La journée avait été plutôt pluvieuse, ce qui n'emballait pas réellement la journaliste lorsqu'elle sortit de son lieux de travail. Par une veine incroyable, il n'y avait rien eu d'important qui la force à partir sur le terrain et ainsi se mouiller royalement la tête. Elle s'était contenté de trainer dans le journal, papotant avec des collègues, allait embêter son patron ou tenter de faire son boulot. Oui oui, cela lui arrivait aussi de faire cela. Pas qu'elle appréciait franchement mais il fallait bien qu'elle mette au propre de temps à autres ses éternelles notes qu'elle mettait à jour dans son précieux carnet, fidèle compagnon qui ne la quittait jamais.

Elle resta sur le perron, regardant le ciel d'un regard un peu vide. Valentine était pensive. Le ciel allait-il se dégager ? Rentrer sous la pluie ne la dérangeait aucunement, mais elle pensait au lendemain. Elle avait des choses de prévues et n'avait pas réellement envie de voir tout cela gâché à cause d'averses imprévisibles. Enfin, que pouvait-elle bien faire contre le temps ? Elle n'était qu'une simple humaine et elle savait bien qu'il ne devait pas exister de créatures capable de changer cela également.
Jetant un coup d'oeil vers son compagnon à quatre pattes, elle s'assura qu'il était prêt à partir à vive allure vers la maison. Loki s'était assit calmement à ses côtés, observant l'animation dans la rue, devant probablement se demander pourquoi les humains paniquaient-il autant pour juste un peu d'eau.
Ces derniers temps, il n'aimait plus trop prendre son apparence canine, mais conscient que son niveau de français n'était pas encore assez élevé pour se faire embaucher comme véritable assistant, il faisait l'effort de renoncer à son physique d'humain l'espace de quelques heures lorsqu'elle se déplaçait jusqu'au bureau. La rouquine lui était extrêmement reconnaissante de la suivre, de la protéger, mais aussi de simplement lui tenir compagnie.

"Allons-y Loki. Fais attention à rester près de moi, à cause de la pluie, il y a bien plus de calèches..."

Le chien noir aux yeux rougeoyants émit un petit jappement et se redressant, lui confirmant qu'il était prêt. Elle ne put s'empêcher de sourire chaleureusement, ressentant une bouffée d'amour pour cette boule de poils imperturbable.
Quittant le perron, ils se mirent donc à courir à vive allure vers le trottoir d'en face et entreprirent de rentrer sans se faire renverser. La rue était assez animée, signe que beaucoup de personnes avaient terminé le travail et s'empresser de rentrer également chez eux. Il ne devait à peine n'être que 17 heures que déjà la foule augmentait. Par chance, elle parvint à sa rue avant de ne plus pouvoir de déplacer comme elle le voulait. Elle avait avancé vite, mais il était trop tard, elle était déjà trempée.
La douce lumière s'échappant de la vitrine de la librairie donna du baume au coeur et ce fut avec un grand soupire de satisfaction que le duo put enfin se mettre à l'abri, dans la chaleur agréable d'un élément familier.

Au fond de la pièce, elle aperçu son père, discutant avec un vieux monsieur, un client fidèle qui venait souvent pour discuter de tout et de rien, si bien que les deux hommes connaissaient aussi bien la vie de l'un comme de l'autre. Valentine n'approuvait pas vraiment cette lubie, étant souvent dans le sujet de conversation, mais que pouvait-elle bien faire face à un père aussi bavard ?
Elle s'approcha d'eux en souriant, saluant poliment. Laurent l’accueilli comme un père enfantin aimait taquiner son enfant et lui lança deux serviettes. Ayant vu la pluie augmenter de densité, il s'était empressé d'aller lui chercher de quoi se sécher en rentrant. Quelle savoureuse intention. Enlevant sa veste humide, la rouquine entreprit de s'essuyer le visage, installant le tissu absorbant autour des épaules. Elle envisageait sérieusement de changer de vêtements plus tard, sa priorité restait le pelage trempé de son Loki.
Prenant l'autre serviette, beaucoup plus grande, elle fit signe à son chien de s'approcher. Mais, encore dégoulinant, celui-ci semblait refuser de rentrer entière dans la pièce. Il était vraiment un excellent compagnon. La journaliste s'approcha de l'entrée et s'accroupit près de lui, l'attirant dans une rangée d'étagère pour libérer le passage et l'enveloppa dans le tissu. Sage comme une image, il se laissait faire, la regardant le frictionner avec soin, tentant d'absorber le plus d'eau possible. La tête, le corps, les pattes...

