Crépitement de la radio. L’agent de sécurité porta l’émetteur à ses lèvres et en enclencha l’interrupteur, son arme pointée en direction d’Edward.

– Chef c’est confirmé. Les intrus sont d’ex-super héros, ils ont mis à sac la salle de production du bâtiment 7E, mais on les tient en joue.
– Vous ne tenez rien du tout. On vous évite de vous rosser par pitié et parce que vous êtes des civils. En plus, on a rien fait.
– Ah vraiment ? L’entrepôt s’est mis dans cet état tout seul ?
– Exactement. Vous êtes brillant quand vous le voulez agent… Chatel, c’est ça ?
– Fermez la. Les forces de l’ordre son prévenues, elles seront là dans peu de temps.
– Génial, comme ça elles pourront arrêter les vrais méchants.

Le doute s’alluma dans le regard de l’agent. Le canon de son arme s’abaissa légèrement, mais il se corrigea la seconde suivante, lorsqu’un de ses collègues hurla son nom depuis l’entrée ouest. Il revenait des vestiaires. Il y avait trouvé une bouteille de champagne, un excellent gâteau, ainsi qu’un de ses collègues endormi. Le casier mal fermé avait cédé sous le poids de son hôte qui ronflait à présent au milieu des ballons colorés et restes de cotillons. Impossible de le réveiller. La nouvelle fit son effet, l’effroi s’installa sur les traits de Chatel qui murmura :

– Pas possible… C’était aujourd’hui son anniversaire ?

Il était trop tard pour se rattraper. Une explosion retentit à l’étage, achevant la baie vitrée. Deux Super-Vilains en chutèrent. Jean sursauta, tout comme les agents qui l’accompagnaient. Leur arme dévia vers les nouveaux venus, revinrent sur les héros, hésitant sur la cible à verrouiller. Edward bougea. Chatel braqua son canon dans sa direction, oubliant le colosse armé jusqu’au dent qui venait de se redresser face à eux. Rasmey parcourut la salle d’un regard fou, assimilant lentement l’état lamentable de la pièce. Sa raison flancha définitivement lors de la découverte du cookie milkshake. Il hurla, Edward se décala, mais Jean chercha à l’en empêcher :

– Pas un geste !

L’obéissance fut totale, à un détail près. Loup retrouva sa forme animale. Sa silhouette massive s’interposa entre Chatel et Rasmey. Sa peau épaisse servit de rempart au jet désordonné de lames du chef malfaisant. Celles à destination des agents de sécurité retombèrent au sol dans un tintement métallique, augmentant la fureur du géant. La bouche grande ouverte, Jean mit cinq bonnes secondes avant de comprendre que ses priorités avaient changé. Il fit feu sur Rasmey.
La balle siffla à son oreille et rebondit su l’armature métallique dans son dos. La distraction parut suffisante à Loup qui se jeta sur le colosse. Sa vitesse et son poids suffirent à prendre de court le Super-Vilain qui bascula en arrière. Il tomba dans un mélange caramel-framboise tâcha son uniforme immaculé, lui arrachant un grognement rauque. Attaque du loup, l’homme tira une lame pour protéger sa gorge. Les crocs du lycanthrope se refermèrent désagréablement sur le métal. Nouvel essai. Aucune ouverture, le chef parait chaque assaut. À force d’insistance, il parvint à se dégager d’un mouvement féroce. Loup tenta de reprendre le dessus, mais Rasmey décocha un oignon lacrymogène. Son gaz corrosif couvrit une bonne partie de l’entrepôt, brouilla les sens développés de l’animal et le contraignit à battre en retraite. Il retrouva forme humaine, toussa, essuya ses yeux rougis, appuyé contre un mur. Coup de feu. Un couteau glissa à ses pieds.

– Ne restez pas là !

Chatel venait de lui sauver la vie. Loup chercha à s’éloigner, mais sa vue trouble rendait les choses complexes. Il se reposa sur son ouïe, ainsi que son flaire encore abîmé et s’écarta en tâtonnant la paroi. Sur le béton lissé, sa main rencontra un obstacle. Une boîte. Il plissa les yeux, nota le rouge et la présence d’un gros bouton pressoir. Alarme incendie ou alarme intrusion. Dans les deux cas, un bon moyen de diversion qui permettrait peut-être à Nightmare de quitter les lieux sans encombre avec la clef. Sauf si Rasmey l’atteignait avant avec son Piment Infernal. Ne pas perdre de temps. Edward enfonça le bouton.

Alarme incendie.

