Une vie est faite de détails, mais un détail peut changer une vie.

Mont Fuji, Juin 1872 :

« Regarde Fujiro, l’œuf ! »

Deux grands dragons orientaux avancèrent leur tête vers un œuf. Il se remuait dans tous les sens, craquant, laissant tomber des morceaux de coquilles sur le sol. Fur et à mesure, une petite tête grise fit son apparition, les yeux toujours clos et son peu de pelage bordeaux.

« Oh, elle a ton pelage Rin ! »

La dénommé Rin, était la mère du nouveau-né, elle était blanche au pelage rouge, ses yeux étaient noirs. Quant à Fujiro, c’était le père, il était noir au pelage gris, avec des yeux rouges.
L’œuf termina de se briser, laissant apparaître le petit dragon dans son intégralité. Après quelques minutes, le reptile commença à ouvrir les yeux. On pouvait discerner un orangé clair, entre deux clignements des yeux. Les parents semblaient émerveillés.

« Tu es magnifique… Ma petite Aiko. »

La petite dragonne remua les oreilles et dressa la tête vers Rin, intriguée.

« Elle a des yeux magnifiques… Et plein de malices ! »

Fujiro regarda Rin, fier du fruit de leur amour..

Mont Fuji, Juin 1876 :

« Aiko ! Ne t’éloigne pas trop ! »

Rin s’inquiétait de voir la petite dragonne prendre de plus en plus d’altitude par ce temps orageux, mais Aiko, têtue comme elle est, continuait de monter dans le ciel, se rapprochant dangereusement de ces nuages remplis de foudre.

« Aiko, écoute ta mère. »

La voix sévère et sérieuse du père retentit, à ces mots, la petite dragonne ronchonna et entreprit de rejoindre ses parents. Elle atterrit à côté de sa mère, avec un regard triste.

« Je voulais juste aller voir les étoiles.. Elles sont cachées ! »

En effet, Aiko ne s’intéressait pas à l’or comme ses parents, elle préférait les étoiles et la lune. Elle espérait tous les soirs pouvoir en attraper une, mais sa mère lui avait expliqué que si jamais une étoile descendait sur la terre, celle-ci perdrait son éclat et deviendrait une simple pierre.
En voyant son air triste, Fujiro poussa doucement Aiko du bout de sa truffe, l’air taquin.

« Si tu continues à respecter les règles, dans deux ans je t’apprendrai quelque chose et nous irons par la suite voir un évènement encore plus brillant que les étoiles ! »

Aiko releva la tête vers son père, les yeux pétillants.

« Et pourquoi pas maintenant ? »

Le père d’Aiko, fermait les yeux, amusé de l’impatiente de sa fille.

« Tu n’es pas prête, sois patiente. »

Les écailles de la petite dragonne rougirent, comme à chaque fois qu’elle devait attendre.

Mont Fuji, Juillet 1878 :

« Et maintenant… ?! Et maintenant ?! »

Aiko tournait autour de son père, cela faisait deux ans et un mois qu’elle attendait, elle languissait de savoir ce qui était plus brillant que les étoiles.

« D’accord d’accord ! Calme-toi Aiko.. Assis-toi là, je vais t’expliquer. »

La petite dragonne s’installa devant son père, qui fut vite rejoins par Rin. Les parents se regardèrent, avant de retourner leur attention sur leur fille.

« Tout d’abord, tu dois savoir que tout en bas de la montagne, il vit autre chose que des dragons. Les êtres qui y vivent, sont des humains. »

Aiko regarda ses parents, intriguée.

« C’est quoi, un humain ? »

Rin prit alors la parole.

« Tu le verras bientôt, mais avant tout, tu dois savoir que tu ne devras jamais ni te montrer, ni dire à qui que ce soit que tu es un dragon. »

Aiko ne comprenait pas, comment ne pas montrer qu’elle était un dragon.

« C’est pour cela, que si on doit descendre sur le territoire des humains, nous devons t’apprendre… A prendre forme humaine. »

Sa phrase terminée, le père de la dragonne eut les yeux qui se mirent à luire, de plus en plus fort jusqu’à aveugler un court instant Aiko. Quand la dragonne rouvrit les yeux, le dragon imposant avait disparu et à sa place se trouvait un plus petit être, vêtu d’une drôle de peau (qui en réalité était un kimono noir aux motifs gris). Il avait son pelage gris et ses yeux rouges. Aiko recula, surprise.

