon corps s'est soudain figé et je n'arrivais plus à faire le moindre geste, comme si j'avais été paralysée. Je suis journaliste de terrain, voir des choses pénibles, c'est mon job, je ne sourcille jamais devant la mort ou le danger. Ce n'est pas normal, Severus, je suis inquiète. »
« Je vois. C'est en effet très étrange. Un sortilège ? Hum, si cela avait été le sort de Petrificus Totalus, vous auriez eu les membres collés contre votre corps comme si vous étiez ligotée, ce n'est pas ça... Et Stupéfix vous aurait propulsé en arrière... De plus je n'ai distingué aucun humain dans la foule... »
« Severus, je ne comprends rien à ce que tu racontes... Et plus j'y pense, plus je me dis que ce n'est pas la première fois que ça m'arrive depuis que je suis ici... sauf que ça n'a jamais été aussi long. »
« Certes... il faut en avertir les Ichmirs que vous...»
« Non, il ne vaut mieux pas. Ils sont tellement impliqués, je ne ferais que les inquiéter par des broutilles. Ils attendent beaucoup de moi, je ne veux pas qu'ils changent tout leur plan et me mettent en retrait. Je veux en être. »
« Mais si ça se reproduit, cela peut être extrêmement dangereux. »
« Je prends le risque. Après tout, ce ne sera pas la première fois que je m'expose au danger... »
Machinalement, elle posa une main sur son œil gauche et laissa glisser lentement un doigt sur sa cicatrice, un léger sourire de défi se dessinant sur ses lèvres.
** Interlude Musical
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*Plus tard dans la soirée *
Valentine avançait à nouveau dans l'avenue principale, vêtue d'une cape de tissu couleur sable et tirant un bantha qui avançait lentement, transportant des énormes sacs de voyages. Elle se faisait passer pour un nomade, cachant tout son corps dans des tissus sombres, ne laissant que son regard avisé de visible. On l'avait pris pour un homme à son arrivée et cela l'avait plutôt amusé. La foule de la veille n'était plus là, laissant que quelques voyageurs et commerçants un peu dispatchés, faisant de dernières transactions avant d'aller se reposer. Seules les races non humanoïdes circulaient ou travaillaient. Elle distingua une lumière vive se dégageant des forges, des silhouettes passer à vive allure au dessus de sa tête telles des chauve-souris et bien sûr, des Ichmirs rôdant sur les toits.
En s'assurant que personne ne s'intéressait à elle, Valentine se dirigea vers une petite place possédant en son centre, une fontaine scintillante, coulant paisiblement dans un bassin de marbre blanc. Assis au bord de celle-ci, Garfield attendait, se tournant nerveusement au moindre bruit. Il se redressa en la voyant arriver, d'abord méfiant puis se détendit lorsqu'elle le salua de la main. Prenant un air neutre, il s'approcha d'elle et jouant son rôle d'esclave, il écouta ce qu'elle lui voulait. Elle réalisa qu'il devait y avoir des oreilles indiscrètes dans le secteur et indiqua les énormes sacs sur sa monture, lui faisant comprendre qu'ils devaient les mettre à l'abri des regards. Il s'inclina docilement et prit les rennes, tirant l'animal poilu dans une rue suffisamment grande pour le laisser passer. Elle ferma la marche et découvrit une étable où des Ichmirs travaillaient encore, prenant soin de bétails pour nourrir les Orcs et autres voyageurs. Un groupe de félins récupérèrent délicatement les sacs et les emmenèrent dans leur quartier. Tout cela s'était passé dans un silence d'or, impressionnant l'humaine.
Quand ils furent assurés que tout le paquetage était en sécurité, on les ouvrit et des Ichmirs sauvages en sortirent, dévoilant six frimousses aux regards acérés, dont Anko et Nïan. Cette apparition enchanta les esclaves, reconnaissant des proches perdus de vu. Garfield se jeta sur ses cousins, bien heureux de les revoir, sous le regard attendri de l'humaine. Elle remarqua néanmoins que le rouquin fut surprit par le ronronnement de Nïan, signe qu'il régressait. Il n'en fit cependant aucun commentaire et se tourna vers elle.
« Nous sommes prêt. »
« Bien, alors c'est parti pour la fiesta ! »
** Interlude Musical
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*Quelques heures plus tard *
Il faisait à présent nuit noire. Les habitants dormaient à poing fermé hormis quelques gardes à l'entrée de la cité et du temple. Tous les félins s'étaient mis en position, attendant le signal. Ils avaient tous, sans exception, quitter leur travail, tous souhaitant prendre part aux combats. Valentine observait l'entrée en leur compagnie, profitant de l'obscurité pour espionner en toute tranquillité les gardes. Un léger sourire amusé ne quittait pas ses lèvres. Finalement cela ne s'éloignait pas vraiment de son travail. Elle qui filait des malfrats le soir venu, sa mission n'avait rien de différent... hormis peut-être ce qui allait suivre.
Près d'elle, ses deux compagnons ainsi que leur cousin attendaient sagement, tout aussi discrets. Et puis, l'un des gardes s'approcha d'eux, ne les voyant pas. Avant même qu'il ne comprenne, ils l'agrippèrent en silence, le ligotèrent et le laissèrent dans un coin sombre. Comme un déclencheur, d'autres orcs gardiens disparurent soudain de leur champ de vision, également capturés par d'autres félins à l’affût. Bientôt et dans le plus grand des silences, il n'y eut plus aucune âme à l'entrée de la cité. La première partie du plan s'était passé sans soucis. Il était temps de commencer la seconde.
Ils dérobèrent les clés ouvrant les portes des deux grandes Tours et s'infiltrèrent en grand nombre à l'intérieur. Dedans, des groupes se formèrent, ceux montant afin de capturer les veilleurs et ceux libérant les prisonniers injustement enfermés. Les plus agiles et rapides grimpèrent immédiatement, Valentine les suivant aussi vite qu'elle le pouvait. Il était extrêmement important de libérer l'endroit de tous risques. Quand elle les rejoignit, certains gardes étaient déjà inconscients tandis que d'autres se battaient contre les Ichmirs. Si les esclaves présents tremblaient légèrement devant leurs anciens tortionnaires, les sauvages n'éprouvaient aucune peur, frappant avec force et précision.
Personne ne put sonner l'alerte et la deuxième partie du plan se déroula également sans problèmes. On évacua les tours tandis qu'un signal lumineux très léger était envoyé en direction de l'extérieur. Bientôt, une troupe d'Ichmir sortit de derrière les rochers et entra à vive allure dans la cité. La journaliste s'éloigna des tours en passant par les murailles, courant en direction du temple. Elle devait être au plus près du bâtiment avant que l'étape trois commencerait.
** Interlude Musical
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*Près du temple *
Accompagnée de Garfield, Valentine s'approchait de plus en plus du bâtiment principal, déterminée à en finir une bonne fois pour toute. Son petit partenaire devait la guider jusqu'à un passage dérobé afin qu'elle puisse s'infiltrer dans le temple. Lui qui connaissait la cité par cœur, il se montrait vraiment très utile dans cette rébellion nocturne.
Du coin de l’œil, quelque chose remua, le mettant sur ses gardes. Un des orcs veillant à la muraille venait de sortir d'une tourelle de surveillance. S'il n'avait pas vu l'invasion féline, il n'avait en rien raté de la course des deux protagonistes. Le chat s'effraya de cette apparition soudaine, mais Valentine ne se démonta aucunement et avant que leur opposant n'amorce le moindre geste pour les bloquer, elle lui rentra dedans, assénant un violent coup de genou dans le bas ventre. Bien sûr, c'était déloyal, mais elle n'en avait que faire en réalité. Il poussa un grognement de douleur et se recroquevilla, tentant de reprendre son souffle.
Le duo l'observa quelques secondes, puis reprit sa route. Seulement, quelque chose bloqua la journaliste dans sa marche. Le garde était parvenu à lui attraper le bas de sa cape, la maintenant avec force, le visage haineux. N'ayant plus le choix, elle se débarrassa de ce camouflage, détachant la cordelette qui l'entravait. Le tissu sombre tomba au sol et dégagea la jeune femme, respirant et se mouvant enfin à son aise. L'individu hostile sembla soudain surpris, la dévisageant, son regard s'arrêtant sur ses longs cheveux flamboyants et sur son visage plus fin et arrondi que le sien. Chose surprenante, il parut désappointé, voir effrayé l'espace d'un instant. Ce qu'il lâcha la laissa perplexe.
« Une... une Humaine ! C'est impossible, votre race a quitté ce territoire depuis des décennies... »
Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir et préféra ne pas s'arrêter à ce genre de détails, contrairement à Rogue qui s'interrogea à voix haute dans la tête de celle-ci. Mais cette réflexion fut de courte durée quand l'une des deux grandes Tours, tinta soudainement, brisant le silence de la nuit. Le petit duo sursauta, soudain inquiet. Que s'était il passé là-bas ?! Si le son n'avait duré que quelques secondes, cela avait hélas averti toute la cité, les mettant dans une situation compliquée. Évaluant rapidement la situation, Valentine se tourna vers Garfield.
« Retourne là-bas, vois ce qui se passe. Et si ça ne se déroule pas comme c'était prévu... Ne cherchez pas à résoudre le problème, mettez le feu aux tours. »
L'Ichmir se tourna vers elle, surpris de cette demande. Il secoua la tête, comme pour décliner la demande, mais aucun son ne franchit ses babines, soudain accablé par le regard strict de la journaliste. Le garde parvint à se redresser péniblement et se mit entre eux et la tour la plus proche, accessible simplement en faisant demi-tour. Il afficha un rictus mauvais, les menaçant d'une matraque.
« Vous n'irez nulle part ! Cette traîtrise te vaudra le fouet, misérable sac à puces. »
« Je... je ne peux pas... j'ai peur... »
« GARFIELD ! Combien de temps encore courberas-tu le dos devant ces tortionnaires ! Vous avez enfin l'occasion de changer la donne et d'être enfin libres ! Libère toi de ces chaînes qui te rongent jusqu'aux os. Ne te repose pas que sur tes cousins des camps extérieurs, ils ne seront pas toujours là pour vous sauver les miches. C'est aussi ton combat, à toi maintenant de guider les tiens vers la victoire. Alors, arrête de trembler et file ! »
Le chat se tourna vers elle, médusé de ce discours. Il ne semblait pas savoir comment réagir. Puis, une lueur de conviction traversa ses iris en amande. Il hocha la tête et fit face au garde, lui dévoilant une expression rageuse. A présent déterminé, il poussa un cri pour se donner du courage et sauta soudainement sur l'adversaire qui, surpris de ce courage inopiné. Il fut mit KO par l'Ichmir avant même de pouvoir se défendre convenablement. Sans attendre d'avantage, Garfield détala à vive allure vers la tour, animé par une puissante volonté de réussir sa mission. Valentine le regarda partir, un sourire victorieux sur les lèvres.
« C'est étrange comme les mots peuvent parfois tout changer. »
« C'est bien vrai, Severus. Comment m'as-tu trouvé ? »
« C'était... pas mauvais. Vous n'êtes pas si irrécupérable que je ne le pensais. »
« Ah, arrête tu vas me faire rougir. »
« Que cela ne vous monte pas à la... ATTENTION DERRIERE VOUS ! »
Aussitôt prévenue, la jeune femme tourna la tête entrapercevant une haute silhouette s'approchant dangereusement d'elle, suivi par d'autres. La garde avait belle et bien été avertie et ils sortaient du temple pour combattre. Gardant son calme, elle ramassa la matraque de l'inconscient et se tourna vivement vers eux juste à temps pour esquiver le premier opposant, contre-attaquant en le frappant violemment au ventre, il se courba sous le coup et ne put rien faire contre la deuxième attaque qu'elle lui asséna derrière la tête, l'assommant. Elle parvint à envoyer au tapis deux autres encore avec la même dextérité. Elle n'était peut-être pas une experte dans l'art du combat mais elle en savait suffisamment sur la Savate pour désarmer et repousser les problèmes.
Malheureusement, ils étaient plus nombreux qu'elle et finalement, l'un d'eux, profitant que son attention soit tourné vers un comparse, la frappa sur le flanc avec puissance. Si ses côtes ne furent pas brisées sous la violence du coup, elle n'en fut pas moins projetée. Perdant l'équilibre, elle s'écroula en arrière, son dos heurtant brutalement le muret de la muraille, lui coupant le souffle. En temps normal, cela ne l'aurait immobilisé que quelques secondes, le temps de digérer la douleur, mais la malchance fut de mise et elle sentit son corps se figer, paralysé dans une posture assise, la tête basse et les cheveux lui retombant sur le visage. La seule chose qu'elle parvenait à faire était de cligner des yeux, voyant la scène à travers ses mèches rougeoyantes.
Tous l'observaient, se demandant si elle était encore consciente. Elle cru entendre le mot Humain dans leur conversation. Qu'avaient-il donc avec sa race ? Ils s'approchèrent d'elle, prêts à l'attraper quand deux boules sombres s'interposèrent, la protégeant. Elle reconnut le pelage de Anko et Nïan. Ils lui jetèrent un regard, paniqués, pensant probablement qu'elle était gravement blessée, ou pire, morte. Si la chatte s'empara de ses lames sous la colère, son frère eu une réaction surprenante, restant sur ses quatre pattes, feulant et hérissant son poil avec rage. Ce comportement blessa sa sœur qui l'appela, priant presque pour qu'il se reprenne. Secouant soudainement la tête, il remit ses idées en place et se redressa, s'excusant auprès de Anko, attrapant lui aussi ses armes.
Ils s'élancèrent alors au combat, esquivant avec souplesse et rapidité, frappant juste, les désarmant, les blessant juste assez pour qu'ils ne soient plus en état de se battre. Tout en eux n'était que grâce et agilité, émerveillant Valentine malgré la situation. Elle comprenait ainsi la puissance des deux meilleurs rôdeurs Ichmir. Malgré leur petite taille et le nombre d'opposants, ils parvinrent à battre chacun d'entre eux, leur jetant un regard dédaigneux, presque répugné d'avoir dû les toucher. Ils tournèrent la tête dans un mouvement synchrone parfait, observant quelque chose qu'elle ne put distinguer. Mais à l'éclairage rougi sur leur corps, elle comprit que les tours venaient de prendre feu.
« Pouvez vous bouger ?! »
Elle entendit la voix de Rogue, la sortant de ses pensées. Son corps était toujours ankylosé, mais des picotements désagréables commençaient à se manifester dans ses jambes. Elle tenta de le remuer, le voyant trembler sous l'effort. Se concentrant au maximum, elle parvint enfin à quitter cette prison qu'avait été son propre être, et bougea, levant la tête lentement, grognant en sentant ses blessures se raviver. Les deux chats l'aperçurent et furent soulagés, s'approchant d'elle pour l'aider à se relever. Elle retrouva tous ses moyens très rapidement, se redressant enfin, regardant enfin les deux bâtiments flamber. L'incendie grimpait rapidement jusqu'au sommet malgré la structure de pierres, la majorité des renforcements était composée de poutres de bois.
Évaluant la nouvelle situation et jetant un coup d’œil vers le temple, elle aperçu que la cité s'était éveillée, des gens sortant voir ce qui se passait. Des résidents du bâtiment principal, commencèrent à sortir également, donnant un prétexte idéal pour les rejoindre sur la grande place qui bordait son entrée. Laissant apparaître un sourire de défis, elle intima ses deux compagnons de faire comme elle et, prenant son élan, sauta de la muraille, se réceptionnant sur une maison haute au toit plat, tel un immeuble. Influencée par la présence de tous ces félins, elle prenait des chemins inaccessibles pour les individus sensés. A vive allure, elle circula jusqu'à la place en passant de toits en toits, Anko et Nïan sur ses talons.
** Interlude Musical
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*La Place Principale *
Sous le regard médusé des résidents, les Tours brûlaient avec ardeur, épouvantant certain, soulageant d'autres. Ils ne comprenaient pas vraiment ce qui se passait et ignoraient encore plus s'il fallait qu'ils paniquent ou non. Beaucoup virent des Ichmirs passer près d'eux sans les voir, oubliant leur servitude, snobant volontairement les appels des maîtres. Finalement, la majorité, voyant qu'il n'y avait pas d'attaque et rien d'anormal sinon les félins et le feu, se dirigèrent vers la place, voulant obtenir des renseignements auprès du chef proclamé de la cité.
Celui-ci n'avait d'abord pas voulu se montrer, se terrant dans sa chambre luxueuse, mais devant l'insistance de la foule, avait dû sortir son nez du temple, avançant sur la grande terrasse où il avait l'habitude de se mettre pour ses discours. Probablement ne savait il pas encore ce qui se passait, ni ce qu'il devait dire, mais quoi qu'il en soit, cela devait être en sa faveur. Tel était son règne ici. Il se racla la gorge, hésitant quelques instants, jetant un coup d’œil vers ses gardes afin de vérifier qu'ils étaient bien là pour le protéger au cas où. La populace tourna son attention vers lui, impatiente. Alors qu'il ouvrait la bouche, une violente explosion se produisit, surprenant tout le monde. Si eux n'avaient pas vu le désastre, le grand chef, face à eux, n'en avait pas raté une miette. Les tours, tels des donjons inébranlables, venaient d'être détruites dans un violent souffle. Il comprit bien vite que les réserves de poudre, pourtant enfermés avec soin, avaient été atteintes.
Le feu gronda, s'envola très haut dans le ciel dans un nuage impressionnant, emportant de nombreux morceaux de bâtiment, confirmant la destruction de ces deux piliers inspirant jusqu'à ce jour, la peur sur les races minoritaires. Le chef sentit son sang bouillir de colère, souhaitant mettre la main sur les coupables et les punir sévèrement. Pourtant cette colère se calma presque instantanément lorsque dans cet éclat de lumière incandescent, une silhouette en ressortit, proche de lui, posté tout près sur une maison en bordure du temple. Sa longue chevelure volant paisiblement sur ses épaules, la femme qui l'observait, entouré de deux Ichmirs, lui donna des frissons dans le dos. Elle se mit à courir vers lui et sauta du toit où elle se trouvait, atterrissant sur son balcon. Il recula, terrifié, ordonnant à ses gardes de le protéger. Mais ceux-ci rencontrèrent les lames des deux félins, rapides comme l'éclair et ayant fondu sur eux avant qu'ils n'aient bougé de leur place.
La rouquine avança alors vers lui tandis qu'il chercha à fuir à l'intérieur du bâtiment. Il sentit alors un violent coup le faire tomber contre le sol. Il chercha à se défendre, mais une lame glacée se posa sur sa gorge, l'obligeant à cesser toute action. Levant les yeux vers celle qui le menaçait, il vit son regard froid, le terrorisant. Un rictus mauvais franchit alors les lèvres de l'humaine. Sur le ton de la provocation, elle rit légèrement et lâcha, ne montrant pourtant aucune joie.
« C'est bien ce qui me semblait. Le grand manitou se cache dans des richesses qui ne lui appartiennent pas. Il fallait bien s'attendre à ce que ça se retourne un jour contre toi, gros sac. Tu ne l'avais pas vu venir celle là, hein ? Pourtant, ne dit on pas que la nuit, tous les chats sont gris ? »
** Interlude Musical
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*Quelques minutes plus tard. *
La populace n'avait pas compris la situation, juste que quelqu'un avait sauté sur le balcon, mais depuis plus rien. Était-ce une attaque ? Ils restèrent immobiles, ne sachant que faire lorsqu'une femme se positionna devant eux, le regard déterminé. Elle écarta les bras, pris une profonde inspiration et parla.
« Résidents de la Cité ou simples voyageurs, écoutez moi ! Voilà bien trop longtemps qu'une injustice gangrène Bastet sans que personne n'agisse pour y remédier ! N'avez vous donc pas honte d'exploiter un peuple qui, jadis, vous a accueilli bras ouverts ?! Les Ichmirs ont souffert de la cupidité des autres. Ils ont été réduits en esclavage, maltraités, humiliés... eux qui n'avaient jamais cherché querelles à quiconque car ils étaient pacifiques. Et au lieu de penser à la vengeance, tout ce qu'ils souhaitaient et rêvaient, c'était juste de pouvoir un jour marcher dans la cité, tête haute, fiers de ce qu'ils sont et surtout, LIBRES. Est-ce donc ainsi que vous traitez tous ceux qui sont différents de vous ? Vous mériteriez qu'on vous réserve le même sort. Pourtant cela n'arrivera pas car ils m'ont fait comprendre qu'ils ne voulaient pas porter atteintes aux autres. Que les choses soient claires : je suis ici pour faire cesser cette injustice et leur permettre de réaliser leur rêve. Ceux qui refuseront ou qui continueront à les considérer comme inférieurs, seront jetés hors de la cité, et je veillerais personnellement à ce que ce soit à coup de pompes dans le derrière. Les fidèles partisans de ce tyran sans jugeote peuvent lui dire au revoir, il sera le premier expulsé. »
Des murmures se firent dans l'assemblée, certains choqués, d'autres hésitants. Cependant, des acclamations surpassèrent bientôt le reste, applaudissant le discours de Valentine. Les Ichmirs et les autres peuples rabaissés par leur différence physique, se réjouissaient déjà. Des voyageurs les rejoignirent, soulagés de voir cesser cette inégalité qu'ils n'avaient jamais pu tolérer. Et d'après la puissance de ces manifestations, ils étaient incroyablement plus nombreux que le peuple des orcs...
** Interlude Musical
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*Au petit matin *
Valentine avait laissé les Ichmirs s'occuper de tout le reste, n'étant plus utile. Ils retrouvaient leur autonomie et leur liberté, c'était donc à eux de tout gérer comme il se devait. Elle se sentait soulagée de voir qu'il n'y avait eu que très peu de blessés. Un garde était parvenu à s'échapper pour sonner l'alarme dans la tour avant d'être à nouveau assommé. Hélas, cela avait rameuté d'autres orcs qui avaient retardé le bon déroulement du plan. Finalement, au lieu de crocheter la réserve de poudre, ils avaient incendié les sous sols, laissant au feu, le loisir de détruire la porte en bois et enclencher tout seul l'explosion.
Bras croisés, elle observait à présent son duo préféré s'avancer à l'intérieur du temple, émerveillé par la statue de leur déesse, miraculeusement épargnée par l'ancien chef. Elle avait eu une petite conversation avec Johnson, lui révélant pourquoi les orcs avaient été surpris qu'une humaine se présente devant eux. Apparemment, il s'agissait tout simplement de la race des maîtres Constructeurs ayant bâtit la cité aux côtés des Ichmirs. Garfield la consulta et tous les deux les rejoignirent, contents que cela soit terminé. Les trois félins souriaient enfin et sincèrement. Ils s'agenouillèrent devant la statue et l'honorèrent d'une prière. Pourtant peu férue en croyance religieuse, elle fit une légère révérence amusée à la déesse. Aussitôt, elle sentit les picotements de ses jambes disparaître, la laissant perplexe. Finalement, elle comprit et s'éloigna du groupe, s'isolant pour souffler un peu.
« Et voilà, maintenant ils vont pouvoir guérir de leur malédiction. »
« En effet. Beau travail, Valentine. »
« Ouuuh, mais dis donc, tu m'as appelé par mon prénom, là ! Quel tombeur, si tu étais là, je t'aurais volontiers fait un gros câlin... et ceci en toute amitié ! 8D »
« Tss, dans ce cas je suis soulagé de ne vous avoir jamais croisé. »
« Tu te trompes, nous nous sommes déjà vu, Severus. Il y a un an de cela. J'ai changé depuis, tu n'as pas dû réaliser, mais c'est moi que votre chauve flippant sous calmants avait suivi. Je n'ai pas oublié ta voix, tu m'avais parlé et je me souviens avoir eu pitié pour toi. »
« Pitié ? »
« Oui, d'avoir à supporter les deux autres. »
« … Cela me revient en effet. Il semblerait que le destin ai décidé de nous réunir de nouveau... »
« Hihi... »
« … même si je ne suis pas certain que cela soit une bonne nouvelle. »
« Hey !! »
Valentine se mit pourtant à rire. Elle ne savait pas ce qui allait se passer à présent, mais en tout cas, elle savait qu'elle avait un allié de taille à ses côtés. Il fallait juste espérer qu'on lui laisse un peu de temps pour souffler et se remettre de toutes ces émotions !
*** Et une petite dernière pour la route 8D
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Dolores Keller
Messages : 118 Date d'inscription : 07/02/2014 Age : 28 Localisation : En train d'ausculter
- Pfouh… Docteur, comment pouvez vous rester aussi calme lorsque vous auscultez les yeux d'une Gorgone ? Je veux dire, ne risquait-t-elle pas de vous transformer en pierre ?
Adam, assit sur le rebord de la fenêtre, regardait la patiente sortir de la bâtisse qui prenait soin de poser une paire de lunettes sur son nez pour, sans doute, éviter le moindre accrochage en pleine rue. De son côté, Dolores venait juste de fermer la porte de son cabinet, comme à son habitude, et ôta sa blouse de fonction avant de se rendre dans son atelier. Adam avait parfois encore du mal à savoir comment se comporter face à des créatures qu'il n'avait jamais vu, en tout cas sous leur vrai jour. Les gorgones et les succubes étaient sans doute les pires…
- Seul le contact rétinien permet la pétrification, il suffit simplement de ne jamais regarder directement ses rétines. Je ne vous ai donc jamais appris cela ? - N-non, mais à bien y repenser, vous ne m'avez pas appris grand-chose.
La tête de Dolores sortit de derrière l'encadrement de la porte de son bureau, surprise par la remarque de son assistant. Ce dernier, gêné, se hâta de rectifier ses paroles, de peur de recevoir le courroux de sa patronne.