Elle s'attaquait à la queue lorsque la porte s'ouvrit. Son regard avait focalisé quelque chose d'étrange sur la peau du chien, mais tellement furtif que l'arrivée d'un client lui fit oublier ce qu'elle regardait et elle redressa la tête vers la porte, étant la plus proche pour l'accueillir. Maintenant toujours la serviette autour de Loki, elle dévisagea un instant l'étrange individu qui venait d'entrer. Il avait un physique des plus surprenant et le simple fait de l'apercevoir avait enclenché quelque chose dans la mémoire de Valentine. Elle savait qu'elle devait peut-être le connaître... Mais pourquoi pensait-elle cela ?
Se redressant, elle afficha un sourire aimable à l'homme et l'accosta le plus gentiment possible.

"Bonsoir, bienvenu à la librairie Au delà du miroir. Puis-je vous aider ? "

La pluie l'avait-être pris au dépourvu et avait-il franchit la première boutique sur son chemin. Oui peut-être était-ce la raison de sa venue. Et elle n'allait certainement pas le blâmer, il lui arrivait également de le faire. Curieuse, elle jeta un coup d'oeil vers le comptoir et repéra d'autres serviettes que son père avait également emmené au cas où. Elle laissa Loki et alla en chercher une rapidement. Son pauvre chien devait se demander ce qu'il devait faire, assit près d'une bibliothèque, complétement envelopper dans son drap, ne laissant qu'un peu de sa tête en sortir. Il n'avait plus comme occupation que d'observer le nouveau venu, semblant lancer un regard désespéré de quelqu'un qui voulait qu'on le sorte de cette situation idiote. Mais à peine avait-il fait cela que la rouquine était déjà de retour, tendant une serviette sèche à l'inconnu avec un sourire, avant de reprendre le séchage du canidé.

"Je vous en prie, vous pouvez l'utiliser, comme vous voyez, nous avons également subit les attaques du temps tous les deux."

Elle fit un petit rire en voyant la tête blasée de son chien et lui retira enfin la serviette, se redressant et le laissant s'ébrouer de satisfaction, toujours humide mais ne dégoulinant plus. C'était déjà ça de gagné...

