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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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  Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête

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Quetzalcoatl
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Quetzalcoatl

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 14 Avr - 19:18

Mettre la main sur ce fils de chien.

Il les avait vu s'écharper sur la place. À beugler comme des putois, qui les aurait manqué ? Il les reconnut tous les deux. Le discours des De Montalant aida, il fallait l'admettre. Puis les convives étaient retournées à leurs petites affaires et dans cette ondulation de plumes et de couleurs, ce maudit Armand avait disparu. Il ne perdait rien pour attendre.

– Comme je vous dis ! Un loup ! À Paris !

Il arrêta sa course, revint légèrement sur ses pas. Trois personnes discutaient à proximité du mandala. Dans le lot, un homme corpulent, saucissonné dans un costume trop juste pour lui, captivait ses interlocuteurs. Rester discret. Il tendit l'oreille, mais regarda ailleurs.

– C'était effrayant. Ça s'est passé durant un soir de pleine lune, le temps était glacial. Je m'en souviens parce que j'ai raté le dernier omnibus. Je n'ai pas croisé un seul cab et j'ai dû rentrer à pied dans la nuit noire. J'étais gelé en arrivant ! De peur et de froid !

Pitié. Qu'esperait-il au juste ? Qu'on se pâmerait devant sa résistance au froid ? Qu'on admirerait sa survie par moins cinq degrés ou son courage de trappeur urbain ?

– Mon pauvre ami ! Quelle aventure ça a dû être !
– C'est sûr qu'il y a plus drôle comme soirée !

Rires. Sérieusement ? Il leva les yeux au ciel et se renfrogna. Ces pipelettes n'étaient bonnes qu'à lui faire perdre son temps, il ferait mieux de reprendre sa traque. Il esquissa un pas, mais la conversation se poursuivit et malgré lui, la curiosité le retint.

– Et donc j'arpentais les rues en soufflant sur mes mains saisies de froid, quand je l'ai entendu.
– Le loup ?
– Le loup.
– Mais loin ?
– Difficile à dire. Le son raisonnait entre les ruelles.
– Et vous êtes sûr que c'était un loup ?
– Sûr de sûr.
– C'était peut-être un chien ?
– Il hurlait à la lune. C'était un loup, je vous dis ! Il m'a glacé le sang.
– Les chiens aussi hurlent.
– Ça n'a rien à voir ! Le son est différent !
– Mais vous l'avez vu ?

Il sourit faiblement. Coincé. La surprise emmêla les mots du plus ventru qui gonfla son corps rondouillard d'orgueil. Inutile de le voir pour deviner la grimace qui déformait ses lèvres. Un grommellement se fraya un chemin entre ses dents, puis il éclata :

– Oui ! Je l'ai vu !
– Non !
– Pas possible !

Le sale… Il se mordit la langue.

– Comme je vous vois !
– Et vous n'avez pas eu trop peur ?
– Si ! Vous imaginez ? Une de ces bêtes là en plein milieu de la capitale…
– Vous pensez qu'elle peut y être encore ?
– Ça j'en sais rien ! Depuis l'hiver…
– Il paraît que deux enfants ont disparu dans le quinzième.
– Bon sang, mais maintenant que vous le dites… Je crois que c'est dans ce coin-là que j'étais !

Une colère sourde remonta son échine. Ah vraiment ?

– Pardon… Mais vous parlez du loup ?

Il les avait rejoint, plus vouté et craintif qu'à son habitude. Façade. L'un des comparses du corpulent inconnu s'enquit :

– Vous en avez entendu parlé, vous aussi ?

S'exprimer bas, lentement. Laisser trainer ses phrases.

– Non. Je l'ai vu…
– Vu ? C-Comment ? S'étrangla le conteur d'opérette.
– Depuis ma fenêtre. Je pensais avoir rêvé, mais en entendant votre conversation…
– Quand était-ce ? Demanda un autre.
– Il y a trois semaines environ. À la pleine lune.
– Dans le quinzième aussi ?
– Non… Le sixième.
– I-Ici ?!
– Oui et…

Il s'agita, passa d'un pied sur l'autre, pour paraître mal à l'aise. Jouer l'inquiétude. Il jeta un coup d'œil derrière lui, rentra un peu plus la tête dans ses épaules.

– Et quoi ? Mais parlez bon sang !

Un murmure.

– C'est un monstre.

Silence et échange de regards inquiets.

– U-Un monstre ?
– Blanc. Énorme. Le triple, le quadruple peut-être d'une bête normale. Des crocs acérés et des yeux…
– D-Des yeux ?
– Injectés de sang.

Il n'y eut qu'un bruit. Un sifflement fébrile, comme une baudruche qui se dégonfle.

– I-Il faut que j'aille retrouver mon épouse !

Tout en sueur, le gros homme s'arracha à son poste et se perdit dans la foule. Ses deux comparses n'en menaient pas large. Ils tirèrent sur le col de leur costume soudain trop étroit.

– Ce n'est pas la pleine lune ce soir de toute façon…
– Non, non c'est vrai. On ne risque rien.

Coup de grâce.

– Espérons…

Déglutitions difficiles et fuites synchronisées. Cela le fit rire. Jaune. Il les regarda s'éloigner. L'un d'eux fut rattrapé par un ami auquel il expliqua, sans doute, les raisons de sa débandade. « Ainsi naquit la légende du Loup de Paris. »

Si vous saviez.
On parla près de lui.

– J'ai discuté avec ce Monsieur Delcambre et je vous assure qu'il a l'air parfaitement sain d'esprit !

Retour en chasse.
Quetzalcoatl
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 14 Avr - 23:24

L'altercation lui fit forte impression. Il n'en comprit pas tout le sens, mais il perçut son impact. Doutes, suspicions, des murmures s'élevèrent parmi les présents. Il se sentit mal à l'aise, se recroquevilla un peu, mais n'osa pas bouger. Le scène s'éternisa, il n'écoutait plus depuis longtemps. Il essayait de se calmer, tirait sur ses manches, passait d'un pied sur l'autre, respirait doucement, mais cette sensation de danger ne le quittait pas. Puis l'on s'agita autour de lui et, s'il suivit brièvement le mouvement, ce fut pour mieux s'y soustraire la seconde suivante.
À présent il errait timidement sur la place. Il aurait aimé retourner près des musiciens, mais Madame De Montalant s'y trouvait et il préféra l'éviter. Il espérait aussi ne jamais recroiser cette fille qui avait, un temps seulement, tenu compagnie à leur hôtesse.

– Boissons ?

Sursaut.

– Non, merci.

Il s'écarta à nouveau, trouva un coin plus tranquille. Naïvement, il releva la tête. Son regard s'égara sur ces silhouettes, toutes identiques ou presque. Il chercha, vraiment, mais lorsqu'il pensait avoir trouvé, les masques et les costumes le noyaient de doutes. Qu'espérait-il au juste ? Qu'il jaillirait comme une évidence au milieu de toutes ces couleurs ? Il se sentit idiot et entremêla doucement ses doigts.

– Oh la voix était si douce et si belle mes amis…
– Vous êtes adorable Clarence, mais voyons les anges n'existent pas.
– Je le croyais aussi, mais ce timbre était si pur !

Il s'était tourné vers le petit groupe, très naturellement. Il y avait deux hommes et deux femmes, dont l'une était fébrile. Les mains sur le cœur, la tête légèrement portée vers l'arrière, elle paraissait se souvenir d'une chose magnifique qui la touchait jusqu'au fond de son âme. Elle était élégante, gracieuse et de ses gestes émanait une forme de tendresse qui l'apaisa grandement. Il n'aimait pas se montrer indiscret, mais ne put s'empêcher d'écouter.

– Ma douce amie, vous n'êtes pas raisonnable.
– Vous dîtes cela parce que vous ne l'avez pas entendu Léon.
– C'est possible, mais de là à parler d'un ange !
– Pas un être sur terre n'est capable d'un tel son. Je vous l'assure.
– Il le faut bien, puisque c'est un homme que vous avez entendu.

Elle bouda adorablement. Ses deux petits poings se serrèrent contre ses flancs et elle gonfla ses joues roses de protestation.

– Vous ne m'écoutez pas. Votre esprit cartésien est convaincu que toute chose formidable a déjà une explication.
– Ne te fâche pas, glissa la petite demoiselle à ses côtés.
– Je ne suis pas fâchée, Adèle. Je t'assure.
– Ça y ressemble pourtant, la taquina Léon. Tu n'es pas d'accord Hector ?
– Ma foi…

Il échangèrent un sourire, mais Adèle les chassa en leur demandant de rapporter des boissons. Les deux amis s'éloignèrent tranquillement, se moquant sans méchanceté de « l'ange » de leur amie. Ce départ réveilla en lui une curiosité nouvelle. Il hésita à rejoindre les jeunes femmes.

– Parfois ce sont de véritables enfants.
– Oh Adèle, j'aimerai tellement qu'ils me prennent au sérieux. Je suis sincère tu sais.
– Je le sais bien, mais que veux tu. Pour deux scientifiques comme eux, tu parles une autre langue !
– Bonjour.

Il s'était rapproché, tout doucement. Elles se tournèrent vers lui. Il s'était exprimé si bas, qu'il fut surpris qu'elles l'aient entendu. Il se savait rouge écrevisse et peinait à entendre ses propres pensées tant son cœur pulsait jusqu'au fond de son crâne. Adèle n'exprima rien d'autre que de l'étonnement, mais un sourire se dessina sur les lèvres de Clarence. Elle répondit :

– Bonsoir.

Un peu de calme. Il murmura un second « bonsoir », comme pour s'excuser de s'être trompé dans les salutations, puis rassembla tout son courage :

– Je suis désolé, je vous ai entendu discuter.
– Ce n'est pas grave, nous parlions sans doute trop fort, s'amusa la jeune femme.
– En fait, j-je voulais vous demander, quel son ça fait un ange ?

Clarence eut un réel mouvement de surprise, bien vite suivi d'une inspiration pleine de joie. Seule l'étreinte d'Adèle lui rappela de mesurer son emportement.

– Vous me croyez ?

Il se pinça les lèvres, déstabilisé par son timbre enflammé, fixa ses pieds, puis acquiesça.

– Oh comme vous me faîtes plaisir !

Elle se rapprocha et lui prit les mains. Leur regard se croisèrent et il oublia jusqu'à son propre nom.

– Clarence enfin !

La jeune femme découvrit son geste et s'empourpra à son tour. Elle s'excusa et le relâcha délicatement avant de retrouver la proximité de son amie. Murmures excités. Lorsqu'elle se redressa ce fut pour répondre à sa question :

– C'est un son très doux, une véritable caresse.

Sa curiosité effaça un peu de sa timidité.

– C'était une balade ?
– Oui, un peu. Mais il n'y a pas de mot, c'est plus comme… Une improvisation au fil de l'eau.
– Ce devait-être très beau.
– À tel point que j'en ai versé des larmes. Il fallait l'entendre. Cela débordait de tendresse. Il y avait quelquefois un peu plus de joie, ou de chagrin, mais toujours une infinie générosité.
– Vous avez eu de la chance.
– N'est-ce pas ?

Ils se sourirent avec la même pudeur.

– J'espère que vous n'embêtez pas nos amies.

Léon et Hector étaient de retour avec les verres. La déclaration avait été faite sans rudesse, pourtant il songea à partir. Clarence dû le remarquer, car elle le retint :

– Ne l'écoutez pas. Léon aime se donner des airs de pitbull, mais il n'est pas méchant.
– Tout dépend de qui me cherche !
– Par pitié, ne bombez pas le torse ainsi, soupira Adèle Vous n'avez même pas fait vos classes.

Touché. Léon perdit un peu de sa superbe et préféra changer de sujet.

– Savez-vous qu'un loup blanc énorme roderait dans les parages ?

Il tique.

– Un loup ?
– Parfaitement ! Il serait aussi trapu qu'un buffle et avec deux rangées de crocs. Rien que ça.
– Si c'est pour vous moquer de Clarence…
– Je vous assure que non !
– En réalité, nous avons surpris la conversation de deux hommes, expliqua Hector. Mais ils avaient l'air un peu saouls.
– Et vous, de quoi parliez-vous ? Reprit Léon.
– De mon ange, avoua fièrement Clarence.

Il rougit derrière son masque, mais soutint le regard curieux des deux garçons.

– Allons bon. Vous y croyez ?
– Oui. Je trouve que c'est une jolie histoire.
– Jolie c'est vrai, mais de là à songer qu'elle soit vraie !
– Elle l'est ! Reprit la jeune femme.
– Et bien nous irons vérifier. Où l'avez vous entendu, cet ange ?
– Sur la Passerelle des Arts.

Il tressaillit. Personne ne le remarqua.

– Vous rappelez-vous l'heure ?
– Oh c'était le soir, il devait-être vingt-et-une heure.

Son souffle s'éteignit.

– Un ange de la nuit donc !
– Ne vous moquez pas !
– Et quel jour était-ce ?
– Mardi dernier.

Son cœur s'arrêta.

– Et bien mardi prochain, nous retournerons voir s'il veut bien chanter pour nous !
– Vous feriez cela pour moi ?
– Ma très chère amie, je chercherai cet ange au bout du monde pour vous !
– Oh Léon !

Il n'avait pas besoin d'aller si loin. Vraiment pas.
Quetzalcoatl
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Quetzalcoatl

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeVen 19 Avr - 13:21

« Je vous promets de ne pas grimacer si vos talons me brisent les orteils, dans ce cas, mademoiselle... »

La voix, sombre, taquine, n'avait pour vertu que de détendre un peu l'atmosphère électrique dont était emprunte cette drôle de soirée. Pouvait-on s'attendre toutefois à autre chose de la part des De Montalant ? Sans doute l'aurait-il apprécié, mais il ne pouvait penser qu'au contraire. Il était reconnaissant à la présence de sa compagne, qui l'empêchait sans s'en rendre compte de se laisser influencer par la tension croissante qui imprégnait les lieux. Ça pulsait dans la foule, il le sentait, et un frisson désagréable lui parcourut l'échine tandis qu'il se tournait de nouveau vers Rose. Un signe de la main, un sourire. Elle le guida au travers de la foule et il la suivit en silence, arborant sur ses traits une expression joueuse ô combien similaire à la sienne, ses yeux rivés sur la frêle silhouette qui pourtant lui inspirait une puissance hors du commun. Intrigué ? Non. Il était envoûté.

En dépit de son imposante stature, il se faufila avec adresse parmi la foule qu'il leur fallait traverser pour atteindre la piste. Ses gestes étaient précis et calculés, prévus pour être efficaces. Son corps ondulait entre les autres, se mêlait à la masse pour mieux la dépasser.

Emporté dans son élan, il manqua de peu de rentrer en collision avec sa compagne. Il s'arrêta net, jouant de ses pieds pour couper la course de ses muscles, une grimace de surprise et d'inconfort mêlés s'emparant de son visage. Qu'est-ce que... ? Son regard se répandit sur les alentours, auxquels il avait tâché de ne prêter aucune attention. Erreur. Les bruits d'une dispute agressèrent ses tympans tandis que les visages s'imposaient à son esprit. À sa mémoire.

Frisson.
Souvenirs.
Crainte.

La Séquana, coulée sur un tableau de tempête. Les De Montalant, hôtes d'un cauchemar. Les protagonistes s'étaient réunis ce soir, sur fond de tracts pour lesquels ils se disputaient. Ses yeux coulèrent vers une feuille égarée au sol alors que son oreille accrochait quelques mots éparses. Bon sens. Étrange.

On les traquait. Et dans le sillage des questions de cet homme s'élevait un murmure dangereusement nerveux dans la foule, un souffle qui répandait des interrogations menaçantes. Il les entendait presque, fourmiller dans l'esprit des convives. Était-ce vrai ? Les monstres existaient-ils ? En avaient-ils déjà croisés ? Son cœur se crispa d'horreur et un tic marqua ses traits, rendu plus discret heureusement par le masque qui les dissimulait. Il lâcha un soupir tendu et agita doucement ses jambes crispées. Son regard alla vers la sortie, tenté. N'était-il pas temps de s'en aller ? N'était-il pas plus intelligent de prendre tous ces signes comme un avertissement qu'il serait bon d'écouter ?

La vérité, c'est qu'il n'avait jamais été raisonnable.

« Attendez. Mon ami est là-bas. »

Il la suivit sans faire d'histoire, sans répondre non plus. Ses pensées s'agitaient en un miasme grouillant d'inquiétude. Il balayait la foule des yeux au passage. Combien ? Combien de créatures étaient en danger ce soir ? Combien d'invités seraient prêts à tuer pour défendre leurs propres peurs ? Combien d'êtres avaient le pouvoir de se défendre ? Combien seraient aptes à attaquer les premiers, à effrayer plus encore les humains terrorisés ? Un nouveau frisson de malaise déchira son échine. Il secoua la tête pour se concentrer sur le dialogue animé dont il percevait la provenance.

« (…) Rendez-vous compte, une sirène ! C’pas croyable, hein, mon gars ! Mais j’vous jure sur la tête d’ma donzelle qu’c’est qu’la pure vérité. Parole de Breton ! »

Un sourire. Il se laissa divertir par la conversation sans trop y participer, cherchant à se rassurer dans les propos enthousiastes de leur interlocuteur. Un marin. Ce n'était pas étonnant, qu'il y croit, pas non plus qu'il n'en éprouve pas tant de crainte. La superstition faisait partie intégrante de la vie sur les mers, la combattre aussi. Ce n'était pas parce qu'on croyait à ces choses-là qu'on comptait se laisser bouffer par elles, supposa-t-il.

Les réactions de l'ami de Rose étaient drôles, elles aussi. Un instant, il fut tenté de glisser une main sur les hanches de la dame afin de se divertir, mais il n'en fit rien. Pour sûr, le pauvre gaillard allait finir par tomber victime d'une syncope, s'il s'inquiétait ainsi du moindre mouvement de Mrs Walkson. Il fallait bien avouer que la jeune femme ne semblait pas des plus reposantes – et c'était tant mieux. Des bribes d'italien dont il avait attrapé quelques mots, il n'avait pu déduire qu'une chose : sa propre curiosité ne ferait que s'enflammer ce soir là.

« Allons danser, voulez-vous ? Je suis certaines que vous avez hâte de voir à quel point ma valse est … expérimentale... Julius, tu ferais bien de te trouver une cavalière si tu veux éviter de converser pendant des heures avec un autre illuminé. »

Il tendit une main en un sourire, esquissant une petite révérence à l'adresse de la demoiselle tout en notant qu'elle ne semblait pas croire aux rumeurs. Tant mieux. Il préférait accompagner une sceptique plutôt que de la voir prendre part aux débats qui s'élevaient progressivement dans la foule.


Tandis qu'il l'accompagnait vers la piste de danse, le malaise revint, revint et crut, crut et s'amplifia encore. La tension se refermait sur sa cage thoracique. Il se sentait épié. Il se sentait jaugé. C'était bête, presque paranoïaque, et sans doute n'avait-il rien à craindre de la colère de cette foule, robuste qu'il était, pourtant le sentiment restait et l'étouffait. Inconsciemment, il accéléra, et son sourire de se crisper un peu :

« Je me demande bien quelles surprises nous réserve cette soirée si des disputes aussi intenses éclatent déjà après quelques minutes... »

Se rapprocher de la piste. S'affranchir de l'ambiance étouffante et s'amuser, se délester des problèmes du monde pour se focaliser sur le moment, sur l'instant, sur l'échange, sur les corps. C'était là tout ce qu'il désirait.

« Mais rendez-vous compte, ces gens sont des fous !
- Allons madame, ne dites pas ces choses-là.
- Je n'y ai pas cru non plus, voyez-vous ! Je n'y ai pas cru ! Mais il faut bien avouer qu-
- Enfin, Madame Trappe, une pieuvre géante ! »

La danse n'était plus qu'à quelques pas. Il fut tenté, brièvement, d'ignorer purement et simplement la conversation consternante à laquelle il assistait. Rien ne servait, de toute façon, de prêter attention à des balivernes pareilles. Le cabinet de curiosités des De Montalant avait pour sûr fait parler de lui, mais une pieuvre géante ne faisait pas, dans ses souvenirs, partie des pièces maîtresses. Et connaissant les personnages, jamais ceux-ci n'auraient manqué l'occasion de dévoiler pareille créature. Jamais.

« Ce n'est qu'une rumeur, Mme Trappe, allons !
- Et si ce n'était pas le cas, hein ! Hein ! Pourquoi ne me croyez-vous pas ?! Je suis sûre qu'ils me croiraient, eux. Hein ? Mademoiselle Blonde ! Monsieur masqué ! »

Soupir.
Il tourna un sourire poli vers la femme, solide, dont les yeux noirs parcouraient le duo qu'ils formaient. La question n'eut pas besoin d'être formulée pour que leur étonnante interlocutrice y répondît.

« Avez-vous entendu dire, vous aussi, que les De Montalant possédaient une... »

Ton de la confidence. Main sur le cœur. Les traits marqué par le choc.

« Une pieuvre géante... ? »

Mettre fin à cette idiotie au plus vite. Il arbora un sourire plus confiant et hocha la tête.

« Oh, cela ! Oui, bien sûr.
- Ah ! Merci jeune homme, merci ! Voyez, c'est vr-
- C'est une fausse rumeur. Une famille jalousait leurs appartements et a répandu ces dires. Je suis navré. »

Il n'attendit pas son reste et entraîna sa partenaire à ses côtés, son expression gagnant un petit côté mutin à mesure qu'ils s'éloignaient de l'attroupement pour gagner la piste vidée par l'engouement des convives – il faisait bon de bavarder et de commérer à cette heure, supposait-il.

« J'ai totalement menti, glissa-t-il à Rose, mais je doute fort que les De Montalant puissent s'occuper d'une pieuvre géante alors qu'ils sont incapables de tenir une soirée plus de quelques minutes... »

Un rire grave lui échappa, son regard pétillant d'un amusement non feint tandis qu'il tendait plus formellement la main à sa partenaire.

« Nous allons enfin pouvoir danser, je suppose... »

Et ses doigts de trouver la hanche de la dame, pressant leurs corps aux premiers sons de la nouvelle musique. C'était fou, ce qu'elle était petite... Il le pouvait s'empêcher d'être étonné, elle qui paraissait toujours si imposante, si grande... Elle était fascinante.

Il plongea ses yeux dans les siens, parcourut distraitement la foule. Son sourire s'accrut et il glissa ses lèvres jusqu'à l'oreille de Mrs Walkson, y soufflant d'une voix chaude :

« Parions... Si rien ne se passe d'ici à la fin de notre danse, je vous donnerai mon nom. »
Quetzalcoatl
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Quetzalcoatl

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 21 Avr - 3:52

« C’était sublime ! C’était grandiose ! C’était …!
– Mais oui, mais oui. Reprends donc un peu de blanc, de Freilly, ça te calmera les nerfs.
– Arrête, Morel, t’vas encore l’faire vomir partout…
– Détrompez-vous, c’est un battant ! Je l’ai déjà vu venir à bout d’une bouteille d’absinthe à lui tout seul, à une réunion de son cercle de poésie, c’est un artiste ce garçon.
– Et l’a pas vomi à la fin ?
– Euh… Si. Mais tout de même ! »

C’est à peine si les quatre jeunes gens avaient jeté un coup d’œil en direction de l’attroupement, mis à part de Freilly, qui se montrait visiblement très enthousiasmé. Des altercations comme celle-là ne manquaient jamais, quand on réunissait un si grand nombre de convives dans un si petit espace : des bagarres de comptoir, ils en avaient vu d’autres, et de plus près, sans que ça les chagrine. À quelques pas de là, leur attention se reporta plutôt sur l’un des invités qui, près du buffet, tournait comme un gros oiseau perdu autour de leur précédent emplacement, car ils s’étaient légèrement déplacés pour s’installer bien à leur aise sur les marches d’un faux escalier.

« ‘Croyez qu’on d’vrait lui dire ?...
– Surtout pas, surtout pas ! Laissez !
– La beauté d’la nature : un Duval sauvage qui s’cherche un nid.
– Son vol n’est pas dénué de majesté… Va donc, ô toi, puissant poulet ! »

Leurs éclats de rire ne manquèrent pas d’attirer l’attention dudit volatile.

« Les amis ?... C’est vous ?...
– Mais de qui parlez-vous, mon cher ?
– Impossible, monsieur, que nous nous connaissions !
– Ouais, c’t’une erreur… Mon p’tit Camille ! »

Nouveaux ricanements. Il roula des yeux sous son masque et se réserva une place sur la rambarde en pierre.

« Bon, vous pensez qu’ils ont prévu quoi, c’coup-ci, les Montalant ?
– De Montalant, malheureux. Ils ont bataillé ferme pour la particule.
– Bah ça leur fait une belle jambe. En attendant on s’emmer–
INADMISSIBLE ! Voilà qui est tout à fait inadmissible ! »

La voix rocailleuse sortait de sous un masque au menton mal rasé, décoré d’une moustache grisâtre, appartenant à un homme sec brandissant une canne au nez d’un homme plus petit.

« La foule réclame spectacle, le spectacle vient à elle...
Plus aucun respect pour les invités ! À mon époque, personne n’aurait osé distribuer des tracts lors d’une soirée ! Les commerciaux veulent nous poursuivre partout.
– Mais grand-père, ils ont peut-être raison, après tout…
De la propagande ! De la publicité mal camouflée. La meilleure défense est de les ignorer, mon petit. Ou vous finirez dans une secte comme votre pauvre mère !
– Mais grand-père, Mère est protestante…
EXACTEMENT ! Des loups dans Paris et des sirènes. Pourquoi pas le lapin de Pâques, tant qu’on y est ! »

Le pied de la canne était terminé par une cale en fer dont l’homme tentait de se servir pour embrocher tous les tracts qui passaient sous son nez. Plus il s'évertuait, moins il en attrapait.  

Sur l’une des marches, une main se tendit, curieuse, et en saisit un petit paquet. Les trois mêmes revenaient en fait sans cesse, constata-t-il, mais il se demandait quels genres de produits de tels slogans pouvaient bien promouvoir.

« On parle de sirènes, dîtes-vous, monsieur ?... Par le Ciel ! Au siècle de l’acier, y aurait-il donc encore des hommes qui ménagent une place au rêve et à la fantaisie ?... »

Quatre paires d’yeux se levèrent, alarmés. Pendant la scène, de Freilly s’était manifestement glissé sur les plus hauts degrés de l’escalier, et, surplombant le vieillard comme une Juliette son Roméo, il l’interrogeait d’un œil brillant.

« Mais qu’est-ce qu’il me veut, celui-là ?!
– De grâce, répondez !
– Reviens là, de Freilly ! Tu embêtes le monsieur !
– Y nous manquait plus qu’ça…
– Ne faîtes pas attention à lui, c’est un grand amoureux des lettres, qui a peut-être un peu forcé sur la boisson… »

L’homme osseux restait interdit, la bouche ouverte dans une mimique outrée et incrédule. À côté de lui, son petit-fils lança par anticipation à la troupe un regard désolé.

« ..."Grand amoureux des lettres" ! Ce qu’il ne faut pas entendre ! Mais c’est bien vrai, cela aussi, les jeunes d’aujourd’hui, ils lisent, ils lisent… Et voilà le résultat ! Rien de surprenant si tout part à vau l’eau !
– Grand-père, s’il-vous-plaît…
– Ce qu’il vous faut, c’est vous trouver un vrai métier !
– Mais monsieur, nous ne faisons pas que lire !
– Non, nous buvons, aussi !
– Hahaha !
– Insolents !!!
– ...
– …De Freilly, tout va bien ?
– ...Je crOis biEn que je vAis... BLEUAAARGH !…
– Morel ! Viens m’aider, tiens-lui les cheveux !
– Peuh, il ferait mieux de se les couper, celui-là, on n’est plus en 1830... »

Tandis que Morel et Duval assistaient De Freilly, les deux autres lisaient les tracts. N’en déplaise au petit vieux, ça ressemblait plus à de la propagande politique qu’à de la publicité. Les monstres ? Quels monstres ?

« M’sieur, dîtes. S’cusez si j’ai l’air idiot mais… J’vois pas bien l’rapport entre les papiers, là, et des loups et des sirènes.
– On a p’t’êt’ pas assez bu pour ça… Ils ont tous l’air un peu… tractés, les gens...
– Chut, j’voudrais qu’y m’dise…
– Il n’y en a aucun, jeunes gens. Au-cun. La foule lit trois publicités et s’imagine voir des monstres dans la ville. Dans deux jours ils seront invités à des réunions de défense contre les licornes, et dans une semaine, ils seront tous devenus des moutons pour une secte quelconque ! VOILÀ, le rapport. La masse des innocents suivant un berger profiteur qui videra leur bourse et avilira leur esprit !
– Grand-père, vous vous agitez encore… pensez à votre coeur, Dieu du ciel ! »

La canne fit un moulinet vertical et termina brandie toute haute.

« LE CIEL ! Ha ! Voilà bien la seule chose qui pourra nous sauver !
– Un pied devant l’autre mon gars… allons à la fontaine, tu pourras rincer ton costume…
– J’avais bien dit qu’l’allait encore vomir d'partout… »

Tandis que le vieillard sec s’éloignait avec son petit-fils et que la bande de jeunes se dirigeait vers la fontaine, soutenant à quatre le cinquième dont on retirait le costume, deux d’entre eux écoutaient les conversations alentours. Oui, ça parlait de légendes, ça ressortait des contes de coin du feu et des histoires à la mords-moi le noeud. Rien de bien fâcheux, du reste. Ils pourraient en garder quelques unes en mémoire et, peut-être, les réutiliser.

Non, rien de bien fâcheux.

Pas vrai ?...
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 21 Avr - 17:46

- Vous devriez laisser tomber votre costume…
- Non ! Je le garderai jusqu'à la fin. Et là ?
- Hm… Les épaules ne sont pas à la même hauteur.

L'homme trapu grimaça puis ajusta sa tenue au niveau de ses épaules, serra la main gauche et se redressa, adoptant une silhouette plus carrée encore qu'auparavant. Son camarade pencha la tête, s'assura que personne ne les regardait, puis pointa la jambe droite qui semblait flotter dans le pantalon du costume, contrairement à la gauche dont les muscles épais occupaient davantage le tube de tissu. Bientôt les deux jambes redevinrent identiques. Le premier homme insista sur le fait que les couleurs pouvaient tromper la vision, mais le second répéta qu'il était préférable de ne pas s'entêter, en vain.

- Voilà, comme ça je suis un vrai gaillard !

Son ami répondit par un soupire. Il ne souhaitait qu'une chose, quitter la soirée et rapidement rentrer chez lui. Si la musique avait repris comme si de rien était à la suite du coup d'éclat entre Jules et Armand, l'ambiance, elle, peinait à se rétablir, et devenait même de plus en plus désagréable et pesante. Malheureusement son ami qui bombait le torse en souriant ne semblait pas s'en inquiéter davantage. Pourquoi fallait-il que ce soit un bal costumé ?

- J'en ai assez de rester près du buffet, et si on s'approchait de la scène ?
- Je n'irai pas danser…
- Pourtant vous vous débrouillez bien d'après ce que j'ai entendu ~

Le visage du deuxième homme devint aussi rouge que les plumes de son costume.

- Q-Q-Qui !?
- Vous savez parfaitement qui ! Votre fianc-

Un cri de surprise interrompit l'homme trapu. Celui-ci se tourna en direction du buffet, auquel il tournait le dos jusqu'à maintenant, et vit que plusieurs invités s'étaient réunis autour d'une femme qui semblait raconter une anecdote, une main tendue face à elle, tandis que l'autre agitait un éventail près de son visage démasqué. Malgré sa taille fine et son visage pointu, elle possédait une voix puissante et captivante qui eut raison de l'attention de nos deux hommes qui tendirent l'oreille malgré eux.

- Une main griffue !? Vraiment ! s'exclama une petite femme.
- Comme je vous le dis ! répondit celle au centre de l'attroupement. Elle a attrapé la pomme, l'a glissée sous sa cape puis s'est enfuie aussitôt.
- Vous n'avez pas appelé le vendeur ? s'enquit un homme en ricanant.
- Non, j'étais pétrifiée par cette horreur que je venais de voir ! Son visage était celui du petite fille, je peux l'affirmer, mais sa main… Oh ! Sa vision me hante encore !
- Comme c'est répugnant !
- Elle était peut-être simplement malade !
- Ou peut-être qu'elle n'était pas humaine… !

Un nouveau souffle de surprise envahit le petit groupe, suivi de ricanements à peine dissimulés derrière les mains gantées des invités. Nos deux hommes contemplèrent la scène sans un mot. L'un d'eux finit par s'éloigner, mal à l'aise, mais ses yeux s'arrondirent lorsqu'il vit que son camarade aux épaules larges n'était plus derrière lui. Et que dire lorsqu'il réalisa que ce dernier venait de rejoindre le petit attroupement pour interpeler directement la femme à l'éventail.

- Pouvez-vous me décrire à nouveau la main de cette petite fille s'il vous plaît ?
- Si l'on peut vraiment parler d'une main ! Il s'agissait plutôt d'une patte d'animal si vous voulez mon avis !
- Oh quelle horreur ! fit une spectatrice d'un air dégoûté et amusé à la fois.
- Était-elle longue ? continua l'homme dont la voix peinait à conserver un timbre régulier.
- Oui ! Longue et fine, avec de longues griffes. Et que dire de ses doigts ! Ridés et noueux, on aurait dit… des racines ! Ou des pattes de poulets !

Tout le monde éclata de rire, sauf l'homme, ainsi que son camarade qui venait de le rejoindre pour l'inviter à partir.

- C'est amusant, on croirait que vous décrivez vos propres mains.