- E-Enfin je veux dire, pas concrètement ! Je n'ai pas eu de leçon concrète si vous voulez. - Ah ! La tête de Dolores disparut à nouveau. Mais la théorie ne m'a jamais rien appris non plus Adam vous savez. Mon père et moi avons découvert ce que l'on sait aujourd'hui uniquement en étudiant sur le tas. Ah je me rappelle ce jour où un centaure a failli décapiter mon père à cause d'un coup de sabot mal placé. C'était le bon temps vous savez ! - V-Vous voulez dire que tout ce que vous savez aujourd'hui, vous l'avez appris par vous même ? - Les livres de médecine sur les légendaires sont très rares, voire quasi inexistant. Il fallait bien faire ses armes un jour ou l'autre ! Et comme je suis géniale, j'ai pu-
La voix du docteur Keller disparut brutalement, laissant place au silence et aux roucoulements interrogatifs de Manfred qui essayait de communiquer avec son perchoir. Surpris, Adam se leva et s'approcha du bureau, se demandant ce qui, dans ce monde, avait su faire taire sa patronne pour une fois dans sa vie. Le jeune homme pencha la tête, murmurant un petit « Docteur ? », avant de se rendre compte que la pièce était vide, et que seuls quelques feuilles de papier voletaient ici et là, comme si celle qui les tenait s'était complètement volatilisée. Ce qui, après quelques minutes d'observation, se confirma.
Le Docteur Keller avait disparu.
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- -devenir une très grande scientifique dans mon domaine, faisant de mon nom et de celui de mon père un terme inévitable dans le monde de la médecine des légendaires. En d'autre terme il y a les autres, et le père et la fille Keller. Qui sait, peut-être qu'un jour vous aussi vous découvrirez les joies du génie scientifique ! J'ai de grands espoirs en vous vous savez, votre faculté d'adaptation est très impressionnante, même si, je l'avoue, je vous force un peu la main, de temps en temps. Dites-moi, qui est le prochain patient de la journée ? Oh je crois que je sais, ce doit être cette Madame Dupuis. Vous avez préparé vos cotons pour les oreilles ? Je vais sans doute devoir vérifier ses cordes vocales, la pauvre, un rhume pour une banshee chanteuse d'opéra, ce n'est vraiment pas de veine. En parlant de rhume, vous ne trouvez pas qu'il fait drôlement froid tout d'un coup ? Vous pourriez fermer la fenêtre s'il vous plaît ? … Adam ? Adam qu'est-ce que vous… Ooooooooh.
Dolores se tût enfin et découvrit, non sans surprise, que son cabinet avait complètement disparu pour laisser place à une immense étendue de neige parsemée ici et là d'arbres excrus aux branches lourdement chargées. Silencieuse, Dolores toisa les environs du regard, tentant de comprendre, non sans peine, par quel miracle elle était apparue ici. Un rêve ? Non, sa perception et ses sens ne seraient pas aussi clairs. Un délire ? Peut-être, mais la sensation de froid est bien trop réaliste pour correspondre à cela. Ce monde enneigé était sans nul doute aussi réel que Manfred (quoique Manfred n'est pas vraiment un comparatif valable de réalité, mais passons). Alors… Avait elle été transportée à son insu ? Endormie ? Non elle ne sent aucune torpeur dans ses membres, et endormir un homonculus nécessitait des moyens importants. Une seule chose, possible, elle avait été télétransportée, ou en tout cas son être a été déplacé d'un point A à un point B sans intervalle entre ces points.
- Fascinant… Adam, vous avez vu ça ? Ah oui vous n'êtes pas là, c'est vrai. Mais à qui vais-je pouvoir livrer toutes mes découvertes scientifique si vous n'êtes plus là ! Et qui pourra faire des grimaces rigolotes tandis que je dévoile mon génie au monde entier ? Il me faut un autre assistant… - Bonjour !
Dans un léger sursaut, Dolores se mura à nouveau dans un silence perplexe et chercha rapidement du regard d'où la voix qu'elle venait d'entendre pouvait bien provenir. Mais il n'y avait personne, les environs étaient calmes et la neige plate trahissait le fait que personne n'avait traversé la région depuis au moins quelques heures. Peut-être était-ce son esprit qui, par besoin vital, avait créé une seconde personnalité, permettant à Dolores de converser avec quelqu'un autre qu'elle même. Ah cet esprit, c'était un petit malin… Satisfaite de son intelligence, la doctoresse hocha la tête, pleine de satisfaction envers elle-même (oui il lui en faut peu).
- Moi c'est Kweena ! - Hm, drôle de nom pour une seconde personnalité, j'aurai personnellement préféré Kierkegaard, ça a plus d'intensité et hurler son nom serait certainement amusant ! Je peux t'appeler Kierkegaard ? - Qu'est-ce que c'est ? Ça se mange ? - Hm non, pas à ma connaissance. Drôle de réflexion, autre personnalité, je commence à me demander s'il s'agit vraiment de cela… - C'est quoi ton nom ? Miam ! - Mon autre personnalité me demandant mon nom ? Soit elle est extrêmement aboutie, soit je fais face à une situation de télépathie… Oooooh comme c'est excitant ! Adam pourquoi n'êtes vous pas làààà ! Bon, peu importe. Enchantée Kweena ! Je m'appelle Dolores et j'aimerai savoir ce que je fais là, tu saurais quelque chose ? - Non, mais j'ai faim. Ah ! Je sais que je suis la narratrice et que vous devez sauver ces petites barbapapa blanches, mais je n'en sais pas plus ! - Barbapapa blanches ? Qu'est-ce que… Oh !
Alors qu'elle parlait en direction du ciel depuis quelques minutes, Dolores baissa la tête et découvrit qu'autour d'elle s'étaient amassés un groupe important de bestioles plus ou moins grandes recouvertes d'une fourrure blanche. Sur leur tête, de petites cornes, semblables à celles des cerfs, se dressaient fièrement, les plus grands ayant des ramifications extrêmement volumineuses. Tous sans exception affichaient un grand sourire avec de grandes dents dépassant de la partie inférieure de leur bouche. Leur petites pattes et leurs petits yeux ronds ajoutaient à tout cela une touche prononcée de « mignon » qui saurait faire fondre le cœur de n'importe qui (mais ils n'arrivaient pas à la cheville de Manfred, évidemment).
Tous regardaient Dolores avec un vif intérêt, comme s'ils cherchaient à lui dire quelque chose mais en étaient incapables. L'un d'entre eux s'approcha maladroitement de la jeune femme, et tendit une de ses petites pattes vers la doctoresse, l'invitant à la saisir pour le suivre, ce qu'elle fit. Les autres, placés en cercle autour de l'homonculus et de son guide, poussèrent un cri surprenant avant d'entamer une petite danse, alternant roulades dans la neige, coups de cornes en rythme et sauts sur les fesses.
- Kweena, à ton avis, ils entament un rituel pour me manger ou alors pour fêter quelque chose ? - Il faut un rituel pour manger ? Nous les Kwe, quand on mange, on mange tout de suite ! - Les ? Woooh !
Le sol neigeux se mit soudainement à trembler, faisant bouger d'immenses amas de neige qui commencèrent à se réunir face à Dolores, tandis que les autres créatures continuaient à danser. La neige s'écarta soudainement de sous les pieds de la jeune femme qui se rendit compte, avec surprise, qu'une infime pellicule de glace était restée sous ses pieds ainsi que sous les pattes de celui qui lui tenait la main et des danseurs. En quelques minutes, un immense château de neige s'était déployé autour de Dolores et de ses compagnons.
- Woaw… Je pourrai le faire moi aussi ? - Bienvenue, élue.
Une multitude de voix d'enfants résonnèrent soudainement dans tout le château, tandis que d'autres créatures apparurent dans tous les recoins de l'immense pièce où se situait la doctoresse.
- Vous savez parler finalement ? - Oui, mais uniquement lorsque les Snolings sont dans leur maison. - Les Snolings ? C'est votre nom ? Je n'ai jamais entendu parler de vous… OH ! Je viens de découvrir une nouvelle race de créatures et Adam n'est même pas là ! Dites dites, vous ne pourriez pas faire apparaître mon assistant aussi ? S'il vous plaaaaaît.
Les snolings se regardèrent, perplexes, puis hochèrent leur grosse tête pelucheuse en guise de négation.
- …Hm, c'est vos cornes qui vous permettent de communiquer, c'est bien ça ? Vous utilisez le réseau des galeries de votre château pour faire résonner les vibrations de vos cornes pour créer des voix. C'est. É-NORME. Je veux vous adopter. Je peux rester ici ? Hein, dites dites. OH MON DIEU, mais c'est vraiment immense ici ! - Y a à manger !? - Oh mais oui ! Que mangez-vous ? De la neige ? Non ce serait idiot. De la roche peut-être, cela expliquerait vos dents. Ou du bois ? Des métaux ? Des hommes ! Euhw, cette dernière proposition me semble bizarre, j'espère que je me trompe. - Il y a un garde-manger ? - Une salle du trône ? - Une cuisine ? - Des chambres ! - Des grenouilles ?
Encore une fois, les Snolings restèrent silencieux, perturbés par l'aplomb de leur dite « élue » qui gigotait dans tous les sens, hurlant de joie à la moindre de ses découvertes. À quatre pattes aux pieds d'un des leurs, Dolores commençait à compter les orteil d'une des créatures lorsque toutes se mirent à s'incliner devant elle, l'empêchant, à cause de leur épaisse fourrure, d'accéder à leurs petites pattes. Dolores comprit que l'heure n'était pas à l'étude de cas et décida enfin de se lever, tentant de freiner ses envies irrépressibles de tâter la moindre parcelle du corps pelucheux des Snolings.
- Et donc, pourquoi avez vous besoin de moi ? - Les Snolings ont faim ! - NOM D'UN KWE !! - Est-ce si grave que ça ? Je ne mange qu'une fois par jour vous savez.
La poitrine bombée, Dolores dévoila fièrement son régime à son assistance, qui la regardèrent bouche bée (et quelle bouche!) ? Visiblement, les Snolings était une race très vorace, ce qui expliquerait, vraiment cette fois, la taille de leurs dents.
- Vous n'avez plus de nourriture ? - Si ! Mais les Snolings ne peuvent plus la manger… Elle disparaît quand les Snolings l'approchent. Les Snolings ont faim depuis trop longtemps, et l'élue doit les aider et les sauver ! - Hmmmmmmmm… Bon d'accord ! Mais je veux pouvoir vous étudier après ! - Étudier ? - Nous en parlerons plus tard, Kweena, tu m'y feras penser ! - Oui ! Miam ! - Les Snolings connaissent cette prophétie qui est destinée à l'élue, elle dit :
« Sapin confiture, brume d'écume, signe la vie »
Dolores resta silencieuse quelques secondes, non pas pour réfléchir à la prophétie farfelue qu'elle venait d'entendre, mais pour essayer de comprendre quelle taille pouvait avoir l'estomac de ce genre de créatures. Elle ne s'était pas encore posée la question, mais le système digestif devait sans doute comporter de nombreuses choses dignes d'intérêt. Mais disséquer une adorable boule de fourrure comme celles là risquait d'être compliqué, surtout pour des raisons éthiques. Bah, elle y réfléchira une autre fois.
- Bien ! Je vais vous aider ! Par où dois-je aller ? - Les Snolings ne le savent pas. - Kweena, une idée ? - Il faut chercher de la confiture de sapin ! - Les Snolings ont de la confiture de sapin dans leur garde-manger, mais il est interdit d'y aller. - Je peux y aller moi ! Montrez-moi le chemin.
Un grand Snoling, de la taille de Dolores environ, lui servit de guide à travers l'immense château de neige. Le manque de soleil dévoilait qu'en réalité ces drôles de créatures vivaient sous le manteau neigeux et s'éclairaient à l'aide de petites lumières incrustées dans la neige, dont le reflet perpétuel contre l'infinité de flocons dans les murs permettait au château d'être parfaitement éclairé. C'était un système tout-à-fait ingénieux qui ne manqua pas de titiller la curiosité de Dolores qui collait presque son visage contre les murs pour voir ce qui se trouvait derrière.
- Voilà le garde-manger.
Dolores se tourna et découvrit avec étonnement une gigantesque porte en neige d'environ 4 mètres de haut. La salle qui se trouvait derrière était sans doute à l'image de la porte d'entrée. Le grand Snoling entama une petite danse face à la porte, créant un entrebâillement très fin, mais suffisant pour permettre à Dolores de s'y faufiler. Cette dernière entra donc et laissa la porte du garde-manger se fermer derrière elle.
L'endroit était stupéfiant, autant par la taille que par son contenu. Des tas interminables de breloques et d'objets en tout genre faisaient face à l'homonculus qui, pour une fois, ne sut vraiment quoi dire.
- Il faut trouver la confiture de sapin ! - C'est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin, si tu veux mon avis. Bon, quand faut y aller, faut y aller !
Dolores retroussa ses manches et commença à gravir les montagnes de « nourriture », intriguée par ce qui pouvait lui tomber sous la main. De l'argenterie, beaucoup d'argenterie, ainsi que des luminaires, des armes, des miroirs, des casseroles etc. Les Snolings n'étaient certainement pas les pros du rangement, mais le fait est que tous ces ustensiles avaient un point commun, ils étaient utilisés par des hommes (sauf quelques objets qui ne ressemblaient vraiment à rien mais dans lequel Dolores aimait se refléter et faire des grimaces). Les yeux de Dolores finirent par se poser sur un coffre étrange posé sous une pile de sceaux en métal.
- Il n'y a rien d'appétissant ici… - Les Snolings doivent manger tout ce qui leur passe sous la main, un peu comme un ogre, mais en plus mignon.
Tout en discutant avec sa drôle de compagne, Dolores tira le coffre doré et, après s'être solidifier l'index, brisa le cadenas rouillé qui le retenait fermé. À l'intérieur, pas de confiture de sapin, mais deux petits yeux félins qui fixèrent l'homonculus. Le coffre se ferma alors brusquement et sauta des bras de la jeune femme avant de faire apparaître deux rangées de dents autour de l'ouverture du coffre. Les dents acérées de l'objet s'entrechoquèrent alors dans une frénésie assourdissante avant que le coffre ne saute en direction de Dolores, sans doute dans l'optique d'en faire son repas. Celle-ci saisit une casserole qui passait par là et par pur réflexe frappa d'un grand coup le coffre fou qui dévala la montagne d'objet sur quelques mètres. Mais le coffre ne s'arrêta pas là et après avoir repris ses appuis, il fonça à nouveau vers Dolores qui cette fois-ci n'eut d'autre choix que de courir le plus vite possible.
- C'est un Mimic ! Il va te manger s'il t'attrape ! - Je fuiiiiiiiiis ! PAR LE POUVOIR DE LA CASSEROLE ANCESTRALE ! NURYAAAAAH !
Telle une championne de baseball, Dolore se tourna et frappa à nouveau le coffre vorace avec sa fidèle casserole, qui cette fois-ci ne tint pas le choc et se déforma complètement contre le petit monstre doré. Ce dernier fut repoussé de quelques mètres mais revint rapidement à la charge, c'est qu'il était rapide ce bidule ! En guise d'extrême recourt, Dolores se jeta sur une coiffeuse à bijoux posée contre des épées et des haches (ils mangent vraiment de n'importe quoi ces Snowlings!) et attrapa du bout de la main un collier constitué de petits diamants. Le bras de l'homonculus adopta alors la même matière, et fut dirigé vers le coffre qui y referma violemment sa mâchoire. À sa grande surprise, la chair de Dolores ne se trancha pas comme du beurre, ce fut ses dents à lui qui se brisèrent au contact du bras en diamant. Le coffre retomba donc, édenté, et laissa apparaître une petite langue rose pendante.
- Voilà ce qui arrive quand on a les yeux plus gros que le ventre, vilain !
Le coffre couina, à la manière d'un chien, comme désolé de s'être jeté sur ce qu'il pensait être sa victime. Au final, Dolores tapota la… tête ? du coffre, qui frétilla de joie au contact de la jeune femme.
- Il est trop mignon, je l'adopte. - Je l'aurai bien mangé moi… - Je vais l'appeler Adam, comme ça il fera un bon remplaçant. Dit-moi Adam, tu ne saurais pas où se trouve la confiture de sapin par ici ?
Le coffre, enfin, « Adam » sembla acquiescer (pas facile de deviner les mimiques d'une boîte) et sautilla quelques mètres plus loin avant d'appeler sa nouvelle maîtresse qui le rejoignit prudemment, le bas du tas étant surtout composé d'épées et de pieux, et y tomber causerait la perte de n'importe qui. Après avoir écarté un couvercle argenté et d'autres breloques brillantes, Dolores découvrit enfin une petite boîte en carton, avec à l'intérieur un charmant pot de confiture de sapin, au couvercle luisant. La jeune femme prit dans ses mains et sans y prêter plus d'attention plaça le pot dans sa poche avant de repartir en direction de l'entrée. Toujours accompagnée de son Adam numéro 2, Dolores dévala l'autre pan du tas d'objets en faisant de la luge sur un grand miroir (elle pensait que c'était une bonne idée), qui à sa grande surprise explosa bruyamment en court de route, la faisant dévaler le reste de la pente en roulant sur elle-même. Mais ce fut indemne qu'elle arriva devant la porte d'entrée qu'elle ouvrit en poussant de toutes ses forces.
- Personne pour m'accueillir… Bien Adam numéro 2, retournons dans la salle où j'étais tout à l'heure, ils seront contents de voir ma trouvaille.
Le coffre sautilla, toujours avec sa langue pendante, et suivit sa patronne qui marchait fièrement au milieu des murs de neige, sans prêter attention aux Snolings dissimulés ici et là, dont le regard avait étrangement changé en voyant Adam. Ce fut après de nombreuses minutes de divagation (pas facile de retrouver le chemin) que Dolores parvint à la salle principale, remplie des Snolings qui l'avaient accueillie.
- Voilà votre fantastique élue ! Tenez regardez, j'ai trouvé la confiture de sapin, verte à… Tiens ? Je ne me rappelait pas qu'elle scintillait autant. On dirait presque du cristal. Hm ? Qu'est-ce qui vous arrive ?
Les Snolings restèrent silencieux, fixant tantôt le pot de confiture aussi brillant qu'un bijoux, tantôt le coffre qui se cachait derrière les jambes de Dolores. Ils ne dirent aucun mot, mais la lueur rouge qui brillait dans leurs yeux était suffisante pour indiquer à la doctoresse et son coffre de compagnie de prendre ses jambes à son cou. Ce qu'elle fit, non sans essayer de détourner l'attention des grosses peluches en pointant du doigt au loin en hurlant « Oh ! Mais ne serait-ce pas un robinet luisant que je vois là-bas ?! »
Profitant de la fraction de seconde durant laquelle les Snolings ont comprit que cette diversion était ridicule, Dolores fit rapidement demi-tour à toute allure, alternant entre tous les couloirs qu'elle voyait pour essayer de semer ses poursuivants à cornes. Manque de chance, les Snolings étaient très nombreux et même dans un état de furie affamée, il gardaient suffisamment d'esprit pour pouvoir tendre des pièges à l'homonculus qui se contentait de crier bêtement et courir (avec beaucoup de grâce, quand même) sur le sol gelé du château, avec à ses côtés Adam qui sautillait du mieux qu'il le pouvait pour ne pas finir dans l'estomac de ces créatures voraces. Malgré leur petits membres, les Snolings étaient étonnamment très rapides, ils profitaient de leur imposante couche de poil pour glisser sur le sol et rebondir sur les murs. Autant vous dire, se faire poursuivre par une horde de Snolings était extrêmement intimidant, c'est pourquoi Dolores pensa bon de ne pas prendre le temps de se retourner.
- Kweena ! Tu saurais où es la sortie de ce château !? - D'habitude les sorties sont au même endroit que l'entrée ! - Ah Dolores Keller, tant d'intelligence et tu n'es pas fichue de suivre ce raisonnement aussi basique ! Adam, on fait demi-tour !
Le coffre répondit par un cliquetis approbateur et continua de suivre les pas de l'homonculus qui se retrouva rapidement face à un mur de peluches en proie à la faim la plus grande. Le face à face fut tendu, on sentait que le moindre faux pas pourrait coûter la vie à la grande Dolores Keller, et-
*Grouiiiiiii* - Oh pardon, j'ai faim…
Dolores profita du signal envoyé par la providence pour courir droit en direction des Snolings qui se précipitèrent sur elle. La confiture de sapin luisante dans les mains, la doctoresse effectua un lancer de pot sensationnel, projetant l'objet à plusieurs mètres de hauteur, déviant les Snolings de leur trajectoire. Une brèche se créa au milieu de l'amas pelucheux, permettant à Dolores et Adam numéro 2 de se glisser avec classe et héroïsme entre toutes les boules de poils. Une fois de l'autre côté, le duo parvint jusqu'à la grande salle où elle était entrée et y trouva pour seul résident un tout petit Snoling qui semblait leur faire signe. De sa petite patte, il pointa un cercle de neige tracé sur le sol et invita Dolores à s'y placer.
Une fois en place avec Adam, la petite créature aussi grande qu'Yvonne environ entama rapidement une petite danse, tandis qu'une horde de Snolings affluait de tous les couloirs, bien différents de leur apparence de gentille peluche. Tandis que le petit Snoling continuait sa danse, un voile neigeux commença à s'élever autour de Dolores et d'Adam et se fit de plus en plus épais. Avant que celui-ci ne devienne complètement opaque, la doctoresse attrapa son petit sauveur et le tira vers elle, avant que la couche ne neige se ferme pour de bon. Un puissant tremblement se fit alors sentir aux pieds du trio qui sentit la coque de neige bouger étrangement. Un puissant bruit de canon se fit alors entendre, propulsant la capsule de neige et ses résidents hors du château.
***
- Eh oh ? Tout le monde va bien ? Vous avez fait un sacré vol, miam !
Allongée sur la neige, Dolores se frotta doucement la tête tandis qu'elle reprenait lentement connaissance. À ses côtés, Adam qui était déjà en pleine forme et le petit Snoling qui la regardait sans un mot, mais avec un grand sourire.
- Merci petit Snoling, tu nous as bien sorti d'affaire ! Je suppose que tu es trop encore jeune pour souffrir de la faim comme tes aînés. Maintenant tu fais partie de notre équipe ! Je te présente Adam n°2, et moi c'est Dolores. Comme tu ne peux pas parler hors de ton château, et comme j'ai besoin de nommer les gens, tu t'appelleras provisoirement Manfred, ça te va ?
La bestiole ne répondit rien, trop préoccupé à regarder les cheveux de ladite « élue ». Celle-ci pencha la tête, perplexe et ajusta ses lunettes pour essayer de comprendre ce qui n'allait pas. L'attention de Manfred se porta alors sur les lunettes de l'homonculus, lui faisant alors comprendre qu'il y avait un problème quelque part. La jeune femme se leva, chercha du regard une plaque de glace sur laquelle elle pourrait se refléter. Elle en trouva une sous un sapin non loin de là.
- Oh, alors ça c'est pas banal.
Ses cheveux, ainsi que ses lunettes, semblaient être recouverts d'une pellicule luisante, leur donnant une apparence de métal ou de pierre scintillante. Ne comprenant pas trop l'origine de ce phénomène, Dolores se pencha un peu plus et s'appuya sur le sapin avec sa main. La réaction ne se fit pas attendre.
L'arbre dorénavant aussi luisant qu'une casserole en cuivre, Dolores comprit qu'il n'y avait pas que les Snolings qui souffraient d'une malédiction.
- Aah ! C'est pour ça le pot de confiture ! Je n'y avais pas fait attention jusque là puisque dans le garde-manger tout était déjà brillant… Mais bizarrement, fit-elle en regardant Manfred, cela ne s'applique pas à toi. Une chance que nous ayons été propulsés loin de chez toi, cela nous donnera un temps de répit pour trouver quoi faire. Je n'ai qu'à me contenter de ne rien toucher avec mes mains ! Cela ne devrait pas être si compliqué !
***
- Oh et si je touche avec mon petit doigt… Oh ça marche aussi ! Et ça ? Ooooh ! Tu as vu ça Kweena ? - Je me demande si le goût change quand c'est brillant ! - Il faudra tester ! C'est génial ! Ça relève de l'alchimie ! Si seulement je pouvais montrer ça à mon père…
Le groupe s'était peu à peu enfoncé dans une forêt de bouleau qui bordait le long champ neigeux dans lequel Dolores était arrivé. Ils devaient être suffisamment éloignés du château des Snolings désormais, même si Manfred semblait souvent inquiet et regardait fréquemment derrière lui pour s'assurer que personne ne les suivait. Ce fut au bout de plusieurs minutes qu'une drôle d'odeur vint titiller Dolores et la faire sortir de ses expériences incessantes. Après quelques recherches, il s'avéra que l'odeur venait du haut d'un arbre et accompagnait une fumée violacée qui sortait de la cheminée d'une cabane perchée en forme de pomme de pin géante.
- Il y a sans doute quelqu'un là-haut. Par contre je ne vois pas comment monter… - Si vous désirez monter, vous n'avez qu'à le dire !
Une drôle voix surgit de la petite cabane en bois, et s'adressait vraisemblablement au petit trio. Amusée, Dolores demanda bêtement à pouvoir monter, et découvrit avec surprise que ce fut la cabane qui glissa le long du tronc jusqu'à atteindre le sol. L'homonculus et Adam montèrent sur la plateforme de bois qui entourait la petite bicoque, Manfred étant toujours dans les bras de Dolores, qui afficha un sourire en voyant ce qui était inscrit au dessus de l'entrée.
« Sapin Confiture, venez déguster les meilleurs confitures magiques de la région ! »
- Ooh ! Ça a l'air bon !
