Forum RPG fantastique - Au cœur de Paris, durant la fin du XIXe siècle, un cabaret est au centre de toutes les discussions. Lycanthropes, vampires, démons, gorgones… Des employés peu communs pour un public scandaleusement humain.
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» Elysion Earth par Eglantine Jocor Sam 9 Nov - 16:31
Quand la main crispée d'Edward desserra enfin son étreinte de la poignée, la nuit était bien avancée et la majorité de ses employés couchés. Retardé par un client bavard, ce fut un soupir de soulagement qui souleva son torse lorsqu'enfin, il referma la porte derrière lui. Ses épaules appuyées contre le battant, la tête encore bourdonnante des milliards de mots dont son interlocuteur l'avait assommé, il profitait de ce silence comme de la plus précieuse des cuvées. Les yeux alors clos, le corps assailli d'une soudaine fatigue, il lui fallut plusieurs minutes avant de s'arracher à sa posture pour songer à gagner son lit. Mais à peine ce pas difficile franchit, il s'immobilisa.
Seul dans son vaste hall, Edward se sentit étouffer.
Pris à la gorge par un pesant remugle, il ouvrit grand la bouche et inspira avec avidité, à la recherche du moindre brin d'air. Mais rien. Rien d'autre que ce soudain parfum de renfermé, cet oxygène empoisonné, comme respiré par tant d'autres que lui. Une grimace déforma ses traits face à ce pénible constat. Aussitôt, il porta ses mains moites et tremblantes à son col pour le délester de cette corde de coton qui, il en était certain, se resserrait sur son cou. Le tissu tomba à ses pieds alors même qu'il défaisait les premiers boutons de sa chemise blanche. Il glissa ses doigts sur sa peau abîmée, les remonta jusqu'à sa nuque, puis les crispa sur son visage à présent en sueur. Toujours asphyxié par ce relent pestilentiel, il chercha un secours dans son immense solitude. Ses iris se perdirent tour à tour aux quatre coins de la pièce, s'arrêtant ça et là, sur cette toile railleuse, cette horloge dissonante, ou cet infranchissable mur de velours. Riches atours de sa prison dorée, Edward n'y décelait plus que l'odeur insupportable de sa captivité.
Alors il s’agita, pris d'une panique féroce, épris d'une liberté sauvage et d'un mouvement si brusque qu'il manqua de chuter, il se jeta sur la poignée de la porte. De ses deux mains puissantes il l'abaissa en lui infligeant une étreinte musclée qui interdisait toute résistance. Le battant de bois vola sur ses gonds, libérant juste assez longtemps le passage pour que le loup s’y engouffre. Puis il se referma, calme, dans un cliquetis anormalement discret, sur ce hall immense et vide où gisait une cravate.
À cette heure tardive, dans un Paris glacé par une nuit hivernale plus sévère que les autres, résonnaient les pas pressés d’un animal en fuite. Edward traversait les rues et venelles au son étourdissant de ses propres foulées. Poursuivit par l’écho de cette ville de pierre et de fer, il en oubliait le froid mordant qui transperçait ses vêtements et giflait son visage. Peu lui importait que ses lèvres bleuies rejettent, à chacun de ses pas, un immense nuage de buée givrée. Il n’avait en tête que ce bruit insupportable et régulier, celui de ces semelles rigides qui meurtrissaient ses pieds et retenait sa débâcle. Ce martèlement le rendait fou. Il lui comprimait le cœur à chaque mètre gagné et lui rappelait, méprisant, cet infime écart qui le séparait de son enfer.
Assez, assez… Assez !
Assez de cette mascarade ! Assez de ce travestissement d’homme et de ces artifices qui le muselaient dans un monde qui ne voulait pas de lui. Assez de cette veste trop étroite qu’il abandonna au vent, assez de ces chaussures tranchantes qu’il laissa à la poussière. Edward White disparut à la lumière d’un réverbère, un loup à la course effrénée se dévoila à l’éclairage suivant. De ses mouvements sauvages, il résultait une rapidité incroyable que nul obstacle ne pouvait entraver. À le voir, on comprenait que sa vie toute entière dépendait de cette cavalcade incontrôlée. Car l’animal courait à perdre haleine, sans se retourner, dans l’unique but de mettre la plus grande distance entre lui et cet univers de mensonges dont il ne supportait plus l’odeur viciée.
Impossible de dire combien de temps s’écoula. Assez toutefois pour que la chaussée laisse place à un chemin de terre, puis au sol irrégulier d’un bois, que les foulées du loup se plaisaient à franchir. Car à mesure qu’il s’était éloigné de la capitale et de ses lumières aveuglantes, la bête avait retrouvé une vitalité insoupçonnée jusqu’alors. Les ronces pouvaient l’excorier, déchirer ses étoffes, les racines et les roches blesser sa peau et cet air de glace lui brûler les poumons, il n’en était que plus vivant. Désormais seul dans cette nature inexplorée, à peine éclairée par un croissant de lune timide, il existait à nouveau. Et quel délice.
Loin d’achever sa course, Edward ne s’y abandonna que plus encore. Débraillé, échevelé, le voilà slalomant entre les troncs massifs, bondissant par dessus les pierres et les reliefs, traversant les cours d’eau, foulant de ses pieds abîmés les branchages et les feuilles mortes. Fou de sa liberté retrouvée, éperdu de cette bise vive qui lui colorait les joues de sa fraîcheur, il se dépensait sans réfléchir, au paroxysme de cet instinct délicieux qui motivait chacun de ses gestes.
Enfin, ses jambes épuisées le condamnèrent à s’arrêter d’une chute remarquable, au cœur d’une minuscule clairière. Le soudain contact de sa peau avec les pousses gelées lui ravit un frisson de plaisir, alors que son souffle, encore bref, tendait à se calmer. Un sourire béat étirant ses lèvres, ses iris dépareillés se perdirent dans le sublime spectacle d’un ciel nuancé d’étoiles. S’oubliant à cet instant de délice, il écarta les bras et respira avec gourmandise cet air aux effluves sylvestres.
Que ce bonheur simple lui avait manqué !
H.R.P:
RP ouvert à qui sera inspiré ! Ne pas hésiter à me MP si besoin o/
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Sam 19 Déc - 21:58
« Et là, le type me r'garde et m'dit qu'il a paumé l'poisson, peuchère ! »
Un tonnerre de rires retentit dans l'espace confiné du petit établissement. Là, il faisait chaud, chaud à en devenir inconfortable parfois. Le bar puait l'alcool au rabais et la sueur de ses occupants, qui tour-à-tour dansaient et chantaient, s'esclaffaient ou hurlaient. Au comptoir, il y avait comme un amas de détritus, de ces rejetés de la bonne société et de ceux qui préféraient boire à avancer. Ashton adressa une expression pétillante de malice au pêcheur qui racontait son histoire :
« Comment donc perd-on un poisson ? » « Si j'le savais, tiens ! Tu penses bien qu'j'l'aurais r'trouvé, l'bestiau ! », s'exclama l'homme en retour.
De nouveau, les compagnons de beuverie partagèrent un moment d'hilarité. C'était de ces ambiances joviales et chaleureuses qu'on ne sentait qu'auprès de personnes trop saoules pour être pudiques. On touchait n'importe qui et surtout n'importe où, l'esprit trop chargé d'alcool pour se préoccuper d'une quelconque distinction. L'heure était à la simplicité, et cela convenait parfaitement à tout le monde en ce lieu. Aux haleines putrides des marins, le canidé détourna la tête. S'il se sentait toujours d'humeur à rire aux éclats, il préférait l'odeur de son whisky à celle d'un homme qui ne s'était pas lavé depuis trop longtemps. Ce fut donc avec un air content qu'il finit son verre d'une copieuse gorgée. Il était tard, et il avait envie de profiter du chemin pour rentrer.
« Messieurs, glissa-t-il donc en se relevant, c'est sur cette fantastique histoire que je vais vous quitter. » « Te fous pas d'moi, fiston ! », rétorqua le pêcheur.
Ashton prétendit d'être blessé par cette réponse :
« Moi ? Me moquer ? C'est mal me connaître... »
Sur un concert de rire, son propre cœur léger comme le vent, le jeune homme saisit son manteau de cuir pour le jeter sur ses épaules. Un splendide sourire aux lèvres, il adressa à l'attroupement une révérence volontairement théâtrale avant de s'éclipser. La porte lutta contre la pression de son bras et se rabattit aussitôt lâchée, grinçant copieusement.
L'air des nuits d'hiver était glacé. Il piquait la peau, l'irritait et la rougissait. Ses caresses avaient des allures de soufflets. Il n'y avait rien de doux dans la température qui lui donna la chaire de poule. Soudainement gelé, Ashton frotta ses mains l'une contre l'autre avant de les plonger dans ses poches. Étrangement, avoir froid ne le dérangeait pas. C'était une sensation si longtemps oubliée qu'elle en devenait presque agréable, un peu nostalgique aussi. Il ne prétendait pas s'en dérober, loin de là. Il acceptait le frisson, s'en accommodait, et levait le nez pour absorber l'ambiance de la saison. Il ne neigeait pas encore à Paris, mais on sentait que cela ne tarderait plus. Un sourire lui mangea le visage à cette idée. Il adorait la neige. En plus d'être belle, c'était tout un tas de souvenirs amassés en un flocon, et il n'était encore jamais parvenu à s'en lasser.
D'humeur légère, Ash décida brusquement de faire un détour pour rentrer. Et comme une invitation, il distinguait par delà les immeubles la promesse d'une végétation en perdition. Ses pas résonnèrent contre les pavés tandis qu'il traversait les ruelles qui le séparaient de son objectif. Un parc, sans doute. Caressant la haute grille du bout des doigts, le jeune homme pesa son choix. Attendre de trouver une entrée correcte, ou grimper. L'issue était évidente. Observant ses pieds, Ashton s'étira plusieurs fois les jambes, mesurant ainsi la souplesse de son pantalon. L'estimant satisfaisante, il prit son élan et partit. Courant, il posa un pied sur le bord du muret et effectua un bond qui lui permit d'atteindre la partie supérieure de la grille. Il relâcha son souffle dans un éclat de rire, brusquement content, puis se hissa de l'autre côté. Son atterrissage n'eut de son que celui de ses pieds rencontrant le sol. Il était à l'intérieur. L'heure était venue de se perdre.
Brusquement, l'on entendait plus que le silence. Le murmure de la ville était estompé, comme étouffé par les arbres dévêtus. Ashton laissa une expression apaisée saisir son visage tandis qu'il s'enfonçait dans les bois. Les ombres décharnées semblaient se mouvoir doucement en une lente danse. Il se sentait lui-même onduler au rythme de ses pas et du vent. La mélodie de la nuit était imprimée partout en ce lieu. Les âmes animales tantôt s'agitaient, tantôt s'apaisaient. L'hiver et l'heure tardive avaient conféré à la petite forêt une torpeur inimitable dans laquelle le canidé ne désirait que se perdre. Ce qu'il fit.
Il passa cours d'eau et bosquets, huma le parfum de l'herbe humide, prit le temps de savourer l'empreinte du vent glacé contre sa peau pâle. Respirant pleinement l'air presque campagnard de cet endroit, il s'amusa, joua avec la vapeur qu'il laissait s'échapper de ses lèvres blanches. La soirée était calme, endormie, et pourtant Ashton se sentait pleinement éveillé. Il avait eu besoin de ce temps solitaire. C'était un étonnant retour aux sources que de se balader dans une végétation abondante. Il se sentait bien.
C'est au détour d'un chemin pris au hasard qu'il sentit. L'âme en question était suffisamment unique et familière pour qu'il ne l'oubliât jamais, et sa présence incongrue en cet endroit fit relever la tête au canidé. La Bête qui remuait en son sein, elle aussi, s'éveilla brusquement, comme agitée par une vieille rancœur. Ash ne distingua d'abord pas Edward, ce qui l'intrigua plus encore. Que faisait-il donc ici ? Aux dernières nouvelles, le roi des lycans ne se rendait pas dans les bois en pleine nuit hivernale... C'était plutôt le genre de frasques qu'on réservait aux rêveurs dans son genre. La surprise du chien des Enfers ne fut toutefois que de courte durée. Il haussa des épaules. Nul ne pouvait prétendre prédire les actions du patron du Lost Paradise, peut-être même pas lui-même. Alors Ash...
Sans prendre le temps de réfléchir, le jeune homme écarta la branche fournie d'un conifère pour s'engouffrer dans ce qui semblait être une petite clairière. Là où la politesse la plus élémentaire aurait demandé de ne pas déranger sa connaissance alors qu'on la croisait au beau milieu de nulle part, Ashton s'engagea sans aucun scrupule vers la silhouette qu'il devinait allongée dans l'herbe. De toute manière, raisonna-t-il, Edward le sentait sans doute déjà.
Edward. Le jeune roi semblait étrange ce soir, plus que d'ordinaire du moins. Ses pieds étaient nus et visiblement abîmés par ce qu'il avait trouvé bon de faire dans cet état, il lui manquait une veste, et il était joliment débraillé. Ce n'était pas des vues que l'on avait tous les jours, et le canidé se doutait bien que son vis-à-vis n'était pas tout à fait dans son état normal. Ne le sentant toutefois pas en danger immédiat, il se contenta de l'approcher, un sourire suave sur ses lèvres pâles.