Stupeur générale, la femme hoqueta et cessa d'agiter son éventail. Le camarade de l'homme trapu se figea, la bouche ouverte.

- Je vous demande pardon ?

Il lui attrapa délicatement le poignet et le tira vers lui.

- Main longue et fine. N'est-ce pas ?
- Oui mais…
- Les ongles sont longs et pointus.
- Comment-
- C'est vrai qu'ils sont longs… murmura un membre du groupe qui se tut en croisant le regard assassin de la femme maigre.
- La peau n'est pas de première jeunesse, il faut se le dire, elle a déjà beaucoup perdu en vigueur. Les doigts sont si fins que les articulations sont saillantes, et pour être sincère, ils sont relativement déformés. Vous écrivez beaucoup ?

La femme tira sa main vers elle, rouge de colère.

- Comment osez-vous ! Qui êtes-vous pour me dire une chose pareille ! Ma main n'a rien à voir avec cette créature que j'ai aperçue au marché ce jour là ! Elle était complètement difforme, c'était un monstre qui hante encore mes nuits ! Et vous osez me comparer à cette chose !
- A-Allons nous en D… M-Monsieur. E-Excusez-le M-Madame…

L'homme trapu salua l'assemblée puis se retourna après avoir senti la main de son camarade se poser sur son épaule. Peut-être était-il allé trop loin, pensait-il.

- Voilà ! Allez-vous en, écoutez donc votre bègue de camarade.

Non, visiblement il n'était pas allé trop loin. L'homme fit de nouveau demi-tour, un sourire sur les lèvres. Sa mâchoire avait perdue en épaisseur et gagné en féminité. Il se plaça face à son interlocutrice dont les yeux étaient presque aussi ronds que ceux du deuxième homme qui savait déjà qu'il n'y avait plus rien à faire.

- Passons maintenant au reste du corps vous voulez bien ? Qu- ? Il est clair que votre colonne vertébrale n'a pas suivi une croissance parfaite, je me demande si elle n'est pas un peu tordue au niveau des vertèbres lombaires, dans tous les cas sachez que vous penchez légèrement à droite. Pardon ? Vos bras sont plutôt longs je dois dire, mais ils manquent clairement de muscles. Il faut croire qu'agiter cet éventail ne suffit pas à les rendre ferme, ne vous étonnez pas de voir la peau pendre d'ici quelques années. N'auriez-vous pas une jambe plus grande que l'autre ? Laissez moi regarder… En général j'ai plutôt l'œil pour ça vous savez, mon père m'a souvent dit que j'avais un compas dans l'œil. Pas au sens littéral bien sûr. Oh mais vous portez des semelles ! J-Je… ! C'est très intelligent, on n'y voit presque que du feu, mais vos genoux vous trahissent, d'ailleurs même avec cette robe je vois que vos jambes sont arquées, vous devriez vraiment surveiller votre posture. D'abord le menton doit rester droit, comme cela, non pas trop en avant, sinon vous risquez de finir bossue. Hm… Le travail est déjà bien entamé je dois dire. C'est peut-être trop tard pour vous. Lâchez-moi ! Ensuite ! Heureusement que vous avez enlevé votre masque, sinon je n'aurais pas pu regarder votre visage sous toutes ses coutures ! Cessez de- Tcht ! Arrêtez de chercher à m'interrompre, cela vous fait des rides au front. Oh, votre paupière gauche est tombante. Vous avez-vu messieurs dames ? Regardez ici, tout est asymétrique au niveau de l'arcade. - Exact… - C'est vrai ! Je dois dire que votre nez est très beau cependant, parfaitement pointu, comme vos ongles. Les oreilles sont très légèrement décalées mais avec une nouvelle coupe de cheveux cela ne se verra pas. Maintenant, la dentition ! Ouvrez la bouche ! Ooooh… Ne faites pas la difficile, je ne vais pas l'ouvrir moi-même tout de même. Ooouh la vilaine, voilà donc les méfaits du tabac dans toute leur splendeur ! Hm, je crois que votre mâchoire n'est pas stable, il y a un léger décalage sur le côté. Refermez ? S'il vous plaît soyez coopérative. Ah ! Vous avez senti ? Ce n'est rien de grave, mais cela signifie que votre crâne ne s'est pas parfaitement formé lors de votre croissance ! Je vérifierais bien l'emplacement de vos organes aussi, mais je pense que je peux m'arrêter là… Maintenant, Madame, j'aimerais savoir.

Dolores plongea ses yeux dans ceux de sa malheureuse patiente d'un soir.

- Cette créature difforme dont vous parlez… N'était-ce pas tout simplement votre reflet dans un miroir ?

Elle ne sut quoi répondre. Personne ne sut, tandis d'autres s'étaient déjà éloignés de peur d'être le prochain à se faire ausculter. La doctoresse se pencha, ramassa l'éventail que son interlocutrice avait laissé tomber, lui rendit, puis s'éloigna après un salut cordial avant de rejoindre Adam, qui avait fini par enlever son masque, conscient que la supercherie imaginée par sa patronne venait de toucher à sa fin.

**

Quelques heures plus tôt, au cabinet Keller :

- E-En homme !?
- Ouiiii ! C'est un parfait exercice pour tester les aptitudes de mon corps sur une longue durée. Évidemment je ne peux pas me transformer complètement, je ne suis pas une chimère, mais avec ce costume je suis certaine que l'on n'y verra que du feux. Bien, d'abord il faut que je modifie un peu mes cordes vocaaAAaaaaaaaAAAaAAaaaaalllleuh ! … Comme ça. Oui, je suis un homme.
- C-C'est…
- Vraiment trop bizarre.
- Bon ça c'est fait ! Oh zut c'est déjà parti. Bon je vais devoir bien rester concentrée quand je vais parler. Maintenant la carrure… hmmmm. Je prendrais bien exemple sur vous Adam mais vous êtes trop chétif. Allez, avec un peu d'imagination… On grossit les muscles… Comme ça ! C'est plutôt pas mal !
- Tu as une tête toute petite maintenant.
- Ah c'est vrai, la mâchoire. C'est pas facile il y a plein de muscles dans le visaaaaaacchhhe, hmgnhmgnggggnnnnn. Adam ! Donnez moi le masque ! Hop, je le mets, maintenant les cordes vocales… Hm ! HMM ! Bonjour, je m'appelle Augustus Von Gertorteurt. … Aaaah c'est parfaaaaait ! Zut, ma voix… Ah. C'est parfait. Maintenant Adam, pensez bien aux exercices pour votre bégaiement. Vous inspirez bien, en rythme. Comme on a dit !
- J-Je vais… Haaaaaa… Je vais essayer.
- Iiiiihihi on va bien s'amuser !
- Ça ne tiendra jamais…
- Non…
- Dolores ton bras droit !
- Ah mince !
Spoiler:
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 21 Avr - 22:14

À l'instar de la première valse, leur second échange fut étrange. Dès lors qu'elle s'évertua à guider et qu'il se refusa à la laisser faire. Échange de regards combattifs, frictions, pressions sur les corps, doigts crispés, épaule malmenée, hanche serrée. Leurs deux corps chamboulés ne ralentir que lorsqu'une altercation troubla plusieurs musiciens. Symphonie en pointillé. Perplexité. D'un même mouvement, dans une synchronicité nouvelle, ils observèrent la scène, ralentissant, captant des brides de la rixe, avant que la mélodie ne s'arrête tout à fait. Comme beaucoup d'autres danseurs, sans même avoir le réflexe de se défaire l'un de l'autre, ils écoutèrent l’échauffourée sans mot dire. Voyeurs parmi d'autres. Son cœur manqua plusieurs battements vitaux lorsque leurs voisins abandonnèrent à la fin du virulent échange :

- Sous-entends t-il vraiment que des monstres se cacheraient parmi nous ?
- Allons ! Soyez sérieux mon ami. C'est impossible !

Son cœur reparti dans les tours, restant au bord de ses lèvres.

- Dommage, j'adorerai avoir un génie comme serviteur éternel. Il ferait toutes les tâches ingrates à ma place, ce serait merveilleux !
- Il ferait mieux de vous apprendre à danser convenablement pour commencer. ~ Se moqua sa partenaire, avant qu'il ne s'indigne gentiment.

Malgré lui, sa poigne s'était serrée sur la hanche de sa vis-à-vis. Alors seulement, il la dévisagea sans pudeur, comme par crainte de ce qu'elle pouvait penser de tout ça. Il ne distingua que des yeux d'un bleu océan, si profonds qu'il eut l'impression de humer une odeur d'écume. Elle grimaça une fraction de secondes.

- Cela vous attriste ? On dirait que vous allez pleurer. Souffla-t-elle, amusée, tout en remontant lentement sa main de son épaule jusqu'à sa nuque, sous ses mèches éparses. Sans s'arrêter, dans un geste osé, pseudo-réconfortant, ses doigts glissèrent même sous son masque, pour effleurer ses yeux.

La surprise de pareille réaction lui fit lâcher prise. Totalement. Reculant d'un pas. Rouge jusqu'aux oreilles, il baragouina une série de sons sans sens, en retenant au mieux son masque. Un rire adorable échappa à la demoiselle qui poursuivit dans sa lancée, pour le taquiner :

- Eh bien ! Je vous fais si peur que ça ?
- Non, ce n'est pas...
- Vraiment ? Elle se rapprocha de nouveau. Mais vous avez les larmes aux yeux. Croyez-vous que je sois l'une de ces créatures qui pourrait vous dévorer ?

Sans lui laisser le temps de répondre, elle poursuivit, en se rapprochant plus près encore, si près qu'il distingua son reflet dans ses yeux, avant de sentir sa main dans la sienne :

- Ne vous inquiétez pas, je m'arrangerai pour que ce soit indolore et rapide. ~
- Comment ? S'étrangla-t-il, pas certain de savoir quel était le réel sujet de cette conversation.
- Ah ça ! Je n'ai pas encore décidé. S'enjoua-t-elle, trop heureuse de continuer son petit jeu. Peut-être en...
- Rose !
- Pardon ?

Parmi la foule, il la distinguait nettement. Rose était là, droite et fière, comme toujours. Un sourire tendre marqua ses traits. Son interlocutrice dut s'en apercevoir, car elle les observa à tour de rôle avant de soupirer.

- Une amie à vous, je présume ? Sa main se serra sur la sienne. Allé donc la rejoindre. Vous en mourrez d'envie, n'est-ce pas ?
- Que, je... Qui ? Moi ? Non, je...

Il passa une main dans ses cheveux, mal à l'aise.

- Ne soyez pas stupide, allez-y !

Pour appuyer ses dires lui colla une forte tape derrière la tête, manquant de faire tomber son masque qu'il retint de justesse en le plaquant sur son visage. Alors seulement, il réalisa qu'elle lui avait laissé un mouchoir. Mais lorsqu'il voulut lui demander pourquoi, elle n'était plus là. Il observa la foule, sans comprendre, s'étonnant de sentir sous ses doigts un "S" brodé, il la chercha à nouveau frénétiquement parmi les anonymes. Voulu l'appeler, la retenir, la revoir pour s'expliquer, mais il n'avait même pas son nom ! Quel idiot ! Rapidement, pourtant, son regard fut à nouveau happé par la chevelure blonde de Rose. Il hésita, se sentit rougir, mais se résolut à avancer fermement dans sa direction. Deux mètres à peine les séparaient, lorsqu'un groupe d'invités se décala, l'obligeant à un triste constat : elle était accompagnée. Déception. Elle eut un sourire envoûtant, qui ne manqua pas de plaire. Figé telle une statue de marbre, il lui fallut plusieurs secondes et qu'il se morde les lèvres pour se rendre à l'évidence : il ne pouvait lui réclamer l'exclusivité de son attention. Triste réalité. Un soupir à fendre l'âme fit s’affaisser ses larges épaules. Fourrant machinalement mains et mouchoir dans ses poches, il s'en retourna tel un adolescent boudeur dans la direction opposée. Le nez en l'air, il inspira grandement, tâchant de se vider l'esprit, en observant les étoiles. Impossible d'en distinguer une seule. À défaut, il se faufila parmi les costumés, écoutant partiellement des brides de conversations, remarquant à peine qu'ils étaient moins nombreux qu'à l'origine.

Ce fut ainsi qu'il finit par faire tomber quelqu'un en lui rentrant dedans. Le choc ne lui fit pas mal, mais son vis-à-vis termina sur les fesses. Par réflexe, il lui tendit la main pour l'aider à se relever, en s'excusant. Surprise. C'était l'un des garçons qui se disputaient plus tôt.

- Oh, vous...

Blanc. Il se reprit.

- Vous allez bien ?
- Oui. Je n'ai rien.

L'antiquaire voulu partir, mais son bras fut prit en étau dans une poigne solide. Il l'avait retenu sans réfléchir. Le réalisant, il le libéra aussitôt et s'excusa, s'entendant déclarer ensuite :

- Vous le pensiez vraiment ?
- Quoi donc ?
- Que ce sont des absurdités sur ces tracts ?

Son cœur pulsait dans sa poitrine, tandis qu'il détaillait Jules, comme si sa réponse à elle seule pouvait changer le monde.

- Oui ! Et si vous essayiez de convertir qui que soit à ça, je...
- Oh, non, non ! Loin de moi cette idée ! Coupa-t-il, sans parvenir à masquer toute la joie que cela engendrait chez lui.

Suspicion. Jules l'avisa de pied en cap. Analyse détaillée. Comme s'il pouvait soudainement passer son costume au crible et deviner qui lui faisait face.

- Je voudrais...
- Une boisson, messieurs ?

Le serveur, aussi efficace qu'un ninja, s'était glissé entre eux pour y immiscer un plateau plus que garni. Machinalement, il le remercia, déclina pour le breuvage, mais englouti volontiers le premier amuse-bouche qui lui passa sous la main. Fromage. Un régal. Cela lui rappelait quelque chose, mais quoi ? Impossible à dire.
Mais d'autres gourmands les rejoignirent pour alpaguer le précieux met, mais dans une autre saveur. Bientôt, quatre autres personnes se joignirent à eux. Une toute petite femme et trois hommes. L'un grand, robuste, roulant des mécaniques comme s'il était le roi du monde vantait ses prouesses à ces deux camarades plus frêles mais nettement plus bienveillants. Peut-être des frères.

- Dieu qu'ils sont délicieux ! Vous vous êtes surpassée mon amie ! Déclara un des frangins.
- Vil flatteur ! Émeric, vous allez me faire rougir ! S'exclama la femme en agitant doucement la main.
- Tout de même, pouvoir promouvoir vos petits fours aux piments au grand bal de Paris, Béatrice, vous avez fait fort ! Répliqua le second.

Un rire enfantin secoua la petite créature, tandis que le serveur s'en allait satisfaire d'autres panses.

- Merci Erwin.
- Je vous l'avez bien dit, n'est-ce pas ? Reprit le plus tape à l’œil. Les De Montalant ont un goût incroyable pour la nourriture, j'ai bien fait de leur parler de vos mets !
- Ah ça ! Pour une fois que vos contacts vous serve, Gildas !
- Mes contacts servent toujours. Reprit le concerné en bombant le torse avant de s'appuyer contre l'un des piliers décoratifs.

Échangeant un regard perdu avec l'antiquaire, il ne sut pas s'il devait les laisser entre eux ou espérer encore pouvoir discuter avec Jules, sans paraître discourtois. Malaise. Le plus ventru lui semblait familier pourtant. Gildas, hein ? Froncement de sourcils. Fouille silencieuse dans ses souvenirs. Il n'écouta plus durant de longues secondes. Jules tripotait sa coupe, sans oser partir. Captivé peut-être ? Gildas sourit et il sut : c'était lui ! L'autre jour, près de la Tour Eiffel, il avait réussi à embobiner une petite vieille en lui racontant des bobards mille fois plus gros que lui ! Comment diable cet olibrius avait-il réussi à s'en sortir ? Tenterait-il d'escroquer ces gens aussi ? Méfiance. L'arnaqueur acheva son monologue, en bombant le torse.

- C'est la pure vérité ! Tout est de la faute de cette gitane !
- M'ma ? Celle que nous étions allés voir au Strano ? Questionna Erwin.
- Elle-même ! Elle m'a maudit ! Pesta Gildas.
- Mais enfin, elle était si gentille. Tenta timidement la petite femme. C'est même elle qui m'a convaincu que, même si pour la Sequana, j'avais sous-estimée ma rivale et ses petits fours au fromage, aujourd'hui nous lutterions sur un pied d'égalité ! Elle avait raison ! Les gens raffolent de mes petits fours au piment ! Les savoir servis ce soir... Je suis si comblée !
- C'est parce que vous vous êtes laissé avoir par son air de mamie gâteau ! S'indigna Gildas.
- Allons, pourquoi vous aurait-elle maudit ? Elle n'a jamais eu un mot plus haut que l'autre avec nous lors de nos échanges individuels.
- Parce que je n'étais pas dupe, enfin ! C'est l'évidence même mon cher Émeric ! Imaginez, elle m'a tout de même dit que la veille, le fantôme d'une femme magnifique, avait pu voir son amour de toujours grâce à son miroir... Quelles inepties ! Je ne suis pas sot ! De surcroît, elle a osé jurer qu'elle était bien plus éprise que ma chère Suzie malgré le trépas ! Rendez vous compte ! Quelle insolente !
- Cela semble étrange en effet. Qu'avez-vous fait ?
- Ce que tout être censé aurait fait à ma place !
- Vous n'avez pas levé la main sur elle, tout de même ?! Paniqua Béatrice.
- Grands dieux, non ! Je suis un gentilhomme ! Je suis sorti tel un prince, grand, droit et fier. Déclara Gildas en bombant le torse de prestance.
- Et c'est tout ? Se méfia Erwin. Ou avez-vous fait preuve de votre tact habituel également ? Interrogea-t-il, non sans ironie.
- Eh bien, l'orgueilleux tritura quelques plumes de son costume, soudain plus mal à l'aise, il se peut que j'aie malencontreusement cassé sa boule de cristal.

Un soupir de lassitude secoua le trio d'amis, sans que Gildas ne s'arrête.

- C'est après cela qu'elle m'a maudit en me regardant droit dans les yeux ! Depuis, il ne m'arrive que des mésaventures !
- Comme de marcher sur vos lacets ? Se moqua Émeric.
- Sacrebleu non ! Insista Gildas en feintant l'horreur une main sur son buste. Un air singulier passa sur son visage.

Il en eut la certitude alors : c'était le même air qu'il avait affiché face à la sexagénaire lorsqu'il avait commencé à lui mentir. La suite ne serait pas criante de vérité. Mais comment le prouver ? Gildas ne lui en laissa pas l'occasion, poursuivant en se basant probablement sur une des fables qu'il avait entendu durant la soirée.

- Figurez-vous que j'ai croisé « le loup blanc de Paris » !

Il tressaillit intégralement. Jules le remarqua et questionna tout bas.

- Vous avez froid ?
- Non, je... Ce n'est rien.

Du moins, l'espérait-il. Cet homme n'était qu'un menteur invétéré. Il ne savait rien, n'est-ce pas ?

- Seigneur ! Un loup, ici ? Paniqua la petite femme.
- Une bête incroyable ! Reprit le vantard. Abominable et vengeresse ! Un monstre !
- Vous divaguez ! Coupa Erwin, en passant une main réconfortante das le dos de Béatrice. L'encens dans la tente de cette gitane vous aura fait tourner la tête !
- Que neni ! Je l'ai vu !
- Vraiment ?

Sa curiosité mal placée tourna vers lui les visages curieux des présents, mais Gildas, trop heureux d'avoir un potentiel fan supplémentaire, reprit de plus belle, dans une pose héroïque, tout en s'appuyant contre le pilier factice.

- Je l'ai mis en fuite !
- Vous ? Insista-t-il, incrédule, certain à présent que Gildas affabulait comme il respirait.
- Moi ! S'enorgueillit le concerné une main sur la hanche avec un sourire de tombeur.
- Comment avez-vous réussi pareil exploit ?

On se tourna vers Jules. Cette fois, c'était lui qui n'avait pas su tenir sa langue. Gildas n'en fut que plus satisfait encore.

- Voyez-vous, n'écoutant que mon courage, j'ai saisi la carabine de mon oncle Tom, vous savez celui qui est américain...
- Vous lui avez tiré dessus ? En pleine ville ?

Il en serait tombé des nues s'il ne l'avait pas déjà entendu raconter des sornettes similaires. Sa stupéfaction se contamina tout de même à Jules, faisant sourire Béatrice, face à leurs bouilles sidérées.

- Il était sur les toits, précisa Gildas, avec la pleine lune, je le voyais bien...
- Sur les toits ? Un loup ? Intervint-il.
- Êtes-vous sourd, monsieur ? Soupira Gildas en poursuivant, joignant le geste à la parole. Je l'avais en plein dans ma ligne de mire. Il pointa dans sa direction l'arme invisible. Vous tous savez combien j’excelle dans ce sport admirable, n'est-ce pas ?

Le ventru observa chacun de ses comparses avant de le fixer à nouveau.

- BANG ! Gildas feinta de tirer avant de hausser les épaules, comme un coup du sort. Mais le vent a tourné et je l'ai raté ! À cause de la malédiction, naturellement !
- Naturellement. Reprit Émeric dans un sourire entendu.
- Autrement, je lui aurais logé une balle entre les deux yeux, cela va de soi. Personne ne me résiste. ~
- Sauf peut-être Suzie ? Tenta Erwin, déclenchant ainsi une volée de sourires.

Il tremblait. De rage. Les poings serrés à en blanchir les jointures. Il n'écoutait plus du tout. Insupportable et détestable. Tout chez ce Gildas le débectait. Tout dans ce discours ne lui rappelait que des mauvais souvenirs. Aucune inspiration ne lui permit de retrouver une sérénité plus présente, alors, sans réfléchir davantage, il fit un pas vers l'escroc, envisagea de lui casser les jambes, mais se contenta d'abandonner pour lui seul :

- Je vous souhaite de ne jamais plus croiser d'autres loups dans votre existence, Monsieur.

Son sourire se fit carnassier et sans attendre de réponse ou demander son reste, il quitta le groupe, sans un seul regard en arrière. il n'était définitivement plus d'humeur à jouer les bons samaritains.


Dernière édition par Quetzalcoatl le Dim 21 Avr - 23:21, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 21 Avr - 22:23

Un murmure.

– Une famille jalouse ? C’est excessif comme excuse.

Les mots serpentèrent jusqu’à Madame Trappe. Elle suivit des yeux le couple d’inconnus, mais son amour-propre blessé tint sa bouche close. Ils étaient déjà bien loin lorsqu’une bise nocturne la fit frissonner. Ainsi tirée de sa torpeur, la bourgeoise s’emporta dans un éclat de voix courroucé :

– C’est stupide ! C’est tout à fait exagéré de lancer une telle rumeur pour une banale affaire de jalousie !
– Vous n’allez pas recommencer ! Soupira l’homme à ses côtés.
– Personne n’aurait inventé une histoire aussi abracadabrante simplement pour les discréditer !
– Je vous en prie…
– Je vous le dis ! Il y a un fond de vérité là-dessous !
– Nous parlons d’une pieuvre géante Madame !
– Nous parlons des De Montalant, Monsieur !

Et les voix s’élevèrent plus fortes, plus véhémentes, à jamais désaccordées. On ne la remarqua pas. Elle s’éloigna aussi discrètement qu’elle s’était approchée, souple et gracieuse dans son costume de plumes colorées. Souriante.
Dire que deux hommes avaient suffi. Elle avait délaissé son distrayant cavalier et quitté les abords de la piste de danse peu après leur altercation. À présent, elle se délectait du doute et de la suspicion qui s’étendaient sur la place. Car inévitablement, on parla d’eux. On s’interrogea sur leurs motivations, sur ces tracts et finalement, on prit partie. Les divisions restaient timides et bonnes enfants, des braises qu’elle pouvait attiser.

– Je vous assure très chère que nous devons rentrer.
– Mais enfin, il est tôt ! Et pourquoi êtes vous si pâle ?
– Vous souvenez-vous de ce loup ?
– Vous n’allez pas recommencer ! Ce n’était qu’un chien !
– Certes non, et j’en ai la preuve à présent. Allons nous en.

Les robes se frôlèrent gentiment et sa voix caressante chuchota :

– Il doit être gris.

Elle reprit ses déambulations. Un rire chatouilla ses épaules lorsqu’elle perçut derrière elle un vif :

– Êtes-vous soûl ?

Comme elle s’amusait ! Ici et là, semer la discorde, accélérer les départs, accroître les certitudes, confirmer les suspicions, se jouer des malentendus. La tension grandissait, grossissait, en un monstre informe et disparate dont elle souhaitait perdre le contrôle.
Un timbre familier arrêta sa course.

C’était une véritable femme-serpent. Je peux vous l’assurer, j’étais sur place.

Une dizaine de convives faisait cercle autour de deux personnes. Armand tenait tête à un autre homme, plus petit que lui, mais tout aussi déterminé. Tous deux étaient démasqués. Le premier, à la peau blanche et aux iris aussi noirs que ses cheveux, toisait l’autre dont la figure émaciée, étoffée de rouflaquettes rousses s’anima brusquement :

– Le traumatisme de la scène vous empêche de distinguer le vrai du faux. Voilà tout.
Non, monsieur. Non.
– Alors que faisaient des costumes de femme-serpent dans ce cirque ? Il y avait leurs photos dans les journaux.
Ils ont été placés là volontairement, pour étouffer l’affaire.
– Quelle affaire ? Il n’y a rien à étouffer !
L’existence d’une créature jusque là réservée aux mythes ne vous suffit pas ?
– C’est ridicule.
C’est la vérité !
– Je l’ai vue aussi.

Elle s’était avancée. Juste un peu. Les mains serrées sur sa poitrine, avec sur la bouche cet air timide qu’on les jeunes filles peu assurées. On s’arrêta pour la regarder. Murmures et regards curieux. Air triomphal d’Armand qui l’invita à approcher. L’autre, plus dubitatif, l’interrogea d’un ton sec :

– Vous étiez au cirque ?

Elle fit mine d’être impressionnée, baissa la tête et chuchota :

– Oui.

Grimace. Le ton devint hautain.

– Et qu’est-ce que vous avez vu exactement ?
Ne la prenez pas de haut. Poursuivez, je vous en prie.
– J’étais aux premières loges. J’ai vu… J’ai ce corps maigre et pâle, mi-humain et mi-animal à la fois.
– Vous êtes certaine que ce n’était pas un déguisement ?
– Je le crois monsieur.
– Vous le croyez ou vous en êtes certaine ?
Laissez-la s’exprimer.
– Un déguisement peut-il saigner monsieur ?

Silence. Il referma lentement la bouche et passa une main sur son menton. Ses sourcils broussailleux se froncèrent, il cherchait une parade. Elle ne lui laissa pas le temps de la trouver.

– Et puis il n’y avait pas que cela.
– Allons bon ! Et quoi d’autre alors ?
– Il y avait une femme.
– Qui n’était pas serpent ?
– Elle ne l’était pas.
– Quoi alors ?
– Ses mots… Ses mots devenaient des ordres pour nos esprits.
C’est vrai, murmura funestement Armand. Infâme créature que celle-la…
– Expliquez-vous.
Elle a failli contraindre un homme à se tuer.
– Pardon ?
– Oh rien qu’à cette idée…

Elle tremblait. Excitation.

– Je ne comprends pas.
– C’est pourtant simple monsieur. Il était impossible de lui résister.
– Impossible ?
– Oui. Si bien que si elle vous disiez : « Danse » et bien vous dansiez.
– C’est absurde !

Une exclamation de surprise fendit la foule. Armand recula vivement, évitant du même coup un vif mouvement de bras de son interlocuteur.

Mais enfin, qu’est-ce qui vous prend ?
– J-Je ne sais pas !
Mais arrêtez !
– Je n’y arrive pas !
– Mais…
– Est-ce qu’il…
– Danse ?

Il dansait.

C’est elle.

Mais Armand comprit trop tard. Lorsque sa face blême se tourna vers la foule autour près d’eux, il ne la trouva pas. Elle n’était plus là. Sa petite silhouette s’était échappée dans un bel éclat de rire, avalée par les costumes bariolés des convives. Il se jeta dans la masse, bouscula et étreignit les plus fines demoiselles qui passaient sous ses mains, en vain.

Elle était déjà si loin.
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 21 Avr - 22:43

La jeune demoiselle continuait de griffonner activement sur son petit carnet, sans prêter attention à la femme qui se tenait à côté d'elle et qui n'avait pas bougé depuis qu'elle lui avait dit l'avoir reconnue sous son masque. Le visage fermé, elle repensait à la dispute qui avait éclaté il y a peu, le regard plongé dans les prospectus piétinés posés à ses pieds. Un terrible pressentiment lui serrait le cœur, mais elle était incapable d'en déterminer la réelle cause. Peut-être que tout cela lui rappelait des choses qu'elle avait vécu, il y a longtemps de cela. Elle soupira.

- Tout va bien ?

Ses yeux glissèrent sur le côté pour croiser ceux de son interlocutrice qui avait visiblement terminé de gribouiller sur son petit calepin.

- Cette dispute était terrible, mais j'ai réussi à tout noter !
- Vous avez une bonne mémoire.
- On me le dit souvent mais je me demande si c'est vraiment le cas… Parfois j'oublie même que j'ai mes lunettes sur le nez !

La demoiselle réprima un rire discret puis fixa la foule de son regard plein de curiosité. La femme près d'elle ne dit rien et se contenta de regarder les personnes qui tournaient autour de la scène, dans l'espoir d'apercevoir une silhouette familière. La voix de la jeune journaliste la sortit de nouveau de sa rêverie :

- Vous avez toujours ces petits fours ? Ils étaient au fromage il me semble !

La femme ajusta les plumes de son costume pour dissimuler son embarras. Ne sachant quoi répondre, elle tâta par réflexe au niveau de ses hanches et mit maladroitement la main sur sa petite besace, presque surprise de la trouver là. À peine ouverte, une forte odeur de gruyère lui monta au nez, si bien qu'elle la referma aussitôt.

- Je… Je les garde pour plus tard…
- Ceux que vous m'aviez offerts étaient bons, même s'ils avaient pris l'humidité !

Elle lui répondit par un sourire discret. L'humidité… ? Heureusement, une intervention extérieure vint changer le sujet de discussion et attira l'attention de la demoiselle au calepin.

- Puisque je vous dis que c'est la vérité !
- Vous avez sans doute rêvé !
- Non ! Je suis certaine de ce que j'ai vu !

On lui rit au nez, si bien que la personne élancée qui venait de s'exclamer baissa ses longs bras tremblants et s'éloigna, et finit par s'approcher de notre duo, assis non loin des musiciens. La plus jeune ne put s'empêcher de l'interpeller pour connaître son histoire. Celle aux petits fours au fromage voulut en profiter pour s'éclipser, mais comprit que cela pouvait être mal vu, d'autant plus que la troisième femme qui venait de les rejoindre semblait réellement bouleversée et effrayée.

- Je m'appelle Rose-Lise, je suis journaliste. Je… Je peux lui dire votre nom ?

Elle s'adressait à la seconde femme qui ne sut d'abord quoi répondre avant de hocher la tête doucement.

- Et voici Madame Célestine. Vous aimez les petits fours au gruyère ?

Ladite Célestine répéta son nom à voix basse tandis que la troisième femme ôtait son masque pour révéler un visage creux et visiblement marqué par un manque de sommeil. Elle se présenta du nom de Hortense, et finit par raconter son histoire à ses deux interlocutrices, l'une des deux étant particulièrement insistante…

- Une personne au-dessus de votre lit vous dites ? fit Rose-Lise en notant de nouveau plusieurs mots dans son calepin.
- Oui, mais tout le monde me dit que ce n'était qu'un mauvais rêve…
- Et il a disparu ?
- Quelques secondes à peine après avoir ouvert les yeux.
- Par la fenêtre ? Ou la porte ? Ou sous le lit peut-être !
- Je…
- Était-il grand ? Avez-vous son visage ? Est-ce qu'il a fait un bruit en particulier ? Pensez-vous qu'il s'agit d'un fantôme ? D'un spectre ? Est-ce qu'il vous a fait du mal ?
- Mademoiselle Rose-Lise…
- Savez-vous à quelle heure cela s'est produit ? Est-ce que cela fait longtemps que vous vivez dans votre dernier logement ? Il faudrait peut-être regarder qui étaient les anciens habitants… Pouvez-vous me donner votre adresse ? Cela peut sembler indiscret, je comprendrais si vous refusez. Avez-vous fait un rêve similaire la nuit suivante ? Avez-vous déjà assisté à des phénomènes étranges comme celui-ci ? Je crois qu'il existe des êtres qui se nourrissent des songes des hommes et se placent sur la personne endormie pour le faire. J'ai lu dans un livre qu'il existe un tableau de Henry Fuseli sur le sujet, où il dépeint une créature assise sur le torse d'une femme. Peut-être qu'il a vécu quelque chose de similaire ? C'est vrai que-

Le regard interloqué de ses deux camarades fit taire la jeune journaliste qui plaça sa main devant sa bouche après avoir réalisé qu'elle avait trop parlé. Elle bafouilla quelques secondes puis cacha son embarras derrière son petit calepin qu'elle finit par faire maladroitement tomber, et s'excusa à plusieurs reprises tandis qu'elle tentait de le récupérer, malgré le masque trop grand pour elle qui lui obstruait la vue. Elle finit par se relever, le masque de travers et essoufflée.

- C'est que… C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup et… Pardonnez moi Madame Hortense, je me suis laissée emportée.
- Vous êtes drôlement renseignée sur le sujet.