Une fois le groupe placé devant la cabane, celle-ci remonta aussi vite qu'elle était descendue en haut du sapin. Dolores entra la première. À l'intérieur, pas grand-chose, si ce n'est un immense chaudron rempli d'une mixture entrain de bouillir et des étagères remplies de flacons et de bouteilles en tout genre. Derrière le chaudron se tenait un drôle d'oiseau aux plumes ébouriffées et au bec légèrement tordu, ce qui ne fut pas sans rappeler ce cher Manfred à Dolores. En dessous du chaudron se tenaient deux petites jambes bien chaussées et surmontées de bas rayés tout à fait ravissant.
- Hm… Bonjour ? - Que voulez vous?
À la grande surprise de Dolores, ce fut l'oiseau qui répondit, tandis que le chaudron continuait à touiller sa mixture tout seul, un grand bâton de bois servant sans doute de cuillère.
- Il paaaarle ! Je peux le manger ? - On se promenait et on a trouvé votre cabane. C'est vous le propriétaire ? - C'est elle.
L'oiseau pointa du bout du bec le chaudron, qui par un mouvement indescriptible laissa transparaître un sentiment de fierté non dissimulé. Dolores ne put s'empêcher de sourire bêtement face au chaudron, trop heureuse d'enchaîner les découvertes pour se laisser perturber par l'absurdité de la situation. C'était, un chaudron avec des jambes !
- Enchantée, Madame Chaudron ! - Yvonne, elle s'appelle Yvonne.
Les yeux de Dolores devinrent rond, c'était un coup du destin, cela ne pouvait rien être d'autre !
- Yvonne, je sais que nous ne nous connaissons pas encore, mais sachez que je souhaite fermement faire votre connaissance. Comment s'appelle votre oiseau ? - Je suis Louise.
Le coup de grâce pour Dolores qui s'agenouilla devant le chaudron et baissa la tête, à l'incompréhension générale.
- Je suis votre humble et fidèle serviteur, ô puissante divinité qui m'a amenée dans cette fantastique boutique, entourée de mes proches même si aucun d'entre eux ne correspond à mes proches à moi.
À peine eut-elle touché le sol du bout des doigt que le parquet entier devint soudainement brillant, faisant sursauter l'oiseau qui s'agita brusquement tandis que le chaudron sautait d'un pied sur l'autre, comme pour ne pas se faire toucher par le drôle de maléfice.
- Vous êtes l'élue !? - Cela se pourrait, oui. - ROAAAA ! Avez-vous sauvé les Snolings ? - Non pas encore, mais je suis sur la bonne voie !
Comme pour discréditer les paroles de Dolores, un violent tumulte se fit entendre à l'extérieur de la cabane, secouant l'arbre sur lequel le petit groupe était perché. L'homonculus sortit la tête de la bicoque et découvrit, non sans crainte, la horde de Snolings complètement affolée par le surplus d'objets brillants qu'ils trouvaient dans la forêt sans pouvoir y poser leurs dents. Dissimulant toute panique (un chaudron avec des jaaaaaaambes!) Dolores fit mine de rien et tenta de détourner l'attention vers un pot rempli de drôles de tentacules verts. Mais Louise n'était pas aussi idiote qu'elle en avait l'air. L'oiseau poussa un nouveau cri et se percha sur la cuillère d'Yvonne qui sautillait dans tous les sens, sans doute de panique.
- Vous croyez qu'ils peuvent nous atteindre où on est ?
La tête du Snoling qui passa par la fenêtre, à deux doigts des cheveux brillants de Dolores lui donna rapidement la réponse à sa question, tandis qu'un autre, à l'entrée, essayait d'attraper Adam qui essayait tant bien que mal de s'éloigner. Tentant de sécuriser Manfred qu'elle tenait dans ses mains, la doctoresse l'éloigna de l'autre Snoling et le tendit par inadvertance vers Louise qui poussa un nouveau cri de panique. Chatouillé par les plumes du volatile, la petite créature renifla quelques secondes avant de lâcher un puissant éternuement (n'ayant pas vraiment d'adjectif pour décrire la puissance de l'éternuement, on pourrait dire un atchoum apocalyptique). La bicoque explosa littéralement, projetant le petit groupe dans les airs. Louise toujours perchée sur sa cuillère, arracha une de ses plumes avec son bec et la fit tomber dans la mixture d'Yvonne.
- TELEPOOOORT !
Une forte lumière engloba le petit groupe et les fit disparaître soudainement, au grand dam des Snolings dont l'esprit était à nouveau stigmatisé par un haut niveau de frustration.
***
- C'était TROP GÉNIAL ! On peut le refaaaaire ? - Tout ces voyages me donnent faim…
À présent écarté de la forêt, le groupe commença à reprendre ses esprits, tandis que Louise et Yvonne semblaient discuter entre elles. L'oiseau se tourna enfin, un peu frustré.
- Nous nous sommes mises d'accord, nous vous accompagnons. - Wouhou ! - Mais uniquement pour rapidement mettre un terme à cette malédiction qui malmène la boutique d'Yvonne ! - Tu peux compter sur nous ma chère Louise !
Instinctivement, Dolores tapota la tête de l'oiseau qui devint à son tour aussi brillant qu'Adam. Le volatile poussa un cri tandis que la doctoresse s'éloigna de quelques pas, l'air de rien. Bien, avec tout ça, une partie de la prophétie s'était accomplie, non ?
- Kweena, tu te rappelles la suite de la prophétie ? - Hmmm… Sapin Confiture ! Miam ! Après… Quelque chose en ume ! - Ah… J'aurai vraiment dû écouter ce passage là. Peut-être plume ? Ou enclume ? - C'est Brume d'Écume ! Idiote !
Dolores se tourna vers Louise qui s'agitait encore sur son drôle de perchoir, tandis qu'Yvonne restait impassible face à l'activité de sa porte-parole.
- Vous connaissez la prophétie ? - Bien sûr ! Tout le monde la connaît dans le coin ROAAAAH ! La malédiction des Snoling cause énormément de dégâts, on attend tous l'arrivée de l'élue depuis longtemps !
Fière, la doctoresse gonfla sa poitrine et leva le menton, les mains sur les hanches, définitivement satisfaite de ce nouveau titre. Ça lui en boucherait un coin à ce cher Edward de voir sa Dotty préférée élue pour sauver le monde ! Ha ! Dommage qu'il ne soit pas là, ni aucun autre d'ailleurs. Il faudrait qu'elle trouve une branche pour l'appeler Edward, peut-être qu'elle pourra faire office de remplaçante. Mais revenons à nos moutons.
- Brume d'écume hm ? À priori ça me fait penser à la mer, il y a une mer dans le coin ? - Vous pensez vraiment qu'il y aurait une mer ici ? - Non, en effet ce serait étonnant. Hmm. Kweena, une idée ? - C'est quoi de la brume d'écume ? Ça se mange ? - Non bien sûr que non, l'écume c'est… Eh, c'est pas une maison que je vois là-bas ?
En effet non loin de là où le groupe s'était téléporté se trouvait une minuscule chaumière à la cheminée fumante. Sa forme et son architecture étant bien plus conventionnelle que la bicoque de Louise et Yvonne, il était évident que son ou ses habitants étaient humains, ou du moins en étaient proches. N'ayant pas d'autre endroit où aller, le groupe décida de s'y rendre, de toute manière il était hors de question de retourner dans la forêt.
La maison était éclairée et la porte en bois entrebâillée laissait s'échapper quelques voix masculines plus ou moins chaleureuses. Dolores toqua à la porte, pas de réponse, puis posa son oreille contre la planche de bois qui s'ouvrit violemment sous le poids de l'homonculus, la faisant tomber lourdement sur le sol. L'air de rien, la doctoresse se releva et épousseta ses habits qui commençaient à être bien trempés par la neige (une chance qu'elle ne craigne ni le froid ni la chaleur) avant de scruter les alentours.
- Personne, ROAAAAH ! - Bizarre j'étais sûre d'avoir entendu des voix. Hm ? Qu'est-ce qu'il y a Adam, tu sens quelque chose ?
Dolores se retint de pouffer de rire après s'être entendue dire ce genre de phrase et s'approcha du coffre qui sautillait activement près de la table en bois posée au milieu de la chaumière. Dessous, un long tapis de laine rouge était étendu, mais à voir l'excitation d'Adam n°2, il devait sans doute y avoir quelque chose dessous.
- Bien, aidez-moi à pousser cette table !… Laissez faire, je vais m'en occuper.
Un coffre, une petite peluche et un chaudron avec des pieds accompagné d'un oiseau. Le groupe était haut en couleur, mais aucun d'eux n'avait de bras (sauf Manfred mais il était tellement petit qu'il aurait à peine pu la pousser de deux centimètres). Dolores s'affaira alors après avoir retroussé ses manches, et parvint à écarter la table d'un bon mètre, lui permettant de lever le tapis. Elle trouva en dessous une petite poignée en acier qui était attachée à une importante planche de bois faisant office de trappe. Curieuse, Dolores tenta de tirer sur la poignée jusqu'à entendre un petit « clic » entraînant un bruyant mécanisme. La trappe s'ouvrit automatiquement, ainsi que tout le parquet de la petite chaumière, laissant entrevoir un immense escalier s'enfonçant profondément dans le sol. Ceux qui empruntaient ces marches étaient soit très nombreux, soit extrêmement grands. Mais comment faisaient-ils pour passer par la porte à compte là ? Cette question se posera plus tard, car le mécanisme était déjà en train de faire marche arrière.
- Bien nous n'avons pas d'autre piste, alors en route !
Le groupe s'engagea alors dans l'étrange passage, jusqu'à ce que le parquet et la trappe ne se ferment derrière eux, les plongeant dans le noir.
- Bigre, quelqu'un aurait une lanterne ?
Adam n°2 répondit par un petit bruit et sembla cracher un objet qui tomba aux pieds de la doctoresse. Cette dernière l'attrapa et comprit qu'il s'agissait d'une lampe à huile en parfait état, et elle dorénavant parfaitement brillante.
- Adam, encore une fois, tu ne cesses de me surprendre ! Bien, avançons !
Maintenant bien équipé, le groupe descendit les marches du long couloir sombre, admirants les immenses peintures accrochés aux murs qui les cernaient. Les cadres devaient faire environ 3 mètres de haut et étaient tellement grands que la petite lumière de la lampe à huile empêchait de voir le visage des personnes peintes. Une chose était certaine, le peintre était sacrément doué dans son travail.
- J'entends une voix, Miam !
Dolores s'arrêta et demanda aux autres de faire de même. Seules les bulles de la mixture d'Yvonne continuaient à faire du bruit, bien malgré elle. Il s'agissait de voix masculines, elles étaient deux, ou peut-être trois, et semblaient s'amuser gaiement. L'homonculus fit signe à son groupe d'avancer à pas de loups, ce qui se conclue par un échec (merci Adam), mais fort heureusement personne ne les entendit. Une fois en bas des marches, Dolores aperçut de la lumière et éteignit sa lampe avant de regarder discrètement se qui se passait dans la salle. Ses yeux devinrent aussi ronds que des balles lorsqu'elle découvrit d'où provenaient ces voix d'hommes.
Trois gros, monstrueux et imposants singes humanoïdes, couverts d'une fourrure blanche, étaient assis sur le sol et buvaient avec entrain d'immenses tonneaux remplis d'alcool, sans doute, vu la puissance de leurs éructations. Ils correspondaient sans doute à l'appellation « yéti » récemment découverte et employée par certains explorateurs du Népal dans leurs livres (que bien évidemment Dolores a dévoré en quelques heures). Leur discussion était incompréhensible, en fait il était difficile de savoir s'ils étaient en train de parler ou de roter en rythme. Malheureusement pour Dolores, il fut impossible d'essayer d'analyser leur dialecte puisque l'un des yéti aperçut les cheveux brillants de l'homonculus et reposa brutalement son tonneau (pourrait-on parler de chope à cette taille là ?).
- BEEEUAH BAAAAAH ! - BROOAAAAAH ! - BRUH !
Un des primate se leva, le dos courbé par le « bas » plafond, avant d'attraper Dolores par la taille avec deux de ses énormes doigts. Il saisit également le reste du groupe avec son autre main, et les présenta à ses deux compères qui semblaient être en colère… Ou content, en fait c'est pas facile de déterminer l'humeur d'un yéti, vous savez. Dolores le toucha par mégarde, le couvrant à son tour d'une pellicule scintillante, mais les trois monstres étaient tellement saoul qu'ils n'y firent même pas attention.
Leur discussion dura plus d'une heure, heure qui sembla être quelques minutes pour Dolores qui ne se lassait pas de les écouter. Buvant leur alcool avec conviction, les yéti commencèrent à avoir de la bave blanche qui leur coulait des lèvres sous forme d'une petite écume. Ce fut enfin après un dernier tonneau avalé en une gorgée que le trio s'endormit brutalement, laissant le groupe coincé dans la poigne du plus grand yéti.
- Bien, nous sommes toujours en vie, c'est déjà ça. Ils ont l'air sympa hein ! - Ça a l'air bon ce qu'ils boivent ! - ROAAAH, nous ne pouvons pas rester ici ! - Louise a raison, nous sommes sur le bon chemin ! Regardez, leur bouche fait de l'écume et on peut parler de brume vu la quantité d'alcool qu'ils ont ingurgité non ?
Aucune idée si il s'agissait bien là de la prophétie, mais le groupe décida quand même de continuer sa route en empruntant la porte à moitié cachée par le postérieur d'un des yétis. Mais tout d'abord il fallait sortir de l'étreinte solide du primate qui les tenait prisonnier. Une idée vint à l'esprit de Dolores, la faisant malicieusement sourire (en d'autre terme, c'était une mauvaise idée).
- Louise, il faut faire éternuer Manfred ! - ROAAH ?! Non non non non ! - Je suis sûr qu'en les réveillant brutalement ils prendront quelques minutes à reprendre leurs esprits ! Théoriquement, c'est tout à fait possible ! - Je refuse ! Yvonne et moi sommes d'accord pour trouver votre idée complètement folle ! - J'ai des graines de tournesol tu sais ! Il serait dommage de les gaspiller ~ - Ce chantage est inutile, je ne mange que des noisettes !
Déçue Dolores fit la moue, ce qui finit par convaincre Louise qui râla une dernière fois et voleta vers Manfred qui ne savait pas non plus si ce plan était vraiment une bonne idée. Le volatile approcha ses ailes près du nez du petit Snoling qui renifla quelques secondes avant de lâcher un deuxième éternuement apocalyptique. L'onde de choc fut tellement puissante qu'elle balaya les yétis à l'autre bout de la pièce, donnant l'accès à la porte convoitée. Dolores et les autres parvinrent à se défaire de l'emprise du yéti et coururent à toute vitesse vers la porte, tandis que les gigantesques singes reprenaient leurs esprits.
- Coooourreeeeez ! - BROAAAAH !
La fine équipe parvint jusqu'à la porte et l'ouvrit violemment (la transformant elle aussi) avant d'emprunter un long couloir qui donnait sur des escaliers montant. Une course folle s'engagea alors, le yéti scintillant étant bien décidé à rattraper les intrus. Avec sa carrure, la créature détruisait tout sur son passage et essayait tant bien que mal d'attraper les membres du groupe qui profitaient de leur petite taille (comparé à lui) pour parvenir jusqu'au bout des escaliers. Une fois sortis, Manfred se posa devant la petite chaumière d'où ils venaient (il s'agissait sans doute des portes d'entrées des souterrains) et entama une danse dont il a le secret. Un épais manteau de neige s'éleva au dessus de la bâtisse et s'écrasa violemment dessus ensevelissant le yéti et par la même occasion la sortie.
- Fiouh, c'était super sympa ! On fait une bonne équipe mine de rien ! - Un dragoooon !
Le cri de joie de Kweena fit taire Dolores qui se tourna doucement et découvrit un immense reptile bleuté, ronflant à deux pas d'elle. La créature était colossale et occupait entièrement la grotte dans laquelle le groupe avait débouché. Pour une fois, même Louise ne sut pas trouver les mots face à un monstre d'une telle envergure. Il devait sans doute faire la taille de la tour Eiffel une fois réveillé… La doctoresse ne sut comment réagir face à une découverte de cette ampleur, et ne trouva comme réaction valable que de s'approcher du dragon et de se coller contre son museau, les bras écartés.
- Je le veeeeeux… - ROAAAH, éloigne-toi il peut te dévorer ! - Mais il est graaaaand ! Je n'ai jamais vu de telles écailles ! Et je pourrai explorer son système digestif ! C'est fantastique ! Mange-moi, Dragon !
Fort heureusement, la créature se contenta d'un bref ronflement dont souffle poussa Dolores en arrière. Manfred la rejoignit et pointa du doigt une cavité placée en hauteur, au niveau de l'arrière-train du dragon. Un bref sursaut provenant du tas de neige sous lequel était coincé le yéti fit comprendre au groupe (sauf Dolores qui voulait VRAIMENT garder le dragon) qu'il ne fallait pas s'attarder plus longtemps.
Yvonne commença à monter sur le nez du dragon, suivie d'Adam et de Manfred qui tirait du mieux qu'il le pouvait Dolores qui voulait toucher les écailles du dragon mais craignait de lui ôter sa belle couleur bleue en le faisant. L'ascension dura plusieurs minutes et se fit sans heurts, permettant au groupe d'arriver au niveau de la cavité. Rassurés, les membres de l'équipe s'apprêtèrent à y pénétrer lorsqu'un puissant tremblement les firent s'immobiliser. Non, ce n'était pas le dragon, cela venait d'autre part…
- Les Snolings ! - ROAAAAH ! Dépêchez-vous !
Le groupe commença à courir vers la sortie tandis qu'une horde de Snoling sortit du sol neigeux de la grotte dans un immense fracas. Un immense nuage de poudre se fit de l'autre côté, au niveau de la chaumière où les trois yétis surgirent, cette fois vraiment énervés, avant d'apercevoir le groupe qu'ils pointèrent du doigt. Et ce fut sans compter sur le dragon qui, gêné par tout ce tumulte, ouvrit les yeux…
Pour résumer la cohue générale de la grotte, on pourrait dire uhzeiskfiuezabfeujkrzd ou même UHZEISKFIUEZABFEUJKRZD avec beaucoup, beaucoup de points d'exclamation.
- Woaaah il bouge ! - ROAAAAH ! Yvonne plus que quelques mètres !!
Les Snolings sautèrent sur la tête du dragon et commencèrent à poursuivre le groupe sur le dos du gigantesque reptile. De leur côté les yétis formaient d'immenses boules de neiges et les lançaient de toutes leurs forces dans l'espoir de freiner la course folle de l'équipe. Le dragon, qui commençait à en avoir assez, commença à se lever, faisant trembler la grotte dans son intégralité, créant une chute impressionnante de stalactites de glace. Le dragon avança, écartant par ailleurs le groupe de la sortie, et leva la queue, prêt à balayer les Snolings qui le gênaient. Le groupe commença à courir le long de la queue du dragon, et sans aucune minute de réflexion, sauta du bout de la queue et atterrit finalement sur le rebord de la cavité, tous entiers.
Dans la grotte, c'était un véritable pandémonium arctique qui se déroulait. Des pans entiers de la crotte s'écroulaient sur le dos du dragon qui ne sentait rien et crachait d'intenses flammes froides sur les gêneurs. Bientôt un bloc de glace tomba à l'entrée de la cavité, isolant pour de bon le groupe de cette agitation infernale. Tout le monde laissa s'échapper un long sourire de soulagement.
- Je ne sais pas si c'était dans la prophétie, mais j'ai cru mourir de nombreuses fois ! - Tout ce remue ménage me donne terriblement faim… - ROAAAH il ne faut pas rester là ! Ce mur de glace ne tiendra pas longtemps ! - Louise n'a pas tort, et je suis sûre qu'on approche de la fin !
Le groupe se remit donc en marche, toujours un peu inquiet à l'idée qu'une horde de monstre ne débarque d'une seconde à l'autre à leur poursuite.
Le couloir de glace dans lequel ils avaient abouti n'était pas très long et ce ne fut qu'après quelques minutes qu'ils arrivèrent au bout de leur quête. La pièce était encore une fois très volumineuse et dotée d'une architecture impressionnante. Des voûtes de glace et d'imposantes colonnes se dressaient face au groupe qui s'arrêta quelques instants pour contempler le décor. Un vent froid se glissa alors entre eux et les poussa par derrière, les forçant à progresser au milieu du château gelé. Derrière eux, d'imposantes grilles rutilantes se fermèrent, déclinant toute possibilité de faire demi-tour. Les cinq compères arrivèrent enfin au bout de la pièce et y découvrirent un petit homme au chapeau pointu, dont seuls les yeux brillants se discernaient de son visage. Sa voix caverneuse résonna tellement qu'elle semblait venir de tout le château.
- Je suis surpris de voir que vous soyez parvenus jusqu'à moi, mon dragon n'aurait donc pas été suffisamment puissant… - C'est votre dragon ? Quelle chance ! Je peux vous l'emprunter quelques jours ? Il ferait un fantastique sujet d'étude et- - SILENCE !!
Un puissant souffle froid interrompit Dolores qui ferma brièvement les yeux par réflexes. À peine les eut-elle ouvert que l'encapuchonné déplia deux imposantes ailes bleues derrière son dos, visiblement prêt à en découdre.
- C'est un mage ! Il n'a pas l'air très content, miam ! - Je déteste ceux qui se permettent de m'interrompre, chapeau pointu turlututu ! Tu vas voir ce qu'il en coûte de s'opposer face à l'élue et ses fidèles acolytes !
Le mage poussa un râle de colère et s'éleva dans les airs avant de faire sortir un grelot de sa poche. Le tintement résonna dans tout le château, invoquant un impressionnant blizzard autour du mage qui tendit sa main en direction du groupe. De nombreuses épines de glace se précipitèrent sur eux mais terminèrent leur course dans un épais manteau de neige que venait de créer Manfred en toute hâte. La petite créature entama une seconde danse, et, entouré d'une lumière, sépara le bouclier de neige pour créer quatre boulets qu'il projeta sur le mage. Ce dernier les évita avec agilité avant de répéter son sort, créant cette fois des lames de glace qui apparurent aux pieds des combattants. Tous s'écartèrent, tandis qu'Yvonne et Louise s'avancèrent de quelques pas. La cuillère tournant à toute allure, Louise écarta les ailes et laissa tomber une plume dans la mixture d'Yvonne avant de crier :
- Roaah ! BRASIER X !
Une énorme boule de feu apparut autour du chaudron et de l'oiseau avant de se précipiter sur le mage qui se la prit de plein fouet. L'individu tomba au sol tandis qu'Adam ouvrit la bouche et projeta une myriade d'épée dans sa direction, qu'il para en créant un bouclier de glace devant lui. Dolores profita de l'ouverture pour attraper une épée au vol et solidifia son bras avant d'asséner un puissant coup de point dans le bouclier de glace qui vola en éclat, projetant le mage à quelques mètres.
- I… Impossible, je ne peux pas être vaincu ! Venez à moi géants des glace !
Le mage fit à nouveau tinter son grelot, faisant trembler le château entier. Des deux colonnes qui se situaient de chaque côté du mage apparurent deux immenses guerriers de glace, une hache à la main.
- Ok ! Cette fois c'est la bonne ! Allons-y ! - Nous nous chargeons des géants roaaaah, l'élue doit porter le coup de grâce ! - Allez-y miam ! Montrez lui de quoi vous êtes capable !
Le groupe fondit sur les deux géants qui se placèrent devant le mage comme boucliers vivants. Manfred juché sur Adam, lâche un petit cri pour donner le signal au coffre de cracher tout ce qu'il avait. Celui-ci ouvrit la bouche et fit apparaître un imposant canon de bâteau, prêt à faire feu. Le petit Snoling s'entoura alors d'une épaisse couche de neige et sauta dans le canon, avant qu'Adam n°2 ne fasse la mise à feu. Le coup partit brutalement, tandis que dans son vol Manfred hérissa la coque dans laquelle il était cacher pour augmenter les dégâts de l'impact. L'épaule droite du géant partit en éclat, le faisant reculer d'un gigantesque pas.
De l'autre côté, Yvonne courrait à toute vitesse, tandis que Louise touillait activement la mixture magique que son amie contenait en récitant des formules magiques. Le géant de glace abattit son immense hache sur le duo qui évita d'un bon sur le côté. Louise afficha alors un regard remplit de malice et écarta à nouveau les ailes en criant :
- SOMNI !
D'immenses chaînes sortirent alors du sol et s'enroulèrent autour de la hache du géant, l'empêchant de la brandir à nouveau.
Les deux géants paralysés, Dolores continua sa course vers le mage qui était resté en arrière. Celui-ci projeta de nombreux pics de glace en sa direction mais l'homonculus les évita (avec classe et distinction) avant d'armer son poing solidifié.
- C'est… C'est impossiiiible ! Géants des glace ! J'ai besoin d'aide ! - Ne compte pas sur eux chapeau pointu ! Mes acolytes sont bien meilleurs que les tiens !
En effet, Adam invoqua un imposant cercle magique aux pieds du géant entre lesquels il s'était réfugié, avant de faire apparaître deux immenses paires de ciseaux qui refermèrent leurs lames sur les chevilles du géant, les brisant net. Le monstre tomba en avant, et fut achevé par petit Manfred qui exécuta une ultime danse, invoquant un gigantesque Snoling de neige qui vint s'écraser sur la tête du géant de glace, la réduisant en poussière. Yvonne et Louise, quant à elles, mitraillaient leur adversaire de boules de feu avant d'abattre leur dernière carte, concentrant toute leur force dans un ultime sort :
- Roooooah ! Feu d'artifice ! Atoniuuuum !
Le corps du géant de glace vit apparaître une intense lumière en son cœur, qui enfla à vu d'œil. Des fissures se creusèrent sur l'ensemble des membres du géant qui, sur le point d'abattre son gigantesque point sur le duo de magiciennes, éclata dans une puissante explosion magique armée d'éclairs noirs et d'ondes de chocs spectaculaires.