« S'il était bien une personne que je ne m'attendais pas à voir ici, c'était toi... Bonsoir ! »
Il ne prêta aucune attention à l'état physique du lycan, préférant de loin absorber la relaxation qu'il sentait émaner de lui, et tourna son regard vers les alentours. La lumière des étoiles, couplée aux silhouettes sombres des arbres qui les entouraient, donnait à l'endroit une atmosphère fantasmagorique qui lui plaisait beaucoup.
« Je suppose que la vue est agréable, commença-t-il avant de se tourner vers son interlocuteur, mais tu m'as l'air bien peu préparé à passer une nuit à la belle étoile, mon cher. »
Le ton se voulait taquin, ses pensées plus sérieuses. Il se demandait ce qui avait bien pu passer par la tête de son compagnon pour qu'il en oublie sa veste et ses chaussures, de même que toute idée de froid et de douleur. Il n'était certes pas plus inquiet que ça, faisant pleinement confiance à Edward pour prendre soin de lui, mais la situation dans laquelle il se trouvait emmenait l'esprit du canidé dans un tourbillon de questions. Inutile, toutefois, de presser ce problème. L'heure était à la détente.
« Tu as passé une bonne soirée ? »
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Edward White
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Sujet: Re: Vivre [libre] Ven 1 Jan - 19:04
Ce monde abritait des choses immuables au sein desquelles il était toujours possible de trouver refuge. Ces petits riens traversaient le temps sans changer, toujours présents pour ceux qui y prenaient garde, invisibles aux autres. Ce fut sur l'un d'entre eux qu'Edward perdit son regard. Ses iris dépareillés ne quittaient plus cette peinture superbe offerte par la nature. Ils appréciaient chacun des enchevêtrements de ces branchages sombres dont les silhouettes se découpaient sur la toile du ciel étoilé, s'amusant à reconnaître ces lointaines constellations dont il se surprenait à se souvenir du nom. À gauche, Persée, près de son fidèle destrier ailé, tenait compagnie à la belle Andromède. À droite, le scorpion tentait de piquer la vierge, non loin du centaure qui affrontait le loup. Cette dernière nuée d'étoile, à l'affrontement tragique, arracha un soupir au triste observateur, qui se détourna finalement du firmament pour lui préférer la pénombre du bois. Il se replia légèrement sur lui-même lorsque la fraîcheur de l'hiver se glissa jusqu'à sa peau. Une caresse glacée qui lui apparut comme la plus délicieuse des compagnes. Elle effleura son visage avec douceur et lui fit fermer les yeux sur ce silence nocturne.
Puis un frisson lui glaça l'échine. Mais ni les températures négatives, ni la rosée givrée qui couvrit ses pieds nus n'en étaient la cause. L'unique coupable se dissimulait dans une bise frémissante. Une odeur, un fumet particulier au lointain relent de soufre et de sang dont Edward connaissait parfaitement la source. Ses yeux grands ouverts, scrutant l'obscurité, reflétèrent une douleur soudaine que les traits tirés de son visage trahirent plus encore. Non, non, non ! Pourquoi lui ? Pourquoi ne pouvait-on pas le laisser en paix ? Une soirée seulement, il ne demandait qu'une soirée pour être lui-même, mais lui… Lui ! Il allait tout gâcher ! Edward se recroquevilla sur le sol glacé du bois. Son cœur affolé accéléra son souffle, ses mains moites gagnèrent sa gorge serrée puis sa figure, où ils se crispèrent brusquement. Pourtant, comme animé par un dernier espoir, il refusa de quitter la clairière, se surprenant à quémander la disparition de l'importun avant qu…
« Bonsoir ! »
Tout était fichu.
Les chimères d'une liberté retrouvée s'évanouirent en même temps que tonna cette voix pourtant mielleuse. Elles s'évadèrent de l'étreinte miséreuse du loup, l'abandonnant à son insupportable réalité, à cette raison dont il ne supportait plus les leçons, à ces responsabilités qui l'étouffaient, à cette solitude mensongère. Et encore ce ton insupportable qui couvrit le murmure si doux de la forêt. Abject.
Un sursaut de haine crispa alors le corps entier du loup. Il se redressa brusquement, suant malgré l'air glacé de janvier, essoufflé, les mains tremblantes de cette soudaine envie de mort qui ruisselait dans ses veines. Il voulait tant qu'il se taise et qu'il parte, qu'il disparaisse ! Soudain, le loup se leva. Son immense stature s'arracha lentement au sol blanchi de givre. Il se déplia sans un bruit, la respiration courte, la tête baissée et ses longs bras aux poings serrés, figés contre ses flancs. Ses cheveux sombres masquaient son visage déformé de douleur. Quelques mèches, collées sur sa peau, s'amusaient à accentuer cette expression de malaise et suivirent les courbes grimaçantes de ses joues lorsque le lycanthrope desserra enfin les dents :
« Va t'en ! »
L'exclamation, puissante mais brisée, laissa derrière elle un silence pesant. Le temps se figea dans ce bois d'hiver que même la lune ne prit plus le risque d'éclairer. Le tableau d'étoile s'était voilé d'épais nuages d'encre, trop opaques pour laisser filtrer le moindre brin de lumière, plongeant la clairière dans une inquiétante obscurité. Puis une bourrasque se leva. Elle fit grincer les branches nues, secoua les troncs glacés et découvrit, une seconde seulement, l'astre nocturne. Ses rayons immaculés percèrent les branchages et découpèrent au couteau la figure furieuse du loup. Puis à nouveau les ténèbres et le loup se rua sur l'intrus.
« Dégage ! »
Avec la puissance d'une bête monstrueuse, deux mains gigantesques repoussèrent de toute leur force ce corps dont Eward ne supportait plus la vue. Le geste fut violent, sauvage. Qu'importaient les conséquences, pourvu qu'il disparaisse. Mais cette colère incontrôlée, au lieu d'éloigner l'indiscret, causa sa chute et retarda la fuite tant désirée. Cette vision déstabilisa le lycan tant il se sentit pris au collet par cette infernale réalité. Était-ce possible ? Cherchait-on à le rendre fou ?
Un rugissement de rage secoua le corps du loup. Il enfouit sa tête entre ses mains, griffa sa peau bleuie par le froid, pour enfin, faire volte-face. D'un pas aussi pressé qu'incertain, il rejoignit l'orée de la clairière. Et ce fut sans se retourner qu'il abandonna, avalé par les ténèbres :
« Fichez-moi la paix. »
H.R.P:
Répondu /o/ J'espère que ça te plaira !
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Mer 6 Jan - 19:40
Ashton avait su, se rapprochant. Ashton avait vu. Il avait senti le vent gelé, la bise glaciale contre sa peau, avait constaté sa chaire de poule, accepté le froid contre son corps et, se faisant, remarqué que les habits d'Edward étaient bien moindres que les siens. Il avait perçu le souffle court, erratique, presque désespéré d'une bête en cage. Il avait regardé le corps de prédateur se tendre et se détendre en un mouvement presque spasmodique, avait vu la bête sous le masque d'humanité. Il avait entendu la rage du monstre du fond de sa gorge, noté les fluctuations inquiétantes de son aura sombre.
Sa présence n'avait jamais été désirée en ce lieu, et pourtant il s'était approché, s'était penché sur le loup qui se prélassait dans un corps d'homme. Lui eut-on demandé pourquoi, il n'eut su répondre. C'était des sentiments qui faisaient bouger son corps sans qu'il ne puisse l'expliquer. C'était des urgences qui faisaient presque mal. La Bête au creux de son corps s'était agitée contre ses côtes, avait grogné tout à son esprit les ignominies d'une sombre revanche et, sans même pouvoir se l'expliquer, il avait fait un pas. Un pas empli de plein de choses sans importance.
Idiot, stupide, sot, sans doute l'était-il. Peu importe, il s'en moquait. Sa décision n'était motivée par rien de tout cela. Ashton n'était pas un sombre ignorant. Il sentait se mouvoir dans le corps du lycan les ombres belliqueuses d'une angoisse qu'il ne lui connaissait pas, sentait le danger dans la mortelle tension de ses membres. Il savait pertinemment ce qu'il risquait.
Mais il n'avait pas peur. Rien en lui ne se trouvait l'instinct de reculer devant le regard fou de douleur et d'angoisse, ni le réflexe de se préserver du gigantesque corps qui se voulait menace. Rien en lui ne lui soufflait de fuir le prédateur. Peut-être une part de lui, la part ignoble et laide qui ne se donnait à voir que pour couronner la mort dans un univers de chaos, se trouva-t-elle même exaltée de la brusque sensation de péril. Le Monstre désirait la moindre goutte de haine qui bouillonnait dans les veines de son interlocuteur. Mais Ashton n'en ferait rien. Il n'était pas là pour se laisser entraîner dans la vague de détestation. Il n'était pas là pour donner une voix au Chien. S'il devait se battre, ce serait pour nulle autre raison qu'aider son interlocuteur à relâcher la formidable tension sous laquelle il ployait. Lorsqu'Edward le projeta au sol, il ne résista pas.
« Dégage ! »
Un mot empreint d'une colère presque angoissée, d'une furie aux allures de détresse. Allongé dans l'herbe glacée, dominé de toute sa taille par le roi des lycans dans toute la splendeur de sa puissance, Ashton se demanda pourtant qui d'eux était réellement le plus vulnérable. Même la pudique lueur de la Lune suffisait à souligner la douleur dans les traits du loup, la rage incontrôlable qui crispait ses doigts contre sa face blême. La scène était surréaliste, presque blessante. La souffrance du jeune homme faisait mal à voir. Le canidé sentit un brusque pincement d'inquiétude serrer sa poitrine, et il fronça légèrement ses sourcils.
Comme si les éléments étaient à l'écoute de la détresse d'un des leurs, l'astre nocturne drapa Edward d'une obscurité intime. Celui-ci se retira. Il n'avait pas le droit de suivre.
Il n'avait pas le droit d'aller contre sa volonté. Il ne devait pas marcher sur ses pas, ne devait pas le retrouver. C'était ce qu'on lui avait demandé. La solitude était parfois ce qu'il y avait de mieux... Mais ses propres pensées sonnaient faux dans l'esprit d'Ashton. Des excuses, plates, molles, dénuées de sens. Il ne se sentait pas de laisser là un homme qu'il savait mal sous prétexte qu'il l'avait repoussé.
Le soupir qui s'échappa des lèvres d'Ash était presque amusé. N'allait-il pas s'attirer de nouveaux ennuis en agissant ainsi ? La réponse était certaine. Tant pis pour lui, supposait-il. Un demi-sourire aux lèvres, il se redressa calmement et, passant une main dans ses cheveux, trottina à la suite du loup dont il perdait la trace.
« Edward, attends ! »
La silhouette s'effaçait dans la pénombre, mais il devinait encore la présence du jeune homme. Jurant bêtement, le canidé poursuivit son chemin, persuadé de finir tôt ou tard dans une situation gênante. Il ne pouvait pourtant s'en empêcher. Laisser pareil problème en suspend ne lui ressemblait pas.
« Je te demande pardon pour ça. », glissa-t-il dans l'immensité nocturne du bois.
Ne laissant pas le temps à son interlocuteur de le distancer, il accéléra le mouvement, espérant parvenir à le rattraper sans lui causer plus de tort, et sans s'attirer ses foudres. Un éclat d'amusement le traversa lorsqu'il songea au peu de chances qu'il avait de remplir cet objectif irréaliste. Et peut-être était-ce là au fond son objectif. Edward n'avait visiblement pas besoin de ses conseils. Ashton ne pouvait apporter grand chose d'autre, si ce n'est peut-être...
Il s'arrêta dans la forêt, haussa les épaules.
« Si tu veux, on peut se battre ? »
Proposition tout à fait sérieuse qu'était la sienne. S'il n'était pas certain de la réaction que lui offrirait son interlocuteur, le jeune homme demeurait le témoin de son propre apaisement par la violence. Humain, loup, chien, monstre, au final tous étaient des animaux, empreints d'une rage et d'une colère qui, parfois, se devaient d'éclater. C'était une solution qu'il pouvait offrir à Edward sans risquer de la regretter plus tard, et dût-elle être refusée, il l'accepterait sans peine. Ash n'était pas contraignant. Simplement, l'opportunité paraissait bonne.
Et si quelques os venaient à se briser, qu'importait ?
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Edward White
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Sujet: Re: Vivre [libre] Sam 16 Jan - 19:13
Le pas était pressé, nerveux. Les branches glacées rompaient sous ces foulées vives qui fuyaient avec avidité cette omniprésence non désirée. Car Edward l'entendait, il le sentait même, il était suivi. La réalité le pourchassait, elle l'avait traqué jusque dans ce refuge et dès qu'il serait acculé, elle le mettrait à mort. Oui c'était à cela qu'il était condamné, il le savait. Pourtant le bruit cessa. L'espace d'une seconde il se pensa sauver, jusqu'à ce qu'un nouvel éclat de voix ne vienne tout gâcher. Encore.
Si peu de mots et pourtant si douloureux.
