Quelle belle journée ! Ce n'était décidément pas le climat idéal pour rester à l'intérieur. June avait donc quitté le Lost Paradise, vêtue d'une petite robe beige légère. Il y avait bien sûr une autre raison à cette petite sortie, sinon elle se serait dirigé au hasard plutôt que d'aller vers le marché. Un des habitués du cabaret lui avait raconté une histoire intéressante : il y aurait un fantôme qui hantait les quais, non loin des marchés parisiens. Avec tout ce que June avait vu depuis qu'elle était sortie de cet hôpital psychiatrique, cela ne la surprendrait même pas que ce soit une histoire fondée, et puis sa naïveté la rendait encore plus encline à croire ce type d'histoires à dormir debout, alors, aussi simplement que cela, elle était partie à l'aventure... Du moins, à la base c'était pour son enquête, mais cette affaire lui sortit plutôt rapidement de l'esprit. Ces objets étaient tous si intéressants à observer : les bibelots étaient très détaillés et les autres décorations étaient ornées de couleurs attrayantes... L'attention de June se porta notamment sur de jolis bijoux artisanaux. Elle ne voulait pas perdre ni remplacer son pendentif, mais quelle femme n'apprécie pas d'être jolie, ou du moins d'accentuer sa beauté ? Ses représentations sur la scène du cabaret lui rapportaient un certain salaire, il lui serait donc peut-être possible d'acheter l'une de ces babioles... Cependant, être ainsi toute seule au milieu de cette foule l'angoissait un peu... Et apparemment, la jeune femme n'avait pas eu tout à fait tort d'être aussi nerveuse. Devant ses yeux, quelqu'un venait de se saisir d'un collier de perles. Peut-être n'était-ce pas la seule chose qu'il avait volé, qui sait. Pourtant, c'était sur elle que tous les regards se posaient. Rester à proximité de cet étalage n'avait peut-être pas été une très bonne idée.

« Au voleur ! » s'écria le marchand qui était devenu une victime.

June n'avait rien fait, bien sûr. Seulement, ce serait sa parole contre la leur, donc personne ne l'écouterait, personne ne la croirait. C'était toujours ainsi. Il n'y avait donc qu'une seule chose à faire : prendre la fuite, courir aussi vite que le permettrait ses jambes frêles et sa tenue. C'était d'autant plus difficile qu'il y avait plusieurs personnes présentés sur les lieux à cette heure... Elle bouscula quelqu'un, d'ailleurs. Elle aurait préféré qu'il ne lui attrape pas le bras ainsi; elle aurait peut-être réussi à retrouver le havre de paix que lui offrait le Lost, sous la protection d'Edward. C'était également une cage, en quelque sorte, mais quelle importance, si le monde extérieur était impitoyable à son égard à chaque fois ? Ne valait-il pas mieux se nourrir de quelques belles illusions ?

« Pardon... » murmura-t-elle aux travers de ses sanglots, n'osant pas regarder cette personne dans les yeux.

Elle n'était guère mieux qu'une gamine effrayée en ce moment. Elle ne voulait tout simplement pas retourner en enfer. Malheureusement, elle n'avait pas non plus la force de se remettre à courir. June osa donc un regard en direction de l'endroit d'où elle tentait de s'enfuir, espérant en vain que le marchand ait perdu sa trace en cours de route. Eh non, il se rapprochait dangereusement, avec un air fort colérique sur le visage. Inquiète, elle se cacha un peu derrière cet homme qu'elle avait percuté, même si elle n'avait toujours pas osé regarder son visage et qu'elle ne l'avait donc pas reconnu. Elle espérait simplement qu'il ait bon cœur, qu'il fasse preuve de pitié à son égard. Il la protégerait, n'est-ce pas ? La panique cognait dans son cœur et contre ses tempes, ce qui se voyait à son souffle saccadé; il n'y aurait aucun endroit où elle serait à l'abri s'il n'arrivait pas à convaincre ce bougre qu'elle n'était pas une voleuse. On l'amènerait au commissariat et on découvrirait qu'elle n'était pas d'ici. On découvrirait qu'elle n'avait pas toute sa tête. En ce moment même, cette voix sinueuse tentait d'ailleurs de la convaincre de la laisser les sortir de ce mauvais pas... Et Dieu seul sait comment elle succomberait rapidement aux ténèbres si cela lui semblait la seule solution.