« N’ai pas peur, c’est moi, en humain. »

Aiko avait reconnu la voix de son père et sans prévenir, Rin se métamorphosa à son tour. Elle avait les cheveux bordeaux et les yeux noirs, mais elle avait aussi une peau bizarre (kimono blanc aux motifs rouges)..

Les heures défilaient, le père d’Aiko apprenait à sa fille comment se transformer pendant que sa mère lui faisait des leçons sur la vie des humains, sur les dangers et tout ce qui fallait savoir.

Aiko était à la fois effrayée, intriguée et émerveillée par tant de nouveautés.
Au bout de douze heures, elle savait tout ce qu’il y avait à savoir et avait réussi à se métamorphoser… Elle était maintenant sous forme humaine, étant donné qu’elle n’avait que six ans, elle était enfant. Elle avait les cheveux rouges et les yeux orangés et était vêtue d’un kimono gris aux motifs rouges.

« Tu dois faire attention Aiko, tu peux voler quand tu es humaine, mais quand tu utilises ton don de dragon, tes yeux deviennent les mêmes que ceux que tu as en dragon et il faut garder le secret de notre existence, n'oublies pas. Tu es enfin prête Aiko, mais il va te falloir patienter encore un peu pour voir ce dont je t’avais parlé. »

Alors, Aiko patienta.

Mont Fuji, Décembre 1878 :

« Aiko, on y va, dépêche-toi ! »

Aiko était en train de s’amuser à se transformer et se retransformer, puis elle entendit encore une fois son père ronchonner, alors elle se dépêcha de le rejoindre.

« Vous ne voulez toujours pas me dire où on va ? »

Les parents d’Aiko rigolèrent.

« Non, c’est une surprise ! »

Aiko prit alors la main de ses parents, qui par la suite, s’envolèrent, restant cachés au-dessous des arbres pour descendre la montagne. De longues minutes plus tard, ils arrivèrent à l’entrée d’un petit village qui était visiblement en fête. Aiko fut surprise par la joie que dégageait cet endroit, elle découvrait une autre sorte de brillance… La joie brillait.

« C’est beau ! C’est ça qui brille papa ? »

Fujiro rit à la remarque d’Aiko et ébouriffa les cheveux de la petite.

« Non, tu verras dans environ deux heures. »

Aiko était tellement émerveillée par tout ce qu’il y avait à voir dans le village que cela ne l’importunait pas d’attendre. La jeune fille se mit à zigzaguer entre les stands, les gens. Elle regardait de partout. D’un coup, elle aperçue une jeune femme tenant une sorte de bâton, mais au bout de celui-ci, il y avait une sorte d’étoile qui pétillait. Aiko en resta bouche bée.

« Pa..Papa ! Y’a une étoile sur la terre ! Regarde ! »

Aiko se retourna vers la femme, mais le bâton n’avait plus ce pétillement magique.

« Mais… Il brillait comme une étoile. »

Les parents d’Aiko rigolèrent, mais quand Fujiro voulu expliquer à sa fille pourquoi le bâton avait perdu son éclat, une explosion retenti. La jeune dragonne sursauta, effrayée par le bruit, mais en se retournant vers l’endroit d’où le bruit venait, la petite fille eut les yeux grands ouverts, le regard pétillant. C’était un feu d’artifice. La chose encore plus brillante que les étoiles ne durait que l’instant d’une explosion, mais cela suffisait à Aiko, cela l’émerveillait.

A la fin du spectacle, la jeune fille était toute souriante et ne tenait plus en place.

« Alors Aiko, ça t’a plus ? Tu me demandais pourquoi le bâton ne brillait plus tout à l’heure et en fait, ce bâton est un artifice, comme le spectacle que tu viens de voir. On appelle cela un feu d’artifice et… »

L’homme fut coupé par Rin, qui lui tira la manche de son kimono en regardant deux femmes.

« Ecoute. »

Fujiro fut surpris de lire l’inquiétude sur le visage de sa femme et écouta les deux commères.

« Tu as entendu la dernière nouvelle ? L’impératrice Jingu, proposerait sa main à quiconque lui ramènerait une Dragonite.. »

L’autre femme laissa apparaître un air moqueur.