Dolores enfin, termina sa course par un saut remarquable, le poing fermement serré. Le coup fut direct, magistral, et envoya voler le mage à plusieurs mètres de là, contre son trône de glace qui avait été réduit en poussière. L'encapuchonné tenta de fuir en rampant, mais le groupe se plaça juste devant lui, fier de son éclatante victoire.
- J'adore cette musique ! - Eh bien monsieur chapeau pointu turlututu, tu t'es fait eu ! - Roaaah ! Brise la malédiction maintenant ! - Hé… Hé… S-seule l'élue peut briser la malédiction. Ce parchemin contient le sort lancé aux Snolings, il faut qu'il soit signé par la main de l'élue. Mais si elle se trompe, le sort sévira à tout… jamaaais…
Le mage s'évapora alors dans un brouillard noir, laissant le groupe face au bout de papier vieillit par les âges. Dessus, d'étranges inscriptions étaient marquées, et un endroit vide, sans doute là où il fallait signer, attendait la griffe de l'élue. Dolores prit la plume qui était posée près du parchemin, la rendant étincelante elle aussi et l'approcha du papier avant d'exprimer une petite hésitation.
- Hmm, mais je dois signer quoi en fait ? Dolores ? Dotty ? Formidable docteur Keller ? L'inénarrable et fantasmagorique Dolores Keller ? Pas simple…
Tandis que Dolores prenait son temps pour trouver comment marquer à tout jamais le parchemin, une puissante secousse se fit entendre derrière eux, dévoilant quelques secondes plus tard, dans un brouillard givrant, les yeux rouges des Snolings affamés, ainsi que les yéti et derrière eux, l'énorme dragon qui n'était visiblement pas content d'avoir été réveillé.
- ROAAAAH ! Dépêche toi ! Signe ! - Mais quoi ? Oh je sais, je vais mettre un D, c'est simple et efficace ! Quoique… Ce terme de signature est vraiment trop dérangeant, déjà pour mes prescriptions j'ai du mal, Louise me gronde souvent d'ailleurs. Tiens c'est marrant, ici aussi c'est Louise qui me gronde parce que je remplis mes papiers n'importe comment ! J'aimerai bien vous faire vous rencontrer, il faut dire que je me suis attachée à vous avec toute cette histoire. Oh ! Et si je signais pour tout le monde ? Mais il risque de ne pas y avoir la place sur le papier. Quelle idée d'avoir fait un parchemin aussi riquiqui ? Les mages ne savent donc pas maudire sur des grandes feuilles de papier ? Vraiment c'est très embêtant tout ça, et si je m'appelais Qunégonde Marie-Germaine Lavranvreech De La Belle Forêt Lointaine ? Hm ? J'aurai pu uniquement mettre les premières lettres cela dit… Voyons QMGKDLBFL. C'est très laid, je peux changer de nom ? Par exemple… - SIIIIIIGNE ! - Oh ! Je sais !
Satisfaite, Dolores inscrivit avec élégance « La Vie » sur le parchemin, comme ce que disait la prophétie. De toute manière elle n'avait pas d'autre idée. Tandis que les Snolings étaient sur le point de sauter sur le petit groupe, les yétis près à abattre leur point et le dragon à cracher des flammes meurtrières, le parchemin se leva doucement dans le ciel, peu à peu baigné d'une lumière blanche. La feuille disparut subitement dans une violente explosion lumineuse, aveuglant tous ceux présents dans le château.
- Les Snolings sont guéris, miam !
Dolores ouvrit les yeux avec difficulté, encore sous le choc de la lumière intense qu'elle venait de voir. Ce fut après quelques secondes qu'elle se rendit compte qu'elle se trouvait à l'extérieur du château, au milieu d'un champ de neige, rempli de Snolings joyeux, ainsi que des trois yéits radoucis et de l'immense dragon qui jouait avec les créatures pelucheuses. Dans un coin, Adam n°2 crachait des objets brillants pour que les Snolings puissent se nourrir chacun leur tour, dans une entente des plus cordiales.
- Roaaah ! Signer « La vie », c'était stupide, mais ça a fonctionné ! Yvonne et moi sommes d'accord pour vous dire que vous avez été une formidable élue.
Dolores se releva, découvrant que ses cheveux, ainsi que la tête de Louise, étaient redevenus comme avant. Époussetant ses vêtements, la jeune femme posa ses mains sur ses hanches et leva le menton, profitant de la pleine satisfaction tirée de cette scène qui se déroulait sous ses yeux.
_________________ Mes diagnostics se font en #BE9C84. Et Adam crie en deepskyblue /o/
Dernière édition par Dolores Keller le Ven 4 Sep - 13:52, édité 1 fois
"Et donc heu...tu es sûr de devoir rentrer maintenant ? Tu ne veux pas rester encore un peu avec moi ?"
Reilly ne put retenir un léger rire. Décidement, Aliessandre était vraiment adorable.
"Non je dois rentrer, j'ai du travail sorry... Et puis il faut que tu ailles aider ton père à la boutique non ?"
La main d'Aliessandre serra doucement la sienne, alors que Reilly achevait sa phrase, et le jeune horloger les fit s'arreter. Le petit irlandais regarda ses pieds quelques secondes, hésitant. Il ne savait pas vraiment comment faire comprendre à son ami qu'il était temps pour lui de rentrer au Lost... Oui, parce que Reilly leur avait rendu visite, à son père et lui, dans leur petite boutique qui lui semblait une véritable caverne au trésor, et Aliessandre avait insisté pour le raccompagner au bout de la rue quand il avait dit qu'il allait rentrer. Il l'avait donc ramené au bout de la petite rue paisible de la boutique, puis il avait prolongé leur promenade jusqu'au pâté de maison suivant en passant un bras autour des épaules du petit lorialet, avant de décider que le ramener jusqu'au quartier du Lost était plus prudent, en tenant sa main pour éviter de le perdre, au cas où... Depuis la fête de la musique, durant laquelle il avait rencontré les Courrel, Reilly avait remarqué la sorte d'intérêt qu'Aliessandre lui portait, sans toutefois savoir exactement comment le gérer. Parce que le hic, c'était que ce jeune homme était devenu son ami...il ne pouvait donc pas réagir avec lui comme il réagissait avec les hommes qu'il séduisait certains soirs. Mais en même temps, il ne pouvait pas non plus l'ignorer...et puis, il ne comprenait pas pourquoi Aliessandre semblait aussi sérieux, il n'y avait vraiment pas de quoi ! Non, Reilly le savait très bien : personne ne serait jamais sérieux avec lui dans ce domaine-là.
"Eh ben cutie, tu fais la tête ?"
La voix affectueuse et inquiète du jeune Courrel sortit le petit couturier de ses pensées.
"What ? - Tu faisais une drôle de tête... - Je réfléchissais... - À quoi ? - À rien... - Hey parle-moi cutie~ - Je me demandais juste pourquoi tu tenais autant à me raccompagner. - Parce que j'en ai envie. Et puis tête en l'air que tu es, mon cher irlandais, tu risquerais de te perdre en rentrant tout seul !"
Reilly ne trouva rien à répondre, déjà parce qu'il avait raison, et ensuite parce que la sincérité de son ami lui semblait étonnante, perturbante presque. Ses joues s'enflammèrent, réflexe insensé qu'elles avaient pris quand elles sentaient la sincérité de quelqu'un, et il décida de reprendre leur chemin, direction le cabaret. D'ailleurs, le fait que le petit lorialet rougissait en sentant la sincérité des gens avait plusieurs fois étonné. Souvent même, les gens se trompaient : ils pensaient que Reilly était attiré par eux ou gêné. Bon, là par contre il y avait aussi un peu de gêne peinte sur les joues du petit couturier, parce qu'Aliessandre avait vraisemblablement décidé que caresser sa main en marchant était une bonne idée. Reilly soupira discrètement et fixa le sol, parce que le sol était bien trop beau pour ne pas être admiré, et ça les badauds l'oubliaient bien souvent ! De si jolis pavés, constamment martelés par les talons des passants, caressés par les intempéries, résistant aux âges... Ah ça ! Paris était vraiment une jolie ville ! Le petit lorialet se perdit complètement dans sa réflexion, soudain curieux des techniques que les Dames devaient employer pour marcher avec aisance sur les routes parisiennes. Il eut d'ailleurs une pensée attendrie pour Narcisse en se remémorant l'épopée de la fête de la musique, ce qui lui fit aussi penser à Carmen, à qui il avait promis des sciences et un thé pour un goûter de week-end, à papoter mode, costumes de scène et techniques de couture. Et puis aussi-
Sa main se fit brusquement tirer par celle d'Aliessandre, son bras suivit illico, trop anxieux à l'idée de perdre sa main, puis se fut tout son petit corps qui s'engouffra dans une ruelle minuscule sous le geste du jeune Courrel. Reilly cligna des yeux en se retrouvant pris au piège entre le mur froid d'une habitation et le corps d'Aliessandre, qui s'empressa d'ailleurs d'approcher son visage du sien et- TOO CLOSE ! TOOOO CLOSE !
"WOOOOOOW !!!! - R-Reilly ? Heu...ça va ? - What- q-qu'est-ce que tu fais ? - Je....je peux voler tes lèvres ?
........ah non mais là, il avait gagné le pompon. Reilly cligna furieusement des yeux. Déjà, " voler" intimait un non-accord de la personne qui se faisait voler, et ensuite...
"Aliessandre.....faut vraiment que je t'apprenne à séduire... - Tant que ça ? - Un peu oui, et puis......why ? Pourquoi tu veux- - Parce que j'en ai envie."
Franc parler : capacité étonnante d'Aliessandre Courrel. Reilly prit une grande inspiration, espérant qu'une oxygénation suffisante de son cerveau lui permette de trouver une solution à cette situation délicate.
"Tu ne veux pas ?"
Le petit couturier se mordit la levre, complètement indécis face au regard plein d'envie et d'hésitation du jeune homme. Il ne voulait pas le vexer, ni lui faire du mal, mais il ne voulait pas non plus qu'il se trompe sur des intentions... Reilly se contenta donc de hausser les épaules en regardant ses petits pieds nus, incapable de répondre. Oui, il avait envie de l'embrasser parce qu'il adorait ça. Non, il n'avait pas envie de l'embrasser parce qu'il savait qu'Aliessandre le prendrait sérieusement. Comment se sortir de cette situation délicate sans le froisser ? Mais le jeune Courrel n'étant pas quelqu'un de patient, Reilly avait à peine eu le temps de réfléchir qu'il avait posé ses mains sur ses joues et ses lèvres sur les siennes. Le petit lorialet se laissa faire en soupirant mentalement, puisque c'était la seule chose qu'il pouvait s'autoriser à faire face à une telle attaque. Et puis, Aliessandre n'était pas méchant, non, sûrement pas dangereux, alors ce n'était pas grave...non ? Le sourire ravi de son ami, quand il détacha leurs lèvres, finit de lui ôter ses doutes. Reilly cligna des yeux et gonfla légèrement les joues en se faisant la reflexion : ça faisait plaisir à son ami, c'était le plus important.
"Tu es content maintenant ? -Oh oui ! Pardon, t'es juste trop mignon alors j'avais envie... - C'est nul comme excuse ! Et puis faut vraiment vraiment vraiment que je t'apprenne des choses, tu peux pas embrasser quelqu'un qui a pas envie comme ça !"
Reilly était amusé, en partie. Aliessandre ne l'écoutait pas, et il lui caressait maintenant les cheveux.
"Je vais rentrer maintenant, avant que tu fasses d'autres trucs. J'ai une veste à finir moi, bye bye Ali !"
Et ce fut en évitant les bras affectueux de son ami que Reilly se faufila hors de la ruelle. Oh, il ne lui en voudrait pas de l'avoir laissé là, non, le jeune horloger était bien trop gentil pour ça. Alors, soulagé d'avoir écourté un moment pour le moins embarassant, le petit lorialet pressa le pas afin de rentrer aussi vite que possible. Les costumes du cabaret ne se feraient pas tous seuls, après tout ! Et puisque Lost Paradise rimait avec rêve, sensualité, classe et perfection, il lui fallait passer autant de temps que possible sur chaque vêtement afin d'en assurer la qualité la plus extrême, passant et repassant sur chaque mini détail du bout de ses doigts de fée graciles. Mais apparemment, le Destin avait décidé d'embêter Reilly un peu plus.
"Hey ! Reilly !"
Le petit lorialet se figea complètement, dès que cette voix caressante et vicieuse atteignit ses oreilles. Il frissonna d'horreur, incapable de se retourner vers celui dont il avait reconnu la voix. Il reconnu également son pas, lourd, menaçant, élégant et plein d'assurance. Le petit corps de Reilly se mit à trembler, entièrement secoué d'apréhension. Il s'approchait encore, et le coeur du petit irlandais s'affolait. Sa respiration s'accelérait, ses pupilles se dilataient, ses yeux clignaient plus rapidement que jamais. C'était comme si toute la rue, pourtant pleine de vie, s'était assombrie, en proie aux ténèbres les plus fourbes, les plus vicieuses et détestables qui aient jamais existé. Il s'approchait encore, et Reilly pouvait entendre son sourire dégoûtant, il pouvait le sentir jusqu'au plus profond de son être. Alors il ferma les yeux aussi fort que possible.
Et quand il les rouvrit, il était en plein dans les ténèbres.
Enfin...........dans du sombre ? ........heeuuuu.... Reilly cligna automatiquement des yeux en essayant de s'accoutumer à la pénombre et, surtout, en essayant de ne pas paniquer.
"What the...? Where am I... ? - Alors là aucune idée, mortel. C'est ce que je me demande aussi. - UWAAAAAAA !!!!!!!!!!"
Reilly fit un bon de trois mètres avant de se réceptionner sur un de ses pieds nus qui glissa immédiatement sur le sol de pierre sur lequel il se trouvait, empêtrant le petit lorialet peu habile dans ce qui semblait être de la verdure toute fraîche, lui arrachant un nouveau hoquet de surprise avant de le précipiter dans une chute fatale. Il s'étala royalement, face contre la verdure humide, avant de glisser lentement sur quelques mètres. Le sol était donc en pente.
"Par Osiris mon père, qui es-tu, petit être, pour faire preuve d'autant de maladresse ?"
Reilly gonfla les joues, gêné et franchement pas ravi de la remarque de ce....truc qui parlait, et il se redressa sur ses fesses en se frottant son petit nez, tout penaud. Ah oui, la gêne couvrait la panique, et c'était tant mieux !
"Ha ça va hein ! J'étais en fuite moi monsieur ! Et puis t'es où d'abord ?? C'est pas gentil ce que tu dis ! - Gentil ? Tu es donc des enfants qui coupent le monde en "gentil" et "méchant". - Mais non j- - Non, ne te justifie pas, mortel, dis-moi juste ton âge et je t'enseignerai la vie, ou plutôt la mort, puisque c'est mon domaine. Ca et toutes les créatures à cornes. - Mortel ? T'es qui- - Oh et je sera ravi de te voir me vouvoyer, c'est plus respectueux envers un dieu. - Tu- - Non, "vous". - Mais tu- - "Vous". - T- - "Vous" te dis-je. - PLEASE SHUT UUUUUP !!!!!! GOD ! JE PEUX AVOIR DEUX SECONDES POUR ESSAYER DE COMPRENDRE ???????"
La voix se tut aussitôt, et Reilly jugea que c'était plus par surprise que par obéissance, vu le comportement du mystérieux inconnu qui souhaitait tant se faire vouvoyer. Bon. La gêne n'avait pas totalement recouvert la panique. Alors il prit le temps d'inspirer grandement avant d'expirer puissament, afin de s'en débarrasser. Ça marchait. Bien. Panique mise de côté, par quelle question le petit lorialet devait-il commencer ? Où était-il ? Ou plutôt : "ils", puisqu'il y avait vraissemblablement quelqu'un avec lui. Enfin... Il releva la tête et chercha dans la pénombre.
" T'es où ? - Dans ton- - Ah non, cette blague a été faite et refaite, alors- - ESPRIT ! Dans ton esprit petit mortel à la vertue défaillante ! Qui t'a donc appris pareille boutade ? Par Osiris mon père ! Une si jeune âme- - J'ai dix-huit ans... - La jeunesse n'excuse pas l'humour doutable, mortel. - ...Et donc...tu es où dans ma tête ? - Je suis ton narrateur apparemment, je suis partout dans ta tête. Un dieu dans le corps d'un mortel, quelle idée..."
Reilly releva le ton légèrement dédaigneux de son interlocuteur avant de tilter. Dans sa tête ? Narrateur ? Oh et surtout...
"Dieu ? - "Osiris mon père" ne t'a pas mis sur la piste ? - C'est un truc égyptien c'est bien ça ? - Un "truc" ? Es-tu seulement conscient de toutes les offenses que tu viens de faire aux dieux de mon temps, en seulement deux minutes ? - ...sorry...? - ...Je suis Anubis, dieu des embaumeurs et des bêtes à cornes, un des dieux les plus importants et influents de mon temps. J'ai ramené Osiris- - Ton père ? - Oui. Je l'ai ramené à la vie avec un peu d'aide et j'ai amélioré le savoir-faire de mon temps dans le domaine de l'embaumement. Je suis le dieu à tête de chacal, chargé de la surveillance du Bel Orient- - C'est quoi ? - Je te somme de cesser de me couper de la sorte, mortel ! Le Bel Orient c'est le pays des morts ! C'est moi le chef et je purifie les entrailles et les coeurs des morts avant de les embaumer pour leur donner accès à l'immortalité et les nourrir des offrandes qui me sont faites dans les temples qui m'honorent. - T'as même des temples à toi ? - Evidemment, je suis un dieu, qu'est-ce que tu crois ?"
Reilly soupira. Il avait donc un dieu égyptien dans la tête. Un dieu très à cheval sur la façon de s'exprimer, enfin pas trop non plus puisque son verbe se déformait apparemment sous l'agacement, provoquant chez ce noble dieu des tournures de phrases moins pompeuses. En tous cas, il semblait avoir l'habitude de se présenter et de déballer sa vie et son curriculum vitae. Et il était peut-être un tantinet imbus de lui-même, cet Anubis. Bon, au moins, il avait une jolie voix ! Grave, mélodieuse, impressionnante en un sens et terriblement sexy !
"Argh beurk ! Je t'interdis de penser ça, mortel, même si ça me flatte !"
Le petit lorialet cligna des yeux. Alors il pouvait lire ses pensées ? D'un côté, c'était plutôt logique puisqu'Anubis était dans sa tête.
"Maintenant je t'ordonne de te présenter, mortel. - Je te somme de ne pas me donner d'ordres, et je m'appelle Reilly, Reilly O'Brian. - Un nom barbare... - Irlandais. Essaye de le dire voir ? - ...Reilly... - Bon, on avance et on repart à zéro. Enchanté Anubis ! Je suis Reilly, un lorialet, et je suis couturier au Lost Pardise, c'est un cabaret de Paris. - D'accord."
Reilly gonfla les joues une nouvelle fois, agacé. Visiblement, il était le seul à faire des efforts pour bien s'entendre. Ca devait être son égo, à l'autre Anubis, qui l'empêchait d'être aimable. Le petit lorialet leva les yeux au ciel en se demandant combien de temps ils devraient se supporter, tous les deux. Outre le fait d'être apparu comme par magie et litteralement en un battement de cil en territoire totalement inconnu, dans la pénombre, et s'être ramassé en beauté sur de la mousse moelleuse et fraîche, c'était en effet ce qui l'inquiétait le plus. Manquait plus que le dieu fasse son despote, et à son retour à Paris il filerait en asile chez les fous. Reilly prit une mine déterminée. Non, ça n'arriverait pas ! En plus, il semblait avoir le contrôle total de son corps, donc aucun risque qu'Anubis n'en fasse qu'à sa tête. Et puis, là, le dieu égyptien ne disait plus rien. Il devait sûrement bouder, se dit Reilly. Il décida donc qu'il avait suffisamment apprivoisé le chacal pour l'instant, et que le moment était donc bien choisi pour observer l'endroit dans lequel ils se trouvaient.
A commencer par le sol, sur lequel Reilly était toujours assis. Là, c'était de la mousse qui le recouvrait d'un épais manteau à la douceur étonnante, dont la couleur verte était discernable dans la pénombre ambiante puisqu'elle semblait luire faiblement. Alors ça ! Ce n'était pas commun ! De la mousse qui brillait, exactement comme...les choses accrochées aux...paroies ? Le petit irlandais avait en effet remarqué quelques tâches fluorescentes tout autour de lui, et il se releva pour aller les observer de plus près. En s'approchant, il plissa légèrement les yeux pour mieux les appercevoir. Il s'agissait donc de sortes de champignons fluorescents, plus larges que la main de Reilly, en forme de coupole, d'une couleur bleutée translucide tout à fait jolie. Ils poussaient à même la roche de la paroie sur laquelle ils se trouvaient, irrigués par ce qui semblait être de l'eau claire et pure, pour le coup illuminée par les champignons. Reilly tendit une main curieuse pour tater un des plus gros champignons qu'il avait sous les yeux, et un léger "pouf" retentit, tout en douceur.
"C'est quoi ça ? Les champignons de la mignonnerie ? - Ils sont mignons regarde ça fait "pouf" quand je touche, écoute ! - Mignons... - Tu trouves pas ? - Tout ce qui est petit et mignon me file de l'urticaire. Toi y compris."
Reilly faceplanta gracieusement sur le plus gros champignon de la paroie, qui se dégonfla en un charmant "poouufff", souligné par un magnifique soupir de lorialet blasé. Bon... il ne connaissait Anubis que depuis quelques minutes, mais il sentait du plus profond de lui-même que ça allait être dur, entre eux. Aussi sexy sa voix était-elle. Enfin ! Au moins, grâce à ce chacal mal luné, il venait de remarquer que les champignons luisants étaient aussi confortables que des coussins moelleux.
"Tout à l'heure t'as dit que t'es mon narrateur, c'est comme dans une histoire, donc, hein ? - C'est exact. - Alors tu veux pas m'aider à trouver quoi faire ? - Pourquoi ? - Parce que c'est ce que fait tout bon narrateur dans n'importe quelle histoire. - Mais ce n'est pas mon labeur, à la base, mortel, alors- - Je croyais qu'en temps que dieu omniscient tout puissant tu pourrais peut-être servir à quelque chose, mais en fait non, donc ? - TU OSES ?? TU OSES REMETTRE EN DOUTE MA TOUTE PUISSANCE DIVINE ??? - Oh non non, c'est juste que si t'étais un dieu tu devrais être capable de- - PAR OSIRIS MON PERE ! TU ES UN VRAI EFFRONTE ! EVIDEMENT QUE JE SUIS CAPABLE ! J'AI RESSUCITE QUELQU'UN QUAND MEME HEIN ! ET.....et heu....on n'a qu'à explorer plus vers le bas de cette grotte, on trouvera forcément des choses, on va repérer où on est et en sortir, JE vais trouver une solution et toi tu vas faire ce que je dis ! En route !"
Reilly retint un rire amusé et satisfait, in extremis, mais il ne put contenir un sourire en coin malicieux. Bien ! Il avait trouvé comment faire suivre Anubis ! Il nota donc dans un coin de sa tête que titiller l'orgueil d'un dieu antique était une démarche efficace et se mit effectivement en route, non sans avoir profité d'un dernier "poouufff" adorable des champignons lumineux. Il descendit le sol mousseux en pente, qui s'averra donc être une petite colline, tout en levant le nez pour tenter d'apercevoir la voûte rocheuse de la sorte de caverne dans laquelle ils avaient atterri, mais ses yeux se heurtèrent au noir complet du très haut plafond. Ne disposant pas de quelque don de nyctalopie que ce soit, il ne pouvait pas jauger la hauteur de la caverne et essayer d'en déduire leur localisation précise. Sa réflexion se heurta à a logique d'Anubis, qui lui fit sommairement remarquer que les champignons luisants ne poussaient pas des masses, sur Terre.
"C'est possible d'aller dans un autre monde ? - Réfléchis, petite chose mortelle surdosée en mignonerie : comment veux-tu que nous, soit deux êtres diamétralement opposés, se retrouvent dans un endroit inconnu, ensembles ? - Grâce au pouvoir de l'amour, mon cher Anubis, les opposés ne s'attirent-ils pas ?"
La plainte dégoutée que poussa le dieu égyptien en guise de réponse suffit à totalement satisfaire le petit couturier, qui continua sa route dans l'obscurité de la caverne. Il avait décidé de l'embêter, le Anubis, eh bien il l'embêterait aussi ! Il avait horreur des mignonneries ? Eh bien il lui en donnerait ! Et en retournant dans son Bel Orient, le dieu a tête de chacal apprendrait sa leçon : ne jamais prendre un O'Brian de haut.
Mais quelque chose d'étonnant tira Reilly de ses plans maléfiques plein de paillettes et de chatons roses, alors qu'ils arrivaient au bas de la petite colline. Une nouvelle colline se dressait devant eux, mais cette fois elle était tout en...
"Lumière ! Tu vois ce que je vois, Anubis ?? - Noooon non, non, je vois un bilboquet. - Auriez-vous le don de briser les beaux moments, cher grand dieu ô Anubis fils d'Osiris et patron des embaumeurs ? - Ton capital sympathie augmente, mortel. Cette colline est très belle en effet, tout comme les bords du Nil pendant la belle saison."
