La journée se voulait ensoleillée. La clameur qui se répendait dans tout Paris témoignait de l'émoi qu'avait pu provoquer l'exposition universelle. Tout le monde se précipitait pour aller voir les merveilles du monde entier. C'était devenu LA curiosité à ne pas manquer. Et il faut dire qu'il y avait de quoi satisfaire les petits curieux. Il y avait plus d'une merveille dans Paris maintenant. Notamment la Tour Eiffel et le Palais du Trocadéro qui se trouvait juste en face. C'était magique. Magnifique et merveilleux à la fois, il est clairement mis en avant toute la puissance technologique de l'Europe et du monde. Les prouesses techniques sont toutes là exposées au grand public, et même si la plus impressionnante qu'est la fameuse Tour Eiffel, June n'avait pas eut envie de monter toutes les marches de cette tour pour admirer le paysage. Elle préférait contempler cette tour, sur le parvis du Palais, qui donnait aussi une belle vue sur le Champs de Mars.

Elle avait pris sa journée, se remettant doucement du spectacle du soir. Ses pieds avaient déjà beaucoup souffert. Retrouver l'antidouleur naturel, perdu après des années passées sans danser était long et retrouver la souplesse et la grâce d'antan était épuisant. Alors elle s'organisait au mieux pour éviter de tomber de fatigue donc de se faire mal. Il est clair que pour une danseuse étoile ou pas, une chute peut être plus que fatale. June n'avait pas du tout envie de ça. Edward lui avait redonné le goût et la passion pour la danse, alors qu'avant, la seule chose à laquelle elle avait pensé, c'était mettre tout ça entre parenthèse pour toujours.

Elle se laissait aller à ses pensées le regard perdu sur le nouveau visage de la capitale. Combien de fois l'avait-elle vue changer ? Elle ne saurait le dire. D'ailleurs elle n'avait pas compté les années qui séparaient son arrivée en France et cette année 1889. Elle avait perdu cette habitude ridicule, qui la bloquait sur le passé. Maintenant elle regardait vers le présent et l'avenir, et espérait toujours ne pas retomber dans un coup de folie. D'autant qu'elle avait aussi besoin de toutes ses forces pour éviter que son secret ne soit dévoilé par une faute bête de sa part. Humaine vivant parmi les monstres tous les jours, elle sait combien sa vie est plus en danger qu'autre chose dans un tel milieu, mais elle fait confiance à Edward. C'est aussi pour cette raison que la journée, elle se promène toujours en ville. Cela lui permet de ne pas croiser trop de gens du cabaret ou des clients tout aussi étranges que les employés et de ne devoir les suporter que le soir.

Même pour eux, elle considère que c'est mieux ainsi. Mais laissons tout ceci de côté. June était tout à fait bien là sur le parvis du Trocadéro. Mais elle s'était vite lassée de la vue du Champs de Mars et de la Tour Eiffel. Elle s'éloigna donc et marcha jusqu'aux Jardins du palais. C'était un lieu agréable et frais. June s'y sentait parfaitement à l'aise. Détendue, elle marchait lentement, prenant le temps de regarder chaque plante du jardin, et de savourer un moment à elle et rien qu'à elle. Anglaise, elle n'avait toujours pas pensé que l'Angleterre lui manquait. Au contraire. Pour elle, sa vraie maison, c'est Paris. Et elle n'avait jamais songé à retourner en Angleterre. Ici au moins il faisait moins froid, il y avait souvent du soleil et puis c'était vivant.

Il est clair que June ne se rendait pas du tout compte que beaucoup de gens la connaissait là dans le jardin. Et que beaucoup s'était mis à parler d'elle en bien ou en mal. Mais ça ne la préoccupait pas plus que ça. Elle avait eu l'habitude de ça. Déjà quand elle avait dansé le Lac des Cygnes, sa prestation avait fait l'objet de bonnes et de mauvaises critiques. Et comme toujours, elle n'y prêtait pas attention. Car ce qui importait c'était qu'il y ait plus de bonnes que de mauvaises critiques. Et puis on avait un peu inventé tout et n'importe quoi sur son passé. Ça la faisait sourire quand elle entendait des histoires d'amour où elle avait été victime du rejet et qu'elle était venue en France pour se ressourcer et oublier l'Angleterre.