Et elle savait de quoi elle parlait. Hortense retrouva finalement des couleurs et lâcha un bref rire sincère, puis remercia la jeune demoiselle de lui avoir soulagé ses craintes. La vérité était qu'elle n'avait presque pas dormi depuis cet incident, terrifiée à l'idée de voir une nouvelle chose terrifiante lors de son réveil, et que la fatigue avait encore aggravé son état et renforcé ses peurs, d'autant plus que personne ne la croyait, à l'exception de cette petite journaliste qui lui fit réaliser l'absurdité de ses propos. Toutes ces légendes, elle n'y avait jamais cru. Elle était fatiguée, voilà tout. Entendre les élucubrations de cette demoiselle lui fit comprendre cela.

- Je m'excuse de vous avoir ennuyées avec ces histoires Mesdames. Je vais mieux dormir cette nuit je pense, merci !
- Mais ce n'est pas…
- Au revoir.

Puis Hortense s'éloigna, laissant une Rose-Lise déçue et une Célestine légèrement amusée. Cette dernière se tourna vers la journaliste qui fixait son calepin, les yeux plissés, comme pour déchiffrer ce qu'elle avait bien pu écrire.

- Ces choses étranges, elles vous intéressent vraiment ?

Les grands yeux de Rose-Lise se tournèrent vers la femme aux petits fours.

- Oui, beaucoup !
- Pourquoi ?

La demoiselle leva les yeux.

- Je veux juste savoir où est la vérité dans tout cela. Et il y a beaucoup d'histoires en tout genre, c'est très amusant de tout écouter et découvrir ! Mais je finis toujours par poser trop de questions…

Célestine se tourna et aperçut enfin une silhouette familière, qui elle aussi sembla l'avoir reconnue. Elle se leva puis s'excusa auprès de la journaliste.

- Je dois m'absenter. J'espère que nous nous reverrons.
- Moi aussi ! Je suis contente de vous avoir revue ! Je vais aller au buffet, j'ai un petit creux…

Les deux femmes se séparèrent, et bientôt une nouvelle rejoignit celle aux petits fours goût gruyère. Il s'agissait de la première femme avec qui elle s'était retrouvée suite à son malaise. Celle-ci s'adressa à elle, une coupe de champagne vide à la main.

- Ne sois pas saoule avant la fin de la soirée…
- Je n'ai rien bu, c'est simplement pour que personne ne m'invite à danser.
- Tu n'as rien vu ?
- Non, à part ces prospectus, et la dispute de tout à l'heure.
- Je vois… Au fait, je m'appelle Célestine.

Derrière son masque, la deuxième femme leva un sourcil. La petite femme quant à elle tira un petit four de sa besace et se décida à le goûter, et fut surprise de voir qu'il n'était pas si mauvais que cela.
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeLun 22 Avr - 22:31

Monsieur Georges ? Vous partez déjà ?
– O-Oui. Je dois rentrer.
Mais vous allez rater le clou du spectacle !
– Je suis navré Edmond. Une affaire urgente.

Et Monsieur Georges partit. Il partit peu de temps après Madame Rachel et sa fille, elles-mêmes ayant précédé de peu la famille Jonet, ainsi que deux inconnus restés masqués. Mais quels autres départs avait-il manqué ? Voilà qui inquiéta Monsieur De Montalant. Il songeait à en avertir sa femme, quand celle-ci le rejoignit. Elle enserra ses épaules et à son air grave, son époux comprit que le mal était déjà fait. Adélaïde s’exprima d’une voix minuscule, dont l’angoisse accentuait les aiguës :

Les gens s’en vont !
Calmez-vous ma mie ! Calmez-vous ou je vais paniquer aussi !
J’en ai vu cinq Edmond. Cinq en à peine cinq minutes. À ce rythme…
Oh ne parlez pas ainsi !
Nous ne seront bientôt plus que deux sur cette place…
Ne dîtes pas cela !
Imaginez…
Je ne peux.
Nos deux âmes rescapées…
Adélaïde, je vous en prie.
Errantes dans ce décorum…
Mon cœur se glace.
Seules.
Je me sens mal !

Blême, Monsieur De Montalant s’affaissa dans les bras de son épouse. Elle le retint courageusement, le visage levé vers le ciel nocturne, les yeux humides de désespoir. La lueur vacillante d’un lampion éclairait leurs pitoyables silhouettes emplumées, brisées par ce destin à jamais cruel.
La mélodie rayonnante d’un renvoi de cuite arracha Madame De Montalant à sa complainte. Son regard perçant découvrit un groupe de jeunes gens au chevet de leur camarade. Ô douce jeunesse qui comptait sur eux pour entretenir leurs belles années, qu'allaient-ils devenir ? Non ! Ils ne pouvaient pas baisser les bras ! Ils ne pouvaient pas abandonner cette fraîche candeur à l’austérité de ce monde.
Émue par ce spectacle, Adélaïde se reprit. Elle releva son mari de sa poigne forte et s’exclama :

Nous devons les retenir Edmond. Nous le devons !
M-Mais comment ?
Sortons le maintenant.
Vous voulez dire…
Oui ! Révélons notre surprise.

Et ainsi fut avancée le clou du spectacle des De Montalant. Ils n’eurent besoin que d’une quinzaine de minutes pour rassembler tous les éléments nécessaires à ce qui serait l’apothéose de cette soirée.
Onze heures sonna. La musique cessa et l’on invita les convives à se rapprocher du mandala près de la fontaine. Cachés derrière l’imposant décor, le couple des De Montalant trépignait d’impatience.

Est-ce bon Stéphane ?
– Presque Monsieur. Les derniers invités arrivent.
Et maintenant, est-ce bon ?
– Oui Monsieur.
Alors donnez le signal.
– Bien Monsieur.

Il donna le signal. Trois projecteurs se braquèrent en direction du mandala. Un bref silence. Murmures. Un nuage de fumée enveloppa les lieux et dans ce brouillard diaphane apparurent deux silhouettes. Elles toussèrent.

Moins de fumée Stéphane ! Moins de fumée !

La brume s’atténua et l’on distingua enfin les hôtes magistraux de cette soirée. Debout sur une petite plateforme au-dessus du mandala, Edmond et Adélaïde arboraient un nouveau costume plus exubérant encore que le précédent. Leurs coiffes extraordinaires n’étaient rien à côté des deux étoles de plumes accrochées à leur bras, ailes fictives mais travaillées, dont ils révélèrent la splendeur en levant les mains au ciel. Ils réclamèrent le calme auprès d’une assistance déjà silencieuse, puis Monsieur De Montalant s’exprima :

Mes chers amis cette soirée fera date dans l’histoire. Grâce à votre présence, grâce à votre dévouement, nous allons aujourd’hui et en plein Paris, réveiller le grand dieu Quetzalcoatl.

Quelques gloussements se mêlèrent à de discrets commentaires, on s’interrogea sur le nombre de verres bus par Edmond De Montalant. Son épouse prit le relai :

Pour réussir cet exploit, nous allons reproduire un rituel ancestral récemment découvert dans les ruines d’un temple dédié au dieu Serpent à plumes.
Nous exécuterons les premiers gestes. Reproduisez-les et, ensemble, réalisons l’impossible.

Ils écartèrent les bras.

À vous !

Avec amusement, perplexité, ou timidité, de nombreux Quetzalcoatl se prirent au jeu et reproduisirent la gestuelle d’Edmond et Adélaïde De Montalant. Les tambours se joignirent à eux. Ils enchaînèrent divers mouvements à un rythme de plus en plus soutenu. Puis leurs hôtes se figèrent. Ils reprirent leur souffle, puis s’exprimèrent en cœur :

Ô Ehecatl-Quetzalcóatl, souverain de Tula, toi qui créa la Terre, toi qui créa l’Homme, toi qui règne sur nous, tes serviteurs invoquent ta grandeur.

Pause théâtrale. Stéphane relâcha un peu de vapeur pour ajouter au grandiose de l’instant. Les percutions redoublèrent d’entrain. Échanges de regards incrédules parmi la foule, puis un sursaut commun. Un sifflement leur fit lever la tête. Un feu d’artifices multicolores éclata à l'aplomb du mandala. Il embrasa brièvement le ciel, prémisse d’une vision plus impressionnante encore.

– Regardez !
– Là !
– Mais c’est…

Il se souleva doucement depuis l'arrière du décor. Ondulant souplement, immense, resplendissant de milles couleurs, le grand Quetzalcoatl s’étendit bientôt au-dessus de la place. La stupeur laissa place à une sincère salve d’applaudissement. Edmond et Adélaïde essuyèrent de concert quelques larmes émues aux coins de leurs yeux.
Tous avaient compris qu’il ne s’agissait que d’un ballon d’air chaud à l’effigie du dieu Aztèque. On remarquait aisément les tendeurs, dispersés à plusieurs points stratégiques, qui assuraient sa stabilité dans le ciel parisien, mais le tissu foisonnait de tant de détails et sa taille était si impressionnante, que l’on s’émerveilla avec plaisir de sa présence. Les époux De Montalant descendirent de leur piédestal avec fierté. On vint les féliciter et s’enquérir de toute la technique qui se cachait derrière pareille prouesse. Les tracts oubliés, la soirée retrouva son faste et sa bonne humeur.

Pour cinq minutes seulement.

Un sombre grincement qui fit relever la tête aux présents. On accusa la bise, car le Quetzalcoatl se mit soudainement à s’agiter.

– On dirait presque qu’il se débat !
– C’est impressionnant.
– Il n’y a pas tant de vent que ça en plus.

Edmond et Adélaïde eurent le temps d’échanger un regard curieux. Tout bascula.

Le Quetzalcoatl s’anima, vraiment. Ses ailes d’abord. Elles essayèrent de battre l’air, mais les cordages les maintenaient fermement en place. Alors le dieu Aztèque, prit de fureur, se mit à se tordre et à se tendre et ce avec tant de force qu’on croyait distinguer ses muscles au travers du tissu dont il était fait. Les grincements s’amplifièrent jusqu’à résonner dans sa gueule énorme. Elle s’ouvrit. Un tendeur céda.

Tous se tournèrent vers les De Montalant, livides. Armand écarta la foule d'un pas vigoureux. Au-dessus de leurs têtes, le dieu Astèque se débattait toujours. Il empoigna Edmond.

Qu'est-ce que vous avez fait !?
R-Rien !
Lâchez mon mari ! Brute !
Vous nous avez drogué ? Encore ?
Non ! C-Ce n'est qu'un ballon d'air chaud ! Je vous le jure !
Relâchez-le !
Ne me touchez pas !

Armand Delcambre repoussa si vigoureusement Adélaïde, qu'elle tomba à la renverse. Le sang d'Edmond ne fit qu'un tour. Il leva le poing en hurlant, une main l'arrêta à temps.

Monsieur De Montalant reprenez-vous !
Laissez-moi donc mettre à terre cette petite raclure !
Oui Jules, laissez-le ! Je meurs d'envie d'en découdre depuis cette fameuse soirée.
Vous ne croyez pas qu'il y a plus urgent ?!

Un mouvement violent du monstre emporta deux planches des décors. Des cris résonnèrent aux quatre coins de la place, on se précipita pour aider ceux touchés par la chute des toiles. Nouvelle secousse de la créature. Il se comprima avec rage. Les cordes cédèrent. Libre.

Malédiction.
J-Je vous assure que nous n'y sommes pour rien !

On se précipita vers les sorties. Quelques chanceux parvinrent à s'y faufiler, les autres furent contraint de faire demi-tour. Quetzalcoatl s'était interposé.

Et ce rituel ? Il n'y a pas moyen de l'inverser ?
Il n'existe même pas ! Se lamenta Edmond.
Nous l'avons créé de toutes pièces pour ce soir, avoua Adélaïde encore sous le choc.
Vous êtes vraiment une belle bande d-

Ils durent baisser la tête. Le dieu serpent-à-plumes venait de les frôler. Il se jeta furieusement sur l'estrade des musiciens, la renversa dans un bruit assourdissant, puis s'éleva à nouveau haut dans les airs.

– C'est vous qui faîtes ça !

Ils se retournèrent. Armand reconnut son précédent interlocuteur. Le malheureux dansait toujours. Une femme à ses côtés, effrayée, tentait de l'arrêter.

– C'est vous ! C'est vous ! Vos gestes ont ensorcelés la créature tout comme vous avez ensorcelé le tableau de la Séquana !
– Non ! Je vous assure que… Je ne peux pas m'arrêter. Je ne p…

Il fit un grand geste des bras, du haut vers le bas. Quetzalcoatl fondit sur la place. Plusieurs personnes se jetèrent de côté pour l'éviter, il en renversa d'autres. Des plantes chutèrent sur son passage, il retourna des bancs, puis remonta virevolter dans les airs.

– Vous avez-vu ? Il le commande, c'est lui qui le commande !
– C'est vrai !
– On dirait qu'il lui ordonne…
– J-Je vous assure que non !
Je te tiens sorcière !

La main d'Armand se referma sur le poignet de l'inconnue qui poussa un cri d'horreur. Elle mit toutes ses forces pour se libérer, mais son geôlier serra plus fort.

Tu crois que je n'ai pas compris ton jeu ?
– Je ne vous permets pas ! Lâchez-moi !
Tu hypnotises un innocent et maintenant tu l'accuses des maux que tu crées ?!
– Je ne vois pas de quoi vous… Arrêtez !
Enlève ton masque !

Il tendit le bras, mais Jules s'interposa.

Qu'est-ce qui vous prend ? Vous êtes fou ?!
Cette femme est une sorcière ! Celle du Strano !
Vous n'avez aucune preuve de ce que vous avancez !
Je n'en ai pas besoin ! Poussez-vous !

Armand écarta rudement le jeune antiquaire, mais ce dernier revint aussitôt à la charge. Il se jeta sur son ancien ami avec tant de force que tous deux roulèrent par terre. Delcambre se défendit d'une belle droite qui explosa la lèvre de son vis-à-vis. On se précipita pour les séparer, mais le Quetzalcoatl attaqua de nouveau et, dans la panique, ils retrouvèrent leurs libertés. Jules tanguait. Plus solide, Armand restait parfaitement maître de lui-même. Il en profita pour agripper la femme, que la crainte avait cloué sur place et lui arracha son masque. La stupeur dévasta ses traits.

Mais vous êtes vieille !
– Et alors ?! Maintenant relâchez moi ! Barbare !

Il la relâcha. Tout l'intérêt se reporta sur le malheureux danseur que l'on ne parvenait pas à canaliser. Quetzalcoatl menaçait toujours. Des solutions radicales émergèrent :

– Assommez-le !
– Oui ! Comme cela nous serons sûrs !

Armand, qui connaissait la vérité, vint au secours du triste sir. Il se hissa sur une colonne renversée et s'exprima avec force :

Je peux vous assurer qu'il n'y est pour rien. Nous avons été plusieurs à assister à la scène, c'est une femme qui l'a ensorcelé.
– Oui c'est vrai, j'étais là !
– Moi aussi ! C'est une jeune femme j'en suis sûr !
C'est perdre notre temps que de nous occuper de lui ! Reprit Armand. Il faut retrouver cette femme ! C'est elle qui manipule le Quetzalcoatl !
– Retrouvons la !
– Oui ! Montrons lui que nous ne la craignons pas !

Encore pantelant, Jules rassembla ses forces et s'insurgea :

Vous perdez la tête ! Une chasse aux sorcières, au XIXe siècle !

D'autres se rangèrent de son coté :

– Vous vous laissez manipuler !
– Il n'y a rien de magique là-dessous !
– Les femmes n'ont pas à devenir vos boucs émissaires !

Ils auraient poursuivit sans un nouvel assaut du Quetzalcoatl. Cette fois-ci, il renversa une ligne de lampion. L'un d'eux tomba sur un vieil homme dont le costume prit feu. À ses côtés, son petit-fils se mit à hurler. On se précipita pour les aider. L'homme fut miraculeusement débarrassé de son manteau à temps. On le conduisit près de la fontaine, tandis qu'Armand reprenait, plus déterminé que jamais :

Elle cherche à se débarrasser de nous ! Nous n'avons pas le choix !
Arrêtez ! S'exclama Jules.
Que toutes les femmes retirent leur masque !
Non ! Ne vous soumettez pas ! C'est idiot !
Et qu'elles se rassemblent devant le mandala, ou nous pourrons surveiller leurs gestes !
Elles n'ont pas à vous obéir !
Nous n'hésiterons pas à contraindre les récalcitrantes !

- - - - - - - ∆V∆ - - - ∆V∆ - - - ∆V∆ - - - - - - -


Échos antiques



Tout part en vrille sur la place Saint-Michel. Les faits sont simples. La surprise des De Montalant a viré à la catastrophe. Leur invocation du dieu Quetzalcoatl a, semble-t-il, trop bien fonctionné. L'œuvre d'art aérienne est furieuse. Elle s'est libérée de ses liens et met les lieux à sacs tout en empêchant de quitter l'endroit.
On s'interroge sur l'origine de ce bazar. Un premier homme, apparemment ensorcelé, est accusé puis innocenté. Il met Armand Delcambre sur une piste. Il a réussi à convaincre une partie de la foule qu'une sorcière se cacherait parmi les femmes. Toutes sont invitées à se démasquer, de grès ou de force. Mais Jules et d'autres convives ne partagent pas son avis et ils sont bien décidés à protéger les innocentes.

Et vous ? Que devenez-vous ?

Vous avez déjà fort à faire avec les assauts de Quetzalcoatl, mais d'autres soucis vont bien vite s'ajouter à cette horrible soirée.
  • Vous êtes une femme : Vous allez être prise à partie. Si vous êtes masquée, on vous ordonnera de vous dévoiler. Dans tous les cas, il vous sera demandé de montrer patte blanche et de rejoindre la proximité du mandala. Vous y plierez-vous ? Trouverez-vous de l'aide auprès des présents ?
  • Vous êtes un homme : Serez-vous du côté d'Armand ou de Jules ? Vous verrez forcément des femmes près de vous être victimes de l'emportement de certains convives. Comment réagirez-vous ?

Pour cette manche, vous pouvez rester masqués et donc conserver le compte anonyme, ou révéler votre identité pour une raison qui vous est propre.






Vous posterez à la suite ce message, sans ordre particulier et vous avez jusqu'au samedi 4 mai (au soir) pour participer à cette quatrième partie !


Vous pouvez toujours nous joindre par MP, pour nous signaler que vous avez posté à l'intrigue, ainsi que pour la moindre question ! Nous répondrons au plus vite, comme d'habitude.

Retardataires ? Vous êtes les bienvenus tant que vous prenez en compte les éléments précédents. Si vous avez manqué un tour, pas de soucis, vous pouvez toujours poster sur celui-ci !

Pour les autres, un grand merci pour votre participation !
https://lostparadise.forumgratuit.org/
Quetzalcoatl
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Quetzalcoatl

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeLun 29 Avr - 21:11

Tout allait bien et puis, le chaos. Le Quetzalcoatl fondit sur eux une première fois, une deuxième et encore. Au milieu des cris, de la panique, un homme se dressa. Il en appela à la chasse aux sorcières. On objecta avec force, mais le mal était fait. Et lui ? Lui ne savait plus.
Son cœur meurtrissait son buste, ses sens assourdissaient ses pensées, tout lui apparaissait hostile, dangereux. Impossible de faire la part des choses. Impossible de se calmer. Les mains sur ses oreilles, fermer les yeux, s'isoler. On le bouscula. Il se redressa, le souffle court, les jambes en coton. Des personnes coincées sous les décors. Elles appelaient au secours. Il bougea sans réfléchir.

Il venait de dégager deux personnes avec d'autres convives, quand Quetzalcoatl plongea à nouveau. Il l'effleura, puis serpenta parmi la foule. Bouscula, renversa, et emporta un homme sur son passage. Le malheureux s’éleva à plusieurs mètres de haut, il braillait de tout son soûl. Le dieu Aztèque fondit à nouveau en piquet, son prisonnier eu la présence d'esprit de lui faire lâcher prise à proximité du sol. Enfin libéré, il roula à terre, jusqu'à être arrêté par un obstacle. On se précipita pour le relever. Les esprits s'échauffèrent. La panique s'accrut encore.

– Mais enfin c'est idiot ! Elles se sont démasquées et nous répondons d'elles.
– Si elles ont rien à cacher, pourquoi ça vous dérange qu'elles aillent avec les autres ?
– Elles n'en ont pas envie ! Vous n'écoutez pas ?
– Léon, calme toi.
– Non Clarence ! Ce malappris n'a pas l'air de m'entendre quand je parle calmement.
– C'est qui le malappris ?

Clarence, Léon, les deux prénoms résonnèrent familièrement à ses oreilles. Le dernier fut saisi au col par son interlocuteur. Hector, car ce ne pouvait être que lui, s'interposa.

– Où est-ce que vous vous croyez ? Lâchez-le !

Un deuxième individu l'attrapa et l'écarta.

– Vous emmêlez pas !
– C'est mon ami, je ne vais pas laisser une bande de rustres…
– C'est nous les rustres ?
– Par pitié, calmez-vous ! Implora la jeune fille. S'il le faut nous…
– Vous n'irez nulle part Clarence, reprit Léon en se libérant sèchement.
– C'est ce qu'on va voir.

L'autre le poussa. Léon fit deux pas en arrière, mais répliqua aussi sec. Son adversaire s'emporta. Il leva le poing. Une poigne solide le retint. Regard noir pour le nouveau venu. Frisson. Il le lâcha, puis s'exprima d'un timbre timide, mais volontaire :

– Il n'y a pas besoin d'en arriver là…
– Le garçon à l'ange, murmura Clarence.

Elle avait reconnu sa voix. Cela lui fit chaud au cœur, mais éveilla les soupçons. Ce fut à son tour d'être pris à partie. Incertitude, peur, colère. Tout se mélangea. Y compris ses mots. Sa défense fut catastrophique.

– Vous la connaissez ?
– N-Non, enfin pas vraiment, je…
– C'est quoi cette histoire d'ange ?
– Elle a entendu…
– Un ange ?!
– Je… Non, ce n'est pas…
– C'est une preuve de plus et vous la couvrez ?

Il lui saisit le poignet, il s'en défit aussitôt. La révolte prit le dessus.

– Une preuve de quoi ?!

Des exclamations dans leur dos les détournèrent de leur dispute. Il était temps. Quetzalcoatl fonçait sur eux. Ils s'écartèrent comme ils purent dans un mouvement chaotique, mais la créature changea de cap. Elle les poursuivit. Clarence chuta. Le serpent-à-plumes se jeta sur elle. Son corps s'enroula autour de la jeune fille. Aider. Il s'avança pour l'arracher aux anneaux de la créature, mais la malheureuse hurla d'horreur, et si fort qu'elle lui vrilla les tympans. Il plaqua ses mains sur ses oreilles et se coupa d'un nouveau cri, accusateur celui-là.

– C'est elle ! C'est elle la sorcière.

Le timbre féminin s'infiltra profondément dans les cœurs de tous ceux qui eurent le malheur de l'entendre. Les convaincus d'abord, mais aussi Léon et Hector.
Quetzalcoatl remonta souplement dans le ciel, silencieux témoin du drame qui débutait à son aplomb. On avait saisit Clarence par les bras. On l'obligea à se lever. Effrayée, elle se débattit, mais son sort semblait scellé.

Il secoua la tête, l'ouïe encore bourdonnante. Les clameurs n'étaient que de vagues gargouillis, mais la scène qui se jouait devant lui le terrifia. Sans même comprendre, ils se jeta au secours de l'innocente.

– Arrêtez ! Elle n'a rien fait de…
– Il la défend !
– Il est avec elle !
– Ne le laissez pas faire !

On agrippa son costume. Il se défendit, repoussa l'assaillant. Il sentit les mains de Clarence s'agripper à son dos, tremblantes. Elle leur demandait de se calmer, répétait qu'elle n'y était pour rien. Elle pleurait. Adèle vint à son aide et tenta de l'extraire de ce petit groupe hystérique. Léon voulut l'en empêcher. Hors de question. Il s'interposa et le repoussa. Il tomba lourdement à terre. La névrose redoubla. Deux hommes l'agrippèrent, mais il était si grand et si maigre qu'il put rompre leur étreinte sans perdre ses appuis. Il ne savait plus où étaient les jeunes femmes. Il n'y pensait plus. Il avait l'impression terrible de se battre pour sa vie.

– À terre !
– Mettez le à terre !

On attrapa avec force son manteau, tandis qu'il s'échinait à éloigner un homme sur sa gauche. L'étreinte, soudaine, violente, le tira en arrière. Il aurait perdu l'équilibre si, dans un éclair de lucidité, il n'avait pas abandonné le vêtement à ces fous. Ainsi arrachée, sa capuche révéla une chevelure brune et dense, trempée de sueur.

Il se remit péniblement, les sens assiégés d'informations, le souffle rare, le cœur au bord de l'explosion. Il eut l'impression que le groupe augmentait. Il ne sut si l'on venait l'aider, ou si la masse vengeresse gonflait. Pas le temps. Un bras s'enroula autour de sa gorge par derrière. Il dut plier les jambes pour ne pas avoir à porter ce poids imprévu sur son dos. Ses mains fines s'agrippèrent au tissu, sans comprendre ce qu'il se passait réellement. On serra. Ses doigts s'enfoncèrent plus fort dans la manche, dans la peau. Il sentit son souffle diminuer. Effroi.
Sa poigne se fit étau sur celle de son bourreau. Il tira. Un crac. L'homme hurla et se recroquevilla en boule au sol.

– Mon bras ! Mon bras ! Il m'a cassé le bras !!

Son visage rouge devint blanc. La terreur lui glaça l'échine, la détresse brouilla ses yeux. On tourna vers lui des regards qu'il n'aurait jamais voulu voir. Il s'entendit bredouiller :

– Je ne voulais pas…

Un coup le frappa dans le dos. Il bascula violemment en avant, se rattrapa en deux grands pas malhabiles. Second coup. Son masque vola. Il chuta.

Perdu. Andrea était perdu.
H.R.P:
Rose Walkson
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeMar 30 Avr - 12:32

Après la courte interruption d’une grosse dame, Rose et son cavalier avaient finalement atteint la piste de danse, plus que jamais décidés à valser.  Les dires de son interlocuteur ne manquèrent pas de faire naître un nouveau sourire amusé sur son visage : l’inconnu ne prenait pas de risques. De toute évidence ces bourgeois étaient des gens qui ne manquaient point de ressources lorsqu’il s’agissait de commettre diverses frasques.

La réplique qui lui brulait la langue fut d’ailleurs annihilée par l’intervention saugrenue des hôtes de la soirée. La contrebandière observa les originaux s’agiter dans tous les sens sans se détacher de son partenaire pour finalement lui adresser un air entendu : il n’était pas près de lui révéler son identité.

Et puis, en un instant, la situation dégénéra. Un vent de panique empreint de folie s’empara de la place. Des murmures s’élevèrent parmi la foule, menaçants, perplexes, dangereux. Rose sentit son rythme cardiaque s’accélérer. Une chasse aux sorcières. Des hommes qui voulaient s’en prendre aux femmes. S’en prendre aux proies faciles. Encore et toujours. Elle demeura figée, les doigts crispés sur l’épaule de son partenaire, ne sachant plus si elle avait envie de dégobiller ou de hurler.

Autour d’elle, le monde s’était figé. Tout son être était tétanisé, son esprit en suspens. Son regard vide balaya la place. Tout ceci était-il réel ? Elle vit un homme emprisonner le poignet d’une jeune fille pour la démasquer. La peur sur les visages de ses congénères féminines. La panique. L’incompréhension.

Son regard se posa sur un groupe plus virulent que les autres. Succession de scènes. Le Quetzalcoatl qui continuait de sévir. Une femme qu’on empoignait. Un jeune homme brun qui chutait, démasqué, poussé par un type plus vieux. Du sang pour la foule assoiffée. Des clameurs. Une violence qu’on ne pouvait endiguer. L’homme prêt à assener le coup de grâce à sa victime agenouillée sur le pavé. Les larmes sur le visage de la femme.

Son propre visage se superposa à celui de ces boucs-émissaires. Ça aurait pu être elle. Non. La personne qu’on avait mis à terre, qu’on avait battu, ç’avait été elle il y avait de cela bien longtemps. Un temps si lointain qu’elle l’avait presque oublié. Pourtant,  le visage grimaçant de son père s’imposa à son esprit. Peur.

Respirer. Il n’y avait plus de raison d’être effrayée. Elle avait vaincu cet ivrogne bon à rien de la même manière qu’elle avait fait tomber ceux qui s’étaient mis en travers de sa route. Elle pouvait empêcher cette mise à mort, elle en était capable. La petite fille en elle avait disparu depuis bien longtemps. Mais il lui fallait bouger. Bouger, bouger, bouger ! Maintenant !

Comme mut par un mécanisme bien huilé, son corps se mit en mouvement. Elle planta là son partenaire et sans hésiter se dirigea vers l’attroupement. Elle sentit des mains inconnues sur elle, on voulait l’arrêter, lui faire rejoindre le mandala. Elle les repoussa, ses pupilles bleutées rivées sur sa cible. Du brouhaha autour d’elle. On lui parlait, elle n’entendait pas. C’était à peine si elle avait conscience de la présence de Julius dans son sillage.

Instinctivement, sa main trouva de quoi s’armer. Le plateau du serveur. Petits fours sur les pavés, piétinés. Distance réduite. Deux mètres, puis un. Le bruit mat de l’acier contre le crâne de l’agresseur. L’homme qui se retourne, qui lui fait face de toute sa hauteur. Air surpris, période de latence. Erreur. Le rebord du plateau qui s’enfonce dans son plexus solaire. Souffle coupé, mâle plié en deux. Pas d’hésitation. Coude qui rencontre son nez dans un craquement écœurant. Sang qui s’écoule de l’appendice nasal. Plateau qui s’abat à nouveau le visage de la proie. Affaissement. Corps recroquevillé à même le sol. Plus de mouvement. Arme qui heurte le pavé, délaissé par sa propriétaire.

Rose reprit peu à peu pied dans la réalité. Son regard se posa sur le jeune homme brun à terre. Autour d’eux, les gens demeuraient muets de stupeur, personne n’osant encore esquisser de mouvement. Elle lisait la peur dans le regard des gens. La panique. La haine. Elle savait que l’immobilité de la foule ne durerait pas. Elle aurait voulu se montrer douce et rassurante envers le brun et la femme en pleurs, mais il n’y avait pas de temps pour cela. Il fallait qu’ils réagissent, et vite.

- «  Levez-vous, ordonna-t-elle. Si vous restez ainsi, vous serez piétinés au moindre mouvement de foule. »

Elle chercha autour d’elle un objet susceptible de servir d’arme. Elle ne voulait pas user de la violence, mais si ils l’y forçaient, elle n’hésiterait pas. Ses yeux se posèrent sur le tuteur métallique d’une plante en pot exotique. Elle l’arracha. Le bâton était  solide, long, et surtout, il disposait d’un appendice pointu, originellement destiné à enfoncer l’objet dans la terre plus facilement. Capable d’infliger des dégâts à l’ennemi si nécessaire.

Rose pointa l’arme de fortune en direction des agresseurs. Elle se tenait droite, impérieuse, intouchable. D’une voix claire et forte, elle déclara calmement.


- « Je vais vous le demander poliment dans un premier temps. Cessez immédiatement de vous en prendre à ces personnes. Faites preuve de sang-froid pour que nous puissions gérer cette situation dans le calme et la raison.   »


Dans son dos, elle entendit Julius s’adresser au jeune homme brun d’un ton rassurant, l’aidant probablement à se redresser. Elle ne savait pas où se trouvait la jeune femme premièrement agressée et n’osait pas se retourner de crainte de lâcher ses opposants de vue :  


- « Ça va aller mon gars. J’suis Julius et elle c’Rose. On va pas t’laisser t’faire rosser par c’espèces de timbrés t’fais pas d’mouron ! »

Autour d’eux, les murmures s’élevèrent, plus menaçants que jamais

- Et si c’était elle la sorcière et pas l’autre ?
- Je ne sais pas, mais vous avez vu avec quelle facilitée elle a mis cet homme à terre ?
- Et si elle était possédée ?
- Oooooh mon dieu !
- Charles, faites quelque chose enfin, ne laissez pas cette furie en liberté !
- Que quelqu’un l’arrête !
- Déjà que c’type a cassé le bras d’Fraysse, v’là pas qu’celle-ci s’y met !  


Quelques hommes fendirent la masse dans leur direction en réponse à ces exclamations. Rose agita sa lance de fortune vers eux, menaçante.


- «  Pas un pas de plus. » Ils s’arrêtèrent, indécis. Elle scruta la foule froidement,  inspirant profondément. Faire refluer la colère. Garder son calme. «  Je ne suis pas votre sorcière et cette jeune femme non plus.  Et vous savez pourquoi ? Parce que les sorcières n’existent que dans les histoires que l’on raconte aux enfants. »


Un rictus s’imprima sur son visage. Un air de défi. Elle se retourna brièvement sur le jeune homme, tentant d’alléger l’atmosphère pesante  :

- «  Désolé d’être un si piètre chevalier servant. J’ai laissé mon épée et mon armure au vestiaire, je ne pensais pas en avoir l’utilité lors d’un bal. »
- «  Ah bah ça, maugréa Julius, personne aurait pu s’douter qu’ça aller tourner comme ça ! »

Plus loin, le dieu Quetzalcoatl continuait de faire des ravages sur la place. Elle le vit courser un homme bien en chair qui semblait au bord de la crise cardiaque tant il était rouge. Le pauvre s’égosillait en vain. Les gens étaient trop occupés à sauver leur propre peau ou à violenter les femmes qui refusaient de se placer sous ce fichu mandala. La place était devenue un chaos gigantesque ou de nouvelles altercations ne cessaient d’éclater.

