Il devait être pratiquement 6h du matin quand les premiers rayons solaires percèrent dans le ciel, donnant des couleurs passant du rose à l'orange qui repoussaient le bleu nuit de la voute céleste.
La ville était encore plongée dans le silence, seuls quelques chiens errants trainaient dehors. Mais au fur et à mesure que les secondes passaient, la vie commençait doucement à se faufiler dans les rues. Certains policiers de ronde nocturne prenaient enfin le chemin du retour, rentrant chez eux avec hâte. Les allumeurs de réverbères montraient aussi le bout de leur nez pour éteindre les multiples réverbères de bronze qui arpentaient les rues de la ville.

Lorsque la lumière glissa jusqu'à un bâtiment imposant, qui n'était autre que le fameux cabaret Lost Paradise, cette dernière se faufila au travers d'une fenêtre aux rideaux mal fermés. La pièce en question, qui était à présent plongée dans semi-obscurité, n'était autre qu'une chambre. Aucun bruit ne régnait dans celle ci, même pas celui d'une faible respiration. A croire qu'elle ne possédait pas d'occupant.
Et pourtant, on pouvait bel et bien voir une forme volumineuse sous les draps du lit. Cette derrière était toutefois immobile, comme si quelqu'un avait eu l'idée de déposer des oreillers sous la couverture pour faire croire à une présence dans la pièce. Et pourtant, ce n'était nullement le cas. En effet, la masse commença à quelque peu bouger. Il fallu seulement quelques secondes de plus pour que le drap ne glisse au pied du lit, laissant place à... à rien du tout en fait. Car si on observait le lit, à première vue, ce dernier semblait des plus vides. Mais se serait trop vite parler que de prétendre cela.
Un léger courant air vola dans la pièce, avant que le corps d'un jeune homme blond ne se matérialise, assis sur le bord du lit.

Acesmé, car c'était bien lui, lâcha un bâillement tout en se passant une main dans les cheveux. C'était déjà le matin? Il aurait bien voulu dormir un peu plus, mais bon. Bien qu'il avait toujours un peu de mal à se réveiller au début, le jeune sylphe était quelqu'un de plutôt matinal. Il se levait toujours en même temps que le soleil, et un peu plus tôt en hivers. Même s'il ne faisait rien de spécial, il n'aimait pas le fait de perdre une matinée entière à dormir. Faire ça tous les jours serait comme gaspiller la moitié de sa vie. Quoi que, en même temps, il ignorait jusqu'à quel âge il vivrait. On avait rarement entendu parler d'un élémentaire étant mort de vieillesse -notion quelque peu dénuée de sens pour eux vu qu'ils prenaient l'âge qu'ils souhaitaient. Enfin, il verrait bien par lui même.
Ayant bien son apparence de 19 ans en tout cas, le jeune homme se leva après s'être frotté les yeux, s'habituant doucement à la lumière qui pénétrait sa chambre. Il jeta un coup d'œil à son armoire. Il possédait de véritables habits, bien qu'il n'en avait pas vraiment besoin en soit, mais maintenant qu'il n'était plus chez lui il n'était plus obligé de les mettre pour « jouer le jeu » comme on dit.
Se massant un instant les épaules, le sylphe changea alors sa tenue de pour une chemise blanche et un pantalon brun clair. L'ensemble était des plus simples, presque négligé mais tout en restant correct. Pas besoin de véritables tissus pour lui, il pouvait de lui même faire apparaître des vêtements sur lui qu'il tissait dans son vent. Le contraire serait fort embêtant d'ailleurs, si quand il devait changer d'âge -et donc de taille- ses habits ne suivaient pas.

Renonçant après avoir passé plusieurs minutes à brosser ses cheveux en bataille, le sylphe quitta finalement sa chambre. Il n'avait pas spécialement faim -déjà qu'il n'avait quasiment pas besoin de manger (vous avez déjà vu un courant d'air avaler quelque chose vous?)-, et choisi ainsi une autre direction que celle des cuisines.
Ça faisait un petit moment qu'il était ici à présent. S'il n'avait pas encore vraiment eut l'occasion de connaître tout le monde ou de faire simplement plus ample connaissance avec les autres, en revanche il s'était déjà accommodé au lieu. Il avait plutôt une bonne capacité d'adaptation au changement.