La sirène résonna dans tout l’entrepôt qui s’embrasa d’une lumière rouge. Une fine pluie s’échappa des gicleurs fichés au plafond. L’eau froide apaisa considérablement les effets de la bombe lacrymogène. Edward dégagea les mèches collantes tombées sur son visage d’un revers de main, juste à temps pour admirer l’entrée en scène des Robots pompiers.
Armés d’extincteurs, de haches, de scies à métaux et autres lasers de perfections, ils se répartirent dans la salle avec une précision millimétrée. Trop peut-être. L’un d’eux se jeta littéralement dans les jambes de Rasmey. Il le heurta une seule et unique fois. Un couteau à poisson traversa son fuselage et le trancha en deux.

Arrêt simultané de la dizaine de machines restantes. Exclamation paniquée de Chatel ordonnant un retrait immédiat à ses partenaires :

– Tout le monde dehors, allé, allé !

Le rythme du gyrophare bleu chapeautant chacune des machines accéléra brutalement. La première à lancer les hostilités fut un petit automate extincteur qui aspergea abondamment les pieds de Rasmey. Un coup de botte faillit le réduire en charpie, mais le laser d’un robot ami lui évita cette fin affreuse. Le chef para le tir grâce à sa meilleure lame, le laser dévié traça un large arc de cercle dans le mur voisin. La scie métallique fit des étincelles en heurtant le hachoir du Super-Vilain. Nouvelle assaut de la petite escouade des extincteurs, avant le tir d’un autre robot.  
Rasmey était encerclé. Un avantage pour filer à l’anglaise, mais sous ces tirs nourris, un retrait par l’ouest relevait du suicide. L’entrée sud alors ? Bloquée. Les agents de sécurité tentaient d’écarter du passage un énorme cylindre contenant le stock de farine qui s’était effondré là. La poudre blanche s’était répandue autour, rendant leurs uniformes bleus presqu’entièrement blancs.
Sifflement, Loup se baissa pour éviter la hache restée accrochée au bras coupé d’un automate. Son regard revint sur la bataille, il vit de nouveau un laser rebondir contre l’une des lames du chef et transpercer le mur dans une gerbe d’étincelles. La cloison était couverte de traces noirs qui s’entrecoupaient en tous sens. L’air frais de la nuit s’engouffrait par les interstices. Idée.

Loup tenta de repérer Nightmare dans ce chaos, sans succès. Tant pis. Si cela fonctionnait, ils pourraient au moins sortir les civils de cet enfer. Prenant sa forme animale, il s’élança. Seules trois foulées le séparait de la paroi, suffisant pour lui assurer un bon élan. Un dernier coup de pattes le projeta contre le mur. Il sentit le contreplaqué craquer, insista en espérant que son poids et sa force suffiraient à ouvrir une brèche.

Nouveau grondement sourd. Moment de vérité.

– Vous avez échoué Rasmey…

Le fauteuil immense était plongé dans l’obscurité. Le chef Jordan Rasmey n’en distinguait que le dossier, trop haut, trop noir, pour être rassurant. Le chef cuisinier baissa la tête et serra les dents. Ses poings s’étaient crispés, ses biceps gonflèrent faisant saillir ses veines sous les manches tâchées et déchirées de son uniforme. L’éclairage rouge de la pièce accentuait encore la sensation de danger qui inondait son visage de sueur. Il souffla comme un taureau et se secoua. Rassembler ses forces pour la lutte ultime, celle qui devait lui conserver la vie :

– Je peux encore les arrêter ! Si vous me laisser une chance, je…
– C’est trop tard ! 

Un coup violent à l’accoudoir du fauteuil fit trembler toute la pièce. L’écho du choc se répercuta longuement entre les murs métalliques, embrasant ça et là quelques symboles obscurs qui s’éteignirent aussitôt. Rasmey recula, mais la chaleur d’une barrière d’énergie pure lécha son dos, l’obligeant à retrouver sa place. Ne pas renoncer.

– Votre Magnificence, nous sommes juste au-dessus de leur train ! Débarquez-moi et je vous rapporterai le clef.
– Vous débarquer ? Vous mériteriez que je vous expulse de mon vaisseau et que je vous laisse vous écraser sur le sol comme une vieille courge.
– Je peux encore…
– Vous ne pouvez rien ! Elle est avec eux…

Le visage de Rasmey prit des airs de poisson mort. La bouche et les yeux grands ouverts, il lui fallut plusieurs secondes pour reprendre ses esprits. Il se secoua encore et avança vers le bureau démesuré et vide qui le séparait du fauteuil. La chaîne à sa cheville cliqueta et l’arrêta un bon mètre avant qu’il ne l’atteigne.

– Mais c’est impossible… Comment a-t-elle…
– Un espion. Nous l’avons découvert trop tard, mais sa trahison s’est achevée dans les flammes divines.
– Alors tout est fichu ? Ces monstres ne paieront jamais pour ce qu’ils ont fait à votre peuple ?
– Ils paieront. Mais il nous faudra du temps pour nous remettre de ce coup dur. Cette formule devait assurer la survie et l’expansion des miens. L’invasion et l’asservissement des hommes n’aurait été, ensuite, qu’une formalité.