Rose sonda à nouveaux l’amas de gens qui leur faisait face. Un cercle s’était formé autour d’eux. C’était comme être dans une arène aux lions. Dans son dos des voix semblèrent s’élever en leur faveur, elle ne s’attarda pas à tenter de les reconnaître. Si sorcière il y avait, il fallait que quelqu’un la retrouve et vite. Si la situation avait pu dégénérer si facilement en quelques minutes, il ne faudrait pas longtemps avant qu’un drame n’ai lieu.
H.R.P. // Blabla inutile:
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeJeu 2 Mai - 21:25

Prophétie auto-réalisatrice ou coup du sort, il devint rapidement évident qu'il avait gagné son pari. La tâche n'avait en soi rien d'exceptionnel, au vu du caractère mêlé de leurs hôtes et des invités qui s'étaient faits remarquer précédemment. Il n'avait pas pris de véritable risque en jouant ainsi, cherchant davantage le plaisir du suspense que la véritable victoire. Avait-il toutefois anticipé pareil dérapage ? Non. Bien sûr que non. Lorsque le gigantesque ballon – ou bien dieu, supposait-il _ entreprit d'attaquer les invités, il eut la naïveté de penser que c'était là le pire scénario envisageable.

Un rire sarcastique fut semble-t-il la seule réaction du destin.

Les rouages déjà enclenchés s'activèrent. Légendaires ? Anomalies ? Magie. Parce que la chose qui les attaquait ne pouvait être que sorcellerie. Que Malice. Et toutes les créatures de prendre les traits d'un monstre dans les yeux des invités.

« Shit... », jura-t-il discrètement, raffermissant instinctivement sa prise sur Rose, qui s'était soudain crispée.

Il incrimina d'abord Quetzalcoatl de l'état de sa compagne, puis la colère montante de la foule. Les gens devenaient fous ensemble, pour le meilleur comme pour le pire. Lui-même était nerveux, voyant s'animer autour de lui les craintes qui l'assaillaient depuis plusieurs longues minutes. Sa cage thoracique était devenue trop étroite pour ses poumons en feu, pour les battements frénétiques de son cœur nerveux. La menace était partout, et son regard parcourait la marée humaine en quête d'un sens qu'il ne trouverait sans doute pas. Ce fut seulement une fois ce dernier posé au même endroit que celui de la jeune femme qu'il comprit. Qu'il reconnut.

Violence.
Rage.
Coups.
Cris.
La chasse aux sorcières qui commence.
La colère qui gronde.
Le masque qui tombe.
Effroi.

Ses yeux s'écarquillèrent en voyant le garçon rencontrer le sol. L'expression perdue qu'arbora le visage juvénile comprima davantage sa poitrine. Les enfoirés.

« Andréa ! »

Rose déjà s'était échappée, n'attendant pas sa lente réflexion pour se jeter à la rescousse du gosse, droit dans la gueule du loup aussi. Douce ironie que cette formulation, songea-t-il en s'avançant à sa suite. Hors de question de laisser le petit se faire massacrer. Hors de question de laisser un groupe de dégénérer ruiner son corps. Et s'il devait passer sur le leur pour les en empêcher, il le ferait. Il. Le. Ferait.

Une colère crasse contaminait ses veines, faisant battre son cœur plus vite encore que la nervosité précédente. Celle-ci s'était évaporée, mue en un terrible mélange d'angoisse et de rage. Et il avait la rage mauvaise.

Quetzalcoatl s'abbattit devant lui, l'arrêtant en plein élan. Il trébucha, manqua de s'échouer sur le sol tant il n'avait pas anticipé l'impact. Un soupir lui échappa. Il l'avait oublié, celui-là... Le fusillant du regard, il observa attentivement ses mouvements suivant, peu enclin à se faire écraser par un ballon gonflable.

« Lâchez-moi !! »

Partout, les cris s'amplifiaient. Partout, le chaos s'installait. Quand ce n'était pas le dieu-ballon qui semait la terreur, c'était les humains qui entre eux se molestaient. Imbéciles. À croire qu'ils n'avaient pas assez d'une agression divine... L'idée le frustrait, l'idée le tourmentait, et l'envie de frapper quelqu'un était en train de devenir un besoin.

L'occasion se présenta lorsqu'il parvint finalement devant l'attroupement qui s'était formé autour d'Andréa, de Rose et de son fidèle accolyte. La confrontation semblait inévitable et, s'il eut une pensée pour la ténacité de la demoiselle et sa capacité à se frayer un chemin au travers d'une foule qui voyait désormais en elle et en toutes les femmes une éventuelle sorcière, sa poitrine se comprima davantage en songeant au déséquilibre numérique qui se présentait à lui. Trois contre deux douzaines, l'un blessé peut-être. Ils ne faisaient pas le poids, et son intervention ne serait peut-être pas suffisante à les aider. Il se savait fort, presque invulnérable, mais les actions combinées d'un ballon caractériel et d'une foule furieuse pourraient bien le mettre en difficulté.

« Ah, voici un gaillard qui pourra nous aider !
- Mh ? »

Il se tourna vers la voix d'un mouvement nonchalant, dévisageant le bourgeois qui se dissimulait sous un masque similaire au sien. Petit, frêle, ce dernier semblait profiter de l'occasion présentée à lui pour manifester un pouvoir dont il ne possédait guère que les rêves.

« Une sorcière ! C'est sans doute elle, ou bien l'autre encore ! Un gars a le bras cassé. Faut leur apprendre les manières, pas vrai ? »

Silence. Son poing le démangeait.

« Allez quoi, vous n'êtes pas dans leur camp tout de même, des créatures du Mal- »

Un rire mauvais interrompit le gentilhomme dans ses propos haineux. Il lui lança une oeillade perdue avant de sentir une poigne d'acier le tirer vers l'avant, puis vers le haut, forçant ses pieds à s'agiter pour espérer toucher le sol.

« Ecoutez moi bien, monsieur le bon chrétien débile, si je vous vois toucher à un seul cheveu d'une seule personne ici présente, je vous fais manger vos sales dents pourries. Est-ce que je suis bien clair ? »

Il le repoussa sans douceur, l'observant choir d'un œil satisfait.

« Eh, vous faites quoi là ?
- Je rentre dans le cercle.
- Hein ? »

Le gaillard, plus bourru, qui avait cru bon d'intervenir, galvanisé sans doute par l'esprit de groupe, fut repoussé avec une violence qui le fit tomber sur un autre type, les envoyant tous deux à terre. Un soupir de satisfaction lui échappa tandis qu'il reprenait son souffle. Ne pas perdre le contrôle. Ne pas perdre le contrôle. Avançant vers le cercle dont une partie de l'attention se tournait désormais vers lui, il sentit ses lèvres se courber dans un sourire sardonique. Ses doigts le démangeaient. Casser deux ou trois nez ne l'aurait pour sûr pas dérangé.

Anticipant la violence qui ne tarderait pas à venir vers lui, il attrapa son gant entre ses dents et le défit, enlevant le second dans la foulée. Des tatouages parurent sous les manches turquoises. Peu de gens le remarquèrent toutefois, trop occupés sans doute à essayer de l'attraper. Ça tirait sur sa veste, sur les plumes qui la paraient, sur son ventre et sur ses bras, sur son dos. Ça criait. Le mouvement était partout, la foule était folle.

Lorsqu'un nouveau venu l'attrapa par le col, il n'attendit pas l'attaque. Des années de combat clandestin l'avaient trop bien formé pour qu'il se laisse faire ainsi. Le malheureux vola sur une courte distance avant d'aller s'échouer aux pieds d'un autre.

« Abruti... »

Dédain dans le regard, il avança jusqu'à deviner la figure de Rose, tenant en respect une foule dangereuse avec son arme de fortune. Maligne... Ses yeux cherchèrent Andréa ensuite, inquiets. Il espérait que rien de grave ne lui était arrivé.

Chahut. Il trébucha, puis grogna.

« Poussez-vous, bordel de merde ! »

La langue si raffinée des marins lui revenait en temps de stress, parfois, et c'est avec une virulence teintée de rage qu'il rendit coup pour coup les vagues de la masse humaine. Le miasme avait quelque chose d'étouffant. Décidant qu'il en était trop, il s'arma d'un nouvel individu et l'utilisa comme bouclier pour passer, faisant fi de ses exclamations paniquées. S'il était là, il méritait cette peur. S'il était là, il avait voulu ce qui se déroulait au centre de la piste.

Quelques secondes plus tard, un homme costumée fut jeté sur le côté tandis qu'il débarquait au centre de la scène, mais en l'air à l'adresse de Rose, sourire amusé aux lèvres. Ses doigts tatoués s'enroulèrent autour de son masque, dont il se défit finalement.

« Je vous avais promis de ne me révéler qu'en cas de calme, mais je crains que les circonstances ne m'obligent à annuler notre pari... »

Ashton haussa les épaules d'un air équivoque, concentré malgré les apparences sur les mouvements qui agitaient la foule. A l'adresse d'Andréa, il se fit plus doux. Moins joueur. Et si l'adrénaline qui pulsait désormais dans ses veines le grisait, c'était l'angoisse qui l'animait à l'adresse du jeune loup. Edward aurait une syncope s'il apprenait le désastre. Une syncope, et des envies de meurtre.

« Eh, petit, ça va aller ? T'es venu seul ? »

Ashton adressa un regard aux visages masqués qui leur faisait face. Pour ainsi dire, lui-même était pris de désirs peu glorieux. La tension ambiante réveillait une part de lui dont il se serait bien passé ce soir là. Pour autant, s'il devait en faire usage, il n'hésiterait pas.

Il adressa un salut silencieux à Julius avant de se tourner lui aussi vers la masse de coloris turquoises dirigée vers eux. Un frisson d'anticipation lui déchira l'échine. Il les fusilla du regard.

« Vous n'avez pas l'impression qu'il y a des problèmes plus importants qu'une réédition du Malleus Maleficarum, par hasard ? »

Non était la réponse la plus probable, supposa-t-il. Ces demeurés étaient persuadés qu'en arrêtant une sorcière, ils arrêteraient le carnage. Ce qui était faux sans l'être. Ash était perplexe. Qui tenait les ficelles en coulisse de ce chaos ? Qui manipulait leurs gestes sous le masque ?

… Où était la Curia quand on avait besoin d'elle ?

« Je vous avoue que j'aurais préféré valser à cela, mais votre lance vous va à ravir... »

Il se mit en garde, prêt à en découdre si le pire venait à arriver. Restait à espérer que le destin cesse de se moquer d'eux, où qu'ils soient écrasés par le dieu qu'ils s'évertuaient à ignorer.

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeJeu 2 Mai - 23:12

Une chasse aux sorcières ? Sérieusement ? Mais ils débloquaient complétement !
Son poing se serra avec force. N'apprenaient-ils jamais rien ? Il pesta entre ses dents, alors que les premiers heurts éclataient. Trouver une sorcière ici, c'était encore pire que de chercher une aiguille dans une botte de foin ! Si tant est que ce fut bien une sorcière qui était responsable de tout ça...

- Le dieu revient ! S'alarma l'un des bougres d'un groupe bien trop éméché, en levant son verre presque vide pour le désigner.

Par réflexe, il se baissa pour l'éviter. Ce foutu serpent à plumes ! Depuis qu'il s'était animé, c'était la débandade ! Tout le monde semblait avoir perdu l'esprit, ne pensant plus qu'à s'enfuir en hurlant, tandis qu'il frôlait la foule ! S'il n'était pas là... C'était ça ! Ses pensées coupèrent court, lorsqu'une nouvelle remarque stupide fusa du côté des enivrés :

- Le Quetzalcoatl veut un sacrifice !

L'idée se répandit auprès des présents, comme une évidence malgré toute son invraisemblance. Sa colère, déjà très présente, grimpa en flèche lorsqu'il le réalisa, il aurait probablement cassé la figure à ces allumés, s'il n'y avait eu un nouveau cri d'effroi, non loin, pour attirer son attention.

- Mais baissez-vous, abruti !

Sans réfléchir, il plaqua au sol l'homme qui courait en essayant d'échapper au Quetzalcoatl. Le choc fut si brutal, que le sprinteur improvisé se cassa le poignet. Son sauveur n'en eut cure, se contentant de le remettre sur pied sans perdre une minute. Le malmené le houspilla, mais il n'écoutait pas. Son sang s'était figé : face à lui, une fillette emprisonnée hurlait pour qu'on la relâche, mais trois hommes la maintenaient, telle une offrande au dieu aztèque, au-dessus de leurs têtes, tout en essayant de rejoindre le mandala.

- Qu'est-ce que vous faites ? Relâchez-la !
- Pas question ! Il faut la lui donner !
- C'est l'offrande pour Quetzalcoatl !
- Que... ? Vous divaguez ! Ce n'est qu'un vulgaire ballon ! Libérez-la !
- Voici pour toi, ô dieu ! Beugla l'un d'eux. Ton sacrifice est là !

Avant même qu'il en ait eu conscience, le coup était parti. Violent, vif, rageur, emprunt d'une colère si puissante que l'un des forcenés lâcha prise sous la surprise. Étalé au sol, son masque en mille morceaux près de lui, l'homme émit un son douloureux, cracha sang et dents, mais sans en tenir compte, ni même sourciller, il clama, d'un ton autoritaire :

- Reposez-la ! Maintenant !

L'incompréhension marqua les traits de ses interlocuteurs, malgré leurs déguisements. Une fraction de secondes seulement, avant qu'ils ne se reprennent en se renfrognant.

- Ô Grand sauveur, accepte ce présent !

La benjamine tendit plus encore vers le ciel, le serpent se rapprocha, fondant sur elle, malgré ses cris et ses débattements. Elle implora ses bourreaux, pleurant à chaudes larmes, bougeant tant, qu'elle parvint à libérer une de ses jambes, qui vint heurter violemment le menton de son agresseur. Une fraction de seconde avant qu'il ne se plie en deux sous la douleur, suite à un coup de coude ravageur. Son acolyte eut moins de chance, sa mâchoire craqua sinistrement sous le coup-de-poing : déboitée. L'enfant, rattrapée de justesse, paniquée et déboussolée, se débattit de toutes ses forces, criant et hurlant encore entre les bras solides qui la maintenaient en étau, persuadée d'être toujours prisonnière. Il répéta pourtant plusieurs fois, un genou à terre, pour tenter de la calmer et de lui faire comprendre le message :

- Du calme, tout va bien maintenant.

Elle lui griffa le menton sans ménagement, chercha à s'éloigner le plus possible, hurlant plus encore, jusqu'à ce qu'une saveur nouvelle vienne inonder son palais. Ce parfum doux et rassurant la surprit tant qu'elle se tut, avant d'avaler d'une traite, sans noter la boite argentée que rangeait son vis-à-vis dans sa poche.

- Hey ! C'est mieux de le savourer, jeune fille ! La gronda-t-il gentiment, faussement outré.
- Arianne... Indiqua-t-elle en s'essuyant les yeux, puis les lèvres où une tâche brune disparut.

Il sourit et la libéra totalement, avant de lui indiquer une sortie derrière eux, qu'une partie des présents tentait de gagner pour échapper à la folie ambiante.

- Tu penses que tu peux courir jusque là-bas sans t'arrêter ?
- Oui, mais Jeanne...
- C'est ton amie ?

Elle opina, avisa la foule confuse avant de pointer du doigt une zone agitée où une fille rousse, fut entraînée de force vers un groupe de femmes démasquées. Plus loin, il distingua Rose, Julius et Ashton qui semblaient en découdre. Andréa était près d'eux. Son cœur à lui manqua plusieurs battements cruciaux. Il fallait qu'il les sorte de là !

- Je m'en occupe, va te mettre à l'abri.

L'enfant hésita.

- Vite !

Elle tressaillit et fila sans se retourner, il fit de même, dans la direction opposée, distribuant volontiers au passage, coups de coude et de poings aux énergumènes les plus virulents envers le beau sexe. L'un d'eux termina près du buffet, dont une unique table était miraculeusement intacte. Une forte odeur d'alcool s'en dégagea. Lui donnant une idée. Il n'y avait pas une seconde à perdre ! Saisissant une mignonnette de wodka, il la fourra dans l'une de ses poches avec une serviette en papier. Embarquant ensuite une lourde cruche alcoolisée, il chercha du regard la divinité géante, avant de se placer dans un endroit dégagé puis de crier très fort, tout en agitant son bras de libre pour attirer son attention, ou celui de la sorcière :

- Hey le piaf ! Par ici ! Attrape-moi si tu peux !

Sa première tentative se solda par un échec conséquent. La seconde également. La foule éparse couvrait sa voix. Ce ne fut que lorsqu'il siffla fort avant de réitérer sa manœuvre que l'animal sembla le remarquer. La créature fondit en piquet vers lui. Son cœur battait à tout rompre à ses tempes. Encore un peu, plus près, encore plus près. Maintenant !

Prenant appui sur ses jambes, il arrosa généreusement le serpent ailé d'alcool avant de se débarrasser du pichet et de se jeter de côté. L'air siffla près de ses oreilles : la créature venait de le frôler, le défaisant de son masque. Il se releva vite, l'adrénaline aidant, malgré sa jambe gauche endolorie par le choc et à peine étonné d'avoir une vision légèrement plus large. Sortant la mignonnette, il la déboucha avant d'y introduire la serviette, qui s'y imbiba lorsqu'il la secoua. Il était l'heure. Aldrick craqua son briquet. Feu !


Feu !


Ou pas.


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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeVen 3 Mai - 23:44

– Vous vous rendez-compte de ce que vous avez fait ?

Sa main se referma sur l'épaule d'Armand Delcambre. L'homme se dégagea d'un geste vif.

De quel droit osez-vous…
– Épargnez-moi cette face outragée ! Nous courons à la catastrophe et c'est votre faute !
Ma faute ?! S'étrangla l'homme. Est-ce moi qui sème le désordre avec cette funeste créature ?!
– Ce n'est qu'une ballon !
Un ballon possédé, qui renverse tout sur son passage et nous empêche de quitter cet enfer !

Quetzalcoatl les frôla. Courses, cris. Il remonta dans les airs.

Vous voyez ?!
– Cela ne vous autorise pas à parquer des innocentes !
Vous avez une autre solution ?

Les regards étaient noirs, l'énervement effleurait la peau et crispait les muscles. Un rien et ils explosaient.

– Armand ! Dieu merci, je vous trouve enfin !

Un homme d'un âge avancé, la moustache broussailleuse, sans masque ni capuche, se plia près d'eux le temps de reprendre son souffle. Les mains sur les genoux, il haletait comme s'il venait d'établir un record au sprint. Guère patient, son ami lui laissa quelques secondes de répit, puis interrogea sèchement :

Un problème Rupert ?
– C'est… C'est la sorcière… Je crois que nous l'avons trouvé.

Étincelle victorieuse dans les iris du prédicateur improvisé. Horreur dans celles de son contradicteur.

Montrez-moi !

Ils se mirent en marche. Sur leurs deux vives foulées, s'en cala une troisième. Il les suivait.
Le trajet ne fut pas bien long et les conduisit à proximité du mandala où une vingtaine de femmes étaient déjà rassemblées, toutes démasquées. Tremblantes pour la majorité, outrées pour certaines, perdues pour les autres. À un mouvement de solidarité féminine fragile, se superposait une suspicion profonde qui perçait dans tous les regards du beau sexe. On soupçonnait sa voisine, son amie, sans oser le laisser paraître.
Non loin de là, quatre hommes faisaient cercle autour d'une demoiselle au teint pâle et à la flamboyante chevelure rousse. Elle faisait face fièrement à tous ces mâles en furies.

C'est elle ?

Armand venait de les rejoindre. Son ton était dur, pressant. Rupert confirma d'un signe de tête. Il demanda à ce qu'on lui fasse place, puis s'avança devant l'accusée avec autorité et courage. En fallait-il vraiment pour affronter une femme isolée ?

Madame mes amis vous soupçonne d'être la sorcière qui nous tourmente. Qu'avez-vous à répondre à cela ?
– Que vos amis sont de sombres idiots.
Vous niez donc ?
– Je dis qu'aucune femme ne serait assez sotte pour vous répondre affirmativement.
– On l'a entendu marmonner des paroles bizarres, les mains jointes, expliqua l'un des hommes qui la retenait jusque là.
– Vous ne savez pas ce qu'est une prière ?
– Une bien étrange prière alors !
– Qui je prie ne regarde que moi.
Certainement pas ! Intervint Armand.
– Je vous demande pardon ?

Choquée, elle se mit à tirer nerveusement sur le pendentif qu'elle portait au cou. Armand l'arrêta en lui attrapant le poignet. Immédiatement elle se chercha à se libérer, mais l'énergumène avait de la force et ne céda pas un millimètre.
Calme. Rester calme. Il se mordit la langue et contint une insulte, enfonça ses poings dans ses poches et préserva la dentition d'un homme. Pour l'instant. Armand rouvrit la bouche :

Étaient-ce des ordres que vous donniez au Quetzalcoatl ?
– Lâchez-moi.
Ou des enchantements afin de maintenir votre emprise sur lui ?
– Je vous demande de me lâcher !
À moins que vos messes-basses n'en appellent à quelques démons afin de nous tourmenter ?
– Vous êtes fous !

Il la secoua avec véhémence.

Si vous n'êtes pas la sorcière, prouvez-le !
– Je ne peux pas prouver une chose qui n'existe pas !
Alors je vais le prouver, moi ! Si vous portez la marque du diable, vous êtes finie !

Il attrapa le tissu de sa robe, mais une étreinte, plus puissante, l'en déposséda aussitôt. La force le surprit.  Armand fit son possible pour reprendre le dessus, mais il n'aurait pas eu de meilleur résultat face à un bloc de granit. Il leva les yeux avec colère, on lui rendit un regard pire encore. L'exclamation explosa. Un coup de tonnerre.

– Brûlez la tant que vous y êtes !

Clameurs positives. Recul effrayé de la jeune femme. Armand pâlit. Il prit conscience de l'emballement général et leva les mains, pour calmer ses troupes. Les moutons obéirent sagement à leur chef, non sans une pointe de stupeur. Ce dernier se justifia d'un trait magnanime :

Nous ne sommes pas des barbares.

Vraiment ?

Mais si vous êtes la sorcière, nous le saurons tôt ou tard. J'y veillerai.

Promesse débile, heureusement interrompue. Un homme affolé les avait rejoint. Mâchoire bleuit, cheveux et favoris en pagaille, costume sale et déchiré par endroit. Il pointa du doigt une partie de la place, alors masquée par un nouvel assaut de Quetzalcoatl, puis balbutia :

– I–Ils se battent !
Quoi ? Mais pourquoi ?! Interrogea Armand, effaré.
– Je ne sais pas ! On a essayé de les arrêter mais…  Mais…
Allons-y !

Enfin, le bon sens se posa sur Armand Delcambre.

Rupert ! Ne la quittez pas des yeux !

Disons qu'il l'effleura.
Les aider ? Non. Qu'ils se débrouillent.

L'animation ne manquait pas près du mandala de toute façon. Séparer deux femmes prêtes à en venir au main, écarter un quatuor masculin que l'alcool et la peur avaient rendus insultants, trouver un banc de fortune pour les plus âgées. Il en était là, lorsqu'une voix familière lui fit tourner la tête. Jules Chevalier se tenait près de la « sorcière » d'Armand. Et Rupert ? Il le retrouva en discussion avec une autre femme et à son regard absorbé, il était évident que le malheureux avait succombé à un charme pire encore que n'importe quelle magie. Revenant à l'antiquaire, il tendit l'oreille.

Je vous en prie, ne vous méfiez pas de moi. Je viens en ami.
– Je ne m'inquiète pas, monsieur.
Alors…
– Qu'y a-t-il ?
Si j'osais…
– Osez, puisque vous venez comme un ami.
De grâce, pensez bien que je ne souhaite pas vous blesser, mais s'il s'avérait…
– Parlez librement, je vous promets de ne pas en être offensée.
S'il s'avérait que les accusations que l'on porte contre vous soient véridiques, je vous conjure de faire cesser cela…

L'étonnement s'empara de ses traits graciles, en même temps qu'un léger mouvement de recul. Il la vit entremêler tristement ses doigts dans les boucles enflammées tombées de son chignon, mais n'entendit pas la suite de leur échange. On parla près de lui.

– Il est charmant n'est-ce pas ?

Surprise.

– Vous ?
– Vous n'êtes pas content de me revoir ?

Elle lui sourit, comme elle avait sourit à la disparition de l'écriteau pimenté. Sa douceur et son naturel ne l'avaient pas quittée, ils irradiaient même, à présent qu'elle était démasquée. Spontanément, il détailla sa figure délicate, ses longs cheveux noirs tressés, dont quelques mèches chatouillaient ses joues et son regard à la profondeur abyssale. Il eut l'impression de la connaître. Sans s'en rendre compte, il porta une main à son flanc. Sous ses doigts, sous le tissus, sous sa chaire marquée, se raviva une lointaine douleur. Elle le remarqua sans doute, car elle récupéra délicatement son poignet.

– Ne deviez-vous pas m'inviter à danser ?

Stupeur. Il se secoua, puis l'observa, incrédule. Cela la fit rire. On se tourna brièvement vers eux. Elle se rapprocha, leva doucement sa main pour la poser sur son épaule.

– Une valse ?
– M-Mais… Ce n'est pas le moment !

Une moue déçue retroussa ses lèvres roses, puis un soupir et elle avoua.

– C'est vrai. Vous allez être bien occupé.

Il ne comprit pas. Et puis le choc. Absorbé comme il l'était, il n'avait pas remarqué que Quetzalcoatl avait une nouvelle fois quitté le ciel. Il ne l'avait pas vu fondre vers le sol, comme une flèche. Il ne l'avait pas vu heurter de plein fouet l'immense mandala de pierre.
Grondement. Tous les regards se levèrent. La pièce bougea. Lentement d'abord, elle se désaxa, son ombre menaçante engloutit le groupe à ses pieds. Puis la chute. On hurla. Agir. De tout son poids, de toute sa force monstrueuse, il se jeta contre la roche et freina sa descente. Les femmes s'échappèrent dans le chaos et se répandirent dans cette place où l'on se méfiait d'elle, les hommes à proximité, tentèrent stupidement de les rattraper. Lui luttait encore. Impossible de se débarrasser seul de cet encombrant fardeau. Serrer les dents, raffermir ses appuis, tenir bon.
Une caresse effleura sa joue. On lui retira son masque. Il rouvrit les yeux. Elle. C'était elle. Le souffle court, il articula :

– Pourquoi ?
– Bientôt Eduard. Tu le sauras bientôt.

Elle releva sa capuche sur son visage et tourna les talons. Sa silhouette disparu dans la foule paniquée. Quetzalcoatl venait de fondre à nouveau en piquet. Une minute eut probablement le temps de s'écouler, lorsqu'il entendit :

Il faut l'aider !

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeSam 4 Mai - 3:52

Du sang.
Du sang de son frère. Sur les mains de son frère. S’écoulant de lui à grosses gouttes carmin.

Dans la cacophonie ambiante, le vide se fait dans son esprit. Le temps s’arrête.

Le ballon possédé, au cours de l'une de ses nombreuses attaques, a heurté le bâtiment sous le porche duquel les étudiants et les deux frères s’étaient réfugiés, accompagnés de deux inconnues rescapées. Les fenêtres de l’édifice ont explosé en un millier d’éclats acérés, dans une pluie scintillante. Les Sorbonnards ont trébuché au sol. Son frère s’est écroulé, les mains les premières.

Et maintenant, il saigne.

Dans sa poitrine, son coeur se remet à battre lourdement. Difficilement, d’abord, puis de plus en plus fort, jusqu’à ce qu’il n’entende plus que ça.

Le deuxième fiasco des insupportables bourgeois, il pouvait gérer.
La chasse aux sorcières et la paranoïa, il a déjà eu plus de mal, mais contre une foule entière, il n’y a rien à faire. L’histoire familiale lui a au moins appris ça. Ça le révolte, mais il se contrôle.

Les deux femmes presque déshabillées qui les ont rejoint sous le porche, et le regard de terreur qu’elles ont jeté sur le groupe de mâles, ça lui a rappelé sa mère, quand elle avait failli être renvoyée à l’asile. La terreur pure et dure, à cause d’imbéciles ignares. Ça, ça a bien failli le faire sortir de ses gonds. Mais la main de son frère sur son bras l’a calmé. Ne pas se faire remarquer, surtout pas. Rester planqués, ne rien cramer, et attendre que ça passe.

Mais le ballon a attaqué, et son frère s’est mis à saigner. Abondamment.
Tout ce qu’il voit, ce sont les gouttes de sang qui s’écrasent au sol au milieu des éclats de verre et s’écoulent lentement sur les pavés, tandis que Morgan, de rage, enlève masque et costume et les envoie valser par-terre. Son regard se fait dur, son coeur se fait brasier. D’un geste calme il relève son masque sur le haut de son crâne et lève les yeux vers son double, la mine sombre.

« Freddy, c’est rien…

– Montre.»


D’un mouvement, il prend les mains de son frère dans les siennes, délicatement, mais avec fermeté. Et le sang de son frère se met à couler sur ses doigts aussi.

« Mais arrête, c’est rien, j’te dis…

– Tais-toi. »


Morgan dit probablement vrai. Il n’y a que des plaies superficielles et des graviers qu’il écarte doucement. Mais il ne voit rien de tout ça : le sang coule toujours et il sent son coeur s’enflammer.
Le regard qu’il lève sur son frère, silencieusement, pourrait tuer.
Lâchant les mains ensanglantées, il se tourne vers la place et le chaos qui y règne. Ses yeux se sont mis à briller. Il fait un pas en avant.
 
« J’reviens. »


Il va faire une connerie, mais il n’en a cure.

« Arrête, bordel !!! »


D’un bond, l’hydre avait sauté sur ses pieds. Cet air qui se peignait sur les traits de son frère, il le connaissait bien, et il n’augurait jamais rien de bon. La colère qu’il sentait bouillir en lui n’était peut-être pas la sienne, mais pour une fois, l’angoisse, elle, lui était propre.

Il s’élança à sa suite pour tenter d’éviter le pire, et l’aurait rejoint en quelques enjambées si une main ne l’avait pas retenu par la manche.

« Mais qu’est-ce que vous faîtes, vous voulez vous faire tuer ou quoi ?! Revenez là, c’est du suicide ! »

Dans d’autres circonstances, l’acrobate aurait sans doute approuvé Morel, qui pour les suivre avait confié les femmes et de Freilly aux bons soins de Duval – la seule autre personne sensée du groupe, apparemment. Mais le temps pressait, et fournir des explications était de toute façon exclu. Morgan sentait son cœur battre contre ses côtes : ce ne devait plus être qu’une question de secondes avant que tout ne dégénère, et le courage désintéressé dont faisait preuve l’étudiant ne faisait qu’accentuer son sentiment d’urgence.
 
« Lâche-moi, Morel !!!

– Non ! Rappelle ton frère, qu’est-ce qu’il fabrique ?!
– J’m’en occupe, d’mon frère, lâche-moi, maint’nant !!! »


Morel ne se laissa pas fléchir. L’hydre se débattit encore un peu. Puis, ces quelques instants ayant suffi pour transformer son irritation en fureur, il laissa échapper malgré lui un sifflement farouche, avant d’enfoncer profondément ses dents dans la main de l’étudiant. Celui-ci lâcha prise avec un cri de douleur. Morgan se recula vivement, esquivant de justesse la main que, par réflexe, son ami avait envoyée dans sa direction. Sa gorge se noua.

Autour d’eux, leur vif échange avait brièvement attiré l’attention de quelques personnes, qui avaient trouvé refuge derrière des décors écroulés. Sans un regard pour le pauvre Sorbonnard, l’hydre fit volte-face, cherchant Freddy des yeux, l’apercevant droit comme un i au beau milieu de la place et des fuyards. Et aussitôt, la peur au ventre, il comprit qu’il était déjà trop tard.

Fred tenait son masque dans sa main droite et suivait des yeux le ballon. Enfin le… dieu-serpent-gonflable-énervé-possédé-peu-importe, qui faisait des huit. Un imbécile qui lui tournait le dos avait manqué de se faire bousculer, et ne semblait pas avoir retenu la leçon, penché sur ses mains à bidouiller on-ne-sait-quoi. Puis Frédéric tiqua. Il connaissait cet imbécile-là, il n’y avait qu’une personne au monde qui fût aussi grande, bouclée et intrépide.
Bizarrement, il accorda à peine un regard à celui qu’il pensait reconnaître. Tout comme il n’accorda pas une pensée à cet homme toujours masqué, qui soudainement était venu à lui pour lui crier de décamper de là. Pas plus qu’au mouvement de recul de celui-ci, lorsqu’en voulant lui saisir le coude, il reçut d’affilée trois décharges d’électricité statique.
Le pseudo dieu aztèque avait heurté le mandala et s’en revenait en sens inverse.

Très bien, qu’il vienne.
Qu’il vienne seulement.

Le sang de son frère tâchait toujours ses doigts lorsqu’il leva discrètement la main gauche, paume vers le sol, à hauteur de sa hanche, se concentra, attendit puis – une fois le ballon prêt à passer à une dizaine de mètres à sa gauche – fit un mouvement de la main, vers la droite.
Son frère était à moins d’un mètre de lui quand le sort atteignit la chose. Tant mieux, se dit-il, il était toujours plus fort à proximité de son frère. Si ce truc-là était dirigé par magie, ça devrait pouvoir aider.