Après un court instant de marche, le sylphe arriva à ce ressemblait pour le moins à une bibliothèque. De ce qu'il se souvenait, il avait toujours aimé les livres.
Avançant dans la salle finement décorée, son regard arpenta les armoires remplies de livres aux couvertures de diverses couleurs. Il y avait de tout. Des livres de recette, d'histoire, des romans... Certes, elle ne valait en aucun cas la bibliothèque de la ville, qui elle était un véritable dédale d'ouvrages, mais elle n'était en rien moins séduisante. Le calme qui y régnait était des plus appréciables en tout cas.
Attrapant un ouvrage à la couverture en cuir, Acesmé en lu rapidement le titre avant de le feuilleter. Ça semblait être un roman fantaisiste. Si cela avait été écrit par un humain, ça promettait d'être comique. Lu plus part des livres de ce genre qu'il avait lu était un ramassis de bêtises déformant les légendes et caractéristiques des diverses créatures peuplant le monde. Bien sûr, lui même ne savait pas tout sur les autres espèces, mais sa mère lui avait expliqué beaucoup de chose et il avait aussi rencontré d'autres non-humains durant son voyage. Si ces ouvrages possédaient toujours une légère part de vérité, en revanche une grande partie n'y était que bêtise. Mais il était vrai que parfois, on pouvait trouver des romans proches de la réalité. Restait à savoir si l'auteur était vraiment humain ou non dans ces cas là...

Le sylphe n'avait rien à faire pour l'instant, il décida donc de s'installer sur une des chaises mises à disposition afin de commencer sa lecture. Il verrait bien si ce livre était ou non intéressant, sinon, il n'aurait qu'à en chercher un autre.

Si beaucoup d'enfants n'aimaient pas l'école ou devoir apprendre quoique ce soit, ce n'était pas le cas d'Acesmé. Plus jeune, le garçon avait toujours été des plus curieux, voulant toujours tout savoir sur ce qui l'entourait. Et s'il y avait une période de son apprentissage qu'il avait particulièrement apprécié, c'était celle de la lecture.
Il s'en souvenait encore, quand il n'était encore qu'un enfant, sa mère venait le voir tous les soirs pour lui conter une histoire. Elle s'asseyait à ses côtés pour qu'il puisse voir le livre en même temps qu'elle lisait, et au fur et à mesure il tâchait de suivre les mots. C'est en grande partie comme ça qu'il appris à lire, et il avait toujours adoré ces moments passés avec sa mère, transformant le labeur en jeu.
Quoiqu'il en soit, dans ce monde il était des plus indispensables de savoir lire, ne serait-ce que pour trouver un travail correct. Mais surtout, cela ouvrait les portes de la connaissance pour ceux voulant découvrir les mystères de ce monde qui avait été gravés dans les pages des ouvrages peuplant les étagères des bibliothèques. Bien entendu, on pouvait aussi simplement lire pour le plaisir, pour passer agréablement le temps, tout comme le faisait actuellement Acesmé.

Le jeune homme avait eut l'occasion de lire beaucoup de livres, de tout genre mais il avait toujours aimé les romans. Il avait ainsi pu comprendre que les livres ne contenaient pas toujours ce qu'on attendait d'eux, mais parfois que leurs pages étaient remplies d'une montagne inepties.
Et c'était justement le cas de celui qu'il tenait entre les mains. Vraiment, le sylphe devait faire un effort pour ne pas rigoler tellement c'était absurde. Certes, le style de l'auteur n'était pas mauvais du tout, mais le problème était l'histoire en elle-même et les personnages. Il avait de quoi faire Dracula se retourner dans sa tombe, qu'il soit mort ou non il devait sûrement être dans un cercueil en tout cas.
C'était une histoire de vampire à l'eau de rose, d'un ridicule affligeant. A la rigueur, que leurs vampires pseudo végétariens ne se nourrissaient pas d'humain mais d'animaux, ça pouvait passer, mais le pire était la suite. Loin d'être les effrayants suceurs de sang de la réalité, on avait ici droit à une bande de personnages qui brillaient au soleil et qui étaient tellement parfaits que c'en était à vomir. Certes, le terme n'existait pas encore à l'époque, mais si ça avait été le cas Acesmé les auraient sans nul doute qualifié de Mary Sue et de Gary Stu. Sûrement que tous les véritables vampires qui avaient lu ce bouquin l'avait mis aux ordures.

