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Miroir mon beau miroir… Raconte-moi ton histoire… Fallait-il plaindre les passionnés ? Cette question philosophique avait été tout le drame de sa vie. Parce que passionnés, ses parents l'étaient mais pas par lui. A commencer par son père, Irlandais d'origine mais ayant fait ses études d'Egyptologie en France sous la directive d'un des plus célèbre professeur en la matière. Rapidement repéré, tant par son physique de viking roux que par la passion qui l'animait, il devint en quelques années l'assistant de ce célèbre Egyptologue. Lui qui ne vivait que pour les découvertes de tombeaux et autres sites archéologiques tomba rapidement sous le charme de la fille de celui-ci, tout aussi passionnée que lui par le travail de son père et qui n'hésitait pas à suivre celui-ci dans ses expéditions. Le mariage fut vite arrangé et lorsque Matt arriva, sans vraiment avoir été attendu, il se retrouva à son tour embarqué avec les bagages. Son enfance aurait pu être un véritable rêve empli d'aventures et de liberté s'il n'avait été aussi peureux. Enfant chétif, il craignait tout, le vent et le sable qui meurtrissaient sa peau déjà bien abîmée par le soleil, les moqueries des enfants des ouvriers égyptiens sur son apparence physique et plus encore les fameuses découvertes sur lesquelles s'extasiaient ses parents dont l'étrangeté le terrorisait. Et plus ceux-ci essayaient de lui expliquer en quoi leur découverte était miraculeuse, plus la peur qu'il en avait grandissait. Il fallait avouer que devoir faire sa sieste sous une tente à côté de tombeaux ouverts vieux de plusieurs milliers d'années, même entouré d'adultes bien vivants, avait quelque chose de particulièrement angoissant.



Ce fut un événement qui modifia de façon drastique le cours de son existence. Lors d'une visite au Caire, ses parents étant attendus dans un musée pour évoquer les dernières trouvailles mises à jour, un personnel du musée emmena l'enfant dans un souk voisin pour l'occuper. Du haut de ses cinq ans, il fut rapidement fasciné par tout ce qu'il voyait. Au point d'en perdre son guide. Une panique sans nom le saisit alors et il courut un long moment sans avoir aucune idée de où il se dirigeait. Il fut finalement arrêté dans sa course folle par un homme qui le chopa au vol, et qui au vu de son physique européen décida de l'amener au poste de police de son quartier. Ce fut pour lui le début d'une attente de plusieurs heures avant que la nouvelle de sa disparition parvienne finalement dans les quartiers reculés du Caire.

Il fut décidé que dès la rentrée scolaire Matt rentrerait en France, et serait pensionnaire dans une école catholique. Chose d'autant plus facile que la tante de sa mère, une vieille fille qui occupait la fonction de bonne du curé, pourrait s'occuper du petit lors des vacances scolaires.



Ce fut ainsi qu'il passa de sa vie aventureuse sous un soleil de plomb à une vie bien rangée dans les petits matins froids et brumeux des Ardennes. Il ne garda que très peu de souvenirs de sa vie en Egypte, pays où il ne remis plus jamais les pieds. Ses parents venaient le voir dès qu'il rentraient en France, lui racontant maintes et maintes aventures mais ne restaient jamais bien longtemps, occupés qu'ils étaient à courir le monde. Cela ne dérangeait pas vraiment le jeune garçon qui avait très vite appris à être indépendant. Sa vie se rythmait entre le pensionnat où les heures de cours se succédaient aux heures de prière et les vacances auprès de sa vieille tante qui l'abreuvait d'histoires sur Dieu combattant le Malin et ses sbires.

Très vite sa vocation sembla toute tracée. Il allait devenir prêtre. Apporter le Bien autour de lui et chasser le Mal. Il était né pour cela, il en était persuadé. Jusqu'à ce que viennent les tourments de l'adolescence. Et qu'une terrible réalité s'impose à lui. Son physique n'était pas la seule chose qui le différenciait de ses camarades. Il n'était en fait que le révélateur d'un mal plus profond.



Il cacha son homosexualité et renonça à la prêtrise. Et opta pour le journalisme. Raconter la vie des autres pour oublier le vide de la sienne, et lutter à sa manière contre le Mal se répandant dans la société pour ne pas voir celui qui le rongeait de l'intérieur.

Ses études à Paris finies, il se décida enfin à affronter 'ça'. Il savait qu'il n'avait qu'une porte à franchir pour y parvenir. Celle d'une maison close avec sa lanterne rouge allumée à l'extérieur... Haut lieu de dépravation et antichambre de l'Enfer. Mais voulant à toutes fins traiter le mal par le mal, il s'obligea un soir à en franchir le seuil.



Cela s'avéra être une véritable catastrophe. Les filles étaient... Des filles, les lieux trop feutrés et luxueux, et le pianiste bien trop plaisant. Il fut gentiment chahuté au sujet de sa timidité et de son manque d'initiative avant qu'une de ces dames ne prenne conscience de la véritable teneur du problème. Humilié comme jamais, il allait s'enfuir lorsqu'il fut retenu par la poigne ferme et très masculine du pianiste. De là, il ne contrôla plus rien et s'adonna à la luxure la plus totale dans les bras de cet homme... Lorsque plus tard celui-ci lui demanda s'il reviendrait, Matt assura que oui tout en n'en pensant pas un mot. La nuit avait pourtant été merveilleuse à plus d'un titre et c'était bien ce qui lui faisait peur. Ne disait-on pas que la force du Diable était dans sa capacité à vous charmer ?

Il y eut d'autres fois -que l'on pouvait compter sur les doigts d'une main- dans des lieux glauques et sordides. Mais plus jamais dans une de ces maisons à lanternes rouges.



Heureusement son job l'empêchait de trop se prendre la tête là-dessus. Il devait seconder une journaliste plus confirmée que lui et apprendre les ficelles du métier à ses côtés. Jusque-là tout lui semblait normal. C'était juste la personne elle-même qui l'avait laissé circonspect. Pourtant, elle était rousse tout comme lui. Mais c'était bien la seule chose qu'ils avaient en commun. Il avait d'ailleurs fallut du temps pour que la glace casse entre eux. Il fallait avouer que parler croix et eau bénite alors qu'elle évoquait vampire et loup-garou n'avait certainement pas dû aider. Mais comment pouvait-on s'extasier sur ce genre de choses ?! Alors que ce n'était au mieux que des chimères inspirées par les peurs humaines et au pire des envoyés du Diable...

Mais il reconnaissait à celle-ci, malgré sa propension à courir comme une hystérique au-devant du danger (alors que lui suivait à une distance raisonnable, parce qu'il fallait bien que quelqu'un assure leurs arrières), une chose qui forçait son respect. La relation très particulière qu'elle entretenait avec son chien. Il n'avait d'ailleurs jamais trop osé approcher Loki de peur de se voir rabrouer tant par Valentine que par le chien lui-même. Mais parfois lorsque sa collègue amenait son chien avec elle, et à les voir interagir ensembles, il souriait.