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Neige

Cabaret du Lost Paradise - Forum RPG

Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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 Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau

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Edward White
l Dans l'ombre du loup l BIG BOSS l
Edward White

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MessageSujet: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 29 Mar - 21:51

Edward était fier. Son corps ressentait les bienfaits de cette aura douce et chaude qui se répandait à mesure que son regard embrassait les alentours. En cette fin d’après-midi, la place Dauphine grouillait de vie. On s'était déplacé parfois de loin pour assister à l'œuvre de charité organisée par le Cabaret du Lost Paradise. Un spectacle unique, en extérieur, soutenu par la ville de Paris. La totalité des fonds seraient reversés à l'Orphelinat des Arts, dont les enfants étaient les invités d'honneur de cette représentation. Une belle publicité et un beau geste, rendus possibles grâce à l'investissement de ses employés.
Car tout son établissement avait déménagé pour cette folle journée. Un stress maximal dès le petit matin avec la découverte des premières galères. Une cuisine temporaire inutilisable, une scène jouxtant des coulisses trop étroits, délimités par d'épais rideaux noirs et l'absence d'eau pour la vaisselle avaient mis les nerfs de chacun à rude épreuve. Mais l'huile de coude des uns et les bonnes idées des autres, aboutirent à ce qu'il avait sous les yeux. Un succès.

Épona dansait sur la grande scène dressée dos à la rue de Harlay. Elle glissait comme une onde sur les notes du piano de Dominik. Sa robe fluide et immaculée accompagnait ses mouvements avec le naturel de l’écume qui borde les vagues. La foule se laissait bercer par ses gestes et par l’acoustique parfaite de la place. Les têtes ballottaient en rythme, quelques pieds frappaient discrètement le sol. Non loin de l’estrade, deux petites filles reproduisaient, au fur et à mesure, les pas de la danseuse avec une approximation touchante.
Le numéro se poursuivit, sans que les serveurs cessent le ballet débuté plus tôt sous les guirlandes et ballons colorés. Plateaux en main, ils slalomaient entre les convives prestigieux ou fortunés, accordant souvent plus d’attention aux enfants qui les observaient avec une curiosité teintée d’admiration. Une fois les gourmandises disparues, retour au point de départ : le bar à gauche de la place, ou les cuisines à droite. Le premier se situait dans un ancien kiosque, complètement réaménagé pour l’occasion. Il était impossible de s’y attabler, mais Célénna et ses collègues honoraient toutes les commandes et remplissaient les plateaux vides de champagnes ou de jus de fruit. Dans les cuisines, en partie vitrées, on devinait l’agitation constante de Lûka et sa brigade au-dessus des fourneaux. Une organisation au cordeau, orchestrée par Snorri. Le géant nordique veillait aussi sur les artistes qui, lorsqu’ils n’étaient pas sur scène, avaient l’autorisation de déambuler sur la place et attiraient souvent un petit groupe d’enfants émerveillés par leur costumes. Ziggy avait la cote, Edward n’en fut pas surpris.

Vous rêvez Darling ?

Le loup sursauta. La chouquette qu’il tenait entre ses doigts failli lui échapper. Il la rattrapa de justesse, réveillant le rire doux d’Opale d’Arbanville. Verre de champagne à la main, elle l'interrogea avec un soleil dans la voix :

Je vous prends à resquiller petit coquin.
Pardon ?
Oh ne faîtes pas l'innocent ! Vous voilà caché près de la scène, à vous délecter de délicieuses pâtisseries au lieu d'aller vider les bourses de ces braves aristocrates.

À son tour de rire.

On ne peut rien vous cacher.
Il était temps que vous le remarquiez.
Avez-vous une cible à me conseiller ?
Darling, vous n’avez que l’embarras du choix ! Mais je peux vous dire qui éviter. Par exemple, je ne suis pas certaine que M. Gaudefroy Chaummont, notre brave préfet de police, soit très sensible à vos charmes.
Vous me chagrinez.
Je sais très cher, mais je dis cela pour votre bien. Allons, allons ! Déguerpissez ! Tous ces petits comptent sur vous !

Edward céda aux petits gestes insistants de la jeune femme. La chouquette disparut entre ses lèvres et il quitta son poste d’observation pour se mêler à la foule. Sur la scène, Ludger venait d’annoncer le prochain numéro de son air le plus mystérieux. Le rideau s’ouvrit sur Emerald assise près de sa harpe dans une longue robe de dentelles d’un vert auquel elle devait son nom. Le loup ralentit le pas et la guetta du coin de l’œil. Il la savait fébrile depuis quelques jours, mais elle avait refusé d’être auscultée par Dolores, promettant qu’un peu de repos suffirait pour se produire lors de cette journée. Elle n’avait pas menti. Ses doigts effleurèrent les cordes et aux premières notes, l’atmosphère se fit plus enchantée. Puis sa voix cristalline s’entremêla à la mélodie et ses accents celtiques transportèrent le public dans une ballade au cœur des terres lointaines d’Écosse.

Magnifique.

Le loup blanc s’arrêta, surpris de reconnaître ce timbre. En tournant la tête, il distingua les traits désormais familiers de Jules Chevalier. Des étoiles plein les yeux, le jeune antiquaire ne perdait pas une miette du spectacle. Edward allait l’aborder lorsqu’on frôla sa sa jambe. Il se pencha, pensant surprendre un enfant trop pressé, mais ne vit personne. Certain de ne pas avoir rêvé, il guetta une silhouette parmi la foule, mais elle était trop dense et trop mobile pour qu’il puisse discerner quoi que ce soit. Son flair fut plus chanceux. Un parfum subtile d’humidité se glissa dans l’air. Quelque chose de connu, mais pas suffisamment pour qu’il puisse clairement l’identifier. Pourtant son instinct grondait.
Froncement de sourcils. Sans réfléchir, le loup blanc s’élança à la suite de cette piste. Il s’excusa auprès des quelques convives qui l’abordèrent, prétextant un impératif urgent, mais fit une erreur. Un enfant changea brusquement de trajectoire et il chercha à l’éviter au lieu de piler net. Le mouvement fut trop brutal. Son bras heurta une épaule bien plus basse que la sienne qui s’écarta de quelques pas sous l’impact.

Excusez-moi, je…

Son souffle s’arrêta lorsque son regard tomba sur la figure ronde et rose qui lui faisait face. Un premier grommellement, immédiatement étouffé et un sourire énorme scia deux lèvres rouges :

Ooooh ! Monsieur White ! Quel plaisir de vous revoir ! Mon chéri ! Venez vite voir qui est venu nous saluer !

Odeur perdue et fuite compromise. Quelle joie de retrouver Edmond et Adélaïde de Montalant…
- - - - - - - \o\ - - - \o/ - - - /o/ - - - - - - -


Voix des coulisses



Il est 16 h sur la place Dauphine. Depuis une trentaine de minutes à présent, le Cabaret du Lost Paradise a lancé ce qui représente son évènement le plus important depuis sa création. Un spectacle en plein air, dont la recette ira directement à l’Orphelinat des Arts. Les enfants sont les invités d’honneur de cette grande fête et profitent du spectacle au même titre que de nombreuses personnalités et personnes fortunées. Vous devriez donc croiser quelques visages connus lors de ces festivités.

Tout le cabaret a été mobilisé. Les artistes sont en piste, les employés aux fourneaux, dans les coulisses ou occupés à s’assurer que tout se passe bien. Des serveurs passent régulièrement parmi la foule pour distribuer les délicieuses gourmandises de Lûka. Sur scène, des pauses d’une dizaine de minutes sont assurées entre chaque numéro, tous présentés par Ludger. Les artistes qui ne sont pas sur scène sont libres de se promener sur la place à la rencontre de leurs admirateurs.


  • Employés du cabaret : vous êtes sur la place depuis une bonne partie de la journée. Vous avez participé aux répétitions et aux derniers réglages. Dorénavant, vous êtes à votre poste afin que tout se déroule comme prévu que ce soit en ajustant un maquillage, en servant les convives, vérifiant les mécanismes des décors ou du rideau.
  • Artistes du cabaret : vous êtes également sur la place depuis une partie de la journée. Vous avez participé aux répétitions et aux derniers réglages. Vous vous livrerez un numéro sur cette scène extérieure, devant un public plus important qu’à l’accoutumée. C’est le moment de montrer l’étendu de votre talent !
  • Civils et autres groupes : c’est l’occasion pour vous de profiter d’un fabuleux spectacle tout vous assurant d’une bonne action. Vous pouvez être présents depuis le début de la représentation, ou être arrivés vers 16 h. Vous pouvez venir seul ou accompagné.


Il est fortement conseillé de consulter le résumé des épisodes précédents avant de se joindre à la fête.







Évent  | Tomber de rideau


Vous êtes au cœur d’un évènement d’envergure organisé par le Cabaret du Lost Paradise. Un spectacle en plein air qui vous réserve de nombreuses surprises. En sortirez-vous indemnes ?

Intrigue chapitre 5 - Lost Paradise RPG

Ce rassemblement se déroulera sur un peu plus d'un mois et commence dès aujourd'hui. À un rythme régulier, une intervention sera faite pour relancer le RP lors duquel beaucoup de surprises vous sont réservées. Vous pourrez à chaque fois, poster raisonnablement autant de fois que vous le voulez et sans ordre précis. Amusez-vous /o/

1 – Général
  • Ces postes correspondent à la suite de l'intrigue ! Ils ne sont donc pas considérés comme du Hors RP et rejoignent vos nombreuses péripéties parisiennes. Ils compteront donc comme n’importe quel RP durant lequel vous pouvez retrouver des connaissances ou vous en faire de nouvelles.

  • Il est conseillé de lire les résumés des quatre précédents chapitres pour savourer celui-ci dans son entièreté, vous les trouverez : en cliquant ici.

2 – Déroulement de l’évent
  • Cet évènement va rassembler un grand nombre de personnages de l’univers du forum (liste ci-dessous). Vous êtes libres de les utiliser dans vos posts si vous en avez besoin, à condition de respecter leurs traits de caractères.
  • Comme vous l'avez constaté, le post d'introduction est suivi des « Voix des coulisses » (qui s'apparentent à une information de maître du jeu). Ils pourront concerner plusieurs personnes, ou être individuels, le tout étant de les respecter au mieux. Ils viseront à mettre un peu de piquant dans toute cette aventure riche en rebondissements et à vous guider afin d'y participer pleinement.

3 – Contexte du RP
  • Ce chapitre se déroule environ 1 mois après l’incident du Quetzalcoatl.

  • La scène débute à 16 h sur la place Dauphine située au bout de l’île de la Cité, mais la représentation a commencé environ 30 minutes plus tôt. À vous de voir depuis quand vous êtes présents.

  • Cela fait quelques temps que tous les employés du cabaret travaillent sur ce projet. Ils sont sur place depuis le début de matinée pour les répétitions et les derniers ajustements. À 16 h, ils occupent donc tous leur poste de travail habituel afin d’assurer le succès de la représentation. Les artistes sont sur scène.

  • Œuvre de charité oblige, de personnalités connues et/ou fortunées, font partie du public. Vous pouvez en reconnaître certaines. Les enfants de l’Orphelinat des Arts sont également présents.

  • Comme déjà dit, cet évent regroupe un grand nombre de personnages de l’univers du Lost. Vous trouverez ci-dessous, toute la liste de ceux énoncés dans ce premier post :

    Liste des personnes présentes:

    Vous posterez donc à la suite de ce message, sans ordre particulier et vous avez jusqu'au samedi 11 avril (au soir) pour participer à la première partie o/
    Si vous ne pouvez pas poster et que vous avez besoin d'un délai supplémentaire, il faudra nous prévenir par MP. Sans demande de votre part l'intrigue suivra son court.


    N'hésitez pas à contacter le staff s'il reste une ou des zones d'ombres ou si vous hésitez sur votre post. Il ne faut pas avoir peur de participer et si vous avez le moindre doute, n'hésitez pas à nous contacter. Nous répondrons à toutes vos questions !

    Prenez place !
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Wup:


Dernière édition par Edward White le Lun 4 Mai - 23:54, édité 5 fois
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeVen 3 Avr - 15:51

« Et alors c'est là qu'il m'a dit d'une voix grave « Mademoiselle, ce n'est pas quelque chose que j'ai l'habitude de dire, mais vous êtes divinement belle ! » Ah oui ? du coup moi je lui ai dit « Oh merci vous êtes bien aimable ! » et comme j'avais soif, je lui ai demandé d'aller m'acheter une limonade! Hm hm et il a été gentil et il y est allé immédiatement ! Sauf qu'après, c'est son frère qui est venue me courtiser ! Ah d'accord Mais lui était trop énervant, il arrêtait pas de parler. Il avait un gros grain de beauté en haut de la lèvre, j'ai pas arrêté de le fixer pendant qu'il me racontait sa vie. Au final je n'ai rien écouté, et après son frère est revenu et ils ont fini par se disputer. Ah bon C'était pénible ! En plus je ne me souvenais plus de leur nom donc je ne savais même pas qui encourager ! Au final je les ai tous les deux appelés Robert et- Ah voilà parfait, merci Dolly Dolly, ces souliers me faisaient beaucoup trop mal aux pieds ! Après ton passage sur scène Adam changera les pansements de tes ampoules. D'accooord ! Je vais vite enfiler le reste de ma tenue, merci merci ! »

C'était l'effervescence dans les coulisses. Tous les artistes se succédaient à un rythme soutenu sur scène avant de retourner derrière les grands rideaux noirs qui dissimulaient les loges. Dolores se releva et partit rejoindre le groupe de danseuses qui venaient de quitter la scène et riaient déjà avec amusement autour d'un Adam légèrement dépassé.

« Adam il faudra que tu changes les pansements de Pipistrella quand elle aura fini de chanter. Ah e-euh oui d'accord. Oooh Monsieur Adam j'ai mon aile droite qui me démange, je crois que les sangles se sont desserrées, vous pourriez regarder ~ ? Je m'en occupe Oh mais… Adam vous pourriez aller voir Epona ? Elle avait mal à la tête ce matin, je pense que c'est simplement un peu d'anxiété mais elle est peut-être déshydratée, offrez lui à boire et vérifiez qu'elle n'ait pas de courbatures. Oui j-j'y vais ! Bon regardons ces ailes. Dolly Dollyyyy ! … Mimi, je suis un peu occupée - ah oui effectivement les sangles se sont desserrées, mais c'est votre peau qui est irritée, je vais appliquer de la crème sur vos omoplates. C'est horriiiible je crois que je n'ai plus de voix ! Tu as encore de la voix puisque tu me parles en ce moment. Oh ! Oh mais c'est vrai tiens. C'est sans doute parce que j'ai trop parlé dans ma tête. Ah ça va être à moi ! N'oublie pas d'aller voir Adam après ! Voilà, allez faire vos étirements de l'autre côté et venez me voir si les sangles frottent encore contre votre dos. Oui, merci Docteur ! »

Dolores passa sa main sur son front. Le spectacle en plein air avait bousculé les habitudes de beaucoup d'artistes, et un grand nombre d'entre eux étaient venue la voir déjà tôt dans la matinée pour s'assurer que tout allait bien, et continuaient de la sollicité tandis que les autres passaient sur scène dans une mécanique parfaitement huilée.

« Docteur Keller ! Un commis s'est coupé dans les cuisines ! La plaie est large ? Je ne crois pas, mais Lûka m'a demandé d'aller vous chercher ! J'arrive alors. Allez voir mon assistant, il doit être avec Epona et Dominik, prévenez le que j'ai quitté les loges pour quelques minutes. »

Dolores quitta les coulisses avec sa petite mallette et marcha d'un pas rapide jusqu'aux cuisines. Du coin des yeux, elle observa la scène sur laquelle se produisait en ce moment son amie Pipistrella, dont la voix fraîche et le corps parfaitement dessiné dans une belle tenue de soie affublée de petits noeuds ne laissa pas indifférents les hommes de l'assemblée. La belle dryade enchaînait les pas en rythme avec sa chanson à la fois impertinente et légère, jouant avec habileté avec les rayons du soleil pour mettre en valeur son impeccable teint de pêche.

« Bien, où est le blessé ? Il est ici, merci Docteur. Bien ! Enchantée, vous êtes une nouvelle recrue ? Vous m'avez l'air d'être un jeune ogre plein de vigueur ! Je vais enlever la serviette pour voir la plaie… Oh, en voilà une qui est belle, comment est-ce que vous vous êtes débrouillés ? Non non ne pleurez pas, ce n'est qu'une entaille, rien de terrible. C'est impressionnant oui, mais au pire des cas vous ne perdrez qu'un doigt ! Je connais des gens qui n'en ont presque plus et se portent à merveille vous savez ! Je vais recoudre, cela va être un peu désagréable. Comme vous avez la peau épaisse, je vais prendre une grosse aiguille, ne regardez pas si cela vous met mal à l'aise. Dites-moi Lûka, vous auriez un gros morceau de jambon bien froid ? On pourra peut-être vous tailler un doigt dedans et le rempla- Aaah non ne vous évanouissez pas, je plaisantais ! »

***

- Il y a du monde…

La petite journaliste se mit sur la pointe des pieds dans l'espoir de mieux apercevoir la scène, mais les spectateurs étaient si nombreux qu'il était difficile de voir quoi que ce soit. Elle devrait peut-être s'avancer. Oh Rose-Lise, tu n'aurais pas dû t'arrêter pour manger cette viennoiserie en chemin !

_________________
Mes diagnostics se font en #BE9C84.
Et Adam crie en deepskyblue /o/

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Narcisse Williams
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Narcisse Williams

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeSam 4 Avr - 5:19

Boum.
Boum.
Boum.


Les palpitations pressées de son cœur répandaient dans ses veines leur lot d'excitation, doux mélange d'impatience et de terreur à laquelle il soupçonnait tous les artistes d'être irrémédiablement accro. C'était du moins son cas, un fait dont Narcisse ne parvenait à tirer qu'une forme sans doute mal placée de fierté.    

Les yeux améthystes rivés sur la scène, où le corps ondulant céda à la voix enchanteresse, il s'autorisa un sourire. Rita et Dominik avaient de l'or dans les doigts et assister à leur spectacle devant pareille foule, pour une pareille occasion enflait sa poitrine d'une joie indicible.

Il passait une bonne journée. Le soleil avait été accommodant depuis le matin et ses rayons réchauffaient son corps d'une caresse agréable; les préparatifs avaient abouti dans les temps en dépit des quelques sursauts de paniques dont tout le monde avait été victime au fil de la journée; le monde était présent, foule grouillante dont les acclamations étaient une nourriture plus essentielle aux artistes qu'un morceau de viande... tout se passait bien. La cause charitable pour laquelle ils nageaient dans l'attention de cette assemblée ne rendait le tout que plus jouissif.

Son regard ne parvenait pas à se détacher de la scène. Il lui tardait de la rejoindre à son tour, elle ou plutôt la hauteur vertigineuse du fil de fer autour duquel s'articulerait sa performance. Il avait hâte. Son corps, son cœur trépignaient d'une impatience qui ne le faisait plus vibrer que pour l'acrobatie.

Il lâcha un soupir discret dans l'espoir de relâcher cette incroyable tension. Ses épaules roulèrent sous le vêtement qui recouvrait sa tenue de scène, sa nuque effectuant un rapide va-et-viens de gauche à droite. Ses yeux, dans l'action, décidèrent d'aller parcourir la masse anonyme à laquelle il faisait face. Parmi tous ces gens se trouvaient forcément des formes familières.

Le ballet des serveurs avait quelque chose d'hypnotisant. Il repéra le cuisinier et le barman, trop affairés sans doute pour remarquer le regard violet qui les scrutait. Quelques artistes parcouraient la foule, comme lui, certains plus populaires que d'autres. Un sourire bourgeonna sur ses traits en surprenant une chevelure enflammée près des enfants. Il lui sembla également distinguer le médecin du cabaret mais Mme Keller avait elle aussi les mains pleines. Pourvu que ce ne soit rien de grave.

De loin, il lui sembla soudain reconnaître son patron. Un geste de la main naquit et mourut dans le même instant. Oh, M.White n'était pas le problème, mais le pauvre homme venait de tomber sous l'attention des De Montalant et le corps de Narcisse se montra peu coopératif dans le loisir de se faire remarquer par le couple infernal. Son visage se déforma en une moue compatissante avant de prendre la décision courageuse de fuir.

Un rafraîchissement, voilà ce qu'il pouvait récupérer. Sa gorge était sèche après avoir fait face à la silhouette lointaine des aristocrates excentriques et il brûlait de l'envie d'apaiser ses craintes. Un bon verre de jus. Il avait envie d'un bon verre de jus. Le bout de ses doigts frôla une pièce qu'il portait sur lui et il se glissa dans la foule, silhouette gracile entre les corps serrés, espérant ne pas faire de rencontre désagréable.
 

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Ryden Haesmar
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 5 Avr - 14:29

16h. Ça faisait maintenant quinzaine minutes qu’il se trouvait à la place Dauphine. Au bout de cinq minutes, il avait repéré une table plus en retrait des autres, appartenant probablement à un petit café, mais avec une vision parfaite de la scène. Exactement ce qu’il désirait. Il avait alors échangé brièvement avec la femme qui l’accompagnait avant de se diriger d’un pas nonchalant, mais rapide vers sa destination.
Maintenant que le spectacle était pleinement commencé et que la plupart des invités étaient présents, le démon se réjouit de sa position plus isolée. Vautré sur sa chaise de bois, les jambes croisées sur la table, les bras en croix autour du torse, la tête tombante sur sa poitrine, les yeux clos, il écoutait d’une oreille discrète les discussions et la douce mélodie de la harpiste. Si ce n’était du léger mouvement de va-et-vient de son siège, dont seulement deux pattes touchaient le sol alors que les deux autres se trouvaient à quelques centimètres dans les airs, on aurait facilement pu le croire endormi.

Un petit sourire retroussa le coin de sa bouche lorsqu’il entendit pour la énième fois un couple de fortuné, passant près de lui, outré par son manque de savoir vivre. Il savait très bien de l’image qu’il reflétait et il s’en foutait. Dès le départ, il n’avait eu aucune envie d’être présent. Pourquoi un démon dont les enfants l’insupportent irait à un spectacle de charité pour leur venir en aide ? C’était absurde. Complètement ! Si c’était pour les exterminer dans d’atroces souffrances, il aurait eu sa place. Il aurait même participé avec une immense joie, mais…


- Ah, arrête de faire la tête !  Lâcha une voix à la fois amusée et trop familière alors qu’elle tirait un peu plus le dossier de l’homme en arrière.

Surprit, mais craignant surtout de tomber à la renverse, Ryden déplaça son poids sur son siège, au même moment, ses pieds touchaient le pavé de pierre. Une fois son équilibre à nouveau sous contrôle, Serra lui tendit un verre remplit d’un liquide à la teinte dorée. La beauté prit place à ses côtés, sirotant son verre, une lueur espiègle dans le fond des yeux. Si l’homme l’avait mieux observé, il aurait aisément compris qu’elle attendait quelque chose, mais son regard ambré explorait la Place Dauphine. Il porta à ses lèvres le liquide rappelant la couleur de ses iris. Étonné par la forte teneur en sucre et l’absence complète d’alcool, il faillit recracher la gorgée.


- Très drôle, Serra ! Du jus de pomme ! S’étonna le démon en déposant son verre sur la table. Est-ce que j’ai l’air d’un enfant ?
- Dois-je répondre ? Demanda la femme entre deux rires.
- Pourquoi on est ici ET pourquoi m’as-tu forcé à venir ? Questionna-t-il préférant changer de sujet. Ce n’est certainement pas pour aider les défavoriser.
- Tu me connais. Les enfants et leur cœur si teendre…

Elle s’arrêta soudainement, plus excitée que jamais. Son regard poursuivait quelque chose ou quelqu’un, Ryden n’aurait su le dire. Mais il se doutait que ce fût quelqu’un. Elle avait tout du prédateur voyant enfin la proie parfaite.

- Oh, je pense bien que je vais me repaître aujourd’hui…

Sans crier gare, elle se leva d’un bond et se dirigea vers la foule d’invités. Avant de disparaitre, elle lui cria :

- Je t’interdis de m’abandonner, sinon tu es…
- Ouais, ouais, je sais, marmonna-t-il en reprenant sa position de départ, les pieds sur la table, la chaise se balançant doucement d’avant en arrière.

Maintenant qu’il était de nouveau seul, il pourrait peut-être faire le somme tant désiré. Malheureusement pour lui, sa solitude fut rapidement brisée par le raclement timide d’une chaise qui se fait tirer. Gardant les paupières closes, ignorant totalement le nouveau venu, il espéra que son attitude allait le décourager de s’installer. Mais au même moment, une voix non loin attira son attention. Il arrêta son balancement. Les muscles crispés, il tendit l’oreille cherchant à la repérer dans cet océan de bruit. Il le savait, il la connaissait que trop bien, et pourtant il n’arrivait pas à mettre de visage dessus. Il fouilla dans les confins de sa mémoire. Et puis, il trouva. Il ouvrit brusquement les yeux, releva la tête et se redressa.


- Ouadji !

En virant son regard vers le nouveau venu, la déception peignit ses traits. À ses côtés, un gamin de cinq ou six ans, il avait toujours eu du mal à deviner l’âge des enfants, peinait à grimper sur la chaise voisine. Lorsqu’il réussit enfin à s’asseoir dessus, il adressa un grand sourire timide et innocent au démon. Dégouté par cette vision, il balaya la foule à la recherche de son vieil ami. Il en était certain. C’était sa voix plus tôt. Mais partout où il regarda, il lui resta invisible. Il tendit à nouveau l’oreille dans l’espoir de l’entendre. Rien. L’avait-il rêvé ? Probablement…

- Dégage le môme, maugréa l’homme en se vautrant pour la troisième fois sur son siège de bois. La place est prise.

Mais celui-ci l’ignora, Ryden le savait. Même si le petit gamin tout maigrichon à la chevelure blonde et aux vêtements trop grands pour lui  n’avait prononcé aucun mot, le démon sentait son regard curieux sur sa personne. Et lorsqu’il l’entendit boire bruyamment, cela confirma ce qu’il savait déjà.

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Je vous insulte en #330000

Comment décrire Ryden ?
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Andréa Eyssard
l Un monstre dans la peau l
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 5 Avr - 15:48

Comme la musique était douce à ses oreilles. Andréa se tenait debout près de la fenêtre ouverte des cuisines. Les tintements de couverts, le crépitement des poêles chaudes et les éclats de voix ne parvenaient pas à étouffer les notes entêtantes du numéro de Pipistrella. Le regard rêveur, le garçon murmurait des paroles apprises par cœur au fil des répétitions, agitant distraitement la tête dans un rythme qu’il semblait le seul à percevoir. L’éponge entre ses doigts essuya pour la troisième fois la même casserole, la mousse chaude chatouilla jusqu’à ses poignets avant d’être balayée par une gerbe d’eau. Le contenant de métal augmenta une pile à l’équilibre précaire sur sa gauche et fut remplacé par un plateau d’argent. Sa main libre se referma autour du savon, il chantonna tout bas le refrain qui s’élevait au loin :

– Shoubi wa dou dou…
-dréa.
Da di bi dou…
Andréa.
Wa wa wa dibidi da…
Andréa !

« Ploc. » La savonnette disparut au fond de l’évier. Crispé de surprise, le louveteau se retourna avec précipitation vers Lûka. Son regard parcourut rapidement des lieux dont il semblait avoir oublié l’existence, s’arrêta un instant sur Dolores, penchée sur Boris, puis revint à Lûka. Le reproche suintait sur toute sa figure. Andréa bredouilla une excuse qui n’atteignit pas les oreilles du chef. Il retira ses lunettes afin de les essuyer sur le bord de son tablier, puis les replaça sur son nez d’un geste chirurgical et lâcha enfin :

Sully est passé, il faut que tu apportes des verres propres au bar et que tu récupères les sales pour les laver.

Au bar ? Dehors ? Des mots couchés sur un papier au parfum de violette lui revinrent en tête : « Je viendrais peut-être. » Le louveteau sentit ses oreilles chauffer et l’impatience le gagner.

Maintenant ?
Oui. Tu reprendras la vaisselle en revenant.
D’accord !

Un empressement surprenant qui n’intéressa pas Lûka, déjà de retour aux fourneaux. Andréa s’essuya rapidement les mains et récupéra deux casiers chargés de verres propres qu’il souleva sans mal. Eliasz lui tint la porte et ce fut avec le cœur battant d’une excitation nouvelle que le louveteau quitta les cuisines.
Quel monde. Le numéro de Pipistrella venait de se terminer. Les applaudissements chaleureux résonnaient sur la place, annonçant la courte entracte qui permettrait la mise en place du prochain numéro. Les convives en profitèrent pour lier conversation, se ravitailler en délicieuses pâtisseries, ainsi qu’en boisson. La foule se fit plus mouvante et la traversée, les bras chargés de deux caisses fragiles, prit des airs de mission suicide. Pourtant, Andréa s’élança. Sans réfléchir, d’un pas décidé et pressé. Un espoir heureux lui donnait des ailes. On s’écarta sur son passage. Deux enfants lancés dans une course poursuite l’effleurèrent sans causer de catastrophe, un chien aboya, un pas de côté lui permit d’éviter le bras d’un étudiant passionné déclamant un poème sans queue ni tête. Les casiers furent livrés sans incident et posés à même le sol dans un tintement joyeux. Celenna l’accueillit avec son amabilité habituelle :

Te voilà toi ?
C’est les verres propres.
Tous intacts ?
Oui.
Tu t’améliores.
Hm.
Tu peux patienter cinq minutes ? Encore deux commandes et tu pourras récupérer les caisses complètes.
Hm…
C'est un oui ?

Pas de réponse. Andréa n’écoutait plus. Il scrutait les silhouettes, les visages, avec une concentration très inhabituelle chez lui. Et puis ce sourire. La barmaid le réveilla d’un coup de coude. À l’air malicieux qu’elle arborait toujours, s’était ajouté une épaisse couche de curiosité :

Tu cherches ton oncle ?

Le louveteau ouvrit la bouche, mais il croisa les iris perçants de la démone et la réponse s’étrangla dans sa gorge. Elle comprit. La panique le submergea et un torrent de rouge noya son visage. Balbutier quelques mots ne lui fut d’aucun secours. Il détourna le regard, la tête basse, son cœur prêt à s’échapper par son crâne. Celenna étouffa un gloussement derrière ses deux mains :

Une fille ? Toi ?
J-je dois rapporter les v-verres.

Et il se saisit d’un casier.

Ce sont les propres Andy.

Enfer. Il le reposa fébrilement et entortilla ses doigts en un véritable sac de nœuds. Si la température avait été plus basse, un nuage de vapeur se serait doucement élevé autour du visage cramoisi du louveteau. Sa détresse dut attendrir Celenna car aucune moquerie ne quitta ses lèvres. Étonné, il déglutit l’équivalent d’un désert et redressa timidement la tête. La barmaid servait une belle jeune femme blonde qui n’eut qu’un coup d’œil à la dérobée pour lui. Elle partit, les laissant de nouveaux seuls.

Comment la verras-tu si tu es coincé à la plonge ?
Je ne sais pas.
Tu comptais sur cette escapade pour croiser ses beaux yeux, c’est ça ?
Un peu…

Il se massa la nuque, le regard fuyant. Celenna secoua la tête et compléta le dernier casier. Penaud, Andréa se pencha pour les récupérer, mais elle l’arrêta.

Prends une seule caisse.
Mais je peux porter les deux, ça ne gêne pas.
Je le sais bien. Mais si tu portes les deux, je ne pourrais pas te demander de repasser dans une trentaine de minutes.

Elle répondit à son air perplexe par un clin d’œil. La lumière se fit dans l’esprit du garçon et son visage rayonna plus fort que le soleil. Un merci chaleureux et il s’éloigna, les bras chargés d’une seule caisse. Dans son dos, un soupir amusé fila, sans jamais l’atteindre.

Elle en a de la chance…

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Jade Perez
Plus brillante que les diamants
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 5 Avr - 22:28

« Trésor, arrête de trembler, tu vas être parfaite. Que quelqu'un me trouve les jumeaux ! Ça va bientôt être leur tour de monter sur scène ! »

En la voyant vociférer des ordres comme ça à gauche et à droite, on aurait du mal à reconnaître la petite dryade nonchalante et espiègle. Seulement, Jade avait son travail à coeur et leur jour de gloire était arrivé. Le Lost Paradise quittait ses murs pour présenter son spectacle à toute la population de l'île de France. Il fallait que tout soit parfait jusqu'au moindre détail ! Ainsi donc, même si elle avait tendance à être un peu paresseuse, bien qu'elle soit aussi bout en train, elle s'était présentée comme tout le monde pour régler quelques menus détails. Elle ne s'occupait pas des costumes, mais elle était capable de donner un coup de main pour repriser un ourlet défait. Elle pouvait aussi donner son avis sur tout et sur rien. Pour ça, elle était très douée.

Bien sûr, pour plusieurs, les costumes et les décors étaient la pièce maîtresse du numéro de chaque artiste. D'autres diraient que cela n'avait peu d'importance tant que leur interprète préféré parmi la troupe soit capable de les transporter dans un tout autre univers, l'espace de quelques minutes. Mais le maquillage et la coiffure avaient aussi leur importance. Car pendant le numéro, l'attention était fixée sur cette personne qui faisait brûler les planches.

Une série de marguerites dans ses cheveux roses, leur parfum doux se mêlant au sien plus épicé, Jade n'était pas en reste. Elle riait aux compliments, rassurait les ses collègues nerveux et leur redonnait un peu d'énergie grâce à la sienne, adressait un clin d'oeil taquin aux hommes qui laissaient trainer leurs regards sur sa silhouette féline, mais ne quittait pas son poste. Elle était le soleil.

Maintenant qu'elle pouvait se reposer quelques minutes, laissant les autres maquilleuses aux commandes, la Panthère rose se rapprocha d'un stand pour piocher un petit pain au chocolat. Elle paierait plus tard. Chaque seconde compte. Les habitudes ont peut-être la vie dure, mais la Perez paie toujours ses dettes. Il faudrait peut-être qu'elle mette la main sur une boisson aussi, mais le bar était trop bondé pour tenter de s'y frayer un chemin. Elle était une reine, eh bien, elle trouverait bien quelqu'un pour régler ce problème. Une briseuse de cœur assoiffée, ce n'est jamais de bonne augure.

La place Dauphine brillait de mille feux avec ses décorations. On aurait dit que les étoiles avaient quitté le ciel pour se mêler aux passants. La demoiselle ravie leva une main, prête à l'agiter pour atirer l'attention d'Edward qu'elle aperçut un peu plus loin. Son nez se plissa cependant en reconnaissant le couple qui accaparait l'attention du loup blanc, s'arrêtant dans son mouvement. Voilà qui risquait de gâcher la fête.

Des trouble-fête …

Elle eut un mouvement de recul, préférant prendre la fuite, et se heurta à quelqu'un. Le tintement caractéristique des pièces d'or se fit entendre, le contenu des deux bourses se répandant par terre. Elle se mordit la lèvre, contrariée d'avance, que cette personne soit galante ou non. Ils ne pouvaient pas regarder ou ils vont ?! On ne la plumait pas, pigeon. Celui qui saurait doubler ce génie du crime n'était pas encore né. Au moins, elle ne s'était pas trop abimé les genoux, ni son joli visage ...
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeLun 6 Avr - 16:50

Texte écrit à deux (visez un peu c'te jolie bannière rien qu'à nous ! )o) ):

« Fadet, l’est où ton frère ?!
– D’vant toi.
– Ah, pardon Follet. Avec toute cette agitation...
– Pas d’mal.
– Mais du coup, il est où ton frère ?
– Derrière toi.
– Coucou !
– HUARGH ! Saletés de sales gosses ! On vous cherche, c’est à vous dans cinq minutes !
– Ça va, on sait, stresse pas. »

Les deux Lenoir se glissèrent l’un confiant, l’autre pouffant, derrière le rideau du fond. De l’autre côté, Rita et Dominik achevaient leur prestation : les dernières notes envoûtantes s’élevaient dans l’air chaud de l’après-midi, puis ce furent les applaudissements. Les regards des jumeaux, redevenus sérieux, se croisèrent, complices : ils n’avaient pas besoin des signes fébriles qu’on leur adressait, à l’autre bout des coulisses, pour savoir comment aborder la suite. Tandis qu’on installait en vitesse sur scène les quelques éléments de décor nécessaires à leur numéro, Morgan ferma les yeux et calma sa respiration, tout en serrant dans sa main celle de Frédéric. Enfin, le moment venu, il empoigna l’échelle qui se trouvait devant lui, le coeur battant, et grimpa jusqu’à la fenêtre factice, ménagée dans la toile de fond.

Il prit une grande inspiration, réajusta son bonnet pointu et passa ostensiblement la tête par le trou.

...Puis la rentra.

Quelques enfants, qui l’avaient repéré, pointaient désormais l’ouverture du doigt, excités et curieux, pour attirer dessus l’attention de leurs camarades.

Morgan ressortit la tête, en balayant attentivement du regard la scène, de droite à gauche.
Fit mine d’adresser quelques mots à un complice invisible, en contrebas.
Rentra de nouveau la tête.
Disparut pendant un moment.

Les gamins gloussèrent, certains s’interrogeant à haute voix tandis que d’autres rejoignaient au pas de course les premiers rangs en slalomant entre les badauds.

Soudain, une corde jaillit par l’endroit où l’on avait aperçu le visage, et coula sur les planches. L’acrobate reparut un instant plus tard et se laissa glisser au sol, où il atterrit avec adresse. Puis il releva la tête vers la fenêtre, à laquelle Frédéric venait aussi de grimper, et s’adressa à lui en désignant d’un ample mouvement de bras la fausse cuisine qui l’entourait, avec ses immenses meubles peints sur des pans de bois, parmi lesquels il paraissait minuscule.

« R’garde un peu par ici ! C’est pas mal là-dedans !
– Vrai, doit y’avoir plein d’trucs à se met’ sous la dent ! »

Pendant que Fred descendait à son tour avec une gaucherie exagérée, l’hydre exécuta trois bonds souples vers le public, et fit mine de leur glisser en secret :

« Car c’est une tradition, pour nous z’aut’, farfadets,
Que de met’ la pagaille, d’jouer des tours, et d’voler !... »


Derrière lui, son comparse s’écrasa alors lourdement sur scène, jambes en l’air, et le parterre de gosses s’esclaffa pour de bon.

Morgan sourit. Le numéro prenait. Depuis qu’ils avaient intégré le cabaret, ils n’avaient plus vraiment eu l’opportunité de jouer en extérieur et devant des enfants, son frère et lui, ce qui avait pourtant été la base de leurs spectacles du temps où ils crapahutaient sur les routes, promenant leurs brols de ville en ville. Pour le spectacle de charité, ils avaient donc d’abord pensé reprendre un vieux succès de leur répertoire (ce n’étaient pas les adaptations de contes populaires ni les farces bon enfant qui manquaient), avant d’opter finalement pour un inédit, composé rien que pour l’occasion. Avec les nouveaux moyens dont ils disposaient, ils espéraient en faire l’une de leurs plus grandes réussites. Après tout, les mômes étaient bon public – enfin, ils se comprenaient.

D'ailleurs, ils se mirent à rire et Morgan sut que Fred, désormais redressé, s'était plié en deux, fesses vers le public, pour soi-disant secouer le bas de son pantalon. Il se redressa ensuite en se tenant le dos, regardant de tous côtés d'un air euphorique.

« Hé bé, dis voir un peu, Fadet, où c'qu'on est v'nu !
V'là une drôle de cuisine, dans laquelle on a chu ! »


Il pointa du doigt le haut d'une table peinte, sur laquelle était posée une bouteille en papier mâché.

« M'est avis qu'dans c'te jarre on aura d'quoi grailler :
En f'sant la courte échelle, on pourra y monter !

– C'est qu’c’est bien haut, Follet. Mais si j’t'escaladais...
Pensez-vous, les enfants, qu'on y arriverait ? »


Un choeur de "Ouiiiiii !" leur répondit, accompagné d'un "Ouaf !" que les jumeaux auraient reconnu entre mille. Ils se jetèrent un regard amusé tout en se rejoignant au bas de la table. Ils tentèrent d'abord la courte échelle, mais Morgan poussa trop fort et Fred finit une fois encore cul-par-terre. Comme il roulait et se retrouvait à quatre pattes, Morgan lui grimpa dessus sans plus de cérémonie.

« Rha ça peut point marcher, si tu tiens pas debout !
– Aieuh, m'enfin Fadet, t'es pas léger du tout !
– R'lèv' toi un peu plus haut, pousse sur tes genoux !
– En voilà un effort ! Puis j’suis pas ton toutou !
– Ouaf ! »

Improvisant soudain, Fred se redressa un peu, pointa un bras vers le public et lança :

« Merci Poupette ! Au moins, toi tu r’ssens ma douleur ! »

Morgan retint un rire. Pas les enfants. On pouvait toujours compter sur Poupette le chien fugueur, affectueusement surnommé Belzébuth par les artistes du cabaret. Son frère enchaîna sans réfléchir, par habitude autant que par plaisir :

« En voilà une idée, les enfants : tous en choeur !
Encouragez Follet, et mettez-y du coeur !

– Allez Follet ! Allez Follet !
– Ouaf, ouaf ! »

Frédéric fit encore un peu semblant de peiner ; puis, comme galvanisé par les encouragements qui redoublaient, se concentra, et subitement, se releva d’un coup, propulsant Morgan dans les airs. Celui-ci en profita pour faire une pirouette, et retomba sur les épaules de son compère dans une posture instable. Il basculait d’un côté, de l’autre, en agitant les bras, et sous lui, Fred courait de long en large sur la scène avec une grimace paniquée, pour tenter de l’aider à reprendre son équilibre. Mais manifestement, il ne faisait qu’empirer les choses.

« Nom d’un faune ! J’vais tomber ! Nan Follet ! Pas par là !
– J’fais c’que j’peux ! – C’pas assez ! – T’es marrant, toi ! – Tadaaa !... »

Dans sa course, Fred venait de heurter la fausse table, Morgan s’y était agrippé, et il y restait suspendu tant bien que mal avec une pose ridiculement triomphale, tandis que son frère se retenait à son pied pour ne pas s’écrouler une nouvelle fois. L’hydre tendit la main, frôla la bouteille du bout des doigts, se hissa un peu plus haut grâce à une prise dissimulée derrière le décor tandis que Fred lâchait son pied pour rejoindre le sol, et attrapa d’un bond l’objet de sa convoitise avant de retomber, lui, dans un salto.

« T’vois bien, c’t’ait pas si dur ! Maintenant, faut goûter ! »

Mais des cris fusèrent alors au premier rang, comme plusieurs enfants tentaient de le dissuader : « Non ! Non ! Bois pas ! …Poison ! ». En effet, Morgan tenait la bouteille de telle façon que son autre face était désormais visible… Et sur l’étiquette, à l’encre noire, se dessinait une tête de mort.

« Goûter de c’machin-là ?... J’suis pas trop sûr, Fadet…
– Pas trop sûr ?! Tu rigoles ?! Après tout c’qu’on a fait ?!
C’est l’salaire eud’not’ peine ! À moi la bonne lampée ! »


Et malgré les avertissements du public, il but une grande gorgée puis se tapota le ventre en souriant. Follet lui tourna autour pour l’examiner sous tous les angles. Un moment s’écoula, sans qu’il se passât rien. Fadet releva le menton, fier de son audace.

« Tu vois bien ! Ça craint rien ! À ton tour, c’est trop bon !
– Si tu l’dis… Après tout… À moi, y’a pas d’raison ! »

Il s’enfonça le bonnet sur la tête d’un geste déterminé, lui prit la bouteille des mains. But à son tour. Fit un grand sourire.

« Ah ben c’est délicieux ! C’te saveur, c’est unique !
À ton avis, c’est quoi ? J’reconnais pas le – HIC ! »


Fred hoqueta violemment, et une énorme flamme jaillit au visage de Morgan. Les enfants, stupéfaits, laissèrent échapper de petits cris inquiets ou ravis. L’acrobate, sous l’effet de la surprise, fit quant à lui un grand saut en arrière, et se mit aussitôt à rebondir aux quatre coins de la scène sans manifestement rien maîtriser, enchaînant galipette sur galipette.

« Au s’cour ! J’contrôle plus rien ! – Ah mais HIC ! qu’est-ce qui s’passe !
Faut HIC ! faire quelque chose !!!
– Faites place ! Faites place !!! »

Dans une dernière cabriole, Morgan sauta à bas de la scène, tandis qu’à chaque hoquet Fred produisait une flamme de plus en se tenant le ventre. L’hydre atterrit dans un cri en grand écart juste devant les gamins qui s’écartèrent brusquement. Titubant, il refit un pas vers la scène au bord de laquelle Frédéric attendait, les joues gonflées comme s’il retenait son hoquet, les mains tendues pour l’aider à remonter. Il le hissa d’un geste, fit mine de tomber en arrière et envoya son jumeau voler par-dessus lui tout en crachant une nouvelle flamme juste entre eux deux. De belles exclamations s’élevèrent des spectateurs. Alors Fadet repartit cogner les faux meubles sans pouvoir s’arrêter, au point d’en faire tomber les accessoires : bouteilles en papier-mâché, livres en carton, fioles en bois peint… Follet mit le feu à une ou deux bougies dissimulées, trafiquées par Lenny pour faire des étincelles colorées.

« Fadet y faut qu’ça s’arr- HIC ! qu’ça s’arrête sinon
On va finir tous deux HIC ! fumés comm’ des jambons !

– Moi j’veux bien mais – ’TENTION – Y’a pas trop d’solutioooOOOOONNNNN ! »

D’une pensée, Fred déclencha l’ouverture d’une fausse porte dans le décor de l’armoire. Morgan atterrit dessus en travers et se retrouva suspendu là sur le ventre, jambes et bras ballants, l’air tout à fait penaud, tandis que le mage lançait une flamme bleue gigantesque qui sembla l’envoyer par terre, où il resta couché sur le dos, lâchant de petites flammèches occasionnelles.

Ils attendirent un instant, laissant les choses se tasser. Fred au sol, Morgan, jambes et bras agités de spasmes, pendu à sa porte d’armoire, qui s’ouvrait doucement pour en dévoiler l’intérieur. Ils attendirent encore sans savoir si leur effet fonctionnerait, repensant aux spectacles d’antan et au scepticisme des collègues lors des répétitions… – lors de LA répétition, puisqu’ils n’avaient accepté de n’en faire qu’une seule. Il n’y avait cependant pas lieu de douter, car le miracle survint : une gamine repéra le gros volume aux allures de grimoire rangé au fond du placard.

« Ooooh là ! Là ‘gadez tous !
– Owhiii là dans l’armwa, dans l’armwaaa !
– HÉ LES FFFAFFFADETS l’est làààà la solution !
– OUAF OUAF OUAF !
– DANS L’ARMOUAAAAAREUH LE LIIIIV’ ! »

Morgan tourna la tête vers eux. Vers l’armoire. Vers eux, en faisant mine de ne pas comprendre. Puis, avec une infinie prudence, il se laissa glisser par terre tout doucement, attrapa le livre poussiéreux, et l’ouvrit en grand.

« "Ailes de fée", "Bave d’ogre", "Croc de loup", "Ver de terre"…
Eh Follet, je crois bien qu’on est chez une sorcière !... »


Il poussa l’ouvrage vers son comparse, en prenant soin de le tenir à distance de ses flammes. Ils relevèrent les yeux l’un vers l’autre, excités, et tandis que Fadet examinait les ingrédients contenus dans l’armoire, Follet sortit de derrière elle un grand chaudron.

« Passe-moi les ingrédients ! "Escargots, poils de rats…
Et saperlipopette, et abracadabra !" »


Fred versa dans la marmite le contenu d’un pot que lui tendait Morgan : des gravillons qui, en tombant, déchirèrent la mince feuille de papier obstruant le récipient. Trois tourterelles, cachées dedans depuis le début du numéro, quittèrent leur refuge et s’envolèrent à tire-d’aile.

« Oooooh ! »

Fadet, cependant, s’agaça.

« Mais nan, c’est pas comme ça ! T’as rien dans l’bourrichon !
Y nous faut un remède ! Pas une famille d’pigeons ! »


Follet se vexa à son tour.

« Ah ouais, m’sieur Je-Sais-Tout ? C’est ta faute, HIC ! j’te rappelle !
On en serait pas là si t’avais d’la cervelle !

– C’est même pas vrai, d’abord ! Comment j’pouvais savoir ?
Un pauv’ petit flacon, ça risquait rien, d’en boire !…

– Les bouteilles, c’est dang’reux, quand on sait pas c’que c’est !
Nous voilà bien punis : fallait pas y toucher ! »


Ils se tournèrent brièvement vers le public pour s’assurer que leur petite morale était bien passée. Puis Fred, dans sa colère, bouscula Morgan, qui repartit faire une série de culbutes livre en main ; lui, pendant ce temps-là, essayait dans sa marmite différents mélanges, qui produisaient tantôt de grosses bouffées de vapeur, tantôt des nuées d’étincelles crépitantes, à mesure qu’il éternuait dessus. Fadet finit par s’arrêter, assis par terre et, fâché, se mit à feuilleter le grimoire en ruminant. Un long moment passa, ponctué par les expériences réitérées de Fred qui ne laissaient pas d’amuser le premier rang. Finalement, alors qu’il manquait de s’étouffer dans un nuage de fumée particulièrement âcre, le visage de Fadet s’éclaira, et il se redressa d’un coup.

« Regarde ça ! J’ai trouvé !  "Comment lever un sort" :
"Pour ne plus êt’ maudit, il vous faut tout d’abord
Arrêter d’faire la tête à vot’ meilleur ami"… »


Fadet fit un pas vers Follet, tout sourire, en lui tendant la main. Celui-ci la serra de mauvaise grâce.

« C’est bon, c’est bon, vas-y… – Sans rancune, v’là qu’est dit !
"Pis verser du maïs dans un chaudron bien chaud,
Et s’concentrer dessus pour qu’il aspire vos maux"… »


Ils versèrent ensemble un pot de maïs dans la marmite. Puis ils fermèrent tous deux les yeux et tendirent la main au-dessus. Le silence se fit tandis que montait le suspens – ainsi que la température des parois de la marmite, que Fred faisait magiquement chauffer. Enfin, quand il sentit venir le bon moment, il  éternua dessus une dernière gerbe de feu, et du pop corn grillé se mit à sauter du chaudron comme Morgan sur scène un peu plus tôt. Celui-ci, radieux, tenta un petit bond prudent, qui l’envoya assis sur les épaules de son comparse, lequel émit un hoquet de fumée.

« J’crois qu’on oublie un truc... Tu penses qu’on doit goûter ? »

Un grain de maïs soufflé, en éclatant, s’éleva à portée de Morgan, qui le saisit au vol.

« Bah au point où on est… Puis ça sent pas mauvais. »

Ils croquèrent en même temps chacun dans leur flocon, penchèrent la tête de droite et de gauche en mâchant exagérément, parfaitement synchrones jusque dans les grimaces.

« J’dirais mêm’ que ch’est bon, cha crouchtille chou la dent...
– On dirait qu’ch’est chucré, ch’est vraiment pas méchant ! »

Morgan jeta un oeil à Fred sous lui, puis il descendit de ses épaules avec prudence et retenta un saut qui, cette fois, resta sous contrôle. Le mage ouvrit la bouche, mais aucun hoquet n’en sortit. Leurs sourires jumeaux atteignirent leurs oreilles.

« J’crois qu’on est libérés ! – On f’rait de bonnes sorcières !...
– Qui est dans ma cuisine ?! Qui touche à mes affaires ?! »

La voix, tonitruante, venait des coulisses. Paniqués, Fred et Morgan attrapèrent des poignées de maïs soufflé qu’ils versèrent dans des cornets en papier sortis de leurs poches et qu’ils tendirent aux enfants. Ceux-ci se précipitèrent pour en recevoir. Puis ils empoignèrent le chaudron et, avant de filer derrière le rideau, pointèrent du doigt la cuisine de Lûka.

« On a pas l’temps d’rester… – Mais suivez-nous là-bas !
– Y’en aura pour tout l’monde… – …Si vous vous battez pas ! »

Des coulisses on tapa d’un manche à balais sur la scène pour imiter le bruit de pas se rapprochant. Fred avança un peu vite, et Morgan se retrouva culbuté dans le chaudron, que son frère poussa jusqu’aux coulisses où ils disparurent. Pour l’effet, ils lancèrent leurs bonnets sur scène tandis que le public saluait leur départ par des applaudissements et des aboiements enthousiastes.

Fred aida Morgan à sortir de la marmite, décolla d’un geste les grains de maïs collés à son pantalon, puis ils revinrent sur scène pour saluer, satisfaits et plus heureux qu’ils n’auraient su dire. Décidément, c’était devant les enfants qu’ils avaient le plus de succès.
Comme ils se redressaient, ils remarquèrent quelques-unes de leurs connaissances disséminées dans la foule, auxquelles, avant de partir, ils firent de plus grands signes. Puis – une fois n’était pas coutume – ils quittèrent la scène en sautant à bas de celle-ci, au milieu des mômes. Morgan fut assailli par une boule de poils mal agencés, ornée d’une langue affectueuse bien humectée ; Fred salua Jeanne, la petiote de Fripouille, qu’il hissa sur ses épaules, puis ils emmenèrent tout ce beau monde haut comme trois pommes vers la cuisine où leur chaudron avait été posé en hauteur, rempli de sachets de maïs soufflé que les parents des mômes durent bien se décider à commander. Si certains furent offerts à quelques petites mains moins fortunées que d’autres, personne n’en sut jamais rien. Mais une étiquette fut ajoutée après quelques minutes, qui annonçait :


Aucun tarif étudiant

Pour la recette, s’adresser à la sorcière



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Dernière édition par Morgan Lenoir le Sam 23 Mai - 21:34, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeSam 11 Avr - 16:47

- Oohohoho ! Que vous êtes amusant Monsieur Dubois !
- Je n'ai jamais autant ri avec un muet ! Hahaha !

Les rires des deux dames s'envolèrent au sein de la foule comme des glouglous de dinde le feraient dans une basse cour. Leurs mains potelées pour l'une et fines pour l'autre effleuraient le costume brun parfaitement taillé d'un grand monsieur à la moustache blonde fournie dont les yeux ne pouvaient quitter la petite fille aux longs cheveux d'or élégamment bouclés et attachés sous un petit chapeau rose poudré assise devant lui. Sans comprendre comment, le pauvre Charles-Alexandre s'était retrouvé alpagué par deux sœurs aristocrates qui chantaient leur propre générosité à l'encontre des orphelins tout en avalant goulument les petits fours qu'on leur proposait. Lotte elle ne disait rien, plongée dans un petit livre aux pages jaunies et à la couverture rongée par le temps. Le balai intendant aux tâches ménagères, transformé en humain pour l'occasion, espérait un peu d'aide de la part de sa patronne pour se débarrasser de ces deux commères, mais la Simurgh trouvait déjà suffisamment déplaisant d'avoir à sortir en pleine journée à Paris alors qu'elle s'était promise de ne plus le faire, et n'avait aucunement envie de perdre le petit réconfort que lui offrait son ouvrage.

- Vous savez, pour un père célibataire Monsieur Dubois, je peux vous dire que votre fille est d'une fraîcheur rare à Paris !
- Oh, vous m'enlevez les mots de la bouche ma chère. Sa mère devait être une femme splendide !
- Bernadette !
- Oooh toutes mes excuses, je ne voulais pas être déplaisante ! Mes mots ont dépassé ma pensée…
- Monsieur Dubois a sans doute perdu son épouse il y a peu ! N'est-ce pas ? La douleur doit encore être si forte…

La moustache de Charles-Alexandre frissonna légèrement, ce qui suffit à émouvoir profondément les deux sœurs. Lotte n'eut aucune réaction et tourna ses pages avec délicatesse.

- Quelle enfant sérieuse !
- Marie-Rose, si seulement nos enfants pouvaient être aussi calme qu'elle.
- Oh Bernadette, ne m'en parlez pas ! D'ailleurs où est passé mon fils ? Ah ! EDOUAAAARD NE T'ÉLOIGNE PAS TROOOOP !!

La directrice leva les yeux, puis les baissa de nouveau. Le gamin passa près d'elle en riant à toute allure, suivi d'autres enfants qui s'enfoncèrent aussitôt dans la foule. Il faut croire que le prénom avait bien un rôle dans le comportement de son propriétaire…

- Que pensez-vous de ce spectacle Monsieur Dubois ?
- Ces artistes ont beaucoup de talent n'est-ce pas ? Oh pardon jeune homme, je vois à votre caisse de verres vides que vous travaillez ici. Pourriez-vous m'apporter une petite flûte s'il vous plaît ?
- Enfin Bernadette tu vois bien qu'il n'est pas serveur !
- Oh ? Oh mais quelle étourdie ! Pardon mon petit !

Un petit clin d'œil traversa le visage potelé de la petite dame avant que celle-ci n'attrape un nouveau petit four à la volée, qu'elle engloutit aussitôt. Le spectacle sur scène battait son plein, une chanteuse joviale bien que légèrement agaçante avait réveillé les nombreux hommes de l'auditoire, et c'était à présent au tour d'acrobates de capter l'intérêt de nombreux enfants.

- Ils sont si amusants, n'est-ce pas ma petite perle ?

La « petite perle » quitta son livre des yeux et se tourna vers la dame qui lui adressait un sourire beaucoup trop maquillé. Celle-ci observa alors les pages du petit livre et afficha une mine à la fois surprise et amusée.

- Oh quelle drôle d'écriture ! Est-ce toi qui a fait ces beaux dessins ?
- …

C'est du persan, vieille dinde inculte.
Le livre se referma.

- Je veux m'approcher de la scène. Père, vous pouvez venir avec moi ?
- Quel petit ange ! Ne t'inquiète pas, ton père ne bougera pas d'ici !
- Père. Vous venez avec moi.

Charles-Alexandre s'arracha immédiatement de l'étreinte mentale des deux aristocrates qui s'attendrirent à nouveau du comportement de l'homme dégingandé, qui attrapa de ses doigts noueux la petite main de sa patronne et la tira avec lui près de la scène, ou plutôt, loin de ces deux insupportables mégères.

- C'est la dernière fois que tu souris à une femme qui te parle. À partir de maintenant tu es sourd et triste.

Le balai hocha la tête avec vigueur puis rajusta nerveusement son nœud papillon, priant de tout cœur de ne plus croiser quelqu'un d'aussi insistant.

- Ça aloooors ! Monsieur… Dubois n'est-ce pas ? Vous étiez venus dans notre cabinet si je me souviens bien ? Vous m'avez l'air en pleine forme ! Edmond ! Regardez ! Un autre visage familier !

Charles-Alexandre adressa un petit sourire.

Lotte plongea en enfer.

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeSam 11 Avr - 18:19

- C’est une bonne idée un spectacle de ce genre pour les enfants.
- Oui, c’est efficace, aucun d’eux n’a décroché ! S’amusa Élise en observant ses trois bambins.

Assis côte à côte, Éric, le plus jeune des Vivaldi, reproduisait avec entrain des passages du numéro précédent pour ses sœurs et deux adultes très grands, près d’eux. Le premier très mince, paraissait presque cadavérique, tant il était blanc, alors que le second, un homme brun avec des lunettes et un costume sombre, inspirait une confiance instinctive et totale.

- Et donc, vous disiez que ce sont vos voisins ?
- Qui ? Ah oui ! Cygne et Archimède ! C’est étonnant, n’est-ce pas ? Les petits les adorent depuis qu’ils les ont rencontré ! Il faut dire que Cygne raconte beaucoup d’histoires très drôles et Archimède, qui est médecin, nous achète pas mal de produits pour amadouer ses plus jeunes patients. C’est vrai qu’il a l’air assez austère de prime abord. Mais étonnement, Éric l’a tout de suite adoré !
- Vraiment ?

La surprise mêlée à un brin de jalousie s’empara du commissaire, qui s’appuya un peu plus sur la table où ils discutaient d’un air dépité.

- Allons, ne fais pas cette tête.

Un grognement sourd lui répondit, arrachant à Élise un soupir avant que sa main ne glisse dans les cheveux épars de son fils, pour s’adonner à des caresses lentes. Aldrick se sentit rougir jusqu’aux oreilles. Pourtant, il ne bougea pas. Ce geste, si rare, plus personne ne se le permettait avec lui, si bien que, couplé à cette douceur maternelle subite, l’émotion l’emporta. Cachant son visage entre ses bras, il enfouit par la même occasion les larmes qui avaient pointé aux bords de ses yeux, pour les effacer presque aussitôt. Timidement, il ajouta :

- Encore...

*J’ai l’impression d’être un gosse capricieux*

Seul un sourire lui répondit, tandis que la blonde poursuivait, sans s’arrêter, ni dans ses gestes, ni dans son discours :

- Tu devrais peut-être essayer de discuter plus avec lui aujourd’hui ? Après tout, il a accepté de venir, en sachant que tu serais là, c’est une première !

Il tiqua. Réalisant un peu tard que le propos pouvait être blessant, elle reprit à la hâte :

- Je veux dire... Il est venu distribuer des jouets parce que son père ne pouvait pas, mais il n’a pas pleuré une seule fois, ni en te voyant, ni en voyant le reste des artistes, il est en train de grandir.
- Vous croyez ?
- Puisque je te le dis.

Après un bref silence, la blonde tenta :

- Offre lui du pop-corn, il adore ça !
- Oh ! C’est une bonne idée !
- Bien sûr ! Je n’ai que des bonnes idées, voyons ! ~

La louve lui adressa un regard entendu, tandis qu’il se redressait d’un bloc. Après une grande inspiration, se gardant bien de tout commentaire, Aldrick se détacha de la table, déterminé.

- Je vais faire ça !
- Ramène moi en un paquet aussi, alors. ~

Même s’il lui tira la langue par jeu, ce ne fut pas sans une certaine fierté qu’Élise le regarda s’éloigner entre les présents ; Aldrick y croisa, le mime, qui était devenu la vedette d’un groupe d’enfants, Narcisse, qui ne vit pas le signe de la main qu’il lui adressa. Contrairement à Rita qui elle lui répondit.

*Elle a l’air fatiguée. J’espère que ça ira…*

- Oups !

Machinalement, il redressa le jeune homme brun avec un étrange bonnet clair, qu’il venait de bousculer, comme s’il ne pesait pas plus lourd qu’une plume, s’apprêtant à s’excuser lorsque son regard se vissa dans celui qu’il avait longuement entrevu lors de la fête masquée de la place Saint-Michel.

*C’est elle !*

Sans réfléchir, il planta l’autre là, oublia pop-corn et famille, pour tenter de la rejoindre.

- Attendez !

Un groupe de bambins, qui jouaient aux chevaliers avec des épées en bois, l’obligea à bifurquer, la truffe en l’air pour ne pas perdre son odeur, il bouscula plusieurs personnes en s’excusant à la hâte, renversa un plateau de petits fours au piment qu’apportait Jakob à une table, tendit la main pour saisir enfin son bras. Mais c’était sans compter sur une série de billes, qu’une poche percée avait égrené sur le sol, sans que son propriétaire ne s’en aperçoive. Subitement coupé de son équilibre, le loup noir oscilla en avant, puis en arrière, parvint miraculeusement à se redresser en se raccrochant à ce qu’il pouvait, mais sa seule prise fut une assiette vide, ce qui ne le freina aucunement.

- Attention !

Trop tard ! Le choc fut inévitable !

Lorsque Aldrick ouvrit enfin les yeux, il ne contempla que des airs curieux autour de lui, entendit vaguement Monsieur De Montalent médire sur son compte, cru reconnaitre l'odeur de son homologue mais croisa le regard bleuté de Charlotte Dubois et frissonna face à la puissance qui émanait d'elle. Il lui fallut de longues secondes, pour réaliser qu’il venait de renverser les tréteaux d’un stand, dont l’un des mets, au fromage, trônait, intact et fier, sur sa propre épaule.

Le loup noir ferma les yeux. C’était un cauchemar !
Il les rouvrit. Pire ! C’était la réalité !

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Loup y es-tu ? :


Dernière édition par Aldrick Voelsungen le Jeu 8 Avr - 20:35, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 12 Avr - 0:50

- C’est absolument ridicule.
- Ne soit pas désagréable, Rose
- Jamais de ma vie je n’ai été autant humiliée, tu m’entends ?!

Alexandre soupira en posant un regard découragé sur sa jeune compagne. Celle-ci offrait à la vue un visage renfrogné, avançant sans desserrer les dents.

- Tout ça pour une malheureuse robe et quelques colifichets ?

Un grognement lui répondit, et l’étreinte de la jeune femme sur son bras se raffermit rageusement.

- J’trouve qu’cette robe t'vas à ravir moi, renchérit Julius qui se tenait quelques pas derrières eux, les pouces rivés dans ses poches de pantalon, peut à l’aise dans ses vêtements inhabituellement élégants.
- N’en rajoute pas !

Rose se retourna pour lui décocher un regard assassin dans un froissement de dentelles et de perles. C’était Alexandre qui avait tenu à venir à ce stupide évènement. « Pour la bonne cause » qu’il avait dit. Un évènement organisé pour les orphelins, c'était important qu’on l’y voit pour son image, il avait été trop éloigné du monde ces derniers temps et bla-bla-bla. Et la voilà donc en train de jouer la potiche de service dans une robe bleu ciel affreusement inconfortable et outrageusement féminine.

- Mes seins vont s’échapper de mon décolleté c’est sûr.

Les deux hommes firent mine de rien avoir entendu même si le visage de Julius avait incontestablement pris une teinte rosée. Un dame lui décocha un regard désapprobateur que Rose s’empressa de lui rendre accompagné d’une grimace.

- Si je croise qui que ce soit que je connaisse je te jure que je te ferai manger cette dentelle tu m’entends Alex ?
- Oui je t’entends parfaitement, tu hurles dans mon oreille. Le brun haussa un sourcil, fit un mouvement de menton pour désigner une grosse dame qui poussait des glapissements qui lui tenaient lieu de rire. Regarde, la comtesse de Truffelot est là-bas. Nous croiserons forcément des gens que nous connaissons.

Rose tressaillit à l’entente du nom de la comtesse. Elle avait le souvenir affreux de soirées interminables ou cette femme totalement ivre racontait les prouesses de ses différentes conquêtes masculines jusque dans les moindres détails. La contrebandière ne supporterait pas ses jacassements une fois de plus. Alexandre lui jeta un regard amusé.

- Cependant, je doute que nous croisions qui que ce soit de la pègre ici, ton honneur est donc sauf.
- Mon honneur, tu l’as piétiné quand tu as demandé à cette modiste de m’affubler de toute cette dentelle et de ces… perles ?

Tout en disant cela, elle tira sur ses longues boucles blondes où la modiste en question avait habilement enfilé des perles blanches. Alexandre soupira, puis fit un signe de la main comme pour chasser un insecte importun.

- Je t’épargne les politesses d’usage avec la comtesse. Va nous chercher des rafraîchissements veux-tu ? Julius, accompagne-la.

Un haussement d’épaules et la contrebandière tourna les talons, suivie de près par l’italien, tous deux soulagés d’échapper à l’inconfortable entrevue. Ils s’arrêtèrent quelques instants pour admirer le spectacle qui se déroulait sur scène quand une petite voix se fit entendre.

- Est-ce que vous êtes une princesse ?

Cherchant d’où provenait la voix, Rose fini par baisser les yeux pour finir par voir une minuscule petite fille en robe blanche et aux grands yeux noirs.

- Euh… je… non ?
- Mais vos cheveux ?

Rose l’observa un instant le regard vide, se demandant ce que sa chevelure pouvait bien avoir de spécial jusqu’à ce qu’une mèche ornée d’une perle tombe devant ses yeux.

- Ah ? C’est ça qui te plait ? La petite fille hocha vigoureusement la tête. Rose détacha la perle de ses propres cheveux et s’agenouilla pour être à la hauteur de l’enfant. Je peux ?

La petite hocha la tête et la contrebandière la noua dans la chevelure noire de la petite. Lorsqu’elle eut fini, elle resta accroupie face à l’enfant, cherchant à qui pouvait bien appartenir cette petite chose.

- Tes parents sont ici ?

Reniflements.

- J’ai perdu maman…
- Bon… Ne t’inquiète pas, mon ami et moi on va t’aider à la retrouver, d’accord ?

Hochement de tête de l’enfant. Elle glissa sa petite main dans celle de la contrebandière, et l’improbable trio commença sa quête de la mère disparue, laissant Alexandre seul aux griffes de la terrible comtesse.
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 12 Avr - 21:45

Encore bravo Rita, votre numéro a été un succès.
Merci Monsieur White.
Vous sentez-vous mieux ? Ludger m’a dit vous avoir trouvé pâle à votre sortie.
Je suis un peu fatiguée.
Avez-vous parlé à Adam ? Il était encore dans les coulisses il y a peu.
Non, je…
Je vois. N’en faîtes pas trop.
C’est promis Monsieur White. Je vais juste prendre un paquet de popcorn et j’irais m’asseoir à l’ombre.
Bien. D’ailleurs, avez-vous vu les jumeaux ? Je voulais les féliciter, mais impossible de mettre la main dessus.

Elle secoua doucement la tête. Quelques mèches brunes glissèrent d’un chignon fait à la hâte et tombèrent devant des yeux cernés. Elle les écarta rapidement en les passant derrière son oreille, le regard fuyant. Edward fronça les sourcils. Il allait l’interroger lorsque Sully les interrompit :

Pardon Monsieur White, mais un convive a renversé le stand de petits fours au fromage de Célestine.
Renversé ?
Oui, il a perdu l’équilibre et…
Veillez m’excuser Rita.

Il s’éloigna d’un pas pressé, laissant la harpiste prendre la direction du stand de popcorn. Sur scène, le rideau s’ouvrit sur le numéro à sensation de Lucy. Entre ses doigts gantés, quatre couteaux qu’elle s’apprêtait à lancer. Elle n’attendait plus que l’âme charitable du public à sacrifier. Edward entendit des exclamations étouffées lorsque la féline, descendue parmi les convives, jeta son dévolu sur un jeune étudiant. Arrivé sur scène, le prénommé Étienne annonça dans une tirade théâtrale qu’il affronterait bravement son destin. Personne n’entendit ses dernières paroles. Les mots se recroquevillèrent dans sa gorge à l’instant où Lucy, renonçant à ses couteaux habituels, brandit un hachoir. Au milieu des éclats de rire, Edward distingua enfin Célestine penchée sur Aldrick. Une bise souffla et sous sa caresse, il se glaça.
Son regard quitta le stand de la demoiselle pour se braquer avec angoisse sur le fond de la place. L’amusement, la joie, tout s’effaça dans son esprit pétrifié. Seul résonnait encore le son lointain qu’il venait d’entendre.

Un rêve. C’était forcément un rêve.

Darling, cette Lucy est délicieuse ! Où donc l’avez-vous… Mais trésor ? Vous tremblez !
Snorri !

Il n’avait pas entendu Opale. La haute silhouette de son chef de salle était entrée dans son champs de vision, l’arrachant violemment à sa torpeur. Edward slaloma entre les présents avec l’agilité d’un loup. Sa poigne se referma sur le bras de son second avec une angoisse bestiale, annonce de la tempête. La bouche sèche, il gronda dans un français massacré par son accent :

On a un problème.
Qu’est-ce que vous faîtes ! C’est une œuvre de charité, ce n’est pas un endroit pour…

Horreur. Véritable coup de tonnerre, des voix à l’unisson enterrèrent la protestation de Jakob.

– Dehors les monstres ! Non aux abominations !

Au-dessus de la foule, une forêt de pancartes noires et rouges dansaient dans un rythme irrégulier. Avec sa taille, Edward ne pouvait pas les rater. Leur messages immondes lui sautèrent au visage et lui lacérèrent la rétine. Dégoût total, envie de vomir. Une trentaine de cinglés força le passage en hurlant à plein poumons leurs slogans haineux. Un tsunami de peur et d’incompréhension se déversa parmi les convives et les employés du cabaret. La musique s’était tue, les rires éteints. Le désastre.
Enragé, le loup blanc se hérissa. Son étreinte aurait brisé des os autres que ceux de Snorri. Il montrait littéralement les crocs et dû faire un effort violent et douloureux pour ne pas exploser. Ce fut l’interrogation calme de son chef de salle qui le ramena à la raison. Difficilement, il desserra sa poigne et cracha.

Éloignez les orphelins.

Snorri partit. Jakob avait été rejoint par Sully et deux autres serveurs. Tous les quatre tentaient de ralentir la propagation de cette vermine, dont les tracts répugnants étaient fourrés dans des mains hagardes. Ils avaient poussé le vice au point d’arborer un signe distinctif. Un brassard blanc, orné d’un cercle pourpre, ceignait leur bras droit. Un abruti au visage familier perça à la tête de cet odieux cortège. Edward se joignit à la fête, vide de tout sang-froid :

Delcambre ! Fils de chien ! De quel droit osez-vous déverser vos insanités ici !?

Le regard sombre et méchant d’Armand Delcambre, lutta sans gêne avec celui fiévreux du patron du cabaret. Sans l’intervention de ses employés, Edward lui aurait fait bouffer sa pancarte. Les murmures réprobateurs au sein des adeptes encouragèrent leur meneur. Il s’exprima d’un ton faussement calme. Le dégoût y suintait à chaque mot.

C’est la voie public M. White. Nous sommes libres de venir dénoncer une mascarade que nous avons en horreur.
Une œuvre de charité ? Pour des orphelins ? Est-ce cela que vous avez en horreur ?
Pitié ! Pas de ça avec nous ! Nous savons très bien ce que vous êtes ! Et ce que vous faîtes !
Quoi ?
Votre… Cabaret. Ce refuge de monstres.

Sully et Jackob se mirent à deux pour retenir le poing de leur patron. Trente voix s’élevèrent en une seule :

– Monstres ! Monstres ! Monstres !

Dans cette foule silencieuse et sonnée, deux timbres éclatèrent brusquement. Adélaïde et Edmond De Montalant montaient au front :

Encore vous et vos balivernes ?! Vous êtes un gredin Monsieur Delcambre ! Un gredin !
Remballez vos sornettes ! Vous et vos fidèles, vous ne savez que cracher sur les gens !

Secousse parmi les invités. On commença à s’offusquer plus fort, à demander le départ de l’envahisseur. Ce dernier resta imperturbable et répliqua d’une voix forte :

Vous nous accusez de mentir alors que la vérité est sous vos yeux ! Ces numéros irréels ne sont que des sortilèges, des tromperies. Ces êtres abjectes n’ont rien d’humain ! Rien vous m’entendez ! Ils vous manipulent tous !
Ça s’appelle de l’Art, ignare que vous êtes !
De l’Art ? Comment expliquez-vous le popcorn ? Avez-vous seulement vérifier qu’il était possible de chauffer une marmite depuis la scène ? Et les fleurs qui éclosent quand cette autre exécute sa danse ridicule ? Existe t-il une explication ?
Ce ne sont que des tours de passe-passe, Armand ! Vous avez donc perdu la tête ?

Jules Chevalier se faufila entre les De Montalant et rejoignit la ligne de front. Armand lui adressa un regard méprisant et dégoûté. Derrière lui, une vieille femme jeta de l’huile sur le feu :

Ces danseuses sont des diablesses tout juste bonnes à se rouler dans la fange de la lux-
Assez ! Hurla Edward.

Il avait enfin réussi à desserrer les lèvres. Livide, si crispé que l’artère le long de son cou saillait en une bosse formidable, tout son être pulsait d’une aura assassine à laquelle même ses employés refusèrent de se frotter.

Dégagez.
Non.

Il le souleva par le col. Une vague d’exclamations se répandit, mais aucune ne rivalisa avec le cri effroyable qui déchira la place. Un torrent d’effroi se déversa dans toutes les veines, une sensation glaciale, infernale, comme une étreinte mortelle. Edward comprit. Son étreinte s’évapora. En une seconde, la foule avait formé un large cercle au centre duquel se tordait une frêle silhouette.

Rita…

La harpiste hurlait à s’en décrocher la mâchoire. Un son atroce, strident et grave, mélange dissonant d’une âme en peine. Son corps chétif se tordait sur le sol. Des pleurs incontrôlables de femmes, d’enfants, d’hommes, se joignirent à cette funèbre mélopée. Plusieurs employés du cabaret, dont Edward, voulurent lui porter secours, mais elle s’époumona à nouveau, folle. La note désaccordée les cloua sur place. Ses cheveux d’un brun chaud blanchirent à vue d’œil, elle commença à se les arracher par poignées. Un sursaut. Ses membres crispés se plièrent dans des angles anormaux, effrayants. Son regard révulsé se posa sur un public pétrifié. Puis un tremblement violent la secoua. Elle s’effondra, convulsa dans un gargouillis inaudible, puis se figea, inconsciente.

Une minute. Reprendre son souffle. Edward fit un pas peu assuré.

Sno-

Le berserker sortit du cercle d’une foulée toute aussi fragile. Délicatement, il souleva le corps inerte de Rita et tous deux quittèrent le soleil de la place.

Vous voyez… Cracha Armand.
Voir quoi ? Aboya méchamment Edward.
Mais qu’est-ce qu’il se passe !

Le préfet de police, Gaudefroy Chaummont, pâle comme la mort se plaça entre les deux camps. Il épongea son front en sueur du bout de son mouchoir. Son regard d’acier, sauta de l’un à l’autre, aussi perçant qu’un scalpel. Jules expliqua, la bouche sèche :

Leur comportement irresponsable a poussé à bout une pauvre innocente !
Par pitié, Jules ! Même si c’était le cas, nous n’avons fait que nous défendre ! Ce cri n’avait rien d’humain et puis ces cheveux. Ils ont blanchi sous nous yeux ! C’est de la sorcellerie !
Pardon ? Questionna Gaudefroy.

Sans sourciller, Armand lui tendit un tract. Le préfet le lut. « Ils sont au Lost Paradise. » Surprise puis incertitude se succédèrent sur ses traits. Il eut pour Delcambre et son groupe un regard suspicieux. Il se tourna ensuite vers Jules et Edward.

Avez-vous des preuves d’une quelconque atteinte contre le cabaret ?
Leur présence n’est pas suffisante, grinça Edward.
De preuves matérielles, White, rectifia Gaudefroy.

Silence.

Je suis sûr qu’il y en a, insista Jules.
Alors trouvez-les, lâcha l’homme de loi.  Vous avez quinze minutes. En attendant, vous et votre groupe M. Delcambre. Vous ne bougez pas d’ici.

- - - - - - - \o\ - - - \o/ - - - /o/ - - - - - - -


Voix des coulisses



Et tout bascule. La paix et la bonne humeur qui régnait sur la place Dauphine viennent d'être violemment balayés par l'arrivée d'un groupe d'une trentaine de personnes. Mené par Armand Delcambre, le cortège brandit des pancartes haineuses, distribue des tracts et scande des slogans ouvertement anti-légendaires. Au beau milieu de la représentation donnée, le cabaret se voit accusé d'abriter des « Monstres ». L'ambiance se tend, mais tout dérape au beau milieu de l'altercation.
Rita, la Harpiste du cabaret, est prise d'une crise violente. Elle hurle. Un son horrible qui glace toute l'assemblée, vous l'avez entendu. Ses cheveux blanchissent, ses yeux se révulsent et après une série de convulsions, elle s'évanouit. C'est Snorri qui l'évacue vers les coulisses.
L'incident ranime la haine. Le préfet de police, Gaudefroy Chaummont intervient pour tenter de ramener l'ordre. Le groupe d'Armand est accusé de chercher à de nuire au cabaret. L'homme de loi accorde 15 minutes pour en apporter la preuve.

À vous de jouer. Le cri de Rita a réveillé en vous la sensation d'un danger imminent. Vous ne comprenez pas vraiment comment, ni pourquoi, mais vous débarrasser du groupe de Delcambre semble un bon début pour ramener la tranquillité sur la place. Utilisez la liste suivante pour fouiller une zone de la place et rapportez votre trouvaille à Gaudefroy. Certaines d'entre elles seront peut-être des preuves permettant d'expulser le groupe de la place.


  • Un sac en papier près d'une poubelle
  • Une vieille dame au manteau trop chaud pour l'époque, assise près d'un arbre
  • Un carton à dessin, oublié près de la rue de Harlay
  • Un homme avec un grand chapeau et des lunettes aux verres fumés, près des popcorn
  • Une boisson qui fait de drôles de bulles, près du bar
  • Une jeune femme en robe trop chic, près d'une des caisses
  • Une caisse à outils sous la scène
  • Un gros homme qui sue, non loin d'une petite fontaine à eau
  • Une recette aux ingrédients bizarres, oubliée sur une table
  • Une boîte en carton sans marque à côté du stand des petits fours au fromage
  • Un étui d'instrument de musique aux couleurs criardes, dans les coulisses
  • Un couple collé qui ne cesse de chuchoter, au centre de la place
  • Un grand sac en cuir, sous un banc
  • Un bidon de lait posé contre le bâtiment des cuisines


Une fois votre poste rédigé et publié, nous l'éditerons avec Gaudefroy afin d'y ajouter son expertise, vous indiquant si oui, ou non, vous avez vu juste.

Note : Parmi les nouveaux personnages présents, Armand insulte en teal, Jackob (serveur, mage) s'exprime en #003399 et Sully (serveur, Dullahan) en bisque.
Il n'est plus possible d’interpréter Rita jusqu'à nouvel ordre.








Vous posterez à la suite ce message, sans ordre particulier et vous avez jusqu'au samedi 25 avril (au soir) pour participer à cette deuxième partie !


Vous pouvez toujours nous joindre par MP, pour nous signaler que vous avez posté à l'intrigue, ainsi que pour la moindre question ! Nous répondrons au plus vite, comme d'habitude.

Retardataires ? Vous êtes les bienvenus tant que vous prenez en compte les éléments précédents.
Pour les autres, un grand merci pour votre participation !

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Wup:


Dernière édition par Edward White le Sam 25 Avr - 13:09, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeSam 18 Avr - 17:14

Donc tu l’as vue, mais tu n’es pas allé lui parler ?
C-C’est que… Elle était avec sa famille, je ne voulais pas déranger.
Mais elle, elle t’a remarqué au moins ?
Eh bien…
Je vois. Leçon numéro une, Andréa. En amour, il faut savoir prendre les devants. Alors, tu y retournes, tu la colles contre un mur et tu l-

L’enfer fut sans pitié pour ce dernier instant d’innocence. Violemment, ses portes maudites s’ouvrirent sur la place Dauphine, exhalant ses troupes et d’immondes parfums de peur et de colère. Les sourires moururent, la bonne humeur s’étouffa et avant que l’on comprenne, le cauchemar débuta dans un cri. Un cri comme la mort seule savait en pousser, de ceux qui gelait les âmes les plus courageuses et anéantissait les plus sensibles. Un haut le cœur souleva le corps maigre d’Andréa. Une terreur atroce saisit le loup, meurtrissant le garçon. Il se mit à trembler, ses jambes se dérobèrent. Il s’accroupit, recroquevillé et plaqua ses mains contre ses oreilles. Des larmes incontrôlables ruisselèrent sur ses joues.

Andy ?!

Il l’entendait encore. Ce son inhumain s’infiltrait entre ses doigts comme une lame infinie et acérée. Il se serait arraché les oreilles si cela avait pu le rendre sourd. Il pleurait, suppliait que cela cesse, aspirant à fuir loin, sans que son corps réussisse à le porter. Puis, une présence. Tout contre lui, un froissement de tissu et deux mains fines s’appliquèrent sur les siennes. Un parfum de cannelle, une étreinte légère et le temps figé dans l’horreur, s’écoula à nouveau.
Celenna finit par doucement le relâcher. Restée près de lui, elle passa ses mains dans ses cheveux, dégageant ses mèches noires de son visage crispé.

Andy, c’est fini. Tu m’entends ?

Il entendait, mais secoua la tête affirmant le contraire. Il ne vit pas le faible sourire de la jeune femme, qui perpétua ses caresses, jusqu’à ce qu’il cesse de trembler. Avec précaution, elle écarta doucement ses deux immenses mains, toujours plaquées contre sa tête et les garda dans les siennes. Andréa leva sur elle un regard douloureux, rouge et sec de larmes. Son être résonnait encore avec toute la souffrance de cette seule note.

Tu veux que j’appelle ton oncle ?

Il refusa d’un signe de tête, après un reniflement timide.

Il ne faut pas te mettre dans des états pareils…

Il baissa les yeux et retira fébrilement ses mains de celles de Celenna pour les appliquer sur sa figure pleine de détresse. La honte s’ajouta au nombre trop importants de sentiments inexplicables qui se bousculaient en lui. Une grande inspiration lui fut nécessaire pour enfin articuler :

Pardon.
Allé relève toi.

Il accepta son aide. Son corps maigre et mince se déplia lentement, comme prêt à se briser. Elle lui servit un verre de jus de fruit, espérant que, mieux que l’alcool, le sucre saurait lui rendre des couleurs. Andréa l’accepta sans y plonger les lèvres. Celenna lui expliqua en le surveillant comme une casserole prête à déborder :

C’était Rita.

Un frisson glacé le secoua violemment, le bar le soutint.

Je ne sais pas ce qui s’est passé. Elle n’était pas au mieux de sa forme ces derniers temps, l’arrivée de cette bande de fous furieux lui a peut-être vrillé les nerfs.

Elle se pinça les lèvres. D’un geste maitrisé et pressé, elle se servit un fond de vin blanc qu’elle avala d’une traite. Reposé fermement sur la table, le tintement du verre fit sursauter Andréa. Celenna reprit :

Il ne faut pas s’inquiéter. Le Docteur Keller saura quoi faire. Pas vrai ?

Il acquiesça machinalement, sans savoir qui la jeune femme cherchait le plus à convaincre. Elle tendit la main et lui tapota gentiment l’épaule.

Tu devrais retourner en cuisine Andy. Au moins le temps de te calmer. Si ta belle te croise dans cet état, tu vas l’inquiéter. Et ne fais pas cette tête. Je suis sûre qu’elle va très bien. Tu as dit qu’elle était avec sa famille, non ? Ils prendront soin d’elle.

Il croisa par mégarde son reflet fantomatique à la surface de son jus de fruit. Elle avait raison. Quelques gorgées inondèrent sa bouche sèche d’où s’arracha un difficile : « Merci ». Il allait partir, quand Celenna lui rappela de ne pas oublier la seconde caisse de verres qu’il était revenu chercher. Le louveteau se pencha pour la saisir, mais s’arrêta en découvrant une bouteille sans étiquette, posée dessus. Il la souleva. Elle était pleine d’un liquide qu’il ne connaissait pas. Pensant à une erreur de Celenna, il lui tendit le contenant. Elle fronça les sourcils :

Ça n’est pas à nous.

Au tour du louveteau de regarder la bouteille plus en détail. Il remarqua qu’elle avait été négligemment refermée par un bouchon de liège. Celenna la récupéra, ôta l’opercule et renifla. Grimace.

Je ne sais pas ce que c’est. Mais on n’a jamais servi ça au cabaret.
Pourtant…
C’est peut-être ces types. Le préfet a dit qu’ils cherchaient à nous nuire. Ils voulaient peut-être qu’on empoisonne les gens avec ce truc.

Les couleurs retrouvées, disparurent à nouveau des joues d’Andréa. Un client venait d’arriver. La démone lui demanda un instant. Se rapprochant du jeune loup, elle lui demanda un peu plus bas :

Tu peux l’apporter au préfet ?
M-moi ?
C’est juste lui donner la bouteille. D’accord ? Ensuite tu files en cuisine.

Il dut accepter, car quelques minutes plus tard, au terme d’une foulée perdue entre absence et hésitation, Andréa se tenait raide comme un piquet, face à Gaudefroy Chaummont. L’homme de loi discutait seul, avec une femme dont les bras étaient occupés par un chien à la figure peu commune. Il aboya joyeusement en voyant le garçon approcher. L’échange s’arrêta, le temps pour l’aristocrate de sermonner « Poupette » et pour le préfet de remonter ses lunettes. Son regard d’acier transperça le louveteau de part en part, au point qu’il eut l’impression d’avoir fait une bêtise.

Tout va bien mon garçon ?
J-J’ai…

Gaudefroy haussa un sourcil. Il se souvint peut-être de son interlocuteur, car son air glacial fondit un peu. Il tendit la main vers la bouteille fébrilement maintenue.

Qu’est-ce que c’est ?
C-C’était près du bar, mais Celenna dit… Elle dit que ce n’est pas à nous.
Vraiment ?

Il la récupéra avec un grand intérêt et l’observa sous tous les angles. Lorsqu’il la déboucha, Poupette se mit à aboyer frénétiquement et à s’agiter de toutes ses forces. L’attention du Préfet se reporta sur la maitresse débordée qui finit par lâcher l’animal dans un petit cri d’affectation profonde. Il soupira et se retourna vers Andréa.

Ah.

Le louveteau avait filé.






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L’EXPERTISE DU PRÉFET

Cette odeur me rappelle quelque chose, de même que l’étrange couleur marron de ce liquide. Tiens, c’est de l’eau gazeuse, j’entends les bulles. Peut-être que… Oui ça se confirme. Encore ce charlatan américain ! Il cherche à placer son Cola… Je ne sais plus quoi. Il ne recule devant rien ma parole. Ce n’est pas la première fois qu’il essaie de distribuer en douce son produit. Je doute que cela ait un lien avec le groupe de Delcambre, mais si je mets la main sur ce bonimenteur…

Ce n'est pas une preuve.


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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeMar 21 Avr - 0:01

Texte écrit à deux:

Vingt secondes.
C’est le temps qu’il avait fallu à cette joyeuse après-midi pour emprunter la pente du désastre.

Fred et Morgan s’esclaffaient avec Morel et Duval, la bouche pleine de maïs soufflé, devant la mine livide de leur ami De Freilly. Les étudiants les avaient rejoints après leur numéro, et ils étaient retournés tous ensemble près de la scène, en tâchant d’éviter le groupe d’adultes auquel le trio venait apparemment de se soustraire. Car cette fois-ci, ils n’étaient pas venus seuls : le père de Duval, qui depuis un mois n’avait pas fini de plancher sur le dossier Quetzalcoatl dans son cabinet d’avocat, avait été invité par les De Montalant, ses vieux amis ;  et les parents de De Freilly, très impliqués selon les mois dans les bonnes œuvres (ainsi que dans l’œnologie, la critique d’art, ou la statuaire africaine, par roulement…), s’étaient joints avec enthousiasme à la petite troupe. Morgan avait donc passé un moment à scruter la foule des yeux, curieux de voir à quoi pouvait bien ressembler le fameux maître Duval, dont lui et son frère avaient si souvent entendu parler.

Il avait finalement cru le reconnaître non loin du Patron, juste à côté des De Montalant, et dès lors son visage avait perdu toute couleur. Son frère le remarqua aussitôt, et, constatant la catastrophe, ils n’eurent qu’un regard à se lancer : ils les connaissaient, ces slogans rouges et noirs. La dernière fois qu'ils y avaient eu affaire, leur soirée s'était terminée dans un chaos sans précédent avant passage en cellule, suivi de longues semaines de recherches et de paranoïa. À en croire son expression, Morel n’avait pas oublié non plus.

Sans un mot, Morgan prit appui sur Frédéric pour se hisser légèrement au dessus de la foule, confirmant leurs craintes :

« J’crois qu’c’est eux…
– Qui donc ?
– Ceux d’l’aut’ fois...»

De Freilly descendu de scène les rejoignit sur ses jambes flageolantes.

« Diantre ! Ayant frôlé de si près le trépas, je l’affirme aujourd’hui : la mort n’est qu’une ombre qui passe, et l’angoisse cède devant le soutien fraternel des amis qu-
– La ferme, De Freilly. Mon père est par là, il devrait pouvoir faire quelque chose. Suivez-moi.
– Tout poète est un éternel incompris… »

Les étudiants s'élancèrent à travers la foule, mais avant de les suivre, Fred souffla à  Morgan :

« Et elles ? T'les a vues ?
– J’crois pas. »

Maigre soulagement. Ne pas voir les manipulatrices qui les avaient sortis de leur garde-à-vue ne signifiait pas qu'elles étaient absentes. Depuis leur "rencontre" avec Oracle et Siren, et leurs fumeuses histoires de parchemin, les deux Lenoir restaient constamment sur le qui-vive. Maudites soient-elles.

Morel se retourna pour voir s'ils suivaient, avec sur les traits une expression méfiante. Il n'avait jamais complètement avalé leurs explications quant à leur comportement d’un mois plus tôt, ni cette histoire de libération fortuite qu'ils lui avaient déballée en le traînant avec eux, encore tout engourdi, hors du commissariat. Son nom à lui, ils l'avaient "effacé" du registre en arrachant la feuille sans autre forme de procès, puis, une fois qu’il s’était senti plus alerte, ils l'avaient tout bonnement renvoyé chez lui. Depuis, il ne cessait de leur jeter à la dérobée des regards inquisiteurs. Pauvre Morel, s'ils avaient pu l'épargner...

Dans les temps qui devaient suivre, les jumeaux s’étaient montrés visiblement en froid l’un avec l’autre. Morgan aurait préféré oublier les deux femmes, tandis que Fred, bien que flairant le piège, n’avait eu de cesse d'y repenser. Après une semaine misérable, durant laquelle le mage avait payé de sa personne ses excès de magie, ils s’étaient finalement résolus à contacter leur oncle par télégramme. Dix jours plus tard, Mônonc’Jean les mettait sur la piste d’un certain Anastase Atratus, humaniste excentrique qui depuis la Renaissance avait sombré dans l’oubli, exception faite de quelques ouvrages obscurs éparpillés dans les bibliothèques universitaires de la ville – de l’alchimie et de l'ésotérisme, principalement, qui n’avaient plus de valeur qu’historique. Partant du principe que des recherches n'engageaient à rien, les jumeaux avaient profité des étudiants pour pénétrer de nuit dans la réserve de la Sorbonne, misant sur leur nature bravache et un pari apparemment anodin. Ni l'un ni l'autre n'en était terriblement fier, et un regard entre eux suffit à confirmer ce qu'ils pensaient tous deux : si de nouveau les choses tournaient mal, ils feraient en sorte que, dans la mesure du possible, personne d’autre ne se trouve cette fois-ci impliqué dans leurs actions.

Ils avaient presque rejoint la scène du conflit lorsque le cri retentit, qui leur glaça les sangs.

Rita.

La note brisée transperçait l’espace pour se ficher tout droit dans leur cœur tel un dard. Duval tressaillit, comme pétrifié, le teint blême. La main de Morel se crispa sur sa poitrine, et il baissa la tête, paupières closes. De Freilly lui-même sembla saisi d’une émotion profonde et pour une fois authentique, qui submergeait ses grands yeux écarquillés et humides.

« Ça va, frangin, calm’-toi…Chuis là, respire... »

Derrière eux, Morgan, fébrilement accroché à son frère tendu comme un arc, était secoué de sanglots incontrôlables, entre lesquels il peinait à reprendre son souffle. Il ne s’était toujours pas fait à certains de ces sentiments qui le suffoquaient, qui le suffoqueraient toujours, qui comprimaient un peu plus ses poumons à chaque vibration de la voix de Rita.

Rita.

Lorsque le hurlement s’interrompit, il s’efforça de calmer le tremblement qui l’agitait et releva sur Frédéric un regard trempé mais résolu.

Cette fois était la fois de trop.

Et il sut que Fred était d’accord.

Après cette fois, il serait temps de partir.

Ils y avaient songé régulièrement, à ce départ, depuis leur arrivée à Paris. Jamais trop sérieusement. En dépit des quelques "incidents…" qui avaient ponctué leur séjour à la capitale, ils se sentaient plutôt à l’abri, entre les murs du Lost Paradise. Mais l’issue de la fête aztèque avait bouleversé ces impressions. Pour la première fois, on les avait visé, à la fois comme légendaires et de façon bien plus personnelle. Ils savaient désormais qu’ils ne seraient plus vraiment en sécurité, pas tant qu’ils resteraient dans les parages. Peut-être même pas après.

Cependant, Morgan avait consenti à rester le temps de retrouver ce fichu parchemin, au cas où ses secrets auraient pu les aider, et pour s’assurer qu’il ne tomberait pas entre de mauvaises mains – c’est en substance ce qu’avait dit Fred, que la chose paraissait tant obnubiler, et il s’était laissé convaincre. Car au fond, ni l’un ni l’autre n’avait vraiment envie de partir : c’est d’ailleurs pourquoi ils étaient toujours là.

Car leur enquête, voilà trois jours, déjà, qu’ils l’avaient menée à bien.

Ce qui les surprenait le plus, c’était à quel point trouver le parchemin leur avait semblé facile.
Au cours de leur intrusion à la Sorbonne, ils n’avaient d’abord trouvé de la main d’Atratus que de rares sommes techniques qu’ils avaient fait mine de feuilleter l’air de rien parmi d’autres, et tellement assommantes qu’ils auraient renoncé par ennui le soir même si un petit recueil de vers comiques n’avait attiré leur attention. Ils avaient donc glissé le fascicule dans leur sac avant de partir, histoire de ne pas rentrer bredouilles, mais sans grande conviction.
Et pourtant, ils avaient tapé juste.    
Sous leur apparent ton drolatique, qui parlait davantage aux jumeaux que d’arides séries de formules, les poèmes menaient en fait, entre les lignes, au sommet de la tour Clovis, qui dominait le collège Henri-IV. S’introduire incognito parmi la foule des lycéens bourgeois avait été une autre paire de manche, mais ils s’en étaient sortis avec brio. Et là-haut, derrière une vieille pierre, scellé par une rune si familière qu’elle aurait presque pu leur tenir lieu de second nom de baptême, le parchemin de Badr-Bâsim, sur un plateau d’argent.
C’en était presque suspect...

« Les gars ? Hé, les gars, ça va ? »

La voix de Morel les ramena malgré eux à la réalité. Fred relâcha doucement son frère et répondit d'une voix tendue :

« ...Ça ira. »

Son regard sonda les alentours avec inquiétude, à la recherche de leurs collègues et des légendaires qu’ils connaissaient parmi la foule. La tignasse argentée de Narcisse, à qui les trouble-fêtes n’avaient même pas laissé le temps de présenter son numéro ; Ziggy, avec son cortège d’enfants curieux ; Pipistrella, qui sortait tout juste le nez des coulisses, Mu, Lucy, Églantine, le Patron qu’ils n’avaient jamais vu aussi furieux… et même le commissaire Voelsungen, à quelques mètres à peine, de qui se dégageait une étrange odeur de fromage. Tous ces gens qu’ils appréciaient, qui faisaient partie de leur quotidien depuis un an, et dont il voulait s’assurer qu’ils allaient bien, cherchant leur regard.

Duval, pendant ce temps, était parvenu à se frayer un passage jusqu’à l’homme aux sourcils épais qui semblait escorter – ou tenir à l’oeil – les De Montalant. Ils échangèrent de brèves paroles au loin ; puis l’étudiant s’esquiva et leur glissa quelques mots en coup de vent.

« Mon père va voir plus près de quoi il retourne, je reviens. Apparemment, c'est une collègue à vous...
On sait. »

L'aura de Frédéric, qui les enveloppait lui et son frère, était aussi instable qu'avant leur fusion, et tout le corps de Morgan criait "danger". Mais il fallait bien se rendre à l’évidence : le cabaret était devenu pour eux comme une seconde famille, ce qui rendait la fuite inenvisageable – dans l’immédiat, du moins. L'hydre essuya ses larmes d’un revers de manche et Fred emprisonna sa main dans une poigne résolue ; rien n’aurait pu le convaincre de la lâcher, quand bien même il aurait voulu.

Duval revint de nouveau vers eux, leur exposant cette fois la situation dans le détail. Morel – ce brave Morel – était hors de lui. Mais malgré toute la réserve qu’il aurait pu avoir à l’égard des jumeaux, surtout dans un tel contexte, il s'inquiéta plutôt pour eux.

« Ça va aller ?
– Ouais.
– Faut qu'on les vire.
– Avec plaisir, encore faut-il une preuve...
– Face à l'ignominie, haut les coeurs camarades !... Enquêtons sur les actes de ces… euh…?
– De Freilly...
– ... de ces misérables ?
– Duval, tu es pour moi un soutien indéfectible. »

Ils balayèrent les environs du regard, songeant à la meilleure façon de procéder.

« Par où commence-t-on ?
– Chépa, 'faudrait qu'on regarde partout...
– Dispersons-nous, les enjoignit Duval, qui semblait s’efforcer de prendre la tête des opérations. Les Lenoir, vous pouvez faire le tour des zones réservées au personnel, et nous, de la place, pendant ce temps. Rendez-vous ici dans dix minutes ?
– Je vais avec eux.
– Morel, c'est pas le moment. Rose-Blanche aura--
– Elle s'appelle Églantine !
– Peu importe son nom, elle aura sûrement d'autres chats à fouetter, et--
– ...Attends. Les jumeaux, il ne vous dit rien, cet homme, là-bas, sur le banc ? »

Se tournant de concert, les amis aperçurent effectivement, assis non loin et les mains plongées dans un gros sac en cuir, un gaillard à la chevelure rousse soigneusement peignée, au-dessus d’une moustache hors du commun qui ne manqua pas d’éveiller certains souvenirs désagréables.

« On dirait l'type qui nous a coursé l'dernier coup… lâcha Morgan en grimaçant.
– Çui qu't’as latté à coups d'planche en bois ?
– ...
– ...Celui que quoi ??? »

L'homme ferma le sac, le poussa sous le banc d'un coup de talon et se redressa, fixant intensément le groupe du préfet, de Delcambre et de Monsieur White.

« Ouaip, on dirait qu’c’est lui.
– Que fait-on ? »

Mais Morel s'était déjà frayé un chemin presque jusqu'au banc. Ils ne surent exactement quel avait été son plan initial, mais tandis qu'il s'approchait sous le regard inquiet de ses quatre comparses, l'homme se leva précipitamment et rejoignit le groupe des trouble-fêtes. L'étudiant hésita une seconde avant de plonger le bras sous le banc, de saisir le sac et de revenir précipitamment auprès d'eux.

« À coeur vaillant rien d’impossible ! Je crie donc à ta gloire : victoire !!!
– Bien joué, vieux !
– On l’ouvre ?
– Nan, y vont dire qu’on a foutu des brols d’dans, si jamais… »

Duval roula des yeux et leur fit signe de le suivre. Il parvinrent à proximité de Chaummont, qui mettait de côté une bouteille au contenu noirâtre ; Duval tendit alors la main vers Morel qui lui remit le sac, et, avec un regard en coin pour son paternel qui les dévisageait tous les cinq, sourcil haussé, il le présenta à l’officier sur un ton plein de prévenance.

« Monsieur le préfet… »
Il toussota pour attirer son attention.
« ...Nous croyons avoir là quelque chose susceptible de vous intéresser. »


PNJs à dispo:






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L’EXPERTISE DU PRÉFET

Abandonné sous un banc vous dîtes ? Et vous ne l'avez pas ouvert ? Bien, voyons cela. Fermé à la hâte et… Bon sang quelle est cette odeur ? C'est infect ! On dirait de l'œuf pourri, exactement comme… Mais c'est bien ça. Le sac contient une dizaine de bombes puantes. L'une d'elle s'est fendue d'où cette odeur pestilentielle. Et ce n'est pas tout. Regardez ce que nous avons là. Une cinquantaines de tracts exactement semblables à ceux du groupe de M. Delcambre. On dirait bien que notre homme était prêt à asphyxier toute la place pour mettre un terme au spectacle. Nous allons voir ce que M. Delcambre va répondre à cela. Bravo messieurs.

Ceci est une preuve !

Note : Duval est accosté par son père qui souhaite savoir plus de détail sur ce qui s'est passé. De Freilly reste avec lui en souvenir de l'aide grandiose prodigué à sa prose. Gaudefroy laisse repartir Frédéric, Morgan et Morel. Il leur demande d'ouvrir l'œil et de venir l'avertir s'ils revoient l'homme qui a déposé le sac.


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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeMar 21 Avr - 19:00

Pendant que Jade était occupée à récupérer son argent, elle ne prêtait pas tellement attention à ce qui se disait tout autour. Son regard se releva enfin vers le passant qui l'avait bousculée et qui ne lui avait même pas tendu une main pour l'aider à se relever. Oh. C'était qu'un gamin … Peut-être même un des orphelins pour qui le spectacle était dédié. Sa colère se dissipa aussitôt et c'est d'une main hésitante que la voleuse tendit les pièces de francs vers lui, alors qu'elle aurait très bien pu en garder quelques-unes pour elle.

« Vos cheveux … vous êtes avec eux ? »

Sans comprendre, la belle battit des cils, esquissant un mouvement pour se pencher vers lui et lui poser quelques questions avec un sourire aimable, mais il était déjà parti, lui faisant plutôt froncer les sourcils. Avec eux ? Avec qui ? La troupe, probablement. Il n'avait pas vraiment tort sur le fond. Mais il y avait quelque chose … Une façon, dans cette manière d'insister sur eux, qui lui laissait une impression étrange et la faisait tiquer, comme s'il l'avait … fuie. Elle se faisait probablement des idées.

De toute façon, le cri strident qui suivit lui fit oublier bien vite l'incident. Le cri de la banshee lui fit plaquer ses mains sur ses oreilles, tandis qu'elle essayait de retrouver son chemin vers Edward, vers la scène, vers un semblant de sécurité. La force du nombre, tout ça. Elle n'y avait jamais vraiment cru jusqu'à présent.

Quelqu'un allait mourir.

Jade ne connaissait pas bien Rita, elle devait l'avouer, la harpiste était trop silencieuse à son goût. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'elle ne s'inquiétait pas, et qu'elle ne savait pas ce que cela signifiait. Pire. Ils ne pourraient pas tout contrôler sur la place publique. La course de la maquilleuse aux cheveux roses se stoppa brusquement, parcourut d'un terrible frisson. Des images traversaient son esprit. Les Montalant. Jules Chevalier. Son compère. Louna. Les voix transperçaient ses tympans : monstres, monstres, monstres. La seule chose positive qui était ressortie de tout ça, c'était la nouvelle plante qui sautillait doucement dans sa chambre, rescapée du cabinet de curiosités.

Prise d'un haut-le-coeur et ne souhaitant pas se mêler davantage à ce mouvement de foule, elle se rapprocha de la première poubelle à portée de vue pour s'y pencher de façon pas très galante pour rendre son déjeuner. Il lui faudrait boire un peu d'eau, mais pour le moment, elle n'en avait pas la force ni l'appétit. Elle faillit trébucher. Putain mais il y en a pas un pour rattraper l'autre ! Ces citadins laissaient trainer leurs affaires partout ! Est-ce que cela demandait vraiment tant d'efforts que ça d'ouvrir le couvercle de la poubelle pour y déposer un petit sac ? À bout de nerfs, Jade se pencha pour récupérer le sac et sauver la planète, un petit geste à la fois. Un doute se saisit d'elle, retrouvant un semblant de raison dans ce geste si simple et banal. Elle tenta alors d'ouvrir légèrement ce sac en papier pour vérifier si cela devait bel et bien aller dans la poubelle. C'était avant qu'on l'interrompe, une main puissante tombant sur son épaule.

« Bon sang Willie, tu m'as foutu la trouille ! »
« Jade ! Tu n'as rien ? »

Elle leva les yeux au ciel. Depuis le temps qu'il la connaissait, il devrait savoir qu'elle n'était pas une petite demoiselle en détresse comme les autres femmes. Elle était la Panthère rose, par les sept mers ! Ce n'était pas la foule qui allait la mettre mal à l'aise, elle qui avait grandi dans ces rues sans même un toit sur sa tête. Toutefois, la demoiselle se radoucit devant le visage inquiet de son ami et la légère pression que sa main exerçait contre son bras, écoutant ce qu'il avait à lui raconter, la mine soucieuse à son tour. Le cabaret avait bel et bien des ennuis. Que dire, c'était tous les Légendaires de la capitale qui risquaient de se retrouver menacés si la situation dérapait encore une fois. Elle avait entendu parler de la fête aztèque ...  Coïncidences, auraient dit d'autres. Mais Jade avait le sang de ses ancêtres qui coulait dans ses veines, et les croyances anciennes qui berçaient son arbre natal. La tempête grondait et ils étaient dans l'oeil de l'ouragan.

Son regard retomba sur le sac qu'elle tenait encore entre ses mains fébriles. William lui avait plus ou moins expliqué la situation, et qu'ils cherchaient des indices pour démêler l'affaire, prouver qui était vraiment fauteur de troubles. Peut-être y avait-il une pièce à conviction importante dedans, pourquoi voudrait-on s'en débarrasser sinon ? Que faire ? Elle ne travaillait pas pour la Curia. Les humains l'amusaient beaucoup, mais ils lui étaient pour la plupart indifférents, méprisants de la nature qui l'avait vu naître. Pourtant, une petite voix lui murmurait à l'oreille que c'était la bonne chose à faire. Depuis quand avait-elle une conscience ? Elle aurait pu s'éclipser facilement, puisque son visage était bien moins connu que celui de ses collègues. Maudit sois-tu White, et Ash en même temps !

« Tu veux bien aller remettre ça au préfet ? Je suis un peu timide ... Et ne regarde pas ce qu'il contient, tu entends ? On aura l'air suspect tous les deux sinon ! »
« C'est juste un sac en papier ... »
« Oui mais il était à côté de la poubelle ... Écoute, c'est mon boulot qui est en jeu. Fais ce que je te dis, s'il te plaît, darling. »

Bien sûr, tout cela, c'était une mascarade. Jade Perez, timide ? C'est surtout que le préfet de la police ne prêterait pas trop attention à ce que lui rapportait une voleuse bien connue de leurs services, si on se fiait aux dires du commissaire, en tout cas, peu importe à quel point elle pouvait être belle femme … Quoi qu'il en soit, l'artisan de chaussures soupira mais accepta bien de se prêter au jeu, si en échange, elle acceptait de partir avec lui par la suite sans faire d'histoire. Elle ne lui répondit que par un sourire reconnaissant, sans rien promettre. Elle ne pouvait pas vraiment abandonner ses amis, si ?







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Donc c'est votre amie qui a trouvé ce sac ? Près de la poubelle vous dîtes. Curieux, l'emballage est au nom du magasin Dip & Jones qui se trouve sur les Champs-Élysées si mes souvenirs sont bons. Voyons voir. Hum… Il y a juste un tissu. Oh. C'est une écharpe et il y a encore l'étiquette. Pardon ? C'est à vous madame ? Je comprends, vous avez confondu vos deux sacs et c'est le mauvais que vous avez déposé près de la poubelle. Il faudra faire plus attention à l'avenir. Enfin… Cela ne vas pas nous aider à nous débarrasser de Delcambre.

Ce n'est pas une preuve.

Note : C'est une petite mamie pleine aux as qui, se mélangeant les  pinceaux, a failli jeter le mauvais sac. Pleine de reconnaissance pour l'amie de Willie, elle insiste pour que ce dernier la lui présente afin qu'elle puisse la remercier.

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeVen 24 Avr - 22:19

Sa patience était mise à rude épreuve. Cela devait bien faire cinq minutes que le gamin buvait bruyamment son jus de fruit. Cinq longues et interminables minutes à entendre le même son, sans interruption. Faisait-il exprès pour éterniser son supplice ? Son verre n’avait-il pas de fond ou quelqu’un s’amusait-il à le lui remplir ?!
Mais là, s’en était assez ! Il y avait une limite à être pénible ! Il releva la tête et lança un regard noir vers son insupportable petit voisin. Celui-ci s’arrêta. Nullement effrayé par le démon, il fixa lentement ses yeux bruns dans les siens et lui fit un petit sourire innocent.
À bout de nerf, il n’en pouvait juste plus ! D’un mouvement brusque, les quatre pattes de sa chaise touchèrent brutalement le sol tandis que la petite table vola dans les airs. Il s’approcha un peu plus du gamin, l’intimidant par sa grandeur. Mais contre toute attente, le môme, qui n’avait pas bougé d’un pouce, continua à le fixer avec innocence. Il alla même à pousser le vice en lui adressant un autre sourire avant d’approcher son verre de ses lèvres et aspira de nouveau bruyamment le liquide sucré.

Cet affront fit exploser le toxicologue. Sa main s’élança vers le minuscule cou du gamin, mais à la dernière seconde, elle bifurqua légèrement plus haut. Il agrippa avec force le maudit récipient et le lui arracha. Puis il l’envoya valser au loin. Il entendit un homme protester lorsqu’il le reçut derrière la tête, mais n’en porta pas attention. Pendant tout ce temps, aucun des deux n’avait quitté le regard de l’autre. Ils continuaient à se dévisager sans broncher. Mais Ryden peinait à se contrôler. L’envie de lui arracher sa petite tronche innocente le démangeait énormément, mais il y avait trop de yeux et s’il s’éclipsait sans Serra, il serrait dans de beaux draps. Alors il ne lui restait plus qu’une option, bien qu’elle ne le satisfasse nullement. Finalement, le démon tourna les talons en ravalant sa colère et s’infiltra à travers les spectateurs.

Heureusement, le sourire lui revint lorsqu’il vit l’accoutrement très féminin d’une connaissance. Il s’approcha discrètement d’elle.


- Jolie tenue, Princesse Walkson. Murmura-t-il avec sarcasme à son oreille.

Sans lui laisser le temps de réagir, il s’éloigna, mais avant de disparaître dans un rire, il se retourna vers elle en s’inclinant.

- Elle met parfaitement en valeur vos… Ajouta-t-il en simulant une poitrine sur sa propre personne.

Mais sa bonne humeur s’éclipsa rapidement lorsqu’il constata tous les enfants autour de lui. La nausée le prit en voyant la joie qui jaillissait de leur visage. Quelle horreur ! Avec dégoût, il se dirigea sans plus attendre vers le bar éphémère. Il avait sérieusement besoin de remontant. Sentant qu’un verre ne serait pas suffisant pour supporter cet événement, il se commanda une bouteille de vodka.
Lorsque les perturbateurs firent leur entrer, il ne leur prêta pas attention. En fait, il était suffisamment près pour entendre les paroles échangées, mais pas assez intéressé pour leur jeter un coup d’œil. Au contraire, accoudé à l’extrême gauche du comptoir, il manifestait plus d’intérêt envers le liquide qu’il tourbillonnait dans le contenant de verre qu’envers les nouveaux arrivants. C’est seulement quand le cri de la banshee se répercuta dans la place qu’il abandonna sa bouteille. Il savait ce que cela signifiait. Un sourire en coin étira ses traits. Enfin, un peu de malheur dans ce trop-plein de joie !
Se sentant nullement visé par l’avertissement de la harpiste, il écouta cette fois-ci plus attentivement les échanges. Mais soudainement quelque chose lui agrippa craintivement le bas de pantalon. Il baissa les yeux et un soupir de découragement lui échappa.


- Toi, encore !

Il secoua la jambe dans l’espoir de se débarrasser de la chose, mais elle se cramponna encore plus fort à lui. Il la sentit même trembler.

- Ah, te voilà !

Il tourna la tête vers la voix. Une beauté rousse sortit de la foule inquiète et s’approcha du démon. Intriguée, ses yeux s’arrêtèrent sur le petit blondinet qui tenait fermement le tibia de son ami avant de lui adresser un regard interrogateur.

- Tu as retrouvé une de tes progénitures ?
- Ce parasite ? Très drôle, Serra.

Préférant ignorer sa sangsue, le démon examina plus attentivement sa partenaire d’affaire. Il y avait chez elle quelque chose de différent. Sous son éternel air amusé, il le voyait, elle avait cette petite lueur dans le fond des yeux. Elle le dissimulait bien, mais il la connaissait parfaitement pour ne pas le remarquer.


- Ne me dis pas que tu as…
- Quoi !?
- C’est ta première fois, hein ?
- Non ! Mais tu n’as pas peur ?
- Non, pourquoi ?
- De tout ça.
- C’est la… Il compta sur ses doigts. La millième fois que j’assiste à ce genre de manifestations. Eh puis, pourquoi avoir peur, ils pointent clairement les gens du Lost Paradise. On s’en fout de leur sort.

Il porta le récipient d’alcool à ses lèvres et prit une grande gorgée. Quelqu’un tout près se racla la gorge, il lui jeta un coup d’œil. La barmaid lui lança un regard noir, mais s’abstint de tout commentaire.

- Quoi ? T’avais juste à mieux choisir qui servir, petite démone.

Soudain, une voix attira son attention. Il lâcha sa bouteille et se tourna vers l’altercation.

- Ne leur donne pas de raison de te soupçonner et tu n’auras rien à craindre. Ajouta-t-il à l’intention de sa compagne tout en écoutant les hommes. Ce n’est pas comme s’ils avaient un détecteur.

Il s’arrêta plus intéressé que jamais à la conversation et écouta la voix insipide de son supérieur, le préfet de police.

- Et dans le pire des cas, aux nombres de légendaires présents ici, on peut facilement tous les massacrés. Un sourire mauvais apparut sur son visage. Comme cela, plus de menaces et plus de témoins.

Sur cela, il saisit par le collet le gamin accroché à sa jambe et le traîna en se dirigeant vers le haut gradé de la police.

- Voyez nos forces du maintien de l’ordre dans toute sa splendeur. Vous êtes au courant que c’est votre travail de trouver les preuves et non aux citoyens de le faire, Monsieur le Préfet.
- Que faites-vous, Monsieur Haesmar ? Lâcha l’homme, irrité par les paroles du toxicologue.
- Je fais votre travail. Voici une preuve. Répondit-il en brandissant bien haut l’orphelin qu’il tenait toujours par le col.
- En quoi est-ce une preuve ? Et déposez immédiatement cet enfant.
- Le gros méchant me fait peur, maman. Il me regarde avec un étrange regard. Dit d’une petite voix le blondinet en pointant un homme suant près d'une fontaine.

Plusieurs se tournèrent vers le suspect sauf Ryden qui fixait son parasite alors que celui-ci, toujours dans le vide, tentait désespérément de s’accrocher à son torse. Réalisant enfin pourquoi le gamin le collait ainsi, le démon sentit sa colère revenir de plus belle. Sans ménagement, il lança l’orphelin au policier.


- Je l’ignore ! Cracha-t-il en s’éloignant rageusement. Écoutez ce qu’a dit cette chose. À vous de voir. Je ne vais tout de même pas tout faire à votre place ! Pendant ce temps, je vais examiner la femme aux cheveux blancs… voir si ce n’est pas une toxine qui est la cause de son état.








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L’EXPERTISE DU PRÉFET

Je me serais passé de la présence désagréable d'Haesmar. Il n'a pas tord lorsqu'il dit que c'est mon travail, mais je n'ai pas d'homme sous la main et quadriller la place seul, me prendrait trop de temps. Enfin, à défaut d'être aimable, il bénéficie d'un peu de chance. L'individu indiqué par ce gamin a vraiment un comportement étrange. Il n'a pas bougé de la fontaine et conserve toujours une main dans sa poche. Il est trop nerveux. Je vais le faire venir ici.
Le voilà. Est-ce possible d'être aussi tendu quand on à rien à se reprocher ? Voyons voir ce qu'il cache. C'est le bandeau que portent Delcambre et sa bande. Et… un couteau de poche. Il se décompose. Au cas où « ils » attaquent M. Delcambre ? Quel argument pitoyable. Ça ne va pas se passer comme ça.

Ceci est une preuve !

Note : L'expertise toxicologique pourrait bien devoir attendre. Un manque se fait sentir dans les poches de la veste de Ryden. Son portefeuille a disparu.


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Comment décrire Ryden ?
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeSam 25 Avr - 12:43

« Écoute Dolores, tout être vivant doit mourir un jour, c'est comme ça. Les fleurs du jardin, les petits oiseaux, les insectes, et aussi le monsieur de tout à l'heure. On ne peut rien y faire. Mais pourquoi ? À quoi ça sert ? À laisser la place aux nouvelles personnes, aux petites filles comme toi. Mais il y a encore de la place à côté de la maison. Ce n'est pas aussi simple ma chérie. Ça m'intéresse pas la mort. J'aime pas ça. Ça me fait peur. »



« Docteur Keller ? Tout va bien ? Quoi ? Ah ! Oui oui, pardon Lûka, j'étais ailleurs. Dites à votre cuisinier de passer me voir demain au cabinet pour que je vérifie sa plaie, mais il n'a rien à craindre. Vu ce qu'il se passe sur la place, je ne pourrai sans doute pas revenir le voir. Quand il aura repris des forces, il pourra continuer de travailler, mais dites lui bien de ne pas mouiller son bandage. Je file m'occuper de Rita, restez prudents ici. »

Dolores quitta aussitôt les cuisines et se précipita vers les coulisses où Snorri venait tout juste d'emmener la harpiste inconsciente. Le chef de cuisine la regarda s'éloigner, sans réaliser que la poignée sur laquelle elle s'était tenue était désormais complètement broyée.

« Écartez-vous je m'occupe d'elle. Dolly Dolly c'est qui tous ces gens ? Quelqu'un m'a dit qu'ils ont critiqué ma chanson ! On en discutera plus tard Mimi, Rita est-ce que tu m'entends ? Combien de temps a duré le cri Snorri ? Je ne suis pas sûr, quelques minutes. Le blanchissement des cheveux n'aurait pas dû se produire aussi rapidement, j'aurais dû la consulter même si elle le refusait… Quelqu'un lui a parlé récemment ? Est-ce qu'elle a parlé de cauchemars ou alors est-ce qu'elle sursautait facilement ? Moi je l'ai pas vue ! Par contre j'ai vu hier que sa harpe avait une corde cassée, ça doit pas être pratique de jouer avec… Elle a probablement tout gardé pour elle, et les présages qu'elle a dû recevoir l'ont sans doute complètement épuisée. Je suppose qu'elle n'a pas mangé grand-chose depuis un bon moment non plus. Il faudrait l'allonger au calme et la faire boire dès qu'elle se réveille. Messieurs est-ce que je peux vous laisser vous en occuper ? Je vais aller retrouver mon assistant et lui dire de venir vous rejoindre pour surveiller le pouls de mademoiselle Upset et lui administrer quelque chose pour la calmer. Couvrez la bien pour que son corps reste chaud. Faites attention à ce qu'on ne vous voit pas, en particulier ces personnes avec leurs pancartes… »

La doctoresse remercia les quelques artistes qui offrirent leur aide et quitta les coulisses pour retourner sur la place dont l'effervescence avait déjà complètement changé de registre. Au bord de la scène, elle examina la foule agitée dans l'espoir d'apercevoir la tête du patron du cabaret, craignant que son tempérament ne le mette dans une situation inextricable.

« Elles sont mêmes pas belles leurs pancartes ! S'ils veulent se plaindre, pourquoi est-ce qu'ils ne nous envoient pas un courrier au lieu de tout gâcher comme ça ? Aide moi à trouver Adam, Mimi. Tu vas bien toi ? Le cri ne t'a pas touchée ? Oh non, moi ce qui m'a surtout touchée c'est cet horrible étui coloré que j'ai trouvé là-bas derrière. Tiens regarde ! Qui peut vivre avec un objet aussi moche ? Oh Adam ! Adam tout va bien ? Comment vont les gens qui étaient autour de Rita ? B-Beaucoup sont encore s-sous le choc… J'ai encore t-très mal à la tête mais comme ce n'est pas mon premier cri, je vais bien… Il faut croire que la rage de dent de Mme Murphy aura eu un effet positif finalement ! Quand je vous disais qu'il ne fallait pas vous boucher les oreilles ! Bon ! Vous retrouver me redonne de l'énergie Adam, et toi aussi Mimi. Avec ces forcenés qui débarquent de nulle part, le reste de la journée qui nous attend ne va pas être de tout repos. Voilà ce qu'on va faire. Adam, vous, retournez aider à évacuer les personnes qui étaient autour de Rita. Ils risquent d'avoir des pensées suicidaires donc assurez vous qu'ils n'aient rien de tranchant dans les mains. Certains vont aussi serrer les dents à outrance ou au contraire se décrocher la mâchoire, ceux-là doivent prendre un décontractant immédiatement, et vérifiez qu'ils ne se coupent pas la langue. La présence d'un proche aide toujours à l'apaisement, vous pouvez aussi leur chanter une petite chanson, je sais que vous avez une belle voix. Q-Q-Hein ? Haan c'est vrai ? Une fois qu'un médecin vous rejoint, allez dans les coulisses pour savoir où les autres ont emporté Rita. Assurez vous que son corps est encore chaud et donnez lui un calmant si nécessaire. D'accord j'y vais. Mimi, va voir le préfet, le grand bonhomme là-bas. Montre lui l'étui, il est bizarre et n'appartient à aucun artiste que je connais, peut-être que c'est un coup de ces gens aux pancartes. Je vais essayer de rejoindre Edward pour éviter qu'il étripe quelqu'un. Si tu croises Andréa, assure toi qu'il aille bien. Tu as tout compris ? J'aurais même pas pu goûter un petit four… Je reviens te voir après ! Sois prudente. Le premier qui me parle mal je lui dégomme la mâchoire avec cet étui hideux ! »

La danseuse et le docteur se séparèrent sans attendre. La première fendit la foule sans difficulté, évitant avec élégance les personnes susceptibles de la bousculer, s'assurant qu'elle ne soit pas décoiffée par l'agitation générale. Elle attrapa au passage le petit loup qui venait de présenter un objet au préfet, lui adressa un clin d'œil affectueux et lui embrassa délicatement le front de ses lèvres fraîches de dryades. Le visage du jeune garçon sembla alors reprendre quelques couleurs, mais il n'eut pas le temps de remercier sa bienfaitrice qui avait déjà rejoint le préfet, auquel elle présenta l'étrange (horrible) objet.

« Vous êtes le préfet ? Oui, vous- J'aime beaucoup vos lunettes. Vous voyez flou sans ? Une fois j'ai essayé les lunettes de Dolly Dolly et j'ai perdu l'équilibre. Tenez regardez j'ai trouvé cet objet horrible dans les coulisses. Personne du Lost Paradise ne peut utiliser quelque chose d'aussi moche. C'est forcément du goût de ces sales brutes avec leurs pancartes faites par un enfant de 5 ans. »

Au même moment, Dolores aperçut finalement Edward qu'elle rejoignit aussitôt. Elle devina rapidement à son visage crispé qu'une violente colère bouillonnait en lui, comme elle s'y attendait.

« Edward, j'ai vu Rita, elle devrait s'en remettre. J'ai demandé à d'autres artistes des coulisses de l'éloigner et la mettre à l'abri. Snorri est avec eux et Adam va aller la voir après. Les membres du public qui étaient autour d'elle lors du cri vont mettre du temps à se rétablir, mais heureusement personne n'a fait de crise cardiaque. »

La doctoresse savait qu'elle devait le rassurer pour qu'il garde ses idées claires. Agir sur un coup de sang était la dernière des choses à faire dans un contexte pareil…






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L’EXPERTISE DU PRÉFET

Merci. Trouvé dans les coulisses, vous dites ? Vous avez raison, les couleurs sont étranges. On dirait que c'est de la peint- Hm. Oui, le mélange est d'assez mauv- Madmoiselle ? Pardon mais je… Pouvez-vous… Bon. Laissons la parler. Voyons voir ce que contient cet étui. Il a été maquillé pour masquer son usure. Les loquets sont dans un sale état, à croire que ce truc a été sorti de la décha- Oh bon sang. Je n'ai plus vu ce genre de menace depuis la guerre entre les Lames blanches et les Gueules du diable. Malheureux corbeau. Épinglé là dedans, les ailes écartées, c'est lamentable. Et ça… Encore un de ces fichus tracts ! Tout cela devient inquiétant…

Ceci est une preuve !

Note : Mimi n'a, heureusement, pas vu ce que contenait l'étui. Le Préfet le conserve comme pièce à conviction, avec le reste. La danseuse pourra retourner vaquer à ses occupations dès qu'elle aura terminé sa tirade sur quoi porter avec la couleur rose.


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Et Adam crie en deepskyblue /o/

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeSam 25 Avr - 16:31

Charles-Alexandre ne pouvait pas parler, car après tout, il n'était qu'un balai. En revanche il entendait parfaitement bien. Comment, seule Lotte le savait, mais elle n'avait aucune envie de s'embêter à l'expliquer. Lorsqu'il prenait forme humaine grâce à un sortilège de sa patronne, Charles-Alexandre ne pouvait toujours pas parler. Mais il entendant toujours très bien, et cette fois on pouvait se dire que c'était grâce à la paire d'oreilles accrochées à sa tête.

Noyé dans l'agitation de la foule, le pauvre peinait à comprendre ce qu'il se passait, et se retrouvait rapidement submergé et incapable de prendre une décision. Il faut dire qu'il n'était qu'un balai dont l'objectif principal était de faire le ménage. Autant dire qu'une fois perdu au milieu de la société mondaine de Paris, il était rapidement démuni.

Toute cette poussière…

Ses yeux ne purent par exemple quitter la miette qui s'était accrochée à l'épaule de Monsieur de Montalant, tandis qu'il parlait avec lui et s'enthousiasmait du spectacle se déroulant sur scène. Il voulait la lui retirer, mais ne trouva pas l'occasion de le faire. Lorsqu'un policier vint s'écrouler près de lui, recouvert de petits fours, il ne put cette fois s'empêcher de lui en retirer un du revers de la main. Alors, quelque chose d'inattendu se déroula, et l'homme, et sa miette, le policier aussi, s'éloignèrent aussitôt. Lotte tira sur sa manche. Il la hissa sur ses épaules.

S'en suivit une profonde agitation à laquelle il ne comprit rien. Il sentit l'inquiétude grimper rapidement en lui, et lorsqu'il tourna la tête vers une jeune femme tétanisée, deux petites mains douces vinrent se poser contre ses grandes oreilles.

Elle hurla, mais lui n'entendit rien, protégé par sa directrice. Son corps se raidit et grinça, comme du bois mort, avant d'être aussitôt envahi par une douce chaleur en provenance des doigts de la Simurgh.

- Approche moi de là où se trouvait la banshee.

Il s'exécuta. Un grand nombre de personnes dans le public se contractait avec douleur, tandis que d'autres se noyaient dans des sanglots inexplicables devant des camarades à peine tourmentés.

- Tout le monde n'est pas réceptif de la même manière, chuchota la directrice dans l'oreille de l'intendant aux tâches ménagères. Il faut que j'apaise ceux qui étaient juste devant elle.

Les yeux levés vers la petite fille, Charles-Alexandre ne repéra une autre petite demoiselle qu'il bouscula involontairement avec ses longs bras. Un petit calepin ricocha sur le pavé, l'homme s'empressa de le ramasser. Sa propriétaire, dont les larges lunettes cachaient à peine des yeux encore rouges, le remercia avec gêne. Lotte reconnut aussitôt la petite journaliste, et demanda à son père fictif de la descendre de ses épaules.

- Pardon ! Je ne faisais pas attention à où je marchais !
- Ce n'est pas grave, mon papa est muet il ne peut pas parler, alors je m'excuse à sa place. Je m'appelle Charlotte Dubois.
- Oh euhm, bonjour, vous pouvez m'appeler Rose-Lise ! Enfin toi, parce que ton papa ne peut pas me… E-Est-ce que tout va bien ? Le cri ne t'a pas fait peur ?
- Non. Et vous ?

Rose-Lise ne s'attendit sans doute pas à une telle question de la part d'une petite fille, mais pensa qu'elle devait profiter d'une bonne éducation et était sans doute très mature pour aider ainsi son père. Cela lui donna le sentiment de parler à une femme bien plus âgée qu'elle.

- À vrai dire j'ai été surprise et je ne sais pas pourquoi j'ai un peu pleuré… J'ai repensé à mon petit chien qui est mort il y a longtemps.

Les yeux de la journaliste s'arrondirent. Pourquoi venait-elle de dire cela à une enfant ? Celle-ci ne sembla par ailleurs aucunement dérangée, et fouilla dans la poche de sa jolie petite robe pour sortir un petit pompon de tissu équipé d'une belle plume blanche. Elle lui tendit.

- C'est un cadeau ? demanda la journaliste.
- Oui, pour s'excuser du comportement de mon père.

Perplexe, Rose-Lise ne sut quoi dire. Elle chercha du regard l'approbation du père, qui se contenta d'un sourire derrière son épaisse moustache broussailleuse.

- C'est très joli, merci ! Je le garde avec moi. Vous devriez vous éloigner, je crois que beaucoup d'enfants ont déjà été évacués. Je… Je dois rester pour mon travail, mais j'espère vous revoir !

Elle s'éclipsa aussitôt en direction des coulisses, sans doute dans l'espoir d'en apprendre plus sur la harpiste qui avait été évacuée. Lotte la regarda faire en silence, puis voyant que les personnes qui se trouvaient près de la banshee étaient en train d'être évacués, tendit sa main en direction de Charles-Alexandre. Le balai la saisit et sentit aussitôt une puissante chaleur envahir son corps noueux.

- Va aider à les éloigner de la foule. Assure toi de tous les toucher avec tes mains. Je vais rester sur le côté en t'attendant. Reviens aussi vite que possible.

Le grand moustachu hésita à laisser sa fausse fille seule au milieu de toute cette agitation, mais finit par être rapidement convaincu par le regard qu'elle lui adressa. Il s'éloigna alors quelques mètres plus loin. De son côté, Lotte se mit à l'écart, observant du coin de l'œil son intendant qui se démenait docilement mais non sans maladresse pour porter une femme à moitié inconsciente. Un étrange individu situé près de là capta alors son attention, affublé d'un grand chapeau et de lunettes suspicieuses. Voyant que le préfet n'était pas très loin, Lotte fit un signe de la tête à un petit pigeon qui grignotait un morceau de pain par terre. Le volatile s'envola aussitôt et passa devant les yeux de Monsieur Delcambre avant d'aller se poser sur le chapeau de l'individu louche. Le préfet afficha une expression douteuse, puis se dirigea vers l'homme en question.






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L’EXPERTISE DU PRÉFET

Vous là ! Vous pensez que je ne vous ai pas reconnu ? Qu'est-ce que c'est que cette tenue ridicule ?! Enlevez-moi ça. Oh ne me regardez pas comme ça. Je ne connais pas les manières des américains, mais en France on essaie pas d'écouler sa marchandise en la glissant discrètement au milieu d'autres boisson. Reprenez votre bouteille. Et que je ne vous revois plus ici. Si vous voulez promouvoir votre étrange mixture, faites le dans les règles.

Ce n'est pas une preuve.


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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeSam 25 Avr - 20:18

Est-ce que tu l’entends Eques ?
Quoi donc ?
La vengeance qui se rapproche.

Et deux lèvres roses s’ouvrirent sur un sourire. Qu’elles étaient douces, aux oreilles de Siren, ces clameurs furieuses, comme ils résonnaient délicieusement ces murmures réprobateurs et ces doutes destructeurs. Le champagne glissa sur sa langue, ses bulles chatouillèrent sa bouche et lui arrachèrent un léger frisson de plaisir. Vide, le verre tournoya entre ses doigts délicats et son regard d’azur plongea à nouveau dans la foule.
Siren était arrivée depuis peu. Elles s’étaient infiltrée parmi les convives aussi simplement qu’une vague entre les galets. Une belle robe bleu marquait sa taille de guêpe, ses longues mèches blondes étaient remontées en un chignon élégant, égayé de quelques perles. Juste assez chic pour passer inaperçue dans cette masse bourgeoise, mais pas assez belle pour être remarquée. Eques était à sa droite. Il se tenait appuyé contre la scène, sa silhouette de dandy séparée entre ombre et lumière. La chaîne de sa montre à gousset miroitait faiblement sur le coton noir de son gilet. Il tira dessus. Le boîtier d’argent vola dans un arc de cercle maîtrisé et termina entre ses longs doigts. Un clac, indiqua qu’on en ouvrait le battant.

C’est bientôt l’heure.
Je sais.
Tu les vois ?

Un silence.

Oui.

La même excitation ceignit leurs cœurs. Siren n’eut pas besoin de se retourner pour savoir qu’Eques avait disparu. À son tour, elle s’avança. Il y avait quelque chose d’animal dans ses foulées longues et chaloupées. Le pas était pressé, le tissu volait autour de ses deux jambes graciles, pourtant les talons ne claquaient pas sur le pavé. Elle ralentit lorsqu’un serveur lui coupa la route, mais en profita pour se délester de son verre. Puis la marche reprit, plus prudemment cette fois, car elle les distinguait nettement. Froncement de sourcils.

Trois ?

Deux têtes similaires, une autre familière. Elle siffla entre ses dents lorsqu’elle le reconnut :

Encore ce gamin.

Courte réflexion. Ses iris se levèrent vers la scène, puis retournèrent sur le trio. Tant pis. Siren se rapprocha. Il fut le premier à la voir. Elle savoura avec délice le mélange désastreux d’émotions qui s’imprima sur ses traits. C’était son instinct qui parlait, elle le sentait. Comme un lointain souvenir avant un somme imposé dans une cellule de dégrisement, ou le rappel des courbatures d’un corps après une danse sauvage au milieu de la place Saint-Michel. Morel ouvrit la bouche. Plus rapide et plus souple qu’une anguille, Siren le devança :

Est-ce trop tard pour vous féliciter pour votre numéro ?

Son sourire avait la douceur de la pêche, mais il y perlait l’acidité du citron. Elle perçut le mouvement de recul de l’étudiant, mais ne lui accorda pas une seconde de réflexion. Se rapprochant de lui, elle étreignit ses deux mains et sa voix s’éleva, chaude et admirative :

Et vous êtes leur ami ? Comme vous devez être heureux de les connaître !

Et comme Morel fut heureux de les connaître. Son visage tout entier rayonna d’une amitié sans borne et d’une fierté profonde, balayant du même coup toutes ses craintes. Il bomba un peu le torse, puis croisa les bras d’un air qu’il pensait viril :

C’est sûr que ce n’est pas rien de connaître les Lenoir !

Elle le relâcha et s’écarta légèrement, satisfaite. S’essuyant discrètement les mains, elle adressa un coup d’œil amusé aux les jumeaux, plus marqué pour Morgan.

On devrait en discuter avec un bon verre.
Oui. Je vais les chercher. Je reviens tout de suite.

Et Morel s’éloigna avec dans le cœur, la joie d’un enfant. Siren soupira, faussement attendrie :

Si dévoué à ses amis. Quelle tristesse que je ne puisse pas savourer sa figure pétrie d’incompréhension lorsqu’il reviendra.

Elle secoua doucement la tête. Un instant la trouva rêveuse et pensive, puis ce fut comme une gifle. Siren se redressa, vive et alerte. Ses iris avaient pris la teinte de la glace, son timbre en avait la dureté :

Donnez vos mains.

Sa voix transperça leurs muscles et les anima d’une force irrésistible. Elle saisit leurs doigts et dès lors, tout ce qu’elle souffla s’imprégna si profondément en eux, que cela devint une vérité absolue à laquelle ils ne pouvaient se dérober.

Je vais vous dire un secret, qu’il ne faudra pas révéler. « Le serpent va danser ». Quand il dansera, vous viendrez, je serais près de la scène.

Elle les rejeta leurs mains.

D’ici là, ne vous éloignez pas.

Son sourire devint immense, presque fou.

Et profitez du spectacle.

Elle partit.


- - - - - - - \o\ - - - \o/ - - - /o/ - - - - - - -


C’est un joli présent que l’on vous a fait.
A-ah ? Euh… Oui. C’est une gentille petite fille qui me l’a donné. Elle s’occupe de son papa qui est muet. Elle a l’air très courageuse et… Ah ! Mais comment savez-vous que c’est un cadeau ?
Ne le perdez pas. Il est précieux.
Oui je ferais attention mais j- Oh. Elle est partie…






Ce post ne marque pas la fin de la manche.

Suite à une demande, la fin de la manche est reportée à lundi 27 au soir. Profitez-en !

Les personnages concernés par cette intervention sont Frédéric et Morgan, ainsi que Rose-Lise le PNJ de Lotte. Ils seront contactés pour plus d'informations.
https://lostparadise.forumgratuit.org/
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeLun 27 Avr - 13:39

Dès qu’ils lui avaient appris la nouvelle concernant le spectacle de charité, tous les machinistes avaient lâché un long soupir devant la tâche colossale qui leur attendait. Déjà descendre le matériel de la mansarde jusqu’au rez-de chaussé s’avéraient presque d’un miracle sans rien briser, maintenant on leur imposait de le transporter sur plusieurs mètres. Brick diminutif de Bricksvent’ifvòsky, mais tout le monde l’appelait amicalement dans son dos; Nain de jardin, principalement parce qu’il avait tout de l’apparence typique d’un nain de jardin, avec le chapeau pointu, la longue barbe grisante et très fournie ainsi que les vêtements, mais en plus, il devait être le nain le plus petit au monde même si lui, préférait dire qu’il était un grand gnome, avait protesté pendant une éternité. Cependant, Ouadji savait que c’était simplement pour la forme. Malgré son fort caractère bougonneux/ bagarreur, sa trop grande gueule et son humour décalé, le sphinx avait vite compris que c’était une façade, une manière pour ne pas se laisser marcher sur les pieds, car le chef des machinistes était en fait un ourson au cœur tendre. C’est probablement pour cette raison qu’il s’était rapidement lié d’amitié avec ce maître ingénieur et ce grand connaisseur des secrets telluriques.

Le jeune garçon n’était donc pas étonné de le voir se donner corps et âme afin d’offrir aux orphelins et aux autres invités le meilleur spectacle possible. Et une chance qu’il faisait partie de l’équipe, car malgré sa petitesse, il était doué d’une force incroyable. Ouadji soupçonnait même qu’il devait avoir des gênes de fourmi dans son ADN. Et il savait diriger ses collègues avec brio. Il n’avait peut-être pas de fouet, mais ses paroles étaient tout aussi cinglantes.

Maintenant que le plus gros du travail avait été accompli, il ne restait plus que les changements de décors entre chaque artiste, Ouadji profita d’une minute de répit pour reprendre son souffle et calmer son stress. La représentation des frères Lenoir leur avait donné du fil à retordre avec tous les petits détails pour la mise en scène, mais il était content du produit fini. Et en croire la réaction des enfants et des adultes, ils avaient eux aussi été satisfaits.


- Nom d’une salerlipode, l’jeunot, c’est pas l’temps d’flâner ! La Rose Écarlate est l’prochaine.
- Ce n’est pas la Rose Blanche ?
- Peu importe ! Grouille-toi l’fessier ! Ma Grand-Mâ, unijambiste, aurait d’jà fini d’tout’installer !
- Elle n’est pas morte ?
- Just’ment ! Et lâche-moi tes boules d’coton. C’est pas l’temps d’faire une crise d’panique ! T’a f’ra après. Ah, et tout’com’te fait, laisse. J’vais m’en occuper. T’as pas chômé d’puis c’matin.

Sans plus de cérémonie, Nain de jardin dévoila un verre qu’il dissimulait dans son dos et le tendit au sphinx.

- Tiens, bois ça. Ça d’vrait calmer tes p’tits nerfs de princesse.

Assis au sol, près des coulisses, Ouadji se leva d’un bond.

- Non, non ! Je vais le faire.
- HÉ ! Assis ! Vide ça et occupe-toi du prochain ! Et que j’te vois pas t’affairer avant ça !

Tel un chien bien dressé, le sphinx se rassit lentement et prit le bock.


- D’accord, Monsieur Brick.
- Lâche-moi avec ton M’sieur ! J’va t’l’répéter combien d’fois encore, c’est juste Brick !

Puis il partit en rouspétant contre les bonnes manières de son jeune collègue. Ouadji le regarda s’éloigner. Une certaine culpabilité le rongeait. Il savait que son chef s’était autant démené que lui, et ce, depuis l’aube. Mais les ordres étant les ordres, il baissa son regard vers le verre. Un timide sourire s’afficha sur ses traits. Il n’avait jamais eu l’intention de le renvoyer travaillé, au contraire, il avait même remarqué l’agitation du sphinx. Il faut dire que depuis son emprisonnement, Ouadji avait très peu sorti et les grandes foules le rendaient nerveux. Il avait toujours une crainte de perdre le contrôle et de causer une catastrophe. Sans compter le stress habituel causé par la gestion de tous les numéros et les imprévus rencontrés, le jeune garçon avait jonglé toute la journée avec son anxiété. C’est pourquoi, cette petite touche d’attention le toucha.
Il renifla le liquide. Un petit rire s’échappa de ses lèvres. C’était bien du Brick tout craché. Pour lui, tout se règle avec de l’alcool fort. Préférant s’abstenir, il le déposa et se prépara pour le prochain numéro.

Alors que celui-ci se déroulait sans incident, les problèmes surgirent parmi les spectateurs. Des voix hostiles s’élevèrent.
Que se passait-il ? Inquiet, le sphinx laissa dépasser discrètement sa tête de la scène. Au même moment, un Brick en furie passa près de lui et fonça vers le groupe de Delcambre.

- On est déjà d’hors, bande d’idiots !

Réussissant de justesse à l’attraper par la ceinture avant qu’il ne provoque une catastrophe version « petit peuple », Ouadji le tira avec peine loin des regards.

- Lâche-moi, l’jeunot ! J’vais leur montrer c’que c’est une abomination !
- Respirez, Monsieur Brick, dit d’une voix chancelante le demi-fauve. Je suis sûr que Monsieur White et Monsieur Nummelin vont gérer la situation.
- Comment osent-i - Monsieur Brick ?! T’veux vraiment mon poing dans’figure ?! Il s’arrêta, observa enfin son jeune collègue. Inquiet, il ne l’avait encore jamais vu aussi nerveux. Hé, gamin, ça va ? T’inquiète, j’te frap’rai pas.
- Ce n’est pas ça. J’ai déjà vécu ça… et je crains que ça recommence.
- Quoi !?

Puis le cri vint. Il lui glaça le sang, pénétra dans tout son être avec une telle force, fracassant ses dernières barrières. Son baromètre d’anxiété explosa. C’était trop, juste trop. Il sentit la cassure. D’un coup, il s’effondra, se recroquevilla et plaqua ses mains sur ses oreilles. Désemparé, Nain de jardin regarda tout autour, cherchant une quelconque forme d’aide, de réponse. Que devait-il faire ? Finalement, il lâcha en enfonçant un peu plus son chapeau sur son crâne :

- Bouge pas, j’vais chercher l’Dr. Keller… ou Aram… quelqu’un !

Lorsque le calme revint dans son esprit, le sphinx se releva. Perdu, il explora les lieux du regard. Puis des voix se manifestèrent. Mais il ne les aimait pas. Elles étaient fortes et colériques. Elles lui faisaient peur. Il devait se cacher. On ne devait pas le trouver. C’était la règle.

Son regard apeuré s’arrêta sur la scène, plus précisément, sous la scène. D’une démarche rapide, mais en faisant de petits pas, il s’inséra sous les planches. Il avait tout juste l’espace suffisant pour se pelotonner. Sentant quelque chose lui rentrer dans les côtes, il le poussa et se mit à sucer son pouce. Au même moment, le préfet passant près, vit apparaître devant ses yeux une caisse à outils.








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L’EXPERTISE DU PRÉFET

Hum… Qui a laissé cette caisse à outil trainer ici ? Ça pourrait être dangereux avec les enfants sur la place. En plus elle est restée ouverte. Voilà, c'est mieux. Ici au moins, ils ne pourront pas mettre la main dessus.

Ce n'est pas une preuve.



Dernière édition par Ouadji Oursou le Jeu 10 Fév - 18:18, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeMar 28 Avr - 23:16

Le petit four disparut.

L’amuse bouche atterri directement dans les mains d’une petite fille. L’enfant, toute joyeuse, le goba dans un immense sourire comblé. Aldrick remercia M. Dubois dans un souffle, en se relevant seul, étonné d’un tel hasard, autant que de l’odeur de pin qui flottait dans l’air. Le regard d’ambre du commissaire croisa celui de Charlotte, il frissonna intégralement, voulu parler mais n’y parvint pas. Chose étrange même : son instinct lui hurla de partir. ll s’éloigna de plusieurs pas sans s’en rendre compte ; puis un mur invisible l’arrêta. Incapable du moindre geste, figé sur place, les muscles contractés à l’extrême, la mâchoire close, serrée comme un étau inviolable, les veines saillantes, battant d’un sang enragé, d’une colère animale, tous les sons lui parvenant amplifiés, distordus, insupportables. Puis le silence.

Assourdissant.

Le lycanthrope retrouva sa liberté dans un pas aussi brusque que s’il venait de manquer une marche d’escalier. Haletant, sans s’en rendre compte, une larme coula le long de sa joue, tandis que le souvenir d’une soirée au bord de la Seine s’imprima violemment dans son esprit. Celle-la même où Rita avait poussé un cri similaire.

- Andréa.

Ce ne fut qu’un murmure, mais sa première pensée alla pour le jeune homme. Le loup noir balaya les alentours du regard, en ayant l’impression que le louveteau l’avait appelé du plus profond de son âme.

* Andréa ! Eléna, Sabrina, Eric ! Mère ! Est-ce qu’ils vont bien ? Sont-ils blessés ? *

L’idée que ce puisse être le cas, lui broya le coeur. D’un bond, Il s’élança, enjamba une caisse de bois clair.Sa foulée se fit rapide, animale, il se faufila entre les gens, évita le plateau d’un serveur garni de petits fours, contourna deux bambins, passa devant Julius, Rose et une enfant sans les voir, esquiva une plante, bifurqua de justesse devant un musicien et accéléra lorsque la scène fut dans son champ de vision.
La truffe en l’air, il analysa chacune des odeurs qu’il détectait avec une urgence noyée de craintes. Le loup ralentit. Chaque seconde gonflait son coeur d’angoisses morbides.

*Où sont-ils ? *

Aldrick dévisagea la foule, s’arrêtant sur une petite fille rousse, un garçonnet joufflu, un nounours rapiécé serré dans des bras blancs rachitiques, deux têtes blondes identiques aux dents du bonheur, un monsieur rondouillet qui tentait d’apaiser sa progéniture, un trio qui se bouchait encore les oreilles, une vieille dame la bouche grande ouverte aux yeux dans le vague, une brunette aux cheveux lâchés, un chien plus loin dont l’aboiement virulent lui hérissa le poil avant qu’il ne scanne à nouveau les présents. Pourquoi diable était-ils si nombreux ? Où donc était Andréa ? Il y avait un peu de son odeur qui trainait par là, il en était sûr ! Il l’aurait reconnu entre mille ! Sa tignasse éparse, ses yeux noisettes… Il ne devait pas être loin, il fallait qu’il le retrouve, qu’il lui parle, qu’il...

- ÉRIC !

Aldrick sursauta. Le cri venait du coeur. De même que l’étreinte qui suivit.
À quelques pas à peine, non loin des cuisines, Élise avait été plus rapide. Dans ses bras, les deux jeunes filles pleuraient à chaudes larmes, pendues à son cou.Accroché aussi fermement à Archimède que si sa vie en dépendait, Éric semblait hésiter entre quitter son perchoir sécuritaire ou se joindre à l’étreinte familiale.
Le loup noir fit un pas, avant de se stopper net, perdu entre l’irrépressible envie de les retrouver pour partager un oppressant soulagement et la déchirante amertume qu’il n’aurait jamais totalement sa place sur ce joli tableau. Il fixa avec insistance le benjamin, s’arrêtant sur sa petite main qui comprimant le gilet du médecin.

*M’aurait-il étreint ainsi ? Le fera-t-il jamais ? Ou fondera-t-il de nouveau en larmes si…*

- Aldrick !

L’agent tressaillit en sortant de ses pensées. Élise lui faisait signe, pensant probablement qu’il ne les avait pas vu. Une seconde seulement, le visage d’Aldrick fut marqué d’une profonde détresse, mélange de hurlements maintes fois refoulés et d’angoisses d’abandon grandissantes. La suivante, il secoua la tête pour en chasser toutes ses horribles pensées, avala les derniers mètres qui les séparaient et prit aussitôt en étau toutes les filles entre ses bras, déposant au passage un baiser sur le front de chacune.

- Vous m’avez fait une peur bleue ! Tout le monde va bien ?
- Personne n’a été blessé, soyez sans craintes.

Archimède avait une de ces voix calmes et douces qui apaisent tout de suite, semblable à celle d’un merveilleux conteur d’histoire. Comme par enchantement d’ailleurs, il se sentit plus léger, plus serein qu’il ne l’avait été depuis des années, ce, malgré les circonstances. Le brun en fut si étonné, qu’il libéra doucement la gente féminine et s’approcha des garçons. D’un signe de tête, il salua les deux gentilshommes tout en s’inclinant légèrement.

- Merci. Merci d’avoir veillé sur…
- Aly.

La main tendue d’Éric se referma sur son manteau sombre. Interloqué et surpris, le lycanthrope ouvrit la bouche tout en avisant Éric et cet immense sourire qu’il ne lui avait encore jamais vu. Un sourire juste pour lui. Le coeur au bord des lèvres, Aldrick n’osa parler, ni même bouger, tant il peinait à savoir s’il était déjà mort et arrivé dans un potentiel paradis où on l’aurait envoyé par erreur, ou si cette réalité était bien la sienne.

- Éric on dirait bien que tu as cassé le grand commissaire à toi tout seul ! Se moqua Élise
- Cassé ? L’enfant pencha la tête sans comprendre dans une bouille adorable.

Aldrick secoua la tête et tout en surveillant sa réaction comme le lait sur le feu, ses doigts tremblants effleurèrent ceux de son petit frère, craignant qu’il ne se dérobe au moindre geste brusque. Il n’en fut rien. Seul son surnom échappa de nouveau au petit homme et Aldrick ne le trouva jamais aussi merveilleux qu’en cet instant.

*Je pourrais mourir de bonheur là ! *

Un sourire béa et stupide inonda le visage de l’agent avant qu’il ne tique.

*Mourir ? *

Le cri de Rita lui revint en mémoire et la bulle intemporelle dans laquelle ils étaient jusqu’à présent, éclata bruyamment. L’agent hésita puis finit par négocier une discussion privée avec la matriarche, tandis que les autres restaient groupés, non loin.

- Mère, j’ai déjà assisté au cri de cette banshee, j’étais face à elle la dernière fois et ça n’avait rien de comparable. Je ne sais pas ce qui trame mais…
- Tu crois que le groupe qui vient d’arriver ne serait pas si pacifiste ?

Il avisa les manifestants, reconnaissant Armand et quelques-uns de ses coopérateurs, présents au bal costumé quelques semaines auparavant.

- Je l’ignore, mais il vaudrait peut-être mieux que vous rentriez avec les petits ?
- Maintenant ? Mais rien ne prouve qu’elle n’ait pas juste eu un malaise ou qu’un événement funeste ne frappe pas des personnes dans le pâté de maison d’à côté. La blonde croisa les bras sur sa poitrine.
- Rien ne prouve le contraire non plus !
- Certes.
- Ce n’est pas à prendre à la légère. Ce serait courir des risques inutiles.
- Admettons. Mais… Ton patron n’est-il pas en train de ramasser des preuves avec l’aide des présents pour éviter qu’ils ne s’éternisent et que ça ne dégénère ?
- Je… Euh… Possible mais…
- Je l’ai entendu en parler avec le neveu de White, tout à l’heure. Le coupa-t-elle.
- Andréa ? Il allait bien ?
- Il tenait debout. Elle haussa les épaules. J’ai même cru qu’il allait se prendre le bidon de lait qui traîne là. D’un geste de la main elle indiqua l’objet, isolé.
- Quelqu’un l’a peut-être oublié ? Soupira-t-il, pas beaucoup plus rassuré au sujet du louveteau.
- Un oubli de poids ! Tu as vu la taille de ce barrique ?

Curieux, il se rapprocha et observa la bonbonne, l’inscription dessus était illisible, mais ce fut surtout l’odeur qui émanait du récipient qui le laissa perplexe. Mais après son carnage au fromage, il n’était pas certain que sa truffe ne lui joue pas des tours.

- Apporte donc ça à ton chef, ça te fera une excuse pour glaner des infos, on avisera ensuite. Ça te va comme ça ?
- Je… suppose, mais ne vous éloignez pas trop des autres. Acheva-t-il avec une grimace, à court d’arguments.

Ramassant le bidon, il s’exécuta. Mais une fois face à Gaudefroy, il n’écouta que d’une oreille son discours, certain d’avoir aperçu une jeune femme blonde, dans une robe aussi bleue que ses yeux, non loin d’Andréa. Il voulut les rejoindre mais le destin en décida autrement.







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L’EXPERTISE DU PRÉFET

Vous ici Commissaire Voelsungen ? M-Mais qu'est-ce que vous transportez ? Que voulez-vous que je fasse d'un bidon de lait ? Avez-vous trop bu ? Hum… Une odeur inhabituelle vous dites. Faites moi sentir cela. En effet, c’est bizarre. Il fait trop sombre pour que je distingue quoi que ce soit, mais… Hm ? Je peux faire quelque chose pour vous jeune homme ? Ah. De l’huile de friture, vraiment ? Pour la cuisine du Lost ? Maintenant que vous le dites… Oui, oui, vous pouvez le récupérer, je n’y vois aucun inconvénient. Dommage commissaire, cette fois votre nez légendaire vous aura trompé.

Ce n'est pas une preuve.



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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeMar 28 Avr - 23:18

J’aurais dû l’obliger à te consulter ! C’était stupide de lui laisser le choix. Elle disait que c’était de la fatigue, que ça passerait. Et je l’ai crue ! Pire ! J’étais tellement occupé avec les préparatifs que je n’ai même pas pensé à une crise. Un rhume, voilà ce que je me suis dit. Un sale petit rhume. Et maintenant Dotty ?! Maintenant, une partie des convives se sent mal, des enfants pleurent à l’une de nos représentations et une bande de corniauds réclame notre peau.

Edward étouffa le hurlement de rage qui le gagnait en plaquant ses deux mains sur sa bouche crispée. Ses ongles s’enfoncèrent dans sa peau, sa respiration rapide siffla entre ses doigts. Il inspira profondément. Une fois. Deux fois. Une vieille pulsion porta l’articulation de son index entre ses crocs. Il en lacéra la peau, un filet de sang dégoulina le long de sa paume, puis disparut en une tâche écarlate sur le bord de sa chemise. La douleur apaisa la fureur. Il compta. Un. Deux. Trois. Nouvelle respiration profonde, puis ses iris dépareillés croisèrent ceux de Dolores. Ah oui, c'est vrai, il avait promis. Honteux, il fit disparaître sa main blessée dans son dos, mais le silence et le regard appuyé de la doctoresse l’obligèrent à la lui confier.

Pardon.

La rage évaporée laissa place à un loup totalement hagard. Son attention s’était arrêtée sur son amie, mais sans vraiment la voir. Épaules et tête basses, il se luttait en silence contre l’ouragan qui fracassait son esprit de questions et de doutes. Une bourrasque plus terrible que les autres le secoua d'un violent frisson et enfin, il appela à l’aide :

Qu’est-ce que je dois faire Dotty ?

Son timbre était fragile, prêt à se briser. Il lui ressemblait si peu qu’on aurait put croire à une supercherie si son être n'avait pas été aussi visiblement torturé par l’incertitude. Il se redressa et observa la foule. Au hasard d’abord, puis avec une certaine avidité, mêlée d’appréhension. Il ne s'en rendit pas compte, mais il cherchait Andréa. Alors, les mots qu’ils avaient échangés un mois plus tôt lui revinrent en tête, limpides. Ils les entendit distinctement s’échapper de ses lèvres :

Je crois que quelque chose d'important va arriver. Je ne sais pas où, ni quoi, ni comment, mais je sens que c'est pour aujourd’hui.

La crainte était de retour, mais moins dévastatrice. Il referma sa main immense sur celle de son amie afin d’obtenir son attention. Les mots se bousculèrent trop vite dans sa tête et la quittèrent en se heurtant au son d’un accent désagréable :

–– Je veux les protéger, mais je ne sais pas de quoi. Je devrais tout annuler, mais ils ont tous tellement travaillé pour ce spectacle. Et puis il y a les enfants. Je ne veux pas que cette journée se termine comme ça. Dotty, je ne sais pas quoi faire. Je n'ai aucune preuve contre Delcambre et ses chiens galeux. Je n'arrive même pas à chercher, j-
Patron !

Edward sursauta. Son étreinte sur la main de la doctoresse disparut lorsque Sully les rejoignit. Pâle, le Dullahan prit quelques secondes pour réajuster sa mise, il salua la praticienne, puis poursuivit :

Snorri m’a demandé de venir vous avertir. Il emmène Rita au cabaret pour qu’elle y soit tranquille. Il est parti avec Épona qui restera avec elle en attendant notre retour.
S’est-elle réveillée ?
Pas encore… Mais Adam est venu. Il a confirmé que son pouls était régulier et ses cheveux commencent à retrouver leur couleur. Il est resté dans les coulisses et s’occupe des autres artistes encore sous le choc.

Court silence.

Ils souhaitent rentrer ?
Non monsieur. Tous m’ont fait savoir qu’ils poursuivraient la représentation dès que le calme serait revenu.

Le loup blanc ouvrit la bouche, la referma, puis l’ouvrit à nouveau, mais cette fois sur un faible sourire. Les couleurs revinrent sur son visage et ses angoisses s’apaisèrent, calmées par la quiétude d’une meute solidaire. Sa meute.

Merci Sully. Je vais voir si-
Dolly, dolly ! J'ai donné la boîte hideuse au Préfet, il a été très content de l'avoir. Il m'a dit que cela l'aiderait à faire partir tous ces bonhommes et leurs pancartes moches ! Je ne sais pas trop comment. Peut-être qu'il y a dedans un instrument qui fait fuir les gens qui n'ont pas de goût. Hihi !

Edward écarquilla les yeux.

Qu’est-ce que vous avez dit Mimi ?
Oh Monsieur patron ! Je ne vous avez pas vu, pourtant vous êtes toujours aussi grand. C'est bizarre. Mais j'ai vu Andy-choupinou ! Je lui ai fait le bisou magique de la dryade et pouf ! Son teint tout blanc a retrouvé la fraîcheur de la rosée !
M-Merci, lâcha Edward dont le cœur se soulagea d'un poids. Mais au sujet de la boîte, qu'est-ce que le préfet vous a répondu ?
Qu'elle ferait partir les vilains. Il l'a dit avec des mots compliqués et d'une voix toute froide et tellement sérieuse ! Il faisait un peu peur. Je crois qu'il va tous les mettre dehors avec un bon coup de pied aux fesses ! Pan !

Edward partit. Plusieurs mètres furent avalés, puis il pila net. Il se retourna et lâcha rapidement :

Sully, dîtes aux employés qui le peuvent de s’occuper des enfants. Et envoyez-moi les plus solides. On pourrait avoir besoin d’eux.

Il le vit acquiescer et cela lui suffit. De nouvelles foulées sauvages l’empêchèrent d’entendre la délicate Pipistrella assurer à son collègue qu’elle faisait bel et bien parti des employés les plus solides du cabaret. D’autres encore, l’entraînèrent au milieu de convives interloqués, parfois choqués, mais souvent d’infaillibles soutiens. Les dernières enfin et Gaudefroy fut en vue. Delcambre aussi.

Puisque je vous dis que je ne reconnais aucun de ces objets !
Ni vous, ni vos collaborateurs, vous me l’avez déjà dit. Ce que je vous demande c’est comment vos tracts ont atterri parmi des boules puantes et un oiseau mort. Et contre qui l’un de vos partisans était censé à vous défendre à l’arme blanche.
À l’arme blanche ? s’étrangla Edward.

Surpris, Gaudefroy releva la tête. Celle de Delcambre se teinta d’un rouge si violent qu’il monta jusqu’à la racine de ses cheveux.

White, je vous en prie, ne vous e-
C’est vous hein ? C’est vous ! Beugla Armand en s’arrachant à son groupe. J’aurais dû me douter que vous utiliseriez même les méthodes les plus viles pour nous discréditer !
Vous vous débrouillez très bien sans moi, cracha Edward.
Vous ne les tromperez pas éternellement avec vos ignobles spectacles.

Grondement du loup. Les poings se serrèrent.

Vous n’êtes qu’une bête White…
Arrêtez ça Armand ! Vous ne cherchez qu’à le provoquer !

On s’écarta dans leur dos, laissant passer la fine silhouette de Jules Chevalier. Les joues encore rouges d’une course récente, il se plaça sans hésiter devant Edward, faisant face à Armand. Surpris qu’on le défende, la fureur grandissante du loup s’estompa brutalement, celle de Delcambre explosa dans un rire glaçant :

Quoi d’autre ? On ne discute pas avec les animaux, Jules !
Vous avez perdu la tête…
C’est vous qui ne tournez pas rond. Votre amour pour ces choses… C’est répugnant.
Assez ! Tonna Gaudefroy. Ces disputes ne nous mènent nulle part. Jules, qu’avez-vous apporté ?

Alors seulement, Edward nota le grand carton à dessin tenu par le jeune antiquaire. Ce dernier s’était légèrement raidi, les mains crispées sur la pochette. Un ultime regard pour le sourire mauvais de celui qui, autrefois, avait été son ami, le décida :

Je l’ai trouvé près de la rue. Il est au nom d’Armand Delcambre.
Quoi ? Hurla le concerné.
C’est vrai, nota Gaudefroy en récupérant l’objet. Il y a votre nom.
M-Mais c’est impossible. Je n’ai pas touché à un carton à dessin depuis…

La ficelle dénouée, il l’ouvrit. L’horreur s’en échappa et secoua les présents d’un tressaillement violent. Edward était le plus pâle de tous. Son cœur avait jailli dans sa gorge, serré à l’extrême et pourtant pulsant à en exploser. Une feuille parmi d’autres glissa et tomba à ses pieds. Une affiche plus précisément, celle d’un numéro spécial de June. Lacérée, raturée, annotée de toutes les immondices possibles, il n’osa pas la toucher. Le carton en débordait.

Bon sang… Murmura Gaudefroy. C’est à l’asile qu’on devrait vous envoyer.
Ce n’est pas à moi !
Votre nom est…
C’est un coup monté ! Jules où avez-vous récupéré cela ?!
Je jure que je l’ai trouvé par terre ! Miss D’Arbanville était avec moi, elle vous le confirmera.
C’est absurde ! S’époumona Armand. Je n’aurais jamais pu perdre un objet comme celui là !
Vous comptiez peut-être disperser quelques affiches en plus des tracts ? Lâcha Gaudefroy en refermant le carton.

Il eut un coup d’œil pour le visage livide du loup blanc, crispé par un dégout innommable.

Bien c’est assez. Vous déguerpissez d’ici.
Quoi !? Et vous allez les laisser…
Objectez encore une fois et je vous colle en garde à vue.
Vous n’avez pas le droit !
C’est moi, le droit, asséna le Préfet d’un ton glacial.
J’espère que vous êtes content de vous Jules ! Espèce de-

Le coup partit trop vite. Il surprit le préfet, mais pas Edward. Lorsque l’antiquaire rouvrit les yeux, un poing blanc, figé dans l’espace, tremblait à une trentaine de centimètres de lui. Refermé sur le bras belliqueux, la poigne inébranlable du lycanthrope avait coupé court à l’assaut.

Le Préfet de Police vous a demandé de partir.
Ne m-

L’objection s’étouffa d’elle-même. Instinct de survie sans doute. Car en redressant la tête, Armand découvrit qu’Edward n’était plus seul. Plusieurs de ses employés l'avaient rejoint, dont la délicate, mais non moins solide Pipistrella. Alors, l’étreinte du loup se desserra et Delcambre se libéra d’un mouvement brusque. Il se massa le bras et sans un regard pour Jules, ou pour Gaudefroy, il tourna les talons. Indécis, ses fidèles finirent par lui emboiter le pas et doucement, la place se vida de ses intrus. Le soulagement fut colossale pour Edward. Ses épaules s’affaissèrent et le sourire lui revint.

Merci, abandonna Jules, toujours près d’eux.
C’est réciproque.

Ils savourèrent le retour de rires.

Le spectacle pourra reprendre, vous croyez ?
Oui. Il y a encore quelques fanatiques de Delcambre récalcitrants à chasser et il nous faudra rassurer les convives, mais dès que le calme sera revenu, mes employés seront prêts.
Mettons nous au travail alors, lâcha Gaudefroy en ajustant ses lunettes.

Et tous se dispersèrent sur la place.

- - - \o/ - - -

Il était moins qu'une ombre lorsqu'il se glissa derrière Snorri. Il franchit l'entrebâillement de la porte du cabaret dans ce qui fut à peine le bruit d'un pas. Les deux hautes silhouettes s'éloignèrent en direction de l'infirmerie, lui gagna l'étage accompagné du faible craquement de quelques marches. Arrivé dans le couloir, sa foulée s'accéléra, mais l'épais tapis en étouffa le martèlement. Il ralentit devant une porte, poursuivit un peu sa route, puis revint en arrière. Alors, délicatement, la poignée s'abaissa toute seule. Verrouillée. Un frottement de tissu pressé, puis quelque chose sembla briller dans le vide. Un « poc » contre le métal de la serrure, précéda un crépitement discret d'étincelles rouges, puis blanches. Enfin un claquement. Le bâtant pivota et seul, il se referma.
Dans la petite chambre des frères Lenoir, se matérialisa un enfant. Sa silhouette, terriblement pâle, se distinguait à peine sous une cape et une capuche épaisses et étrangement opaques au moindre rayon de lumière. Il rangea un objet dans sa poche. À son petit poignet, pendait un bijou rustique. Une suite de pierres, toutes gravées, qui luisaient faiblement. Il s'avança, son maigre bras tendu dans les airs, surveillant une lueur qui, à l'approche du sol, se révéla plus vive. L'enfant s'agenouilla, chercha et guidé par l’éclat, il trouva. Là, sous une grosse malle, un interstice dans le plancher.

Lune ne fut qu'un courant d'air soulevant une porte lorsqu'il quitta le Lost Paradise. Contre son cœur, dans sa main serrée, pulsait le parchemin de Badr Bâsim.
- - - - - - - \o\ - - - \o/ - - - /o/ - - - - - - -


Voix des coulisses



Bravo ! Grâce à votre travail et aux preuves rassemblées Delcambre et la majorité de son groupe ont dû quitter les lieux. Le spectacle va bientôt reprendre et cette journée ne sera pas totalement perdue. Toutefois, même si le calme a l’air d’être revenu, quelques tensions persistes et vous allez y être confrontés. Entre les enfants encore déboussolés, les convives toujours tendus et quelques fidèles de Delcambre infiltrés dans la foule, difficile d’y échapper.

Prodiguer du réconfort, fuir, mettre de l’huile sur le feu à vous de voir comment vous le gèrerez l’une des scènes listées ci-dessous. Il est à noter que les employés du cabaret encore en forme ont reçu comme consignes d’apaiser les inquiétudes des présents ou de dégager les derniers membres du groupe de Delcambre qu’ils repèreraient. (Vous trouverez les couleurs dans le premier post.)

Communs :

  • Edmond De Montalant est mort d’inquiétude, il ne retrouve plus son épouse.
  • Opale d’Arbanville a perdu ses moyens devant un petit garçon en pleur.(Réservé)
  • Dominik est aux prises avec un membre du groupe de Delcambre qui l’accuse d’être un sorcier.
  • Jakob essuie les plaintes d’un homme qui demande des explications.
  • Ludger essaie d’empêcher un comparse de Delcambre de vider le chaudron de popcorn afin de prouver qu’il est magique.
  • Celenna tente de rendre des couleurs à une jeune femme qui s’est sentie mal.
  • Sully doit trouver les mots pour calmer un vieux couple qui craint le retour des hommes de Delcambre.
  • Lucy cherche à séparer deux enfants qui se battent.

Spéciaux :

  • @Ryden : Serra est prostrée à l’écart, elle est très nerveuse et désire quitter les lieux, mais impossible de savoir ce qui s’est passé.
  • @Lotte ou Dolores : À cause de l’étrange petit papier qu’elle a trouvé, Rose-Lise est accusée par une adepte de Delcambre d’avoir déposé certaines preuves contre eux.
  • @Les jumeaux : Duval et De Freilly ont retrouvé un Morel hagard et tremblant au milieu de la place, des verres à la main.

Pour les « spéciaux », si l’action vous coince, vous pouvez préférer choisir une scène de la liste commune, auquel cas la scène « spéciale » sera considérée comme non existante et vous pourrez utiliser votre PNJ comme bon vous semble.

Note : Armand, Snorri, Rita et Epona ne sont plus présents et ne peuvent donc pas être incarnés pour ce tour.





Vous posterez à la suite ce message, sans ordre particulier et vous avez jusqu'au dimanche 10 mai (au soir) pour participer à cette troisième partie !


Vous pouvez toujours nous joindre par MP, pour nous signaler que vous avez posté à l'intrigue, ainsi que pour la moindre question ! Nous répondrons au plus vite, comme d'habitude.

Retardataires ? Vous êtes les bienvenus tant que vous prenez en compte les éléments précédents.
Pour les autres, un grand merci pour votre participation !

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Dernière édition par Edward White le Lun 4 Mai - 23:50, édité 1 fois
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Ryden Haesmar

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 3 Mai - 18:08

- Serra, tu n’aurais pas vu mon portefeuille ?

Adossée à un réverbère plus en retrait, la gumiho sursauta. Son regard hagard quitta le sol et se braqua une seconde sur celui de Ryden avant de le fuir. Il tenta de rétablir le contact, afin d’avoir leur fameuse conversation silencieuse, mais elle évitait catégoriquement de le regarder. Fronçant les sourcils devant l’étrange attitude de son amie, l’homme l’étudia plus en détails.
Son éternel et magnifique sourire avait disparu, au lieu de cela, la femme se mordillait nerveusement la lèvre inférieure. Ses doigts s’entremêlaient dans une danse qu’eux seul comprenaient. Il vérifia ses vêtements ainsi que chaque parcelle de peau. Aucune blessure. Rien ne laissait présager qu’elle s’était battue. Mais son pétillement habituel s’était volatilisé, remplacé par une aura terne, vide d’énergie.
Qu’est-ce qui l’avait mise ou la mettait dans cet état ?
Plus intrigué qu’inquiet, il l’observa encore sans rien comprendre. Elle n’était pas du genre à se laisser abattre facilement. Elle était, au contraire, imperturbable. Un vrai roc. Était-ce vraiment juste la manifestation anti-légendaire et le cri de la banshee qui la mettaient dans cette grande nervosité ?

Finalement, elle brisa le silence entre eux, évitant toujours son regard. Même sa voix avait perdu son éclat, son amusement.


- Allons-nous-en.
- Pourquoi ?
- Partons.
- Pourquoi ?
- Je veux partir !
- D’accord, pars. Mais moi, je reste.

Elle lui jeta un très bref coup d’œil. Il percevait son tiraillement.

- Pourquoi ?
- Tu ne sens pas qu’il y a un troisième joueur derrière tout cela. Plus j’y pense et plus j’ai l’impression que quelqu’un d’autre tire les ficelles. Et je veux savoir pourquoi. C’est quoi son but... Laissant vaguer son regard sur les invités, il ajouta. Et qui il est…

Puis, un homme austère sortit de la masse. Aussitôt, un long soupir s’échappa d’entre ses lèvres. C’est drôle comme la simple vision d’une personne peut vous affecter. C’est ce qui arrivait à chaque fois que le démon voyait le préfet. C’était immanquable. À chaque fois, un ennui mortel l’engloutissait complètement. Et cette fois-ci ne faisait pas malheureusement pas exception.


- Votre amie va bien, M. Haesmar ?
- Elle est seulement secouée.

Gaudefroy acquiesça, puis continua en dévoilant un petit portefeuille de cuir qui n’était pas à sa première année d’existence, bien au contraire.

-  Sinon, n’auriez-vous pas égaré ceci ?  
- Ah, si justement ! J’avais perdu espoir de le retrouver. Vous voyez, vous êtes capable de faire votre travail quand vous y mettez du vôtre !

Habitué aux piques du toxicologue, le quinquagénaire resta de marbre et préféra changer de sujet.

-  Quelles sont vos conclusions à l’égard de mademoiselle Emerald ? Avez-vous découvert quelque chose ?
- Rien.
- Bien.
- Pas nécessairement. Je n’ai pas pu l’examiner. Un nain de jardin, avec tout un sens de la réparti, m’a apostrophé pour que j’aille voir un gamin. Le temps de lui faire comprendre que j’avais plus urgent à faire, on l’avait déjà évacuée.
- Un nain de jardin ? Avez-vous trop bu, vous aussi ?
- Non. Ah, justement, le voilà !

Au même moment, Brick passa en coup de vent. Il semblait poursuivre quelqu’un ou quelque chose, mais d’où il était, le démon n’aurait su dire quoi exactement. Il n’avait eu le temps de voir qu’une vague forme aux couleurs bizarrement agencées.

- Hum… Il semblerait que vous ayez raison.
- Bref, si vous voulez plus d’informations sur la femme, allez voir M.White. Il parait que le médecin du cabaret l’a ausculté.
- D’accord.

Sur cela, le préfet s’éloigna, laissant les deux partenaires, seuls dans leur silence. Si l’un semblait perdu dans ses propres pensées, hésitante à partir même si l’envie était forte, l’autre regardait la foule, songeur. Puis, une décision se prit enfin dans l’esprit du démon. Depuis les événements du Quetzalcoatl, il hésitait, mais maintenant, il était temps de s’impliquer. Pas ouvertement. Néanmoins, il était temps de mettre son grain de chaos dans ce plan qui lui restait nébuleux. Il n’obtiendrait peut-être pas de réponse, mais au moins, il aurait la satisfaction d’avoir instauré une donnée aléatoire, de ne pas être juste un spectateur dans cet échiquier.

Après avoir observé attentivement la foule, il avait fini par repérer trois infiltrés du groupe de Delcambre. Il leur fit signe discrètement d’approcher. Le premier préféra l’ignorer. La deuxième ne le vit jamais. Heureusement, le troisième, un jeune homme dans la vingtaine, le rejoint naïvement. Une proie idéale. Prenant un air qui inspirait la confiance, il commença sa manipulation.


- Tu es bien avec Delcambre, hein ? Hé, ne t’inquiète pas, je vous appuie à 100%. As-tu entendu parler d’un certain Heinrich Kramer, mais il préfère Monsieur le curé ?
- Non… Un curé…
- Oh, ce n’est qu’un surnom. Il a été excommunié justement à cause de ses propos, car il est comme nous. Il a en horreur les monstres. Il a même trouvé une manière de les détecter ! C’est pourquoi son nom commence à circuler. On dit que partout où il va, les villes sont purgées de l’infecte présence de ces créatures abominables. Ils le fuient tels de petits animaux apeurés. Plus il parlait et plus il voyait le regard de son interlocuteur s’agrandir, s’illuminer. Il était maintenant temps de lui insuffler sa volonté. Et il paraîtrait qu’il est récemment arrivé à Paris. Il rôderait près de Notre-Dame. Si vous partez tout de suite, vous allez peut-être réussir à le ramener à temps et obtenir ce pourquoi vous êtes venu !

Ryden continua en lui donnant une description plutôt détaillée du chasseur en question, en lui rassurant qu’il ne pourrait pas le manquer. Il le sentirait de loin. Il le mit toutefois en garde, l’apparence et les manières de l’ancien homme d’Église pourraient le déstabiliser.

- Je vous aurais volontiers accompagné, mais ma femme ne se sent pas bien. Je suis sûr que la harpiste lui a fait quelque chose. Alors, je laisse cette précieuse tâche entre vos mains. Si vous survivez à son test, M. Kramer répondra à nos attentes, c’est certain. Par ce geste, vous sauverez peut-être la ville de leurs infâmes influences.

Galvanisé par les paroles du démon, il ne lui en fallut pas plus. Le jeune homme partit au pas de course en direction de la cathédrale.

- Survivre ?
- Je sais. J’aurais dû utiliser un autre mot. Mais il ne l’a pas remarqué.
- Tu sais aussi qu’ils étaient relativement pacifiste jusqu’à présent… s’Il vient…
- Je sais, dit-il un avec sourire fendu jusqu’aux oreilles.
- Tu aimes vraiment jouer avec le feu.
- Tu me connais. J’adore le chaos et il en manque terriblement en ce moment ! Il jeta un coup d’œil à son amie. Allons, ne fais pas cette tête. En temps normal, tu serais la première en t’en réjouir. De toute façon, tu voulais t’en aller, non ?
- J’espère pour ton plan que son emplacement est exact.
- Crois-moi, lui, je le surveille de près. Bon ! Maintenant, vas-tu me raconter ce qui s’est passé ? Qui t’a volé ta bonne humeur ?

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Je vous insulte en #330000

Comment décrire Ryden ?
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Morgan Lenoir
Morgan Lenoir

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeLun 4 Mai - 10:48

Texte écrit à deux:

« D’ici là, ne vous éloignez pas. Et profitez du spectacle. »

Ils ne perçurent la dernière phrase qu'à travers les battements affolés de leur coeur, qui résonnait à leurs oreilles. Elle ; encore Elle. Et une nouvelle fois, elle s’en était également pris à Morel… Par ailleurs, si elle était là, Oracle ne pouvait être bien loin. Mais ils ne bougeaient pas. Pourquoi ne bougeaient-ils pas ? Leur corps ne leur répondit enfin qu'après qu'elle se fut volatilisée parmi les badauds. Tremblants, choqués de s’être ainsi laissé manipuler, ils se lancèrent une oeillade, puis se précipitèrent après elle.

Morgan partit devant, meilleur pisteur que son frère qui le suivait de près ; ils fendirent la foule, cherchant les odeurs, scrutant les visages, les auras, les vêtements.

« Hé, faites attention ! »

Ils firent le tour de la place de façon méthodique, n'écoutant personne, à l’affût de tout, dans une danse instinctive qui rappelait leurs escapades en forêt, du temps où il leur arrivait d’y chasser, une ou deux vies plus tôt semblait-il. Cependant, leur public hétéroclite eut vite raison d’eux. S'ils n'avaient été saisis d’une même terreur, ils auraient pu croire avoir rêvé la robe azur et les boucles d'or.

Que faire ? S’ils ne pouvaient pas affronter l’ennemi, comment éviter la catastrophe à venir ? Morgan saisit son frère par le bras et, d'un pas résolu, optant pour la fuite, il les emmena en ligne droite vers la rue de Harlay, sans prêter attention à l’antiquaire au visage familier qui les croisa d’un pas pressé, un carton à dessin sous le bras. Mais juste avant que la place n’eût disparu à l’angle des bâtiments, quelque chose en lui le retint.

« On peut pas faire ça… »

C’était autant une injonction morale qu’un constat pragmatique.
Non.
Il secoua la tête.
C’était son influence à elle qui persistait.
Il fit un pas de plus devant lui, mais ses pieds semblaient de plus en plus lourds, et il avait le tournis. Dans sa tête défilaient les visages des employés du Lost, des étudiants, de leurs amis, et allaient-ils vraiment les abandonner là ? Les abandonner ainsi, derrière eux, comme des voleurs, sans même savoir ce qu--
Il s’arrêta. Prit une grande inspiration.  

« …On pourra pas.
– C’est 'cor elle. Elle nous laiss’ra pas. »

Le mage était tendu comme un arc, tentant vainement de contrecarrer la force étrangère insinuée en eux. Mais après une minute de tension, ses épaules s'affaissèrent.

« J’peux rien y faire, rien du tout ! J’sais pô comme elle a fait...»

Son impuissance était totale. Morgan serra brièvement entre ses doigts ceux du mage dévasté, tout en lui décochant un regard qui, malgré son angoisse intérieure, se voulait rassurant, et déterminé. Frédéric l'attira et le serra contre lui, pour tenter d’exprimer son angoisse et sa culpabilité insondable. Morgan l'écarta doucement et plongea ses yeux dans les siens. Il ne lui en voulait pas. Ils allaient s’en sortir. Fred soupira, puis acquiesça.
Ils firent demi-tour, la mort dans l’âme.
Il fallait se rendre à l’évidence : ils n’allaient pas pouvoir empêcher le désastre qui était maintenant imminent, comme ils le pressentaient, sans en connaître le détail. Pas touts seuls, du moins… Pas contre elle. Ils passèrent à côté de Sully, lequel leur adressa quelques mots qu’ils n’écoutèrent pas. Sans s’être consultés, ils avançaient d’un pas décidé vers l’endroit où ils s’étaient déjà rendus un peu plus tôt pour confier leur preuve au préfet de police.
L’endroit où se trouvait M’sieur White.

...En principe. Car une fois sur place, le lycanthrope avait disparu sans laisser de trace. À la place, un petit groupe qui se trouvait à proximité attira leur attention ; il fallait dire que, juste devant, Duval était en train de leur adresser de grands signes. Ils bifurquèrent avec entre les dents le même juron campagnard. Le moment était assez mal choisi.

« Duval, 'faut pas rester là. Oh... »

L’étudiant se tenait debout près de son père. Derrière eux, Madame de Freilly et son fils étaient penchés sur Morel, assis sur un banc, pâle et frissonnant. Il tenait à la main deux verres de vin qu'il ne semblait pas vouloir lâcher.
Le Père de Freilly, dont le chapeau orné d'une plume verte chatouillait les passants, posa une main sur l'épaule – ou plutôt sur le large col à froufrous – de sa femme.

« Ma Douce, la Réunion du Cercle des Philumenistes ne tardera pas...
– Quel dommage ! Nous n’aurons pas pu saluer Edmond ni cette chère Adélaïde ! Étienne, peut-être serait-il préférable que toi et ce jeune acolyte rentriez aussi ? Nous ferions un détour par chez nous afin qu'il puisse se rep--
– NON ! Je dois... Il faut qu'on trouve les Lenoir !
– Morel ?
– Ah ! Des méandres inconnus reparaissent les élus, que recherchait ardemment leur camarade fervent !...
– Calme-toi De Freilly. 'Faut pas qu'vous restiez là. »

Duval haussa un sourcil. Son père, qui venait de les détailler de la tête aux pieds avec une condescendance instinctive, appuya toutefois leur propos.

« Tes amis ont raison, Camille, déclara-t-il sur un ton péremptoire. Ces prosélytes ne me disent rien qui vaille… Sans doute préparent-ils un nouveau coup. Et leurs dénégations n’en sont que d’autant plus suspectes…
– Allons père, vous voyez bien que--
– Hein ? Y z’ont dénégationné quoi ?
– Ils nient être les propriétaires des boules puantes. Et de l’oiseau mort, et du reste, expliqua Duval en roulant des yeux. Vous n’étiez pas là, mais rien de plus naturel ! Le préfet les a finalement mis dehors, il n’y pas de quoi fouetter un chat.
– Surveille ton langage, Camille… »

Le regard de Morgan croisa celui de Fred. Delcambre mentait peut-être. Mais il se pouvait aussi qu’il ait dit vrai, auquel cas…

« C’était qui, cette femme, tout à l’heure ? »

Depuis leur retour, Morel ne les avait pas quittés des yeux. Et comme il parlait, il les fixait toujours de son œil soupçonneux, accusateur, même, au milieu de son visage livide. Les Lenoir déglutirent en ravalant leur culpabilité.

« Une femme ? Diantre, Morel, serait-ce donc elle qui t’aurait ainsi frappé des feux d--
– On sait pas.
– Faut qu’on trouve not’ patron.
– Et peut-on savoir pourquoi ? Ou bien est-ce encore trop demander ?
– …
– …Pour l’boulot.
– Pour le boulot, hein ?
– Y va vouloir continuer et y faut pas qu'y l'fasse. Bayard, 'faut pas qu'tu restes là, Morel ! »

Les regards incrédules des membres du groupe allaient de Fred à l'étudiant, qui se toisaient avec défiance, les yeux plissés. Seul Morgan, visiblement mal à l’aise, regardait par-terre, sans piper mot.
Ce fut finalement Duval qui rompit la tension, en donnant une bonne tape sur l’épaule de son comparse.

« Allez, l'ami, sans vouloir t'offenser tu n'as vraiment pas l'air en forme. Aussi belle qu'elle soit, je suis certain que la--
– Moi, pas en forme ? Dans ce cas, que dire d'eux ?! »

Les regards se tournèrent vers les jumeaux. Duval et De Freilly semblèrent soudainement partager l'avis de leur collègue. Le Père Duval, cependant, ne parut pas plus affecté que ça :

« Jeune homme, ces... professionnels ont déjà formulé le besoin de consulter leur supérieur. Il ne me semble pas nécessaire de vous quereller avec eux, compte tenu de votre présent état d'esprit...
– Mais c'est pas l'problème ! 'faut pas qu'vous restiez là, aucun d'vo--
– ... acceptez donc la proposition de Madame. Quant à vous deux (il se tourna vers les jumeaux), votre inquiétude est honorable mais soyez rassurés, je suis convaincu que les De Freilly seront parfaitement aptes à s'assurer du rétablissement de Monsieur, et j'ai toute confiance en la capacité de votre supérieur hiérarchique à envisager toutes les mesures qu'il jugera nécessaires.
– Mais bordel mais z'écoutez rien !
– Lenoir, enfin ! C'est à mon père que tu t'adresses ! »

Le mage, pétri d'angoisse, semblait sur le point de les secouer tous. Morel, lui, plongea le regard dans les verres de vin qu'il tenait. Il en posa un et but le deuxième d'une traite.

« Je vous remercie bien de votre considération, mais puisqu’il en est ainsi, je préfère encore rentrer chez moi.
– Voilà qui est sage. Je vais te raccompagner.
– Je suis votre homme : unis dans la tourmente, camarades ! Mes géniteurs bien-aimés, je vous fais mes adieux ici ; priez que la Fortune soit favorable à votre chétive descendance ! »

L'avocat Duval leva les yeux au ciel.

« En ce cas je suppose que votre sort est entre de bonnes mains. Camille, j'ose espérer que vous aurez tous trois la présence d'esprit de ne pas folâtrer sans sagesse en chemin. Je vois Monsieur de Montalant qui m'appelle. »

Le magistrat s’esquiva. Morgan, pendant ce temps, avait posé la main sur le bras de son frère. Si cette question-là était réglée, le temps, lui, continuait de passer, et la seule personne à même de vraiment les aider était M'sieur White. Lui seul pourrait renvoyer tout le monde chez soi... À condition d’abord de lui mettre la main dessus. Ils se détournèrent avec un dernier salut nerveux pour Morel et les deux autres, puis filèrent entre les étals.

De Freilly profita du départ de ses parents pour s'installer d'un geste théâtral auprès de Morel, saisir le verre de vin rescapé, et le faire sien d'une gorgée curieuse. Duval croisa les bras devant lui.

« Tu n’as pas vraiment l’intention de rentrer, n’est-ce pas ?...
– …Non », confessa-t-il.

Un sourire en coin se dessina sur le visage de Camille, et De Freilly passa son bras autour de ses épaules avec une fierté exagérément émue.