Commissaire ? Le mot résonna comme en écho dans l'esprit de June, qui s'était vidé de tout le reste sous la surprise. C'était bien la raison pour laquelle elle n'avait pas saisi le mouchoir qui lui avait été tendu, ni répondu immédiatement lorsqu'on lui avait demandé sa version des faits. Le destin était tout de même une chose bien étrange et mystérieuse, faisant en sorte qu'elle tombe justement sur la personne qu'elle désirait éviter autant que possible dans ces circonstances... Ce n'était toutefois pas le moment pour de telles réflexions philosophiques. Son silence serait suspect s'il se prolongeait davantage. June enferma donc sa tristesse à double tour au fond d'elle-même, dans sa visualisation personnelle d'une petit boite qui pourrait être ouverte un peu plus tard. Son visage était toujours aussi pâle lorsqu'elle s'écarta légèrement de la cape derrière laquelle elle s'était cachée, mais les larmes avaient cessé de couler le long de ses joues de porcelaine et sa voix ne tremblait pas. Après tout, chanter devant un public, c'était un peu comme prendre un rôle que l'on finissait par quitter pour un autre, dans un million de petites morts délicieuses, ce n'était donc pas particulièrement difficile pour elle de prendre un masque lorsque cela s'avérait nécessaire...

« Vous vous trompez sur mon compte, monsieur... Vous m'avez effrayée. Je croyais que vous alliez lever la main sur moi, c'est pour cela que j'ai fui... Je n'ai rien sur moi. Vous pouvez même me fouiller si le cœur vous en dit, mais vous perdriez votre temps à mon avis... Cherchez plutôt un homme portant des lunettes et un cardigan bleu, dans une direction différente près de votre commerce. D'ailleurs, si je ne me trompe pas, celui-ci n'a plus personne pour le surveiller en ce moment... »

Emballé, c'est pesé. Rien ne laissait croire qu'il y avait une part de faux dans ses propos, sans doute parce que c'était le cas... Quoi qu'il en soit, le marchand semblait quant à lui suffisamment convaincu, ne serait-ce qu'à propos du danger que courait le reste de sa marchandise, car il s'éloigna d'un pas rapide après avoir marmonné quelques excuses dans sa barbe, ou plutôt dans sa moustache pour ce cas précis... En vérité, il s'adressait probablement davantage au commissaire qu'à la petite demoiselle, mais peu importe, l'important était qu'il soit parti. June ne pût d'ailleurs s'empêcher de pousser un soupir de soulagement, avant de se retourner vers l'imposant personnage, lui adressant un adorable petit sourire timide.

« Je vous remercie de votre coup de main. »

Elle ne s'en serait probablement pas sortie sans lui, après tout. Ou du moins, pas sans une ecchymose ou un peu de sang. La panique et la folie auraient empêché pire événement, au grand malheur du rouquin... Toutefois, une fois encore, son esprit s'égarait, ce n'était pas là l'important.

« Commissaire... » répéta-t-elle alors dans un murmure, la mine pensive. « Est-ce pour cela que vous rôdez toujours près de moi ? Après tout, vous devez bien savoir qui je suis et ce que j'ai fait... Désirez-vous me renvoyer à Londres pour que j'y sois brûlée vive ? Est-ce là... La justice ? »

On aurait pu croire que sa voix serait triste. Mais non. Son ton était las. Une petite voix dans sa tête, sa conscience peut-être, lui demandait si, au fond, ce n'était pas ce qu'elle méritait... June était folle, ce n'était plus à remettre en doute par qui que ce soit... Ne valait-il pas mieux la mettre hors d'état de nuire avant qu'elle ne cause plus d'ennuis ? Sur scène, elle était toujours belle, radieuse et plus gracieuse que jamais, la femme parfaite quoi, mais ce n'était peut-être qu'un masque de plus, en fin de compte. Un parmi tant d'autres, qui semble si vrai, mais qui est si faux. C'était à s'y perdre si on ne faisait pas attention. Qui était la véritable June Ravenclose ? Qui saurait le dire si elle-même l'oubliait ?

« À qui puis-je faire confiance ? » finit-elle par se demander à voix haute, celle-ci étant un peu brisée, s'effondrant ensuite au sol, recroquevillée sur elle-même, la tête entre les mains comme si elle était sur le point de s'arracher tous ses cheveux d'or, qui semblaient ensorceler tous les hommes.