La course du Quetzalcoatl, dévia d’un coup, l’envoyant valdinguer contre l’un des bâtiments. L’espace d’un instant, le monstre aussi sembla parcouru d’électricité statique, mais il repartit dans les airs. Un sourcil du mage se fronça. Ça avait fonctionné, mais pas exactement comme… quelque chose l’avait retenu, qui venait de lui mais pas vraim…
Il se tourna d’un coup vers son frère, sans comprendre.

« Morgan ?! Pourquoi tu… »


Sans son costume au milieu de la foule turquoise, et figé dans son mouvement, la posture de Morgan évoquait celle d’un lièvre, pris au piège par une horde de rapaces multicolores. Il fixait Frédéric d’un regard pétrifié et ahuri. Il avait eu beau freiner des quatre fers quand le mage avait voulu jeter son sort, la puissance avec laquelle il avait envoyé la créature se fracasser contre l’immeuble d’en face l’avait complètement pris de court. Sans conteste, depuis l’accident au théâtre avec les feux follets, le Freddy avait fait de sacrés progrès. Mais le moment était assez mal choisi pour s’en émerveiller.

Il n’était d’ailleurs pas le seul, à contempler le magicien bouche bée. D’autres convives – l’homme à leur droite, et ceux qu’il avait croisés en chemin – avaient assisté à la scène, avaient vu les yeux du garçon s’illuminer, et le mouvement du ballon qui avait suivi. Eux aussi, mirent un petit moment avant de réagir. Mais quand le premier bougea, Morgan avait déjà attrapé son frère par la main, avec une grimace malgré ses doigts meurtris, pour tenter (à quoi bon ?) de fuir quelque part. Il en aurait pleuré.

« C’EST LUI !!!
– C’est lui, on l’a vu !!! On vient de le voir !!!
– Vous avez vu ses yeux ?!
– Oui, oui, on le tient !
– On LES tient !!! »

Au-delà du petit cercle que formaient les quelques témoins, certains regards perplexes se levèrent vers eux. C’était une sorcière qu’on cherchait, soupçonnait-on aussi les hommes, à présent ? Mais l’information se répandait peu à peu de proche en proche, et au lieu de les saisir sans ménagement comme on l’avait fait des femmes sans défense, une poignée de ceux qui les entouraient s’avancèrent vers eux à pas lents, leurs visages empreints d’une expression sinistre. Ce n’était plus un jeu. C’était une sentence de mort.

Morgan se campa sur ses jambes entre Fred et la foule. Il frémissait de tous ses membres, par effet de la panique ou de l’adrénaline, il n’aurait trop su dire. Le temps semblait s’être ralenti, et tout en tentant d’anticiper d’où viendrait le premier coup (leurs adversaires étaient si nombreux, valait-il seulement la peine de se défendre ?), il chercha désespérément parmi leurs rangs un quelconque regard ami.

Ses yeux n’en rencontrèrent aucun.

Un premier homme, la quarantaine, moustache peignée, l’air athlétique, esquissa le geste de s’élancer. L’hydre s’apprêta à parer, muscles tendus ; Frédéric, à ses côtés, en fit de même, avec un juron patoisant. Il semblait distrait, le regard toujours fixé sur le monstre volant. Leur assaillant fit une grande enjambée, avant d’aussitôt s’effondrer à terre dans un grand « boum ». Sans comprendre, Morgan releva les yeux. Au-dessus de la silhouette inerte, Morel tenait une planche qui à un moment donné avait dû faire partie de l’un des décors, et le dévisageait avec une expression pressante. On devinait qu’il était encore froissé pour l’esclandre de tout à l’heure, et l’empreinte de sa mâchoire était encore largement visible sur le dos de sa main droite, mais tout cela n’avait plus vraiment d’importance.

« Qu’est-ce que vous attendez, filez de là !!! »

Il n’eut pas le temps de se demander si l’étudiant avait ou non vu ce qui s’était passé à peine quelques instants plus tôt. Il tira sur la main de Frédéric et voulut l’entraîner vers la Seine. Derrière lui, un autre invité, ivre de rage, venait de recevoir un autre coup de planche en travers du profil.

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeSam 4 Mai - 21:35

Célestine reposa délicatement sa tasse de thé dans sa soucoupe en porcelaine, incapable de quitter des yeux les innombrables cages à oiseau ouvertes suspendues au plafond qui l'entouraient. Elle posa instinctivement ses doigts sur des petits fours au gruyère posés non loin de sa tasse et les porta aussitôt à sa bouche, sans dire un mot. Elle ignorait depuis combien de temps elle se trouvait dans ce drôle d'endroit, mais ne semblait aucunement s'en inquiéter, son esprit à moitié endormi comme dans un rêve. Jusqu'à maintenant elle était restée seule, le moindre mot qu'elle prononçait se perdait dans un faible écho, aussitôt englouti par les bruits d'ailes des oiseaux qui, bien qu'invisibles, semblaient omniprésents. Mais sans s'en rendre compte, une deuxième chaise en fer blanc était apparue face à elle, et installée dans celle-ci se trouvait une petite fille aux longs cheveux blonds, vêtue d'une sublime robe en velours pourpre. Pour une raison qu'elle ignorait, Célestine ne parvenait pas à voir clairement son visage. Sa voix, en revanche, était étonnamment simple à percevoir.

- Célestine, n'est-ce pas ?
- Oui ?

Elle avait répondu naturellement, sans réaliser quels mots étaient sortis de sa bouche. La petite fille continua.

- Je suis navrée, mais je vais devoir écourter votre séjour ici de façon plutôt brutale.
- Vraiment ?

Sa tête commençait à devenir lourde, mais le thé sentait bon la cerise.

- Vous ne vous souviendrez pas de ce moment passé ici, toutefois je me devais de vous dire ces quelques mots. À votre réveil, vous serez sur la place Saint-Michel, à Paris, là où je vous ai trouvée. Il y a beaucoup d'agitation, et cela peut être potentiellement dangereux pour vous. Or je ne pourrais pas vous laisser livrée à vous même après vous avoir utilisée de la sorte. Retenez donc ceci : lorsque vous ouvrirez les yeux, une jeune femme sera à vos côtés. Faites-lui entièrement confiance, et tout se passera bien.

Célestine leva les yeux, mais ne put voir que les mains de la petite fille qui avait déjà quitté sa chaise. Réalisant peu à peu qu'elle était en train de rêver, elle se leva à son tour, et sembla de nouveau récupérer le contrôle de son corps.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, un monstre volant s'agitait furieusement dans les airs.

***

Pendant ce temps, à la bibliothèque de Minerve, à la Curia.

- NIKLAS !!
- Iiiiiiieergggllll ! Oui ! Madame la Directrice !

Au garde à vous, le nixe se redressa, tandis que le visage de sa petite patronne venait de surgir d'entre deux livres rangés sur une étagère. Il comprit vite que l'heure n'était plus à la rigolade.

- Va immédiatement prévenir la Curia, il y a du grabuge à Paris, place Saint-Michel. Dis leur qu'il s'agit du groupe du Strano. Ils comprendront. Dépêche toi.

Le jeune homme, dont le sérieux avait aussitôt remplacé la crainte sur son visage, acquiesça rapidement et courut aussitôt vers la sortie de la bibliothèque en appelant Indira en renfort. Les livres retrouvèrent quant à eux leur place, tout comme Lotte qui était déjà de retour dans son imposant nid de coussins duveteux. Gutty, le petit teckel, nouvelle recrue en date de la bibliothèque suite aux évènements du cirque Strano, tourna sur lui-même en voyant la petite fille s'installer de nouveau au milieu des coussins. Il lui sauta aussitôt sur les jambes dès qu'elle fut assise, mais l'esprit de la Simurgh avait déjà retrouvé les oiseaux de Paris.

***

Perché sur une gouttière, un petit moineau observait en hauteur l'agitation sur la place Saint-Michel. Un autre, sur un cactus, regardait les invités fuir, hurler, paniquer. Un pigeon voyait quant à lui plusieurs individus commencer à se battre, semblables à des animaux, presque entièrement dépourvus de toute humanité. Leurs yeux étaient injectés de sang, leur mâchoire serrée laissait deviner la rage incontrôlable qui les possédait. Dans le ciel, la bête s'agitait davantage, elle fondit à nouveau sur la foule et renversa une rangée de lampions qui dans leur chute mirent le feu à la veste d'un invité, qui en fut heureusement débarrassé à temps. Une mésange entendit plusieurs hommes appeler à trouver la sorcière et à démasquer toutes les femmes présentes sur la place. Les oiseaux quittèrent leur poste.

Un premier s'approcha d'un homme qui tirait violemment une jeune femme vers lui, retenue par un autre homme qui la tirait vers lui.

- Lâchez-moi ! Je n'ai rien à voir avec, Aah !
- Laissez ma fille tranquille, elle n'a rien d'une sorcière !
- Vous pouvez très bien être de mèche !

L'homme sentit quelque chose se glisser dans les plumes de son costume. Il se redressa aussitôt et lâcha la jeune femme qui retrouva les bras de son père.

- Toutes mes excuses, je ne sais pas ce qu'il m'a pris… Éloignez vous par là !

Perplexe, le père acquiesça avec gratitude et s'éloigna aussitôt, sa fille s'appuyant sur lui pour marcher à ses côtés. Un homme, spectateur de la scène, interpella violemment son confrère, le regard noyé de panique.

- Pourquoi tu l'as laissée partir !?
- Cela n'a aucun sens enfin ! Des sorcières !? C'est juste un ballon !

Il posa ses mains sur les épaules de son interlocuteur, qui sentit aussitôt un souffle d'apaisement chasser la peur de son esprit. Il réalisa à son tour l'absurdité de ses actes et prit sa tête dans ses mains. Derrière lui, un pigeon fendit la foule avec agilité et se posa sur la tête d'un homme en train de se battre, le freinant immédiatement pour le plonger dans un vertige éphémère, lui et son adversaire. D'autres femmes étaient déjà réunies sous le mandala, plusieurs pleuraient, d'autres, plus combattives, refusaient de se laisser faire. Une mésange vola près de l'une d'entre elle qui dans l'espace d'un instant parvint à coller une gifle vertigineuse à l'homme qui la poussait vers le mandala, évaporant immédiatement la rage aveugle qui guidait ses gestes. Plus loin, vers la scène, étaient rassemblées un groupe de cinq femmes, accompagnées de deux hommes qui semblait chercher à les éloigner le plus possible du monstre et du centre de la place. Parmi ces femmes, on pouvait voir une plus petite, tenant nerveusement son sac de petits fours au gruyère contre elle, et une autre, plus grande, toujours vêtue de son masque, tout comme les autres femmes du groupe.

- Par ici ! Nous devrions pouvoir nous réfugier ! fit un homme en indiquant une direction.
- Les gens sont devenus fous ! répliqua une grande dame ronde qui n'hésita pas à retirer son masque pour mieux voir où elle avançait.
- Enlevez vos masques, j'ai l'impression qu'ils ne cherchent que celles qui le gardent !
- Oh que se passe-t-il je ne comprends pas… murmura Célestine au bord des larmes.
- Tout ira bien, fit la femme à ses côtés, qui en même temps vit ses camarades se démasquer un à un.
- Ce n'est même plus un bal masqué de toute façon ! fit une autre convive en ôtant le sien, avant de tourner son regard vers celles qui gardaient encore le leur.

Célestine sursauta et approcha ses mains tremblantes vers son masque, parvenant à peine à comprendre ce qu'il était en train de se dérouler, pendant que les hommes du groupe s'alarmèrent en voyant que plusieurs autres invités s'approchaient d'eux.

- Qu'attendez-vous ! Enlevez votre masque !

Célestine finit par le faire, retenant toujours ses larmes avec peine, et leva ses yeux humides vers l'inconnue qui était à ses côtés, son seul repère depuis que la panique avait prit les rênes de la soirée. Mais cette dernière resta masquée. L'esprit d'une des femmes s'échauffa.

- Ne restez pas muette ainsi ! Ne voyez-vous pas que cela devient dangereux !
- Je ne veux pas retirer mon masque.
- C'est absurde ! répliqua un des deux hommes. Pourquoi insister !

Il s'approcha lui-même de la femme masquée et voulut dévoiler son visage, mais elle fit un mouvement en arrière, la mine sérieuse. Le deuxième homme intervint.

- Qu'est-ce que vous cachez ? Une cicatrice ? Ou alors…
- Ou alors vous êtes la sorcière !!

Le cri d'une des femmes du groupe attira l'attention de nombreux autres convives qui se tournèrent tous vers la jeune personne masquée.

- Les sorcières n'existent pas, répondit-elle.
- S'il vous plaît, soyez coopérative ! Madame, inutile de s'alarmer !
- Regardez ! Elle veut garder son masque !
- Attrapez la !

De nombreux autres cris s'ajoutèrent aux précédents. Isolée de son groupe, la jeune femme masquée recula, toujours accompagnée de Célestine qui tenta de la défendre avec sa petite voix, mais n'eut pour réponse qu'une violente bousculade qui la fit tomber au sol. Sa camarade se baissa vers elle pour l'aider à se relever, mais fut stoppée par plusieurs bras qui la plaquèrent contre un mur. Des hommes comme des femmes aboyèrent à quelques centimètres de son visage, jusqu'à ce qu'un d'entre eux se place face à elle, et d'une main ôte le masque d'un geste rapide. Les yeux ronds, elle retint sa respiration et croisa le regard de son agresseur dont les iris affichèrent étonnamment une expression rassurante et familière. L'homme se tourna alors et dissimula la jeune femme derrière ses imposantes épaules, au creux desquelles se tenait un petit moineau, et prononça d'une voix forte :

- Ce n'est pas elle !
- Il faut l'emmener sous le mandala !
- Non ce n'est pas la peine, ce n'est pas elle !

Un autre homme répéta la même chose, tout comme une femme et plusieurs autres personnes, toutes observées par un pigeon et une tourterelle posés près d'eux sur un morceau du décor tombé au sol suite à l'attaque du ballon géant. Bientôt tout le monde commença à s'éloigner, laissant la jeune femme reprendre son souffle. Célestine ramassa son masque et lui tendit.

- Tout va bien Fennella ?
- Merci patronne… Toutes mes excuses de vous avoir contraintes à venir me protéger.

L'œil situé au centre du front de la jeune bibliothécaire cligna à plusieurs reprises, puis se ferma de nouveau lorsque le masque vint le dissimuler. Un pigeon vint se poser sur son épaule, un large chapeau dans son bec.

- Trouve un moyen de sortir, continua Lotte au travers de Célestine. C'est beaucoup trop dangereux pour toi ici. Je garde un œil sur toi. Emporte cette femme avec toi, je m'en voudrais qu'il lui arrive quelque chose.

Au même moment Quetzalcoatl fondit sur la foule, provoquant une nouvelle vague de panique et de cris d'effroi. Plusieurs hommes coururent vers Fennella et la Simurgh, jusqu'à ce qu'un homme les interpelle.

- Eh ! Qu'est-ce que vous faites cachées là !! Le moineau quitta l'épaule de Célestine pour rejoindre celle de l'homme en question. Il reprit : fais attention à toi, rentre à la Curia dès que possible.
- Entendu.

Le pigeon quitta alors l'épaule de Fennella et se rapprocha du mandala à tire d'aile, imité par l'homme au travers duquel Lotte venait de s'exprimer. La tête pensante du groupe de la chasse aux sorcières venait de s'éloigner, tout comme le Quetzalcoatl qui avait commencé par prendre de la hauteur, assailli par une multitude de petits oiseaux qui dans l'ombre du ciel nocturne semblaient invisibles. Un pigeon se posa aux pieds d'un homme en conversation avec une belle jeune femme dont les beaux yeux ronds avaient eu raison de la lucidité. Un jeune homme vint l'interpeller :

- Rupert ! Il y a encore d'autres femmes vers le buffet ! On les ramène ?
- Hein ? Non, pas la peine, Armand a dit qu'on pouvait les laisser partir.

Le jeune homme leva un sourcil puis, hésitant, fit marche arrière, tout comme le pigeon qui continua de serpenter au milieu des jambes des convives. Une voix l'interpella cependant dans son sillage, le faisant lever les yeux. Quelques secondes après, il s'envola, rencontrant dans son sillage le corps volumineux du Quetzalcoatl, déchiré à plusieurs endroits par ses nombreux assauts et par l'attaque des oiseaux qui le fit percuter de plein fouet le mandala, brisant le groupe de femmes pour le mêler à la foule en panique. Seul un individu parvint à retenir sa chute. Un moineau se posa sur le bras ferme d'une imposante femme en train de quitter la place du mandala. Elle se retourna :

- Oh ! Nous devons l'aider !

Jules, placé près d'elle, répéta la même chose avec un appel fédérateur :

- Il faut l'aider !

Le moineau quitta son perchoir et vola près de plusieurs hommes tentant désespérément de rattraper les femmes qui fuyaient le monstrueux ballon. Certains s'arrêtèrent dans leur course et firent demi-tour, comme après avoir oublié la raison qui les faisait courir ainsi, et partirent aider l'homme qui avait intercepter la chute de pierre. L'oiseau finit par se poser près de l'oreille de ce dernier et lui siffla quelques mots avant de quitter de nouveau son perchoir pour renouveler l'assaut aérien contre le Quetzalcoatl qui avait pris de la hauteur.

Spoiler:


Dernière édition par Quetzalcoatl le Ven 6 Déc - 18:04, édité 1 fois
Dolores Keller
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 5 Mai - 21:53

« Jetez lui des fourchettes Adam ! Il va se dégonfler ! Gnnah ! Prends ça vile créature ! Simulacre de divinité ! Boudin volant ! Aaah Adam qu'est-ce que vous faites ! C-Ce n'est pas le m-moment D-Docteur ! Mais si ! Avec juste un peu de précision on pourrait… N-Non ! Il faut partir ! La fuite, toujours la fuite ! Ce n'est pas comme ça que vous irez de l'avant Adam ! Ce n'est qu'un ballon il n'a rien de dangereux ! L'important est de ne pas céder à la panique. AAAAAAAARGHHH ! Lâchez-moi espèce de brute ! Ne la touchez pas, ce n'est pas elle la sorcière ! Mais puisque je vous dis que je l'ai vue parler au monstre ! Mes yeeeeux, mes yeeeeux ! Non ne vous battez pas ! Les gens n'ont vraiment aucun sang-froid… C-C'est vous qui en avez trop ! Vous n'êtes qu'un crétin, je suis restée démasquée bien avant l'arrivée de cette chose ! Lâchez-moi je ne veux pas rester ici une minute de plus ! Monsieur, un peu de calme voyons, cette femme a certes le corps un peu difforme, mais elle n'est en rien responsable de toute cette histoire ! Oh vous ne me regardez pas comme ça, je vous donne un coup de main, ce n'est pas parce que vous avez mal digéré votre auscultation qu'il faut me jeter un tel regard ! Poussez-vous Monsieur. Comprenez vous, j'ai dû me forcer à ne pas parler pendant tout ce temps pour que mon costume fonctionne ! Et maintenant que je peux enfin parler, il n'y a personne pour m'écouter ! Adam lâchez ce plateau, je vous dis que les fourchettes seront plus efficaces ! Eh toi ! T'es une femme non !? Tu croyais te cacher habillée comme ça ! Excusez-moi je suis en pleine discussion avec… Ah, la voilà partie. D'abord on ne met pas sa main sur l'épaule du gente dame, oui j'ai de la force Monsieur, je suis médecin vous savez, sous notre blouse nous cachons des muscles d'acier figurez vous ! À votre place je n'appellerais pas mes camarades, il serait ennuyeux qu'ils vous voient au bord des larmes parce qu'une « femme » comme vous dites est susceptible de vous briser les doigts. Non je ne vous lâcherez pas, inutile de couiner ainsi ! Sachez mon cher que je n'ai pas pu bavarder depuis le début de cette soirée et- D-DOCTEUR !! »

Le corps gigantesque du Quetzalcoatl s'écrasa violemment sur le sol avant de gagner de nouveau les cieux. Balayée plusieurs mètres plus loin, Dolores se releva rapidement, les lunettes de travers. Adam, qui avait échappé de peu à l'assaut, la rejoignit en poussant précipitamment les personnes qui gênaient son passage.

« AAH ! Ah ! V-Vous saignez ! Ah oui ? Mince je vais tâcher le costume. Ce n'est que l'arcade sourcilière Adam, ne vous évanouissez pas pour si peu ! C'est impressionnant mais rien de gravissime ! N'avez-vous pas fait des études de médecine ? Par contre mon épaule… *crac* Là ! Elle s'était déboitée. Il cogne sacrément fort le bestiaux ! Peut-être que finalement les fourchettes ne seront pas suffisantes… Regardez ça, il a complètement ruiné le buffet ! Il ne reste plus qu'une table debout. Hm ? Il y a des gens cachés dessous ! Ce sont des femmes j-je crois… M-M-Mais !! C-C'est Rose-Lise ! Je me disais bien l'avoir vue au début de la soirée ! D-Des hommes les ont attrapées ! »

Dolores était déjà partie. Mais était-ce bien elle ? Perdue au milieu de la foule paniquée, son corps sembla enfler et se muscler en quelques instants. Masque sur le nez, Augustus Von Gertorteurt posa sa main imposante sur le bras de l'un des hommes. Sa voix grave résonna avec force.

« Lâchez ces demoiselles. Q-Qu'est-ce que tu veux toi ! Elles étaient cachées là-dessous ! Elles n'ont rien fait. Tu crois me faire peur parce que t'es costaud ? Non, rendez-moi mon calepin ! C'est trop mal écrit, c'est ces gribouillis ! J-Je ne vous permets pas ! Je suis journaliste Monsieur ! Eh t'as entendu, une journaliste ! Ils embauchent des mômes maintenant ? »

Rose-Lise vit rouge, tout comme l'entrejambe de son bourreau qui croisa le pied de la petite demoiselle. Le calepin retomba sur le sol, elle l'attrapa maladroitement et s'apprêta à s'éloigner mais sentit une main s'enrouler autour de son poignet. Le visage grimaçant, le corps plié, l'homme la tira vers elle. Augustus repoussa son interlocuteur d'un geste franc et voulut intervenir, mais fut aussitôt arrêté par un choc à la tête. Le masque tomba, tout comme Augustus qui laissa place à Dolores, sonnée. L'homme, armé d'un morceau de pavé, respirait fort et affichait un regard rempli de rage, comme dépourvu de toute lucidité. L'individu qui tenait Rose-Lise et se débattait contre la deuxième demoiselle qui s'était cachée avec la journaliste et avait refusé de la laisser seule leva les yeux vers son camarade.

« M-Mais t'es malade ! Tu veux lui briser le crâne ?! LA FERME ! »

La seconde suivante, l'homme s'effondra à son tour, tandis que Dolores tentait de se relever. En se retournant, elle aperçut Adam, armé de son plateau à petits fours, la mine déterminée. Son assistant lui passa devant d'un pas rapide, tira Rose-Lise vers lui à la grande surprise de l'homme qui lui faisait face qui reçut à son tour un violent coup de plateau dans la mâchoire. Il tomba au sol, au pied du jeune infirmier qui remonta ses lunettes avant de pointer du doigt sa première victime.

« Quand on tape dans le dos de quelqu'un, il faut viser au bon endroit pour l'assommer ! Il s'adressa ensuite au second. Maintenant, vous, vous lâchez cette demoiselle ! Il m'a déjà lâchée Monsieur Adam… E-E-Et tout le monde se calme !! »

Essoufflé, Adam réalisa l'instant suivant ce qu'il venait de faire et se baissa vers l'un des deux hommes pour lui demander s'il n'était pas blessé, avant de s'adresser à l'autre qui peinait encore à reprendre ses esprits. Dolores fit craquer sa nuque et invita Rose-Lise et la seconde demoiselle à la suivre pour s'éloigner le plus possible de la foule paniquée. La journaliste voulut remercier le premier homme qui était venu les aider, mais dans la confusion n'avait pas pu voir où il était parti. Le petit groupe assista les deux malheureuses victimes de l'infirmier et tous parvinrent à trouver un endroit où s'abriter tandis que le monstre venait de percuter de plein fouet le mandala au centre de la place, dispersant le groupe de femmes au milieu de la foule toujours en proie à la panique.

« Je vais aller donner un coup de main au mandala. Adam vous restez ici avec Rose-Lise et nos deux blessés. Enfin vos deux blessés plutôt. Je penserai à retirer les plateaux que l'on a au cabinet, ils sont bien trop dangereux entre vos mains. J-Je ne voulais pas… Quand Louise saura ça ! Adam à la rescousse ! Armé de Bobiti Bobiti Bou, son fidèle acolyte plateau en acier, arme de légende qu'il a trouvé sur un buffet au cours d'une soirée animée ! Rose-Lise, vous écrirez un article là-dessus j'espère ! Je vais essayer ! Monsieur Adam, je pourrai vous interviewer ? N-Non ! E-Enfin ce n'est pas le moment ! Il a raison. Oh ! Vous avez raison Adam, et je l'ai reconnu… Je crois que ce coup à la tête m'a fait plus de mal que je ne le pensais. Nous regarderons ça une fois rentrés ! Adam, dès que la voie est libre, vous quittez la place avec tout le monde, d'accord ? E-Et vous ? Je vous rejoindrai dès que possible, ne vous inquiétez pas ! Hm… Donnez-moi votre plateau quand même, on ne sait jamais ! »

Dolores se joignit peu après à la foule bariolée. Le Quetzalcoatl avait percuté plusieurs bâtiments environnants et avait plongé à de nombreuses reprises sur les invités, perdu dans une danse furieuse. La doctoresse parvint à se frayer un passage jusqu'au mandala, mais elle fut intercepter par un mouvement perpendiculaire de plusieurs personnes, auquel elle finit par se joindre, apercevant au loin que la situation au niveau du mandala était en train de s'arranger. Un peu plus loin, un attroupement s'était formé autour d'un petit groupe aux traits marqués par un affrontement violent. Non loin d'eux s'exclamait Armand, que Dolores reconnut, tentant de mettre un terme à une situation qui semblait-il avait beaucoup trop dégénéré. Un homme se tenait le bras, vociférant contre un autre, la tête baissé, le visage couvert par des mèches de cheveux que la doctoresse reconnut aussitôt.

« Quand Edward va apprendre ça… Vous avez-entendu ? Il paraît qu'un pigeon blessé est tombé par terre, juste au pieds de ces gens pendant qu'ils se battaient ! Il a dû se faire heurter par le ballon ! Pauvre bête… Au moins ils ont arrêté de se taper dessus. »

En effet aux pieds d'Andréa se tenait un petit pigeon (pas aussi beau que Manfred) blessé à l'aile, la tête rentrée dans ses plumes. Tout autour de lui, la situation semblait avoir perdue en tension et animosité, plusieurs personnes jusqu'alors presque enragées avaient peu à peu repris un semblant de calme, tandis qu'Armand essayait de convaincre son auditoire qu'il ne fallait pas céder à la folie, car c'était ce que la sorcière voulait. La doctoresse ne chercha pas à comprendre et tenta de se faire voir par Andréa, dans l'espoir de le faire sortir de cette situation sans que son oncle ne voit son visage tout gonflé par les coups. Elle se devait aussi de récupérer ce valeureux pigeon. Pour des raisons… professionnelles.
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeLun 6 Mai - 1:12

C’était le chaos. Les gens criaient, d’autres imploraient. Plusieurs couraient dans tous les sens. Mais parmi eux, il y avait une personne qui sortait du lot. Nullement dérangé, il admirait avec une nonchalance déroutante la tournure des évènements. Est-ce qu’il se sentait seulement concerné ? C’était à se le demander, mais son sourire donnait l’impression du contraire. Il ne tentait même pas de se dissimuler. Pourquoi ? Personne ne portait attention à lui. Il aurait pu être invisible qu’il n’y aurait eu aucune différence.

Assis sur un pot renversé, les jambes croisé, il n’en revenait pas. C’était tout simplement fascinant de voir tous ses humains à l’œuvre. Ils se vantaient d’être bons et civilisés, mais donner leur une petite raison et ils retombaient dans la sauvagerie avec une facilité incroyable. Ils n’avaient plus aucun scrupule, toutes leurs actions semblaient pardonnables, même les plus horribles. C’était vraiment magnifique à voir cette si merveilleuse humanité.
Et il y avait, comme toujours, ceux qui ont l’étoffe d’un héros. Ces innocents prêts à risquer leur vie pour d’autres. Pour quelle raison ? La gloire, la reconnaissance ou par moralité ? Allez savoir. Le démon ne les comprenait pas et ne les comprendrait probablement jamais. Mais cela l’amusait de les voir se batailler. C’est pourquoi il porta brièvement son attention sur Miss Walkson et Lyn avant de trouver plus preneur avec le commissaire. Il lui fallut beaucoup de volonté pour ne pas éclater de rire devant son échec.

Puis une femme près du mandala suscita son intérêt. Intrigué, il se redressa, plus attentif que jamais. Il l’étudia. Elle agissait différemment. Ses gestes étaient empreints de douceur et d’un calme incroyable. Sans parler du sourire qu’elle arborait. Elle s’amusait. Il en était certain, mais de quoi ? De la situation ? De l’homme à ses côtés ? Il n’aurait su le dire, mais sa curiosité était à son maximum. Il devait l’aborder.

Au même moment, Quetzalcoatl percuta le mandala. Pendant une fraction de seconde son regard suivit la trajectoire des morceaux de pierres, mais retourna rapide sur sa cible. Sans la quitter des yeux, il se leva et se dirigea à travers la foule. Il passa à côté d’un Edward en difficulté. Il fut tenté de lui mettre des bâtons dans les roues, mais s’abstient. Mieux valait ne pas trop attirer l’attention. Puis, suivant toujours la mystérieuse femme, il se faufila près du cercle de témoins qui entourait les jumeaux. Cette fois-ci la tentation fut plus forte. Il profita de son anonymat et ajouta sa voix aux autres.


- Vous avez vu ses yeux !?

Si cette interaction eut l’effet escompté, les gens autour d’eux portèrent leur dévolu sur le cracheur de feu et l’acrobate, elle permit aussi à sa proie de s’éclipser. Il la chercha dans la foule compacte. Elle ne devait pas être loin. Finalement, il la vit. Sourire en coin, elle se tenait immobile, partiellement dissimulée derrière les restes d’une arche.

- Je vois que je ne suis pas le seul à apprécier le spectacle du déclin de l’Empire aztèque, dit-il en s’approchant d’elle.

Le regard espiègle de la femme se vira sur sa personne. Son sourire s’étira de plus belle. Il comprit aussitôt son erreur. Elle retira son masque et sa capuche, dévoilant sa belle chevelure rousse.


- En voilà une surprise ! Si ça ne serait pas mon démon préféré !

Au même moment, un homme catapulté par le dieu serpent atterrit durement dans les décombres de l’arche. Les trois personnes se regardèrent suspicieusement à tour de rôle.

- Démon préféré ?
- Raymond, pas démon. Si vous vous incrustez dans une conversation, ayez l’obligeance d’écouter correctement, monsieur !
- Raymond ? Ce n’est pas un nom de femme.
- Je n’en suis pas une, non plus.
- Pourquoi portez-vous une robe alors ?

Exaspéré par le nouvel arrivant, le démon enleva à son tour son masque et l’assomma avec.


- Ah Serra ! Enfin, je t’ai retrouvé ! J’étais inquiet !
- Quel vilain menteur que tu es. Je te connais Ryden.
- J’avoue. Ce n’était pas mon meilleur mensonge. C’est l’inquiétude qui m’a trahi, n’est-ce pas ?
- En effet. Ça ne te ressemble pas.

- La sorcière !
- Et sa complice !

Tous deux se retournèrent vers les voix accusatrices. Ils eurent la désagréable surprise de constater un couple de bourgeois les pointer du doigt. Même avec leurs cheveux en bataille, des plumes en moins et leur habit légèrement déchiré, les De Montalant restaient facilement identifiables. Ils n’avaient guère perdu de leur panache, fidèle à eux-mêmes.


- Quoi !?
- Vous avez essayé d’ensorceler mon pauvre Edmond !
- Ne soyez pas insultants en plus d’être impolis. De quoi parlez-vous ?
- Je vous ai vu ! Vous vous êtes pendu à son bras et vous lui avez susurré vos charmes pour lui voler son cœur !
- C’est vrai !  

L’homme en question se gonfla le torse, tel un fier coq et prit sa femme dans ses bras.

- Mais mon amour pour ma douce Adélaïde à triompher.
- Oh Edmond !

Le couple se lança des regards passionnels alors qu’un cercle de convives commençait à se former autour d’eux, interpellé par la scène qui se déroulait. Galvanisée par son nouveau public, madame De Montalant continua son explication farfelue avec encore plus d’entrain et de théâtralité.

- Dévorée par votre jalousie, vous osez maintenant vous venger en détruisant notre merveilleux bal ! Ne le niez-pas !
- Votre vif esprit m’éblouira toujours, ma Mie.

Les deux accusés restèrent muets de stupeur. Que devaient-ils répondre à cela ? Ils s’échangèrent un long regard interrogateur. Puis finalement, ils hochèrent légèrement de la tête comme s’ils venaient de se mettre d’accord.

-  Qu’il m’en déplaise de vous contredire, madame, mais n’avez-vous pas entendu ? La sorcière serait la blonde armée d’un tuteur. Celle près du grand et sii séduisant gaillard… tatoué… avec ses muscles d’acier… et son allure mystérieuse. Ne trouvez-pas qu’il a un charme envoutant, presque surnaturel ?

- Tu ne crois pas que tu exagères un peu trop ? Marmonna le démon à l’oreille de sa compagne.
- Mmmhh….non. Roaarr. Je lui dévorais bien son petit cœur, murmura-t-elle en se mordant la lèvre inférieure.
- Je ne te le conseille pas.
- Serais-tu jaloux, par hasard ? Demanda la rousse plus amusée que jamais.
- Pff…

- Que racontent-elles ?
- Elles appellent sans aucun doute Quetzalcoatl !
- Assurément !

C’est à ce moment précis que le dieu-ballon décida d’intervenir dans sa grâce incommensurable. Il piqua dans leur direction, frôla Serra, il serpenta ensuite quelques secondes autour d’eux, renversant deux hommes qui ne l’avait pas vu venir tandis que les autres se jetèrent au sol, puis il remonta dans les airs suivi de près par des oiseaux.

- Voici la preuve ! Elles le commandent ! Cria AdélaÏde en se relevant avec un pauvre petit moineau prit dans sa chevelure.
- Nous les avons démasqués !
La foule [PNJ]
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeLun 6 Mai - 23:23

Donc.

Levallois joignit les mains après s'être repoussé au fond de sa chaise. Il inspira profondément. Son regard cerné se posa sur – il vérifia les papiers remplis par Mercier – Stéphane. Assis face à lui, droit, calme, le domestique arborait ce visage amorphe des serviteurs qui en ont trop vu et que plus rien n'étonne. Rien. Pas même :

Un serpent géant.
Un serpent géant ailé, Monsieur le Commissaire.
Et il attaque des gens.
Oui Monsieur le Commissaire.
En plein Paris.
Oui Monsieur le Commissaire.

Silence. Levallois griffonna quelques mots en grommelant. Habituellement, il était de ceux qui appréciaient les originaux, mais celui-là s'exprimait avec tant de sérieux et tant d'incohérences à la fois, qu'il ne savait plus quoi en faire. En finir au plus vite. Il demanda sèchement.

Et c'est tout ?
Il est possible qu'il y ait également une sorcière.

Le crayon cassa entre ses doigts. Il passa une main sur son visage d’Apollon, dégagea les mèches blondes qui tombaient devant ses iris bleutés, puis laissa retomber sa paume à plat sur la table. Le papier se froissa légèrement sous ses doigts.

Une sorcière.
Oui Monsieur le Commissaire.
Laissez-moi deviner, c'est elle qui ordonne au serpent ailé géant de s'en prendre à de pauvres innocents ?
C'est cela monsieur le Commissaire. C'est ce que dit Monsieur Delcambre en tout cas.
Delcambre ?
Oui, un monsieur qui a failli tuer mon maître il y a quelques temps.
Qui a…
Mais ce n'était pas sa faute, il était drogué.

Un verre. Un verre où il risquerait de lui faire avaler de force sa déposition. Levallois se servit un bon fond de Brandy, l'avala cul sec, jaugea Stéphane et s'en versa un second.

Ce monsieur Delcambre a vu une sorcière ?
Je ne sais pas, Monsieur le Commissaire. Mais il était certain qu'il y en avait une et beaucoup de gens l'ont cru.
Vous aussi ?
Moi je ne suis pas payé à croire, Monsieur le Commissaire.
Certes, certes. Et après ?
Les gens ont commencé à chasser les femmes pour découvrir laquelle était la sorcière.

Haussement de sourcils. Levallois entrouvrit les lèvres, puis les referma. Il explosa la seconde suivante :

Mais enfin c'est stupide !
C'est aussi ce que je me suis dit, Monsieur le Commissaire.
Pourquoi pas un dieu Aztèque géant tant qu'on y est ?

Stéphane ne répondit pas. Il n'avait pas l'esprit vif, mais il était suffisamment éclairé pour comprendre que l'on mettait en doute ses paroles. Il réajusta calmement son costume, arrachant un soupir las de plus au commissaire qui demanda :

Qu'est-ce que vous avez fait ?
Je l'ai dit à mes maîtres.
Et qu'ont-ils fait ?
Ils ont demandé pardon au dieu qu'ils avaient invoqué sans le vouloir.
Ça a fonctionné ?
Absolument pas. Alors ils ont criés et se sont cachés sous une table.
Grande idée que celle-là.
C'est vrai Monsieur le Commissaire. Toutefois, n'ayant plus personne à qui demander conseil, j'ai décidé d'avertir la police.
Et vous voici.
Oui Monsieur le Commissaire.

Levallois mit un point final à sa déclaration et se rejeta au fond de sa chaise. Mal de crâne. Ce Stéphane était pire qu'une gueule de bois. Il l'observa à la lumière faiblarde de son bureau, parfaitement neutre. Quel intérêt avait-il de se jouer de lui ? À moins qu'il soit fou ? Il joignit les mains, emprunt à une profonde réflexion.

Pensez-vous pouvoir faire quelque chose ?

Hésiter. Aucun psychiatre ne se déplacerait à presque minuit.

– Commissaire !

La porte de son bureau vola sur ses gonds. Une lumière divine auréola la silhouette salvatrice de Mercier. À son timbre, Levallois devina l'urgence et le danger. Il bondit de sa chaise et attrapa chapeau et manteau. Un peu plus et il lui embrassait les joues.

– Il y a du grabuge sur la Place Saint-Michel. On nous rapporte des mouvements de foule, des vitres cassées et des affrontements. Un peu moins de cent personnes.
Ne trainons pas. Réunissez les équipes.
– Dubois est parti en repérage avec cinq hommes, j'ai demandé du soutien aux confrères. Mais Commissaire…

Il franchissait déjà la porte.

Quoi ?
– On nous rapporte aussi… Il vérifia ses notes. Un serpent géant incontrôlable dans les airs.

Les iris de Levallois se braquèrent vers Stéphane qui s'était relevé. Le commissaire repartit en grande hâte et levant l'index :

Ailé, Mercier ! Serpent géant ailé !


- - - ∆V∆ - - -


Dubois n'en revenait pas. Pour s'assurer la meilleure visibilité possible, ils avaient rejoint la place Saint-Michel en passant par le Quai des Grands Augustins. Bingo. Vue imprenable. La bouche entrouverte, lui et ses hommes observaient un immense ballon en forme d'« il ne savait trop quoi », serpenter dans le ciel. À son aplomb, des cris, aux fenêtres sans verre de l'immeuble à sa droite, des cris. Se remettre.

Bon les gars, j'en veux deux qui me bouclent le pont et les quais. Les autres avec moi et pas de précipitation. Il faut qu'on comprenne ce qu'il se passe.

Les trois policiers s'avancèrent. Ils remarquèrent rapidement, une poignée de personnes parvenues à quitter une espèce de parc, formé par de grandes toiles. Ils interceptèrent deux femmes, l'une particulièrement émue tenait fermement une petite sacoche d'entremets au gruyère, l'autre, plus calme, portait un masque.

Est-ce que ça va ?
Oui. Nous allons nous mettre à l'abri.
Qu'est-ce qu'il se passe là-dedans ?
Les gens ont paniqué à cause du ballon. Certains se battent… Nous avons eu de la chance.
Foucher, vous les accompagnez dans un lieu sûr. Revenez dès que c'est fait.
– Bien commandant !

Reprendre leur avancée. Ils atteignirent l'un des décors tombés à terre. Ils se préparaient à entrer, quand le Quetzalcoatl fondit sur la foule. D'un mouvement ample, violent, il renversa quatre personnes qui tentaient de rejoindre l'espace occupé par les agents de police. Ces derniers assistèrent, impuissants, au spectacle. Car le géant revint et repoussa, bouscula, encore. Son corps immense se déplaçait à une telle vitesse que Dubois l'entendit siffler lorsqu'il passa près de lui. La lame d'air qui le suivait emporta sa casquette.

Sacré nom d'un…
– C-Commandant ?
Il faut qu'on sorte ces gens de là !

Deuxième tentative, deuxième échec. Ils n'avaient pas fait un pas dans l'enceinte de la place que Quetzalcoatl revint slalomer au ras du sol, puis fila droit dans leur direction. Ils battirent en retraite et s'écartèrent d'un bon mètre de la place. Arrivé à la frontière de l'endroit, l'animal fantastique bifurqua et s'en prit à nouveau à la foule. Dubois pesta. Foucher revint :

– Les deux jeunes femmes sont à l'abri commandant.
Parfait, venez. Nous devons trouver où percer ces barricades pour faire évacuer ces gens.

Le trio entreprit une reconnaissance rapide des lieux. On se décida pour l'angle entre les places Saint-Michel et Saint-André-des-Arts. L'endroit donnait sur de nombreuses rues, ce qui permettraient, si l'incontrôlable ballon les suivait, de disperser la masse et d'offrir un salut à la majorité. On abattit deux grandes toiles, obtenant une trouée conséquente dans les barrières installées par les De Montalant. Dubois lança :

Foucher, restez ici. Dès que quelqu'un sort, vous l'envoyez Place Saint-André. Gariot vous ratissez ce côté, moi de l'autre. Faîtes du bruit et envoyez tous ceux que vous pouvez vers Foucher. Compris ?
– Oui Commandant.
– Oui Commandant.
À trois…

Quetzalcoatl remonta dans le ciel.

Trois !

Et sifflet aux lèvres, les deux agents s’engouffrèrent dans ce chaos. Dubois s'engagea en direction de la fontaine. Il hurlait « Police » entre deux sons stridents. Une petite femme brune fut la première à le trouver. Échevelée, sans chaussure, ses vêtements abimés, elle indiqua que trois de ses amis se trouvaient encore sur place. Deux hommes et une jeune femme. Elle parla d'une troisième garçon, mais tout était confus. Elle n'était certaine que d'une chose, ils étaient en danger. Dubois lui promit de faire son possible pour les retrouver et les aider.
Il croisa ensuite deux jeunes garçons, l'un soutenu par l'autre. Pas de blessure, juste une mauvaise cuite. Ils étaient venus avec d'autres camarades, mais les avaient perdus de vue. L'agent les envoya vers Foucher et reprit sa route.

Quetzalcoatl plongea de nouveau.

Dubois en avait connu des désordres, mais comme celui-là, jamais. Le titan allait et venait dans une chaos absolu. Impossible de prédire ses mouvements. Il était capable de parcourir de longues lignes droites et brusquement, enchaînait les virages secs. Exclamations et ruées désespérées accompagnaient son passage. La peur lui serra le ventre quand, par deux fois, il se jeta à terre pour ne pas être balayé par un coup de queue. Malgré tout, l'agent conserva son sang froid, si bien que lorsqu'il vit une jeune femme chuter en essayant d'échapper à la créature, il se précipita pour l'aider.
À peine redressé, il dut s'occuper d'une échauffourée entre deux hommes et une jeune fille. Il s'élança aussi vite qu'il le put, mais il les retrouva calmés dès qu'il fut à leur portée. Un pigeon s'envola. Dubois hurla :

Police ! Qu'est-ce qu'il se passe ici ?!

Les deux hommes pâlirent.

– Pardon, on… On s'est trompés. On se rendait pas compte que…
– On est désolés Monsieur l'agent.
Rachetez-vous une conduite, mettez cette jeune femme à l'abri. Rejoignez la sortie, par là.
– Oui Monsieur l'ag…

La demoiselle hurla. Elle pointa Quetzalcoatl du doigt. Il revenait à la charge, droit sur eux. Dubois se plaça entre la créature et le trio, il s'écria en sortant son arme de service.

Dégagez d'ici !
Pas de réaction.
Exécution !

Ils retrouvèrent leurs esprits et décampèrent. Il était trop tard pour Dubois, le géant arrivait sur lui. Le cœur au bord de l'explosion, l'agent n'eut qu'une fraction de seconde pour se décider. Il arma.

Feu.

Le tir résonna à travers toute la place. La balle traversa Quetzalcoatl de part en part et poursuivit sa course, sifflant aux oreilles des convives les plus chanceux. Elle termina dans la chaire et la perfora d'un sceau écarlate qui continua de s'étendre. Un corps tomba.

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Un coup de feu ! Plus vite !

Levallois accéléra l'allure, suivit d'une vingtaine de policiers. Juste derrière eux, Stéphane tenait le rythme.

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Le temps était venu.

Quetzalcoatl s'éleva dans les airs, juste devant Dubois. Il se jeta, tête la première sur un lampion, puis sur un autre et encore. Il les dévorerait, mais en réalité, ce fut eux qui commencèrent à le ronger de l'intérieur. Le feu se répandit. Lentement d'abord, avant de rencontrer l'alcool déversé par l'un des convives. Alors la silhouette aérienne du serpent s'embrasa furieusement. Les flammes partirent de son flan, gagnèrent sa queue, sa tête, ses ailes. Le dieu aztèque se disloqua.
De larges pans de tissus brulants tombèrent sur la place. Le brasier contamina les toiles, les arbres et les décorations inflammables, les costumes parfois, dont on se débarrassait avec hâte. La fontaine fut prise d'assaut. On se poussait, se piétinait, pour un peu d'eau.

Loin de ce chaos, dans le ciel étoilé de Paris, disparurent les dernières traces de Quetzalcoatl.

Négligence des blessés. Oubli du sang versé.

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S'il vous plaît ! Venez m'aider ! Armand…

À genoux au milieu de cet enfer, les mains rouges du sang de son ami, Jules Chevalier accomplissait ce qui deviendrait son plus grand regret.
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Échos antiques



Quetzalcoatl s'est tué par les flammes. Son corps immense est tombé en de grands lambeaux incandescents sur la place où s'élèvent à présent quelques brasiers. La disparition du monstre et l'aide de Lotte, permettent de faire retomber la tension et la folie ambiante. Mais les flammes inquiètent toujours et la méfiance persiste
La police arrive en renfort et va prendre en main les blessés, ainsi qu'essayer de maîtriser le feu pour éviter qu'il ne se propage aux habitations. Les pompiers seront alertés et finiront le travail.
Mais le drame est ailleurs. Armand Delcambre git sur la place, inconscient et blessé par une balle perdue. Dubois s'est aussitôt dénoncé.

Vous risquez d'avoir à faire au milieu des blessés, des flammes, et des convives toujours choqués, furieux, ou complètement perdus. À vous de voir comment aborder cette nouvelle situation à laquelle s'ajoutera l'intervention des forces de l'ordre.
En effet, la police mène dès à présent son enquête et pour comprendre ce qu'il s'est passé. Elle interroge les personnes présentes. Vous.

À chacun d'entre vous seront faites au moins deux questions, l'une basée sur de fausses accusations, une autre sur de véritables faits. À vous de répondre aux policiers. Vous pouvez à loisir ajouter des questions, faire intervenir des PNJs, mentir ou non. Ces déclarations seront déterminantes pour la dernière manche qui se profile et décideront de votre fin de soirée. Vous découvrirez bien assez tôt pourquoi.
À l'exception de Levallois, vous pouvez utiliser n'importe quel policier du 6e arrondissement présent, sans obligation de lui attribuer une couleur tant que votre texte est clair. Si vous souhaitez réellement utiliser le Commissaire Levallois, envoyez-nous un MP qu'on puisse en discuter.

Rappelez-vous que les policiers sont humains et arrivés après la bataille. Ils n'ont vu que le corps enflammé de Quetzalcoatl retomber sur la place. Vous n'avez également pas l'autorisation de quitter les lieux, les forces de l'ordre s'y refusent pour l'instant.

Voici pour chacun les questions posées :

Andréa :
Vrai : Un homme vous accuse de lui avoir cassé de bras, est-ce vrai ?
Faux : Avez-vous utilisé un cactus pour frapper l'un des convives, comme certains témoins l'affirment ?

Rose :
Vrai : Plusieurs personnes nous ont rapporté que vous avez utilisé un plateau comme arme, qu'avez-vous à répondre ?
Faux : On vous accuse d'avoir dévoilé vos jambes de manière à déconcentrer la gente masculine, c'est vrai ?

Ashton :
Vrai : Selon différents témoins, vous avez malmené plusieurs personnes et frappé au moins l'une d'elles, que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Faux : Est-ce exact que vous avez menacé de mort un homme par, je cite : « le supplice de la petite cuillère » ?

Aldrick :
Vrai : Vous êtes accusé d'avoir frappé un homme ivre, est-ce vrai ?
Faux : Avez-vous abusé de votre condition de policier pour étreindre une vieille femme ?

Edward :
Vrai : Vous avez été vu aux prises avec M. Delcambre, souhaitiez-vous ce qui lui est arrivé ?
Faux : Êtes-vous volontairement passé sur un décor de manière à écraser l'homme coincé dessous ?

Frédéric :
Vrai : À quoi faisaient référence les signes étranges que vous avez adressés au ballon ?
Faux : On vous accuse d'avoir dérobé un portefeuille vide et de l'avoir rempli de toasts, est-ce exact ?

Morgan :
Vrai : D'où vient tout ce sang ?
Faux : On vous accuse d'avoir délibérément fait tomber un homme tandis qu'il refaisait ses lacets, c'est exact ?

Dolores :
Vrai : Vous avez été vu plusieurs fois près d'un homme musclé suspect dans cet affaire, c'est une de vos connaissances ?
Faux : Vous avez été vue profitant du chaos pour piller le buffet, c'est vrai ?

Ryden :
Vrai : Pour quelles raisons êtes vous habillé en femme ?
Faux : Vous êtes accusé d'avoir piqué les fesses de plusieurs personnes avec une fourchette, pouvez-vous vous expliquer ?

Pour le dernier rôliste masqué (un mp lui sera envoyé) :
Vrai : Où étiez-vous tout ce temps ?
Faux : Êtes-vous bien la personne qui a frappé un vieillard alors qu'il vous demandait l'heure ?

Cas particulier de Lotte.
Comme le personnage de Lotte n'est pas présent sur les lieux, les questions sont tournées davantage sur l'intervention magique de la soirée. Elle peut y répondre au travers d'un ou plusieurs témoins.
Vrai : Un ballon géant a-t-il véritablement attaqué la foule ?
Faux : Plusieurs personnes pensent avoir vu un être cornu, aux sabots de bouc, chevaucher le Quetzalcoatl durant ses attaques, vous l'avez remarqué ?

Pour cette manche, vous pouvez rester masqués et donc conserver le compte anonyme, ou révéler votre identité pour une raison qui vous est propre. Les jumeaux, même démasqués vous pouvez continuer de publier sur un même poste sur vous le souhaitez et donc conserver Quetzalcoatl.






Vous posterez à la suite ce message, sans ordre particulier et vous avez jusqu'au samedi 25 mai (au soir) pour participer à cette cinquième et avant dernière partie !


Vous pouvez toujours nous joindre par MP que pour la moindre question ! Nous répondrons au plus vite, comme d'habitude.

Retardataires ? Vous êtes les bienvenus tant que vous prenez en compte les éléments précédents. Si vous avez manqué un tour, pas de soucis, vous pouvez toujours poster sur celui-ci !

Pour les autres, un grand merci pour votre participation !
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Quetzalcoatl
PNJ spécial - Intrigue ch. 4
Quetzalcoatl

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  Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeDim 12 Mai - 0:31

Comme dans une transe, Frédéric regardait le ciel. Il était vaguement conscient de la main de son frère qui le tirait en avant, du danger dans lequel ils étaient, et de Morel, derrière eux, qui les encourageait à avancer. Mais il était distrait par la plus insignifiante chose qui soit : les oiseaux. Un oiseau qui se respectait (du moins de son point de vue), ça mendiait des miettes aux passants en piaillant hors de portée, ça chiait sur les touristes bien à l’abri en haut d’un arbre, et ça provoquait les chiens et les chats tant qu’on voulait, mais ça filait à tire-d’aile sitôt qu’on faisait mine de le regarder de face. Ça ne restait pas à portée de bec d’un ballon possédé. Ça ne se posait pas sur l’épaule des gens. Et ça n’attaquait certainement pas les dragons, aussi gonflés d’hélium soient-ils.

Un bras inconnu l’agrippa pour le dévier de sa course, que son frère écarta d’un coup de poing instinctif.

« Fred !

– Ne le touchez pas, malheureux ! Il va vous ensorceler ! », entendit-il clamer non loin.

Le mage lança un regard d’excuse à Morgan. Il n’avait pas voulu ralentir sa course. Mais il y avait vraiment quelque chose de bizarre – enfin, d’encore plus bizarre – dans tout ce…

Un coup de feu retentit qui interrompit tout le monde. Ensuite, le dieu-ballon s’embrasa et ce fut la panique. Au sein du chaos qui régnait, leurs accusateurs semblaient avoir perdu leur trace, mais l’hydre poursuivit sa course sans se détourner jusqu’aux abords du pont Saint-Michel. La traversée elle-même était rendue impossible par la présence de grands panneaux couverts de symboles aztèques, qui avaient dû servir à barrer l’accès des lieux aux badauds sans invitation. À présent, renversés les uns sur les autres, ils interdisaient aussi toute sortie.

D’un mouvement leste, Morgan se pencha par-dessus la margelle. En contrebas, le quai paraissait les narguer, trop haut pour pouvoir y sauter sans y laisser des plumes. Il jura entre ses dents. Tout seul, il l’aurait tenté. Mais Frédéric mettrait plus de temps à s’en remettre s’il se cassait quelque chose, et il était moins bon nageur s’il fallait plonger dans la Seine en plein cœur de la nuit.

Il se retourna, plaqué contre le muret, les yeux plissés. Il sondait les environs.

Là, au milieu de la place, c’était la confusion et la désolation qui dominaient. Quelques brasiers fumants illuminaient les façades endommagées des bâtiments, et sous le ciel nocturne, on peinait à distinguer les véritables convives des ombres qui passaient sur les murs.

Les deux frères s’accroupirent simultanément. Aucun danger immédiat ne semblait encore les menacer ; il allait simplement falloir se faire oublier, calmer les pulsations de leurs cœurs alarmés, et reprendre un peu leur souffle avant de filer de là. Morgan passa le dos de sa main sur son front en sueur, et gratta machinalement l’une de ses deux paumes. Ses blessures, peu profondes, étaient en train de se refermer, emprisonnant de minuscules fragments de verre à l’intérieur des minces cicatrices. La sensation qui en résultait était assez désagréable, ça le démangeait. Sans réfléchir, il tenta d’extraire quelques-uns des éclats qu’il pouvait sentir sous ses doigts, et jeta un coup d’œil à Freddy.
 
« Y’en a qui sortent, là-bas.

– Ouais, on dirait... »


Le ton de son frère était distant et l’hydre se pencha pour tenter de percer son regard noisette, qui restait fixé sur la foule agitée. Comme un pan de décor s’embrasait dans une gerbe d’étincelles, le mage appuya ses coudes sur ses genoux en serrant les poings, une faible lueur s’éclairant au fond de ses pupilles, contenue à grand’peine si on en croyait la tension dans ses épaules.

« On d’vrait pas laisser faire ça… »


Un regard à son hydre sembla suffire pour le faire taire, cependant. Il se résigna. Avec l’arrivée des forces de l’ordre jouant du sifflet à droite à gauche, il aurait dû pouvoir se détendre et croire qu’ils sauraient contenir le chaos. Plus facile à dire qu’à faire pour le Noireaud qui secoua la tête silencieusement, avant de tendre la main pour saisir délicatement celle de son jumeau entre les siennes.
Le sang était toujours là, qui séchait. Il aurait voulu pouvoir le laver. Il voyait maintenant que les blessures n’avaient pas été trop graves, mais il garda possessivement la paume jumelle contre lui, pour calmer les battements de son coeur. Puis il prit le relai afin d’extraire doucement les graviers et autres joyeusetés des plaies qui cicatrisaient déjà, en essayant de ne pas voir le sang.
Une minute plus tard, une voix familière brisa le calme apparent, parmi le brouhaha de la foule :

« Mais puisque je vous dit qu’ils s’en prenaient à mes amis !
– Jeune homme, lâchez déjà cette planche et répondez à nos questions, je vous prie.
– Laissez-moi passer, je dois les retrouver, m’assurer qu’ils sont saufs ! »

Les jumeaux levèrent le nez à l’unisson. Morel se faisait interroger. Ils se remirent debout sans se concerter et firent un pas dans sa direction.

« Laissez, m’sieur l’agent, on l’connaît.

– Ouais. Et j’confirme, on lui en doit une bonne. »


En les voyant approcher, Morel braqua sur eux un regard soulagé. Il avait sous le nez un mince filet de sang séché – sans doute un mauvais coup –, qu’il essuya nonchalamment d’un revers de la main, ainsi que quelques égratignures çà et là, mais rien de bien méchant quand on songeait à tout ce qui venait de se produire. Le flic, cependant, ne semblait pas vouloir lui lâcher la grappe. Il fallait dire qu’il n’y était pas allé de main morte, avec sa planche, d’après ce qu’ils avaient pu en voir avant de décamper, et il n’était pas surprenant qu’on vînt lui en demander des comptes. Néanmoins, étant donné les circonstances, aucun d’entre eux ne paraissait trop s’en faire : face aux chasseurs de sorcières, ils n’avaient fait que se défendre. Pourvu seulement qu’on se donnât la peine de les écouter.

« Alors c’est vous, ses "deux amis" ? Ça tombe bien, j’aurais aussi deux-trois questions à vous poser. Mais d’abord, posez cette planche, monsieur, pour l’amour du Ciel, et tenez-vous tranquille. »

L’étudiant, qui s’était avancé vers les deux frères, laissa son arme de fortune glisser hors de ses doigts, tandis qu’il les scrutait de la tête aux pieds pour s’assurer qu’ils n’avaient rien. Le morceau de bois toucha le sol dans un claquement sourd. Morel n’avait pas l’air d’avoir encore fini de reprendre ses esprits, et à le voir de près, ils remarquèrent que tout son corps était encore agité d’un léger tremblement. Il ne devait pas avoir l’habitude de ce genre de grabuge. Eux non plus, remarque, mais on pouvait tout de même dire qu’ils en avaient vu d’autres.

Morgan lui posa une main sur le bras qui voulait dire "désolé pour tout à l’heure". Le policier n’y prêta pas attention, reparcourant ses notes d’un coup d’œil, puisque les trois compères ne faisaient plus signe de vouloir s’éloigner.

« Alors, lequel d’entre vous est allé faire des signes au ballon ? Ça faisait référence à quoi, si c’est pas trop demander ? »

L’agent parlait d’un ton sec, fatigué. C’est sûr qu’avec tout ça, ils allaient avoir du pain sur la planche, et jusqu’à l’aube, sans doute. On ne pouvait pas vraiment lui en vouloir.

Il y eut un silence, un échange de regards. L’homme claqua des talons d’un geste impatient, que l’on devait probablement enseigner à l’école de police, tant il était universel. C’est l’un des deux jumeaux – celui de gauche – qui finit par répondre. Enfin… répondre. Disons qu’il renifla. Ostensiblement, et d’un air blasé, les bras croisés devant son costume. Puis il sortit d’un coup d’un seul une phrase dont les syntagmes et la grammaire échappèrent au fonctionnaire parisien.

« Eh bah disons qu’chui pô ben sûr qu’ce soit fort poli d’vous traduire la référence, ‘sauf vot’ respect, voyez. »


Le policier, crayon en main, tiqua de l’oeil droit. Cligna des yeux. Soupira. Nota trois mots puis se tourna vers Morel à nouveau.

« Et donc selon vous ça aurait suffi à faire agresser monsieur ici présent, par ces messieurs présentement interrogés par mes collègues devant nous, c’est bien cela ?
– Exactement.
– Et vous confirmez tous les deux ? »

Acquiescement synchronisé des jumeaux. Nouveau tic de l’oeil droit. Dire qu’il était censé finir sa journée trente minutes auparavant… L’homme consulta brièvement ses notes. Un pli barra son front. Ses collègues étaient-ils vraiment sérieux ? Il devait vraiment interroger quelqu’un pour… Il soupira, résigné :

« Apparemment l’un de vous aurait également, je cite : "Exercé délibérément une poussée mal intentionnée sur un témoin alors occupé à reprendre le noeud de son soulier droit et ce, en position penchée, ledit soulier étant appuyé sur un muret de hauteur standard, résultant en une chute conséquente, additionnée d’un dommage non-négligeable à l’encontre de son masque festif, commissionné par les organisateurs du présent événement costumé". Vous pouvez m’en dire plus ? »

Cette fois-ci ce fut à Morgan d’écarquiller grand les yeux. Il n’était pas certain d’avoir saisi tous les détails techniques, mais enfin, il croyait entrevoir le fond de la question.
 
« Bah heu… Ch’aurais vous dire ? C’est sûr qu’on s’est carapaté dare-dare, quand z’ont voulu nous tomber d’ssus, m’enfin on a poussé personne, enfin pas qu’je sache, ou alors c’tait du pô fait exprès… Mais plus franch’ment, j’crois pas. »


Le policier se passa la main sur le visage, et griffonna de plus belle. Lui non plus n’était pas certain d’avoir bien compris tout le fond de la réponse, mais il s’en passerait pour ce soir. Les provinciaux et leurs dialectes… Il tourna la page en soupirant, tomba sur la question suivante, et leva un moment les yeux au ciel. Des serpents volants, des sorcières, et maintenant ça. Une plaisanterie, sans doute. Une blague inopportune. Mais les consignes étaient claires : pour cette nuit, ils ne devaient rien laisser au hasard, pas même les déclarations les plus improbables. Il eut une pensée pour son lit, qui l’attendait quelque part dans le 14ème, et revint à ses trois suspects avec lassitude.

« Enfin, on vous accuse également d’avoir dérobé un portefeuille... »

Jusque-là, la chose était classique, mais pour la suite… Ses épaules s’affaissèrent légèrement.

« Un portefeuille vide… »

Son nouveau soupir tenait plutôt du râle. Il se balança sur ses pieds.

« Et de l’avoir rempli de… Hem.»

Il toussota.

« …De toasts. »

Il leur adressa un regard blasé, tandis que son crayon demeurait suspendu en l’air, dans l’attente d’une nouvelle déclaration. À ce stade, plus rien ne le surprenait.

« Alors, j’écoute ? Qu’avez-vous à répondre à cette dernière accusation ?... »

Les trois jeunes gens devant lui réagirent chacun à leur façon. Le jumeau de gauche eut un rire, qu’il contint immédiatement, mais qui sembla résonner dans sa poitrine tant et si bien qu’il s’échappa à plusieurs reprises. L’agent de police ne pouvait pas vraiment le blâmer… C’était une longue nuit pour tout le monde. Le jumeau de droite émit un gargouillement d’estomac contrit. Leur compagnon posa sur le fonctionnaire un regard mêlant un rien d’inquiétude et… une sorte de pitié bienveillante dont il ne sut s’il devait s’en offusquer ou non.

« Je vous demanderais un peu de respect, messieurs, ceci est une affaire séri–
– LANDAIN ! interrompit soudainement une voix tonitruante. Alors ?! Où en êtes-vous de l’enquête, mon vieux ? »

Pouvait-on toujours parler d’un tic, quand l’oeil droit de l’agent s’était en réalité littéralement fermé tout seul pendant plus de quinze secondes ? Le propriétaire de ce magnifique baryton percuta l’agent d’une grande claque dans le dos, telle une boule de pétanque, un cochonnet.

« Kreuh ! Rheu ! euhm. L’inter– euhm, l’interrogatoire est en cours, chef. Teheu ! Je questionnais justement ces jeunes gens sur l’affaire du portefeuille volé, chef.
– Un portefeuille volé, très bien, ça !
– Eh bien c’est-à-dire qu’il était vide, chef.
– Un portefeuille volé vide ! AHA !
– Dois-je préciser qu’il a été déclaré comme étant vide avant d’être volé, chef.
– Un portefeuille volé vi– Pardon ? Landain ! Nous sommes sur un site sensible, mon gars ! Nous recherchons des meurtriers ! Pas des… Par tous les saints, jeune homme, où avez-vous trempé vos mains ?
– Euh, je…

– Eh ! Le touchez pas !

– Mais par Saint Georges, c’est du sang ! LANDAIN !!! Vous avez devant vous un cas typique de Prise Sur Le Fait numéro Dix-huit et vous ne voyez rien ! Jeune homme, je vous somme de vous expliquer ! Montrez voir ! Et vous, restez où vous êtes.»

Frédéric recula tandis que, face au nouvel officier, l’hydre n’en menait pas très large. L’agent lui avait saisi les mains sans ménagement, et par réflexe, Morgan tenta de se dégager.
 
« Nan mais c’est rien ça, j’me suis coupé en tombant… »


C’est vrai qu’il se tuait à le répéter, que les entailles n’avaient rien eu de sévère, mais il avait plusieurs fois dû essuyer le liquide poisseux sur sa chemise blanche, et à présent, il semblait barbouillé de rouge dans des proportions inquiétantes. Il ne devait même pas y avoir tant de sang que ça... Mais vu comment il était étalé, le spectacle qu’il donnait avait potentiellement de quoi semer le trouble.

« Et coupé où, jeune homme ?! LANDAIN ! Passez-moi de l’eau, on n’y voit rien, ici !  
– Bah aux mains, ça s’voit p– »


Il ne termina pas sa phrase. Le chef venait d’arracher une bouteille des mains de son subordonné, et lui en versait le contenu sur les paumes, où il songea soudain qu’il ne devait rester, au mieux, que quelques infimes égratignures. Il déglutit.

« Aux mains, vous dîtes ?! AH ! Je voudrais bien voir ça, vous n’avez rien du tout ! Landain, notez !!! Ça, mon p’tit bonhomme, vous avez intérêt à vous en expliquer, et vite, sans quoi– !  
– Nan mais j’me suis p’têt coupé aut’ part, ou bien…

– Vous plaisantez ?! Il est tombé en plein sur le verre il n’y a pas une demi-heure, j’y étais ! Où voulez-vous qu’il soit allé se faire ça, vous n’avez pas dû bien regarder… »

Morel venait d’intervenir. Il avait repris l’une des mains de Morgan que le policier venait de lâcher, tiré de sa poche un mouchoir en coton, et s’acharnait désormais à frotter les dernières traces de sang qui résistaient, avec délicatesse, mais humeur. Il restait relativement calme, mais tous ces évènements avaient dû mettre ses nerfs à rude épreuve.
 
« Mais laisse, Morel, j’ai rien, là…

– Ne dis pas n’importe quoi ! Tu saignais, ça gouttait même par terre… Tu t’étais... Tout à l’heu– »

Morgan bascula soudain en arrière et Morel ne tint plus que le vide. Frédéric avait tiré violemment son frère par-derrière lui, s’interposant comme il le pouvait. Morel leva un regard confus vers les jumeaux, son cerveau refusant d’accepter ce que ses yeux avaient constaté : que les paumes du plus jeune ne cachaient que des croûtes déjà prêtes à tomber, parmi d’insignifiantes éraflures. Il observa le cracheur de feu devant lui et remarqua qu’il était pâle et tremblant, mais que son regard était dur. Le mage se tourna vers les policiers, notant du coin de l’oeil que d’autres agents surveillaient leur position, prêts à intervenir en cas de besoin. Ils ne pourraient aller nulle part.

« Y’a des f’nêtres qu’on pété à cause du ballon. Il a aidé une dame qui s’avait coupé d’dans. C’est elle qui saignait. Y s’en est mis partout c’est tout. Il a rien fait d’mal ! Moi aussi j’en ai sur moi. »


Il tendit ses mains à peine tachées d’hémoglobine pour inspection. Morel refusait de comprendre.

« Mais non, c’est lui qui est tombé, c’est même pour ça que tu…
– On a aidé une bonne femme qui s’avait coupé l’bras. Voilà c’qui s’est passé. Il lui a t’nu l’bras pour pas qu’elle pisse le sang. C’est ça qui s’est passé !

– Fred...

– Témoignages contradictoires ! »
Le policier tira de son veston un sifflet sur lequel les flammes du brasier se reflétèrent et siffla un grand coup, faisant grimacer les trois jeunes.
« Vous tous, arrêtez-moi ces trois-là ! Nous avons–
– NON ! Vous êtes fous ? Vous n’avez pas dû bien voir ! Il s’est coupé sur le ve–
– MOREL, ferme-la !

– Quoi ? Mais tu… ?! »

Landain s’avançait vers les jumeaux, le chef saisit le bras de Morel qui, une fois de plus, sembla perdu. Il n’avait jamais vu les jumeaux aussi blancs. Frédéric maintenait Morgan derrière lui comme pour le protéger de… de quoi ? Il les vit se tourner vers la Seine, compter des yeux le nombre d’agents qui s’approchaient au pas de course. Les jumeaux… avaient peur ?

« Attendez !!! Attendez, j’ai encore deux autres amis qui pourront vous confirmer ce que nous disons ! Ils ne peuvent pas être bien loin, nous les avions laissés sous un porche…
– Encore "deux amis", hein… commenta Landain d’un ton sceptique.
– Deux complices, oui !!! Landain, si personne ne les interroge, on a dû les emmener place Saint-André. Embarquez ces trois-là, et retrouvez les deux autres ! Je vais prévenir le commissaire – et vous, vous me les gardez au frais d’ici-là.
– Attendez, chef ! Vous oubliez une pièce à conviction !
– Ah oui ! s’exclama-t-il en ramassant la planche en bois qui traînait encore à leurs pieds. Bien joué, mon vieux. Et maintenant, exécution – et que ça saute ! »

L’officier fit signe à deux autres agents de les rejoindre, et ils escortèrent ensemble le petit groupe jusqu’à l’issue de fortune ménagée à travers les décors.
L’étudiant en profita pour esquisser un nouveau regard confus en direction des deux frères. L’un semblait bouillir de l’intérieur, l’autre était manifestement transi d’angoisse. Il ne pouvait pas croire ce qui leur arrivait. Au cœur de la bataille, sous l’effet de l’adrénaline, il n’avait pas réfléchi à deux fois avant de se jeter au sein de la mêlée ; mais à présent, la seule pensée de se retrouver ainsi conduit au poste rendait ses jambes flageolantes. Et tout cela pour quoi ?... Il était incapable de se l’expliquer clairement.
Aldrick Voelsungen
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeVen 17 Mai - 0:28

Le coup de feu résonna sur la place et le fit violemment sursauter avant de se baisser, par instinct sa main gagna sa côte, où son arme était absente. Il pesta, tandis que son cœur s'affolait dans sa poitrine.

* Andréa ! Rose ! Est-ce qu'ils vont bien ? *

Ses iris dorés parcoururent l'assemblée sans les trouver ; l’inquiétude le submergea, alors que le ballon achevait enfin sa course folle dans un grand fracas. Avant même qu'il en ait eu conscience, Aldrick avait rejoint la fontaine à grandes enjambées, en criant leurs noms. Aucune réponse ne lui fut donnée et la vision des lieux le plongea dans un mutisme rare : des humains tentaient de retenir le mandala et parmi eux, Edward.

La peur laissa place à une inégalable surprise. En d'autres circonstances, il se serrait pincé pour être sûr de ne pas rêver. Mais l'imposant roc s'affaissait sans ménagement sur le groupe d'irréductibles, qui tentait de le remettre en place, sans finir écraser comme une crêpe. Il fallut qu'un humain, avec un moineau sur l'épaule, ne crie : « AIDEZ-NOUS ! », pour qu'une dizaine d'invités, lui compris, sortent de leurs torpeurs et se précipitent simultanément pour renforcer le groupe d'acharnés qui luttait courageusement.

- Un coup de main ?

Sans attendre de réponse de son homologue, il se plaça aux côtés d'Edward et combina sa force colossale à celles des présents. Granuleuse, lourde et froide, l'énorme roche leur donna un aperçu, bien trop réaliste à son goût, au fait d'être bloqué sous une chape de plomb. Ou de pierre en l'occurrence.

- À trois on pousse vers le haut ! Hurla un homme près d'eux. Un ! Deux ! Trois !

Le mandala gagna plusieurs centimètres, mais l'impulsion trop faible, rendit le fardeau encore plus conséquent lors de sa rechute. Plusieurs humains vacillèrent, les déséquilibrant brusquement. Pas question de finir aplati ! Le brun serra les dents avec force tout en consolidant ses appuis au mieux. Heureusement, d'autres virent immédiatement leur porter secours, permettant ainsi de maintenir miraculeusement l'équilibre précaire de l'ensemble du groupe.

- Encore une fois ! Allé du nerf ! Cria-t-on à leur gauche.
- Facile à dire ! Grommella un jeunot faiblard.
- Un ! Reprit l'autre plus fort encore.
- Deux ! S'échinèrent les autres présents.
- Trois ! Conclurent-ils en cœur.

Un cri commun précéda une impulsion nouvelle, non sans les faire rougir sous son poids, la structure grinça sinistrement, remontant prodigieusement sous leurs forces cumulées. La pierre repassa à la verticale, se réaxant partiellement. Dans un crissement désagréable, elle oscilla légèrement de droite à gauche et finit par se stabiliser, retrouvant enfin son emplacement originel. Figés, ils observèrent le mandala de longues secondes durant, sans oser bouger, ni même respirer, jusqu'à ce que quelqu'un abandonne enfin, avec incertitude, sans oser y croire :

- On a réussi ?
- Elle ne bouge plus ?
- On peut partir ? Ça ne va pas retomber ?

Un bref silence s'installa, mais, lorsqu'ils furent certains que cela ne bougerait plus, chacun s'éloigna précautionneusement. Redescendant à peine en pression, la vision d'un adolescent brun rappela au commissaire sa précédente inquiétude.

- Ça va ? Tu sais où est Andréa ? Questionna-t-il à l’attention du loup blanc, le souffle court, en jetant des coups d'yeux rapides à la foule. Ashton était avec lui, mais...

Cependant, les valeureux sauveurs n'eurent guère le temps de souffler, que déjà, la plupart fut réquisitionnée sans ménagement.

- Bravo messieurs ! Maintenant il faut s'occuper du feu ! Ordonna une voix familière, avec un fort accent anglais, sans s’excuser outre mesure d’avoir couper court à leur conversation.

Aldrick découvrit alors un officier de police châtain, d'une maigreur affligeante malgré son port altier, qui s'essuyait le front d'un mouchoir immaculé. Manifestement, il avait, lui aussi, contribué à replacer la lourde roche.  

- Il faut aider par là-bas ! Aboya l'agent, d'un index vindicatif, les sourcils froncés à l'extrême, la moustache frissonnante, avec une autorité qui ne laissait aucune place à l'objection.

La majorité s’exécuta sans mot dire, se divisant en plusieurs files, suivant les indications du policier.

* Bon sang, c'est fou ce qu'il ressemble à...*

- Tobias... ? Abandonna-t-il, sans s'en rendre compte, à la suite de ses pensées, stupéfait.
- Yes ?* Répliqua l'autre machinalement en se tournant vers lui, dubitatif. On se connaît ?
*Oui ?

L'étranger le scruta comme s'il le découvrait, non sans lui refiler au passage un pichet d'eau à faire passer à son voisin.

- What ?* Bouclette ? C'est toi ?
*Quoi ?

Alors seulement, Aldrick réalisa qu'il avait non seulement perdu de vue Edward  — ce qui lui sembla plutôt une bonne nouvelle, vu les circonstances — mais qu'en plus, son interlocuteur n'avait rien oublié de ce stupide surnom, malgré les années. Sa mine se fit plus agacée, lorsqu'il confirma, malgré lui, outré.

- Hey ! Ne m'appelle pas comme ça !
- Unbelievable !* J'ai cru que je rêvais en lisant ton nom sur la liste de suspects mais c'est bien toi ! Je suis so happy** de te voir !
- Moi aussi ! Attends... Quoi ? Des suspects ? S'étonna le loup alors qu'il lui serrait vigoureusement la main, non sans lui avoir administré une franche tape dans le dos au préalable.
*Incroyable **Tellement content

Il l'aurait giflé avec une force démentielle que le loup noir n'aurait pas eu l'air plus effaré. Son étonnement fut tel que ce sentiment à lui seul, remplaça tous les autres, pour le laisser complétement coi, les bras ballants et la bouche entrouverte. Le Britannique ne s'en formalisa pas et reprit comme si de rien n'était.

- Fais passer la bassine, enfin ! Tu ne vois pas que tu bloques la file ?!

Sans réfléchir, ni même entendre les ronchonnements de l'individu le plus proche, il obéit machinalement, à peine étonné de se retrouver au milieu « des pompiers bénévoles improvisés »  ou encore de voir son ancien collègue sortir un calepin et un crayon pour l'interroger. Le pragmatisme anglais dans toute sa splendeur s'exprima alors en ces termes :

- So...* Bouclette...
*Alors...

Le regard noir du loup le dissuada de poursuivre son jeu, Tobias s'éclaircit la gorge et reprit avec plus de sérieux.

- ...Aldrick. Un témoin prétend t'avoir vu abuser de ta condition de policier pour étreindre une vieille femme, qu'as-tu à dire pour ta défense ?
- QUOI ?!

Rouge comme un fruit trop mûr, Aldrick s'était d'abord figé telle une statue de marbre, avant de s'étrangler dans un charabia incompréhensible ponctué de grands gestes agités. Le seau qu'il venait de récupérer lui échappa des mains, pour s'écraser violemment au sol, inondant d'une eau glacée, chaussures et costumes. Il eut un mouvement de recul. Trop tard : il était trempé ! Près de lui, on pesta méchamment contre sa maladresse, mais le loup se contenta de s'excuser dans un incompréhensible dialecte. Plusieurs secondes de plus lui furent nécessaires avant qu'il ne parvienne enfin à se défendre, en reprenant contenance.

- Non mais ça ne va pas ?! Jamais je ne ferais ça ! Forcer une femme à...
- Je m'en doutais. Murmura Tobias en notant d'une main, poussant le seau plus loin du pied, l'air de rien. Toujours aussi doué pour te faire des amis. Souligna-t-il en souriant poliment aux mécontents, qui ne quittèrent pas la file pour autant, même lorsqu'il ajouta que les pompiers étaient en chemin.

Ces simples faits, suffirent à calmer considérablement le brun, dont le cœur pulsait violemment contre sa poitrine. Être du côté des suspects, dans une soirée comme celle-ci, lui faisait un drôle d'effet.

- Question suivante : tu es accusé d'avoir frappé un homme ivre, est-ce vrai ?

La bouche entrouverte sous la surprise, il fallut au commissaire beaucoup de concentration pour ne pas réitérer sa précédente bêtise et passer convenablement le nouveau contenant d'eau. Refermant lentement la bouche, ses iris mordorés toisèrent les présents avant que Tobias ne réclame son attention en réitérant la question.

- Oui, mais ces types voulaient sacrifier une enfant à ce ballon géant ! C'était n'importe quoi ! Elle criait si fort...
- Alors c'est vrai. Conclut Tobias stupéfait, d'une voix blanche, en gribouillant des lettres illisibles. Tu étais en service ?
- Ce n'est pas important, je te dis qu'ils...
- Bien sûr que c'est important ! Coupa son vis-à-vis. Tu étais en service, oui ou non ?
- Non.

Leurs poings et leurs mâchoires se crispèrent simultanément.

- Je n'allais quand même pas les laisser la maltraiter sans rien faire ! S'emporta le loup noir, excédé en sortant du rang.
- Ce n'est pas ce que j'ai...
- Il aurait fallu quoi ? Coupa Aldrick. Que je les prenne la main dans le sac en train de faire du vol à la tire ? Là ça aurait été légitime ?
- Naturellement, mais...
- Bon sang, Tobias ! Ça aurait pu être ta sœur ou la mienne ! Il n'y aurait pas eu de différence ! Clama le loup dans un geste rageur.
- That's enough !* Calme-toi ou je te jette dans le premier panier à salade** venu !
*Ça suffit ! **Fourgon policier

Scotché, Aldrick avisa son comparse sans comprendre comment il avait fait son compte. L'autre maugréa contre l'impulsivité de son ami. La tension monta d'un cran. Les yeux dans les yeux, ils se toisèrent, sans ciller.

- Euh... Chef ? Tenta un petit homme trapu mais discret, manifestement gêné d'interrompre une conversation si pesante.

Sûrement une nouvelle recrue téméraire.

- Quoi ?! S'enquirent-ils d'une même voix, en se tournant d'un bloc vers l'enquiquineur.

Ils échangèrent un regard : les habitudes avaient la vie dure. D'abord surpris, l'homme retrouva rapidement de son aplomb, en se mettant au garde-à-vous.

- Sergent Stafford ! Les pompiers sont là, ils vont prendre la relève, mais... Il pointa du doigt le centre de la place.  On a un blessé grave. Savez-vous s'il y a un médecin dans l'équipe ?

Juron anglais et transylvain se mêlèrent, les deux amis échangèrent un léger et furtif sourire, avant de grimacer de concert en observant la masse grouillante autour d'eux. Personne ne leur venait à l'esprit. Mais l'Anglais poursuivit :

- Grave comment ? Je connais quelques soins basiques, peut-être que ça peut suffire ?
- Il a pris une balle. C'est un garçon brun, plutôt grand...

Le cœur d'Aldrick manqua plusieurs battements vitaux, alors qu'il abandonnait, blanc comme un linge, craignant le pire :

- Non... Andréa...
- Wooh ! Qu'est-ce qui te prends ?! Aldrick ! Reviens ici !

Il n'écoutait plus. Filant à toute allure dans la direction indiquée, son souffle se raréfia, son cœur, prêt à exploser, persécutait son esprit de scénarios plus horribles les uns que les autres. Le brun fendit la foule avec l'instinct d'une bête affolée, évitant les obstacles avec une facilité déconcertante, la peur au ventre, lui broyait les tripes, plus efficacement encore depuis qu'il se remémorait le son meurtrier du coup de feu. Il ne se rendit même pas compte qu'il était poursuivit par l'étrange duo, qui le sommait de s'arrêter immédiatement. Ce qu'il fit quelques mètres plus loin. Il pila net en découvrant que d'autres agents entouraient le corps étendu d'un inconnu près de Jules. Un soulagement sans nom ébranla la carrure toute entière du lycanthrope qui manqua de tomber à genoux près de l’antiquaire. Seul son orgueil, allié au regard implorant du jeune homme le maintinrent encore debout.

- Vous... ? Abandonna-t-il, dans un souffle aussi étonné que haché, tout en cherchant encore du regard la silhouette d'Andréa.
- S'il vous plaît, un médecin ! Vite ! Supplia Jules.
- J'arrive ! Hurla un homme derrière eux.
- Docteur Follet ? S'étrangla Aldrick en se retournant, reconnaissant aussitôt l'homme qui l'avait aidé au Strano.
- Oh, commissaire.... Grimaça-t-il en terminant un bandage sur le bras d'une aristocrate blessée.  Vous êtes partout où il y a du grabuge, on dirait... Souligna-t-il sans une once de sympathie. Jeanne ! Par ici !

Aldrick allait répliquer, mais resta la bouche ouverte. Dans la foule, non loin d'une enfant brune et de ses poursuivants, une chevelure blonde capta son attention. Il la connaissait par cœur.

- Rose !


Spoiler:


Dernière édition par Aldrick Voelsungen le Ven 17 Mai - 19:16, édité 1 fois
Andréa Eyssard
l Un monstre dans la peau l
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeVen 17 Mai - 0:43

Autour de lui, les flammes.

Au coup de feu, Andréa s'était accroupi, les mains sur les oreilles. Haletant, l'esprit parasité par ses émotions, ses iris noisette avaient vu ce qu'il s'était interdit d'entendre : l'enfer. Courses désordonnées, bousculades et cris étouffés s'étaient succédés au milieu des brasiers allumés par la mort de Quetzalcoatl. Aux teintes désaturées des costumes comprimés dans la pénombre, se superposèrent les éclats des braises virevoltantes et les taches flamboyantes des foyers. Le feu découpait des ombres mouvantes et révélait les restes du faste décor de leur soirée. Aucun Satan, aucun Pluton ne manquait à ce sombre tableau.
Choc. Quelqu'un heurta Andréa sans le voir. Il ne pouvait pas rester là. Tremblant, le garçon découvrit lentement ses oreilles. Alors à l'image, s'ajouta le son. Des bruits grossiers s'amoncelaient en une cacophonie informe et dérangeante. Aux cris, aux foulées agitées, aux mouvements des tissus et des chaires, s'ajoutèrent les craquements des flammes dévorantes. L'odeur de roussi le prit à la gorge, il se replia sur lui-même. Une quinte de toux unique rejeta une flaque sanguine qui éclaboussa ses mains posées au sol. Il s'était seulement mordu la langue, mais la surprise suffit à le renverser en arrière. Ses doigts effleurèrent une masse duveteuse. Il les retira précipitamment, tourna la tête. Frisson.

Manfred…

Non. Ce plumage brun, ce n'était pas lui. Soulagement. L'oiseau roucoula faiblement, la tête lovée sous son aile blessée. Malgré l'agitation ambiante et son propre stress, le louveteau n'eut pas la force de le laisser là. Il se pencha et le récupéra entre ses mains tremblantes.

Ça va aller petit père.

Avec délicatesse, il le déposa sur son épaule. L'animal s'y installa calmement, comprenant qu'il venait de trouver un ami. Andréa le félicita et caressa du bout du doigt son ventre rebondit, lui aussi rassuré d'avoir quelqu'un à qui parler.

Je connais quelqu'un qui te soignera. Elle est juste…

Personne. Le jeune loup se leva, lentement, les articulations rouillées par la fatigue et la douleur. Perdu, il chercha Dolores du regard. Il était pourtant certain de l'avoir vue. Droite. Gauche. Rien. On le poussa. Il s'excusa tout bas, fit quelques pas, puis se retourna brusquement. Il les avait oubliés. Madame Rose, Monsieur Julius et Ashton. Tous trois l'avaient secouru et tous trois avaient disparu. Froncement de sourcils. Se rappeler.
La foule, les cris, certaines mains armées de ce qu'elles trouvaient, l'étau qui se resserrait. Ils s'étaient défendus, mais ils perdaient du terrain. Il n'était plus seul, mais il avait peur. Puis il y avait eu cet homme. Sorti de nulle part, il avait appelé au calme, sans succès tout d'abord, puis d'autres l'avaient appuyé et une vague de lucidité avait doucement apaisée les esprits. Après ? Quetzalcoatl. Il avait fondu sur eux encore et encore. On s'était dispersé, sauf lui, tombé. Impossible de savoir combien de temps il était resté couché au sol, les mains sur la tête. À la première accalmie il avait bondi sur ses pieds et là, le coup de feu.

Un soupir souleva ses fébriles épaules. L'oiseau roucoula doucement, se rappelant à lui. Le garçon redressa la tête et acquiesça :

On va la retrouver.

Avancer. Il verrait bien.

Il finit par remarquer le retour de l'ordre et les uniformes policiers qui s'agitaient en tout sens sur la place, une petite partie massée autour d'un homme qu'il ne distinguait pas. D'abord salutaire, leur apparition se transforma en un cauchemar lorsqu'Andréa repéra Frédéric, Morgan et un inconnu, escortés par trois agents de police. Ses mains abîmées posées sur ses lèvres étouffèrent un murmure :

I-Il faut que je le dise à Edward…

Ou pas. Retrouver son oncle, dans son état, pour l'avertir que deux de ses employés étaient emmenés par la police, c'était faire de Quetzalcoatl l'incident mineur de la soirée. La légende du loup blanc de Paris serait alors bien loin de la vérité.
Non. Il fallait retrouver Dolores.

– Hé vous ! Où vous allez comme ça ?!

Sursaut. Andréa s'arrêta. Automatiquement, ses doigts excoriés se prirent à tirer nerveusement sur la manche de sa chemise. Un agent de police, beaucoup plus petit que lui, la moustache épaisse, les sourcils plus encore, leva son nez dans sa direction. Impossible d'apercevoir ses yeux sous ces broussailles.

– Vous n'avez pas entendu ? Personne ne sort du périmètre !
Pardon, je ne savais pas.

Il sortit un calepin et un crayon qu'il humidifia entre ses lèvres.

Votre nom.

Le louveteau pâlit. S'il se faisait arrêter…

A-Andréa Eyssard.
– Andréa ?

Acquiescer. L'autre grommela quelque chose, puis nota.

– Qu'est-ce que c'est sur votre épaule Andréa ?
Un oiseau Monsieur.
– Un oiseau ?

Acquiescer encore.

Il est blessé, je ne voulais pas le laisser par terre.

Le garçon passa d'un pied sur l'autre, mal à l'aise. L'agent grommela encore, puis écrivit.

– Vous aussi, vous êtes blessé ?
Un peu…
– Que vous est-il arrivé ?
E-Et bien…
– C'est lui ! C'est lui qui m'a cassé le bras !!

Pâleur extrême. Andréa tremblait. Son premier réflexe fut de bredouiller une excuse, mais déjà sa « victime » les rejoignait en de grands pas accusateurs. Son bras valide brandit droit devant lui, l'index pointé avec énergie, il réitéra avec rage :

– Avoue donc ! Avoue que c'est toi !

Un deuxième agent les rejoignit d'un pas pressé.

– Monsieur Bancroft ! Il n'est pas permis de se soustraire au milieu d'une déposition !
– Mais c'est lui ! C'est lui le mécréant qui m'a attaqué et qui m'a brisé le bras !

Coup d'œil entre les deux policiers. Le premier tira sur sa moustache, humecta une deuxième fois son crayon et reprit sans qu'Andréa puisse discerner son regard :

– Est-ce vrai que vous avez cassé le bras de cet homme ?

Détresse. Il ouvrit la bouche pour parler, mais les mots restèrent coincés. La panique le gagna. L'aveu s'arracha à ses lèvres dans un son si pincé, qu'il ressemblait à un sanglot :

Oui…

Il voulait dire que c'était justifié. Il voulait jurer qu'il n'avait fait que se défendre, promettre qu'il était désolé, qu'il s'était excusé, assurer qu'il regrettait. Rien. Aucun autre son ne sortit de sa bouche.

– Ah ! Vous voyez ! Un fou ! Un fou je vous dis ! Il m'a agressé en profitant de la cohue ! Un peu plus tôt je l'ai vu frapper un convive avec un cactus !
Non, je n'ai pas…
– Un cactus monsieur l'agent ! Et puis il s'est jeté sur moi comme un loup enragé. Je me suis défendu comme j'ai pu, mais que voulez-vous faire face à une jeunesse aussi brutale ?
Mais je…
– Oh comme j'ai mal ! Et comme je souffre !

Il se contorsionna, son bras valide étreignant l'autre coincé dans une écharpe de fortune. Andréa était au bord de la syncope. Naïf enfant, la douleur de Monsieur Bancroft effaça ses mensonges et ne laissa dans son cœur candide, que le poids énorme de la culpabilité. Une larme roula sur sa joue. Il l'essuya d'un revers de manche poussiéreux.
L’imperturbable agent fronça ses épais sourcils. Il tourna doucement la feuille de son calepin, puis demanda en apposant son crayon sur la page blanche :

– Avez-vous frappé certaines personnes en utilisant un cactus ?
N-Non Monsieur…
– Menteur !

Le louveteau rentra la tête dans les épaules. L'oiseau se blottit contre son visage, tandis que le deuxième policier intervenait sèchement.

– Calmez-vous bon sang !
– Je me calmerai quand il sera en prison !

Prison. Andréa recula d'un pas. Il ignorait si l'on pouvait aller en prison pour avoir cassé un bras. Peut-être que oui. Longtemps alors ? Tout seul ? Son imagination fertile le renvoya aux images des cachots des contes. La peur lui délia enfin la langue :

Je suis désolé. Je n'ai pas voulu…
– Aïe ! Quelle torture, mais quelle torture !
Si vous ne m'aviez pas attrapé à la gorge, j…
– La tête me tourne… Vite aidez moi, je me sens faible.

Il s'agrippa à l'agent arrivé avec lui. De bien mauvaise grâce, l'homme l'aida à s'asseoir sur un pilier tombé à terre. Craignant d’altérer encore la santé du pauvre infirme, Andréa n'osa pas rouvrir la bouche. De ses grands yeux noisettes, il observa avec angoisse le policier à moustache consulter son carnet et attendit, terrifié, sa sentence.

– Bien. Restez dans le coin jeune homme, j'aurais probablement à vous parler à nouveau.
– Vous ne l'arrêtez pas ? S'étouffa Monsieur Bancroft.
– Non.
– M-Mais enfin ! Il vous faut une autre preuve que mon bras en miette ?!
– Non Monsieur.
– Mais il va s'enfuir !
– Vous allez vous enfuir mon garçon ?

Le louveteau secoua la tête, mais ne bougea pas. Avait-il bien entendu ?

– Vous voyez.

Il remonta son képi, une lueur bienveillante brilla sous ses épais sourcils. Le cœur du garçon retrouva de sa légèreté. Un merci et il s'éloigna. Derrière lui, Monsieur Bancroft hurlait :

– C'est scandaleux ! Scandaleux ! Le coupable est là, juste sous vos yeux !

Il était trop loin pour entendre la suite.

– Monsieur Bancrof, connaissez-vous Mademoiselle Clarence Lounel ?
– Non, cela ne me dit rien. Et je ne vois pas le rapport !
– Vous allez comprendre. Figurez-vous qu'elle m'a fait une intéressante déposition à votre sujet.

Quelques minutes plus tard, Andréa retrouvait Dolores. Son soulagement s'exprima en une longue et laborieuse explication, entrecoupée de quelques larmes de fatigue. Il lui raconta tout, dans le désordre. Clarence, la police, sa chute, les jumeaux, les coups, Edward, l'aide reçue et le bras cassé. Épuisé, il essuya sa bouche, au coin de laquelle il restait un peu de sang et rassembla ses forces pour une ultime déclaration.

Et j'ai trouvé un pigeon.

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Dolores Keller
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeSam 18 Mai - 19:13

« Et puis là il a tourné, tourné et fiooooooush il a fendu la foule tel un éclair virevoltant ! Ensuite il est remonté comme ça ! Ou non, plutôt dans cette direction, comme ça, notez-le ! Quoi ? Mais non pas aussi incliné ! 70 degrés environ, ou peut-être 75 ? Enfin, après être remonté, il est reeedescendu, d'un coup et SBRAAAOUM il a écrasé plein de monde ! C'était la panique, vous comprenez, les gens hurlaient, couraient dans tous les sens, l'enfer sur terre ! Enfin non c'est peut-être trop exagéré. Peut-être un petit enfer, un enferounet avec un serpent volant gonflable géant qui devient fou. Dans quel ordre vous préférez que je le dise ? Serpent géant gonflable volant ? Serpent volant géant gonflable ? Serpent gonflable géant volant ! Hm non le dernier sonne faux. On va fonctionner avec un acronyme d'accord ? On va dire SGGV ! Oui Quetzalcoatl ça peut le faire aussi, mais je trouve ça moins original. Quel dommage que la fête soit tournée autour de ce dieu là, il y en a d'autres avec des noms tellement plus intéressants ! Par exemple Mictlantecuhtli, qui si je ne me trompe pas est une sorte de dieu des enfers. Il aurait été de circonstance me direz-vous ! Oui voilà il y a un h après le u. Vous en voulez d'autres ? Bon d'accord ! Alors vous avez Tlahuizcalpantecuhtli, Mictlanpachecatl, Cihuatecayotl, ces deux là sont des dieux des vents si je ne m'abuse, et il y en a deux autres aussi, mais je les confonds toujours… J'aimerais bien avoir un nom aztèque moi aussi ! Vous pourriez le mettre à la place du nom que je vous ai donné tout à l'heure ? Par exemple Dolotutupanchtuhcli, c'est pas mal non ? Ou alors Kelletlochtpanyatl. Vous préférez lequel ? Mettez donc les deux et puis… Tu as fini avec sa déposition ? Non elle n'arrête pas de parler et j'arrive pas à en placer une ! Je me demande pourquoi les dieux aztèques ont des noms aussi compliqués. Peut-être qu'appeler une divinité Plappy était trop sobre pour eux. Pourtant c'est rigolo Plappy ! Trop gentillet peut-être ? Alors plutôt BLERGROOOST c'est mieux. C'est vrai que ça a plus de charisme. On imagine déjà le- Madame Keller s'il vous plaît… … Et en même temps, je trouve que c'est un peu classique le nom de dieu qui fait peur. Madame veuillez répondre aux questions de manière concise s'il vous plaît. Donne moi ton carnet le bleu. Mais… De toute manière le panthéon aztèque n'est pas vraiment mon préféré. D'accord les dieux ont un nom rigolo, mais- Madame ! C'est décidé, si j'adopte une grenouille, je lui donne un nom aztèque. Je vais peut-être commencer avec Adam pour m'habitu- MADAME KELLER ! Hm ? Oh pardon je vous avais oublié ! Tiens vous êtes deux maintenant ? Il faut dire, j'ai tellement de choses en tête avec toute cette histoire ! Vous saviez que- Vous êtes Madame Dolores Keller, n'est-ce pas ? Oui ! Je commence à être célèbre ! Quand Louise saura ça elle- C'est le nom que vous m'avez donné tout à l'heure… Madame, certains témoins indiquent vous avoir vue plusieurs fois près d'un homme musclé suspect dans cet affaire, c'est une de vos connaissances ? Un homme musclé ? Adam ? Mais c'est un artich- Ooooooh ! Hm… Oui ! Oui, c'est un cousin, je l'ai invité à venir à Paris pour cette soirée. Son nom ? Augustus Von Gertorteurt. Avec trois t. Euh… Oui, trois t. C'est allemand. Vous savez où il se trouve actuellement ? Iiil eeeeest… parti. Parti ? Je ne sais pas où. Même s'il est très charismatique et incroyablement musclé, c'est un gros peureux. Il a dû fuir dès qu'il en a eu l'occasion. Je vois… Nous essaierons de le retrouver. Dites-moi pourquoi portez-vous un costume d'homme ? Paaarce-queee… c'était une idée de mon assistant. Il s'est dit « Oh Docteur, et si vous vous déguisiez en homme ! » Et il a ri ! Alors là, moi, j'ai dit « Allons, ce n'est point raisonnable ! » Et au final j'ai quand même accepté car mon assistant a une incroyable force de persuasion. Tout repose dans son regard. Quand il vous voit, et plonge ses yeux dans les votre, impossible de résister ! Euh… Hm… Je vois. Une dernière question, vous avez été vue profitant du chaos pour piller le buffet, c'est vrai ? Keuah !? Qui a dit ça ! Qui a osé me vendre ainsi ! Je suis percée à jour ! C'est donc vrai ? Non c'est complètement faux. De toute manière leurs petits-fours n'avaient pas de goût. C'est tout bon ? Je peux y aller ? Et bien… On va dire que oui. Si vous retrouvez votre cousin, dites-lui de passer nous voir, ou d'aller au commissariat le plus rapidement possible ! Elle est déjà partie… Est-ce qu'elle nous a vraiment écouté ? Quand certaines personnes vivent un traumatisme, elles cachent leur malêtre derrière des paroles dépourvues de sens. Laissons la tranquille pour le moment… Et espérons qu'elle se remette de cette terrible soirée. »

Peu de temps après Dolores, finit par retrouver Andréa, sérieusement amoché, avec un adorable petit pigeon brun sur son épaule. Le jeune homme raconta tout à la doctoresse, qui l'écoutait d'une oreille tandis qu'elle tâtait en silence le visage et les bras de son camarade pour s'assurer de son état. Elle lui tira les joues et finit par mettre ses mains sur ses épaules pour calmer ses légers tremblements.

- Et j'ai trouvé un pigeon.

Le volatile croisa le regard de Dolores qui sentit un léger pincement au cœur en repensant à Manfred qu'elle avait laissé seul dans sa cage ce soir-là car il refusait de sortir sa tête d'une de ses chaussures. Elle prit l'oiseau dans ses mains et adressa un sourire à Andréa.

« Il est dans un bien meilleur état que Manfred quand je l'ai récupéré. Je le remettrai sur pieds en un rien de temps. Ou est-ce que je devrais plutôt dire sur pattes ? Peut-être qu'il deviendra copain avec Manfred ! Je commence déjà à m'attacher… Regarde ses petits yeux qui briiiillent ! Non, ce n'est pas raisonnable. Allez mon petit, je te soigne et tu retrouveras ta liberté ! Non pas toi Andréa, je parlais à cet adorable petit être emplumé. Mais je vais m'occuper de toi aussi, en espérant qu'Edward ne te trouve pas d'ailleurs. Garde Petit-Pigeon-anonyme-à-qui-je-ne-dois-pas-donner-de-prénom-sinon-je-vais-m'attacher. Vas par là-bas, tu devrais trouver Adam, il s'occupera de toi le temps que je vous rejoigne. Moi je vais aller faire un petit coucou à Edward. Hm… Peut-être que je devrais donner un coup de main pour cet homme qui s'est pris une balle. Je ne l'ai pas fait pendant l'autre soirée des De Montalant et Edward m'a disputée après… Bon je vais aller voir. Va retrouver Adam, dis lui que tu m'as trouvée. À tout à l'heure. »

Au même moment, plus loin, Adam et Rose-Lise regardent un grand policier rondouillard qui s'éloigne d'eux lentement. L'assistant de Dolores était encore tout tremblant, intimidé par les questions de l'agent, tandis que la journaliste ne pouvait s'empêcher de rester dubitative.

« Je me demande s'il vous a vraiment cru lorsque vous avez dit que vous aviez utilisé le plateau pour vous protéger du ballon géant, et pas pour frapper deux hommes… J-Je ne pouvais pas l-lui dire… Quand je repense à votre intervention ! Vlan ! Dans les dents, vilain ! Mademoiselle R-Rose-Lise, s'il vous p-plaît… Oh regardez quelqu'un s'approche ! Il est blessé ! Tiens, je crois l'avoir déjà vu… Monsieur Andréa ! A-Andréa ! Ici ! … Ah ! Vous êtes le jeune homme au crayon mouillé ! Le q-quoi ? »

De son côté, Dolores avait déjà retrouvé Armand, allongé au sol, baignant dans son sang. Un homme était déjà sur le point de s'occuper de lui, mais elle proposa son aide et l'assista pour stopper l'hémorragie. Aider les humains, ce n'était vraiment pas ce qu'elle aimait le plus, mais cette fois-ci, elle préférait s'en occuper plutôt que laisser Adam y aller, comme lors de la première soirée qu'ils avaient partagée chez les De Montalant.
Edward White
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeSam 18 Mai - 21:09

- Elle ne bouge plus ?

Essoufflé. Bras et épaules en miettes. Edward essuya son visage trempé de sueur d'un revers de manche, le regard levé sur la pierre énorme qui leur faisait face. Elle avait retrouvé son équilibre, sans faire de blessé. Miracle. Il déglutit, la bouche asséchée par l'effort. On se dispersa dans un brouhaha monstre encore accentué par des coups de sifflets hystériques. La police venait d'arriver. Il n'y avait pas de temps à perdre.
Bref coup d'œil pour Aldrick. Il nota sa présence, sans l'enregistrer. Peut-être qu'il parla, mais il n'entendit pas. Il n'était plus qu'un loup. Un loup en chasse. Cette femme l'obsédait.
Alors il s'éloigna. Son pas vif l'entraîna au milieu des brasiers. Il piétina les mets renversés du buffet, les décors brisés, calcinés, écrasa des braises et d'un bras, écarta la foule. Son cœur meurtrissait sa poitrine. Impossible de se calmer. Tout se bousculait trop vite. Aux questions désordonnées, aux doutes nombreux, se superposaient tout ce qu'il percevait. Agressés, ses sens lui hurlaient de s'éloigner, mais il avançait toujours. Entre ses dents, la chaire blanche de ses doigts se colora d'un filet carmin. Mordu trop fort.

On agrippa son bras libre.

– Venez nous aider !

Se dégager. Le geste fut brusque, animal. L'autre recula légèrement sous la surprise, mais il insista. Il lui tendit un seau cabossé, trouvé on se savait où. Il lui indiqua la fontaine, parla, pas un de ses mots n'atteignit le loup. Pressé. Il se décala, l'autre fit de même.

– On a besoin de bras solides comme les vôtres ! Les flammes ne doivent pas toucher les arbres !

Grogner dans un français massacré par un accent transylvain terrible.

Pas l'temps.

Son interlocuteur le sermonna. Rien à faire. Le canidé s'écarta et le sort s'acharna. Un tout jeune agent de police s'interposa. Le nez sur son calepin, il remonta par deux fois son képi trop grand pour lui, puis il gratta son front d'un geste perdu entre hésitation et réflexion. Interminable. Edward passa d'un pied sur l'autre, scrutant la foule, cherchant son odeur. Le gamin en uniforme s'exprima enfin après l'avoir pointé du bout de son crayon mâchouillé.

– Alors c'est… Vous que ça concerne.

Après une longue lutte pour séparer les deux pages du carnet, il tourna enfin le feuillet. Le loup devenait fou. Les mains enfoncées dans ses poches, il serrait les poings jusqu'à en faire blanchir les jointures, ses dents grincèrent. L'agent lu lentement :

– Est-ce que vous êtes volontairement passé sur un décor pour écraser un homme coincé dessous ?
Non.
– Oh d'accord.

Silence. Il griffonna quelques chose en tirant la langue.

C'est tout ?
– Bah…

Il tourna une page ou deux.
– Oui c'est tout.
– Attendez, attendez ! Intervint l'autre homme, en brandissant son seau. Il ne veut pas nous aider à contenir le feu en attendant les pompiers ! C'est inadmissible !
– C'est vrai ça ?
Oui.
– C'est pas hyper sympa.
Je n'ai pas le temps.
– Bah tiens ! Et qu'est-ce qui vous presse à ce point, on peut savoir ? S'enquit sèchement le convive.

Les poings sur ses hanches, légèrement penché en avant, il avait adopté une attitude de pur reproche. Edward l'observa d'un œil sombre, on n'y lisait que du dégoût. Il articula, la mâchoire serrée :

Je dois retrouver quelqu'un.
– Et qui ça je vous pire ? Votre fiancée peut-être ?!

La moquerie était à peine voilée. Il battit des cils pour l'accentuer encore, ses mains jointes près de sa joue, le contenant métallique se balançant dans un faible grincement. Edward se demanda combien de coups seraient nécessaires pour lui fracasser le crâne à l'aide de son seau. Un. Grand maximum.

– Ah mais je peux aider si vous cherchez quelqu'un ! Faîtes moi sa description, j'avertirai les collègues !
– M-Mais vous ne voyez pas que c'est une fausse excuse ?
– Chut, chut, ne me déconcentrez pas.

Et en bon élève, il se tint paré à prendre des notes. Le loup blanc fulmina. Il balaya mentalement sa description à elle, pour se saisir de celle de la première personne qui lui venait en tête.

Plus jeune que vous, mais plus grand. Cheveux noirs. Maigre. Yeux noisettes. Dans la lune.

Son neveu. Ils pouvaient bien retourner la place, ils n'étaient pas près de le retrouver. Le policier mit un point final à son œuvre. Plein de bonne volonté, autant qu'il manquait de jugeote, il remonta pour la énième fois son képi du bout de son crayon et claqua valeureusement des talons.

– Bien ! On va chercher de notre côté, essayez du vôtre.
Oui.

Edward s'éloigna. Vite.

– Mais… Vous n'avez même pas demandé un nom !
– Ah oui ! Mince !

Trop tard. L'autre leva les bras au ciel, agitant son seau.

– Et le feu alors !?
– Ah oui le feu. Euh… Et bien je vais vous aider, moi !

Il retroussa ses manches. Le loup blanc fit de même. Il avait mis le plus de distance possible entre lui et ces deux énergumènes. Il termina au bout de la place, plus loin des flammes et plus près quais. Fermés et gardés. Le pont aussi. Edward s'y attarda tout de même. Le suicide de Quetzalcoatl n'avait rien d'anodin. Plus rien ne la retenait à présent, elle chercherait forcément à quitter les lieux.
Une bise chaude arriva dans son dos et le fit frissonner. Derrière les relents de roussi, il distingua un parfum familier. Son cœur s'arrêta. C'était elle. Demi-tour.

– Vous n'essayez pas de vous échapper j'espère ?

Maudits soient ces chiens en uniforme ! L'agent s'avança. Plus âgé que son collègue, grand et sec, son visage glabre et émacié avait tout du requin. Sa bouche en « w », légèrement pincée, s'ouvrit sur ses dents effilées.

– Vous allez me suivre. On va vous interroger au poste.
Pardon ?

Au-dessus de son nez long et étroit se plissa un regard d'acier. Le loup recula. Rester sur ses gardes.

– Vous avez eu une altercation avec Armand Delcambre n'est-ce pas ?
Oui.
– Vous l'avez empoigné et menacé.
Juste empoigné.
– À présent, il git au sol dans un marre de sang.

Incompréhension soupçonneuse.

Et ?

L'autre fit claquer sa langue. Ses lèvres se tordirent davantage en une moue réprobatrice. Il récupéra à sa taille une matraque qu'il voulait menaçante. Edward rêva de l'enrouler autour de son cou.

– Ça vous arrange bien.

L'accusation injuste s'ajouta un à stress déjà trop important. Révolte. Le loup avança d'une foulée et toisa, de ses presque deux mètres, le minable homme de loi. D'un timbre sifflant, haché par son accent et sa colère, il lâcha :

C'est vot'abruti d'collègue qu'a tiré.
– Abruti ? Outrage à agent dépositaire de l'autorité publique, ça va vous coûter cher.

Edward le repoussa. L'agent fit trois grand pas en arrière, surprit par son geste autant que par sa force. Il releva la tête, le lycanthrope le surplombait déjà. Son regard n'avait plus rien d'humain. Il perdit de son aplomb, mais orgueilleux qu'il était, il ne se laissa pas démonter.

– Il y a une vingtaine d'agents sur cette place ! Touchez moi et ils vous sauteront à la gorge !

Si gentiment demandé. Le loup saisit sa proie au cou. Il leva le poing.

Stop !

La voix féminine s'infiltra au plus profond de son être. Elle le figea. Sensation désagréable et familière. Le souffle court, Edward comprit. Siren.
Deux petites mains blanches attrapèrent son bras levé. Avec une délicatesse joueuse, elle l'obligea à le baisser, puis s'y cramponna comme elle l'aurait fait avec un amant. L'agent, livide et parfaitement immobile, les observait, la figure ravagée par l'horreur.

Tu peux le lâcher c'est bon.

Edward obéit, mais il agit de son propre chef cette fois. L'agent retrouva sa liberté pour une unique seconde. Il la perdit en une chute.

Vous restez là et par pitié, fermez la.

L'homme s'arrêta. La bouche entrouverte, il étouffa le cri qu'il s'apprêtait à pousser. Son effroi la fit rire. Elle relâcha Edward et s'accroupit près du malheureux. Le loup remarqua qu'elle n'avait plus son masque, mais portait toujours sa capuche. Il s'avança sans s'en rendre compte. La jeune femme le coupa dans son élan :

Après les questions.

Retour au policier. Elle hésita, puis attrapa sèchement son poignet dont elle remonta la manche. Le dégoût retroussa ses lèvres roses. Elle inspira, puis enroula ses doigts sur la peau découverte. Son regard azur perça celui plus gris de son interlocuteur.

Calmez vous.

Ce fut chose faite.

Cet homme n'a pas besoin d'être emmené au commissariat. Il n'a aucun lien avec Armand Delcambre.
– C'est vrai qu'il n'y a pas de lien. Ils se sont juste disputés. Mais il a insulté Dubois.
Non. Il a dit ahuri, pas abruti. Vous avez mal entendu.
– Ça se ressemble beaucoup. J'ai confondu.
Maintenant, il faut retourner travailler, vos collègues vous attendent.
– Je dois aller aider mes collègues. Il y a du travail.

Elle s'écarta. Par réflexe, Edward aida l'agent à se relever. Il le remercia, rangea sa matraque et s'éloigna. La jeune femme croisa les bras avec satisfaction.

Il en a pour deux bonnes heures.

Un sourire aux lèvres, elle ajouta :

J'aurais dû lui dire de faire la poule.

Adieu patience. Le loup blanc la saisit par les épaules.

Il faut que je la vois.
C'est non.
C'est important.
Et c'est toujours non.
Je me souviens.

Touché. Siren écarquilla les yeux. Edward la libéra, elle réfléchit. Une main sur les lèvres, ses fins sourcils blonds froncés, elle martela le sol du bout de son pied. Une minute pour se décider.

D'accord.

Il respira. Elle lui fit signe de la suivre, alors il lui emboita le pas. Trois mètres plus loin, il s'arrêta net. Une sueur froide coula dans son dos. Non.

Qu'est-ce qu'il y a ?

La bise tourna et confirma. Non, non, non ! Pas maintenant !

Un problème ?
Je suis désolé.

Sa voix était éraillée, torturée.

Désolé ?
Je ne peux pas, pas ce soir.
Quoi ? Ne recule pas. Si tu te souviens, tu sais ce que tu lui dois !
Je sais ! Mais il y a….
C'est plus important ?
Oui.

Au déchirement qu'elle lut sur son visage, Siren comprit qu'il était sérieux. Elle grimaça, haussa les épaules, déçue. Edward tourna les talons et parti. Supplice.
À chaque pas, il se remémorait plus nettement le chaos de cette soirée, les cris, la violence, la peur. À chaque pas, il se demandait comment il avait pu passer à côté, comment il avait pu ne pas remarquer. À chaque pas, il remontait un peu plus la piste que le vent venait de lui porter, il se rapprochait. Un seul espoir : celui de s'être trompé. Mais non.

Au détour d'une plante miraculeusement intacte, loin devant lui.

Andréa…

H.R.P:
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeLun 20 Mai - 10:59

Coup de feu, flammes et confusion. Panique autour d’eux. Corps qui s’entrechoquent muent par le désir d’échapper au chaos ambiant.

Avant qu’elle n’ait eu le temps de protester, la main de Julius s’était refermée sur son poignet pour l’entrainer vers une des extrémités de la place. Rose laissa tomber son arme de fortune dans la cohue. Ils avaient perdu le jeune homme brun et celui tatoué. Elle les chercha en vain du regard. Comment les retrouver ? Elle ne connaissait même par leurs noms.

Lorsqu’ils furent proche de la Seine, l’italien relâcha son étreinte brusquement. Il scruta sa patronne de haut en bas, inquiet :

- «  Rien de cassé ? »
- «  Non. Tout va bien. »

Déjà, des policiers envahissaient la place. Le visage des deux comparses se crispa : il ne manquait plus que ça. Il ne fallut pas longtemps aux forces de l’ordre pour commencer à interroger les présents, bloquant dans un même temps toutes les issues. Pas question de finir la nuit au poste, même sur un malentendu.

- «  Tu as ton arme ? Débarrasse-t’en. S’ils la trouvent on va se retrouver en cabane en un claquement de doigts. Ils sont tellement sur les dents qu’ils ne vont pas faire dans la dentelle. »

Le jeune homme acquiesça. D’un geste prudent et non sans avoir jeté au préalable un coup d’œil aux alentours, il ouvrit sa veste, dévoila son holster et s’en délesta en le jetant dans l’étendue aqueuse. Dernier coup d’œil pour s’assurer que personne ne les avait vus.

- « Viens. Éloignons-nous. »

Sans ménagement, elle se saisit du bras de son comparse et se rapprocha à nouveau du centre de la place. Dans la masse, peut être passeraient-ils inaperçus, échappant ainsi aux questions d’agents trop curieux.

- «  Mademoiselle ! Mademoiselle !  Monsieur, attendez ! »

Rose se retourna et son faible espoir s’évanoui. En face d’eux se tenait un jeune homme en uniforme. Son air sérieux et solennel allié à son visage juvénile et à son corps chétif clamait son peu d’expérience. Son regard croisa le sien. Des rougeurs apparurent aux joues du jeune homme qui oublia durant quelques secondes les raisons de son intervention. Il fallut que Julius se racle la gorge en haussant un sourcil pour que l’officier reprenne contenance.

- «  Je suis l’officier Maupin, se présenta-t-il en se redressant, bombant le torse. Mademoiselle, j’aurais quelques questions à vous poser. »
- «  Faites donc. »

La contrebandière, étrangement calme, scrutait son interlocuteur. L’Italien tourna la tête vers sa patronne, lui adressant une drôle de grimace. Pas d’insolence, pas de frasques : ils risquaient de se faire embarquer. Le policier sortit de sa poche un calepin et un crayon gris. Il parcouru rapidement ses notes, leva la tête vers un groupe d’individus agitées un peu plus loin avant de revenir à la contrebandière.

- «  Plusieurs personnes m’ont rapporté vous avoir vu avec un … plateau. » L’agent scruta Rose de haut en bas, dubitatif. L’incertitude perçait dans sa voix. Rose reconnu quelques hommes du groupe qui les regardaient de travers. Ils faisaient partis de la foule qui avait agressé le garçon brun. « Selon les signalements, vous vous en seriez servi comme d’une arme pour agresser un homme. »

Rose baissa la tête en réponse à l’accusation, se mordant la lèvre inférieure comme si elle s’apprêtait à fondre en larmes.  Le tout, c’était de jouer le rôle avec aplomb.  

- « Je … je … » Elle leva ses grands yeux bleus vers l’officier, bâtit plusieurs fois des cils. Le policier cligna des yeux comme un animal ébloui. Touché.  «  Je ne voulais pas mais… Ils allaient tuer ce pauvre garçon et je… oh je suis désolée !  Mon dieu ! Je ne pensais avoir agressé quelqu’un ! J’ai eu si peur ! Est-ce que cet homme va bien ? Je ne voulais blesser personne ! »
- «  Euh… D’après le médecin, il aurait le nez cassé. » annonça-t-il en se grattant l’arrière du crâne, visiblement mal à l’aise d’annoncer la nouvelle à cette charmante et frêle jeune femme.

Intérieurement, Rose s’amusait beaucoup de l’air de détresse du jeune officier. Si pendant longtemps elle avait déploré ce visage angélique qui était le sien, à présent, il se révélait bien utile. Les hommes étaient si facilement manipulables quand on faisait appel à leur âme chevaleresque.

Elle se prit le visage dans les mains cherchant à dissimuler le sourire qu’elle n’arrivait plus à réprimer. Maupin interpréta le geste comme l’annonce d’une subite crise de larmes. Il eût vers elle un mouvement réconfortant stoppé net par le regard réprobateur d’un officier supérieur qui prenait une déposition non loin.

Aussitôt, il se redressa, le dos droit, dans une attitude pseudo-militaire cocasse. Il se racla la gorge puis repris :

- « Bon. Bien, bien, bien. J’ai une autre question pour vous. On nous a rapporté que … que… » Il sembla hésiter, passant à nouveau sa main dans sa nuque, indécis. Son regard passa des notes de son calepin à la figure de son interlocutrice plusieurs fois de suite. Puis, il finit par lâcher très vite, d’une seule traite :  « On nous a rapporté que vous aviez dévoilé vos jambes de manière à déconcentrer la gente masculine est-ce vrai ?  »

Rose le regarda désarçonnée un temps, puis son minois devint subitement courroucé. Comme si elle avait besoin d’utiliser ce genre de subterfuges ridicules pour coller une raclée à qui que ce soit, c’était insensé ! Elle le fusilla du regard.

Le policier eu un air surpris face à ce brusque revirement d’attitude.

- « Qu-mmmhflm ?! »

Julius ayant senti venir les problèmes l’avait attrapé pour plaquer son visage contre son torse, lui coupant net le sifflet. L’italien toisa le policier, pointa sur lui un index accusateur, copiant l’air outré que les bourgeois affichaient si souvent :

- « Comment ? Vous osez insinuer que ma fiancée serait une dévergondée ?! C’est scandaleux, monsieur, scandaleux ! »
- «  Non, pas du tout, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire ! »
- «  On aurait bien dit pourtant ! »
- «  Monsieur, calmez-vous ! Les besoins de l’enquête… Votre fiancée, je…Bien sûr que… »

Sa phrase resta en suspens. Rose avait réussi à se dégager. Une nouvelle fois l’agent des forces de l’ordre se méprit face au regard ourlé de larmes qu’elle lui jeta.  

- «  Bon. Écoutez, je… J’ai tout ce qui me fallait. J’ai d’autres dépositions à prendre alors…»

Sans vraiment achever sa phrase, il s’éloigna d’un pas rapide, raide comme la justice. Il n’avait même pas pris leurs noms. Julius libéra totalement sa patronne, dans un soupir de soulagement, levant les mains en l’air pour se protéger d’une potentielle attaque vengeresse. Mais Rose se contenta d’essuyer une larme qui perlait de ses cils en marmonnant :

- « J’me suis mordu la langue. »
- « Désolé. J’voulais pas qu’on ait d’ennuis. »
- «  Non, c’est bon tu as bien fait. On a eu de la chance de tomber sur un bleu crédule. »

Elle tira sa langue meurtrie quand une voix familière appela son nom. Immédiatement, elle en chercha la provenance, scrutant la foule autour d’eux.  Son regard se posa sur un attroupement qu’elle n’avait pas remarqué jusqu’à présent, à quelques mètres d’eux. Une tête brune culminait aisément au-dessus des autres. La blonde cligna des yeux, éberluée, finissant d’essuyer les larmes qui avaient perlé sur ses joues d’un revers de main :

- « Aldrick ? »
- «  Ah non ! Non se ne parla ! (il n’en est pas question) Pas celui-là, c’pas l’moment ! » l’italien plissa des yeux, pencha la tête sur le côté, suspicieux  « Attends… Les deux types qui l’suivent… Ce s’rait pas des flics par hasard ? »
- « … »
- « Cavolo ! (bon sang) C’type nous ramène toujours des embrouilles c’t’une vraie plaie ! »

Julius joignit les mains en direction du ciel dans une pseudo prière grotesque. L’absence totale de réaction de sa patronne lui fit lever les yeux au ciel. Il agita une main sous son nez.

- «  On dirait qu’t’as vu la vierge. »  Rose fit un pas en avant. L’italien la retint fermement par le bras. « J’sais à quoi tu penses mais oublie ça tout d’suite. T’vas lui attirer des ennuis et t’vas nous en attirer aussi !  »
- «  J’en ai pour une minute. »
- «  Hein ? Quoi ?!  Comment ça « une minute »… ? Tu m’écoutes ? D’habitude on cherche à éviter les flics, tu te rappelles ? Hé ! Hé ! Reviens ici ! Raaaahhh c’pas vrai ça ! Rose ! Quelle bourrique ! »
Ryden Haesmar
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête     Intrigue : Acte I Scène IV | Trouble-fête - Page 2 I_icon_minitimeSam 25 Mai - 1:59

L’homme revient lentement à lui. Gardant les yeux fermés, il laisse ses oreilles capter le brouhaha environnant. Des cris, des pleurs et des paroles indistinctes lui embrouillent au début l’esprit, mais réalise qu’il y a un autre son parmi eux, plus subtil. Il focalise sur celui-ci et finit par l’identifier. Des brasiers crépitent ici et là. Il sent leurs présences chaleureuses. Puis, l’odeur de cendre et de fumée pénètrent ses narines. Tout cela lui est familier, lui rappelle presque la maison. Il ouvre lentement les yeux, cligne à plusieurs reprises, confus et étourdi. Tout autour de lui tourne, tangue. Même en fixant un point, rien n’y fait. Son univers continue à tourbillonner. Il ferme les paupières, aucun changement. Il sent la nausée s’installer.
Une minute passe, puis une deuxième. Son étourdissement s’atténue légèrement. Il laisse la lumière pénétrée à nouveau sa rétine. Il prend alors conscience de son environnement. Des gens courent avec des sceaux, d’autres tentent d’aider ceux pris sous des décors tandis que certains se font interroger par des policiers. Plus près de lui, il voit des flammes consumer une peinture et une pauvre plante exotique, se rapprochant lentement de sa position. Puis, il réalise sa posture inconfortable. Couché en biais sur un homme, une roche coincée entre les omoplates, il examine ce dernier. Celui-ci est assis, le dos appuyé sur un morceau d’arche. Sa tête pendouille en arrière. Sa bouche entrouverte laisse couler un léger filet de bave. Même en le scrutant, sa mémoire refuse de lui donner des réponses. Le démon n’a aucune idée du comment, ni du pourquoi il est dans cette posture.

Il tente de se relever, mais vacille aussitôt. Au bout d'un terrible effort, il réussit à se décoller de l’inconscient. Il remarque alors Serra. Elle se tient debout, près de lui, perdue dans ses pensées. Soudainement, tout lui revient. Quetzalcaotl. La chasse aux sorcières. Les De Montalant. Ils les encerclaient.  Où sont-ils ? D'où viennent toutes ses flammes ? Mais que s'est-il passé ?

Au même moment, il sent un liquide poisseux lui couler le long du visage. Instinctivement, il porte sa main. Du sang. Il se tâte à la recherche de la blessure et constate une coupure à l’arcade sourcilière.


- Que m'est-il arrivé ?

La femme-renarde daigne enfin s'intéresser à lui.

- Aucune idée. Tu t'es mystérieuse effondré au sol.

Il cherche dans sa mémoire. Tout est flou. Puis, un petit détail refait surface. Il se souvient d'une pression à la nuque, ensuite c'est le néant.

- Pourquoi je saigne, alors ?

Elle se tourne vers la blessure, intriguée.

- Ah, effectivement, tu saignes.
- Merci de me confirmer ce que je savais, mais la raison, Serra ! La raison !
- Je sais pas ! Je suppose que tu t'es cogné la tête sur un des débris en tombant.

Une tourterelle vole autour d’eux quelques instant avant d'atterrir sur le nez de l’inconnu. Elle roucoule une fois et se met ensuite à lui picore l’intérieur de la bouche.

- Les oiseaux !

Paniqué par l’exclamation de la femme, le colombidé s’envole et disparaît dans un nuage de fumée.

- Quoi ? Demande le démon réussissant enfin à s’asseoir.

Le dos accoté sur l’autre homme, Ryden a conscience de l’étrange image qu’ils projettent. Il sait qu’ils donnent l’impression d’être un couple qui se repose tranquillement. Il le sait, mais préfère l’ignorer. Il est encore trop chancelant pour faire son difficile.
 
- Les oiseaux ! Ça doit être eux.
- De quoi tu parles ?
- Ce sont eux qui les calment… ou les raisonnent ! Ils leur font quelques choses, j’en suis sûre !
- Je ne comprends rien, dit-il exaspérer en essuyant le sang qui lui coule dans l’œil.

Elle s’accroupit devant lui, excitée d’avoir percé le mystère. Puis elle lui raconte tout ce qu’il a raté. La fin traînante de la chasse et des accusations. La disparition du soi-disant dieu aztèque. Le coup de feu. L’intervention des policiers.

- Ton raisonnement se tient debout. Ça explique pourquoi il y a autant d’oiseaux à cette heure-ci. Je parie que…
- En parlant de pari, mon cher serviteur pour les 36 prochaines heures, tu…

Un grand sourire illumine son beau visage, mais il disparaît aussitôt. Des pas se rapprochent. Rapidement. Elle se penche de côté. Un agent apparaît, un seau d’eau improvisé à la main. Sans dire un mot, il vide le contenu sur l’homme inconscient, arrosant en même temps le toxicologue. Puis un deuxième policier surgit derrière le premier et le copie.

- Que... que.... est-ce qui se passe ? Réussit à demander l’inconnu en reprenant brusquement conscience.
- Bordel ! C’est quoi votre problème !? Beugle simultanément le démon.
- Pardonnez-nous, mais n’aviez-vous pas remarqué les flammes derrière vous ? Elles étaient en train de brûler la capuche de monsieur.

Ryden et Serra s’échangent un coup d’œil surpris. Ils se tournent vers l’endroit où les restes d’un petit brasier se meurent, inondés. Parallèlement, l’inconnu observe avec un regard perdu tout autour. Il ne comprend pas ce qui passe. Il se tâte la tête, examine la personne à ses côtés.

- Vous êtes qui, vous ?

Puis sa main atteint le dessus de sa tête. Il palpe à plusieurs reprises, comme s’il cherche une confirmation. Plus les secondes passent et plus ses yeux s’agrandissent d’effroi.

- Oh mon Dieu ! Mes cheveux ont brûlé ! Ils ont brûlés ! C'est une catastrophe, j'ai un trou...

Pendant que l’homme continue sa longue tirade, les deux jeunes agents regardent cet étrange échange, ne sachant comment réagir. Leur regard interrogateur va au « couple » assis, puis se dirige vers la femme qui s’est relevée. À nouveau, il retourne vers le  « couple ». Indécis, ils se tournent vers la foule, et se demandent s’ils ne devraient pas aller aider d’autres personnes. Finalement, un troisième policier, plus jeune, doit avoir entendu leur prière. Il s’approche d’eux, le nez dans son calepin.

- Désolé de vous déranger, étiez-vous en train de les interroger ? Demande-t-il sans même les regarder.
- Non !

La réponse sort en concert. Ils s’empressent ensuite de marmonner une excuse avant de s’éloigner en courant, content de s'être débarrasser de ce problème.

- Parfait. J’ai quelques questions à leur pos...

Il lève son regard de ses notes. Réalisant le départ de ses collègues, il soupire. Puis, son attention se tourne vers le trio. Fronçant des sourcils, il examine l’homme à l’étrange calvitie.

- Est-ce que ce monsieur va bien ? Que lui est-il arrivé ?

L’inconnu est de nouveau inconscient, sa tête pendouille sur le côté. Le démon et la gumiho se regardent avec un air d’incompréhension. Pour toute réponse, les deux haussent innocemment des épaules.

- Les nerfs, j’imagine. Répond finalement Serra. Ne vous inquiétez-pas, il devrait bientôt revenir à lui.
- … Hhmm… J’aurais quelques questions à vous poser… Il parcourt rapidement ses notes. Euh… Plusieurs témoins vous accusent de leur avoir piqué les fesses avec une fourchette…

Un silence gênant se fait sentir. Plusieurs secondes passent sans que personne ne dise mot. Finalement, se sentant visé par l'affirmation, Ryden demande:

- Euh… D’accord… Et la question dans tout cela ?
- Ah, pardon ! Qu’avez-vous à dire face à ses accusations ?
- Êtes-vous sérieux ?
- Malheureusement, oui.
- Vous êtes sûr qu’il s’agit de moi ?
- Ils vous pointaient tous… Alors ?
- Je suis innocent, bien sûr ! C'est peut-être toi, Serra ?
- J’aimerais bien, mais non ! Dit-elle en essayant de ne pas pouffer de rire. C’est peut-être lui votre agresseur de popotins ?

Incertain, le policier se frotte la moustache, examine à nouveau ses notes. Puis, finit par regretter de ne pas avoir demandé plus de détails aux autres convives.

- Peut-être… Il griffonne quelques mots dans son carnet. Une dernière question, pourquoi portez-vous une robe, monsieur ?

En entendant cette question, un grand sourire malicieux apparaît soudainement sur le visage de la rousse. Elle lance un regard complice au démon. La face de Ryden change aussitôt. Ce qu’il voit dans ses yeux ne le rassure nullement. Mais bien malgré lui, il la laisse faire, se souvenant du pari.
La femme se rapproche du jeune agent, elle lui répond d’une voix embarrassée :


- Vous voyez, mon mari, à un petit problème au niveau du…  Elle tousse gênée. Vous savez où… Elle indique de rapides coups d’œil l’endroit en question. On nous a dit qu’il fallait garder ce coin aéré pour… pour une meilleure guérison.

Bouche bée, l’agent sent sa mâchoire se décrocher. Il s’est attendu à beaucoup d’explication, excepté celle-ci. Il s’observe l’homme, cherchant une certaine confirmation ou une preuve qu'ils se payent sa tête. Malheureusement, il ne voit que de  l’embarras. Celle-ci semble dévorer complètement le pauvre mari. Il est sans voix. Sa tête remue constamment de gauche à droite. Il refuse de croire que sa femme ait pu dire de telles paroles.
Voyant toujours un soupçon de doute dans le regard du jeune policier, Serra se sentit obligée d’ajouter :


- Montre-lui, chéri.
- Non ! Non ! Se hâte de répondre alors que le démon avait commencé à lever bien malgré lui le pan de sa robe. Ce ne sera pas nécessaire !
- Vous êtes sûr ?
- Oui. Oui ! Cherchant une échappatoire, il examine ses notes, écrit trois-quatre mots et le referme. Ce sera tout pour l'instant, merci.

À peine sa phrase terminée, il s’éloigne d’un pas rapide, sans même leur jeter un coup d’œil. Ryden le suit du regard. Ce qu’il redoute arrive. Il le voit rejoindre d’autres collègues.

- Tu sais que je travaille avec la police.

La femme acquiesce tout en révélant un sourire extatique.

- Tu sais aussi que ça risque fortement de circuler et qu’on va rire de ma tête.

Elle acquiesce une nouvelle fois.

- C’est ce que tu désirais, n’est-ce pas ?
- Tu as tout compris mon lapin ! Lâche-t-elle excitée. La prochaine fois, tu n’auras qu’à gagner tes paris ! Maintenant que tu sembles aller mieux et si on allait voir ce bel et mystérieux inconnu tatoué !
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