Le sylphe leva les yeux de son ouvrage, voulant le reposer sur son étagère afin d'en choisir un autre, quand un bruit de fracas résonna dans la pièce, le faisant sursauter. Délaissant son livre sur une table, Acesmé se leva précipitamment pour aller vers la source du bruit.
Après avoir passé deux étagères, le blond se retrouva face à un véritable bazar. Feuilles et bougies éparpillées, chaise renversée et tâches d'encre un peu partout. A croire qu'un tremblement de terre avait eu lieu autour de la table.
Mais loin d'être un cataclysme naturel, la cause de ce désastre semblait plus être le jeune garçon qui se dépêchait de tout remettre en place avant de s'effondrer -de désespoir sans doute- sur la table. Les cheveux ébènes, il avait l'air d'avoir son âge. Quoique c'était difficile à dire, parmi les non humain l'âge physique ne voulait pas dire grand chose.
Hésitant un instant, Acesmé avança doucement vers lui.

« Tout va bien? » demanda-t-il en se penchant vers le garçon.

Spoiler:

Si notre jeune sylphe n'avait peut-être pas une excellente mémoire des noms -il avait toujours besoin de se les répéter sans cesse dans sa tête pour ne pas les oublier au début-, en revanche il avait une bonne mémoire visuelle en ce qui concernait les visages.
Si la plupart du temps, c'était les autres artistes de l'établissement qu'il croisait, maintenant qu'il pouvait complètement voir le visage de son interlocuteur sa tête lui disait bien quelque chose, oui. Il avait du le croiser une ou deux fois dans les couloirs et de loin. On lui avait brièvement expliqué que c'était une espèce de « bonne à tout faire » dont il ne fallait pas s'occuper. Le terme employé pour qualifier le garçon était peut-être un peu rude, mais c'était ce qu'il semblait vraiment être ici.

Mais si certaines personnes -comme quelques clients du cabaret par exemple- traitaient les autres de haut juste à cause d'une différence de statut social, c'était loin d'être le cas d'Acesmé. Le jeune homme avait été élevé dans un milieu modeste, quoiqu'un peu aisé comparé à la majorité de la population, mais il n'avait jamais jugé les autres sur leur provenance. Tout au long de sa courte vie il avait comprit qu'on jugeait une personne à ce qu'il était vraiment et à ses actes.
Quoiqu'il en soit, tout ça pour dire qu'il n'allait pas jouer les snob -ce qui n'était nullement son genre- ou dénigrer le garçon devant juste par qu'il avait le rôle de l'homme à tout faire. Et puis il fallait bien que quelqu'un prenne ce job aussi.
Après tout, c'est souvent les métiers les plus dénigrés qui rendent le plus service à la société. Si on rabaissait les femmes de chambre, les allumeur de lampadaires, les balayeurs, et tant d'autres, il fallait tout de même avouer que sans eux on serait bien embêté.

En tout cas, le garçon en face de lui semblait plutôt timide et embarrassé, ayant visiblement peur que le blond ne dénonce sa faute. Cela fit légèrement sourire le sylphe, ce n'était pas vraiment son genre de faire ça, et puis il n'y gagnerait rien non plus à le faire.

« Ne vous en faîtes pas, je ne dirais rien. » répondit-il en souriant doucement pour le rassurer.

Le pauvre garçon devait avoir assez de travail comme ça, inutile de lui apporter d'avantage d'ennuis. Alors que ce dernier se baissait pour éponger l'encre à l'aide de buvard -ce qui n'était peut-être pas la meilleure méthode pour enlever les tâches d'ailleurs- Acesmé voulu lui proposer son aide quand le jeune homme se redressa soudainement. Visiblement il avait eut on ne sait quelle illumination et s'avançait à présent vers le sylphe d'un air on ne peut plus embarrassé. A croire qu'il avait honte de ce qu'il allait dire.

« Je peux vous demander un service ? »

Un peu surpris dans un premier temps, le blond hocha ensuite légèrement la tête. Il n'était jamais à refuser un service, du moment que ça restait dans le domaine du possible bien sûr.

« Bien sûr, de quoi s'agit-il? »

Par son attitude et son ton encourageant, Acesmé cherchait à mettre le jeune homme en confiance, à le détendre. Il n'était pas là pour l'enfoncer, loin de là. Et puis ils devaient avoir environ le même âge -certes, il savait que le physique ne voulait rien dire pour les non humains, mais le comportement timide et nerveux du garçon lui disait qu'il ne se trompait pas-, alors autant essayer de bien s'entendre.