Elle ne pensait pas rencontrer quelqu'un qui partageait son quotidien hors des murs du cabaret, ou du moins pas de façon aussi surprenante. Elle ne savait pas comment réagir et cela, en plus des accusations précédentes, la mettait dans tous ses états. Pourtant, d'habitude, elle respirait la joie de vivre, peu importe ce qui pouvait arriver. Mais même le meilleur rossignol finit par s'éteindre, si l'on n'en prend pas grand soin...

Le russe arriverait-il à réconforter sa belle ? Le désirerait-il seulement ? N'avait-il pas mieux à faire, après tout ? Trouver sa perle rare, le cadeau qui plairait à Valentine... Mais devait-il vraiment faire un choix ? N'avait-il pas un peu de temps pour les deux ? Et puis les conseils d'une femme pourraient être forts avisés, une fois le sourire de June revenu éclairer son visage, tel le soleil vainquant la nuit... Mais seul Aldrick pourrait décider de ce qu'il ferait...

Ainsi donc, il était vraiment impossible que quelqu'un d'autre que June elle-même ne la mène vers la voie de la confiance et la sûreté ? Que de sages paroles que voilà. La folie grignotait l'esprit sous bien des facettes différentes... Oublier le sens véritable de la réalité était l'une d'entre elles et donc, d'un côté, ces paroles étaient bien rassurantes. La vie n'était ni plus ni moins qu'un tracé complexe d'essais et erreurs, où il fallait simplement tenter d'apprendre de ces dernières... Oublier ceci était de l'inconscience pure et simple. Essuyant ses yeux afin d'éviter de se ridiculiser davantage, la jeune femme releva enfin un peu la tête, osant timidement croiser le regard doré de cet homme. Elle n'y lisait aucune animosité, seulement une grande douceur qui la surprit un peu. Et toute cette tristesse... Non, décidément, il était impossible qu'il lui veuille le moindre mal. Voilà le véritable Aldrick; commissaire n'était qu'un nom, qu'un rang, il ne devait pas l'effrayer ainsi sans raison. Un faible sourire revint hanter le visage de June, pour le réconforter tout autant qu'elle-même. Le sort et le bonheur des autres lui avait toujours importé davantage que le sien, peut-être était-ce la raison de sa folie, c'était du moins celle pour laquelle elle n'avait jamais écrit à ses parents pour leur apprendre qu'elle était toujours vivante... À l'extérieur, rien ne paraissait à propos de ces pensées silencieuse, le sourire était toujours là et June fit même une révérence digne d'une dame de haut rang, ce qu'elle était loin d'être le cas, pourtant... Ah, décidément, l'élégance et la grâce caractérisaient cette petite poupée de porcelaine blonde quoi qu'il arrive. Elle jouerait le jeu, de toute façon. Elle en avait l'habitude. La seule chose qu'elle ne comprenait pas, c'était la raison de ces joues rouges, mais elle garda le silence à ce sujet. Inutile de l'embarrasser davantage, elle ne jouait pas avec les sentiments des autres. Jamais.

« June Ravenclose, enchantée de faire enfin votre connaissance, Aldrick. »

Un coup de main, hein ? Il avait l'air un peu désespéré, comme ça. Pouvait-elle vraiment être utile ? La cantatrice prit une mine pensive avant d'exposer les quelques idées qui lui venaient en tête. Il n'était pas question d'offrir du chocolat comme elle en avait vu entre ses mains tout à l'heure, surtout si c'était pour une femme, ce qu'il confirma – c'était sans doute la raison pour laquelle il avait besoin d'aide, puisqu'il semblait si timide ! Les sucreries avaient un goût délicieux, peut-être, mais cela faisait grossir, surtout, et Dieu sait à quel point le poids pouvait devenir une obsessions pour la gente féminine... Pas de fleurs ni de bijoux non plus, c'était bien trop commun et banal ! June lui proposa donc de se promener un peu parmi les allées, en évitant bien de retourner au lieu du crime précédent, bien sûr. Ils trouveraient quelque chose. Et en effet, il y avait tant de monde, tant d'objets ! La petite lady observait tout avec de grands yeux, curieuse, comme une enfant émerveillée, ne s'éloignant pas trop de son protecteur du moment pour autant, le cœur toujours fragile. Il y avait là de magnifiques pièces de verre taillé qui attirèrent particulièrement ses prunelles émeraudes, mais c'était sûrement trop fragile pour être envisageable... Finalement, ils arrivèrent devant un étalage de vêtements. Une écharpe était toujours utile, lorsque les températures plus fraîches s'installaient, non ? Et puis... Il y en avait de très belles ici, le tissu étant mêlé de quelques broderies de fleurs, d'oiseaux, d'autres motifs en tout genre... Aldrick pourrait donc en choisir une qui plairait tout particulièrement à la demoiselle en question. June lui tira donc légèrement la manche pour attirer son attention, n'étant pas encore tout à fait remise pour être à l'aise avec l'idée de toucher sa main, lui pointant cet objet du doigt avec un sourire : cela devrait être parfait ! Du moins, c'était son avis. À lui de voir s'il approuvait ou non...