Il s'était mis à pleuvoir peu à peu. Quelle malchance de n'avoir pas pris de parapluie... Encore heureux qu'il porte sa capuche comme d'habitude, ainsi il ne serait peut-être pas trempé jusqu'aux os lorsqu'il trouverait un refuge... Cela aurait pu être n'importe où, d'ailleurs, que ce soit sous le porche de quelqu'un, dans une calèche ou même sous les branches d'un arbre, pourquoi pas. Seulement, c'était sans compter sur cette boutique qui s'était trouvée sur le chemin du petit cuisinier... Les lettres de l'enseigne accrochèrent son regard, comme un terrible signe du destin lui nouant l'estomac. Au-delà du miroir. Un pas après l'autre, il se rapprochait de la porte, ensorcelé par le mystère qui pouvait se trouver derrière ces murs. Après tout, il était difficile de voir à travers les fenêtres par un tel orage... Il poussa donc la porte. La magie disparut d'un coup. Mais c'en fut presque un soulagement. Il n'était pas tombé sur un étrange portail menant à ce monde froid et vide qui semblait impossible à fuir complètement... Tout de même, cela ne faisait pas disparaître ce tiraillement au fond de son cœur, n'arrivant pas à comprendre pourquoi choisir un nom pareil si l'on ignorait ce qui se trouvait réellement derrière la surface d'un miroir en vouloir à des ignorants, n'est-ce pas ? Lui-même en avait été un bien longtemps et il ne saurait dire si la connaissance était vraiment plus importante, en fin de compte... Dilemme, dilemme. Une voix le sortit de ses pensées; quelqu'un s'était approché de lui. Une jeune femme. Propriétaire de l'endroit sans doute... Ce qui le surprit plutôt, c'était le gros chien noir qui l'accompagnait et qui était un peu effrayant, tout de même. Samuel plaqua un peu nerveusement sa capuche contre son front, même s'il était peut-être déjà trop tard, faisant disparaître autant que possible ses cheveux blancs. Cela finissait toujours par le mettre mal à l'aise!, que ce soit parce qu'on le fixait ou encore par les commentaires que l'on pouvait faire sur le sujet... Malgré tout, cette fille semblait gentille. Elle lui avait donné de quoi sécher un peu ses vêtements... Jusqu'à ce que le chien s'ébroue joyeusement, du moins. Les voilà tous deux trempés à nouveau. Il fallait avouer que c'était un peu amusant, mais tout de même, cela réduisait à néant leurs efforts. Et puis, les pauvres livres... Samuel se saisit donc de la serviette qui lui était tendue sans trop d'hésitation, même s'il ne s'en servit pas d'abord pour lui, mais bien pour les étagères qui avaient été touchées.

« Merci. Quel heureux hasard que votre boutique se trouvait sur mon chemin. Je me demandais juste... Ce nom... »

Samuel secoua alors la tête, s'interrompant lui-même sans avoir formulé la moindre phrase porteuse de sens, arrêtant là ses divagations avant d'aller trop loin. Il allait avoir l'air complètement idiot ou cinglé s'il continuait avec toutes ses questions étranges... Il était plus raisonnable d'écarter le sujet. Ce fut donc avec un petit sourire qu'il demanda un conseil à la rouquine, ayant sûrement l'air de sortir d'un rêve éveillé comme cela... Ce qui n'était pas complètement faux. Mais tout cela était toujours mieux que de repartir aussitôt sans la moindre forme de remerciements, n'est-ce pas ? Il n'était tout de même pas ingrat.

« Dites, puisque je suis dans une librairie... Vous n'auriez pas des livres de cuisine parmi vos étagères ,.. ? »

Après tout, il aimait découvrir toujours de nouvelles choses, et si travailler par essais et erreurs avait été une réussite jusqu'à présent, il était tout de même curieux quant aux plats extravagants que les humains pouvaient inventer, étant donné qu'il avait perdu presque tous ses souvenirs du temps où il en était toujours un... Il se demandait toujours s'il pourrait les retrouver un jour, d'ailleurs, mais puisqu'il avait perdu toutes les personnes rattachées de près ou de loin à son passé, cet espoir lui semblait plutôt vain...

Samuel soupira un peu une fois que la demoiselle aux cheveux de feu l'eût quitté. Décidément, c'était maladif chez lui, il voyait le mal partout. Une simple allusion aux miroirs suffisait à le rendre nerveux et changer de sujet aussitôt que possible... Valentine avait pourtant souri en lui racontant son histoire, elle s'était montrée cordiale et son ton à lui seul démontrait la fierté qu'elle éprouvait pour le petit commerce. Lui appartenait-il, d'ailleurs ? Il aurait pu lui poser tant de questions... L'homme au regard d'argent se maudit d'avoir préféré sa solitude, pour une fois. Qui plus est, maintenant, il n'avait plus trop le choix de choisir l'un de ces bouquins et de l'acheter, n'est-ce pas ? Cela l'aurait mis mal à l'aise de ne pouvoir remercier adéquatement celle qui l'avait sauvé de la pluie... D'accord, il était en quelque sorte entré par hasard dans le commerce le plus près, si on oubliait le nom qui avait attiré son regard, mais cela ne changeait pas l'importance des remerciements, de son point de vue. Il détestait la pluie, surtout parce qu'elle était si souvent accompagnée d'un peu d'orages... Heureusement, elle avait bien raison, il y avait une multitude de livres de recettes parmi leurs rayons ! Il en trouva donc un qui pourrait lui plaire sans trop de difficulté. Bon... La pluie ne serait pas terminée aussitôt, sans doute, mais aussi bien payer tout de suite. Il se retourna donc pour se diriger au comptoir où se trouvait un homme en plus du couple de tout à l'heure. Son regard croisa pourtant celui de Valentine. Eh ? Surpris, Samuel fit toutefois mine de rien pour le moment, sortant sa monnaie, demandant à ce que le livre soit mis de côté pour le moment, puisqu'il n'avait pas de parapluie. Il caressa un peu la tête du gros chien noir en souriant, ébahi comme toujours que les animaux ne reconnaissent pas en lui un danger. Non seulement ne venait-il pas de ce monde, mais il était parfois obligé de tuer leurs semblables... Il préférait toutefois ne pas repenser à ceci. Il préférait poser la question qui lui brûlait les lèvres.