Reilly ne savait pas à quoi ressemblait le Nil verdoyant, mais en tous cas ce qu'ils avaient devant les yeux était digne des plus beaux paysages terrestres. La même mousse soyeuse qu'auparavant tapissait toujours le sol en pierre de cette vue onirique, seulement elle se mêlait ici à une herbe des plus vertes qui soient qui semblait tout aussi douce. Une incroyable collection de végétaux était présente sur toute la colline, certaines émettant autant de lumière que les précédents champignons lumineux mais d'une manière différente, plus pastel. Au sommet de la colline, on pouvait apercevoir des sortes de constructions translucides, et d'autres dans les tons terre et grisés. Peut-être faites de glace ? De bois ? De pierre ? Reilly avait terriblement envie d'aller voir ça de plus près. Il plissa les yeux et remarqua des stalactites immenses prendre du plafond rocheux de la caverne, ainsi que leurs cousines stalagmites, au sol, disposées ça et la sur la colline. Le plus impressionnant était la lumière qui paraissait émaner des paroies mêmes de la cave de pierre où ils se trouvaient. C'était une lumière douce, pareille au soleil en automne ou au début du printemps, une lumière timide et chaleureuse que produisait la caverne.
"Caverne photogène. Je me demande qui sont ceux qui l'habitent. Si tu veux mon avis, c'est un merveilleux endroit pour se reposer loin de la bêtise des autres. Ces gens doivent être tout à fait intéressants."
Reilly haussa les épaules. Il ne lui avait pas demande son avis, non, mais lui aussi avait hâte de trouver des gens. D'une part par pure curiosité, juste pour savoir quel genre de créatures vivaient dans un endroit aussi magnifique, d'autre part parce que quelque chose lui disait que lesdites créatures pourraient les aider à rentrer chez eux. Au moins à comprendre comment ils étaient arrives là, et surtout où c'était exactement, "là". En tendant l'oreille, il reconnu le mignon clapotis de ce qu'il identifiait comme un ruisseau, ou un petit cours d'eau, et il s'y dirigea avec empressement, plein d'une curiosité insatiable et perturbée par l'aspect irréel et fantastique de l'endroit. Il ne manquait plus que des créatures des cavernes, et le petit irlandais se croirait le héro d'une aventure fantastique.
" Pas si vite, élu, Afhu manque d'endurance ! Attendez !"
Reilly cligna des yeux en entendant cette nouvelle voix masculine qui émanait de derrière lui et s'arrêta afin de mieux écouter, avant de se retourner pour voir de quoi il s'agissait.
"Élu !"
Le petit lorialet ferma les yeux pour mieux entendre. Contrairement à celle d'Anubis, c'était une voix douce, assez faible, qui laissait transparaître une grande timidité et certainement un petit manque d'assurance chez la personne qui avait parlé, et qui était vraisemblablement essoufflée. Reilly cligna à nouveau des yeux en portant sa main à son menton. En fait, la voix qui appelait un certain "élu" lui arrivait aux oreilles comme celle d'une sorte de gros nounours touffu, et cette pensée lui donna immédiatement envie d'un gros câlin.
"Au lieu de penser à ce genre de choses inutiles, ne vaudrait-il pas mieux que tu te retournes pour observer, mortel ? Dois-je également te servir de cerveau puisque le tien est parasité par un trop plein d'affection ? - Anubis si tu continues à me parler comme ça quand je rentrerai je dirai à tout le monde que le grand dieu égyptien que tu es adore les câlins et faire mumuse avec des chatons. - Les chats sont des êtres divins, sacrés et majestueux, je t'interdis de les reduire à de vulgaires objets d'affection. - Eh ben...tu aimerais beaucoup certains de mes amis... - Élu ?"
Cette fois-ci, Reilly sursauta légèrement parce que la voix était arrivée justye derrière lui, et il se retourna, en alerte, sans perdre une seconde, pour tomber nez à nez avec....
"Par Osiris mon père, qu'est-ce diable que cette...chose ?"
Le petit irlandais n'en avait strictement aucune idée. Alors ça ! Il n'en avait jamais vu de sa vie ! Et puis, ce truc, quel qu'il soit, était....
"SO CUUUUUUUUUUUTE~~"
Il était rare pour Reilly de croiser quelqu'un d'aussi adorable que lui, et alors qu'il se jetait inconsciemment dans les bras de la créature à laquelle il faisait face, il imaginait déjà son narrateur pester et se plaindre de la mignonerie de la situation.
"INCONSCIENT ! IL EST PEUT ETRE DANGEREUX !"
Que nenni ! Cette créature n'était certainement pas dangereuse, sinon elle n'aurait pas fait de bruit derrière lui et l'aurait immédiatement égorgé, pensait le petit couturier en atterrissant sur ce qui était vraissemblablement le ventre de ladite créature. Car oui, elle était impressionnement grande. Elle faisait aux moins deux fois la taille de Reilly, si ce n'était plus. Entièrement couverte de ce qui semblait un mélange de plumes et de poils, dont la couleur s'étendait sur une palette allant du vert bouteille au bleu canard, tout en harmonie, la créature était d'une douceur incomparable. Et même son ventre, qui lui n'était pas recouvert de plumes ni de poils et découvrait donc sa peau beige aux motifs d'ecailles, était aussi douillet qu'un lit confortalble surmonté de trois couvertures d'hiver ultra moelleuses. La créature bipède posa doucement une de ses mains/pattes sur la tête de Reilly.
"Vous faites un câlin à Afhu ? - Par tous les dieux ! Lui aussi réclame de l'affection ! C'en est trop ! Je démissionne ! Je n'suis définitivement pas fait pour être narrateur ! J'exige de rentrer chez moi sur le champ ! Je suis le gardien des morts, moi ! Pas un gardien de gamin en manque de contact physique et encore moins de peluches géantes ! Aaaah mon urticaaaaiiiire !!!!"
Le petit couturier ignora royalement les plaintes du dieu égyptien, insensible à sa crise d'urticaire, pour relever la tête vers celle de la créature. Elle était aussi recouverte de poils, surmontée de quelques plumes droites qui donnaient plus de hauteur encore à son crâne. Ses petits yeux ronds, tous noirs, étaient assez écartés l'un de l'autre et lui donnaient un air pataud adorable, que renforçait son petit nez jaune orangé en forme de truffe. Reilly n'avait plus aucun doute : cette créature n'était pas dangereuse du tout. Et, alors qu'Anubis criait ironiquement à la mort tel un putois déchaîné, il faisait délicatement la patte touffue de la peluche géante dans ses mains minuscules de lorialet curieux.
"Tu aimes les câlins ? - Oh oui, merci, élu. - Oh pitié achevez-moi. - Élu ? - C'est seulement maintenant que tu poses la question, mortel ? - Vous êtes l'élu, c'est Afhu qui vous a appelé ici. - Afhu ? - Afhu le Numuh."
La créature inclina légèrement la tête d'une manière extrêmement respectueuse qui échappait complètement à Reilly. Donc....il était l'élu...l'élu de quoi, au juste ? Et donc...cette créature s'appelait Afhu et c'était un Numuh... Reilly cligna des yeux en se disant qu'Anubis ne survivrait décidément pas à cette escapade fantastique. Bien trop de choupitude pour lui.
"Élu de quoi ? - Vous allez délivrer les Numuh de leur malédiction, élu. - Malédiction ?"
Reilly retint un petit rire. Bien ! Anubis reprenait du poil de la bête et semblait intéressé par cette histoire de malédiction ! Alors, même s'il était totalement perdu et ne savait pas du tout comment gérer cette situation qui lui paraissait bien trop irréelle et fantasque, il tâcha de prendre un air plein de confiance et déclara :
"Eh bien, Afhu le Numuh, peux-tu m'expliquer comment tu m'as fait venir ici ? - Avec des graines des sous bois de Meledei, de la marijane pourpre et du sy'kalm en bâtonnet grillé sur la plus haute de nos stalagmites. - Il à dit quoi le nounours bleu ? - Oooooookay....heu...et donc je suis l'élu et...je dois te libérer de la malédiction qui consiste en...quoi ? - Le peuple d'Afhu se transforme en pierre de plus en plus vite, si vous ne nous aidez pas nous seront perdus, nous sommes isolés du reste du monde alors seul vous pouvez nous aider, comme il est écrit dans la prophétie. - Une prophétie ? En fait c'est pas mal, ici, ça va. Demande-lui de quoi il s'agit, mortel, et mes dons de dieu omniscient délivreront ces pauvres âmes. - Elle raconte quoi, la prophétie ?"
Le Numuh à l'apparence et au nom plus qu'adorables poussa ce qui semblait être un soupir attristé, avant de prendre Reilly dans ses bras, pour son plus grand bonheur, et il commença à monter la colline de végétaux. Le petit lorialet en profita pour remarquer l'étonnant bruitr que produisait les pieds de Afhu sur le sol, véritable "pat pat pat" choupinet et pataud.
"La prophétie dit que seul l'élu pourra délivrer les Numuh de la malédiction, et pour cela il doit accomplir le dicton. - Dicton qui est ? - "Dans l'étreinte glacée, planter le soleil des lys". - .....Ah...c'est... très poétique ! - Mais ça ne veut strictement rien dire ! - N'est-ce pas ? Le frère d'Afhu, Paltu, en a fait un poème. - Vraiment ? Peut être il pourra nous aider ! Tu veux bien me présenter ton frère ? - Il est la."
Afhu lui désigna une pierre toute ronde sur un côté du chemin, du bout de sa patte touffue. Ah. Reilly fit élégamment claquer son front contre sa main. Les Numuh se transformaient en pierre, c'était vrai.
"Vous voulez dire bonjour à Paltu, élu ? - Heu... - Si tu le fais, au moment où je rentre au Bel Orient je te maudis, mortel. - Quand il sera à nouveau normal, je lui dirai bonjour, oui ! - Oh...et est-ce qu'Afhu peut aller saluer Paltu, élu ? - Ben...oui, oui tu peux."
Le dénommé Afhu déposa Reilly au sol avec tout plein de délicatesse avant de se diriger d'une démarche pataude vers la pierr- heu son frère. Le petit lorialet l'observa se pencher sur la pierre pour en tapoter le dessus avec affection avant de s'assoir devant, en tailleur, pour entamer une conversation à sens unique. C'était à la fois adorable et extrêmement étrange. Et touchant. Ça ne devait pas être facile de voir ses proches et son peuple se transformer en cailloux. Reilly fit quelques pas sur le chemin en réfléchissant. "Dans l'étreinte glacée, planter le soleil des lys" hein...
"Qu'est-ce que t'en dis, Anubis ? - Rien. - Ou il est passé le dieu omniscient expert en énigmes ? - Il meurt d'une crise d'urticaire fulgurante. - Tu crois que c'est du littéral, cette prophétie ? - Quoi ? Tu veux faire un câlin aux stalagmites gelées et planter les coeur d'une fleur de lys au milieu ? - Ça peut marcher ? - Par Osiris mon père...abandonne, mortel, mieux vaut trouver un moyen de rentrer chez nous. - On devrait les aider ces pauvres Numuh... - Heeuuu mortel t- - C'est triste de voir tout le monde se changer en pierre ! - Eh, t- - Arrêté avec tes commentaires, Anubis, je veux les aider ! - Mais t- - Stop j'ai dit ! J'essaye de trouver- - TU BRILLES ! TU LUIS, REILLY ! - Eh ?"
Le petit lorialet baissa les yeux sur son bras...et poussa un hurlement de surprise, paniqué. Il luisait ! Son corps luisait complètement ! Il se leva pour courrir voir le Numuh qui murmurait à l'oreille des pierres et lui montra ses bras qui dégageaient une légère lumière jaunâtre.
"AFHU ! JE BRILLE ! - C'est la malédiction de l'élu, c'est normal. - Normal ??? Mais je peux pas rentrer comme ça ! - Il faut résoudre la prophétie pour tout arranger, élu, pardon... - Génial, on est coincés ici pour un bon moment on dirait !"
Reilly inspira fortement avant d'expirer puissament pour ensuite poser sa main sur l'épaule du Numuh, dans un geste plein de réconfort. Même si, la, il était d'accord avec Anubis sur le fait que c'était carrément embêtant de devoir rester jusqu'à trouver une solution à une prophétie qui ne voulait franchement pas dire grand chose, il devait tout de même admettre que le plus inquiétant dans cette histoire, c'était la possible disparition des Numuh. Ils étaient attachants, ces nounours géants et bleus et poilus/plumeux et...bon, Reilly secoua la tête pour ne pas se perdre dans ses pensées d'admiration envers ces créatures toutes mignonnes qu'étaient les Numuh. Il ne pensa pas non plus à relever à quel point "Afhu le Numuh" sonnait adorable. Non. Au lieu de ça, il offrit un grand sourire plein de confiance à son nouveau camarade de récit fantastique et tâcha de paraître aussi confiant que possible.
"Allons, Afhu, dis au revoir à ton frère et let's go voir ton peuple ! J'aimerai bien les rencontrer ! Je suis la pour ça, non ?"
La grosse peluche sur pattes ne sourit pas, ou plutôt Reilly ne le remarquait pas puisque sa bouche était discrètement placée au bas de son visage, invisible aux yeux de novices qui ne pouvaient donc pas voir ses lèvres bouger quand il parlait, et il se releva après avoir tapote affectueusement sur le dessus de la pierre qu'était devenu son frère. Très jolie pierre. Il prit délicatement le petit lorialet, qui lui semblait plus que minuscule par rapport à lui, et il le déposa sur ses épaules larges avant de reprendre son chemin vers le haut de la colline. Pendant la route, qui dura approximativement cinq minutes, Reilly ecouta patiemment Afhu lui présenter tous les Numuh changés en pierre qu'ils croisaient. Et bien qu'il ne voyait pas la différence avec les autres pierres du sentier qu'ils empruntaient, le petit irlandais essayait de tout bien retenir.
"La, c'est Nufhy, la jeune soeur de Afhu. Et là, Milhu, l'ancien Numuh. Et ici, c'est Pierre. - Hahahaha, cette ironie de plaît ! C'est mon style ! - Et la, Pierre. - Ils s'appellent pareil ? - Ils sont jumeaux, oui. - Pratique... - Et ici, normalement c'est Pierre, mais il est toujours absent celui-là, alors Fuhfu râle toujours "Rrrrr" comme ça. Pierre à dû rouler en bas de la colline, il le fait toujours pour éviter la cueillette. - Aaaah...et ça c'est qui ? - Une pierre. - Oh..."
Reilly plissa les yeux. Non, vraiment, impossible de faire la différence. Mieux fallait donc rester accroché à Afhu, hein... Et pour une fois, Anubis était d'accord ! Alors ils montèrent tranquillement la colline de la caverne Numuh, Afhu présentant chaque pierre Numuh à Reilly, Reilly écoutant attentivement sa peluche géante et subissant en silence les sarcasmes d'Anubis quand à sa peau de petit vers luisant bien trop affectif à son goût. Ah cet Anubis...un vrai amour ! Reilly l'aimait bien, en fait ! Il rajoutait un peu de piquant à son histoire !
Une pensée en entraînant immédiatement une autre dans son cerveau hyperactif, le petit lorialet se perdit totalement en essayant de résoudre mentalement la prophétie, et ce ne fut qu'en percevant, au loin, une mélodie toute légère, qu'il décida de revenir à lui même. Qu'était-ce donc que cette air enchanteur ? Elle semblait s'accorder parfaitement et de manière on ne peut plus naturelle avec le clapotis incescant et doux de la petite rivière qu'il avait repérée plus tôt. Reilly tandit l'oreille et chuchota, interrogeant son si tendre narrateur :
"C'est quoi cet instrument ? - CES instruments. Il y en a deux. - J'en entends un peu plus, même, non ? - Non non, il n'y en a que deux, la différence de son produit est bien réel, mais ils ne proviennent que de deux instruments écoute bien, on sent les nuances. - Ah...effectivement, oui, t'as raison."
Reilly sourit discrètement. Donc Anubis pouvait bien parler gentiment quand il le voulait. Et en plus il semblait s'y connaître niveau musique. Il remontait bien dans son estime, là !
"Ce n'est pas parce que je te parle gentiment que je ne te hais pas pour me filer des boutons. Je suis seulement courtois avec le pauvre mortel musicalement limité que tu es."
Le petit lorialet fit la moue. Il n'était quand même pas musicalement limite, il s'y connaissait un peu en musique oh ! C'était juste que là, à ce moment précis là de suite il ne reconnaissait pas les instruments qui produisaient cette si jolie mélodie qu'ils pouvaient toujours entendre en arrière plan, cependant encore trop éloignée pour qu'il soit possible de clairement l'identifier.
"Si t'es si malin que ça, c'est quoi comme instruments, hein ? - ..."
Le silence auquel il fit face lui arracha un sourire victorieux. Ah ça ! Pour se vanter de sa supériorité et de son omniscience y'en avait du monde, mais quand il s'agissait de définir quelque chose d'inconnu plus personne ne répondait à l'appel ! Reilly était tellement satisfait de sa mini victoire qu'il ne remarqua même pas les regard effarouché que lui lançait Afhu, après l'avoir entendu parler tout seul, sur ses épaules. Eh bien....il avait ramené à son peuple un élu des plus étranges. Mais choupinet.
"Nous voilà arrivés, élu, à Kal'timuh, notre village ! - Oh wow ! - Par tous les dieux !"
Une vue des plus fantastiques s'etendait devant eux. Un village tout de pierres construit, qui faisait penser au fameux et tout aussi magique Stonehedge, plusieurs sentiers de terres qui paraissaient de l'or courraient entre les habitations qui elles, tout en finesse malgré leurs tailles imposantes, étaient sculptées d'un millier de scènes que Reilly, tout autant qu'Anubis, avait envie d'observer dans le moindre détail, devant eux, plus loin, une sorte de fontaine gigantesque, bleue, translucide, aux reflets mauves et or, et les plantes, oh ! Partout, absolument partout la verdure s'étendait, ici une énorme fleur d'un pourpre ravissant, là un lierre malicieux qui se tortillait au coin d'une maison et l'escaladait pour aller toucher des sortes de lianes gracieuses dont on ne pouvait même pas voir le bout, puisqu'elles tombaient sûrement du plafond de la caverne. Ah, et comment oublier ! Les champignons lumineux étaient ici plus gros encore que ceux qu'ils avaient vus en arrivant. D'autres Numuh sortaient leurs têtes des fenêtres de pierres des habitations, curieux, et poussaient de petits bruits qui ressemblaient à des ronronnements ravis en apercevant Afhu et Reilly, puis ils sortaient de leurs maisons et venaient marcher avec eux, aussi curieux qu'accueillants, les grands, adultes, tendaient des bouts de champignons lumineux au petit lorialet, et les petits, sûrement les enfants, l'invitaient déjà à jouer avec eux. Pour une fois, Anubis ne fit aucun commentaire sur quoi que ce soit. Il devait être bien trop subjugué par la vue pour ça, pendait Reilly, ou bien effectivement mort d'une crise fulgurante d'urticaire. Ce qui était quand même très ironique, pour le gardien des morts. Visiblement, tous les Numuh sortaient de leurs maisons pour se joindre à eux, aussi ce qui était à la base une promenade entre curieux devint une véritable possession. En plus, ils se dirigeaient visiblement vers la source de la mélodie enchanteresse qui dansait toujours sur les paroies de la caverne photogène.
"Tu crois qu'au bout ils t'attendent avec un autel de sacrifice et un volcan pour y jeter tes restes ? C'est peut être un genre de cérémonie, qui sait..."
Le petit couturier ne prit même pas la peine de répondre. Il était bien trop effrayé pour ça. Aaaah voilà ! Voilà ! Il avait fallu que ça arrive ! Reilly avait douté deux secondes à cause de cet idiot de chacal à l'humour doutable ! Non, les Numuh ne l'attendaient certainement pas avec un voclan, ni de quoi le sacrifier... Mais son hésitation revint au galop quand il aperçut des Numuh en train d'astiquer des stalagmites et des stalactites. Ils avaient l'air tellement concentrés ! Et en plus, la musique était de plus en plus audible ! Et puis les Numuh autour de lui commençaient à danser et à chanter dans une langue étrange, aussi, et puis-
"Regardez, élu ! Ce sont nos musicien les plus fameux qui jouent pour vous. Ça vous plaît ?"
Reilly cligna des yeux, déboussolé. Afhu, tout en lui papouillant allègrement les cheveux, pour son plus grand bonheur, venait de lui designer les Numuh qu'il pensait en train de préparer son exécution sacrificielle. Des mu....si........ciens ?
"C'est des musiciens ? - Oui ! Ce son que vous entendez ils le sortent des stalactites et des stalagmites. Vous savez, au temps de nos ancêtres un ancêtre s'était disputé avec un jeune, et il l'avait pousse sur une stalagmite. Le son produit était si mélodieux que recommencer le geste avait suffit à faire la paix entre le jeune et l'ancêtre, et ils avaient joué toute la nuit ! Enfin, ça c'est la version qu'on raconte à nos enfants. Dans la vraie, ils sont restes fâchés et ont dit beaucoup de mots vilains, et c'est comme ça que notre langue à gagné un nouveau répertoire d'insultes, les plus vilaines de tout Meledei ! - De vilains mots, comme c'est mignon."
Comme pour rabattre le caquet du dieu, un, visiblement, couple de Numuh se disputaient sur un côté de la possession, couvrant pendant quelques secondes la douce musique des stalactites et autres stalagmites. Et ils permirent à Reilly de vérifier deux choses. La première : un Numuh voyait littéralement son pelage virer au rouge quand il était en colère. La deuxième : les insultes Numuh sonnaient aux oreilles comme la douce association de cris porcins de bambins demoniaques sous helium et d'ongles hyper longs sur un tableau noir de deux kilomètres et demie, sur fond de bagarre de chats des rues sous extasie.
Mais, fort heureusement, les oreilles du petit lorialet purent à nouveau se délecter de la mélodie majestueuse des Numuh musiciens, puisque la possession arrivait à cet endroit dont Afhu avait glisse le nom à Reilly : Tufhu muiku, qui se traduisait par "le champ des notes". Décidément, les Numuh semblaient avoir un attrait particulier pour la poésie. Entre ça et leur prophétie... Une femme Numuh enfila un collier de lys blancs sublimes autour du cou du petit couturier, qui la remercia d'un joli sourire avant d'analyser précisément ce collier, duquel il pourrait certainement s'inspirer pour créer une tenue de scène magnifique, une fois rentré. Ce qui le frappa, c'était l'étrange comportement des lys de son collier. Parce que, oui, ils bougeaient. Ils bougeaient et se " tournaient" vers lui, leurs cœurs face à son corps. C'était....bizaaaaarre....
"Il n'y a pas que ces fleurs qui se sont amourachées de toi, mortel, celles qui poussent autour de nous te regardent aussi, depuis le moment où tu as posé le pied dans ce village. Oh, et tu brilles encore plus, en fait. On dirait presque Râ, le dieu du soleil. Presque hein, ne vas pas croire que je te fais un compliment !"
Reilly cligna monstrueusement des yeux. Alors ça ! Il baissa les yeux sur ses bras et se pinça les lèvres en remarquant qu'effectivement, il semblait maintenant illuminer tous les Numuh autour de lui. Il cligna encore des yeux et regarda tout autour de lui afin analyser clairement tout le paysage. Le Tufhu muiku était donc une sorte de renfoncement dans un des murs de la caverne des Numuh. Il formait un croissant de l'une pierreux, et les fameux musiciens peluches géantes jouaient sur les stalactites et les stalagmites accrochées à la paroie arrondie. Leur technique de percussionnistes avertis était bien visible, même pour un novice de percussion sur roche, puisque leurs grosses pattes dépourvues de doigts tapaient la pierre à un rythme hallucinant, avec une précision plus immense encore que celle d'un chirurgien. Reilly remarqua également que d'autres Numuh ne tapaient pas sur les stalactites mais...caressaient ? D'autres stalagmites. Et si les sons produits pas les premiers musiciens paraissaient ceux de tambours et autres percussions entraînantes, ceux-là jouaient avec leurs pattes sur la roche de telle sorte qu'il en sorte des notes semblables à celles de petites flûtes. C'était tout à fait étonnant, tout juste magique ! Reilly secoua la tête. Il ne voulait pas exactement observer ça, à la base, même si ça l'intéressait beaucoup, il était aussi très curieux de cette histoire de lys qui le "fixaient". Un coup d'œil entre les stalactites etvil trouva son bonheur. Sur tout le pourtour du Tufhu muiku poussaient, dans la roche, entre quelques champignons lumineux, une multitude de lys plus blancs les uns que les autres. Et, effectivement, ils semblaient le fixer. Enfin, ils étaient tous et absolument tous tournés vers lui. Le petit irlandais eut soudain une idée. Il voulait s'assurer de quelque chose.
" Afhu, tu peux me poser par terre ? J'aimerai faire le tour de cet endroit... - Bien sûr, élu, mais alors Afhu vous accompagné, élu ! Vous êtes l'ami d'Afhu, non ?"
Reilly hocha joyeusement la tête, ravi. Evidemment que oui, c'était son ami ! Le bruit retentissant de ce qui devait être là main d'Anubis qui rencontrait son front de manière désespérée, suivit de près part un soupire bien audible, fit largement comprendre au petit lorialet le fond de la pensée de son dieu de narrateur. Mais qu'importe ! Afhu le déposa doucement au sol, et Reilly reprit sa patte en regardant les autres Numuh danser. Ça, c'était plutôt drôle à voir ! Les parents et les enfants dansaient de manière assortie, les parents en pliant et dépliant les genoux en rythme, bras le long de leurs grosses corps touffus, pendant que les enfant battaient des bras, des champignons lumineux dans chaque main. La patauderie n'était donc pas qu'une qualité propre à Afhu. Le petit irlandais rit joyeusement, retrouvant un air de gamin pas très sérieux et laissa sa tête bouger doucement en rythme quelques secondes avant de se mettre à faire le tour du renfoncement caverneux. L'avantage, avec ses super-pouvoirs de super-luciolle, c'était qu'il n'avait pas besoin de lampe à huile pour éclairer les coins sombres. Et, alors qu'ils passaient près du mur de la caverne, il pouvait observer avec la plus grande précision tous les lys qui y poussaient...se tourner vers lui. Tous, sans aucune exceptions. Il se retourna, même, pour s'assurer que ce phénomène étonnant était aussi valable de dos. Et c'était le cas. Reilly pouvait entendre Anubis ricanner dans sa tête.