« J'espère que cela plaira à l'élue de votre cœur ! Au moins, si les goûts de votre amie ne ressemblent pas du tout aux miens et qu'elle en soit mécontente, ce ne sera pas votre faute... »

La première phrase était plutôt une plaisanterie qu'une affirmation et elle espérait bien que cela se sentait dans sa voix un peu taquine. June ne savait pas du tout pour qui était ce cadeau d'anniversaire, mais cela devait sûrement être quelqu'un d'important... On n'offre pas de pareils cadeaux à n'importe qui. Ce n'était pas tant l'objet qui importait, ni même sa valeur, mais plutôt les sentiments que cela représentait, cette impression d'être aimée. Elle ne pût réprimer un petit pincement au cœur. Jalouse ? À peine... Ce n'était pas dans ses habitudes après tout. Amère et nostalgique auraient été de meilleurs mots, sans doute. Cela ne dura pas, de toute façon. Passer du temps en compagnie de nouvelles personnes et apprendre à les connaitre... Voilà la vraie source du bonheur ! Ce sourire léger qui était apparu alors qu'elle tournoyait un peu en rythme sous des airs soudainement portés par le vent en était la preuve : la petite fleur avait retrouvé le chemin du soleil... Comme elle le faisait toujours et comme ce serait probablement toujours le cas. Elle avait cette chance de pouvoir compter sur certaines personnes à travers toutes les épreuves que lui présentait la vie !

Tourne tourne, petite étoile. File dans le ciel, retrouver ton rêve...

June avait trouvé toute cette réaction bien amusante. Une chose était certaine, elle ne s'attendait pas à une telle chose ! S'il ne s'agissait que de sa meilleure amie, pourquoi s'énerver et gesticuler autant ? À moins qu'il y ait bel et bien quelqu'un qui détenait tous les pouvoirs sur son cœur, quelqu'un d'autre du moins, et qu'il ne désire pas que l'on croie qu'il était pris... Elle irait au cœur de toute cette histoire un jour ou l'autre, elle en était bien déterminée, à présent ! C'était un mystère à élucider et ce genre de choses la fascinait. Elle saurait toutefois s'arrêter à temps dans son interrogatoire, puisque faire souffrir les autres de quelque façon que ce soit. Pour le moment, elle se contenterait de le suivre au milieu du marché, à son bras, pour découvrir ce monde tout nouveau pour elle. Il serait intéressant de trouver un nouveau roman pour remplir son temps libre. Et puis... La dernière phrase du jeune homme l'intriguait beaucoup, elle devait l'avouer...

« J'ai tout le temps qu'il nous faut, je n'ai rien d'autre à faire ! Mais à qui voulez-vous donc me présenter ? » demanda-t-elle donc d'une voix rieuse.