Edward tangua. Sa course se fit plus lente, il pencha violemment sur la gauche et un arbre retint heureusement son épaule, lui évitant la chute. Il avait le souffle brûlant, erratique, le regard perdu sur un sol pailleté de givre, mais dont il ne voyait plus que la saleté. Il porta une main tremblante à son cœur, pris de cours par le pieux glacé que ces paroles venaient d'y planter. Puis souffla dans un murmure à peine audible :
« Se battre ? »
Il grimaça. Une douleur vive se peignit sur ses traits, mélange d'une cruelle évidence et d'une brusque déception. Le loup ferma alors les yeux et pinça férocement ses lèvres pour y contenir la détresse qui aurait pu briser sa voix. Il s'accorda un instant pour retrouver un semblant de calme, puis se redressa en s'aidant du tronc qui le soutenait jusqu'alors. Le silence s'évanouit, couvert par le son tranchant de sa voix :
« Tu es comme tous les autres. »
Edward se retourna. Il tâchait de faire face avec le plus de sang-froid possible, mais tout dans son corps transpirait le trouble et l'agitation prêts à emporter son âme. Les poings serrés, le visage fermé et uniquement animé par son regard fiévreux, il toisa l'importun. Il toisa Ashton Lyn, l'interrogeant avec rage :
« C'est donc ainsi que tu me perçois ? Pour toi aussi je ne suis qu'un loup enragé ? »
Une moue de dégoût lui déforma les lèvres. Après tout ce qu'ils avaient traversé, après tout ce qu'il avait fait pour ce sale chien, voilà donc son unique récompense. Il eut un geste de recul, puis n'y tenant plus, il reprit dans un ample mouvement des bras et d'un ton dépité :
« Le loup s'agite. Donnons lui du sang pour qu'il se calme ! Le loup est triste. Donnons lui du sang, il ira mieux ! Le loup est enragé. Donnons lui du sang pour étancher sa faim ! Mais oui, noyons le de sang, il le réclame, il en a besoin, il n'y a que ça qui l'arrête ! N'est-ce pas une évidence ? »
Il répéta la dernière phrase dans un murmure, avant de s'égarer dans le flou sombre de ses souvenirs. Ses iris se voilèrent et l'espace d'un instant, la silhouette d'Ashton disparut de son champ de vision. Il n'y avait plus que la mort autour de lui. Plus que des corps entachés de cet insupportable carmin dont l'inoubliable goût de cuivre emplissait sa bouche. Il vacilla, balaya l'air de la main, rouvrit les yeux et croisa à nouveau le regard d'Ashton.
Le trouver là, encore là, toujours là… La retenue du loup vola en éclat. Il hurla :
« Et bien quoi ! Tu es idiot en plus de ça ? Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans le mot « dégage » ? »
Mais il était trop tard, le mal était fait. La confiance d'Edward s'était envolée à l'instant même où cette question stupide avait eu le malheur de trouver son oreille. Le loup ne voulait plus avoir affaire au chien, il ne supportait plus sa bêtise. Il fallait qu'il parte.
« Va t'en Lyn. Va t'en ou je finirai par envier Evelyn et la falaise qu'elle a trouvé pour fuir ta sottise. »
Le regard glacial d'Edward quitta celui d'Ashton et à nouveau, il s'enfonça dans les ténèbres. Il s'éloigna, lentement, le cœur rongé d'une profonde amertume, quand le ciel déversa sur eux ses premiers flocon.
H.R.P:
Pitite réponse o/ J'espère que ça te plaira, mais n'hésite pas s'il y a quelque chose à corriger !
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Dim 17 Jan - 16:49
Il avait d'abord cru à un bon signe. Ha... Quel idiot. Au fond, c'était sans doute tout ce qu'il était. Incapable de comprendre la détresse qui se reflétait sur les traits trop pales de son interlocuteur, incapable de savoir ce qui insupportait tant le loup dans sa présence, incapable de reconnaître les stigmates d'une lutte à laquelle il n'avait jamais été confronté. La brusque furie d'Edward, les paroles débordant d'une soudaine haine arrachèrent à Ashton une expression profondément confuse. Les mots crachés, dégoulinants de dégoût.
« Tu es comme tous les autres. »
Comme tous les autres ? Pourquoi ? Qu'avait-il donc fait qui soit si terrible, si répréhensible ? Le canidé ne comprenait pas. Lui qui ressortait toujours du lot, on l'accusait désormais d'en faire partie. Et pas n'importe qui: Edward. Edward qu'il côtoyait depuis trop longtemps pour ne pas connaître ne serait-ce qu'un peu, Edward qui savait beaucoup trop de choses à son sujet, Edward qui avait été le premier, le premier à lui faire confiance. Le premier à voir ce qu'il avait de pire, à survivre, et à ne pas reculer. Voir la déception sur les traits d'un homme en qui il avait une confiance quasi-absolue faisait étrangement mal.
Puis l'évidence, comme une gifle. Comme un coup au creux de son estomac. Enragé ? Ne comprenait-il pas ? Le loup le connaissait-il donc si peu, à réagir ainsi ? Pensait-il sincèrement Ashton être le genre d'homme à juger... quoique ce soit ? L'incompréhension se mua en douleur.
Il détestait ce qu'Edward était en train de dire. Aucun d'eux ne le méritait. Ni le roi des lycans, ni lui-même, qui n'en avait jamais pensé un traître mot, de ces paroles vicieuses, déchirantes. La gorge du jeune homme se serra sous le poids d'émotions qui menaçaient d'échapper à tout contrôle. Il ne voulait pas comprendre l'ampleur des paroles de son interlocuteur. Il ne voulait pas faire face à la brusque haine qu'il rencontrait dans le langage d'un homme qu'il appréciait sincèrement. Il ne voulait pas se rendre compte, plus encore, de la souffrance du souverain sur qui le monde crachait. Qu'il pense ça de lui... Ashton le refusait.
Cloué sur place par un atroce mélange de surprise et d'angoisse, d'une forme haineuse de frustration, il ne réagit pas. Son corps était comme bloqué par le poids monstrueux d'un rejet qu'il avait vu plus d'une fois. Ce même rejet que portaient trop souvent les visages à son égard sans qu'il ne le comprenne jamais. Les hurlements d'Edward ne suffirent pas à le sortir de cette transe choquée, presque paniquée.
Puis il y eut le nom. Le nom qui par sa simple évocation brisait son cœur. Le nom qui lui brûlait la gorge et les yeux. Le nom qui rompait ses os sous le poids d'une Mort face à laquelle il n'était plus rien. Le nom qu'il avait tant de mal à prononcer. Le nom qui le hantait. Le nom qu'Edward était le seul à connaître.
Le seul.
Et comment osait-il ?! Comment osait-il lui reprocher des paroles blessantes alors que lui-même venait de déchirer la plaie gangrenée de son deuil ? Comment osait-il prononcer le nom de celle qui lui avait tout donné dans le seul objectif de lui faire mal ?! Les poings d'Ashton se serrèrent dans une brusque vague de ressentiment alors qu'il se lançait à la poursuite de l'ombre fugitive du lycan.
Ses gestes étaient teintés d'une monstruosité qu'il faisait de son mieux pour dissimuler en temps normal. Il s'approcha plus vite, trop vite, laissa ses longs doigts saisir les épaules d'Edward pour le jeter en arrière. La violence qui teintait ses traits allait de paire avec la douleur qui suintait de tout son être. Ses mains tremblaient en chœur avec sa voix, fléchissant sous le poids d'émotions que personne ne pouvait plus contrôler.
« Tu sais quoi Edward ? Merde ! Tu sais pourquoi je suis là, hein ?! Tu sais pourquoi je continue de te parler, depuis tout à l'heure ?! »
Un regard plein de douleur.
« Parce que je t'apprécie, figure toi ! Parce que t'admire, espèce d'abruti ! »
L'inspiration que prit le jeune homme sembla lui déchirer la gorge. Il recula d'un pas, frémissant pour toute autre raison que le froid. Bon sang, ce que ça faisait mal.
« Toi, enragé ? Toi ? »
Un léger éclat de rire, dénué de toute jovialité.
« Bordel, Ed... Tu me prends pour qui ? Tu te prends pour qui ? Tu crois que je ne sais pas ce que ça fait, d'être regardé comme un monstre assoiffé de sang ? Hein ? Tu crois que j'ai oublié ce que ça fait d'être pris pour une bête dangereuse ? Mais entre toi et moi, c'est moi qui en a le plus besoin, de ce sang ! C'est moi qui n'arrive pas à s'empêcher de le faire couler ! Même quand je refuse de verser celui des autres, je suis obligé de prendre le mien ! Le sang, Edward, figure-toi que j'aimerais bien pouvoir m'en passer autant que toi ! J'aimerais bien pouvoir me dire que ça ne m'apaise pas, d'en sentir l'odeur ! J'aimerais bien pouvoir me dire que ça ne me donne pas faim ! Je n'oserais jamais te considérer comme ce genre de bête là, parce que la bête c'est moi ! Je n'oserais jamais te regarder comme ''les autres'' te regardent ! J'aimerais tellement être comme toi, tu ne le comprends pas, ça ?! »
L'essoufflement du canidé trahit la fin de ses paroles, qui se cassèrent sur les lames de sa douleur. Il adressa un regard plein d'incompréhension à son interlocuteur.
« Tu ne vois pas, hein ? Tout l'espoir que tu m'apportes, tu ne t'en rends pas compte, ou quoi ? T'es la seule personne que je connaisses qui arrive à se maîtriser même sous ta forme animale ! Tu n'as même plus envie, même plus besoin de faire couler du sang ! Comment est-ce que je pourrais te considérer comme un loup enragé quand je suis le seul à vivre en sursis des autres ?! Je vais finir par tuer Ed, tôt ou tard, mais pas toi ! Et parfois je me dis que peut-être, peut-être moi aussi j'aurai le droit à ça un jour. En attendant je ne peux qu'admirer, parce que j'en suis encore au stade où je dois me battre pour tuer le moins possible ! »
L'agitation d'Ashton ne faisait que croître, encore et encore, à mesure qu'il laissait ses émotions prendre le pas sur son esprit. Sa voix se fit plus douce, presque murmurée.
« La bête enragée, c'est moi, je le sais. Je ne me permettrai jamais de te renvoyer à la face quelque chose qui n'appartient qu'à moi. Je n'arrive pas à croire que tu puisses penser que c'est mon but. »
Les yeux pourpres étaient rendus plus brillants encore par la vulnérabilité qu'il se permettait. Il secoua la tête, l'air profondément perdu, meurtri, blessé.
« Si je suis là depuis tout à l'heure, Edward, c'est pour t'aider. C'est parce que tu m'as aidé cent fois et que je ne peux pas te laisser seul en te sachant mal. Je pense que tu es un bon roi, doublé d'un homme juste qui, contrairement à beaucoup de monde, n'hésite pas à se battre pour atteindre ses objectifs. Voilà ce que je pense de toi. Je pense... non, je sais que tu es prêt à tout sacrifier pour protéger ceux que tu aimes vraiment. Et je te respecte pour tout ça. »
L'éclat de rire qui traversa ses lèvres avait quelque chose de désespéré.
« Je suis désolé de ne connaître que la violence comme solution. C'est drôle, c'est la seule chose qui ait jamais fonctionné, avec moi ! Je suis désolé d'être ce type qui pense que si ça fonctionne sur lui, ça fonctionne peut-être sur les autres ! Parce que oui, crétin que je suis, je me dis que peut-être que ça ira mieux si tu te défoules ! Damn idiot. »
Le regard brûlant du monstre n'avait plus rien de menaçant. Celui qui rencontra les iris vairons du loup n'était rien d'autre que celui d'un animal éventré par la peine.
« Je suis désolé si je t'ai fait mal, Edward... »
Sa voix se brisa de nouveau au souvenir de l'ample vêtement noir flottant vers un échappatoire mortel. Il détourna les yeux, tenta de respirer profondément. Ses paroles étaient murmurées pour lui-même plus que pour son interlocuteur.
« Comment as-tu pu dire ça ? »
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Sujet: Re: Vivre [libre] Sam 6 Fév - 14:38
À cette poigne sauvage qui l’obligea à un demi-tour, Edward répondit par un regard noir et glaçant, succédé d’un prompt dégagement. Le loup recula, le corps crispé d’une colère contrainte au silence par le torrent de paroles que déversait son interlocuteur. Il n'était plus que sons. Trop aiguë ou trop grave, la suite de syllabes ruisselait en une cascade assourdissante et inintelligible. Plus de visage. Plus de corps. Juste ces gargouillements à l’écoulement continue, imperturbables face à l’agitation exceptionnelle de leur destinataire. Car Edward ne tenait pas en place. Ses iris portés au plus loin de cette forêt qui n’attendait que lui, il vacillait d’un pied sur l’autre, reculait, avançait. Les branches se brisaient sous ses doigts nerveux, le sol se tassait sous ses pas pressés, il rêvait d’espace, recherchait le silence. Et il serait parti si une parole n’avait pas retenu son attention. Vif et alerte, il se tourna subitement vers Ashton, et protesta aussitôt :
– Je n’ai pas bes…
Mais sa voix disparut, noyée par les flots d’une tirade sans public. Entêté, il répéta plusieurs fois l’action, sans succès. Sa colère ne fit que croître, son besoin d’air également. Il trépignait, serrait, desserrait ses mains, triturait sa chemise tâchée, se détourna à nouveau, esquissa un pas, mais s’arrêta aussitôt. Le vent avait tourné. Toujours aussi glacé, il fut, cette fois-ci, messager d’un parfum si particulier qu’il déstabilisa le loup au point de stopper nette sa retraite. Les sens en éveil, si troublé qu’il en était devenu parfaitement immobile, Edward guettait un second souffle qui ne vint pas. Porté par le courant des phrases interminables, ce fut pourtant l’une d’elles, au ton plus faible que les autres, qui le contraignit à s’intéresser à son interlocuteur. Il le toisa une seconde, le temps qu’un nuage de vapeur s’échappe de ses lèvres entrouvertes, puis abandonna, plus froid que cette nuit hivernale :
– C’est bon ? Tu as fini ?
Plus une once de calme n’habitait le corps du lycanthrope. Son immobilité l’avait quitté en même temps qu’il redécouvrait les traits trop familiers et trop proches d’Ashton. Une coïncidence pourtant, car son esprit était occupé à une réflexion bien étrangère à leur différent. Nerveux, remuant, il glissait régulièrement un coup d’œil sur la gauche et ne se figea que lorsqu’une bise s’aventura à les déranger. Alors, il fronça les sourcils, porta sa main à son nez glacé, s’interrogea en silence, jusqu’à croiser les iris dépités du chien. Un sursaut d’orgueil le rappela aux souvenirs des paroles prononcées et ce fut avec une pointe de prétention qu’il argua :
– Qu’est-ce qui te fait croire que j’ai besoin d’aide Lyn ? Parce que je suis débraillé ? Parce que je n’ai ni veste, ni chaussures ? Ou parce qu’ainsi, sans masque, tu ne reconnais plus celui que tu dis tant admirer ?
Un silence bref se glissa entre eux, accompagné d’une bise caressante dont l’étreinte glacée prit plaisir à effleurer de tout son tranchant les présents. À son contact, un frisson électrique remonta l’échine d’Edward dont le comportement changea brutalement. Il délaissa dans la seconde son poste, si vaillamment tenu jusqu’alors, et s’éloigna, jetant comme une vulgaire banalité :
– Je t’ai dit ça pour que tu me laisses tranquille Ashton. Rentre chez toi.
Contrairement aux autres fois, les pas d’Edward ne le conduisirent pas à l’opposé de son interlocuteur, bien au contraire. D’une foulée rapide, il passa devant lui et s’engouffra aussitôt entre deux bosquets, avant de bifurquer et de s’effacer derrière le tronc massif d’un chêne. Son pas se fit véloce, instinctif, lupin. Il suivit son flair comme on l’aurait fait d’une boussole. Le chemin se dessinait pour lui, et uniquement pour lui, avec une précision chirurgicale qui dispensait à son corps le moindre mouvement superflu. Quelques minutes lui suffirent pour réduire la distance, quelques secondes de plus et il le découvrit. Pas une goutte de fierté ne perla dans cet exploit et dans la trouvaille qui lui succéda. Car ce fut sans réfléchir, animé par cet instinct pur et infaillible, qu’Edward s’en empara. Le geste maîtrisé laissa place à une nouvelle quête : retrouver Ashton. Le loup s’y employa avec la même simplicité, appelant même, alors qu’il lui semblait tout proche :
– Ashton attend !
Il coupa sur la droite et une bise légère, chargée de soufre, l’invita à progresser sans précautions dans un bosquet de ronces. Le loup déboucha derrière le chien et, profitant de sa haute taille, il somma tout en s'exécutant :
– File moi ton écharpe.
Le tissu déjà en main, arraché sans scrupule à son propriétaire, Edward ne prit pas le temps de le replier et en recouvrit la moindre parcelle de son trésor, maintenu fermement de son bras gauche. Étrange changement que celui qui s’était opéré entre le départ du lycan et son retour. À présent serein, animé d’une douceur et d’une délicatesse que peu pouvaient se vanter d’avoir surpris, Edward ne quittait plus des yeux sa prise, un sourire indescriptible posé sur ses lèvres. D’un geste tendre, il vint pourtant dégager un repli du tissu et dévoila en même temps, le visage assoupi d’un nouveau-né. Minuscule petit être lové dans les bras gigantesques d’un animal, l’enfant s’agita brièvement, sans doute heureux de cette nouvelle chaleur. Un doigt disproportionné caressa sa joue ronde, saisit à son tour par une main potelée et rose qui gonfla le cœur du loup d’un soupir heureux. Mais un froncement de sourcils suivit, puis quelques mots teintés de tristesse :
– Mais où sont tes parents…
H.R.P:
Tadam ! /o/ J'espère que la réponse te plaira et que ma petite surprise aussi ~ N'hésite pas s'il y a des corrections à faire.
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Lun 14 Mar - 23:20
Il avait suffit d'un nom. Six lettres. Six petites lettres qui se couronnaient dans un souvenir à la fois lointain, tiraillé par des années de séparation, et pourtant si proche que, s'il y pensait plus d'un instant, l'impression lui venait qu'il pouvait sentir, toucher, palper sa mémoire. La toucher, elle. Il avait suffit d'un nom qu'Edward n'avait encore à ce jour aucun droit de prononcer dans ce genre d'occasions. D'abord était venue la fantastique gerbe de paroles. Ashton avait eu besoin de s'expliquer, de montrer, de pointer du doigt. Il avait voulu faire comprendre, interpeller. Il avait ressenti cette urgence de remettre les choses dans le droit chemin avant qu'elles ne dérapent. En réalité, il était déjà trop tard pour ça. Car, s'immisçant sournoisement dans le flux incessant de ses mots dépités, la Haine était arrivée, avec lenteur, et s'était installée en impératrice sur son âme tourmentée. Il ne savait trop si elle venait du Monstre ou de lui. Au fond, c'était sans doute la même chose. Et ce n'était plus important. Plus après cette réaction, toute bête, toute simple.
« C’est bon ? Tu as fini ? »
Comme si rien ne s'était passé. Comme s'il s'était agi d'une simple petite altercation. Comme si personne, au fond, ne souffrait de voir le pire moment de sa vie jeté à sa face tel un crachat, retourné contre lui de la pire des manières. Comme si Edward, en soi, avait été dans son droit. Il ne l'avait pas été. Il ne l'était toujours pas. Ashton maudissait chaque pitoyable son qui s'était échappé de cette maudite bouche pour former une phrase. Il sentait la colère se glisser en lui sans l'en empêcher. Pas cette fois. Aujourd'hui, elle serait sa parure. Il admirerait son éclat, ferait briller sa couleur, arracherait sa richesse. Il lui donnerait tout. Brusquement, il avait envie de sang. Pire, il voulait frapper. Et pas n'importe qui. Frapper cet intolérable sot tant qu'il le pouvait. Un frisson parcourut le corps tendu du Chien. Les poings se serrèrent, la mâchoire se crispa, la respiration se fit plus saccadée. La furie qui coulait dans ses veines de voulait d'aucun obstacle. Pas ce soir. De quel droit ? Depuis quand pouvait-on se permettre ce genre de choses ? Avec un monstre ? Auprès d'une Bête ? Pour qui se prenait-il ? Il se croyait monstrueux ? Oh, il n'avait rien vu.
« Qu’est-ce qui te fait croire que j’ai besoin d’aide Lyn ? Parce que je suis débraillé ? Parce que je n’ai ni veste, ni chaussures ? Ou parce qu’ainsi, sans masque, tu ne reconnais plus celui que tu dis tant admirer ? »
Un regard pourpre se tourna vers Edward. Rouge, brûlant, haineux. Les iris de feu eurent pu glacer l'Hiver. Soudain, il détestait. Il méprisait. Son corps tremblait de rage, et d'une brusque soif de sang. Il s'imaginait déjà le faire dégouliner dans l'herbe gelée par la Nuit, y miroiter son visage nommé après la Mort, et répandre de nouveau le chaos qu'il aimait tant. Frapper. Tuer. Tuer tuer tuer tu-
Ashton se figea en un hoquet d'horreur. Son souffle court résonna fort dans le néant nocturne, comme celui d'une Bête, haletant, suffoquant presque. Son agitation grimpa de nouveau. Il frotta ses mains, agrippa ses bras, y planta ses doigts tremblants. Ces songes, il ne les connaissait que trop bien. Il avait appris à les reconnaître, et...
Non. Non, non, non. Ce n'était pas lui. Ces pensées, ce n'était pas lui.
Il avait été idiot, et il avait été faible. Il avait l'expérience de ce genre de choses, il ne devait plus les laisser le contrôler. La colère était le pire échappatoire possible. Il ne pouvait pas se faire avaler sans résister. Il avait besoin de s'arrêter. Maintenant.
Pourtant... Il le méritait... le Grand Loup...
Sa respiration se coinça dans sa gorge, et parut ricocher contre ses côtes pour s'échapper. Il détourna le regard, observa fixement un arbre. C'était n'importe quoi. Perdre le contrôle pour ça... Il devait se calmer sans plus attendre.
Il s'était moqué de ce qu'il avait de plus cher, de plus douloureux, de plus triste. Il le MERITAIT.
Ashton connaissait Edward, savait ce qu'il faisait de sa propre colère, connaissait les paroles et leur sens véritable. Pourtant... Pourtant ce soir, croire en ces mots débordant de dégoût avait été d'une facilité déconcertante. D'une facilité qui avait été douloureuse. Il recula d'un pas presque par réflexe, adressant un regard alarmé à l'interlocuteur qui n'avait sans doute pas conscience, pas assez, du combat qui venait de commencer en son sein.
Le loup blanc se croyait supérieur. Il était suffisant. Pourquoi ne pas lui montrer la Douleur ? La Peur ?
Les paupières d'Ashton se fermèrent d'elles-mêmes. Une bourrasque de haine continuait de l'assaillir, nourrie par une mémoire trop vive et des émotions trop fortes.
Et pourquoi pas la Mort ?
« Je t’ai dit ça pour que tu me laisses tranquille Ashton. Rentre chez toi. »
Le regard pourpre rencontra le vairon dans un regain de colère. Le poing du canidé se crispait à s'en briser la peau. Il en avait marre.
Edward le cherchait.
Le loup n'avait jamais eu besoin d'aller aussi loin, et il l'avait toujours su. Il avait choisi les mots pour faire mal, et il y était parvenu.
Il pouvait faire mal aussi.
Désormais il se trouvait face à son Monstre pour un duel qui ne cesserait que lorsque sa furie accepterait de diminuer. C'était de leur faute, aussi bien son interlocuteur que lui-même. Il avait été trop vulnérable, et Edward... s'était comporté comme un parfait salaud. Un soupir rageur lui échappa tandis qu'il se retournait pour marcher, furieux, dans la direction opposée à son interlocuteur.
« La ferme, Edward. »
Qu'il s'éloigne, qu'ils s'éloignent, c'était tout ce dont il avait besoin. L'orage qui grondait dans ses entrailles serait assez aisé à atténuer s'il s'éloignait de la source de sa rage. Faire volte-face, dans sa colère, était étonnamment aisé. Dans sa furie, disparaître était simple. Au final le loup aurait ce qu'il cherchait. Tant pis. Tant mieux.
Le loup n'avait qu'à crever.
Il accéléra son pas et, se pressant, haletant presque, enjamba au hasard buissons et feuillages. Fuir sa peine, fuir sa haine, qu'importe. Il devait partir. En réveillant ses souvenirs, Edward avait réveillé une créature qu'il ne voulait pas croiser de nouveau. Et Ashton avait pour devoir absolu de réaliser ce souhait, en dépit de tout sentiment. Ses émotions avaient déjà débordé une fois ce soir, il ne pouvait plus se le permettre.
Pourquoi pas ? IL pouvait lui accorder tout ce qu'il désirait... IL pouvait assouvir cette soif qu'il refusait d’épancher.
Regain de rage. Un geste fébrile, un instant d'égarement, et le coup partait. Le poing du canidé s'écrasa contre l'écorce gelée d'un tronc d'arbre. La violence du mouvement fit trembler la surface, doucement contre sa peau. Il poussa un profond soupir. Ses paupières se fermèrent. Lentement, il retira sa main.
Il. Devait. Se. Calmer.
Inspirer, expirer. Doucement. Penser à la mer. Le flottement des vagues, les effluves d'écume, et le bruit incessant des mouettes sur le bord de plage.
Inspirer, expirer. Le sourire chaleureux des filles du port, les rires tonitruants des marins sur les caisses élimées des navires. La torpeur du soleil.
Inspirer, expirer. La douleur sage. L'aiguille incrustant au plus profond de sa chaire une encre indélébile, et la Mort comme Art sur sa peau.
Expirer, une dernière fois. Se souvenir que se laisser aller, c'est un meurtre, et que même le pire des souvenirs, même la pire des remarques ne peuvent l'embarquer sur l'océan de l'Enfer.
Lorsqu'Ashton se redressa, son corps frémissait toujours d'une colère qui bouillonnerait encore longtemps en lui. La certitude le fit grimacer, et il demeura quelques instants ainsi, fixant obstinément sa main comme s'il s'était trouvé là un ennemi redoutable. Un second soupir tirailla sa bouche. Il tritura son piercing. Ce soir, il resterait dangereux.
« Ashton attends ! »
Le canidé sursauta presque. Il se tendit brusquement, se retourna de paire, fronça les sourcils. Un juron lui échappa. Il n'était pas courant qu'on le surprenne, encore moins qu'on parvienne à faire ignorer sa présence. Le garçon secoua distraitement de la tête, mécontent. Il s'était déconcentré. Encore.
Ils étaient deux. Parti seul, Edward lui revenait accompagné d'une âme bien trop délectable à son goût. Parti sous la haine, le loup personnifiait désormais une crainte dont Ashton ne pouvait se défaire. Un éclat de rire dénué d'humour le traversa. Douleur, furie, et maintenant peur. S'il continuait ainsi, il serait bientôt pris pour fou. Ce n'était pourtant pas de sa volonté. La peine l'avait rendu instable, son instabilité l'avait rendu féroce, et sa férocité, désormais, l'effrayait. La boucle était bouclée, seul lui restait dans la bouche le goût amer de sa déception. Il soupira.
Son regard pourpre se tourna vers l'arrivant. Toujours débraillée, la peau rougie par le froid, celui-ci tenait dans ses bras un petit être qui, d'ordinaire, l'eut attendri. Ce soir, l'âme vaporeuse et pure, si pure, lui donnait faim. Il se crispa.
« File-moi ton écharpe. »
Il le laissa faire, silencieux, l'observa disposer du vêtement autour du minuscule corps, si fragile, si... cassable du nourrisson. La tendresse presque paternelle qui animait les grandes mains d'Edward alors qu'il s'activait sur l'enfant était remarquable, presque choquante vu le contraste qui giflait Ashton. Devant cette scène, il en devenait presque impossible d'imaginer l'état d'agitation dans lequel s'était trouvé le corps saillant du lycaon quelques minutes seulement auparavant. Tout s'était brusquement apaisé, et le jeune homme se trouva assailli par une détestable impression. C'était comme si, au fond, rien n'était réellement arrivé, comme si en soi, c'était pour cela qu'il s'était mis dans une position si fâcheuse : Rien. L'amertume redoubla, la crainte aussi, et c'est comme pour s'en détourner, pour se nourrir d'une essence pure qui ne lui inspirait que du bien qu'il se concentra sur le bébé.
« Il n'est pas humain. Pas tout à fait, du moins. », intervint-il.
Les iris couleur sang fixaient avec intérêt l'âme si déroutante du nourrisson. La couleur était pâle, d'une blancheur que l'on ne trouvait guère que chez ceux qui n'avaient pas eu le temps de vivre, et pourtant elle se trouvait teintée d'un il-ne-savait-quoi qu'il peinait à comprendre. Ashton pencha la tête sur le côté, brusquement animé d'une curiosité qu'il prit soin de garder saine.
« Je n'ai jamais rien vu de tel, à vrai dire... »
Le regard qu'il adressa à Edward avait encore quelque chose de froid, un instinct haineux qui, bien que soigneusement enterré, menaçait de reparaître. Il se redressa légèrement, croisa les bras dans un réflexe presque protecteur.
« Ses parents étaient peut-être humains et... »
L'autre alternative, Ashton la connaissait, mais il ne voulait trop y penser. Les chasseurs sévissaient un peu trop à son goût déjà, et il n'aimait pas l'idée d'un enfant rendu orphelin par le meurtre. Une grimace trouva place sur son visage alors qu'il cherchait une âme aux alentours. Rien.
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Sujet: Re: Vivre [libre] Sam 19 Mar - 22:35
- Étaient ? Répéta machinalement Edward.
Son cœur se gonfla d’une angoisse soudaine qu’il distilla dans tout son corps. Il crispa son visage d’inquiétude, noya son regard d’un trouble évident, bouscula son corps dont le calme s’évapora, avant de le figer tout à fait. Ses iris quittèrent vivement la silhouette longiligne d’Ashton pour se perdre sur la figure du nourrisson assoupi. Il en scruta les traits avec ardeur, comme s’il espérait y trouver un signe, une inscription, quelque chose qui lui indiquerait formellement s’il enserrait ou non un orphelin. Bien sûr, il ne trouva rien et il en résulta une révolte sauvage de son esprit qui rejeta complètement cette hypothèse. Ses bras solides et protecteurs se resserrèrent sur l’enfant qu’un mouvement instinctif sembla éloigner de son interlocuteur. Et le loup s’exclama avec emportement :
– C’est parce que tu la côtoies que tu vois la mort là où elle n’est pas ? On devrait les chercher au lieu de les enterr… Aie !
Contraint d’incliner la tête en arrière, ce fut un brin vexé qu’Edward se retourna vers le nouveau-né, réveillé, dont les petites mains potelées avaient trouvé bon de tirer à l’excès sur sa queue de cheval. Les prunelles dépareillées du loup croisèrent alors le regard bleuté du bambin dont les babillages tentèrent d’excuser le baptême de salive accordé à ses cheveux. Un frisson un brin écœuré remonta l’échine d’Edward avant qu'il ne retire son jouet à l’enfant et remarque, à cette occasion, un détail curieux.
– Qu’est-ce que c’est ?
Il glissa ses doigts interminables sur les manches de son protégé et en retira une fine poussière dont il respira les embruns. Le silence d’une seconde précéda un éternuement royal auquel succéda le rire cristallin de l’enfant. Il s’agita, visiblement emballé par ce son étonnant et leva ses petits bras vers Edward qui ne s’arrêtait plus d’éternuer. Cinq fois, six fois ! Il retrouva un semblant de calme à la septième, mais ce ne fut vraiment qu’après huit exclamations qu’il s’apaisa et espéra rouvrir les yeux sans crainte.
Mais alors, une voix chantante et féminine raisonna à son oreille :
– Voilà ce qu’il en coûte de fourrer sa truffe dans les affaires des autres !
Sous la surprise, le mouvement de recul du loup faillit lui coûter son équilibre. Heureusement il se rattrapa à temps et put découvrir, non sans stupeur, leur nouvelle interlocutrice. Face à lui voletait une demoiselle haute comme trois pommes. Son épaisse chevelure blonde tombait sur un cape de neige doublée de fourrure, au dos de laquelle une fente laissait place à deux ailes fines dont le battement frénétique permettait de la maintenir en l’air. De son corps on apercevait que ces pieds graciles et son visage aux pommettes rougies par le froid. Il s’éclaira d’ailleurs d’un sourire moqueur tandis qu’elle reprenait :
– Oh ! Je vous ai fait peur ? Ce n’est pourtant pas la petite bête qui va manger la grosse, n’est-ce pas M. le loup ? – Tout s’explique… Grogna le lycanthrope dont l’étreinte sur le nouveau né se fit plus défensive. – Mais c’est qu’il montre les crocs en plus ! Un vrai prédateur ! Il faut peut-être lui gratter les oreilles pour qu’il se c… Hé !
Edward venait de refermer les dents à quelques centimètres à peine de la cheville de la demoiselle, l’obligeant à vivement se reculer. Au même instant, un bref éclat lumineux traversa la scène et donna lieu à une nouvelle exclamation.
– B-Bouton-d’Or ! Il ne faut pas qu’on se montre aux inconnus ! – Du calme Bleuet, ce sont deux légendaires. On ne craint rien. – D… Deux ? – Oui ! Regarde derrière toi ~
Ce fut avec la plus grande prudence que la petite Bleuet se retourna. Elle se retrouva nez-à-nez avec Ashton dont les iris écarlates arrachèrent à son corps un tressaillement d’effroi. La petite fée poussa un cri paniqué et fusa se mettre à l’abri derrière Bouton-d’Or dont le rire résonna joyeusement entre les arbres. Elle finit par retrouver un semblant de sérieux et reprit en posant ses mains sur ses hanches :
– J’aimerais bien rester jouer avec vous deux, mais on a perdu assez de temps à rechercher l’enfant et je n’ai pas très envie de me faire sermonner… Rendez-le nous et je vous laisserai repartir sans vous jeter de sorts ~ – Non, répliqua Edward qui connaissait parfaitement les coutumes des fées et leurs habituels rapts de nourrissons substitués contre leurs changelings. – S-S’il vous plaît, demanda à son tour Bleuet. C'est une mission importante qu'on nous a confié…
Edward ne bougea pas d’un millimètre, mais Bleuet se dissimula davantage derrière sa comparse, visiblement impressionnée par la défiance du loup. Bouton-d’Or, au contraire, s’en amusa beaucoup. Un rire léger agita ses épaules et après avoir voleté autour d’Edward, elle s’intéressa davantage à Ashton qu’elle inspecta méticuleusement. Enfin, elle avisa tour à tour les deux légendaires, puis interrogea taquine :
– Que se passerait-il si… Je lâchais le chien sur le loup ? Après tout il a l’air d’en avoir très envie !
L’incompréhension se peignit sur le visage du lycanthrope. Il avisa Ashton et son comportement changea radicalement. Il se mit aussitôt sur ses gardes, ajusta ses appuis et sa position, de sorte à préserver l’enfant d’un potentiel danger. Ses iris ne quittaient pas la fée dont les lèvres s’étirèrent en un sourire railleur. Elle ouvrit la bouche, mais au moment de prononcer sa sentence, ce fut une autre voix qui s'éleva :
– Et bien… J’ai bien fait de me déplacer on dirait. Non contente d’être en retard, tu es en plus impolie et bien inconsciente Bouton-d’Or. – H… Hélianthe… Balbutia Bleuet. – Mais ils ne veulent pas nous rendre le nouveau né ! – Vraiment ?
Hélianthe observa Edward puis Ashton, s’attarda davantage sur ce dernier, avant de revenir à sa jeune élève. Une moue vexée déformait à présent le visage angélique de Bouton-d’Or dont les bras nus et délicats s’étaient resserrés sur sa cape. Cette vue ne fut pas sans arracher un soupir las à la plus âgée des fées qui reprit :
– En ce cas passons un accord. Acceptez de nous rendre un service et nous vous laisserons ramener ce petit chez lui. – Quel service ? Interrogea sèchement le loup, méfiant quant à la malice du petit peuple.
Un sourire s’esquissa à peine sur les lèvres de craie d’Hélianthe. Elle réajusta délicatement le duvet de plume qui bordait l’encolure de son manteau et abandonna d’une voix sereine :
– Vous nous aiderez à gagner la guerre.
Le regard et le gloussement qu’échangèrent Bouton-d’Or et Bleuet furent les signes de l’admiration sans faille qu’elles portaient au talent de stratège de leur supérieure. Cette dernière, impassible, ne quittait pas ses interlocuteurs des yeux et attendit en silence leur parfaite reddition.
Edward parla le premier.
– C’est d’accord.
Hélianthe se tourna alors vers Ashton et planta ses iris d’ébène dans ceux du chien. Elle l’observa, le scruta même, avec tant de profondeur qu’elle aurait atteint son âme s’il en avait eu une. Alors, un imperceptible sourire se lova sur le coin de sa bouche, un changement invisible, mais terrifiant.
H.R.P:
Ayé /o/ Bon tu m'excuseras, mais je me suis lancé du coup ! J'espère que ce n'est pas trop long et que ça te plait ! Tu peux réutiliser ce petit monde à ta guise, et n'hésite pas s'il y a besoin de changer quoi que ce soit.
Voilà les couleurs :
Bouton-d'Or : Goldenrod
Bleuet : Lightskyblue
Hélianthe : Yellow
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Lun 4 Juil - 0:10
Là où d'ordinaire un sourire eut illuminé le visage d'Ashton, seule une expression neutre marquait désormais ses traits. Là où l'hilarité eut habituellement pris le cœur du jeune homme, la morne solitude de la colère et de la douleur régnait en maîtresse absolue. Là où il eut voulu rire, le canidé ne pouvait guère que maintenir son impassibilité, unique forteresse branlante entre la Bête et le Monde.
À la question d'Edward, il n'avait pu penser qu'une chose. Je ne côtoie pas la Mort, je suis la Mort. Comme deux faces d'une même pièce, Ashton était Agonie, et l'Agonie se personnifiait en lui. Sa Nature lui imposait ce funeste privilège, cette fatale capacité. Il n'en avait jamais voulu. Et s'il eut d'ordinaire simplement ri à cette pensée, s'il l'eut mise de côté pour se concentrer sur la moue déconfite qu'arborait son supérieur à cet instant même, vaincu par un nourrisson, ce soir il ne pouvait s'y mener. Ce soir, le Chien s'approchant de la surface de son âme avait fait resurgir avec lui les stigmates de son ignominie. Les doutes, d'ordinaire absents en son esprit, l'emplissaient désormais. Il avait trop peur de lui-même pour tolérer son propre humour.
C'est en spectateur passif qu'il regarda son interlocuteur être harcelé par la bouche vorace du nourrisson, crispé là où il n'eut du être qu'amusé. L'âme de l'enfant l'appelait de manière morbide, inlassablement, et c'est par instinct qu'il fit un nouveau pas en arrière. En cet instant, le jeune homme se faisait peur. En cet instant, il était terrifié d'un monstre qui n'avait de face que la sienne. Un violent frisson d'amertume le parcourut à cette idée, et il détourna le regard jusqu'à entendre les éternuements du roi des loups.