« Hmm... Excusez-moi si je me trompe, mais... Vous m'observiez tout à l'heure ? »

Était-ce une fois de plis à cause de mon physique détonnant ? Elle ne pouvait tout de même pas avoir eu une impression de déjà vu ! Des cheveux blancs pour un jeune homme, ce n'était pas commun, et ses yeux ne l'étaient pas non plus... À moins qu'elle ait entendu parler de son histoire ? Comment ? Pourquoi ? La curiosité est définitivement un mauvais défaut, une fois piquée, on ne peut plus l'arrêter avant qu'elle ne soit satisfaite... C'était aussi une lame à double-tranchant puisqu'elle pouvait également très bien se retourner contre soi... Mais désormais, Samuel était actif de ses filets, se lançant dans un jeu bien dangereux... Chaque information avait son prix, n'est-ce pas ? Et ses congénères étaient certainement affamés. Ils l'étaient toujours.

La fatigue commençait à se présenter à Valentine, la saluant aimablement, faisant savoir qu'elle allait bientôt s'inviter et la taquiner jusqu'à ce qu'elle veuille bien aller dormir. C'était fâcheux, il était encore tôt malgré tout. Et puis elle n'avait pas envie de sauter un repas, ce n'était pas bon pour la santé. La journaliste allait très souvent sur le terrain, il lui fallait donc de l'énergie à revendre !

Malgré elle, son esprit rêvassait, virevoltant dans des brides d'images qui remémoraient sa journée. Rien de très folichon en réalité. Aussi quand elle croisa le regard de Samuel qui revenait vers elle, elle sursauta légèrement et cligna des yeux, essayant de se reconcentrer. Et ce ne fut pas facile, surtout lorsqu'il lui posa une drôle de question.
Elle qui s'était redressée pour préparer une poche pour y glisser le livre qu'il avait choisit, elle figea son mouvement et leva la tête vers lui, le dévisageant longuement. Que voulait-il dire par là ?

"Je vous demande pardon ?"

Elle resta sceptique, se demandant bien ce qu'il voulait dire par là. Oh certes quand il était entré dans la boutique, elle l'avait observé avec curiosité, mais n'était-ce pas une chose naturelle chez les gens qui découvrait une personne au physique sortant de la norme. Elle qui s'habillait bizarrement et qui arborait des cheveux rougeoyants, elle ne connaissait que cette expression chez les individus qu'elle croisait pour la première fois.
Bon il fallait bien avouer qu'elle avait soudain eu l'impression de devoir le connaître, mais ce n'était qu'une impression, ça s'arrêtait là, non ? Elle était journaliste, c'était dans ses habitudes de considérer quelqu'un ainsi.

Pour rester polie, elle chercha néanmoins une explication et après un long instant de réflexion, elle finit par hausser les épaules. Loki observait la scène en silence. Il avait reçu une caresse sur la tête et se demandait bien pourquoi Samuel lui jetait des regards étranges. Peut-être qu'il fallait qu'il s’intéresse un peu plus à son odeur... Était-ce un humain ? Même s'il découvrait que c'était le cas, ça n'aurait rien changer au fait que Valentine lui parle donc à quoi bon se renseigner après tout. Il soupira discrètement tandis que sa maîtresse répondait d'une voix paisible.

"Je suppose que j'ai dû vous paraître... Indiscrète en vous regardant ainsi mais croyez que ce n'était pas méchant. Veuillez m'excuser si vous l'avez mal prit. Je dois avouer qu'il est plutôt rare de croiser des personnes quasiment albinos. Il ne manque que les yeux rouges et c'était ça. Oh mais j'y pense, il est vrai qu'un de mes amis m'a un jour parlé d'une personne avec votre physique là où était allé manger. Vous ne travaillerez pas dans un restaurant ou une boutique du genre par hasard ? C'est peut-être de vous qu'il parlait."

Elle sourit gentiment en encaissant le prix du livre et rendit la monnaie. Bien sûr il lui avait fallut embêter son père pour qu'il se pousse de devant sa caisse, l'interrompant dans sa conversation avec l'autre client, mais elle s'en moqua éperdument, trouvant qu'il exagérait quand même. Il glandouillait tranquillement alors qu'elle faisait son boulot. Non mais celui-là alors !
Elle retourna devant Samuel et jeta un coup d'oeil vers l'extérieur. Il pleuvait toujours à torrent et le pauvre n'allait certainement pas sortir par ce temps. Elle réfléchit un instant, puis dans un geste purement altruiste, elle proposa, toujours souriante.

"Désirez vous un café ou un thé ? En attendant que cette pluie se calme, rien de tel que de boire quelque chose de chaud."

Étrange atmosphère que celle qui s'était installée dans la librairie, entre la méfiance de Samuel et le malaise palpable de la Lefèvre. Enfin, du moins, jusqu'à ce que le jeune homme décide d'aller au cœur des choses. Une bonne idée apparemment, puisqu'il semblait qu'il se fasse des idées. Elle ne l'avait finalement observé qu'à cause de son physique, comme tant d'autres. Il fallait supposer que Samuel avait cru qu'il en allait différemment parce que, lorsqu'on le fixait, c'était bien plus souvent par de mauvaises raisons qu'autre chose. C'était assez embarrassant... Il en perdait même ses mots, ne pouvant présenter des excuses dignes de ce nom. Son visage s'illumina toutefois un peu à la mention de cette personne mystérieuse qui ne pouvait pourtant être que le commissaire, puisqu'il voyait assez mal une jeune femme pareille s'acoquiner avec des voyous, ou du moins, des anciens voyous...

« Sans doute. Dans ce cas, c'est une joie de vous rencontrer ! »

Il était beaucoup moins tendu et nerveux à présent, ce qui était une bonne chose. Il ne risquait pas ainsi d'échapper toute la petite monnaie durement gagnée, en plus de celle qu'on venait de lui redonner suite à son achat, par terre ! Une fois le tout soigneusement rangé, le petit homme se saisit de la pochette qui lui était tendue et dans laquelle se trouvait maintenant le livre. Il lui tardait d'essayer toutes ces nouvelles recettes ou même de les remanier un peu à sa sauce, s'il croyait que cela puisse les améliorer... Il fut sorti de ses pensées par d'autres mots qui lui furent adressés. C'est vrai que le temps ne s'était pas vraiment amélioré... Il risquait de tomber malade s'il se promenait trop longtemps sous une averse pareille, surtout sans parapluie.

« Je prendrais bien un peu de thé, oui... Merci. »

Il osa même enfin esquisser un petit sourire. C'était vraiment gentil de la part de la rouquine, de lui offrir ainsi de quoi se réchauffer un peu, après tout. Elle n'était pas obligée de faire quoi que ce soit de semblable. Il attendit donc la préparation avec enthousiasme. Malheureusement, ce fut à ce moment qu'un détail lui traversa l'esprit, un peu à la manière d'un électrochoc. La raison même qui l'avait poussé à prendre un chemin différent. Il était allé développer une photo importante. Seulement, où diable l'avait-il placé ? Dans son porte-feuille, s'il avait bon souvenir. Pourtant, il ne lui semblait pas l'avoir vue tout à l'heure. Dans le doute, il ressorti le tout et fouilla le compartiment recouvert de plastique qui aurait pu protéger le cliché. Ne trouvant rien, il tourna chacune des pages du livre qu'il avait acheté et parcouru même chacune des étagère où il était passé tout à l'heure du regard. Regardant même sous la serviette dont il s'était débarrassé, au cas où. Valentine devait franchement le trouver de plus en plus étrange... L'homme des miroirs finit par soupirer avant de lui fournir quelques explications sur toute cette agitation.

« Excusez-moi... J'ai perdu un objet important, une photographie de ma sœur... Vous voudriez m'aider à voir si elle se trouve quelque part ici ? »

Avec cette pluie, ce serait surprenant que la qualité du cliché ait été conservée. Même s'il l'avait vraiment échappée à l'intérieur, le plancher était également ici et là mouillé, par leurs pas... C'était bien sa chance. Il n'y aurait plus rien pour le rattacher à ce souvenir, s'ils les perdait à nouveau... Il ne voulait pas oublier sa famille, et par le fait même ce qu'il y avait de meilleur au fond de son coeur, une fois encore... Il restait une mince chance de l'avoir simplement fait tomber dans un coin sec, mais tout de même, il n'avait pas trop d'espoirs à ce sujet. Il aurait malgré tout aimé la retrouver.

Spoiler:

L'étrange client finit par accepter un peu de thé, faisant sourire la journaliste. Bien, voilà qu'il semblait prendre un peu de couleur. Il avait un visage doux quand il souriait et inconsciemment, elle regrettait de ne pas avoir découvert cela plus tôt.
Hochant la tête, elle se retourna vers l'arrière boutique lorsque soudain son père l'accosta. Il l'avait entendu proposer une boisson et semblait approuver l'idée... surtout que lui aussi avait soif. Non mais vraiment, il s'embêtait pas celui là. Enfin, elle prit son mal en patience, se promettant de faire une farce à son père le soir venu et se décida pour préparer plus de tasses. Loki la suivit sans rien dire, s'asseyant à côté d'elle tandis qu'elle faisait chauffer de l'eau.

Elle commençait à trouver le temps trop pluvieux, le bruit de l'eau sur les vitrines provoquant chez elle une légère somnolence. Il était toujours plus agréable de regarder un orage quand on était au chaud chez soi, cela provoquait un bien être simple mais agréable. Et elle était dans cet état d'esprit. Elle espérait juste que boire du thé n'allait pas l'endormir pour de bon.
Du coin de l’œil, la jeune femme guettait Samuel, se demandant bien pourquoi il fouillait ainsi partout. Il avait égaré quelque chose ? Comme pour le lui affirmer, il se tourna vers elle et s'expliqua. Ainsi donc il avait perdu la photo de sa sœur. Une photo ?

Avec un léger sourire malicieux, elle s'accroupit près de son chien et lui passa une main sur la tête, le caressant tendrement. Il l'observait avec attention, sentant qu'elle allait lui demander quelque chose. Et c'est bien ce qu'elle fit, prenant un air malicieux.

"Dis moi, Loki, tu reconnais l'odeur du produit pour faire développer les négatifs, n'est-ce pas ? Tu penses que tu peux repérer sa photo ?"

Le chien resta immobile un petit moment, semblant pensif, puis laissa échapper un léger aboiement, comme pour lui répondre, avant de se redresser, trottinant dans la librairie en reniflant un peu partout. Cela fit rire le père de Valentine, tandis que la demoiselle terminait le thé presque prêt.
Loki avait un bon flair et cela, même s'il pouvait devenir humain à présent. Après un petit moment de fouille, il détecta une légère odeur qui lui piquait désagréablement la truffe. Il n'était pas loin, il le savait. Après constatation, il découvrit un bout de papier dépassé d'en dessous d'une bibliothèque. Apparemment, elle était tombée et s'était glissé sous le meuble. Content de sa trouvaille, il se mit à aboyer, appelant le propriétaire de l'objet perdu.
Valentine afficha un air amusé et tandis qu'elle déposé les tasses de thé sur le comptoir, elle lança gentiment à Samuel.