Après tout, June détestait la plupart des surprises, surtout lorsque cela concernait des personnes. Elle voulait faire confiance à Aldrick, mais elle avait déjà trop souffert à ce sujet pour ne pas être légèrement inquiète à propos des étrangers... C'était déjà une bonne chose qu'elle arrive à quitter le havre de paix que lui offrait le cabaret. Était-il question de Valentine ou bien de quelqu'un d'autre ? Elle voulait tout savoir ! Cependant, un élément l'arrêta dans les questions et autres babillages qu'elle avait entamé tandis qu'ils parcouraient les allées. Figée sur place et relâchant même le Voelsungen, le laissant continuer sa route, la blondinette admirait une jolie poupée de chiffon. Des cheveux noirs attachés en nattes, une belle robe de soie bleue couverte de petits rubans blancs, June la trouvait vraiment magnifique, même si elle n'arrivait sans doute pas à la cheville de celles qui étaient faites de porcelaine. La jeune femme avait certainement passé depuis longtemps l'âge de jouer à la poupée, mais c'était justement une part du problème... June n'avait jamais eu la chance d'avoir pareil jouet, en fait. Ses parents ne pouvaient se le permettre. Et elle non plus. Pourtant, cela lui aurait fait un peu de compagnie... Les paroles du propriétaire de l'appartement de ses parents et celles de son employeur résonnèrent sèchement dans l'esprit malade de la cantatrice. Le temps c'est de l'argent. Il n'y avait pas une minute à perdre avec pareilles gamineries. Son poing se serra et elle tremblotait légèrement à tous ces souvenirs malheureux. Elle demanda finalement au marchand le prix qu'il en réclamait, d'une voix un peu blanche, comme si elle était dans un état second. Ayant complètement oublié la présence d'Aldrick et leur but précédent, elle sortit presque frénétiquement sa bourse de ses poches, bien qu'elle compta très attentivement chacune de ses pièces. Un soupir lui échappa : ce n'était pas assez. Forcément. Elle se saisit fermement de son pendentif, comme à chaque fois qu'elle était nerveuse, le marchand s'intéressant quant à lui à d'autres clients, plus riches sans doute... Serait-il trop tard, un autre jour ? Elle pourrait peut-être demander à ce que son salaire du mois prochain lui soit avancé... Jouer des sentiments qu'Edward avait à son égard pour tenter d'obtenir un avantage quelconque, cela ne lui plaisait pas, mais s'il n'y avait pas d'autre solution... Perdue dans ses pensées, la mine un peu attristée par cette déception, elle cherchait une solution, mais n'en trouvant point, elle finit par se souvenir des circonstances l'ayant menée jusqu'ici. Elle se retourna donc pour chercher Aldrick du regard, allant le rejoindre à nouveau, ravalant ses émotions, s'excusant cependant d'une voix un peu égarée, preuve qu'elle n'avait pas encore tout à fait lâché l'affaire.

« Pardonnez-moi, j'ai été un peu distraite... Nous pouvons continuer notre route... »

June était très déçue de ne pas pouvoir acheter cette poupée. Mais jamais elle n'aurait pensé demander à Aldrick de lui donner les pièces qui lui manquait. Après tout, ils ne se connaissaient réellement que depuis une petite heure et puis, le jeune homme avait déjà dépensé beaucoup de ses francs pour les cadeaux de Valentine. La surprise peignit donc ses traits lorsque le commissaire lui fit cette proposition de la lui offrir. C'était vraiment trop gentil de sa part... Et puis, il était si rare qu'on lui fasse des cadeaux ! Elle était heureuse. June alla se saisir de la poupée, la serrant contre son cœur, un sourire angélique aux lèvres pendant que les hommes s'entretenaient entre eux. Bien sûr, elle dût bien vite se séparer de son bien, la poupée étant placée dans un sac, mais c'était la sienne, maintenant. Et c'était tout ce qui lui importait vraiment pour l'instant. C'est donc sans poser de questions et heureuse qu'elle avait suivi Aldrick jusqu'à leur mystérieuse destination. Et elle ne l'avait pas du tout regretté.

Une animalerie... Il y avait bien longtemps que June n'avait pas mis les pieds dans pareil boutique. La dernière fois, elle s'en rappelait à peine, mais c'était en compagnie de sa mère. Il faut dire qu'en vieillissant, June n'avait pas vraiment eu l'occasion de visiter à nouveau ce genre d'endroit à cause de ses multiples métiers... Pourtant, elle aimait bien les animaux ! Elle l'avait toujours un peu regretté, au fond. C'était donc une boutique qui la rendait nostalgique pour le moment. Suivie de près par celui qui l'avait protégée, elle remarqua bien que tous semblaient bien se connaître. Un collègue de travail et sa fille ? Cela expliquait sans doute la complicité qui régnait dans l'air... Mais si ce n'étaient pas eux les fameux Paul et Alicia que le commissaire désirait lui présenter, alors qui donc ? Était-ce d'autres membres de la famille ou alors... des animaux, peut-être ? Ce serait logique dans une animalerie. Quelques minutes après ces réflexions, deux perroquets vinrent faire leur apparition, confirmant la théorie de June. C'est émerveillée qu'elle les observa faire leurs tours, sans dire un mot, timide, du moins, jusqu'à ce qu'on lui adresse la parole, lui demandant si elle ne désirait pas les toucher.