Alors que le jeune homme brun venait de lui demander un service, ce dernier sembla presque comme paniqué. Comme s'il venait de se rendre compte qu'il avait dit une énormité et ne savait pas comment arranger ça.
Pourtant, jusque là du moins, Acesmé n'avait rien relevé de choquant ou idiot dans ce qu'il est pu dire ou faire. Certes, il avait bien renversé de l'encre et des feuilles par terre, et alors? Ce genre de maladresse pouvait bien arriver à n'importe quoi après tout. Lui même il lui était déjà arrivé de casser des objets ou autre sans faire attention. Tout ça pour dire que le faux pas du garçon n'allait en rien affecter son jugement sur lui.
Finalement, le brun attrapa un tas de document resté sur le bureau, les tripotant nerveusement avant d'enfin oser reprendre la parole.

« En fait, mon oncle m’a demandé de travailler là-dessus hier soir et je me suis endormi. Il faudrait que je lui rende aujourd’hui, mais j’ai… Beaucoup de lacune et je n’ai pas vraiment compris le document alors que je dois en faire un résumé. Est-ce que vous accepteriez de m’aider ? »

Surpris de la demande, le sylphe cilla un instant. Il s'était attendu à... enfin, il ne savait pas quoi, mais pas à ça en tout cas. C'était surtout que le pauvre garçon en face de lui se torturait beaucoup trop l'esprit pour une si petite chose. Il n'y avait pas de honte à demander de l'aide sur quelque chose, et puis surtout, Acesmé ne pensait quand même pas avoir une tête du genre à faire peur. Inutile de se mettre dans un état pareil enfin, il n'allait pas le manger non plus. Déjà qu'il ne mangeait rien en temps normal, ça serait vraiment un comble qu'il se mette à présent au cannibalisme, bien que cela ne soit bien sûr qu'une simple expression.
Il eut un léger sourire en tout cas. Si son interlocuteur semblait des plus timides, il en trouvait ça presque mignon. En aucun cas l'idée de se moquer de lui ne lui effleura l'esprit.

« Bien sûr, je ne vois aucun inconvénient à cela. »

Pas tellement sûr que le brun l'ait entendu, semblant perdu dans ses pensées et les mains crispées sur ses feuilles -à croire qu'il pensait vraiment que le sylphe allait le dévorer-, Acesmé voulu amorcer un mouvement vers lui mais il fut coupé dans son élan. Son interlocuteur sembla reprendre conscience, avant de sembler au comble de la gêne tout en bafouillant pitoyablement une pauvre phrase pour se présenter.
Le pauvre garçon, Andréa donc, avait l'air au bord du désespoir. Le blond le confirmait, il se prenait vraiment la tête pour pas grand chose. Peut-être n'avait-il pas l'habitude d'interagir avec d'autres personnes, ce qui expliquerait sa maladresse à s'exprimer et son stress inutile.

Toutefois, Acesmé n'eut pas le temps de répondre quoique ce soit que le brun, en voulant reculer, glissa sur la feuille de buvard au sol -cette dernière étant déjà saturée d'encre. Fort heureusement, loin de se casser -une nouvelle fois- la figure au sol, le jeune homme s'assit simplement sur la chaise pour retirer sa chaussure, histoire de ne pas empirer les dégâts.

« Je suis désolé, ce n’est pas vraiment la meilleure image de moi que je vous donne là. Disons que c’est la faute à un réveil… À tomber par terre ? »

En l'entendant, Acesmé cilla un instant, avant de finalement lâcher un léger rire. Loin de vouloir se moquer de lui, il trouvait juste la situation et sa dernière phrase quelque peu comiques.
Tâchant de se calmer, ne souhaitant pas vexer Andréa non plus, le sylphe prit place sur la chaise à ses côtés.

« Allez, montre moi ce devoir. Je t'aiderais à nettoyer la tâche d'encre après. » fit-il en souriant doucement.

Il s'était naturellement mis à le tutoyer, comme pour créer un début de familiarité entre eux et aider Andréa à se sentir plus à l'aise. Et puis il lui semblait être un gentil garçon au final, juste très maladroit. Le jeune sylphe n'était en rien contre l'idée de faire plus ample connaissance avec lui.

Spoiler: