La lune brillait tel un diamant pur lorsque Bastian sortit de l'appartement. Il venait tout juste de quitter une vieille connaissance et s'en allait d'humeur joyeuse. Ah quel amusement ! Rien de tel que l'absence d'un mari pour aller batifoler avec passion avec son épouse volage.
Et évidemment cet idiot ne s'en rendrait jamais compte, elle n'était pas assez fidèle pour un jour lui avouer. La mentalité de certaine personne était honteuse, mais pouvait-il leur jeter des pierres alors qu'il participait à cela ? De toute façon l'époux trompé non plus n'était pas fidèle alors qu'importe...

Bastian était plein d'énergie et avait envie de traîner toute la nuit dans les rues de Paris pour prendre l'air. La capitale était si belle la nuit venue et cela, il pouvait le voir fréquemment lorsqu'il rendait visite à une de ses compagnes éphémères.
Voyons voir... Où allait-il bien pouvoir aller ? Du côté de l'exposition universelle ? Non trop banal, il la connaissait par coeur à force. S'introduire en douce au Louvre pour danser avec la Vénus de Milo ? Déjà tenté et même s'il avait beaucoup rit, ils avaient renforcé la sécurité. Apparemment il était beaucoup moins discret dans un musée que lorsqu'il allait s'introduire chez des particuliers...
Avançant d'un rythme rapide et trottinant, il avait envie de découvrir de nouvelles choses. Surveillant qu'aucun humain n'était dans les parages, il sauta sur un réverbère, histoire de regarder les environs pour décider de sa destination à venir.
Et soudain son regard avisé s'arrêta sur un lieu pour le moins inattendu mais assez ironique. Le cimetière du Pere-Lachaise. Bon sang, mais pourquoi n'y avait-il pas pensé avant hein ? Aller dire bonjour aux morts, voilà qui semblait de très bon goût !
L'endroit était très grand, il allait pouvoir s'occuper suffisamment longtemps à n'en pas douter.

Profitant de son agilité de démon, il sauta à nouveau mais en direction d'un toit, accélérant un peu le trajet jusqu'à l'endroit visé. Pourquoi se prendre la tête avec les routes ? Elles étaient si longues et peu attractives. Ce ne fut que lorsqu'il arriva non loin de l'entrée du cimetière qu'il regagna en souplesse la rue, trottinant d'un pas dansant jusqu'au muret. Il est colosse mais pas assez pour l'empêcher de s'introduire en douce à l'intérieur. Après un nouveau coup d'oeil vigilant, il fit une petite pirouette pour passer de l'autre côté. Tel un acrobate sur la piste d'un cirque. Il se permit même une petite révérence pour remercier des spectateurs inexistants. Mais au final, il se pouvait très bien que d'autres personnes se soient perdues ici... Comme les âmes des défunts par exemple, non ?

Il circula un long moment à travers les allées, faisant exprès de s'enfoncer dans le lieu, cherchant à se perdre pour mieux s'amuser à retrouver la sortie. Ce labyrinthe de tombes avait quelque chose de fascinant aux yeux du couturier, mais il ignorait d'où venait cette passion morbide. Cela lui rappelait peut-être le purgatoire et les enfers d'où il venait. Là-bas il n'était pas rare de croiser des cadavres sur le chemin, mais cela ne l'avait jamais perturbé. Surtout quand il était énervé. Pourquoi ? Parce qu'il en était généralement le fautif. Enfin depuis qu'il avait gagné la terre, il n'avait plus commit d'actes barbares et il en était fort aise.

Alors qu'il rêvassait tranquillement, ses iris d'émeraude se promenant le long des caveaux gigantesques, sa fine ouïe détecta un bruit qui titilla sa curiosité. Il s'agissait d'un bruit reconnaissable parmi tant d'autres. Une pelle entrait avec force dans la terre, enlevant celle-ci se don emplacement normalement définitif. Le fossoyeur n'avait pas de travail en ce moment, cela voulait donc dire ... ? Qu'un profanateur était en train de jouer les petits curieux à l'esprit dérangé !
Tremblant d'impatience, Bastian avança avec une discrétion malsaine vers le lieu d'où provenait le bruit et se dissimula derrière une grande pierre tombale, observant la silhouette toujours à l'ouvrage. Que faisait donc cet énergumène ?
Il le regarda faire un long moment, détaillant l'individu d'un air curieux, puis quand il lui sembla qu'il était en train de fouiller dans le cercueil, il sauta en haut de la croix de pierre et s'accroupit, afin d'avoir un meilleur angle de vu. Cela n'était pas très discret, mais il s'en moquait d'être vu, il était hors de portée de l'inconnu et avait envie de la taquiner. Qu'il vole des cadavres il s'en moquait, il voulait juste savoir pourquoi.

"Belle soirée pour faire son marché, n'est-ce pas ? Personnellement, je préfère le faire pendant les grandes braderies, mais chacun ses préférences..."