« Vraiment ? Ce n'est pas dangereux ? »

Elle se demandait si on l'avait seulement entendue parmi tous ces éclats de rire, mais on ne lui aurait pas proposé de le faire si c'était risqué, non ? Elle tendit donc une main un peu hésitante et timide vers le perroquet gris pour caresser son plumage doux, ayant malgré tout toujours un peu peur qu'il lui croque les doigts. Cela n'arriva heureusement pas. Le sourire ornant les traits de la cantatrice s'étira un peu plus encore : c'était agréable ! Et puis, les deux animaux étaient pour le moins impressionnants. Étant désormais plus à l'aise entre les quatre murs, elle laissa Paul s'installer sur son épaule – en autant qu'il n'aille pas s'emmêler les pattes dans ses cheveux ! – pour lui fredonner une petite ritournelle heureuse. Les deux oiseaux semblaient apprécier. caquetant en rythme. C'était bien connu de tous, les oiseaux étaient des animaux chantants et surtout, libres. Ce n'était donc pas bien surprenant que la petite June s'entende plutôt bien avec ceux-ci, après tout, ce qui se ressemble s'assemble. Peut-être aurait-ce même été l'animal de compagnie qu'elle se serait choisie si elle avait pu en avoir un...

« Vos autres animaux ne font pas de tours ? » demanda-t-elle, curieuse, en tendant le perroquet à son propriétaire.

Elle voulait en apprendre plus au sujet de cette animalerie et de ses protégés. Une journée où elle était une jeune femme tout à fait ordinaire, c'était si rare... Elle ne pensait pas que c'était encore possible... Il fallait profiter de chaque instant ! Il faut croire qu'une présence humaine à ses côtés l'aidait à être calme ! Ou du moins, lorsque c'était quelqu'un de gentil qui lui tenait compagnie... Il faudrait qu'elle pense à remercier sincèrement Aldrick lorsque leurs chemins se sépareraient.

Il valait probablement mieux qu'elle ignore la vérité pour le moment, n'est-ce pas ... ?

Spoiler:

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Tant d'agitation dans une seule pièce aussi petite, on n'avait pas la chance de voir cela tous les jours. Enfin, il faut dire que June était plus émerveillée par tous ces animaux surprenants que par les discussions qui avaient lieu. Pas qu'elle n'y fasse nullement attention, mais elle n'écoutait que d'une oreille, observant avec intérêt la loutre et le lion jusqu'à ce qu'on l'attire vers une autre cage en verre. Elle ne répondit pas vraiment lorsque Julia l'apostropha; à vrai dire, avant que celle-ci ne lui dise où se trouvait le caméléon, elle n'avait pas non plus remarqué les yeux qui étaient présents sur les pétales de la petite fleur rouge. Vraiment efficace, ce camouflage... En tout cas, même pour quelqu'un qui n'était pas très friand de reptiles en tout genre, il était plutôt mignon, ce petit caméléon ! June ne put malheureusement pas l'admirer bien longtemps, car l'autre demoiselle semblait effrayée pour une étrange raison un peu mystérieuse, cherchant refuge derrière la cantatrice, ce qui surprit grandement celle-ci. Non seulement par ses mots, mais aussi par le fait que Julia semble la croire digne de confiance pour ce qui était de protéger autrui... Pourtant, les seuls moments où elle aurait vraiment pu défendre quiconque, elle-même compris, c'était lorsqu'elle était complètement folle... Ce à quoi elle évitait de trop penser, ne désirant pas aggraver son cas:..

« Eh... Mais Aldrick n'est pas quelqu'un de méchant... »

Elle eut un sourire timide et ses joues s'empourprèrent légèrement sous son audace, alors qu'elle ne le connaissait pas vraiment depuis longtemps. Mais c'était l'impression qu'il lui avait laissé, avec ses mots gentils et ses attentions charmantes. Il avait aussi de la conversation pour le moins intéressante, même s'il était un peu maladroit ! C'était une part de son charme, tout simplement... Bien sûr, il ne devait pas être entièrement blanc comme neige, ne serait-ce qu'à cause de son métier, mais elle n'était pas vraiment placée pour juger quelqu'un à ce sujet, après tout. Cherchant une façon de changer de sujet, June complimenta les propriétaires de l'animalerie à son sujet. Elle reviendrait sûrement ici de temps à autres dans son temps libre, oui, elle devrait se souvenir du chemin pour venir jusqu'ici... Toutefois, pour la journée, elle pensait avoir suffisamment abusé de leur temps. Encore heureux qu'il n'y ait pas eu de clients qui s'étalent présentés pendant ce temps... Toutes les émotions de la journée l'avaient un peu fatiguée, aussi... Elle salua donc Albert et Julia en les remerciant pour ce moment agréable, caressa une dernière fois le plumage des deux perroquets vedettes en souriant doucement, puis sortit du magasin, espérant tout simplement que cela ne dérangerait pas trop Aldrick de la raccompagner au cabaret. Elle lui offrit un sourire radieux pour tenter de le convaincre, mais aussi pour le remercier de tout ce qu'il avait fait pour elle aujourd'hui.