Il sentit avant d'entendre. Il sentit les âmes le premier, et se figea de plus belle. Son cœur martela désespérément sa poitrine, et son estomac se rua contre sa peau. Non, non, non... Il ne voulait pas de nouvelles présences. Il était trop instable pour tolérer plus de potentielles victimes. Personne ne comprenait, personne ne comprenait jamais à quel point il était un danger. Personne ne s'éloignait jamais assez tôt. Parfois, il se demandait si, peut-être, le secret n'était pas de ne jamais laisser quiconque s'approcher. Dans ces moments, le doute s'installait. Dans ces moments, il se voyait Vermine avant Individu, et se dire qu'il ferait du mal à tout ce qu'il touchait devenait beaucoup trop simple. Alors si l'arrivée des fées en eut courroucé d'autres, elle ne fit que le terrifier un peu plus.
Les railleries des fées ne trouvèrent à ses oreilles aucun écho. Tout au long de leur bavardage, il demeura coi, figé, observant silencieusement une scène pour laquelle il ne se trouvait aucun intérêt. Ashton n'avait simplement plus la force de se batailler vainement contre des créatures mesquines, et leurs piailleries ne faisaient qu'agiter davantage son corps saillant. Les muscles ondulaient suavement sous la peau ivoirienne, suintant la nervosité croissante du monstre au masque d'homme. Il trépignait sans dire mot, irradiant de cette même anxiété qui paraissait vouloir voler son âme. Seul la mention de sa présence parvint à le maintenir dans la réalité de ce moment. Une réalité qu'il ne voulait qu'éviter, peut-être. Il provoquait la peur, il était créature de Mort, il était fils du Chaos qu'il engendrait.
Le violent sursaut qui s'empara de Bleuet ne lui arracha qu'un bref plissement des yeux. Il savait. Ce genre de réactions était sa normalité toute personnelle. Il ne s'en gratifiait pas, ne trouvait pas non plus besoin de se haïr pour elle. C'était simplement une réalité, rien de plus. Ce n'était pas douloureux.
Non, ce qui fit mal, ce fut la réaction profondément défensive d'Edward en voyant son état de nervosité. État provoqué par nul autre que lui d'ailleurs. Un relent de haine lui brûla la gorge, et c'est un éclat de rire ô combien amer qui lui échappa. Ainsi donc il fallait mettre le roi des lycans face au
danger pour qu'il s'en rendît compte... L'idée était ridicule, tout bonnement risible. L'ironie de la situation avait quelque chose de presque comique. Douloureuse comédie dans laquelle il s'empêtrait un peu plus à chaque seconde. Secouant la tête, un fin rictus aux lèvres, le canidé se détourna. Edward saurait se débrouiller sans lui ; il n'avait qu'à partir. Il voulait partir.
Seule l'arrivée d'une nouvelle fée, plus autoritaire que les autres, l'arracha à son dessein. Il observa son petit corps s'agiter dans les airs nocturnes, nota la couleur singulière d'une aura qui ne lui plaisait pas vraiment. Le regard d'Ashton, immédiatement, se troubla. L'attitude de la dénommée Hélianthe le perturbait. Loin de la peur, c'était de l'intérêt qu'il lisait dans les reflets d'obsidienne de son regard. Il plissa les yeux.
Que voulait-elle donc qui soit suffisamment important pour sacrifier un nourrisson pourtant ardemment désiré ? Où se tenaient ses motivations ? Quel rôle avaient-ils à jouer dans cette mascarade ? Ashton ne le savait guère, mais il n'avait pas envie de s'amuser avec son pouvoir ; pas ce soir. Et lorsque le mot « guerre » eut franchi les lèvres malicieuses de la fée, sa décision était prise.
« Hors de question. », répondit-il presque en même temps qu'Edward.
Son regard pourpre se planta avec une forme de violence dans les iris dépareillés du loup. Il acceptait ? N'était-il pas supposé être sensé, le roi des lycans ? N'était-il pas supposé savoir, anticiper, prévoir ? Les coups fourrés des fées étaient si évidents qu'ils en devenaient cinglants, claquant au visage du canidé avec une puissance qui le faisait frissonner. Son sourire se fit amer.
« Comme vous l'avez si bien dit vous-mêmes, je suis dangereux. Et croyez-moi, vous n'avez pas envie de jouer avec ce que je suis ce soir. »
Sa voix suave recelait d'une dangerosité palpable, nourrie par la colère qui ravageait ses entrailles. Il croisa les bras et fusilla Hélianthe du regard. La fée n'obtiendrait rien de lui, pas la moindre violence. Les mots qui sortirent de sa bouche débordaient d'une animosité bien éloignée de son ton habituel.
« Contrairement à ce que vous pensez peut-être, je n'aime pas vraiment les guerres. Mais je suis certain qu'Edward sera suffisant à votre quête. Vous n'avez pas besoin de deux canidés, je me trompe ? »
Le ton du jeune homme avait quelque chose d'acerbe, une teinte de reproche immuable qu'il crachait à la face de chacun des présents, hormis l'enfant qui, innocente victime de la trame du destin, l'inquiétait plus qu'aucune autre chose. Les iris flamboyants balayèrent l'assemblée avec la violence d'une haine qu'il ne savait plus à qui vouer, puis Ashton tourna les talons.
« Je n'ai plus rien à vous dire. Edward, prends soin du gosse, ne les laisse pas le reprendre. Quant à moi, je m'en vais. Je n'ai rien à faire ici. »
Ashton ne se sentait pas à sa place en ces lieux, lui qui d'ordinaire se faisait un toit des étoiles et un foyer de la rue. Non, ce soir il était danger, et ce soir le seul endroit qui serait pour lui une maison était son appartement. L'enfermement serait ce soir son havre de paix, seule sécurité dans un monde pour lequel il était un danger absolu. Un monde qu'il devait préserver de lui-même. Il lui fallait du temps, du temps pour respirer et surtout pour se calmer.
Après un dernier regard vers le nourrisson, le canidé s'enfonça dans la pénombre avec la ferme
décision de s'éloigner des individus qui le rendaient nocif pour eux-mêmes. Seule une légère appréhension quant à l'avenir de cette si petite âme parvenait à le faire hésiter. Pas suffisamment.
Coûte que coûte, il devait s'éloigner, si ce n'était définitivement, de la source d'une haine aussi vorace que le monstre qui l'habitait. La douleur vivace des mots d'Edward tiraillait encore ses entrailles, la présence des fées alimentait sa colère et l'enfant accroissait encore la peur qui dévorait son cœur. Ses sentiments le rendaient instable. Il ne pouvait se permettre de rester. Surveiller de loin – de très loin – était la meilleure solution.
Pouet !:
Désolée désolée désolée de ce retard ! Ca ne se reproduira pas x.x En tout cas j'espère que ce post te convient ! N'hésite pas si ce n'est pas le cas !
D'un mouvement imprégné d'élégance et d'autorité, Hélianthe vint se poser sur l'épaule d'Edward et observa, avec un faible sourire, la silhouette tressaillante d'Ashton disparaître dans la nuit. Puis son regard d'acier coula sur le profil du loup. Elle en scruta chaque trait avec attention, décortiquant soigneusement le moindre frisson qui venait agiter les mèches sombres et sauvages tombées sur son visage rougi par le froid. Le silence s'éternisa, la faisant sourire. D'un pas lent et mesuré elle se rapprocha de l'oreille d'Edward, soufflant en son creux quelques mots perlés de venin :
– Ce n'est qu'un lâche. – Taisez-vous ! Riposta sèchement le loup qui l'éloigna d'un puissant revers de main.
Hélianthe s'envola calmement. D'un battement d'aile, elle rejoignit ses deux élèves qui pouffaient sans discrétion face à la scène. Toisant son interlocuteur d'un regard hautain, la plus âgée des fées l'interrogea tout en réajustant son col en duvet de cygne d'un mouvement plein de nonchalance :
– C'est pour prévenir de ta propre couardise que tu défends le chien qui fuit la queue entre les jambes, Lycan ? – Je n'ai pas peur ! – Tu devrais.
Malgré la nuit froide de janvier, une goutte de sueur perla sur le front d'Edward dont l'étreinte se resserra sur le nouveau-né assoupi. Le visage fermé, il ne quitta pas des yeux les trois fées et grimaça lorsque, le voyant si sérieux, les gloussements de Bleuet et Bouton d'Or redoublèrent. Leur aînée les calma d'un geste, examinant une dernière fois le loup avant de lui tourner le dos. Sa voix tranchante reprit sous une neige qui tombait de plus en plus fort :
– Quelle détermination. Mes Chères Petites, la reine va être heureuse. Nous venons de lui trouver un nouveau champion. – Un valeureux guerrier ! S'enjoua Bleuet. – Un fou oui ! Railla la dernière. – Allons Mesdemoiselles, pour les loups, ce sont des synonymes ~
À nouveau des rires et le trio prit la route. Edward les observa sans un mot, son souffle régulier nimbant l'espace d'une brume légère. Il ne se détourna d'elles que pour jeter un coup d'œil dans la direction prise par Ashton. À présent habillée d'un fin manteau blanc, la forêt luisait sous l'éclat de la lune, mais seuls les arbres, tristes et sans feuille, tenaient encore compagnie au loup. Il ferma brièvement les yeux et à son tour, il se mit en marche.
***
– Faîtes « Aaaaah ». – … – Pourquoi ne fait-il pas « Ah » Dame Hélianthe ? L'avez-vous pris trop sauvage pour qu'il comprenne notre langue ? – Sans doute est-il impressionné par Votre Majesté. – Et bien ! Qu'est-ce que cela sera face à une armée !
Elle était apparu soudainement devant l'immense épicéa dont elle avait fait son royaume d'hivers. Une femme, une belle femme, dans une robe somptueuse faite de plumes de paon blanc, de coton, de branches de pins et de lichens se tenait face à Edward, à qui la surprise avait fait perdre l'équilibre. Elle s'impatienta de le voir ainsi assis dans la neige si bien que, frappant le sol du talon, un buisson de houx jaillit soudainement juste au-dessous de lui et l'obligea à se remettre sur pied. Il la toisait à présent de sa taille immense et cela rendit le sourire à Titania, souveraine des fées.
– Ah, vu ainsi, c'est beaucoup mieux. Il m'a l'air assez solide. – C'est un loup-garou votre Majesté. Ils font partie des Légendaires les plus endurants. – Formidable. Allons, à défaut de me montrer vos dents, faites moi voir vos pattes ! – M… Mes pattes ? – Oh il parle ! – Il a un vocabulaire assez limité, souffla Bouton d'Or à l'oreille de sa souveraine. – Hé ! – Mais il a l'ouïe fine ! S'enjoua la reine des fées.
Elle lui saisit une main, la tourna, la trouva bien grande, en fut ravie, la retourna, la sentit bien froide, en fut fâchée et la relâcha. Puis, elle attrapa sa robe, la souleva de ses deux mains cerclées de gui et s'avança, créant un petit escabeau de verdure à chacun de ses pas. Elle put bientôt observer le loup dans un parfait face à face.
– Il n'y a que ses yeux qui me déplaisent. A-t-on un bleu de rechange Dame Hélianthe ? Je voudrais qu'il soit vraiment parfait. Il faut que notre adversaire enrage ! – Qu… Quoi ? – Hélas Votre Majesté, je crains qu'il faille se contenter de ses iris naturels. – Grmf… Mais je déteste le rouge. Vous le savez pourtant ! – Oui Votre Majesté, mais ce n'est qu'un petit défaut. – Petit, petit… – Ai-je omis de vous dire que nous avons l'assurance de sa parfaite coopération. – Oh…
Si le visage de la souveraine s'illumina, il en fut autrement pour Edward. Un frisson de rage lui remonta l'échine lorsqu'il pensa à l'enfant qu'on l'avait contraint à laisser à la « nurserie ». Serrant les poings jusqu'à en faire pâlir les jointures, il ne put qu'adresser un regard noir à Hélianthe qui n'y prêta aucune attention. Titania le remarqua, elle fronça les sourcils, qu'elle avait fins et clairs, voulut effleurer l'œil rouge du loup, mais celui-ci se recula vivement. La reine ne s'en formalisa pas. Elle tourna les talons et rejoignit ses sujets, abandonnant d'un ton princier :
Il n'avait fait que tendre la main lorsque le son d'un cor de chasse se propagea entre les arbres et figea toute l'assemblée féerique. Par instinct, le loup s'était redressé, les sens aux aguets. Une faible brise lui indiqua que quelque chose approchait par le nord. L'air se chargea de nouveaux parfums, celui sucré de la résine et l'odeur âcre de la cendre. Il tressaillit.
– Mais quel rustre ! S'emporta la reine derrière lui. Il pourrait au moins me laisser lancer un assaut ! – L'époux de Votre Majesté a toujours été insensible à la galanterie.
L'information mit quelques secondes à se frayer un chemin jusqu'à l'esprit concentré du lycanthrope qui fit aussitôt vol face :
– Vous… faites la guerre à votre mari ?! – À qui d'autre ? Interrogea passivement la reine.
Elle venait de retrouver une taille similaire à celle des autres fées et voletait à présent au-dessus de l'épaule d'Edward où elle finit par se poser. Les bras croisés, la mine déterminée, elle reprit en guettant l'ennemi :
– Ne me décevez pas Loup-garou. – Mais… – Ah il va les regretter ses horribles rideaux rouges ! – P… Pardon ?
Impossible de tergiverser davantage, l'ennemi approchait.