« Je ne savais pas que notre impératrice croyait aux légendes, mais cela expliquerait pourquoi les hommes s’arment en ce moment. »

Aiko n’écoutait pas la conversation, elle cherchait des bâtons qui d’après elle étaient magique. Quant à Rin et Fujiro, en entendant la nouvelle, prirent la main de leur fille et partirent en direction du Mont Fuji.

« Mais ! Papa, maman, pourquoi on rentre déjà ? Je voulais un bâton magique moi ! »

La jeune fille se laissait trainer, déçue et têtue. Rin la prit donc dans ses bras et malgré l’inquiétude, parvint à lui faire un sourire.

« On reviendra un autre jour pour en acheter, je te le promet. »

En entendant ça, Aiko ne broncha pas, car elle savait que sa mère tiendrait sa promesse.

Mont Fuji, Juin 1880 :

Depuis l’incident d’y a deux ans, les parents d’Aiko lui avaient interdit de voler au risque de devoir déménager. La jeune dragonne n’avait pas compris l’explication de ses parents sur la dénommée Dragonite, mais elle avait obéi.. Cela faisait aussi deux ans qu’elle attendait le jour où sa mère l’emmènerait acheter un bâton d’artifice. Et ce jour arriva.

« Aiko, on y va ! »

Rin attendait sa fille à l’entrée de leur grotte, pendant qu’Aiko écoutait les mises en garde de son père.

« Promets-moi que tu ne voleras pas et que tu seras très prudente, Aiko. »

La jeune dragonne leva les yeux vers Fujiro.

« Je te promets papa ! Je peux y aller maintenant ? »

Fujiro soupira de l’impatience de sa fille, mais acquiesça. La jeune dragonne se dépêcha donc de rejoindre sa mère.

« On peut y aller, papa est d’accord ! »

Son père affichait quand même un air inquiet mais quelqu’un devait garder la grotte. Rin fit un sourire à Fujiro, pour le rassurer, avant de prendre Aiko dans ses bras et de partir.
De longues minutes plus tard, elles arrivèrent à l’entrée du village, celui-ci était en plein marché, le monde était abondant. La mère d’Aiko prit la main de sa fille.

« Surtout, ne me lâche pas la main et ne t’éloigne pas. »

La petite fille hocha positivement la tête et avança dans la foule aux côtés de sa mère. Rin s’arrêtait souvent, à chaque fois qu’elle voyait des bijoux dans un stand et cela commençait à énerver Aiko, qui elle, désirait seulement ses bâtons d’artifices.
La mère de l’impatiente finit par s’arrêter à un des stands, lâchant la main de sa fille pour regarder un collier. Aiko en profita pour se faufiler dans la foule et chercher de son côté, les bâtons tant désirés. Malgré sa petite taille, la jeune fille se mit à chercher dans tous les stands, si on y écoutait bien, parmi le brouhaha de la foule, on pouvait y discerner des appels inquiets de sa mère, mais Aiko en avait que faire.

Après quelques minutes, elle trouva ce qu’elle recherchait, mais personne ne tenait le stand.. L’impatience de la jeune dragonne allait être ce qui déclencherait le début d’une nouvelle histoire, plus noire.


Aiko tendait le bras en sautillant sur place, essayant d’attraper un sachet en hauteur, ses pieds s’éloignant du sol, un peu plus à chaque saut, jusqu’à ne plus toucher le sol, flottant dans le vide, ses yeux de dragon au grand jour. Un groupe d’hommes arrivaient près du stand et vu la jeune fille flotter dans les airs puis ses yeux différents de la normalité.. Avec la proposition de l'impératrice, les hommes de tous les villages étaient devenus fous, voulant le pouvoir aux côtés de la femme et prenaient chaque bizarrerie pour une possibilité de dragon. En voyant les yeux de la jeune dragonne, ils ne doutèrent pas.
Alors qu’un homme allait poser sa main sur l’épaule d’Aiko, Rin arriva comme une flèche et percuta le groupe. Elle attrapa par la suite Aiko et parti en courant, très vite poursuivie par ses assaillants. La femme passait de rues en rues, traversait par de petits passages, mais n’arrivait pas à fuir les hommes.
Aiko ne comprenait rien à ce qu’il se passait, cela allait trop vite. Rin continuait de courir, elle ne voulait pas se transformer en dragon, elle voulait continuer à vivre en harmonie avec les humains, elle voulait rester dans le mont Fuji…

La fatigue commençait à se faire ressentir, alors que les hommes étaient de plus en plus nombreux. Aiko tourna la tête vers le groupe, pendant que sa mère continuait de courir, elle remarqua que certains hommes avaient des sortes de petits bâtons.

« Oh, maman, ils ont des bâtons dans les mains ! »

A peine Aiko eut terminé sa phrase qu’une explosion retenti, suivis d’une autre et encore d’une autre. Ces soi-disant bâtons étaient en réalité des armes à feux. Quand Ren le comprit, elle lança Aiko dans une rue, les yeux brillants.

« Va à la maison et ne te retourne pas ! Vite ! »

Voyant la peur sur le visage de la mère, Aiko obéit, elle s’envola directement en direction du mont Fuji, accompagnée des bruits de tir.


Fujiro, quant à lui, aux premiers sons de tir, était sorti de la grotte et quand il vit Aiko arriver par les airs, sans Rin, il s’envola directement vers le village, affolé.
Quand Aiko croisa son père, celui-ci l’ignora, fonçant vers l’endroit où les coups de feu fusaient. La jeune dragonne arriva à la grotte et regarda vers le village, cherchant à voir quelque chose, mais sans résultat.


Après de longues minutes d’angoisse pour Aiko, elle aperçue son père revenir, la gueule en sang et dans une de ses pattes… Le corps humain inanimé de sa mère. On pouvait voir qu’elle avait essayé de se transformer en dragon, mais aussi de nombreux impacts de balle, dont un dans le crâne.

Le cœur d’Aiko se stoppa à cette vue. Les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, les jambes de la jeune fille tremblèrent avant de ne plus la supporter. Elle tomba à genoux, commençant à trembler de tout son corps.
Fujiro arriva à la grotte et sans plus tarder, déposa le corps de Rin devant Aiko.

« Regardes ce que tu as fait ! Tu as trahi notre promesse ! Elle est morte par ta faute ! »

Maintenant qu’Aiko avait le cadavre de sa mère devant les yeux, les larmes tombèrent lourdement sur ses joues, elle avait le souffle coupé. Les paroles de son père la détruisaient encore plus.

« J…Je.. »

Son père grogna, écrasant son regard haineux sur sa fille.

« Je t’interdis de dire quoi que ce soit ! »

Fujiro montra ses crocs, comme enragé par la perte de sa moitié.

« Va-t-en ! Je ne veux plus te voir et ne reviens pas. »

Aiko fut choquée des paroles de son père, mais elle comprit qu’il était sérieux en croisant son regard. Il était de plus en plus menaçant. Aiko prit donc sa forme de dragon avec difficultés et s’en alla, regardant une dernière fois sa mère.

« Je suis désolée maman.. »

Aiko se dépêcha pas la suite de s’envoler haut dans le ciel, loin de ce cauchemar.

Perdue, un peu partout dans le monde, 1880-1889 :

Elle était détruite. Ce monde la détruisait. Il n’y avait plus rien de brillant à ses yeux, même la lune ne réchauffait plus son cœur. Elle ne ressentait plus rien, après avoir tuée sa mère et s’être fait menacer par son père, Aiko avait l’impression que ce monde qu’elle pensait merveilleux n’était qu’en réalité un rêve d’enfant. Elle qui anciennement n’avait pas assez de maturité, avait grandis énormément et surtout beaucoup trop vite. Ses parents lui avaient appris le minimum sur le monde humain, elle avait appris le reste seule.
Maintenant elle avait aussi découvert qu’il n’y avait pas que des dragons et humains dans le monde, trop de créatures et d’êtres le peuplait, mais elle avait compris que s’intéresser aux autres était trop dangereux. Elle était perdue.

Paris, 1890 :

Aiko avançait dans les rues, attendant la nuit pour repartir. Elle avait le regard vide, un vrai zombie. Soudain, elle entendu de la musique, elle était chaleureuse. Aiko se laissa guider par la musique, jusqu’à atterrir devant un cabaret nommé « Lost Paradise ». Sa curiosité, qui était portée disparue jusqu’à maintenant, la poussa à entrer. Aiko écarquilla les yeux, l’endroit brillait… Il brillait de joie et de bonne entente ! La jeune dragonne avait l’impression de revivre à cet endroit, elle avait envie d’y rester pour toujours… Et c’est ce qu’elle décida de faire.