« She asked me son, when I grow old, will you buy me a House of Gold ?
And when your father turns to stone, will you take care of me ? »
Sous le ciel gisâtre de Novembre, une charette cahotait entre arbres dévêtus et marais jaunis, sur une route couverte de feuilles craquelantes et de mousse humide. La pluie avait déjà embourbé ce chemin tortueux, mais un doux soleil se reflétait désormais sur le manteau de brume qui régnait sur la campagne. Et juste au dessus des rejets boueux de roues usées par l'âge, un vieux marchand et sa vieille carne avançaient gaiement dans le froid de l'hiver.
« She asked me son, when I grow old, will you buy me a House of Gold ?
And when your father turns to stone, will you take care of me ? »
Le son d'une petite guitare résonnait tout aussi joyeusement dans l'air, ses nouvelles cordes s'agitant de toute leur vivacité. La mélodie frappait la surface des étangs alentours, réveillait les habitants endormis sous le givre, retournait l'argile trempée, remuait les herbes couvertes de rosée.
« I will make you Queen of everything you see.
I'll put you on the map, I'll cure you of disease. »
Les mains dont sortaient les notes s'agitaient de plus belle, faisant peu de cas de la corne naissante. Malgré le dur entrainement qu'ils avaient subis lors de toutes ces escapades lointaines, les doigts grippaient les cordes avec détermination et glissaient légèrement le long du court manche.
« Let's say we up and left this town,
And turned our future upside down.
We'll make pretend that you and me,
Lived ever after happily.
She asked me, "Son, when I grow old,
Will you buy me a house of gold?
And when your father turns to stone,
Will you take care of me?" »
Mais qui ne serait pas encouragé par la voix qui accompagnait ces notes revigorantes, celle qui inspirait la brume pour en sortir cette mélodie . En ces temps glaçés, la vapeur ne s'échappait pas des lèvres rosées, car remplacée par des paroles pleines de chaleur.
« I will make you queen of everything you see,
I'll put you on the map, I'll cure you of disease. »
Et celle à qui appartenait ces doigts usés et ces lèvres pimpantes, celle qui étrangement remuait ciel et terre pour se faire remarquer de tous, celle qui avait pris place sur l'arrière de la charrette en chantonnant avec allégresse, avait dans le coeur l'immense joie de retourner à la maison.
« Ohhhh… And since we know that dreams are dead,
And life turns plans up on their head,
I will plan to be a bum,
So I just might become someone. »
Une jeune femme aux yeux verts et aux cheveux bruns, habillée d'une tunique de voyage et d'un châle brodé, agitait ses jambes en rythme, rentrait lentement d'un voyage sans fin. Elle avait parcouru le nord de l'Europe, appelée qu'elle avait été par l'essence d'une vie mourante. Mais désormais que celle-ci s'était tue, elle revenait doucement vers son chez-elle, accompagnée du soleil levant.
« She asked me, "Son, when I grow old,
Will you buy me a house of gold?
And when your father turns to stone,
Will you take care of me?" »
Son expédition fut loin d'être ennuyante, les chansons et les aventures s'étant amassées les unes après les autres. Mais que le calme de son atelier lui avait manqué, et que l'absence de ses êtres chers avait été inssuportable. Oh oui, elle était en route, et jamais n'avait-elle eu hâte d'arriver.
« I will make you queen of everything you see,
I'll put you on the map, I'll cure you of disease. »
La guitare cessa et le monde cessa de vibrer. Il maintint son souffle un instant, avant de reprendre sa respiration sur un tempo moins entrainant. Les doigts se reposèrent, les lèvres se refermèrent. Les arbres dénudés se firent de plus en plus rares, jusqu'à ce que la dernière ligne de squelette de bois passe au dessus de la tête de la dame.
« Mademoiselle, nous sommes pratiquement arrivés. »
En quittant la lisière du bois, les hauts murs de Paris étaient enfin en vue. Le sourire de la jeune femme se retroussa encore plus, observant avec bienveillance sa ville chérie. Les murs se rapprochèrent peu à peu, puis furent remplacé par une marée de demeures étroites et de rues pavés, pour lesquels la jeune femme quitta la charrette en remerciant son chauffeur et son animal. Elle glissa dans la brume du matin, et quelque temps plus tard se retrouvait-elle devant le palier du cabaret, celui qui lui servait de maison.
« Je suis rentrée. »