Pourquoi était-il là, déjà ? Ah oui...pour faire un gâteau avec le commissaire. Que diable lui avait-il donc pris d'accepter une chose pareille ? Il n'en avait que faire des gâteaux et autres choses dont se nourrissaient les humains étant donné que lui-même ne mangeait pas. Et il n'en avait rien à faire de leurs fêtes ridicules. Aujourd'hui aurait dû avoir lieu leur duel hebdomadaire, mais ce cher commissaire - marquez l'ironie - avait préféré s'adonner à cette tâche ridicule. Certes, Gabriel avait appris quelques recettes au fil des ans et il se débrouillait plutôt pas mal en cuisine, même s'il ne goûtait jamais ce qu'il faisait, mais de là à aider quelqu'un d'autre...Et pour une telle occasion, en plus. Ridicule. Qu'est-ce qui lui avait donc pris d'accepter ? Sans doute s'était-il dit, sur le moment, qu'Aldrick lui revaudrait ça un jour. On n'avait rien sans rien, après tout, c'était donnant-donnant.

Il parcourut la recette du regard, non sans pousser un petit soupir en entendant le flot incessant de paroles débité par le commissaire. Il ne prit même pas la peine de répondre, n'y voyant pas du tout d'intérêt. Il avait quand même fait l'effort d'aller chercher quelques ingrédients nécessaires et c'était déjà beaucoup quand on le connaissait un peu. Beaucoup trop, même. Il avait juste hâte d'en finir le plus rapidement possible et de rentrer chez lui pour vaquer à des occupations bien plus intéressantes. Et puis, Aldrick lui parla de sa voisine de palier, affirmant qu'elle serait ravie de faire la connaissance de l'avocat. Mais bien sûr. Cher commissaire, vivez-vous dans le monde des bisounours ? Gabriel soupira une nouvelle fois et lança un regard qui en disait long à son "coéquipier".

"Cela ne m'intéresse pas. Je n'ai que faire de votre voisine."

Voilà qui avait le mérite d'être clair. Il espérait qu'Aldrick aurait compris et qu'il ne lui parlerait plus de cette femme. Il en venait même à espérer qu'il ne lui parlerait plus, tout court. Mais ça, c'était impossible, il le savait très bien. Après avoir étudié la recette, il s'attela donc à la tâche, commençant par allumer le four, même s'il appréciait moyennement qu'on lui donne des ordres. Comment ça, Aldrick le lui avait demandé poliment et ne lui avait jamais donné d'ordre ? Bah, c'était tout comme. Il se redressa et réprima un énième soupir lorsque le brun lui demanda s'il cuisinait souvent. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire ? Agacé, Gabriel se passa une main sur le visage avant de répondre sur un ton exagérément poli.

"Vous n'êtes pas sans savoir que je n'ai nul besoin de me nourrir de cette façon. Par conséquent, je ne vois pas l'intérêt de cuisiner. Cependant, il m'est déjà arrivé de m'essayer à quelques recettes...pour tuer le temps."

Il fallait dire que quand on vivait aussi longtemps que lui, il fallait bien trouver de nouvelles occupations de temps en temps, histoire de ne pas mourir d'ennui. Mourir...quelle bonne blague.
Il observa un instant Aldrick avant de le pousser sur le côté et de s'emparer du fouet.

"Vous ne faites pas ça comme il faut."

Et sur ce, il prit la relève en mélangeant bien les ingrédients.

Pourquoi faisait-il ça ? Il se répétait sans cesse la question dans sa tête sans en trouver la réponse. Après tout, il n'aimait pas particulièrement la présence d'autrui, alors faire un gâteau avec quelqu'un...c'était le monde à l'envers ! Néanmoins, il n'avait rien de mieux à faire pour le moment et puis, normalement, il aurait dû avoir son duel hebdomadaire avec le commissaire. Bah...La prochaine fois, il se vengerait !
Il avait donc pris la relève, étant d'avis qu'Aldrick ne faisait pas ce qu'il fallait. Il prit un air concentré et tenta d'ignorer son binôme qui parlait beaucoup trop à son goût. C'était assez bizarre, d'ailleurs. D'habitude, il le trouvait plutôt taciturne lors de leurs duels. Comme quoi, cela ne voulait pas dire grand chose, au final. Le vampire réprima un soupir, c'était tellement agaçant, tout ça ! Et puis, le commissaire mentionna Valentine, affirmant que ce gâteau était pour elle. Il tenta tant bien que mal de ne pas montrer son trouble, mais nul doute que certains signes l'avaient trahi.

Il appréciait vraiment cette petite journaliste, même s'il avait déjà maintes fois tenté de ne pas y penser. Après tout, ne s'était-il pas juré de ne plus s'attacher à personne ? Comme quoi, même lui n'était pas capable de contrôler ses sentiments en permanence. Et puis, pourquoi Aldrick ferait-il un gâteau pour Valentine ? Y avait-il là quelque chose qu'il ignorait ? Pourquoi la simple pensée du commissaire et de la journaliste ensemble faisait-elle monter la colère en lui ? Résultat: il se mit à battre les ingrédients de façon rapide et assez violente. Trop rapide. Heureusement, il se reprit à temps pour éviter de tout gâcher, mais le mal était fait !

"Pourquoi voulez-vous faire ce gâteau pour Valentine ?"

Il s'en voulut aussitôt d'avoir posé la question car cela montrait que le sujet l'intéressait un petit peu. Or, il n'avait pas envie que d'autres sachent qu'il appréciait la journaliste - même si, malheureusement pour lui, bon nombre de personnes l'avaient déjà remarqué. Il fallait dire qu'il n'était pas très discret. Quel paradoxe !
Le commissaire reprit la parole pour lui demander ce qu'il faisait d'autre "pour tuer le temps". Il avait bien remarqué que le brun avait repris ses mots et ça l'agaçait. Il soupira et posa le saladier.

"Ça doit être bon, maintenant."

Il avait délibérément ignoré la question du commissaire, non sans l'intention de mettre les points sur les i très bientôt. Et lorsqu'Aldrick se pencha par dessus son épaule pour voir la recette, c'en fut trop. La goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Il se retourna vers lui et lui lança un regard glacial, vraiment glacial.

"Ce n'est pas parce que nous croisons souvent le fer que vous devez vous permettre ce genre de familiarités. Nous ne sommes pas amis, nous ne le serons jamais, mettez-vous bien ça dans le crâne, commissaire ! Quant à ce que je fais de mon temps, cela ne vous regarde aucunement. Maintenant, terminons ce gâteau pour que je puisse rentrer chez moi."

Sans attendre la moindre réponse de la part d'Aldrick, Gabriel jeta un oeil à la recette avant de prendre le saladier pour verser le tout dans le moule prévu à cet effet. Puis, il mit le tout au four. Sérieux...allait-il vraiment devoir rester une demi heure ici, à attendre que ce soit cuit ? Et donc, devoir supporter les questions incessantes du commissaire ? Quelle plaie. Il se passa une main dans les cheveux avant de prendre un bol et d'y verser de la crème fraîche et du sucre. Toujours sans un mot, il commença donc à battre tout ça pour en faire de la crème chantilly qui servirait à décorer le gâteau. Au moins, ça l'occuperait.