Et puis il était assez facile de la reconnaitre ! Avec ce soleil, ses cheveux blonds scintillait au soleil comme s'ils avaient été en or. Et Sa robe rouge pourpre la mettait assez en évidence au milieu de tout ce vert. Elle aimait beaucoup le soleil, aussi elle n'avait même pas pris d'ombrelle avec elle. Elle qui n'en avait presque jamais eu de sa vie, en profitait au maximum. Et puis plus elle avançait dans les allées du jardin, plus elle avait la sensation étrange d'être suivie, ou fixée du regard par une seule et même personne. Ca la dérangeait. L'embarrassait. Elle décida un moment de s'arrêter face à un par-terre d'Iris bleu pâle. Elle s'accroupit devant les fleurs et leva son regard en direction de la source de sa gêne. Discrètement. Elle avait ainsi repéré... Cet homme qui venait toujours à ses spectacles. Cet homme brun qui se mettait au fond de la salle et qui la fixait du regard de la même manière qu'en ce moment même. Elle eut un sourire sur son visage en se relevant et quittant le par terre de fleur.

Il l'amusait. Ah ces parisiens alors ! Plus sensibles que les Anglais ! Les gentlemans elle en avait vu plein ! Et ils ne restaient jamais coincé dans leur coin. Ils y restaient peut être une heure ou deux avant de se décider enfin d'approcher la demoiselle avec tact et élégance. Alors là, elle se demandait si elle devrait aller le voir, ou bien si elle allait attendre qu'il l'approche. Elle prit le parti de continuer un peu sa ballade. Et puis elle s'arrêta devant un nouveau par-terre de fleurs. Des roses blanches cette fois. Elle jeta un coup d'oeil discret vers l'individu. L'avait il suivi ou bien était il resté loin à distance pour la regarder ?

Deux heures. Il avait réussi à s'accorder deux heures de liberté pour éviter de lâcher la Bête qui grondait en lui. Avec toutes les bourdes que son équipe avait cumulé depuis l'ouverture, ce n'était pas si cher payé pour l'empêcher de défénestrer le premier idiot venu l'embêter. Et puis s'il n'y avait eu que ça...

Aldrick secoua la tête, il n'avait pas envie d'y penser. Mécaniquement, il parcouru les poches de son manteau, à la recherche de son paquet de cigarettes et de ses allumettes. Lorsque la fumée vint apparaître dans son champ de vision, comme à l'accoutumée, il n'en ressenti aucun bien être singulier et salvateur, mais il pouvait sembler plus serein. Fictive vision.
D'un pas las, l'homme parcouru quelques mètres dans le parc avant de laisser choir le haut de son corps pour s'accouder à une balustrade, le regard dans le vague, observant la ville, comme si par miracle, elle allait lui confier un secret.

Lorsque la cendre à l'extrémité de sa cigarette s'envola un peu plus loin, le lycanthrope détacha finalement son regard de la ville lumière et resta béa de contemplation devant une demoiselle blonde.

Cette silhouette svelte, ses fines lèvres cerises, cette peau nacreuse, ce visage enfantin encadré d'une cascade de cheveux or, ces deux opales où l'innocence semblait avoir trouvé refuge, ses petites mains et cette candeur naturelle en dépit du contraste créer par ses habits de femme. Cette silhouette, Aldrick l'aurait reconnu parmi une myriade de femmes, il l'avait tant de fois observé à la dérobée, avait tant souhaité un jour pouvoir la contempler, lui et lui seul. Il avait apprécier son sourire, s'était longtemps interroger sur ses larmes, qu'il n'arrivait à concevoir sur ce visage immuablement rayonnant. Si quelqu'un lui avait dit un jour qu'elle était la fille du soleil, probablement que dans la folie que provoquait en lui cette jeune personne, le brun n'en aurait pas douté un seul instant.

Sa cigarette s'éteignit sans même qu'il en ait consommé la moitié et ce ne fut que lorsque leurs regards se croisèrent que le lycanthrope revint sur Terre. Si toutefois cela pouvait être assimilé à un retour...

Combien de fois avait-il seulement oser imaginer la voir de plus près que depuis cette table où il tentait vainement de se faire discret? Etait-ce un rêve ou était-elle réellement face à lui à lui sourire? Voilà maintenant qu'elle s'éloignait. L'espace d'un instant il lui avait semblait qu'elle avait tenté de dire quelque chose mais probablement avait-il rêvé. C'est cela, il devait être en train de rêver. Autrement comment expliquer cette apparition?

Plusieurs fois il ouvrit la bouche, tentant de lui parler, mais aucun son ne franchi la frontière de ses lèvres. Aldrick se renfrogna, perdit un peu de son calme et par réflexe ralluma une cigarette.

*Qu'est-ce que je fabrique? Si je vais lui parler de toute façon, elle ne m'écoutera pas. Quelle jeune fille sensée écouterait un homme dont elle ignore tout lui dire qu'elle est ravissante? Je deviens fou! Cette fille me rend dingue!*

Pourtant malgré ses résolutions, le policier se rapprocha, imperceptiblement, comme un insecte qui tenterait de résister à la lumière.

Le monsieur, June l'avait bien vu, fit la carpe en ouvrant et fermant la bouche aussi rapidement, tout en la fixant. Eh ben ! Elle lui faisait si peur qu'il en perdait sa langue ? Non elle pense plus qu'il est... Juste sans voix, ou timide. Elle le trouvait nerveux aussi. A enchainer les cigarettes comme ça, un jour il s'étouffera lui même en avalant la nicotine de travers ! Mais elle avait vu aussi qu'il s'était rapproché. Silencieux. Comme un chat qui a peur qu'on lui donne un coup de pied dans les côtes. Mais June n'est pas violente... Enfin pas quand elle est de bonne humeur.... Ou plutôt quand elle n'est pas dans une crise de folie pure. En tout cas, elle était connue pour son extrême douceur. Beaucoup pouvait en témoigner d'ailleurs. Et le brun là l'intriguait. Il l'avait toujours intrigué. Il était le seul à ne pas la regarder avec l'envie de se la taper sur le moment, là, derrière un buisson. C'était un regard d'admiration mêlé à la nervosité, la tension et la crispation. Intriguant. Même au cabaret elle le voyait comme ça.

*On ira loin comme ça, si vous n'ouvrez pas la bouche pour dire quelque chose... Ah ces parisiens alors ! Une femme suffit pour leur ôter toute capacité de parole !*

Mais non. Elle avait ses propres principes. Des principes d'Anglaise certes, mais ses principes. Et selon ces principes, une lady n'engage pas la conversation la première. Aux hommes donc, de le faire ! Même pour dire la plus grosse sornette, c'était à eux de faire le premier pas. Alors, elle s'éloigna encore. A force, ça finira par un vrai jeu du chat et la souris ! Sans que le chat ne veuille attraper la souris... Elle se retint de pousser un soupire. S'il continuait ainsi elle allait devoir briser ses principes... Dur pour une Anglaise pur sang... Déjà qu'elle ratait souvent l'heure du thé avec les entraînements ! Si en plus elle devait renier ses principes ! Non mais ils étaient tous aussi mou les parisiens ?

Et puis elle savait bien qu'il était le commissaire, ce cher monsieur qui la suivait. Edward lui en avait parler. Elle devra se méfier. Ne pas trop en dire si jamais il lui parlait du Lost. Mais bon... Pour le moment, peu de risque de dire des secrets bien gardés, vu que le dit commissaire ne semblait même pas prêt à lui adresser la parole. Elle jeta un regard un moment derrière elle. Oh, elle avait marché bien vite dis donc... Il était loin... Bah ! Vu sa taille, il la rattrapera bien vite. Avec ses grandes jambes... Ses cheveux aux vents, et sa démarche de sénateur nerveux et tendu.... Hum, il n'y a pas à dire, il avait tout de même beaucoup de prestance ce commissaire. Elle lui trouvait même des points commun avec Edward. Son cher petit Edward.

Elle allait reprendre sa promenade, quand un monsieur c'était sournoisement rapproché d'elle. Ah mon dieu... Lui... Il se trouvait souvent au premier rang dans la salle. Une semaine qu'il se rinçait l'oeil depuis son fauteuil au premier rang. June avait été plus que surprise et commença à se demander ce que cet individu lui voulait. En plus, elle savait que le commissaire la voyait. Saisis ta chance petit oiseau ! Surtout que là, le renard qui se trouve face à toi n'a pas l'air très net. Mais elle eut juste le temps de penser à ça, que le français lui avait saisi le poignet, lui parlant d'une voix suave et... Berk... Bref, ce type louche n'avait pas d'autre idée que de la kidnapper gentillement pour jouer avec elle...

- Quelle chance de tomber sur le rossignol du Paradise~ ! Viens ma belle et fais pas d'histoire~

- L...LET ME GO !

Mauvais plan pour le monsieur. June fut en pleine crise de panique. Mauvais plan aussi pour elle. Les tensions entre France et Angleterre était encore marquée. Edward lui en avait parlé. Elle se rappelait même qu'il lui avait conseillé de parler le moins anglais possible. Et June paniquait de plus en plus, luttant et n'arrivant pas à se défaire de ce type qui l'entrainait loin et là où elle ne voulait pas du tout aller. Si le commissaire l'avait vue, elle espérait vraiment qu'il l'aide, parce qu'il n'y avait que lui pour la sortir de ce pétrin. Les Parisiens étaient aussi des rustres qui devraient finir leur vie dans la Seine...

De loin, il l'avait observé, avait machinalement jeté sa cigarette dans la poubelle la plus proche, l'avait vu s'éloigner, et avait même cru distinguer de la tristesse sur son visage, cela lui avait fait tout drôle. Tant qu'il était resté là, figé, troublé parce qui avait pu provoquer pareil réaction sur ce visage enfantin. Perdu dans ses réflexions, il n'avait pas réalisé qu'elle avait disparu de son champ de vision et s'interrogeait encore lorsqu'un cri lui parvint. Là il redevint l'homme qu'il était d'ordinaire: un policier. Par reflexe autant que par instinct, Aldrick s'élança dans la direction d'où il lui avait semblé que provenait des éclats de voix. Il les vit alors, les sens aux aguets, le souffle un peu plus court, il tendit l'oreille pour tenter de capter des brides de conversation, le cœur battant, il ne lui fallut pas plus d'une minute pour être persuadé d'une chose: elle ne voulait pas le suivre. En quelques enjambées il les avait rejoint et plantant son regard froid dans celui de son vis à vis, d'un ton apparemment calme déclara:

-Bonjour, navré monsieur, mais il semble qu'elle ne veuille pas vous accompagner...Lâchez-la je vous prie.
-Eh?! Mais t'es qui toi? Qu'est-ce que tu nous veux? Qu'est-ce que tu regardes comme ça imbécile? On ne peut même plus se promener tranquillement ici? Rétorqua l'autre en forçant la jeune femme à se rapprocher de lui.

L'agent poussa un soupir, d'une main, il sorti sa plaque et récita comme l'exigeait le protocole:

-Commissaire Aldrick Voelsungen. De l'autre, il saisit fermement le poignet de l'homme et répéta d'un ton sans appel: Lâchez-la je vous prie.
-Pourquoi je devrais faire ça? Juste parce qu'un petit flic de rien du tout me le demande alors que...?

Comme à l'entrainement il fit faire à son bras une rotation, de sorte que ce dernier soit placé plié dans son dos, l'obligeant à se pencher et par la même occasion à s'éloigner de la blonde.

-Qu'est-ce que...? Aïe! Mais ça va pas? J'ai rien fais!
-Taisez-vous! Ordonna-t-il. Outrage à agent...ça peut aller loin, vous savez.
-On se promenait juste! Glapis l'homme.

L'agent haussa un sourcil, pas du tout convaincu, puis tourna son regard doré vers la danseuse, l'interrogation silencieuse s'y lisait, mais tout son être refusait cette hypothèse en bloc.

-Vous confirmez mademoiselle? S'entendit-il prononcé tel un automate.
-Vous me faites mal! Pinailla l'individu tel un oiseau piaillant sous la panique. Le brun resserra un peu plus son étreinte, histoire de lui donner de vraies raisons de gémir, mais aussi parce qu'une part de lui craignait que ce dégoutant personnage ait raison.

*Agonises en silence!* Se retint-il de lâcher, vindicatif.

-Mademoiselle? Reprit Aldrick tandis que la belle hagarde, semblait ne plus savoir vraiment où elle en était.

*Qu’est-ce qu’elle a ? Il ne lui a rien fait quand même ! S’il a osé lever la main sur elle, foi de Voelsungen, il lui en cuira !* Se promis le brun en son for intérieur.

Lorsqu'enfin ses yeux bleus se plongèrent dans les siens, il sembla au lycanthrope que le temps autour d'eux s'était arrêté, figé dans cet instant surréaliste d'une rencontre peu commune, une rencontre qu'il avait tant de fois imaginée, mille fois revisitée, jamais il n'aurait cru qu'il serait même capable de lui parler. Jamais il n'aurait cru que cela se passerait ainsi.

La Folie. La hantise et l’angoisse de chaque instant pour la belle danseuse aux cheveux dorés. Et il ne lui fallut pas grand-chose pour en ressentir l’effroi et la crainte en un instant. Il a juste suffit qu’un rustre vienne l’attraper pour s’amuser avec elle. L’homme fut juste un imbécile qui n’avait pas remarqué la présence du commissaire un peu plus loin. Empestant l’alcool, il avait tout simplement kidnappé June sous le nez du commissaire qui évidemment ne laissa pas se passer une telle chose, surtout que June criait. La panique fut totale dans la tête de June. Parce qu’elle sentait cette envie, cet autre visage d’elle-même, remonter à la surface. C’était la lutte contre un tel phénomène. Pendant un moment elle n’entendit rien, ne faisait que voir, voir ce visage au sourire affreux, voir le paysage bouger si vite. Elle sentait aussi ses pas être forcés de se hâter, son poignet lui faire mal.

Elle entendait uniquement les battements de son cœur. Si sourds et si rapides. Sa respiration haletante. La crise de panique était totale. Elle ne savait plus où elle était. Elle avait aussi perdu le sens de toute la situation. Et puis, elle reconnut le commissaire, qui arrivait, par son vêtement. Pas sa voix. Plongée tremblante en elle-même, elle ne percevait rien d’autre. Brusquement elle se sentit tirée vers l’odeur alcoolisée de son agresseur. Son espérance ? Qu’elle ne pète pas un plomb dans ce lieu public. Qu’elle ne laisse pas apparaître son autre elle-même, qui montait doucement et sournoisement dans son esprit.

Tout autour d’elle se passa vite. L’homme fut mis hors d’état de nuire par le commissaire. Et puis le son revint un peu à ses oreilles. Mais June était figée, le regard tourné vers le sol. Le poignet enfin libéré, elle tremblait encore, tenant ce poignet meurtris. La peur d’elle-même l’avait glacée, l’avait figée. Elle retint encore sa folie. Et puis enfin elle perçut distinctement les sons.

-Mademoiselle?

La voix du commissaire lui parvint de manière tout à fait normale, mais ce fut si brutal qu’elle en fut assez surprise. Se rendant compte qu’elle n’avait plus rien à craindre, elle tourna son regard vers la scène suivante : le commissaire maintenant fermement son agresseur. Elle leva alors doucement ses yeux bleus vert sur le brun qui la fixait sans doute depuis un moment déjà. Elle en sentit l’inquiétude. Elle ne savait pas quoi dire. Lui avait-on posé une question précédemment ? Laquelle ? Quel en avait été le contenu ?

Son agresseur s’agita à nouveau : « Lachez moi bon sang ! J’vous jure qu’on n’faisait que se promener ! » June n’avait malheureusement pas oublié le début de l’histoire. L’homme lui attrapant son poignet et lui causant la pire des frayeurs. Un seul mot lui vint à l’esprit. Elle le lâcha d’ailleurs avec dégoût et mépris, tout comme son regard qui s’était posé sur son agresseur.


« Menteur »

S’il y a bien une chose qu’elle déteste le plus c’est le mensonge. Elle en avait déjà fait les frais une fois dans sa vie. Cela lui avait été plus que fatal. Même trop fatal. Pourquoi devait-il mentir ? La peur de se faire arrêter ? L’envie peut être de sauver sa peau ? Dommage pour lui, June le haïssait bien trop pour qu’elle ne lui laisse la vie sauve.

Se sentant blessée par cet homme qui osait prétendre l’innocence, elle détourna le regard, sa main massant toujours son poignet douloureux. Même son visage exprimait cette vexation, cette espèce de colère qui grondait contre l’individu qui avait osé lui ôter sa bonne humeur et lui donner un long moment d’absence et de pure peur. Qu’aurait pu faire le commissaire si elle avait eut une crise de folie ? Elle aurait été prise comme coupable ! Elle, la victime, aurait été coupable ! Rien que cette pensée la blessait encore plus.