"Hahahaha, en fait c'est toi, mortel, le soleil des lys de la prophétie !"
Le petit lorialet s'arrêta net en l'entendant.
"Non mais, j'ai dit ça pour rire, mortel, tu ne me prends tout de même pas au sérieux, rassure-moi ? - Que se passe-t-il, élu ? - Heu, je crois que-"
Un cri affolé le coupa en pleine phrase et fit lâcher à Afhu son délicieux champignon lumineux qu'il venait de cueillir en guise de grignotage intempestif. Au milieu des danseurs, un Numuh venait de se changer en pierre. À peine Reilly et Afhu eurent-ils le temps de faire un pas vers le malheureux qu'un autre Numuh troquait son pelage bleuté pour de la pierre grise. Un troisième sur la gauche, un quatrième sur la droite, un musicien en moins et un petit Numuh se transformait en un petit cailloux. Le petit lorialet sentit son coeur se serrer en assistant à la scène. Les pauvres Numuh bipèdes observaient ceux qui venaient de se transformer en pierre avec un air triste et incapable. Après tout, ils ne pouvaient rien faire pour leurs proches, à part en caresser doucement le dessus et faire attention à ne pas s'assoir sur eux par mégarde.
"Ça va de plus en plus vite, ces transformations, vous voyez bien : tous les Numuh présents sont ceux qui restent. Avant que tout cela ne commence, nous étions 300."
Reilly se mordit la lèvre. Ils devaient être une vingtaine, maximum.
"Oh, attention, vous marchez sur Tilfhu."
Le petit irlandais retira précipitamment son pied d'un petit cailloux qu'il n'avait pas vu en s'empourprant de plus belle. Non mais, déjà qu'il se sentait mal pour les Numuh, en plus il en écrasait un ! Cette situation était nulle ! Nulle, nulle nulle nulle nulle ! Nulle ! Reilly haussa les sourcils et cligna des yeux. Il pouvait jurer entendre Anubis renifler, dans sa tête. Ah ! C'était donc pour ça, qu'il était si silencieux depuis un moment ! Comme quoi, les dieux de la mort égyptiens aussi pouvaient être un peu sensibles.
"N-non ! C-c'est faux je suis juste....allergique aux lys ! C'est tout ! Ne vas pas te faire d'idees fausses, humain ! - Ne t'inquiète pas, Anubis, je crois que j'ai résolu la prophétie, en partie grâce à toi en plus ! - N- non mais ! Effronté ! Pour qui te prends-tu pour prétendre rassurer un dieu ! - C'est toi qui a dit en premier que je ressemblais à Râ !"
Le petit lorialet aurait juré entendre Anubis rire ! Mais bon, il s'était déjà assez attiré ses foudres comme ça, autant ne pas le titiller plus.
"Vous avez résolu la prophétie, élu ?"
Ah oui. Reilly avait complètement oublié qu'il parlait à voix haute à Anubis, donc qu'Afhu avait dû entendre. Afhu, ainsi que tous les autres Numuh restants, qui s'étaient arrêtés de caresser les leurs changés en pierre pour le fixer en clignant des yeux. Malaise. Reilly l'aimait pas tant que ça être le centre de l'attraction. Pour ne rien arranger, trois autres Numuh se transformèrent en pierre, en même temps que le petit lorialet gagnait en éclat. Maintenant il était absolument impossible aux Numuh de le regarder sans être éblouis, non pas à cause de sa classe exceptionnelle ni à cause de son air de gamin trop mignon pour être regarde en face, mais parce que la il brillait tellement qu'il faisait certainement concurrence au soleil.
"Oh non ! Il va attirer les Markieï ! - Les Markieï nooooon ! - Élu, vous devez nous sauver ! - Faites quelque chose ! - Vous devez-vous-"
Le dernier Numuh n'eût mêmes pas le temps de terminer sa phrase qu'il se changeait en pierre. Encore un ! Reilly gonffla les joues et cligna des yeux tellement vite en regardant des pieds qu'il s'éblouit lui-même. Il devait agir vite !
"C'est quoi ces Markieï ? - Des monstres immenses à huit pattes velus qui ont six yeux et tissent des toiles gluantes pour emmêler leurs proies, elles adorent la lumière elles vont venir ici, elles vivent sur le haut de notre caverne et viennent nous attaquer quand la lumière est trop forte, élu vous devez vous cacher !"
Reilly trembla d'horreur. Mais si son plan pour la prophétie était juste...
"Emmène-moi à un endroit avec de la glace, Afhu ! - Vous êtes sûr ?? - Ya ! Vite ! Et faut que tout le monde se cache ! Viiiiite !"
Même Anubis n'avait le temps de rien dire. Reilly était complètement affolé. Il ne voulait pas attirer des ennuis aux Numuh, encore moins des monstres plus grands qu'eux. Afhu eut la judicieuse et rapide idée d'ordonner à son peuple de rester groupé dans le Tufhu muiku, avant de prendre le petit irlandais dans ses bras et de courrir aussi vite que possible vers l'intérieur du village, plus précisément vers la fontaine.
"Reilly ! Attention ! Au dessus de nous !"
Anubis semblait tout aussi paniqué que lui, aussi Reilly ne prit même pas le temps de relever le fait qu'il l'ait appelé par son prénom, et il releva immédiatement la tête vers le plafond de la caverne....pour presque tourner de l'œil tout aussitôt. C'était comme dans un cauchemar. Une cohorte de gigantesques araignées marronâsses se laissaient glisser lentement depuis le plafond de la caverne, aussi dégoûtantes qu'effrayantes. Reilly prit une énorme inspiration et se blottit contre Afhu un maximum. Il était arachnophobe depuis sa naissance, il ne supportait même pas la vue d'araignées, alors là... Et voilà que la première posait une patte velue écoeurante sur le sol du village, juste à côté de la fontaine qu'Afhu était en train de contourner. Le cri de la Markieï fut un rugissement horrible, agressif et témoin d'un danger immense. Une autre de ses grosses pattes infâmes arrivait droit sur le vaillant Numuh qui transportait Reilly, et il l'évita d'un bon d'une souplesse innatendue, avant de se réceptionner sur le dos en serrant fort son petit élu contre lui pour le protéger. Il se releva tant bien que mal, prisonnier de sa corpulence peu agile, et reprit sa course effrénée en commençant à dévaler la colline par le petit sentier d'où ils étaient arrives quelques instants plus tôt. Les Markieï fulminaient derrière eux, crachaient des sons stridents à en déchirer les tympans, c'était tellement crissant et répugnant que Reilly dû se boucher les oreilles. Mais les phobies sont des choses insensées qui provoquent des réactions insensées, aussi le petit couturier ne put-il fermer les yeux. Alors il fixait ses ennemies pouacres d'un air nauséeux, tremblant de plus belle dans les bras d'Afhu.
"Courage Reilly, ne les regarde pas, regarde devant toi et fais honneur à Râ !"
Anubis était à nouveau doux dans sa voix, encourageant. Reilly prit une grande inspiration et fit tous les efforts du monde pour détourner le regard des monstres à leur poursuite, pour se concentrer sur la caverne qu'il éclairait de plus belle. Ce qu'il vit le stupéfia : une réplique exacte de Stonehedge, en glace. Wow.
"Élu attention !"
Une autre Markieï venait d'atterrir devant eux et claquait férocement des mandibules, menaçante et franchement immonde, ses poils hirsutes frôlant la joue de Reilly alors qu'elle élançait une patte vers Afhu, qui se décala en une fraction de seconde précieuse. Les réflexes étonnants du Numuh se décuplaient sous les attaques des monstres, et il décida de passer sous le corps du rampant auquel ils faisaient face, plein de détermination, en enroulant un second bras protecteur autour de son petit élu mortifié.
"Dites le plan à Afhu, élu ! - Il faut que tu me plante au milieu des trucs en glace que y'a là ! - Vous êtes sûr ?? - "Dans l'étreinte glacée, planter le soleil des lys" oui j'imagine je sais pas mais je pense qu'à ça et il faut faire vite ! - Eh mais ça peut marcher ! C'est ça, j'en suis sûr ! - Il faut que je vous plante comme une petite graine ? - Ya ! Comme une petite graine ! - Adorable..."
Au sarcasme d'Anubis, ils étaient arrives au centre du Stonehedge de glace. Le Numuh essoufflé déposa son petit irlandais par terre pour aussitôt bloquer une énorme patte vicieuse qui venait piquer son dos. Afhu poussa un petit gémissement de douleur et brisa l'articulation de la créature qui tituba en un rugissement angoissant. C'était comme si les autres Markieï avaient reçu un appel. Ça en plus de la lumière, toutes les araignées géantes convergeaient comme de vraies furies vers le petit lorialet et le grand Numuh. Anubis était à présent aussi paniqué que ses deux compères, etvil sommait Reilly de se dépêcher.
"Elles arrivent, tu peux le faire aller ! Creuse ! - Je creeuuuse je fais que ça ! - Je vais vous aider, élu, ça ira plus vite !"
Le Numuh joignit ses forces à celle de l'élu de son peuple, qui lui était secoué de spasmes de dégoût en entendant les araignées de ses cauchemars se rapprocher de plus en plus. Il sanglotait franchement, sans se soucier des éventuelles remarques de son narrateur, qui lui ne dit pas un mot à ce sujet. Là, tout ce qu'il faisait, c'était l'encourager. Avec Afhu, ils avaient réussi à creuser un trou d'environ un mètre de profondeur en une grosse dizaine de secondes. Malheureusement, Reilly brillait de plus en plus, et cela produisait chez les Markieï une rage plus grande encore que celle avec laquelle elles se déplaçaient déjà. La première était déjà à leur niveau et poussa violemment Afhu d'un coup de patte vicieux. Le Numuh vola sur quelques mètres avant de s'écraser dans un tas de pierre et de- se transformer en pierre sous les yeux exorbités du petit lorialet.
"AFHU ! - METS-TOI DANS LE TROU, REILLY, DANS LE TROU ALLEZ !"
Le petit couturier fixa son Numuh transformé en pierres une seconde avant d'aviser les monstres qui se ruaient vers lui, et il se jeta dans le trou qu'ils avaient creusé pour s'y blottir en position fœtale.
"PLEASE MAKE IT WORK ! - DANS L'ETREINTE GLACEE, PLANTER LE SOLEIL DES LYS !"
Reilly serra les dents en fermant fort les yeux, aussi recroquevillé que possible. Et tout devint silencieux.
Le petit lorialet rouvrit les yeux et battit des cils. Il ne brillait plus comme un vers luisant. Il retint sa respiration et accrocha ses petites mains au bord de son trou pour s'y hisser jusqu'aux yeux afin d'observer silencieusement. Les Markieï étaient toujours là, il les distinguait dans la pénombre, éclairées par les champignons lumineux dont raffolaient les Numuh. Elles semblaient perdues et cherchaient la lumière qui avait agressé leurs six énormes yeux globuleux il y avait à peine quelques secondes. Reilly les vit se déplacer dans la caverne et s'éloigner, avant de disparaître en remontant sur les paroies de roche de la caverne photogène Numuh.
"Élu ? - WAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!"
Reilly fit un bon de deux mètres en sortant de son trou, son coeur battant la chamade, déchire par la surprise.
"AFHU ! Ne me fais pas peur comme ça ! - Oh, pardon. - Aaaah ben ça a marche ! Bravo Rei- Heeuuu....heureusement que j'étais là pour t'aider, mortel, qu'aurais-tu fais sans moi ? Je me le demande !"
Reilly leva les yeux au ciel avant de se jeter sur Afhu en poussant un énorme soupir de soulagement. Ça avait marché ! Ils avaient résolu la prophétie ! Anubis s'étendait en auto-compliments, Afhu le soulevait et le retournait pour...lui montrer une cinquantaine de Numuh en train de grignoter des champignons lumineux en le fixant. Le petit lorialet sourit. Ça avait vraiment marché !
"Je suis content je vous voir tous, guys ! - Et voici Pierre, élu, celui qui n'aime pas la cueillette, il avait bien roulé au bas de la colline ! - ....Bonjour..."
Reilly retint un petit rire.
"Ridicule..."
Et il soupira en priant pour qu'Anubis se prenne une nouvelle crise d'urticaire. Tout était bien revenu à la normale. Enfin, la normale d'un endroit comme Meledei.
Aldrick Voelsungen
Man & Wolf : I'm armed
Messages : 2050 Date d'inscription : 02/06/2012 Age : 36 Localisation : Pas si loin de vous...
Trois anneaux pour les Rois Elfes sous le ciel, Sept pour les Seigneurs Nains dans leurs demeures de pierre, Neuf pour les Hommes Mortels... Et mais c'est quoi ce bazar ? C'est pas du tout la bonne histoire ! Qui a mélangé le script là ?! Je savais bien que c'était une mauvaise idée ce boulot de narrateur à mi-temps !
*Plait-il ?* Fut la seule pensée d'Aldrick avant que le bleu du ciel qu'il contemplait ne se transforme en grisaille peu avenante et qu'une odeur proche de la putréfaction ne menace de réduire à néant son odorat.
S'il n'y avait eu que ça encore, probablement qu'il aurait pu s'en accommoder. En râlant certes, mais il aurait vaincu. Seulement c'eut été trop simple, car cette odeur pestilentielle avait non seulement un nom mais aussi un visage. Non content d'avoir droit à un gros plan de ça... :
Spoiler:
... la voix reprit :
- Voici, Grand Grholk, chef des Grholk, arrière petit-fils de Grholk le Barbare, dont la renommée n'est plus à faire sur Meilledei. Comme son aïeul sa bave est acide, ses dents aiguisées, ses yeux petits mais vifs ; ne vous fiez pas à sa corpulence, ils sont plutôt rapides et bons tireurs de surcroit. Vous devriez vous présentez vite, ils n'aiment pas plus les étrangers que leurs voisins. En fait à part la bagarre il n'aime pas grand-chose. (soupir)
Le commissaire, quant à lui, avait fait un bon prodigieux, car non loin de là un geyser venait de recracher une étonnante dose de souffre, ce qui l'obligea à plaquer sa main contre sa truffe malmenée dans une grimace sensationnelle. Il chercha qui lui parlait, ses iris d'or se replaçant irrémédiablement sur la gueule odorante de Grand Grholk avec un certain dégout. N'ayant pas retenu grand-chose de tout ce qu'aurait pu annoncer ce pokédex déroutant, Aldrick ne put que répéter bêtement :
- Euh... Meilledei ? - Un étranger. - Qu'il sent mauvais ! - Mangeons-le ! Il n'a rien à faire sur nos terres ! - Il est maigre, y'a rien là-dessus ! - Off avec une ou deux blueapple dans le c... Un grognement mauvais s'éleva du lycanthrope lorsqu'il compris que c'était de lui que l'on parlait. - Assez ! Qui êtes-vous ? Où sommes-nous ? - Vous n'écoutez rien en fait. - Pas quand il s'agit de faire de moi le plat principal !
Là l'agent tiqua, réalisant soudain qu'aucun des Grholks présents n'avait ouvert la bouche. Autour d'eux, la terre semblait aride avec son sol couleur cuivre, l'air était visé, les geysers semblaient s'étendre sur sa droite, tandis qu'à sa gauche un bois aussi accueillant qu'un tombeau rempli de fumée avait pris place. Derrière, les dernières maisons à l'orée du village regorgeaient de bruits de vaisselles et d'ossements craquelés. Probablement y avait-il aussi une forge non loin s'il en jugeait par les échos d'un marteau frappant le métal.
- Sombre idiot ! N'ai-je pas déjà dis que j'étais le narrateur ? Je suis Gandalf, magicien d'abord gris puis blanc, qui guida en partie la quête de l'anneau sur les terres de... Hum, je m'égare. Si vous voulez plus d'informations, je vous conseille la version longue de nos aventures. En HD sur grand écran si possible. (toussote) Ne me cherchez pas parmi les Grholks, cet univers n'est pas le mien, j'y suis immatériel actuellement, le reste du temps j'y viens peu. Même si je dois bien avouer que la région semble regorger de... - Mangeons-le ! - Par ma barbe, même les Maîtres Nains ont plus de respect, je vous plains profondément Aldrick. Je peux vous appelez Aldrick, n'est-ce pas ? Ce nom en soi signifie noble et puissant, probablement que... Là, le brun sut qu'il s'était fait très mal à la tête ou qu'une puissante magie était à l’œuvre et il n'aurait guère était étonné d'apprendre que ce cher Edward White n'y était pas pour rien. - Je prends le bras gauche. ~
L'agent se crispa mortellement. Prêt à en découdre, maudissant le fait qu'il ait posé plus tôt son arme dans une réalité autre, mais se tint fièrement face à l'ennemi sans craindre d'employer toute sa force de lycanthrope. Il était hors de question qu'il se laisse farcir ! Il jaugea son adversaire, prêt à l'envoyer d'une traite au tapis quand une voix mignonne s'éleva, un nouveau geyser sembla naitre pile entre les deux combattants, à ceci près qu'il était... bleu, et que ce qui en sorti était noir et jaune.
- Pas touche ! - Pa puche !
Il fallut plusieurs secondes aux deux guerriers pour être certains que ce qu'ils voyaient à présent était bien cela :
Spoiler:
Aussitôt la voix du mage reprit :
- Voici K et J. Nouvellement nommés ainsi, depuis que la malédiction les a transformé. Car voyez-vous Aldrick, une terriiiiible malédiction sévit sur les Landes de souffres... A part celle infligée à votre odorat j'entends. Voyez-vous les Grholks deviennent mignons ! Ou plus exactement ils deviennent MINIONS ! Et parfaitement inoffensifs par ailleurs. Ce qui est problématique pour ce peuple belliqueux.
Aldrick se garda bien de préciser que cette subtile nuance ne lui était d'aucune utilité. Pas plus qu'il n'en revenait que ces deux... tubes jaunes puissent parler. Il y en avait également un bleu, seul, avec un nœud dans les cheveux. L'un des deux jaunes trouva d'ailleurs judicieux de se rapprocher en lui tendant ce qui serait plus tard une brosse de toilette bleue coiffée d'un cône de glace avec des yeux fixes et un...nez ? Une truffe ? Qu'est-ce que c'était au juste ?
- Papuche ! - Euh... - Papuche ? Oh ! Papuche ! - Je ne comprends rien, désolé. - Il dit que tu es l’Élu qu'ils ont invoqué pour empêcher leur race de disparaitre à jamais dans le monde de "Moi, Moche et Méchant", où ils ne sont pas moches mais minions, ce qui est un brin paradoxal. Mais aussi que pour cela il te faut accomplir la prophétie ancestrale qui ne peut être réalisée que... et qui stipule si justement :
« À l’extérieur du dôme de rubis, ériger le recueil du souvenir. »
- Papuche ? - Celui-là ne sait dire que "papuche" en fait, c'est ça ? - C'est ça. Voici J, heureusement pour vous, K sait autant raisonner que communiquer et H, en bleu, ne manque pas de trancher pour eux quand la situation se dégrade. Enfin il parait... Mais la prophétie est un fait véridique ! C'est mon ami Radagast le Brun qui l'a écrite. C'est un mage très cultivé, il parle beaucoup avec les animaux... - Il est là ! C'est l'heure de la chasse ! - ... Les oiseaux... - Eh, ils comptent nous voler dans les plumes là ! - Mais non ça n'a rien avoir avec le film d'horreur rassurez-vous. - Vite Élu par ici !
La minionne bleue était apparue avec un air professionnel. Lui saisissant la main pour l'entrainer près de ce qui semblait être une étable, à une vitesse déconcertante.
- Là il s'enfuit ! - Vous ai-je dit également que mon ami sait aussi y faire avec les écureuils ? - Mince la cavalerie montée ! - Ah j'allais oublier les lapins !
Il eut eu comme une sorte de flash qui passa au-dessus de la tête de K ; un instant le lycanthrope avait cru discerner une ampoule mais celle-ci disparut si vite qu'il n'en fut pas certain.
- C'est vous qui avez fait ça Gan... ? - Par-là vite ! Le coupa K. - Tu es fou ! Ce sont des Wargs de Gundabad. Ils nous rattraperons ! La minionne bleue eut un sourire, dévoilant un traineau où était attelé six énormes lapins géants et comme s'il avait était possédé par Gandalf déclara en même temps que lui : - Ce sont des lapins de Rhosgobel , qu’ils essaient dont, pour voir !
Le lycanthrope en resta bête, mais face à cette armée qui semblait sur le point de fondre sur eux, il misa sur les lapins, soulevant les trois autres pour les coller dans le traineau :
- On verra ça plus tard ! En route ! Il prit les rennes et lança les lapins à toute allure. - Non pas par-là ! Attention ! Le geyser ! A gauche ! A gauche ! Ton autre gauche ! Raaaah donnez-moi ça vite ! - C'était la droite ça ! S'offusqua le brun. - Vous devriez aller vers la forêt, elle vous offrira un abri pour... - Papuche ? - Vers la forêt ! Il faut qu'on les sème ! - Quoiii ? Ca va pas non ! Va vers les collines ! - Il faut écouter l'élu ! K s'indigna : - Mais c'est pire par là-bas ! Je te signale qu'on a pas d'épée Durandil, je sais qu'avec quand tu parcours les chemins, tu massacres sans peine les brigands et les gobelins, les rats géants, les ogres mutants, les zombies et les liches. Tu les découpes en tranches comme si c'était des parts de quiche, mais pas par làààà... IIIIIiiiih ! - On y est déjà ! - Papûûûcheuuuuh ! Le minion J leva les bras au ciel, dans un cri enchanté, des étoiles plein les yeux comme s'il venait de découvrir une autre forme de vie, le tout en s'extasiant devant...un écureuil qui avait sauté sur le bord du traineau. - Oh très beau spécimen, faites attention aux dents toutefois. - Aux dents ?
Une bosse fit basculer le charriot et évita de peu à J de perdre son avant-bras sous la morsure d'une triple rangée de dents acérées. Malheureusement cela permit à leurs adversaires de se rapprocher dans un grondement bestial.
- Mince il y a aussi des forareuils ! Souffla K. J vire le de là ! Tu veux qu'on se fasse tous manger ou quoi ? - Papuche ! - Il semblerait qu'il soit venu avec des renforts lui aussi, il faut dire qu'à force de faire la guerre à tout le monde...
Dans les arbres voisins, une horde de forareuils passait d'arbre en arbre, n'hésitant pas à manger les branches qui leur barraient la route pour progresser davantage. Le tout dans un bruit de bistouri similaire à ceux produits par les dentistes. J de son côté n'en menait pas large, au prise avec le curieux animal qui ne cessait de claquer des dents pour le manger, il ne devait son salut qu'à une branche d'arbre qui résistait de moins en moins bien à ses assauts.
- H ! Il faut l'aider ! - Je suis occupée ! Répondit la minionne en semblant fixer quelque chose à l'arrière du traineau. C'est vous l'élu, faites quelque chose !
Aldrick en resta bête, un nouvel écart dans la piste les malmena et ne fit que rapprocher plus dangereusement encore tous leurs ennemis, alors il fouilla dans ses poches et sorti la seule chose qu'il portait : une brosse bleue coiffée d'un cône. Il haussa les épaules et frappa de toutes ses forces la bestiole furieuse. A sa grande surprise l'animal fit un vol plané prodigieux et au moins aussi exceptionnel que s'il avait voulu faire un home run avec une batte de baseball. Le souffle court, il avisa J, puis le manche, et fut sidéré de constater que même le chapeau de "son arme" ne fut pas endommagé. Malgré les regards noirs que lui adressèrent les congénères du goinfre volant, l'agent souffla :
- Voelsungen. My name is Aldrick Voelsungen. - Pourquoi en anglais ? Le concerné eut un sourire en haussant les épaules, aidant J à se relever. - C'est bon K ! - Pâpuche ! Pâpuche ! Pâpuche ! - Qu'est-ce qu'il y a J ? Le minion pointa devant eux un vide immense, fossé incroyable entre deux canyons, où la forêt finissait en falaise abrupte sans un ruisseau en dessous. - Euh K... T'es sûr de ce que tu fais ? - Méfiez-vous, bientôt il va essayer de vous vendre un combiné narguilé et cafetière qui fait aussi les pommes de terre frite ; incassable. - Incassabl... ? - K ! C'est...
Un bruit de frein assourdissant résonna dans les landes des souffres et tous sans exception, les Grholks, autant que les forareuils firent au mieux pour arrêter leur progression tandis que K poussait encore les lapins. Aldrick coincé entre H et J, tel un I dans l'alphabet, paniqué de voir que ce fou allait les mener à la mort.
- Ils ne sauteront jamais ! C'est beaucoup trop loin ! - A votre place, moi j'aurais pris appui sur mon baton magique... En désespoir de cause le brun s’exécuta, brandissant sa brosse à récurer bien haut. - ...Ensuite j'aurais regardé mes ennemis droit dans les yeux. Fusillant les autres du regard, il ne broncha même pas en découvrant un rat géant parmi les Grholks. - ...Et j'aurais conclu en l'abaissant en hurlant : " Vous ne passerrez paaaaas !" La brosse s'abattit sur le plancher du traineau tandis qu'il récitait avec la même conviction : - VOUS NE... - Hey ! Le coupa le mage. Pas la peine ! Appuyez seulement sur le bouton rouge là.
Virant aussi cramoisi que le bouton qu'il pressa après avoir baragouiné une phrase incompréhensible, il vit se déployer une perche géante, débloquée plus tôt par H, au bout de laquelle pendait une éénnnoOOOOORRRRMMMmmmee carotte géante. Ce qui stimula tant les lapins qu'ils bondirent sans crainte au-dessus du vide dans "flop flop" aérien tandis que leurs oreilles s'allongeaient pour se métamorphoser en ailes tricolores et que leurs pattes arrières écopaient de minuscules paires d'ailes également.