"Je crois qu'il l'a trouvé, vous n'avez qu'à suivre ses aboiements. Avec du lait votre thé ?"

Dans la famille Lefevre, on aimait boire ce genre de boisson chaude, et pour le prouver ils avaient toujours de en confectionner, que se soit dans la librairie ou dans la maison juste au dessus. Du sucre et un peu de lait rejoignirent la tasse qu'elle avait posé pour Samuel. Il n'avait plus qu'à se servir à sa guise. En attendant, qu'il revienne, elle s'en alla offrir également un peu de boisson à son père et son client, ravis de voir qu'elle leur en avait préparé quand même.

[voilà. Désolée du retard ! C'est un peu court, mais j'avoue être en manque d'idées sur la suite.]

En parlant de sa photo perdue, Samuel ne s'attendait pas vraiment à ce qu'on lui fasse la proposition de l'aider à la retrouver, surtout qu'il avait déjà cherché un peu partout de lui-même. On pourrait aussi voir cela comme une perte de temps précieux. À vrai dire, il était assez stupéfait par les paroles de la rouquine. Un chien pouvait-il vraiment avoir un flair aussi développé ? Il ne s'était jamais beaucoup interrogé à propos de ces bêtes. D'un autre côté, pourquoi l'aurait-il fait ? C'était la seule façon qu'il avait trouvé pour ne pas culpabiliser à propos de ceux qui étaient victimes de ses pulsions dangereuses... Ceux qui l'empêchaient justement de se sentir vraiment coupable, puisqu'ils l'empêchaient de s'en prendre aux autres. C'est donc médusé que le français observa l'animal poilu s'éloigner avant d'aboyer quelques minutes plus tard. Comme pour confirmer ses doutes, Valentine lui dit que l'on devait venir de retrouver son objet perdu. Acquiesçant vaguement à la question qui lui était posée, il entama de retrouver le dénommé Loki, chose assez simple dans une petite boutique pareille. Et la photographie se trouvait bel et bien sous cette étagère. C'était un tel soulagement ! Ce portrait à l'encre était la seule façon de ne pas oublier, jamais, après tout. Il donna une caresse amicale au chien des Lefevre et retourna près du service à thé, suivi de près par celui-ci. Samuel ajouta un peu de sucre au lait qui lui avait déjà été proposé, sans réfléchir, ne le remarquant qu'après. Une vieille habitude, peut-être ? Quoi qu'il en soit, il avala son breuvage chaud en compagnie des deux autres hommes qui discutaient. Il devait avouer que cela avait assez bon goût... Une idée lui revenant en tête, il fouilla dans ses poches pour en sortir une enveloppe de biscuits secs. Il en trempa un dans son thé et l'autre, il le donna a son sauveur. Ensuite, il jeta un coup d'œil à l'extérieur, ne désirant pas s'attarder ici plus que de raison, maintenant que le mystère était résolu et son trésor retrouvé. Il ne pleuvait plus autant qu'auparavant. Et puis, il n'y avait plus une très longue distance à parcourir. Elle cesserait sûrement en cours de route... Il ne restait plus qu'une chose à faire : leur dire au revoir à tous.

« Merci pour tout, Valentine. » déclara-t-il donc, avec l'un de ses maigres sourires.

Une fois sorti de la librairie, livre en sac et sac en main, il regarda une nouvelle fois l'adresse de cet endroit, tentant de s'en faire une note mentale afin de ne pas l'oublier, le temps de rentrer pour l'écrire quelque part. Il comptait bien leur envoyer quelque chose en guise de remerciements plus appropriés, s'il ne pouvait pas venir l'apporter en mains propres.. Peut-être même quelque chose venant de ce livre qui avait permis leur rencontre ? S'il y avait quelque chose qui se conservait bien, cela pourrait être une solution intéressante, oui...