Silence. Un soupir s’éleva dans l’ombre, arrachant à Rasmey un frisson d’horreur.

– Je n’aurais jamais dû confier une tâche d’une telle importance à un être tel que vous. C’est un honneur que je vous fais en vous livrant aux flammes divines.
– Votre Grandiosité…
– Adieu, Rasmey.

« Bip. » Les jambes de Rasmey cédèrent. Il étreignit son visage, tira sur ses cheveux dans un long cri de désespoir. Mais rien.

– Patience. Il préchauffe.

Une rapide course dans le couloir précéda un appui frénétique sur l’ouverture menant à leur salle. Le battant coulissa dans un faible son, laissant entrer un des commis de Rasmey. Son uniforme de cuisinier était couvert par une longue blouse blanche, une paire de lunettes aux verres épais transformait ses yeux en deux grosses pupilles ahuries. Il se jeta dans la pièce en hurlant :

– Votre Supériorité, votre Supériorité !
– Qui vous a autorisé à entrer ?! Gardes ! Gaaaaardes !
– Votre Supérorité, je vous en prie écoutez ce que j’ai à dire. Votre peuple est sauvé, nous n’avons plus besoin de cette formule.
– Quoi ?!
– J’en ai découvert une autre. T-tenez, regardez.

Il s’approcha du bureau et y déposa la tablette qu’il avait emportée avec lui. Rasmey s’était redressé, plein d’espoir, mais le cœur battant. Sur le bureau, le minuteur du préchauffage se rapprochait inévitablement de zéro. Derrière eux de nombreux bruits de pas annonçaient l’arrivée des gardes. Alors, l’immense fauteuil pivota.
L’obscurité masquait toujours celui qui s’y trouvait, mais deux mains, étrangement petites, s’avancèrent dans l’éclairage rougeoyant. Gantées de cuir, elles durent agripper ensemble la tablette pour la redresser et en consulter le contenu.

– 750 G point C O M ? Quel est donc ce code étrange.
– Un site humain votre Gracieuseté. Mais regardez la formule !
– 150 g de farine, 100 g de pépite de chocolat, 50 g de sucre, 50 g de beurre, 1 sachet de sucre vanillé, 1 oeuf, 1 cuillère à café de levure… Mais c’est…

Le souverain s’avança, laissant enfin voir son corps rond et appétissant de cookie aux pépites trois chocolats, un rire guttural secoua sa pâte croustillante. Les gardes entrèrent au même moment, plus petits que leur roi, tous étaient garnis de caramel et armés jusqu’aux dents de piques en inox. Cinq secondes avant la fin du préchauffage, Rasmey nageait dans sa sueur au point d’en perdre son vocabulaire 

– V-Votre Magestuosité…

« Bip. »

– Vous reprenez du service Rasmey ! Votre carbonisation est annulée !
– Merci votre Suprématie, vous ne regretterez pas de…
– Pas d’effusion de sentiments. Le petit Chris Micholock aura besoin de vous.
– Besoin de moi ?
– Besoin de lui ?
– Vous devenez son commis ! 
– Mais mais mais !
– Tous les bras sont nécessaires pour constituer mon armée. Micholock, je compte sur vous. 
– Oui votre Grandeur !

Après un garde-à-vous solennel, le chef Chris Micholock quitta la pièce, suivi par son nouveau commis. Les gardes les accompagnèrent et le souverain resta seul dans son bureau. Au fond de son siège, il surveillait l’un de ses écrans. À l’image, un train entrait tout juste en gare de Genève. Sur les quais, descendirent les six héros accompagnés par une jeune femme.

– Tu remportes cette bataille, mais pas la guerre chère Brownie. Tes héros et toi seront les premiers à assister à la suprématie de mon peuple !

Ainsi se termine votre première mission en compagnie de Solas. Vous avez affronté le danger avec un courage sans faille et une habileté aléatoire, mais la clef est en sécurité dans le coffre de Genève ! Votre cambriolage a été couvert auprès de M. Lindel en une explosion de la pompe à Milkshake. Les super-héros et super-vilains intervenus ont donc le champs libre pour la suite. Et quelle suite ! Il semblerait qu'une invasion se prépare. Serez-vous prêts à y faire face ?

Bravo à tous ceux qui ont participé, particulièrement à Nightmare qui a réussi à récupérer la clef et à l'apporter à bon port. Solas te propose une reconversion, il y a de la place chez les super-héros si tu veux !

Solas garde l'œil sur vous, vous pouvez profiter pour lui dire si l'aventure vous a plu sur son canal de communication.