- Ils sont croisés avec des Lym, ce sont des messagers hors pair qui naissent sur les Plaines de Joa Tha, à ceci près qu'eux sont beaucoup moins bavards. - Là-bas le dôme de rubis ! Comme un seul être, les présents se tournèrent dans la direction indiquée, apercevant un cercle aux reflets rougeoyants. - C'est beau ! - On y sera vi...
BOOOOONNNNG !
Le traineau perdit cruellement en altitude chutant alors qu'un Grholk griffait le bois en essayant d'y grimper, faisant chuter la brosse très près de sa patte énorme.
- On va se crasher ! Meilledeï ! Tour de contrôle... Meilledeï ! - Faut le déloger ! - On se rapproche trop vite du sol ! Aldrick bondit vers l'indésirable passager, récupérant la brosse avec laquelle il le frappa, encore et encore. - Ça ne semble pas très efficace. Vous comptez lui récurer les dents ? Gare à la bave acide alors. - Oh c'est pas bon ! Le dôme ! On va le percuter ! - Je voudrais que rien de tout ceci ne soit arrivé ! S'emporta H sans parvenir à redresser la barre avec les deux autres. - Comme tous ceux qui vivent des heures si sombres, mais ce n’est pas à eux de décider. Tout ce que nous devons décider c’est : que faire du temps qui nous est imparti. - C'est pas le moment !
Le traineau vrilla et la brosse par la même occasion, se coinçant sous l'aisselle du Grholk, tout comme Aldrick qui ne dut son salut qu'à la corpulence herculéenne de son adversaire, l'empêchant malgré lui de passer par-dessus bord. Les dents du Grholk claquèrent près de son oreille et cherchant à s'éloigner au mieux, l'agent agita les bras, chatouillant sans le vouloir son vis à vis qui fut pris d'un fou rire et se trémoussa davantage, les faisant chuter bien plus vite à cause d'un traineau percé par l'acide baveux.
- Nooooooooooonnnnnn !
Un amas de feuillage lui vrilla les sens et lorsque la chute s'arrêta enfin, il tenait toujours en main la brosse. Une bosse et plusieurs égratignures furent à déplorer mais ce fut la vision en gros plan de trois minions qui le troubla le plus. Dans un sursaut gigantesque, le policier se recula, avant que son cri de surprise ne résonne dans tout Meilledeï quand sa main s'était posé si près de la bouche baveuse du Grholk. Abasourdi il regarda l'animal sur lequel il avait atterrit, et songea que malgré tout il ne méritait pas ça.
- Vous avez du coffre pour un élu. - Dire qu'on vous croyait mort vous aussi. - Il était si jeune... - Au moins quand il se transformera son corps rejoindra le dôme. - Oui c'est à côté, maintenant. L'officier leva les yeux découvrant avec surprise le dôme à la face pourpre, recouvert de rubis. - Ce sont leurs âmes des défunts qui forment ce dôme. - Euh... Peut-être pourrions nous, lui rendre hommage ?
Mal à l'aise Aldrick se releva, quittant l’imposant corps avant d'acquiescer. Puis il laissa à H le soin de dire quelques mots, que J conclut parfaitement d'un air triste, en reniflant :
- Pa...Pu...Che !
Déglutissant difficilement, Aldrick posa une main sur son épaule, après s'être agenouillé, il récupéra quelques pierres non loin, et choisissant une surface plane proche, les agença de sorte à ce que l'on puisse lire du ciel le nom du concerné, comme s'il s'agissait d'une épitaphe et y cala la brosse en dernier lieu.
- On se souviendra de toi Grholk Jr.
Un silence de mort gagna la petite assemblée, chacun se recueillant jusqu'à ce qu'un toussotement se fasse en face. Ouvrant des yeux exorbités, Aldrick constata avec étonnement que Grholk Jr était non seulement bel et bien vivant, mais qu'en prime, il n'y avait plus aucun minion à ses côtés, mais trois Grholks forts près de lui.
- Ça c'est ce qui s'appelle être bien entouré mon cher Aldrick. Souffla Gandalf taquin sans tenir compte des sourires affamés qui naissaient.
To be continued...
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Loup y es-tu ? :
Dernière édition par Aldrick Voelsungen le Sam 8 Aoû - 13:24, édité 2 fois
L’exclamation d’Edward résonna avec force de persuasion entre les formidables colonnes glacées du temple des Syh Reïmr. Le débat qui avait lieu sur place entre les membres de ce peuple, entamé depuis près de six sabliers, cessa un bref instant, emportant avec lui le bourdonnement continu qui habitait les murs. Tous se tournèrent vers leur sauveur aux prises le Yhmyh, guérisseur chargé de son auscultation. Face à ces interrogations muettes, les lèvres bleutées de l’immense personnage se crispèrent dans un instant d’angoisse, puis il annonça d’une voix grave et transpirante d’inquiétude :
– Sa prononciation semble se détériorer, sans que je ne puisse en déterminer la raison. Il est possible qu’un dysfonctionnement de notre appel soit la cause de c… – ‘lvez vos goigts gue ma ‘ouche ! – Faites un effort d'articulation ! S'indigna Holmes. Comment voulez-vous que je retranscrive cela pour le lecteur ! – Par Zyhrot… Cela s’aggrave. Peut-être est-ce notre environnement qui ne lui convient pas. Cette dégénérescence rapide est un tout nouveau phénomène. Il faudrait que je prenne le temps de l’étudier. En inversant le flux Syh de son corps, nous pourrions peut… Ayh !
La généreuse morsure perpétrée par son patient fit promptement retirer ses doigts au Yhmyh. Il afficha une moue d’incompréhension marquée, palpant sa main endolorie pour en vérifier le compte de phalanges. Puis, relevant le visage vers Edward, il s’interrogea dans un murmure sur pareille force dans une mâchoire. Quelques théories furent discrètement énoncées, mais le loup ne lui laissa pas le temps d’en vérifier l’exactitude. Ne tenant plus en place, il se leva vivement, les jambes encore endolories par l’interminable attente à laquelle on l’avait cantonné, et s’éloignant de son tortionnaire, il lança :
– Je vais très bien !
Un « Oh » impressionné s’éleva entre les piliers de glace, suivi d'un brouhaha fait d’un vocabulaire complexe. Edward tenta d’intervenir à plusieurs reprises, mais ce qui apparaissait comme un rétablissement miraculeux occupait bouches et esprits de ses hôtes. On tergiversa sur sa possible origine divine, émit l’hypothèse que sa dentition bénéficiait d’une guérison rapide, objecta sur le fait que cela devait s’étendre à tout son corps, avant de mentionner une anomalie dans le souffle de Syh dont il était le détenteur et dont l’irrégularité ne faisait que croître. On voulut émettre d’autres hypothèses à ce sujet, mais la patience du loup céda. Il s’exaspéra à voix haute :
– Arrêtez de parler !
De nouveau, bref silence.
– C’est tout à fait inattendu. – Serait-ce une intolérance à notre fréquence vocale ? – C’est peu probable, en vous concentrant vous devriez remarquer les faibles variations présentes entre nos deux timbres. À peine deux ztreh. – Pourtant il semble victime d'un rejet nous concernant. C'est très visible. Voyez comme le flux qui le parcours se déforme lorsque nous débattons. Il est clair que cela fait naître des émotions négatives. De la colère peut-être ? – Ah ! Ce doit être cela ! Quelle vibration virulente vous venez de causer ! C’est extraordinaire. Tenez cela empire. Je n’avais jamais vu autant d’animosité réunie sur une souffle. Fantastique ! – Ils ne vous ont visiblement pas bien cerné, nota calmement Holmes. Tout chez vous traduit une impatience… animale. – Oh vous hein… ronchonna Edward. – Voilà que cela empire. Est-ce moi ou comptez-vous également deux souffles ? – Mais oui, mais oui ! J'ai bien vu deux souffles. – Serait-ce… souffla le Yhmyh avait de quitter promptement les lieux. – Il faudrait s’assurer que cela n’est pas dangereux tout te même. Quelqu’un souhaite-t-il étudier ce cas ? – Hey !
Deux volontaires se manifestèrent, avant qu'il leur fusse rappelé qu'un grand nombre de théories leurs avaient déjà été confiée, dont certaines capitales, telles que la numéro 154-A, consistant à savoir si la neige mouillait davantage lorsque l'on courait ou marchait. Cela eut raison du sang-froid du loup qui interrogea sèchement :
– Vous n’avez rien de mieux à faire ? Comme sauver les vôtres ?
Le froncement de nez commun que cela engendra, laissa supposer à Edward qu'il avait visé juste. Aussi, ce fut précipitamment qu'il reprit la parole, de peur que la conversation ne dérive dès l'instant où l'une de ces bouches azurées s'ouvrirait :
– J'ai écouté ce dont vous parliez tout à l'heure. Vous avez des pistes concernant cette prophétie incompréhensible que je dois résoudre ? – Nous y réfléchissions à votre arrivée. – Vous avez lancé des expéditions ? Fais des recherches sur cet éclat agile peut-être ? – Nous y réfléchissions également. – Tenté de trouver un remède alors ? – Et bien, nous y réfléchissions. – Cela manque cruellement d'action, souffla le détective d'un ton austère. – Quel sens de l'observation Holmes ! S'étonna faussement le loup en levant les bras au ciel. – L'ironie de vos propos n'est pas sans me déplaire, White. Mais ce cher Watson me dirait certainement de les conserver pour maintenir un trait… d'humour dans cette histoire. Vraiment, pourquoi est-ce moi qui suis relégué à ce rôle ingrat d'intéresser le lecteur avec un récit, qui plus est fantastique ?
Edward eut une brève pensée pour sa rustre de belle-sœur qui venait à cruellement lui manquer dans ce monde fait de Dolores et de Vladimir en pagailles. Il ne perdit pourtant pas courage, parvint à obtenir plusieurs renseignements, dont la prophétie elle même, ainsi que la personne la plus apte à leur en expliquer la signification. Il était question d'une puissante enchanteresse qui, recluse depuis des temps immémoriaux, aurait jadis guidé le peuple des Syh Reïmr lors de leur exode à travers les terres boréales. Il semblait évident, que seules les connaissances exceptionnelles de cette matriarche seraient en mesure de lever le voile sur la mystérieuse prose : « Partager l'éclat agile, devant la porte creuse ».
– C'est un problème à trois pipes, indiqua pourtant placidement Holmes.
Edward voulut se mettre en route dans la seconde, mais on le retint. Il fut question d'organisation, d'étude des risques et des meilleures attitudes à adopter pour se garder des blessures inutiles, choses dont le loup n'avait que faire. Il objecta vivement :
– N'avez-vous pas assez perdu de temps comme cela ? À ce rythme là, vous aurez terminé votre analyse qu'il ne restera plus que deux des vôtres pour m'accompagner. – Mais le voyage nécessite de traverser les terres des Nikmohr. Il faut absolument déterminer leurs points faibles avant de… – L'Élu a raison, coupa une voix féminine. Je l'accompagnerai afin que sa vie ne soit pas mise en péril.
Edward fit volt face, découvrant avec surprise une Syh Reïmr élancée d'un peu plus de deux mètres. Son visage, à moitié couvert par un casque noir que l'on aurait pu attribuer sans mal à une valkyrie, laissait pourtant voir des traits fins que deux lèvres turquoise coloraient. Une longue veste charbonneuse lui tombait jusqu'aux chevilles, dissimulant deux jambes sveltes et musclées, dont le pas, ferme, claquait sur les marches de glace. Cette arrivée soudaine déclencha une vague de murmures parmi ses hôtes, rendant l'espoir à Edward qu'il venait de trouver une valeureuse compagne d'arme, ainsi que son ticket pour quitter le temple.
– Je suis Lyhn, chef de l'armée des Syh Reïmr, guerrière à la distinction la plus élevée de maître Syh. – Edward. Enchanté. Merci pour votre intervention. – C'est naturel. Je suis heureuse de pouvoir étudier l'évolution de votre organisme étranger dans notre environnement. – Ah. – Souriez White, souriez, souffla Holmes sur un ton sensiblement moqueur. Ce voyage ne s'annonce-t-il pas sous les meilleurs hospices ? – Hülye, siffla le loup. – En digne narrateur, je me refuse de traduire.
Il fut rapidement question du départ. Des vivres furent réquisitionnées pour la durée du voyage, Edward obtint un saillant uniforme de Syh Reïmr dont la composition particulière le protégerait du froid et l’itinéraire le plus direct fut convenu. Il ne restait qu’à harnacher les montures, des immenses hermines blanches, lorsqu’ils furent interrompus.
– Attendez, attendez ! S'exclama le Yhmyh, débarquant en toute hâte. J'ai quelque chose pour vous, Élu. Cela pourra certainement vous aider. – Pour moi ?
Ce fut avec méfiance qu'Edward accueillit une amulette à l’armature métallique travaillée protégeant en son cœur une pierre taillée dont l’éclat, fait de rouge et d’azur, n’avait pas son pareil. Il remercia le Yhmyh, entrouvrant lentement la bouche lorsque ce dernier lui apprit le pouvoir de l’objet.
––––––———
– Pouvez-vous arrêter de vous rouler dans la neige ? Soupira Holmes, contraint de mettre en pause son poste de narrateur pour reprendre celui censé être le héros de cette histoire sur son comportement. Ce n’est vraiment pas le moment pour ça. Le temps manque, et vous vous laissez aller à de basses pulsions… Rentrez au moins la langue, ce sera toujours ça de dignité en plus.
Loin devant Lyhn, un immense loup blanc tournoyait joyeusement dans un tas de poudreuse fraîche. La langue pendante, la truffe couverte de flocons, il tentait d’atteindre le terrier où il était certain d’avoir vu un étrange animal se faufiler. Grattant le sol frénétiquement, il y enfonçait ensuite la tête, soufflant vivement et faisant s’envoler la poudre blanche, avant de recommencer infatigablement l’action. Les remarques de Holmes n’y changeant rien, l’habile narrateur opta pour un autre système d’approche, un plus « abordable » à son avis, pour son unique interlocuteur.
– Écureuil !
Aussitôt le loup releva la tête et dressa les oreilles. Aux aguets, il chercha de tous ses sens la présence du petit animal, hélas sans succès. Cela le peina un peu, jusqu’à ce qu’il remarque à plusieurs mètres de là, Lyhn, arrêtée. L’idée saugrenue lui vint de l’effrayer, elle et sa monture, prénommée Arceline. Idée qu'il se fit en devoir de mettre immédiatement en pratique, contre l'avis de Holmes. Ce fut donc tapi sur l’étendue glacée qu’il s’avança vers elles. À mesure de la distance gagnée, il entendait la voix de la Syh Reïmr analyser la pente sérieuse qui devait les attendre, mais trop pris par le jeu, cela ne l'interpella aucunement. Progressant à pas de loup, jusqu’à ne plus être qu’un un bond de l’hermine, il finit par s’élancer dans un saut puissant, grondant comme le faux prédateur qu’il était. Aussi placide que sa cavalière, la monture de Lyhn ne broncha pas d’un pouce ou presque. Car le malin canidé n’ayant pas vu la plaque de glace qui l’attendait à sa réception, ripa violemment, et provoqua le plus beau strike des terres boréales.
Trois corps plus ou moins imposants se retrouvèrent en suspend dans l’air, une fraction de seconde seulement avant que la gravité ne se rappelle à eux. Ils dégringolèrent sur un front glacé, pour finir fort heureusement leur course, dans un épais amas neigeux. Tombés dans une longue crevasse, les parois de glace leur renvoyèrent leurs reflets déformés et quelques peu cotonneux. Lyhn se redressa, Edward retrouva sa forme humaine sous l’éclat vif de son amulette et Arceline se secoua sous le nez du jeune homme, se vengeant ainsi ouvertement pour ce plongeon. Cela n’atténua en rien le large sourire qui décorait le visage du lycanthrope.
– White… – Allé avouez que ça vous a plu Holmes ! Répliqua le concerné en utilisant l’image que lui renvoyait un mur glacé pour retirer les derniers flocons de ses cheveux. – La sensation était tout à fait étrange, nota Lyhn. Un mélange d’inquiétude et d’excitation, mêlé à la vitesse de la chute a créé un mélange que je n’eus cru possible. Tout mon corps a réagit à cette action inattendue par un élan de gaieté. – Chez moi on transcrit ça pas : c’est le pied ! Informa le loup. – C’est… le pied ? – White, intervint plus fermement l’anglais. – Oh ne faites pas votre rabat-joie. Vous aussi vous êtes un homme d’action au final. – Faut-il que je le dise avec une expression particulière ? C’est le pied… – Là, on dirait que vous allez à un enterrement, et comme vous souriez en même temps, c’est presque effrayant. Dites le comme si vous veniez de résoudre un problème sur lequel vous réfléchissiez depuis des jours. – C’est le pied ! – Parfait ! – White ! – Quoi… Wargh !
Tombant à la renverse, Edward venait de se retrouver nez-à-nez avec un petit être étrange à la morphologie improbable. Comme s’il avait été écrasé, compressé même, il était dépossédé de cou, et son buste n’avait l’air que d’un cube que ses deux bras ridicules ne compensaient en rien. Seules les deux immenses jambes qui portaient le tout avaient quelque chose d’encore probable, quoi que leur maigreur ne soit un peu contre nature. Mais le plus inquiétant, restait sans nul doute la ressemblance troublante, ou du moins pas si lointaine, que cette malformation vivante partageait avec Edward.
– Qu’est-ce que c’est que ce… Que cette… Que ça !? S’exclama le loup. – C’est le pieeeeeed ! Lança l’interroger d’un timbre aiguë, tout en levant ses deux petits bras qu’il agitait furieusement. – Comme c’est curieux, s'étonna Lynh. C’est assurément vous Edward, vos souffles sont similaires, mais tout en possédant des caractéristiques diamétralement opposées. – Vous voulez dire qu’il est moche ! – Plutôt que sa proportion n’entre pas dans les canon de beautés actuels… Ni même dans n’importe quelle anatomie existante d’ailleurs. Mais comment est-il arrivé ici ? – Une sage question que voilà, ajouta Holmes. Essayez d’y réfléchir une minute White. – Whouhouuu ! De la neige ! J’adore la neige ! S’enjoua le petit bonhomme en courant après Arceline pour partager sa joie. – Actuellement, c’est bien la dernière chose dont j’ai envie, grimaça Edward. – C'est extrêmement intéressant. On dirait qu'il n'a pas conscience qu'il est impossible pour de si fines jambes de porter un poitrail pareil. Regardez, il se dandine ! Faites-vous cela aussi Edward ? Demanda Lynh, prête à prendre toutes les notes nécessaires. Est-ce une sorte de parade nuptiale ? – Je ne crois pas non ! – Oh ! Oh ! C’est moi ! Ce que c’est rigolo ces reflets ! Tout plat, tout grand, tout plat, tout grand ! – Mais c’est… – Notez que je l’ai compris dès que j’ai remarqué sa présence, expliqua le détective. Tout dans son physique rappelait les miroirs déformant des foires, ou de votre reflet dans le mur de glace lorsque vous avez voulu vous recoiffer.
En effet, sous les regards éberlués du petit trio, la réflexion du mini-Edward sur la paroi glacée offrait tantôt une image exacte de sa difforme personne, tantôt la reproduction parfaite du corps long et musclé du loup. Et bien que sa présence et son caractère reste un mystère, il n’existait aucun doute quand au fait que ce ridicule personnage venait bien d’un reflet. Lynh, Arceline et Edward restèrent un moment perplexes, observant, curieuse pour l’une, dépités pour les deux autres, le cube sur pattes s’amuser de la moindre étrangeté, rappelant brièvement à sa version naturelle l’engouement qu’était le sien pour, parfois, la plus innocente broutille.
– Je vais manger la stalactiiiiiiiiite !
Bon… Peut-être pas jusqu’à ce point.
Un grondement vint heureusement les déranger dans cette étrange contemplation. Il avait tout d’un grognement furieux, et sa force fit trembler l’étroit corridor de glace dans lequel ils s’étaient engouffrés. Edward jeta un coup d’œil inquiet à Lynh, en pleine réflexion :
– C'est curieux, je ne pensais pas que nous avions passé la frontière. – Quelle frontière ? Interrogea la loup, inquiet. – Celle du territoire des Nikmohr. Pourtant ce genre de bruit ressemble beaucoup à ceux qu'ils peuvent produire. – Je propose de ne pas rester pour vérifier ! – Ce n'est vraiment pas envisageable ? Si c'est un membre isolé je pourr… – Arceline, embarque la ! – Des copains ? Demanda le reflet.
Une ombre immense se découpa derrière eux, et le même son, plus fort cette fois, brisa plusieurs stalactites, dont une aurait certainement transpercé le joyeux luron de leur bande, si les mâchoires d’Edward, redevenu loup, ne l’avaient pas arraché à son emplacement. Talonnant Lyhn, emportée par son hermine, il courait aussi vite que le terrain complexe le permettait à son corps massif. Ripant à de nombreuses reprises sur la glace, il manqua de chuter plusieurs fois, mais cela restait un désagrément infime à côté des hurlements de son passager.
– Ouiiiiiiii ! Whouhou ! Youpiiiiiiiiii ! On touuuuuurne !
On tourne ? Edward vira violent sur la droite, surprit par un embranchement soudain. Ses pattes griffues ne lui assuraient qu’une maigre stabilité et un contrôle tout aussi douteux de sa direction, mais enfin, il put reprendre sa course et rattrapa rapidement Lyhn et Arceline. Derrière eux, un vacarme sans nom résonnait avec de plus en plus de force. La glace semblait se briser au loin, et ce avec une force effrayante qui faisait vibrer les parois environnantes. Comble de l’effroi, l’une d’elle se fissura soudainement, menaçant de faire s’effondrer toute la crevasse sur eux. Sprintant droit devant, ils se concentrèrent sur leur seul trajet, sans pour autant pouvoir se défaire des reliefs de plus en plus ardus de ce dernier. Autour deux, des bout de glaces tombaient en pagaille, mais heureusement, une descente raide les mena droit sur la sortie.
Déboulant sur les landes gelées des terres boréales, ils passèrent sous une arche imposante, gagnant l’abri d’un monticule immaculé et ne se retournèrent qu’une fois certains d’être en sécurité observant non sans effroi la crevasse empruntée s'effondrer sur elle même.
– Encoooooooooore !
La patte massive du loup se cola sur le visage enjoué de Cuby (il fallait bien lui trouver un petit nom), ne souhaitant plus entendre un seul des sons perçants que sa gorge était capable de produire. Cela n’eut cependant pas l’effet escompté, car l’énergumène enserra de ses deux minuscules bras le membre pelucheux qui tentait de l’étouffer, trouvant très confortable la douceur de ces poils. Le loup grogna, mais cela n’y changea rien, et il dut retrouver forme humaine pour récupérer la propriété de sa main.
– Je trouve cela étrange, intervint finalement Holmes. – Oui moi aussi. Qu’est-ce qu’il a à être aussi hystérique ! – Je ne parlais pas de cela, mais de cette arche. Interrogez Mademoiselle Lynh à ce sujet. – Mademoiselle ? Vous savez qu’elle n’est pas mariée ? Enfin… Si cette coutume existe dans son peuple. – Apprenez à observer White ! N’avez-vous pas remarqué que certains membres de son peuple portaient une escarboucle sur le casque qu’ils arborent. Elles allaient par paire, ce qui exclue une appartenance familiale et… – Lyhn, à quoi correspond l’arche que l’on a dépassée ? – … Vos proches doivent vous trouver tout à fait pénible, soupira le détective.
La Syh Reïmr s’étonna à son tour de la présence du monument, expliquant qu’il marquait la frontière entre leur contrée et celle des Nikmohr. Une question silencieuse se posa alors, car s’ils venaient seulement de pénétrer chez ce peuple dangereux, quelle était la chose qui venait de les attaquer ? Edward préféra ne pas obtenir de réponse dans l’immédiat, et il contraignit Lynh à faire de même. L’entraînant à sa suite, précédé d’Arceline qui essayait de mordre Cuby à chacune de ses tentatives d’approche, il songeait à trouver un lieu pour passer la nuit. Le soleil était couché depuis un moment déjà quand le loup jeta son dévolu sur une langue de glace, dont la forme les abriterait du vent. Il s’y laissa choir, harassé, et partagea volontiers leur pitance, tout en observant Lyhn curieux. Elle tira de sa ceinture, ce qui semblait être un flocon de neige, mais d’une taille largement supérieure à la moyenne. Elle le posa au sol, joignit ses deux mains à la peau d’azure, et une lueur vive s’empara du cristal glacé. Il s’imprima dans le sol, avant de quintupler soudainement sa taille, s’étendant sur un diamètre qui englobait chacun des présents. Puis, il répandit une chaleur douce, sous les regards admiratifs d’Edward et de Cuby qui partagèrent un « Ooooh » émerveillé.
Un sablier s’écoula, avant que chacun ne trouve le sommeil. Les deux lunes de Meilledeï éclairant à peine leur silhouette.
––––––———
Le jour était encore loin lorsqu’un léger craquement fit sursauter Edward. Habitué à ne dormir que d’une oreille, il se redressa vivement, son regard scrutant l’obscurité ambiante que seul les ronflements en quinconce de Cuby et Arceline troublait. Tournant la tête, il fut surpris de tomber nez à nez avec une peluche, haute comme trois pommes et qui n’était pas sans ressembler à un lapin. La différence la plus notable restait son immense regard, disproportionné par rapport à sa taille, qui ne lâchait Edward pas d’une semelle. Le loup recula, par réflexe, mais l’animal s’avança encore, visiblement mue par un élan d’amour ou quelque chose d’approchant et qui ne lui inspirait pas confiance. Il voulut l’éloigner, mais il n’en eut pas le temps.
– Encore une peluche ! – Cuby ! Non ! – Un Nikmohr ! S’exclama Lyhn que le cri avait éveillée.
À peine étreint, la figure joviale de la créature s’enlaidit brusquement, et un bruit sourd fit trembler le sol. Les lunes y découpèrent une ombre inquiétante, et Edward n’eut pas le temps de se retourner qu’une masse de glace s'abattait sur leur joyeux compagnon. Si un miracle lui laissa la vie à cet instant, la seconde attaque fut sans échappatoire, et un coup sec fit exploser le reflet en une centaine d’éclats de glace. Le rire machiavélique du lapin globuleux s’éleva et, levant les yeux dans sa direction, le loup le découvrit au sommet d’un colosse de neige dont il maîtrisait visiblement chaque mouvement. Une fureur sourde s’empara du lycanthrope qui retrouva sa forme animale, esquivant un nouvel assaut de l’impressionnante massue gelée. Se faufilant entre les jambes massive du golem, il tenta de bondir sur son dos pour étreindre ce maudit animal et lui faire payer la disparition de Cuby. Mais sous estimant l’agilité de son adversaire, et surtout la possibilité pour son buste d’effectuer un demi-tour complet, l’attaque d’Edward fut violemment contrée, envoyant le loup à une dizaine de mètres de là. Son amulette s’illumina, et il retrouva forme humaine.
– Les textes disaient donc vrai, souffla Lyhn avec curiositié. Les Nikmohrs sont deux entités. Ils sont en mesure de partager leurs souffle avec des objet inanimés pour les utiliser comme bon leur semble. – Mais attaquez le ! S’exclama Edward. – Je crois me souvenir de leur point faible. C’était quelque chose de plutôt inattendu. Quelque chose de rond… – Attention !
L’arme de glace s’abattit sur la jeune Syh Reïmr, soulevant un immense nuage de poudreuse. Le cœur d’Edward se serra, il appela sa compagne d’arme, craignant le pire, mais resta la bouche entrouverte lorsqu’il découvrit qu’elle avait paré le coup. À son avant-bras s’était développé un large bouclier, dont le cœur était formé d’un flocon de neige, et dans sa main droite, une longue lame faite d’une forme similaire, s’allongeait encore. D’un geste vif, elle dévia le gourdin, avant de trancher d’un coup sec l’articulation qui faisait office de poignet. Un cri de douleur s’éleva de la gorge de leur assaillant pelucheux, et il redoubla de férocité dans son assaut.
– White ! Sa queue ! Hurla Holmes. – Compris !
Redevenu loup, Edward se jeta dans la bataille. Lyhn, l’esprit toujours occupé par ce point faible, avait transformé son bouclier en arc, et son épée en flèche, et ce fut montée sur Arceline qu’elle visa les genoux du géant qu’elle fit éclater un à un. Perdant de sa hauteur, le lycanthrope en profita, et utilisa son élan pour escalader le dos du goliath et referma ses crocs sur la queue touffue du lapin qu’il sectionna d’un coup sec. Pris de court, l’animal chuta dans la neige et son golem se désarticula complètement, ne laissant en souvenir qu’un tas de neiges, de roches et de glaces. Tous crocs dehors, le canidé avait coincé la peluche machiavélique entre se pattes, prête à en faire son casse-croûte, mais la bestiole l’implora de ses deux immenses yeux :
– Pitité, pitié, pitié. Pas mangé, pas mangé ! Pas bon ! Grandes dents mal au ventre ! – Il a raison, enchaina Lyhn. La viande de Nikmohr est réputée pour être indigeste. – Et puis il est inoffensif maintenant, laissez lui la vie White.
Crachant la boule de poils qu’il avait encore dans la gueule, Edward retrouva ensuite forme humaine. Il se releva lentement, n’adressant qu’un regard noir à l’assassin de Cuby, et s’apprêtait à interroger Lyhn sur la marche à suivre, lorsqu’un rugissement puissant perça le silence vespéral.
– Ne restons pas là, abandonna Edward. D’autres vont certainement arriver. – Venir ! S’exclama le Nikmohr. – Hors de question. Tu as la vie sauve, n’en demande pas plus. – Venir, venir venir ! – Tu as peur de retrouver les tiens ? Interrogea Lyhn. – Non, non, non. Bruit là, pas Nikmohr. Venir !
Le même son, plus enragé encore, fit frissonner les présents. Le loup jeta un coup d’œil à la minuscule créature privée de tout pouvoir, croisant ses gigantesques iris humides qui surplombaient sa frimousse tremblante. Il soupira, maudissant sa clémence, et retrouvant une apparence canine, accepta la bestiole sur son dos. Ce dernier lui en fut visiblement très reconnaissant, et s’agrippant à ses poils, il glissa :
– Gentil Grandes dents. Sauvé Bunbun. – On dirait que vous vous êtes fait un ami, glissa innocemment Holmes.
Le quatuor ne s’attarda pas davantage. Et quittant leur petite base, ils partirent à la recherche d’un nouvel abri pour terminer leur nuit, laissant derrière eux la menace qui semblait les suivre. Car peu après leur départ, une silhouette massive, au souffle brûlant, foula les restes du pauvre Cuby, humant l’air pour y déceler la moindre trace de ses proies.
––––––———
Le soleil n’était pas bien haut lorsqu’Edward se réveilla, les membres engourdis par l’étroitesse de leur abri, qui l’avait contraint à une position laborieuse. Il bâilla généreusement, s’étira en repoussant doucement la queue d’Arceline toujours assoupie, puis ouvrit les yeux, les posant sur la voûte glacée de leur grotte aux dimensions plus proches d’un terrier, pour y croiser deux reflets qui lui rappelèrent tristement la disparition de Cuby. Le cœur gros, désolé ne n’avoir pu sauver ce petit bonhomme plein de vie, il sursauta à l’appel de Lyhn. De crainte qu’elle soit en danger, il s’extirpa rapidement de son lit de fortune, regagnant les landes boréales.
La tête à peine sortie du sol, il entrouvrit les lèvres lorsque son regard dépareillé croisa ceux, identiques, de deux nouvelles images de lui, aux proportions toujours aussi farfelues. Celui de droite avait de toutes petites jambes et un corps en arc de cercle qui penchait vilainement sur la gauche. Le nez et la bouche tordue, il répliquait d’une voix nasillarde au second, un fil de fer qui supportait une grosse tête elliptique à la largeur exagérée et qui tanguait dangereusement. Figé, Edward jeta un coup d’œil à la Syh Reïmr, qui ne savait plus à quel Saint se vouer. Devait-elle débuter son étude par la cambrure d’Archi, ou préférer l’équilibre précaire de Clouy (Sachez que le second narrateur de cette aventure, Holmes, se dédouane du caractère ridicule de ces surnoms). Bunbun semblait le seul conscient de l’altercation qui avait lieu entre les deux reflets, et tentait, avec ses quarante centimètres de haut, de calmer le jeu :
– Pas fâchés ! Grandes dents tordues sourire ! Sourire ! – J’y vais à ta place. Reste ici c’est plus sûr pour toi. Et vous aussi, restez là ! J’ai assez de force pour retrouver l’enchanteresse seul ! Lança Clouy qui, levant les bras qui tenaient sa tête droite, reprit son mouvement de balancier. – Bien chur ! Tu tiens même pas debout ! Toute fachon, ch’irais quand même ! Ch’m’en fiche ! Répliqua Archi tentant de prendre le large, sans succès puisque Lyhn tenait à mesurer l’angle que formait son corps. – Il devient évident que dès lors que vous croisez votre reflet, celui-ci prend vie d'une manière toute à fait illogique, informa Holmes, sur de son fait. – Trente deux degrés ! Avez-vous vu cela Edward ? Tout à fait fascinant. Pensez-vous qu’il voit correctement malgré l’inclinaison de ses yeux ? Nous allons faire un teste.
Lyhn leva son index effilé, demandant à son interlocuteur à la face amochée de le suivre du regard, ce que ce dernier refusa catégoriquement de faire. Quant à son comparse à tête d’épingle, il s’était jeté sur la Syh Reïmr, en vue de la protéger d’une possible foulure du poignet. Edward les toisa, perplexe, ouvrit la bouche, puis la referma, sans trouver la force d’articuler quoi que ce soit. Arceline le rejoignit, mais accueillit avec déférence la présence de ses deux nouveaux, craignant probablement qu’ils essaient à leur tour de l’utiliser comme peluche. Comme ce ne fut pas le cas, elle se rapprocha, créant l’affolement chez Clouy qui se précipita pour l’empêcher de poser le pied sur une plaque de glace, et s’étala, déstabilisé par sa large caboche.
– Holmes. Dites moi que je fais seulement un mauvais rêve, s’il vous plaît, demanda le loup en passant une main las sur son visage. – Ce serait vous donner de faux espoirs mon cher White, et ce n’est nullement mon genre.
Le loup réussit finalement à attirer l’attention de Lyhn, l’interrogeant sur la proximité de l’enchanteresse. La Syh Reïmr mit quelques temps avant d’assimiler sa demande, et pointa finalement du doigt une vieille masure d’où s’échappait, par intermittence, d’épais ronds de fumées pourpres. Ils arrivaient donc au terme de ce premier voyage !
– Allons y ! Lança Edward en se mettant en route. – Nan che veux pas y aller, lâcha Archi en croisant ses bras biscornus au mieux. – Tu voulais t’y rendre il y a deux minutes ! Répliqua le lycan dans un soupire. – J’ai peut être le temps de refaire une mesure. Ce sont des cas uniques Edward. C’est le pied ! – Lyhn, vous me rappelez de plus en plus une personne de ma connaissance… Et je n’arrive pas à savoir si cela me plaît ou non. – Mais vous allez vous blesser ! Je dois y aller à votre place ! S’exclama Clouy en s’élançant de tout son petit corps frêle, pour finir la tête en bas et jambes en l’air. – Puiche que ch’est cha, che reste pas là ! Ch’y vais ! – Grandes dents tordues encore fâché ?
Edward souleva le lapin, lui assurant que tout allait bien et se remit en marche aux côtés d’Arceline. Devant eux, Clouy se releva rapidement, essayant de dépasser son homologue sans grand succès, tandis que Lyhn les talonnait, notant en même temps leurs particularités. Finalement, ils atteignirent la bâtisse de l’enchanteresse sans encombre.
Après avoir promis à Clouy qu'il ne se blesserait pas, le loup insista pour toquer, car il songea que si Lyhn n’avait rien d’effrayant, il n’en était pas vraiment de même pour ses doubles tortueux.
– Pour qu’est-ce ?
Ils sursautèrent, cherchant du regard l’origine de cette voix masculine, froissant visiblement son détenteur qui poussa un soupir d’une extrême lassitude. Tous finirent par apercevoir le massif heurtoir au centre de la porte de bois, représentant le visage d’un vieillard barbu qui tenait dans sa bouche l’anneau permettant de frapper. Par un effort d’articulation, il parvint à prononcer parfaitement :
– Sous quelles honnies excuses espérez vous déranger Mâdâme ?
Le loup colla sa main sur les lèvres froides de Lyhn, prévenant l’entrain manifeste pour cette nouvelle curiosité. Gardant son calme, il répondit comme le bon et sage patron de cabaret qu’il était :
– Cher monsieur, nous venons quémander l’aide de Madame, car le peuple qu’elle sauva jadis, est désormais souffrant. – Je ne vous aurais jamais cru si diplomate White, glissa Holmes sincère. – Merci, mais je n’en suis pas à mon coup d’essai. Il est très simple de se mettre ce genre de narcissique dans la poche. – Narci… Oh ! Le rustre ! S’offusqua le heurtoir. Le gourgandin ! – Mais vous êtes aussi d’une maladresse sans nom, acheva le détective. – J’ai parlé à haute voix, c’est ça ? – Hors de ma vue ! Polissons ! – Il s’énerve ! Tous derrière moi ! Je vais vous protéger ! Lança Clouy dont la largeur ne dépassait pas celle de la tranche d'un livre un peu épais. – Che veux être devant moi ! – Grandes deeeeeeeents !
Le bazar innommable qui se créa devant la porte, finit par attirer la propriétaire des lieux qui ouvrit brusquement le battent, les toisant d’une mine fâchée, puis circonspecte.
– Vous êtes en avance ! Gudule ! Pendule du dimanche ! Tu retardes allons ! De quoi ai-je l’air ? Et toi Gringoir, pourquoi ne m’as tu pas averti de leur arrivée ? – Je m’insurge Mâdâme ! Ils se sont comportés comme des rustres sans manières et sans tact ! – Parce qu’ils ont dit que tu étais narcissique ? C’est un peu vrai pourtant. Bon ! Ne perdons pas de temps.
La petite fille, haute d’un petit mètre dix tout au plus, referma la porte derrière elle, invitant ses hôtes à la suivre. Tous la regardèrent, sidérés de se retrouver devant une fillette vêtue de dentelles et d’un robe à volants, dont les cheveux blonds avaient été séparés en deux couettes bouclées. Tous sauf Lyhn qui, ne percevant que son souffle, admirait la puissance décrite dans les récits des anciens.
– Dépêchons ! Vous souhaitez résoudre cette prophétie non ? – Euh oui mais… Mais vous saviez que… – Brise moi, mais épargne les autres ! Lança soudain Clouy, en écartant ses deux bras à l’épaisseur de spaghettis, sous le regard exaspéré d’Edward. – Te briser ? Mais pourquoi faire ? – Moi ch’veux être brisé ! – D’accord ! – Non ! Non, intervint rapidement le lycanthrope. Il ne sait pas ce qu’il dit. Ne faites pas attention. Euhm… Alors ? Comment sommes nous censé accomplir la prophétie ? – Nous allons partager les éclats agiles autour de la porte creuse ! – Évidemment… Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt… – Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ! S’exclama à son tour Holmes. C’était donc ça ! – Hein ?
L’enchanteresse dévoila fièrement ce qui s’apparentait à un croisement étrange. Un sorte de chèvre, ou de chamois, au cou large et aux pattes minuscules, celles de gauches étant nettement plus courtes que celles de droites et dont le crâne était surmonté par deux cornes épaisses. Dépassant Bunbun d’une dizaine de centimètres, il mâchait son foin. Un morceau s’était d’ailleurs coincé dans sa narine sans qu’il n’en paraisse incommodé.
– Je vous présente Dahu. Il va nous emmener à la porte creuse. – Dahuuuu.
Un doute subit s’empara d’Edward dont le regard passa de l’animal à sa propriétaire, puis il tenta d’interroger Lyhn, en pleine prise de notes. Il n’eut cependant pas le temps de poser la moindre question, que la petite fille claqua du talon sur le sol, faisant naître le dessin d’un flocon sous son animal. S’illuminant au point d’aveugler les présents, ils découvrirent en rouvrant les yeux, le même minuscule animal, une barbichette en plus, attelé à une carriole à l’image de sa propriétaire. Cette dernière les invita à prendre place, ce que tout le monde fit avec plus ou moins de difficulté, puis donnant un second coup de ses chaussures enchantés, les rennes s’animèrent, donnant le départ à Dahu. La biquette se mit en route, et comble de la stupeur, entraîna avec elle le chariot et ses occupants, pour les diriger droit sur l'à-pic à l'arrière de la bâtisse. Edward n'envia jamais autant sa comparse aveugle, car il eut tout le loisir d'admirer une descente vertigineuse qui réveilla aussi furieusement son vertige que ses haut-le-coeur. Agrippé à la carriole, il contenait au mieux le gémissement ridicule qui se bousculait derrière ses lèvres. Il ferma les yeux, mais les bonds agiles de Dahu et de leur embarcation suffisait à raviver cette peur irrationnelle du vide et lui nouait fermement les tripes.
Le calvaire dura d'interminables minutes, durant lesquelles il ne compta ni le nombre de fois où il eut envie de hurler, ni celui où il fut certain de frôler la mort, et encore moins les multiples reprises où il se cru bel et bien trépassé. Mais enfin, la voix calme de Holmes, le tira de ses turpitudes.
– White, laissez cette pauvre décoration à la forme douteuse. Vous êtes arrivés depuis près de cinq minutes et ils vont avoir besoin de vous.
Edward releva la tête, et son cœur s'apaisa à la vu d'un sol si proche. Il descendit rapidement de ce traîneau maudit, se promettant de ne jamais y remettre les pieds, puis rejoignit d'un pas pressé Lyhn, Arceline et leur trois comparses. Ce ne fut qu'alors qu'il remarqua l'immense arche que le quintet observait. Monument qu'il reconnut comme celui qu'ils avaient traversé en pénétrant les terres des Nikmohrs. Une porte creuse, certes, mais encore manquait les éclats agiles à partager.
Le loup se tourna vers l'enchanteresse pour demander des explications quand au reste de la prophétie, lorsque de nouveau, le rugissement, perçut déjà par deux fois, résonna sur les landes de glaces. Tous les présents frissonnèrent à l'exception de la magicienne qui scrutait l'horizon. Le lycan l'interrogea, inquiet :
– Qu'est-ce que c'est ? – Hum ? L'éclat agile voyons. – Quoi ? – White, réfléchissez une minute. N'avons nous pas manqué quelque chose depuis le début de cette aventure ?
L'interroger fronça les sourcils, ne comprenant pas où Holmes voulait en venir. Tous les sens en alerte, il guettait le moindre mouvement, ne tenant compte d'aucun des élans de courage de Clouy, ni de la crainte de Bunbun désormais blottit contre lui. Le vent se leva sur l'horizon glacé, soulevant sa neige pour en faire une brume éparse, et amplifiant encore le grondement sauvage qui approchait. Retenant son souffle, Edward fronça les sourcils lorsqu'il perçut un bref mouvement au loin. Puis il le vit.
Perçant le brouillard givré, une gueule immense, bavant tout son soûl et toute sa rage, s'avançait vers eux. La bête était difforme, obligée de traîner une patte trop petite pour supporter son poids, rendant son pas tordu. Mais elle avançait, gigantesque, faisant trembler le sol sous ses foulées de monstre. Monstre immaculé, un pelage blanc couvrant son corps dégradé aux allures canines, sans pour autant masquer le regard sanguinaire, aux iris bicolores, qui se posèrent sur ses proies. Le souffle court, Edward murmura :
– Vyresh.
Il recula, le corps secoué d'un tremblement fait de terreur et de colère. Égaré dans des souvenirs détestables, ce fut le timbre ferme d'Holmes qui le tira de sa torpeur :
– Cette créature n'est pas celle que vous croyez White ! Reprenez-vous ! Regardez ses yeux !
Le cœur battant, Edward dut faire un effort conséquent pour se maintenir debout. Mais écoutant le détective, il osa affronter le regard de la créature, désormais à une dizaines de mètres d'eux. Il y découvrit le détail le plus anodin qui soit, mains dont la signification était cruciale. L'œil rouge et l'œil bleu étaient inversés. Tout lui paru alors limpide. Leur chute dans la crevasse, et ce tout premier reflet qui les poursuivaient depuis sa naissance. Son reflet, mais son reflet de loup. La voix de Clouy lui fit alors tourner la tête :
– Je vous protégerais tous ! Abritez vous derrière moi ! – Ch'veux pas être protégé ! – Très très très grandes dents, pas manger ! – Il ne te mangera pas Bunbun, j'y veillerai. Ni toi Archi. Ni personne ! – Mais ch'veux être mangé. – Edward ? Vous êtes prêt ?
L'amulette brilla, laissant place à un imposant loup blanc qui s'élança dans la bataille aux côtés d'une équipe aussi hétéroclite que volontaire.
La patte atrophiée fut prise pour cible. Montée sur Arceline, Lyhn jeta un premier flocon sous cette dernière, créant un immense pentacle, d'où s'échappèrent trois chaînes glacées qui enserrèrent le membre malade. Limitant les mouvement du reflet. Ce dernier se mit à gronder de fureur, et tenta de se défaire de son étreinte. Martelant le sol, il ne remarqua pas le petit lapin qui escalada jusqu'à réussir à atteindre son dos. Il s'y cramponna, quand six mètres plus bas, Edward s'attaquait à l'articulation de la patte avant droite, y enfonçant ses crocs avec rage, sans autre but que de mettre à terre le mastodonte. Mais ce dernier ne se laissa pas faire. S'agitant comme un beau diable, il parvint à faire lâcher prise le loup qui s'étala quelques mètres plus loin, avant de se retourner sur les chaînes qu'il brisa d'un coup de dents. Une flèche l'atteignit alors en pleine gueule, brisant une canine et augmentant sa fureur. Lyhn devint alors son unique cible, et ni les assauts d'Edward, ni les hurlements d'Archi et Clouy, ou les tentatives désespérées de Bunbun ne le firent changer d'avis. Bientôt, il désarçonnait la Syh Reïmr, éloigna sa monture d'un coup de patte, pour essayer ensuite d'avaler la cavalière. Cette dernière se protégea furieusement, usant des ses sorts les plus habiles pour parer la puissance de son assaillant. Son premier bouclier vola en éclat, et le second ne résista guère plus. Edward se jeta sur la gorge du titan, mais cela ne le freina que brièvement, et il s’abattit brusquement sur Lyhn, tous crocs dehors.
Soudain, une lumière vive l'éblouit, le forçant à repousser son dessein. Grognant de plus belle, la surprise le gagna lorsqu'un immense ruban rose enveloppa sa gueule dans un nœud charmant. Le talon de l'enchanteresse claqua une seconde fois pour en resserrer l'étreinte. La bête chercha aussitôt à s'en débarrasser, employant pour cela ses pattes avant. Virant brusquement de bord, Edward s'élança jusqu'au membre postérieur droit, dont il fendit une partie à force d'acharnement. Blessé, leur assaillant tangua sous la surprise, avant que Lyhn ne porte le coup de grâce à l'articulation gauche. La bête, s'effondra, plus furieuse encore, car son unique patte avant l'empêchait de se remettre debout. Mais il ne s’avoua pas vaincu. Muselé, ses grondements se transformèrent en coups de tonnerres puissants, et ce fut du bout des crocs qu’il manqua de peu de rectifier l’anomalie céphalique de Clouy. Mais ce faisant, il coinça son corps massif sous l’arche, et se retrouva incapable de s’en extraire.
La victoire ne lui appartenait plus.
– Faites le voler en éclat, somma l’enchanteresse. – Quoi ? Mais comment ? – Gentil Très très très grandes dents ! Gentil ! Répétait Bunbun en caressant le dos du mastodonte. – L’idée qui vous vient est profondément saugrenue, en cela qu’elle pourrait fonctionner, informa Holmes, d'un ton surpris. – Grattez lui le ventre ! – Che gratterais pas chon ventre ! – Vous allez vous blesser ! Je vais le faire, reprit Clouy qui partit à l’assaut de la montagne poilue. – Che le fais auchi ! – C'est le pied !
Tous suivirent. Et à force de grattouilles intensives, la rage de la bête laissa place à un élan de bien être, traduit par une mouvement de patte avant répétitif qui martelait le sol avec force. Tous les environs tremblaient sous cette puissance, et le corps même de l’animal se mit à vibrer sous ce rythme régulier. Un premier craquement retentit, puis le reflet se fendit sous les doigts d’Edward. La fissure gagna rapidement la totalité du reflet, qui finit par se figer. Puis un bruit sec et l’être tout entier se brisa, tombant, éparse, sur la terre gelée.
Les présents restèrent un instant silencieux, chacun ramassant un morceaux de glace encore frissonnant, leurs regards se croisèrent, puis une immense lumière s’éleva de chaque éclat. Un claquement de bottines résonna, et tous ses morceaux quittèrent les mains qui les tenaient pour s’élever jusqu’au sommet de l’arche. Là, tous prirent une même route, rejoignant dans une pluie de poussières glacées la cité des Syh Reimrs.
– C’est terminé ? Demanda Edward, pas encore remis de la soudaine disparition du monstre. – Bien sûr ! Pour qui me prenez vous, s’offusqua la petite enchanteresse. Et votre malédiction aussi est levée. – Ma ma… – Archi, fuis ! Je te protégerai de ta disparition ! – Ch’veux pas dischparaître. – Qu… Ça ? Vous ne pouvez rien faire pour eux ? S’enquit rapidement Edward.
La petite blonde leva ses iris vers le loup, puis toisant les deux reflets, elle demanda :
– Vous savez faire le thé ? Victoire, ma bouilloire, est un peu capricieuse en ce moment. – Je vous protégerais des brûlures ! L’eau chaude est dangereuse ! – Ch’ai pas peur moi ! – Oh et puis… Ils me tiendront compagnie !
Un petit coup de talonnette sur le sol, et la disparition d’Archi et de Clouy cessa. Le dernier, fier de son sauvetage, bomba son menu torse, quand l’autre manifestait encore et toujours sa contradiction. Étrangement, cela rassura Edward, un sourire gagna ses lèvres alors qu’il remerciait la magicienne. Il ne put cependant pas se séparer de Bunbun, qui s’était visiblement entiché de lui, et insista pour les raccompagner chez les Syh Reïmr. Ce à quoi Lyhn n’objecta nullement, s’enquérant dès lors des études qu’elle pourrait effectuer sur un authentique Nikmohr.
Il était temps de rentrer au bercail.
C'est la fin de cette première manche !
Et bien on en aura vu des excursions ! Un grand bravo pour cette imagination dont vous avez fait preuve et les périples affrontés ! Vous avez été dignes de vos rangs d'élus. Vos narrateurs ont ajoutés du piments dans vos postes, donnant la réplique à votre personnage à grand renfort de clin d'œil croustillant ~
Un grand merci pour votre participation !
La suite arrive la semaine prochaine ! Le temps pour tout le monde de souffler un peu, de poursuivre vos RPs en attendant la seconde manche qui vous réserve encore bien des surprises ~
Ceux ayant ratés la première manche, et qui souhaitent participer à la seconde devront nous en avertir par MP, à l'exception de Gabriel qui nous a déjà tenu au courant o/