H.R.P:
Et voilà /o/ Entrera en scène un nouveau protagoniste suite à ce post. Ash, je te laisse patienter un peu du coup o/
Si besoin, Titania règne en #b1d66d
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Lun 12 Fév - 23:13
Il y avait quelque chose de douloureux dans l'air ; une pesanteur gorgée de colère, dévorant l'oxygène pour le rendre chaud, bouillant, caniculaire. Le respirer faisait mal, l'absorber faisait rage. Ashton tremblait encore de furie lorsque ses pas s'enfoncèrent dans les bois, les hautes silhouettes longilignes des arbres embrassant son ombre. Il ignora Edward lorsque celui-ci l'appela. Avança encore, plus vite peut-être. En lui grouillait un instinct, un instinct presque honteux qui lui hurlait de fuir. Fuir pour ne pas tuer, fuir pour ne pas révéler au monde les crocs sanglants de la Bête. Couardise ou courage, il n'en avait que faire. Que les fées se moquent, qu'elles répandent sur lui les pires rumeurs de traîtrise, que sous les coups de leurs langues reptiliennes fonde son orgueil. Peu importait. Les insectes n'avait pas conscience des combats que menaient leurs prédateurs.
À l'orée de son passage chaotique se dressait l'épais portail de fer forgé, bras tendus vers l'extérieur, porte de sortie venue des cieux. Ashton ne songea pas à l'ironie de sa réflexion et courut presque jusqu'au passage, sentant battre en son cœur une incroyable urgence. Il voulait sortir. Il en ressentait un besoin quasi-vital, comme un nourrisson désire respirer, comme les yeux du prisonnier ont soif de la couleur du soleil. Ses grandes mains enlacèrent le métal gelé du portique pour mieux le faire céder.
Étonnement, lorsqu'il n'y parvint pas. Nervosité coincée, s'enroulant autour de ses tripes tel un vicieux serpent sordide. Il se raisonna, arguant qu'il était logique que l'entrée du parc fût fermée, comme elle l'avait été à son arrivée. Son regard pourpre se tourna vers le haut du mur qui barrait l'accès au parc pour les moins athlétiques, gorgé d'un désir qui n'avait nullement sa place ici. Il suffit d'une petite impulsion pour l'atteindre. Ses longs doigts agrippèrent le rebord de pierre, y posant une poigne ferme, cherchant à tracter le corps imposant du jeune homme.
Il ne parvint jamais à faire passer davantage que sa main sur ce foutu mur. Jamais. Il tenta, par trois fois, puis par cinq, par dix lorsque dans sa frénésie il oublia tout bon sens, tenta quitte à s'en entailler les doigts, quitte à érafler ses genoux en se hissant contre le crépit, tenta en vain et à s'en rendre fou.
Impossible.
Ashton se laissa retomber, ses genoux menaçant de ployer sous le poids de son effort ou bien de sa panique croissante, le regard fiché sur l'extérieur qu'on lui refusait. Sa poitrine se soulevait, d'un mouvement quasi-spasmodique, au rythme erratique du désespoir qui lui vrillait les tripes.
Pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-il pas sortir ? Il devait sortir. Il en avait besoin. Il fallait qu'il sorte. Il était trop instable pour rester. Il devait sortir. Il-
« Tiens tiens tiens... Ceci, mesdames, n'est pas ma femme. Effectivement pas, Messires ! Je dirais même que ce n'est... que ce n'est pas grand chose, monsei- »
Le regard assassin qu'adressa Ashton à la minuscule silhouette de la fée eut tôt fait de tuer les mots qui éructaient de ses lèvres inconscientes. Le corps du canidé, perclus d'une douloureuse tension, semblait tout prêt à commettre le pire, et ses yeux promettaient de faire couler un sang qui n'était pas le sien. Sa mâchoire se crispa infiniment.
Les vermines. Elles ne pouvaient pas le laisser tranquille, hein ?
« C'est vous ? Qui m'avez enfermé ici. C'est vous ? »
Sentant sans doute un danger imminent se profiler dans la posture de son interlocuteur, le principal concerné crut bon de trouver taille humaine. Il tendit à Ashton une main potelée, lui offrant un sourire plein de dents que le jeune homme eut toutes volontiers rangées du même côté de sa mâchoire. La poigne avenante ne fut pas saisie, le regard meurtrier seul lien entre les deux statures. Sentant que son vis-à-vis n'était pas réceptif à son incomparable diplomatie, l'homme fée décida de ranger sa paluche.
« Je suis Obéron, roi des fées, mari de Titania la Belliqueuse. - Elle déteste quand vous l'appelez ainsi, monseigneur... - Oui, bon, hé bien elle n'est pas là de toute manière. »
Le visage étonnamment rond du seigneur agita sa main princière d'un geste caricatural, affichant une moue boudeuse qui ne dupa point le canidé. Ce dernier croisa fermement les bras, sentant une bouffée de colère lui dévorer les entrailles.
« J'en ai rien à battre, de votre titre. Laissez-moi partir. »
La véhémence dégoulinait de chacun des mots qu'il crachait au visage du suzerain, irrévérencieux jusque dans la démarche qu'il employa pour se rapprocher de lui, souple, sensuel jusque dans la dangerosité qu'il émanait volontairement, toisant le petit homme bedonnant de toute sa hauteur. Lorsqu'il parla, ce fut en retroussant ses lèvres comme pour mieux dévoiler ses crocs.
« Foutez le camp d'ici, vous et votre misérable bedaine. Je ne savais même pas qu'il était possible pour une fée d'être grasse en plus d'être vicieuse, mais au moins votre physique est à l'égal de votre mental, si je ne m'abuse... ? Méprisable et pathétique. »
La diplomatie d'Ashton s'était envolée en même temps qu'une partie de son âme, écrasée par la violence qui lui griffait les tripes. La Bête grondait, vrillait, rugissant dans l'ombre d'obscures menaces. Et ce vermisseau qui ne comprenait pas les ténèbres qui planaient sur lui...
Il ne vit l'éclat doré qu'au dernier moment. Un flash, un éclair, puis une force autour de son cou. Absolue, comme celle qui l'avait bloqué à la sortie de son calvaire. Féroce, comme celle qui rongeait ses entrailles. Il posa genou à terre en une seconde. Ashton sentit sa mâchoire se crisper de rage lorsque ses doigts vinrent tâter la force magique qui le clouait au sol.
« Allons, allons. Je refuuuse qu'on me parle ainsi. Je RE-FUSE ! Et puis vous n'avez pas le choix, ma femme a pris un guerrier – l'un de vos amis m'a-t-on dit, mais peu importe – et je n'ai pas envie de me trouver démuni face à elle. Que vous le vouliez ou non, vous abdiquerez. Suis-je clair ? »
Un collier. Un foutu collier. D'ordinaire cela l'eut sans doute amusé, mais il n'était pour l'heure clairement pas d'humeur. Son regard pourpre alla se ficher dans celui, vert, de son interlocuteur, gorgé d'une haine désormais aussi palpable que la lame acérée d'un couteau. Ce type... Ce type était à la fois complètement idiot et bien trop confiant, un savant mélange qu'il avait rarement apprécié et qui, ce soir, le rendait absolument fou de rage.
« Vous... », grogna-t-il. « Ouuui, scanda le monarque, moiii. Et vous, cabot, ne pouvez guèèère que m'écouter. »
Les poings d'Ashton se fermèrent sur eux-mêmes tandis qu'il se redressait au rythme imposé par la main du roi. Son regard était devenu bien plus bavard que sa langue, d'ordinaire pourtant bien pendue. Il avait des envies de meurtres. Vraiment. Et pourtant, sans vraiment se l'avouer, une part de lui était rassurée par la perspective d'être retenu, ne serait-ce qu'un peu, par un artifice. Il n'en dit rien toutefois, ne le souffla pas-même à sa propre conscience, resta au contraire droit et tendu, fier comme une bête que l'on tenterait vainement d'apprivoiser.
Le roi claqua des doigts, appelant à ses troupes, l'air bêtement satisfait de ce qu'il pensait avoir obtenu. Mais il n'y avait dans la posture du canidé aucune résilience, aucun abandon. Et tandis que les dizaines de sujets approchaient par les buissons, il toisait ses alentours, droit comme un i. Certaines fées, à qui il ne put s'empêcher d'adresser un regard carnassier, l'avaient bien remarqué.
« Nous sommes peut-être assez nombreuses pour lutter sans le chien ? », lança l'une d'entre elles.
Sa remarque fut balayée d'un revers de la main.
« Balivernes ! Nous avons... besoin d'une bête pour lutter contre une autre bête. »
Ashton leva les yeux au ciel, croisant les bras sans répondre aux piques ridicules du roi des imbéciles. Son regard blasé dégoulina sur les frêles statures qui l'observaient, tantôt avec crainte, tantôt avec dédain. Il fallait dire que ce n'était pas avec un collier d'or autour du cou qu'il allait inspirer le moindre respect. À cette idée, un long soupir se dégagea de sa poitrine, et il passa une main dans la noirceur de sa chevelure.
Sans vraiment de raison, ou peut-être par l'inéluctabilité de sa situation, peut-être surtout parce que la résignation avait fait son travail contre la furie qui bouillonnait son cœur, il se sentait plus calme. Blasé, triste, mais plus au bord du gouffre. Un peu plus loin de celui-ci du moins. Ce qui le rendait fou, c'était l'entrave à sa liberté, l'entrave qui lui barrait le cou et refusait de le lâcher. Le regard qu'il adressa à Sa Majesté était tout sauf cordial.
Ce dernier ne sembla pourtant pas y faire attention, agitant joyeusement sa main dans les airs tandis que, reprenant sa forme originelle, il se mit à voleter à travers bois. Ashton suivit d'un pas monotone, les bras croisés, le visage fermé, le corps bouillonnant de la tension qu'on imposait à son âme. Il refusait de laisser à ce type le soin de le tirer vers leur destination finale.
Autrement dit : droit vers son point de départ.
Nouveau pas, nouveau soupir. Le jeune homme retraça pour la centième fois dans sa tête le cours des événements, regrettant chaque décision prise pour en arriver là.
« Mon trésor, entends-tu le vol des guerriers ? C'est ton mââri qui ârrive ! »
L'orée des bois se brisa, laissant place à la même petite clairière qu'il venait à peine de quitter. Et toujours habitée des mêmes personnes qui, bien évidemment, n'avaient pas cru bon de profiter de l'occasion pour s'éclipser. Non, voilà qui eut rendu les choses bien trop aisées.
Les rangs du roi se rangèrent derrière lui, une trentaine de fées à l'air déterminé – chose qui manquait presque de lui arracher un sourire tant il s'agissait là d'un spectacle ridicule. Ashton lança un regard vide d'émotion à Edward, croisant les bras à nouveau tandis qu'il désignait silencieusement le collier qui lui entourait le cou.
Lui qui venait de s'en prendre plein la tête parce qu'il avait proposé un combat, il se trouvait obligé d'en livrer un. L'ironie de la situation ne manquait pas de le toucher. Non pas que coller deux ou trois coups au roi des loups le rebutât pour l'instant, bien au contraire... Un sourire amer bourgeonna sur ses lèvres pleines tandis qu'il fixait son ami, ignorant la conversation qui se déroulait à côté de lui.
« Ma doûce femme, ô ma reine belliqueuse, je te présente mon soldat de ce soir. Et lorsque, LORSQUE j'aurais remporté la victoire, les rideaux de ce palais seront tous parés d'un POURPRE des plus GRANDIOSES ! »
Visiblement fier de lui, il croisa les bras et toisa sa femme d'un air triomphal. Ashton soupira à nouveau, adressant un regard colérique sur le côté tandis qu'une insulte colorée se dérobait à ses lèvres.
« Abdique, Titania ! Tu vois bien que mes troupes sont plus nombreuses ! »
Ashton leva les yeux au ciel, une fois de plus, tirant vainement sur le collier qui lui entravait le cou, une moue rageuse déformant ses traits d'ordinaire harmonieux. Vraiment, si c'était au nom d'un crétin pareil, il préférait autant ne rien faire.
« Et puis MOI j'ai asservi le CABOT ! »
La soirée s'annonçait longue.
Excuses et autres informations:
Bon, j'ai un peu de retard, gomen x.x
Si tu n'as pas assez de matière, n'hésite pas ! J'ai fait un peu long donc je voulais pas trop en rajouter, mais ça ne me gênera pas du tout !
J'ai fait parler Obéron en #ff6600, sinon ^^
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Ain't Gonna Rain Anymore - Nick Cave
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Edward White
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Sujet: Re: Vivre [libre] Dim 11 Mar - 19:23
Edward ne s'attendait pas à ça et c'était le moins que l'on puisse dire.
La guerre, il l'avait faite. Des années plus tôt les siens s'étaient déchirés pour le titre de roi, faisant face au seul choix qui s'imposait alors : tuer ou périr. Pour lui c'était ça la guerre. Le sang qui coulait entre ses doigts, les souffles qui s'éteignaient sous sa poigne, les regards accusateurs des morts et une soif viscérale de vivre. Voilà pourquoi il s'était mis en garde en attendant l'ennemi et pourquoi, à son arrivée, il ne l'était plus.