Il afficha un grand sourire et continua d'observer l'homme, ses yeux verts ressortant beaucoup malgré l'obscurité ambiante. Cette nuit, il ne comptait pas cacher son inhumanité, ne serait-ce que pour effrayer un peu le profanateur si celui-ci était ce qu'il y avait de plus humain. Mais à l'odeur, cela aurait été surprenant. Il avait la même odeur que ceux qui dormait dans leur boite de bois... Sauf que lui était on ne peut plus mobile...

Bastian écouta avec le plus grand intérêt c'est étrange inconnu. Il semblait des plus amusants, à ne pas douter. Un zombie faisant le plein de membre pour sa propre personne. Oh bien sûr, il ne lui avait pas avoué, mais à sa manière de se déplacer et à la vue du membre qu'il allait scier au cadavre, la vérité se faisait d'elle même.
Il se présenta à lui, sans craindre quoi que se soit. Tient, lui aussi avait comprit qu'il n'avait pas à faire à un humain, voilà qui devenait de plus en plus intéressant.
Le démon resta accroupit sur sa croix de pierre, continuant de l'observer. Fallait-il vraiment se présenter ? Oh bien sûr, il était un gentilhomme, c'était la moindre des politesses, surtout envers quelqu'un qui se montrait des plus courtois... Aussi mort qu'il soit.
Il se redressa, dévoilant sa grande taille et fait une légère révérence, répondant enfin à la question de Frankenweenie.

"Effectivement, j'en perds mes bonnes manières. Je me nomme Bastian Wagner. Je suis le directeur d'une grande maison de couture et bien évidemment, je suis également couturier moi-même. De part votre style vestimentaire, je devine que vous ne devez pas me connaître. Oh ce n'est pas un reproche, juste que je n'ai pas mémoire de faire dans la blouse chirurgicale, Docteur."

Il se mit à sourire, semblant amusé par la situation. Il s'intéressait en réalité pas du tout à sa manière de s'habiller, c'était même le cadet de ses soucis. Non ce qui était fascinant, c'était de voir ce cadavre mobile. Comment avait-il bien pu se relever ainsi ? Certes, aux enfers, il n'était pas rare d'en croiser quelques uns, mais ils étaient dénués d'intelligence et se contentaient de baver bêtement, cherchant à déchirer la chair d'êtres encore vivants de leurs quenottes étrangement solides.
Jeune, il avait déjà manqué de se faire mordre, mais son grand frère l'avait protégé... Fameux frère qui était d'ailleurs le seul avec qui il gardait contact. C'était pour ça qu'il se coltinait son fils d'ailleurs.

"Excusez moi ma curiosité débordante, mais... Comment êtes vous parvenu à vous relever et garder toute votre conscience ? J'ai déjà croiser vos semblables, mais jamais aussi... vivants et encore moins sur terre. Et pourtant j'en ai croisé, croyez le bien."

Il passa ses longs doigts fins sur sa barbiche et s'amusa avec, réflexes qu'il prenait automatiquement lorsqu'il était soudain en face d'un élément qui captivait toute son attention et dont il n'avait pas la réponse.
Ses iris vertes brillaient de plus en plus, ressortant avec une aura sombre, digne de contes d'horreurs. Mais il ne s'en rendait même pas compte. Il n'était pas là pour faire bonne figure, juste pour assouvir sa curiosité.

"Je suppose que ma curiosité pour vous, ne doit pas être réciproque, mais je vais vous dire ce que je suis, ne serait-ce que pour faire un échange de bons procédés. Ne vous inquiétez pas, votre patient ne s'enfuira pas, je le surveille... Je suis un démon du feu. Cela fait à présent de nombreuses années que je suis sur terre. La vie y est plus tranquille, ce que j'apprécie grandement. Je ne suis pas comme mes confrères, je ne traque pas les humains pour leur âme, c'est beaucoup trop démodé. Non je ne suis ici que pour profiter de leur crédulité pour m'amuser, c'est aussi simple que cela"

La fumée de la cigarette qu'avait allumé le toubib venait jusqu'à lui, lui faisant légèrement froncer le nez. Quelle curieuse odeur, où se procurait-il ses paquets. Et d'ailleurs, comment faisait-il pour se cacher aux yeux tous ? Un zombie comme lui, ça serait parvenu jusqu'à ses oreilles si un humain l'avait vu. A moins que...
Un large sourire apparut sur les lèvres de Bastian. Alors que comme ça son cher ami Edward lui avait caché qu'il avait un medecin des plus sordides dans son infirmerie ? Voilà qui s'avérer encore plus drôle qu'il n'avait pu se l'imaginer. Après tout, à part dans le cabaret ou dans son propre manoir, où pouvait-on trouver des créatures des plus surprenantes et ne pouvant se débrouiller seules sans qu'on ne se rende compte de leur inhumanité, hein ?
Il lâcha son bouc et croisa les bras, se demandant si Frankenweenie allait lui répondre ou le faire poireauter, ce qui n'était pas la meilleure idée. S'il voulait vite en finir, autant qu'il lui donne ce qu'il voulait et il pourrait reprendre son travail dégoûtant après tout...