Le gaillard se débattit encore et Aldrick lassé par son comportement puéril, resserra un peu son étreinte sur le poignet de l'homme, tout en remontant sa main plus haut dans son dos, obligeant ainsi l'individu à se pencher d'avantage.
Quand enfin, la demoiselle sembla reprendre ses esprits, un seul mot franchi la frontière de ses lèvres, d'un ton glacial et méprisant. Un ton qu'il ne lui connaissait pas. Une froideur incroyable en dépit de l'âge qu'elle semblait avoir. Un instant, le lycanthrope se demanda s'il avait bien entendu, puis lança à l'ivrogne un regard qui ne présageait rien de bon, un de ceux qu'il accordait d'ordinaire uniquement à Edward White. Un regard empli de haine et de rancœur. Avant même qu'il se soit rendu compte de ce qu'il faisait, son poing remonta si violemment dans le dos de l'homme que celui-ci hurla. Aldrick dût s'arrêter et prendre sur lui, comme il ne l'avait jamais fait auparavant pour ne pas lui coller directement son poing dans la figure. S'il n'y avait eu June, nul doute que ce rebus aurait passer le quart d'heure le plus...sanglant de sa vie...enfin pour peu qu'il lui eut été possible de respirer ensuite.

Pourtant c'est le plus naturellement du monde qu'il énonça, d'un calme apparent:

-Monsieur, vous ignorez qu'un flagrant délit de mensonge -qui plus est envers un représentant des forces de l'ordre- n'était pas la meilleure idée que vous ayez eu aujourd'hui? De plus, pour préserver l'ordre public, la loi du 23 janvier 1873 interdit l'ivresse publique et manifeste sur la voie publique. Ainsi elle va vous permettre de passer un temps raisonnable en cellule de dégrisement. Je vais vous conduire au centre hospitalier le plus proche.

L'homme exprima son mécontentement par une cascade d'insultes, que le lycan ne chercha nullement à arrêter, il se concentrait déjà tellement pour ne pas le frapper...il pouvait bien dire ce qu'il voulait, il n'en avait cure!

Puis détournant les yeux de cet être qui était à présent aussi intéressant que la lie des cafards, le policier s'enquit auprès de la belle:

- Est-ce que ça va Mademoiselle? Cet homme vous a-t-il violenté? Vous semblez sous le choc. Souhaitez-vous asseoir un peu? Le brun indiqua un banc de la main, un peu anxieux au sujet de June. Il continua, un brin inquiet: Accepteriez-vous de nous accompagner afin que le médecin juge de votre état?

Son professionnalisme passa avant sa personnalité. Chose rare, pour ne pas dire improbable. Etonnamment, Aldrick se sentait comme hors de son corps, vivant la scène comme s'il n'était qu'un fantôme venu observer une scène de vie parmi tant d'autres. Il n'avait que peu d'expérience pour ce qui était de la consommation des drogues mais sa vision des choses, semblait assez proche de cela. Cet ivrogne idiot, lui faisait-il partager ses effluves avec tant d'insistance? Le jeune homme n'aurait su le dire.

Parallèlement à la rage qu'il tentait de réprimer en lui, non sans mal, Aldrick était paradoxalement plutôt heureux d'avoir pu briser l'enfer de tant de non-dit, de toutes ses tentatives vaines où il s'était retrouvé face à elle, subjugué, incapable d'émettre le moindre son, se comportant à sa plus grande honte, comme un gosse de cinq ans, stupide et timide. S'il n'avait jamais regretté de lui avoir envoyé des fleurs au cours de toutes ses années, il avait toujours eu dans son cœur un fardeau concernant son mutisme à son égard. Mutisme qui semblait aujourd'hui n'être qu'un lointain souvenir. Comme quelque chose qui l'avait oppressé si longtemps qu'il avait fini par s'y habituer et ne plus arriver à différencier s'il était mieux avec ou sans.

Il y avait aussi ces nouvelles facettes de June qu'il découvrait, Aldrick était fasciné ! Il voulait toutes les connaitre!