« …Tu apprends vite », fit Duval en hochant la tête d’une mine approbatrice.

Cependant, insensible à ces marques de complicité flatteuses, Morel se redressa brusquement.

« Dites-moi que je ne suis pas fou.
– Tu ne l'es pas.
– Ne l'est-il pas ?
– Tu veux parler des jumeaux ?
– Oui. Depuis un mois ils font n'importe quoi.
– J'admets que leur mise s'est fortement dégradée, particulièrement depuis leur spectacle et... le reste.
– Ils paniquent. Je ne pense pas que ce soit uniquement dû au cri de tout à l’heure, il y a autre chose...
– Au secours de ces braves, avançons donc, mes frères ! Ramenons le radeau du fond de la rivière !
– ...Ma foi, ils ne sont pas si loin, je les vois qui discutent avec un de leurs collègues.
– Dans ce cas, ne les quittons pas des yeux… Mais tâchons de passer inaperçus. Je ne suis pas sûr que mon père apprécierait beaucoup notre petite filature… commenta Duval sur son ton d’impertinence ordinaire.
– Au-devant du danger, nous progressons masqués ! Vaillamment embusqués, soyons vifs… Mais discrets ! »

Et sur ces mots les trois compères se coulèrent dans la foule à la suite des jumeaux, pour trouver refuge derrière les caisses de matériel qui bordaient la scène, et qui leur faisaient une retraite d’où ils espéraient voir sans être vus.

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Dernière édition par Morgan Lenoir le Sam 23 Mai - 21:34, édité 2 fois
Andréa Eyssard
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeLun 4 Mai - 23:46

Andréa allait mieux. Il avait suffi à Mimi d’embrasser son front pour apaiser le loup et lui rendre sa sérénité. Pourtant, il n’était toujours pas retourné en cuisine. Lûka devait être en train de le maudire sur plusieurs générations, mais son aide avait été requise près du stand de petits fours au fromage et il en avait honteusement profité pour ne pas retourner immédiatement à la plonge. Aidé de Layth, ils remirent en ordre le point de vente de l’adorable Célestine qui se montra très gentille avec eux. Elle les remercia maintes fois, avant de leur confier quelques unes de ses toutes dernières créations. Le louveteau se régala et se servit trois fois avant de se résigner à retourner à son poste.

La foule semblait plus calme depuis peu. Une écoute distraite, lui apprit rapidement que les importuns avaient été sommés de quitter les lieux. Il était question de reprendre bientôt le spectacle et il en fut très heureux. Son seul regret était de ne toujours pas avoir croisé ses beaux yeux. Le garçon soupira, puis s’arrêta en remarquant un attroupement près du stand de popcorn.

Monsieur ! Si vous voulez vider ce chaudron, il faut acheter tout ce qui s’y trouve !
– Votre friandise ensorcelée ?! Jamais !
Et moi j’insiste ! Ce serait légitime après le bazar que votre groupe a mis sur cette place.
– Je regrette, je ne parlemente pas avec les clowns démoniaques ! Laissez-moi voir ce chaudron, je saurais déceler la magie infâme qu’il cache !
Savez-vous ce qu’il vous dit, le clown démoniaque ?
– Ahah ! Vous le reconnaissez !
Votre bêtise ? Ça oui, je la reconnais !
– Vous trouvez ça drôle !?
Plutôt.
– Et avec un coup de canne ?!
Oh vous savez, le comique de geste est un peu passé de mode. Iiih !

Exclamations généralisées, soupir soulagé de Ludger et juron de son opposant. Andréa lui arracha sa canne d’un geste vif, transformant instantanément le visage de l’homme en une tomate trop mure et légèrement suintante.

– P-Pour qui vous prenez vous ?!
Ludger, vous allez bien ?

Le louveteau tendit la main au présentateur. Ce dernier l’observa avec de grands yeux surpris, puis regarda le chaudron auquel il s’était cramponné de toutes ses forces, de nouveau la main et la saisit. Une fois remis sur pieds, ce fut avec la gestuelle exagérée d’un Dandy qu’il réajusta son costume de scène, sous l’attention amusée de quelques convives qui croyaient à une farce.

Vous… Vous voulez que je m’en occupe ? Demanda timidement Andréa.

D’ordinaire plus grand que Ludger, le jeune homme avait la fâcheuse manie de se tenir légèrement courbé ce qui, en cet instant, lui faisait perdre quelques centimètres face au torse bombé et droit du présentateur. À la manière d’un mime, il eu un geste de refus net pour le plus jeune, lui présentant sa paume avec assurance, avant de déboutonner les manches de sa chemise, qu’il retroussa rapidement. Il fit un grand pas en avant.

Monsieur ! Il nous vous reste plus que les mots pour vous défendre désormais alors… En garde !

L’homme ricana. À son tour de relever ses manches sur deux bras affreusement poilus et aussi larges que les cuisses d’Andréa. Ludger frissonna. Son opposant venait de relever deux poings clos, véritable boxeur prêt à en découdre. Le clown sourit. Puis il effectua un vif et précis demi-tour, se jetant derrière Andréa, qu’il poussa gentiment :

En fait tu as raison ! Le temps file et je dois aller me préparer pour mon retour sur scène ! Je te laisse t’occuper du monsieur !

Il réajusta sa cravate, enfila un chapeau imaginaire et salua un public qui, dans sa majorité, dissimulaient mal leur sourire, puis il détala comme un lapin.

– Revenez ici, démon ! Engeance maudite ! Fils de…
Je vais vous raccompagner, coupa précipitamment Andréa, inquiet des jeunes oreilles qui trainaient toujours près du stand.
– Non ! Pas avant que j’ai vidé ce chaudron, vous m’entendez ?!

Il se jeta dessus, le saisit à bras le corps, mais contre toute attente, impossible de le soulever. Andréa l’en empêchait en s’appuyant sur le rebord de sa longue et fine main à la force de lycanthrope. L’homme força, rougissant plus encore, respirant comme un bœuf. Inquiet pour sa santé, le louveteau tenta de le dissuader de poursuivre :

Les enfants vont être tristes si vous renversez tout.
– Hgmf ! Je n’ai pas le choix-mpf ! Je dois les sauver de cette mixture ignoble. Hf !
Oh. Vous n’avez pas aimé ?

L’homme se redressa, à bout de souffle. Il s’épongea le front du bord de sa veste, jetant au jeune homme un regard encore troublé par l’effort :

– De quoi ?
Le popcorn, vous n’aimez pas ça ?
– Hein ? Je n’en sais rien ! Je n’ai pas goûté !
Mais vous avez dit que ce n’était pas bon.
– Évidemment que ça ne l’est pas ! Qui aimerait ces choses ridicules ! Ces immondes flocons  de maïs blancs croustillants à souhait, dégoulinants de sucre caramélisé et si…

Il s’agita brusquement, moulinant des bras et des jambes dans le vide, avant de se figer totalement, une farouche détermination imprimée sur son visage.

– Bien ! Je vais goûter ! C’est un sacrifice que j’accepte de faire pour prouver à tous, ô combien cela est dangereux !

Ses gros doigts se refermèrent sur un bout de maïs soufflé. Il le porta à ses lèvres, grimaçant et salivant tout à la fois. La confiserie disparut entre ses lèvres et il mâcha longuement. Pour une obscure raison, tous ceux qui avaient assistés à la scène attendaient son dénouement dans un silence religieux. Ils suivirent avec attention la déglutition du héros de cette aventure. Puis sursautèrent tous en même temps :

– J’en étais sûr !! Je dois absolument confisquer la totalité de ce chaudron !
Prenez un cornet déjà, proposa Andréa. C’est offert par la maison.
– Fort bien ! Mais je reviendrais en prendre un autre dès que celui là sera terminé !
Si vous voulez.
– Comptez sur moi !

Et il partit, oubliant sa canne, revint la chercher en jurant de faire toute la lumière sur cette confiserie de l’enfer et s’éloigna à nouveau, la bouche pleine. Andréa soupira, rassuré. Alors seulement, il vit Sully passer et songea à la montagne de vaisselle qui devait l’attendre en cuisine. Ses épaules s’affaissèrent. Ses iris noisette glissèrent jusqu’au bâtiment plein de vie qui l’attendait et il se figea.

Éléna ?
Excusez-moi !

Andréa sursauta violemment. Il ne l’avait pas entendu, ni senti arrivé. Jeune homme en tenue élégante, un léger parfum d’humidité collé à ses semelles. Le loup se méfia, le garçon n’en eut pas le temps.

Andréa c’est ça ? Pardon, je suis un client du cabaret, on s’est déjà croisé et… Enfin bref. J’ai vu un enfant s’éloigner de la place, en direction de Notre-Dame. J’ai voulu le suivre, mais je l’ai perdu de vu à un carrefour. J’ai peur qu’il lui arrive quelque chose, tout seul dans les rues. Il a fait tomber ça…

Il lui tendit un petit bracelet aux pierres taillées. Le cœur du jeune loup lui fracassa les tempes.

Il faut vite prévenir ses tuteurs. Vous savez ou je peux les…
Je peux vous l’emprunter ?
Le bracelet ? Oui mais…
Vous devriez aller voir du côté de la scène. Cherchez un chapeau rose a-avec une plume !
Où allez-vous ?
Chercher le petit !

Et le louveteau courut vers la cathédrale, le bracelet serré entre ses doigts. Il avait mémorisé son odeur, il ne lui restait plus qu’à retrouver sa piste.

Loin derrière lui, Eques sourit. Mission accomplie.

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Dolores Keller
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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeMer 6 Mai - 17:13

Au loin, Dolores regarda le groupe de manifestants se dissiper doucement, emmenant avec eux leurs pancartes haineuses et leurs cris d'animaux. Elle termina d'engloutir son petit four au fromage offert par son amie Célestine dont le stand avait été remis sur pied.

« Quel soulagement, ils sont partis… À quel fromage est celui-ci ? C'est un fromage du sud ouest de la France ! J'ai ajouté une pincée de poivre dessus, vous aimez ? Oui, c'est fameux ! Les enfants ne font pas trop la grimace ? Oh pour eux j'ai ces petites tartines de fromage frais avec une framboise.Vraiment Célestine vous devriez songer à ouvrir un restaurant, vous feriez un ravage, j'en suis convaincue. Je vous recommanderais même à tous mes patients ! Ah voilà Adam qui revient, je vous laisse ! »

La doctoresse fit un signe de la main à la petite dame puis rejoignit le bord de la scène d'où venait de surgir le jeune assistant, légèrement essoufflé.

« Sully nous a donné les nouvelles. Edward va bien, il lui a juste fallu le temps de reprendre ses esprits. Tout devrait rapidement rentrer dans l'ordre. Vous voyez ? Je vous l'avais bien dit ! V-Vous n'aviez pas vraiment dit ça… C'est que vous ne m'avez encore pas écoutée ! Mais je vous pardonne car j'ai l'habitude. Ne suis-je pas une bonne personne ? D'ailleurs, comment vont les autres artistes ? T-Tout le monde va bien, j'ai proposé à certains de rentrer chez eux pour se reposer mais t-tous ont i-insisté pour rester ici. Oui, je ne suis pas étonnée. Vraiment ? Vous savez Adam, s'il y a bien une chose que j'ai comprise quand j'ai commencé à travaillé au Lost Paradise, c'est qu'en plus d'être un cabaret, c'est un abri pour presque tous ses membres. Ça l'est même pour moi aussi. Edward a tendance à oublier qu'on a tous beaucoup de gratitude envers lui, et que quiconque menace le Lost ne s'en tirera pas sans se frotter aux personnes qui y travaillent. J-Je vois… Quoi ? C'est tout ce que cela vous fait ? Je viens de faire un beau discours Adam ! Vous pourriez au moins verser une petite larme d'émotion. Dans tous les cas, à leur place, j'éviterai de retenter quoi que ce soit avant longtemps maintenant que Pipistrella les a dans son collimateur… Oui… Elle a probablement déjà retenu le visage de t-tout le monde… C'est certain… »

Tous les deux regardèrent en silence la petite danseuse au loin en train de s'acharner contre un pauvre manifestant qui faisait presque deux fois sa taille. Intimidé par l'énergie de la dryade, l'assistant ne put s'empêcher de tourner la tête. C'est à ce moment qu'il sembla sursauter, avant d'interpeller sa patronne.

« D-Docteur, r-r-regardez ! Hm ? Oh mais c'est la petite Rose-Lise ! Qui est cette personne qui est avec elle ? On dirait… »

Sans attendre, les deux camarades se dépêchèrent de rejoindre la petite journaliste, prise à partie par une grande dame à la carrure impressionnante, dont le chapeau trop petit semblait sur le point d'éclater. Un chapelet assorti d'une croix rebondissait sur sa poitrine au rythme de ses nombreuses interjections.

« N'avez vous pas honte de nous plonger ainsi dans le discrédit avec vos preuves calomnieuses !? Ces mensonges et autres fausses accusations vous conduiront tout droit en enfer, là où est votre place ! Mais puisque je vous dis… Je n'écoute pas les petites langues de vipère comme vous ! Votre comportement est une insulte aux enseignements que nous vouons notre vie à transmettre ! Qu'essayez-vous donc de noter dans ce carnet ? De nouvelles élucubrations pour votre maudite gazette ? Ce n'est rien, je- Donnez le moi ! Quoi ? Non ! Je-Je suis une journaliste professionnelle Madame, vous n'avez pas le droit de euh… de me parler de cette façon ! Alors maintenant… S'il vous plaît… Je crois, est-ce que… Voyons… Petite sotte ! Vos parents n'ont donc pas su- Bien je crois que vous pouvez vous arrêter là Madame, merci ! Je ne sais pas vraiment ce qui vous a conduit à vous en prendre à cette petite demoiselle, mais il s'avère que nous nous connaissons très bien, et que je ne peux résolument pas vous laisser lui cracher votre venin à la figure plus longtemps. Je vous demande par- En réalité je me considère être une professionnelle pour ce qui est l'art de monopoliser la parole et ne pas laisser mon interlocuteur placer ne serait-ce qu'une simple petite phrase. J'y prends même un malin plaisir à vrai dire. Pourquoi ? Je ne sais pas, il faut croire que j'aime entendre le son de ma voix. Si qui plus est cela me permet de ne pas entendre la votre, je ne suis pas prête à renoncer à cette faculté de si-tôt. Tout va bien Rose-Lise ? Oui je crois… Merci Docteur ! Vous êtes donc associées ? Votre engeance se répand donc encore plus vite que la peste ! Je vous retourne ce compliment. Derrière votre masque innocent vous cachez en vous des sentiments impurs et malsains ! Je suis même convaincue que vous cachez des monstres, vous aussi ! Qui me dit que vous ayez même une once d'humanité dans votre corps putride et misérable ! Si par humanité vous entendez une haine viscérale pour l'inconnu et pour des choses que vous ne pouvez maîtriser, alors en effet je plaide coupable, me voilà autre chose qu'humaine. Peut-être suis-je un monstre ? Peut-être n'ai-je peut-être même pas d'âme ! Mais dans ce cas, vous, dont la vie est pavée de préceptes creux remplis de colère et de violence, qu'êtes-vous donc ? Une personne respectable ? Vous qui au lieu d'aider votre prochain, vous lui videz la cervelle avec vos paroles culpabilisantes et chargées de peur pour en faire une marionnette répondant à tous vos désirs, qu'êtes-vous ? Mais enfin vous délirez ! Je suis une personne parfaitement normale ! En êtes-vous donc sûre ? Et cette bile jaune de haine qui vous remplit l'esprit, est-elle bien naturelle ? N'avez-vous pas été transformée en une bête sauvage par votre propre corruption ? Ce chapelet qui vous étrangle n'est-il pas là pour nous faire croire que vos paroles sont saintes, alors qu'en réalité elles sont bien plus sales et écœurantes que ces monstres à qui vous prétendez faire la chasse ? Notre cause est immaculée ! Vos mots corrompus ne cherchent qu'à semer le trouble et le chaos dans l'esprit des gens ! Vous autres créatures démoniaques n'êtes bonnes qu'à vivre dans l'ombre, comme des rats ! Dans ce cas un monstre comme moi se fera un plaisir de venir se loger dans votre crâne vide et hanté par des illusions dictées et des paroles teintées de sang ! Regardez autour de vous ! Vous êtes déjà encerclée ! Vos congénères sont partis, vaincus par leur propre colère aveugle. Si vous ouvrez les yeux, et que vous commencez à écouter autre chose que cette boîte à musique scabreuse logée dans vos oreilles, vous comprendrez que le monstre sur cette place, guidé par la colère et le besoin d'oppresser autrui, ce n'est aucun d'entre nous, mais bien vous. »

La grande dame fulmina, puis constatant en effet que les autres porteurs de pancartes et Delcambre étaient partis, s'éloigna aussitôt en serrant son chapelet contre ses lèvres. Essoufflée, Dolores la regarda s'éloigner, puis piocha dans sa poche pour récupérer un petit feuilleté au fromage qu'elle avait gardé en réserve.

« Tout va bien Roche-Liche ? O-Oui… Pardon, je… Je n'ai pas tout suivi, tout est arrivé beaucoup trop vite ! Je voulais m'approcher des coulisses pour avoir quelques informations sur la personne qui s'est évanouie, et j'ai trouvé ce morceau de papier sur un banc, et alors que je le regardais, cette femme m'a sautée dessus… Je ne savais pas quoi faire, elle n'arrêtait pas de parler et je voulais lui dire que je ne comprenais rien à ce qu'elle disait mais je n'ai pas réussi à dire quoi que ce soit. Et je ne pouvais pas m'empêcher de fixer le gros grain de beauté qu'elle avait sur son menton… Heureusement que vous êtes arrivée ! Vous aussi Monsieur Adam ! V-Vous ne devriez plus être em-embêtée maintenant… Le secret Rose-Lise, pour mettre à terre ce genre de personne, c'est parler plus vite qu'eux, quitte à dire des choses qui n'ont aucun sens ! Je fais ça des fois avec le patron du cabaret qui veut me disputer, je parle, je parle, je parle, et hop, il oublie ce qu'il voulait me dire ! C'était néanmoins une belle tentative, vous lui avez tenu tête, bravo ! Moi qui me faisais une joie de venir rédiger un article sur cet événement du cabaret… Tout ceci m'a un peu déstabilisée. Ah ! Ah !Docteur ! Vous avez été magistrale ! Je devais le dire, oui, il fallait que je le dise ! Je suis certaine que vous atteindrez rapidement mon niveau avec de la pratique Rose-Lise ! Donnez moi votre morceau de papier, je le garde pour vous éviter toute nouvelle mauvaise surprise. Le spectacle devrait reprendre, je vous ferais bien visiter les coulisses mais c'est réservé au personnel. Ah ! Que dites-vous d'une interview exclusive avec le patron du cabaret en personne ? Oh ! Ce serait une grande chance ! Je n'osais pas vraiment l'approcher, il est un peu intimidant… Oh il est simplement comme un gros toutou qui grogne, mais il ne mord pas. Enfin pas les petites journalistes de talent comme vous. Je vous accompagne. Adam ? Vous avez vu quelque chose ? J-Je crois avoir vu Andréa partir… Il ne devait p-pas travailler d-dans les cuisines aujourd'hui ? Si, Pipistrella l'a vu tout à l'heure. C-C'est étrange… P-Peut-être qu'il a b-besoin d'aide, je vais e-essayer de le rattraper ! Entendu ! Il ne devrait plus y avoir de problème ici de toute façon. Rose-Lise, je peux aussi vous présenter l'une des danseuses, je suis convaincue que vous lui plairez ! Vous parlez de Mimi du Lac ? Nous nous sommes déjà rencontrées ! Oh mais c'est vrai ! Vous ne voulez pas la saluer ? … Je… … Oui, c'est une réponse acceptable. »

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MessageSujet: Re: Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau   acte - Intrigue : Acte I Scène V | Tomber de rideau I_icon_minitimeDim 10 Mai - 23:16

Brillante démonstration d’autorité. Une fois de plus Gaudefroy parvint sans trop de mal à faire plier les plus récalcitrants avec une facilité déconcertante. Pour un peu, Aldrick en aurait sifflé et applaudit d’admiration, mais le moment était mal venu et ce n’aurait pas été très professionnel. Il ne s’y attarda pas, la complicité naissante entre Edward et Jules, le surprenant tant qu’il renonça même à parler au loup blanc comme il l’avait originellement envisagé.

* Bizarre… Ce n’est pas comme si c’était le premier humain avec lequel il s’entend bien après tout, alors pourquoi est-ce que ça semble si irréel ? Quelque chose cloche dans tout ça *

La silhouette d’Armand s’éloigna plus encore, le dos voûté et les poings serrés. L’aura de colère entourant le corps élancé du chef des manifestants ne lui disait rien de bon.

* Est-ce qu’il va vraiment en rester là ? *

Le loup noir hésita et suivant un instant le préfet, puisqu’il allait dans la direction dans laquelle il avait aperçu Andréa plus tôt, il en profita pour l’interroger en marchant.

- Monsieur, sauf votre respect, vous ne trouvez pas ça… Bizarre ?
- Que des jeunes gens veillent empêcher un spectacle de charité ? Naturellement !
- Non, je veux dire, tout ça. M. Delcambre n’est pas une lumière mais… De là à laisser une preuve à son nom... C’est insensé !
- C’est pourtant ce qu’il a fait.
- Mais s’il disait vrai ? Que tout ceci n’était qu’un coup monté ? N’importe qui aurait pu écrire son nom sur ce carton.
- Écoutez Voelsungen, toutes les personnes présentes ici, sont là pour aider ces orphelins, non pour nuir au Lost Paradise. Il n’y a qu’eux dont c’était l’intention manifeste.
- Oui, mais…
- Mais ?

Silence.

- Pourquoi sont-ils restés là sans réagir dans ce cas pendant que chacun cherchait ?
- Parce qu’ils ne s’attendaient pas à ce que nous déjouions leurs plans, probablement.

Aldrick haussa un sourcil, se demandant si son supérieur était sérieux.

- Qui sait ce qui peut passer dans la tête de ces gens après de tels actes...

Un frisson de dégoût traversa Aldrick en se remémorant le corbeau crucifié, il s’arrêta subitement. Gaudefroy fit de même, ouvrit la bouche pour lui parler, mais remarqua sur le sol un portefeuille qu’il récupéra. Observant l’objet sous toutes ses coutures avec perplexité, il s'apprêtait à l'ouvrir et se ravisa, tapant de son poing dans le creux de sa main en marmonnant le nom de leur collègue. Aldrick ne réagit pas vraiment, perdu dans ses pensées, alors, chose rare, Gaudefroy posait une main sur l’épaule de son subordonné, comme dans l’espoir de lui redonner du courage. Le loup sursauta brièvement.

- Allons ressaisissez-vous. Il faut sécuriser le périmètre pour qu’il n’y ait plus de danger et rassurer les présents. Je sais que vous n’êtes pas en service mais...
- Vous pouvez compter sur moi. Acquiesça-t-il, sans trop savoir si cet air presque paternel que lui adressait Gaudefroy était une bonne chose ou non. Il préféra ne pas demander.

Non loin, des éclats de voix coupèrent court à leur discussion. Ils échangèrent un regard et Aldrick s’avança vers le lieu de la rixe, surpris de découvrir Dominik en plein argumentaire face à un homme bien plus âgé que lui, dont la canne noueuse s’agitait par moments avec agressivité. Son épaisse moustache broussailleuse, écho d’un mono-sourcil improbable, frémissait sous ses accusations.

- Ne me prenez pas pour un imbécile ! Je vous ai vu  !
- Un souci messieurs ?
- Bien sûr qu’il y a un souci ! Cet homme prétend que je suis un menteur !
- C’est faux !
- Voyez !
- M’enfin, monsieur ! Je dis juste que je ne suis pas un sorcier ! Je ne fais même pas de magie sur scène. Je suis pianiste !
- Vous êtes un sorcier ! J’ai vu votre main traverser cette table là ! De part en part !
- Votre vue ne vous aurait-elle pas joué des tours avec cette chaleur ?
- Impertinent ! Il agita sa canne plus en hauteur pour se plaindre plus convenablement. Je sais encore ce que j’ai vu ! Je ne suis ni aveugle, ni sénile ! Cet homme est une de ces abominations !

Il fallut à Aldrick toute sa maîtrise de lui, pour ne pas laisser la colère prendre le dessus. Fourrant l’un de ses poings serrés d’agacement dans la poche de son manteau, il reprit sans parvenir à masquer totalement la rage qu’engendrait pareil propos.

- Permettez que nous fassions un test dans ce cas ?

Silence interloqué.

- Confiez lui un instant votre canne, s’il la retient de la même main que vous pensez avoir vu traverser la table, c’est que vous…C’est qu’il y aura eu méprise.
- Armand aussi l’a vu !
- Monsieur Delcambre ? Mais il est déjà parti.

Semblant réaliser que les autres manifestants avaient disparu, il pesta dans un français peu respectable, hésita et fini par tenter l’expérience. La canne resta droite dans la main du pianiste, tandis que le vieillard la récupérait après quelques secondes dans un geste rageur ;

- Je sais ce que j’ai vu ! Je le prouverai un jour ! Vous ne vous en sortirez pas à si bon compte !
- N’ayez crainte, je le surveillerai. Ajouta Aldrick sans préciser qu’il parlait en réalité à Dominik à qui il avait clairement adressé un clin d’œil, tandis qu’il accompagnait le quinquagénaire jusqu’à l’une des rues adjacentes, en direction de Notre Dame.

L’odeur de morphine mêlée à celle d’Adam l’interpella autant que celle d’Andréa, toutes proches. Il s’avança pour les rejoindre mais quelque chose heurta l’arrière de son mollet gauche, le faisant chanceler dans un juron salé.

- Non mais ça va pas ? Qu’est-ce que… ?

La surprise dévora ses traits en constatant qu’il s’agissait en réalité d’une petit garçon, mais ce fut machinalement que le lycan le récupéra par le col pour le remettre sur pieds. Un charabia incompréhensible échappa au petit homme.

- ...Vite ! Elle ne va pas bien ! Elle a mal !
- Attends petit, je ne comprends rien, calme toi. Qui ne va pas bien ? Je connais un médecin.
- La princesse ! Elle ne va pas bien du tout !

L’enfant le conduisit près de la scène, où ils retrouvèrent sa famille. Les explications furent courtes, car l’alarmiste se cacha derrière lui, tout timide. Son anxiété grandissante était palpable, mais le plus surprenant fut la fuite du valeureux chevalier, après avoir rougi copieusement en indiquant la benjamine de ses sœurs. Comme si quelque chose de plus puissant encore que la bravoure du petit héros était à l’œuvre, Sabrina l’interpella.

- Aly…

Sa voix n’avait été qu’un murmure. Mais son timbre si chargé d’angoisse qu’il lui fit froid dans le dos. Il s’accroupit près d’elle, remarquant seulement qu’Eléna, toute proche, était dans un état similaire et broyait la main de la benjamine. Leurs deux visages, livides, étaient tournés vers l’une des entrées de la scène. La peur émanait d’elles.

-Vous en faite une tête, qu’est-ce qui se passe ? S’inquièta-t-il tandis que sa main se glissait entre elles pour les obliger à rompre le contact, mais aussitôt celle de Sabrina s’accrocha à lui avec force, de l’autre elle désigna une femme blonde vêtue de bleu.
- La dame… C’est celle du cirque… Celle qui a dit au monsieur de tirer...

La robe d’azur disparut sans qu’il ait pu la voir.

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