« Cher commissaire, vous avez sauvé ma journée, je ne saurais comment vous remercier. Ce sera une expérience à renouveler, dans ce cas, n'est-ce pas ? »

Du moins, pour ce qui était de passer un peu de temps ensemble, la panique causée par une accusation fautive en moins, si possible...

Il semblerait qu'Aldrick et June avaient tous deux apprécié leur journée. Leur sourire tout comme leurs paroles étaient plus que suffisants en tant que preuve. Toute cette mésaventure finissait plutôt bien, alors, tout bien considéré, n'est-ce pas ? C'était parfois étrange à quel point une épreuve difficile pouvait rapprocher deux personnes, même si elle ne se déroulait pas entièrement... Cela révélait sans doute les forces de chacun, ainsi que les personnes sur lesquelles l'on pouvait vraiment compter. Cependant, comme chacune de ses semblables qui se respecte, leur petite bulle de bonheur éclata subitement, par l'embarras de l'un d'entre eux. June était quant à elle un peu perplexe. Cela ne ferait-il pas davantage jaser s'ils se voyaient en secret, justement, une fois le pot au rose découvert ? Seulement, cet air à la fois heureux et maladroit, des plus attendrissants, eut raison d'elle. Son propre visage s'adoucit en un sourire avant même qu'il ne s'approche d'elle pour murmurer à son oreille et la faire rougir, puis elle hocha simplement la tête pour donner son accord, ayant quelque peu perdu ses mots. De toute façon, si elle allait raconter sa mésaventure, cela ne ferait sans doute que lui compliquer la vie... Ou tout du moins plus encore que ce n'était déjà le cas... La nouvelle finirait par arriver tôt ou tard aux oreilles d'Edward qui était plutôt du genre trop inquiet et protecteur à son égard... Peut-être avec raison, considérant la folie qui consommait l'esprit de la petite princesse dans d'horrifiants ténèbres, mais peu importe. Elle ne désirait pas devenir une prisonnière ou une âme fragile qui devrait se faire accompagner où qu'elle aille. Elle préférerait mourir ! Cependant, pour l'heure, il valait mieux être raisonnable et rentrer avant que des soupçons ne s'élèvent dans l'esprit de quiconque. Il fallait y aller un pas à la fois. Lorsque le grand homme aux yeux d'ambre lui tendit à nouveau son bras, la petite demoiselle l'accepta sans le moindre mot. En fait, elle demeura silencieuse jusqu'à leur arrivée à destination, un peu pensive. Elle devrait tenter de sortir plus souvent malgré tout, histoire de prendre davantage confiance et de ne plus être une étrangère pour les marchands. Ce qui éviterait que la situation s'étant produite aujourd'hui ne se répète...

« Merci, vraiment, Aldrick... Pour tout. »

Il avait pris un peu de son temps pour la rassurer et lui montrer des choses incroyables, le remercier était la moindre des choses, à son avis... June se tourna vers la porte, mais s'interrompit. Un détail lui était revenu en tête. Elle se retourna pour prendre le sac qui contenait sa poupée avant de saluer le commissaire d'une petite révérence la rendant plutôt adorable et de passer la porte du Lost Paradise, cette porte qui séparait, au final, leurs deux univers... Cette prochaine rencontre serait pourtant attendue avec impatience... C'était la première fois qu'elle avait réellement l'impression de toucher le monde du bout des doigts. D'y avoir sa place, tout simplement. Oh, elle avait été aimée, bien sûr, depuis son arrivée à Paris. Mais elle avait l'impression d'être Alice Lidell, perdue de l'autre côté du miroir. Elle voulait trouver des repères, des pièces d'une carte au trésor pour trouver le sien... Et c'était aujourd'hui que ses yeux avaient été ouverts.

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