– Ashton ? Mais…
Il vit l'entrave, puis la sangle qui le reliait au roi des fées et referma la bouche. Le souverain ouvrit la sienne. Il s'époumona en prérogatives inutiles et menaces qui eurent comme seul effet d'excéder Titania. Toujours perchée sur l'épaule d'Edward, elle s'exclama à l'adresse de son mari :
– Tu aurais asservi Léviathan en personne, ta défaite serait quand même assurée Obéron ! Maintenant cesse de geindre et bats-toi !
Elle leva la main et la vingtaine de fées sous ses ordres se mit en position. Arme au poing, elles abaissèrent leurs visières et hissèrent haut leurs boucliers. Le vrombissement des ailes se fit plus menaçant que jamais dans la clairière enneigée. Alors seulement, Edward comprit le sérieux de l'affaire. La bouffonnerie d’Obéron lui avait fait baisser sa garde, mais il n'avait pas dupé son épouse. La bataille s'annonçait aussi virulente que stupide, mais pris de court, le loup blanc tenta trop tardivement de l'arrêter.
– Attendez ce n'est pas–
Titania s'élança. À son cri de guerre, la forêt toute entière sut pour quelle raison on la surnommait « la reine Belliqueuse ». La clameur, furieuse et décidée, fut reprise en écho par ses soldats et amplifiée par l'impact des armées. Les combattants s'éparpillèrent entre les arbres dans des vols à la vitesse ahurissante. Le choc des lames créait des étincelles qui se mêlaient aux flashs des sortilèges explosant violemment l'un contre l'autre. Edward se baissa pour éviter l'un d'eux et heureusement, car le tronc qui encaissa l'assaut se fendit sur toute sa hauteur. Il chercha Titania, mais même pour ses yeux aguerris, la célérité des fées lui rendait la tâche complexe. Il la repéra tardivement aux prises avec un des soldats d'Obéron. Elle pliait sous sa force, maintenant avec peine la distance des deux épées adverses avec sa gorge. Le loup la crut en difficulté, mais la souveraine avait plus d'un tour dans son sac. Trouvant appui contre un tronc, elle parvint à repousser son assaillant juste assez longtemps pour esquisser un geste vif dans sa direction. Aussitôt, une racine de lierre s'arracha à l'arbre contre lequel elle se tenait et encercla la cheville de la fée ennemie. Le temps lui manqua pour la trancher. Titania fut sans pitié et le combattant fut violemment projeté contre l'écorce. Il ne se releva pas.
La reine disparut alors du champs de vision d'Edward. L'instant d'après une lame glissait à proximité de son visage. Il l'esquiva de justesse et seule une fine égratignure prit place sur sa joue. Il pensait affronter le regard courroucé de la souveraine, mais c’était Hélianthe qui se tenait devant lui. Il saisit sa chance :
– Hélianthe, il faut arrêter votre reine ! Elle vous écoutera si… – Tu ne vaux donc pas mieux que cet abruti de chien. – Pardon ? – Qu'importe. Le temps me manque, je vais devoir accélérer un peu les choses. – Quoi ? Quelles cho– Aïe !
Edward grimaça. Une chaleur désagréable lui fit lever la main jusqu'à sa chair marquée, mais elle se figea à plus d'une trentaine de centimètres de son visage, arrêtée dans sa course par un tremblement monstrueux. La secousse le fit vaciller et ses dix doigts se refermèrent brusquement sur le tissu détrempé de sa chemise, s'enfonçant dans les plis, déformant les coutures, jusqu'à presque étreindre son cœur en feu. Il rata un battement et le loup comprit. Il leva un regard fiévreux vers le croissant de lune qui les surplombait, puis reporta son attention sur la fée. Le souffle rare, la mâchoire crispée, il parvint à peine à articuler :
– Vous… – Sois heureux, je m’occupe de toi en premier ~
Elle n'eut qu'un geste à faire. Edward hurla.
Son cri rauque, bestial, couvrit un instant le vacarme du champs de bataille, puis plus rien. Rien d'autre qu'un corps déformé, qui craquait, pliait et se dilatait de toutes parts. Avec les vêtements, la chair se déchira, remplacée par un pelage immaculé qui se répandit jusqu'aux mains, au nez et aux lèvres qui n'étaient déjà plus que griffes, truffe et crocs. En un instant l’homme avait disparu, dévoré par le loup.
Et quel délice.
Lorsqu’Edward rouvrit les yeux, il vivait à nouveau. Il inspira à plein poumons l’air glacial de l'hiver, se gorgeant de ses innombrables odeurs aussi goulument que s’il respirait pour la première fois. Depuis quand n’avait-il pas quitté le Lost sous cette apparence ? Trop longtemps. Au point d’oublier ce plaisir sauvage du vent dans sa fourrure, de ses pattes griffant la terre, de ses sens décuplés et alertes à l’environnement inconnu qui l’entourait. Et dieu que c’était bon. Il se serait probablement roulé dans la neige comme un louveteau si le son de la lutte acharnée que se livraient les fées ne l’avait pas ramené à la réalité. Il chercha Hélianthe. Vivement. Les paroles de la fée résonnaient encore dans sa tête, attisant une crainte sourde et instinctive dont le sens lui échappait pourtant. Elle lui avait dit de se réjouir d’être le premier, mais le premier de quoi ?
Le loup bondit brusquement sur la droite pour éviter un sortilège dont la puissance fit voler une gerbe de neige. Une fée passa à proximité de sa gueule, il la sonna d’un grand coup de truffe, quand une autre terminait sous sa patte. Une explosion magique plus puissante que les autres l’aveugla un instant. Il secoua la tête, grognant lorsqu’une lame lui entailla légèrement l’oreille, avant de s’intéresser à l’origine du flash. Titania et Obéron luttaient au cœur de la clairière. Le roi des fées tentait de garder sa femme à distance en usant d’enchantements disproportionnés qui transformaient les branches d’arbres en boucliers et les aiguilles de pins en autant de projectiles aiguisés. Titania rivalisait avec lui par sa souplesse, sa vitesse et sa puissance de frappe, tranchant tous les obstacles qui se dressaient entre eux. Mais une chose manquait et Edward ne mit qu’une fraction de seconde à comprendre quoi.
Ashton. C’était lui, le deuxième.
Alors le loup s’élança sur les traces du chien. C’était comme traquer un démon au milieu des anges, la piste était claire, évidente et l’obligea à s’éloigner du champs de bataille. Évitant, ou repoussant les assauts des fées, il slaloma entre les troncs bruts et les buissons dégarnis pour finalement déboucher sur un léger vallon au creux duquel se trouvaient Ashton et Hélianthe. La fée surplombait son ami. Malgré lui, Edward pila brusquement au sommet de la ravine, transpercé par la violente odeur de mort qui se dégageait des lieux. Son poil se hérissa d’horreur. L’instinct de survie aurait dû le pousser à quitter l'endroit, mais il n’avait plus peur de mourir depuis si longtemps qu’il s’y jeta tête la première.
Hélianthe hurla lorsque les crocs du loup se refermèrent sur sa jambe. La gueule énorme et acérée du lycan aurait pu l’avaler toute entière, mais à la place, il la projeta violemment au sol coupant court à toute incantation. Sa patte enfonça la silhouette miniature dans la neige, l’écrasant sans tenir compte de ses cris, de son souffle difficile ou de la lame qu’elle tentait d’enfoncer dans le cuir épais de sa peau.
– Par quelle sorcellerie ? Grinça la fée. Tu devrais être en train de les dévorer tous !
Un grondement rauque la fit taire, en même temps que les crocs qui se refermèrent à quelques centimètres à peine de son visage. Hélianthe cessa de lutter. Edward la relâcha, certain qu’elle n’était plus une menace et rejoignit Ashton, inquiet de son état. Oubliant leur différent, il glissa sa truffe sous son bras afin de l’aider et le soutenir si besoin, lorsqu’un rire inquiétant secoua les épaules de la fée.
– Ça ne fait rien. Tout est fini. Vous n’empêcherez plus la fin du règne d’Obéron et Titania.
La proche clairière fut brusquement noyée d’un violent vacarme dont l’écho se propagea jusqu’à eux. Les arbres et le relief les empêchaient de savoir ce qui se passait, mais rapidement la multitude de grondements, craquements et bruits sourds amplifia. Quelque chose approchait et Hélianthe n’était déjà plus là pour leur dire de quoi il s’agissait. Edward dressa les oreilles et grogna, prêt à les défendre, lorsque la minuscule silhouette de Bleuet jaillit de l’obscurité. Affolée, elle hurla :
– Les Trolls ! Les Trolls sont là ! Ils ont kidnappés le ro–
Une masse énorme fendit les airs dans son dos et la percuta de plein fouet. Sous le choc, son corps traversa le vallon et tomba, inerte, aux pieds d’Edward et Ashton. Le loup se hérissa, montrant les crocs. Leur assaillant fit de même.
Sa gueule énorme et baveuse se profila lentement entre les pins, précédant un rugissement guttural.
H.R.P:
Hey ! Répondu /o/ J'espère que ça te plaira.
Je t'avoue que j'ai bien galéré. Je voulais un résultat punchy où les choses s'enchaînent bien sans que le manque de détails donne un rendu « baclé » ou peu logique. J'ai aussi pas mal hésité sur où arrêter le récit et j'ai finalement opté pour ajouter le « sauvetage » d'Ash. Du coup le rendu est un peu long. Désolé. J'espère que ça fera pas trop « je RP tout seul ».
De toute façon hésite pas si tu veux que je change des trucs. Et pareil, je pense que tu as assez de matière, mais dis moi si c'est pas le cas o/
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Wup:
Ashton Lyn
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Messages : 356 Date d'inscription : 15/03/2015 Localisation : Le Lost, un vieux bar défraîchi...
Sujet: Re: Vivre [libre] Lun 28 Mai - 23:41
C'était absurde. Toute cette soirée était absurde. Ashton avait eu le temps, avant de se libérer du joug d'Obéron, d'observer toute l'idiotie des fées du haut de la butte sur laquelle trônait le souverain. Ridicule. Les fées n'étaient-elles pas censées être des créatures légères ? Que faisaient-elles, à inonder ce parc de leurs sortilèges, à ruiner les corps de leurs alliés sous les ordres de souverains qui ne méritaient pas de gouverner quiconque ? Tout ça pour des rideaux. Il avait la désagréable sensation d'être coincé dans une grotesque comédie devant laquelle les bourgeois se moquaient de la violence des petites gens.
Il avait attendu la première opportunité pour s'échapper, et elle n'avait pas tardé à venir. Titania avait une dent contre son mari, il pouvait en être le garant. Leur duel s'était avéré aussi violent qu'utile pour lui. Obéron n'avait eu ni le temps ni la magie pour contrer ses actions, et il avait arraché à ses mains le lien qui le retenait à lui. Le sortilège s'amenuisait à mesure qu'il s'éloignait du roi, ce qu'il comptait faire le plus possible, le plus vite possible.
Soudain, un hurlement. Une voix reconnaissable. Familière. Edward.
Ashton se retourna vers le cri, le cœur battant contre une poitrine fermée par la nervosité. Que s'était-il passé ? Qu'avaient-elles fait ?
« Shit... »
Une folle adrénaline pulsant dans ses veines brûlantes, le canidé entama ce qu'il craignait être une course contre la montre. Ses foulées grandissantes l'entraînèrent rapidement dans l'orée de la forêt, loin du chemin. Il se précipita. Si contourner la bataille lui permettait d'aller plus vite, il ne devait pas perdre de temps pour autant. Son esprit ruait, aux prises avec une angoisse croissante, à la recherche de réponses qu'il ne trouverait qu'en même temps que son ami.
La frustration s'y mêla bien vite : il l'avait su. Si Edward avait écouté, s'il n'en avait pas fait qu'à sa tête, ils n'en seraient pas là. Si toute cette foutue soirée s'était déroulée plus tranquillement, rien de tout cela n'aurait eu lieu. Pas comme ça, en tout cas. Jurant entre ses dents serrées, Ashton déboucha sur un repli de la clairière qui lui permettait d'observer discrètement les troupes de Titania. Ce qu'il vit lui arracha d'abord un soupir de soulagement. Un éclat de rire moqueur lui échappa ensuite, tandis qu'il passait une main lasse dans sa chevelure ébène. Les fées avaient cru pouvoir déchaîner la voracité d'un loup sur leurs adversaires, elles n'obtiendrait que de l'insubordination. Le destin s'était joué d'elles de la plus belle des manières. C'était parfaitement mérité.
Cherchant dans ses poches une cigarette, le canidé s'assit sur le flan de la butte à laquelle il avait grimpé, son regard se tournant vers le pâle croissant qui brillait dans le ciel noir. Il fronça les sourcils. Une idée saugrenue et inquiétante venait de germer dans son esprit. Si elles avaient réussi à provoquer la transformation d'Edward avant la pleine lune...
Seuls ses réflexes surhumains lui permirent de saisir la lame qui se dirigeait vers lui avant qu'elle n'atteigne sa cible. Elle entailla ses doigts sans qu'il ne s'en préoccupe, ses yeux de sang focalisés sur la petite silhouette qui l'observait depuis les airs, un rictus satisfait déformant ses traits poupins. Ashton mit quelques secondes à la reconnaître.
« Toi... »
Hélianthe éclata d'un rire malsain, prenant un peu d'altitude par crainte de la Bête qu'elle sentait grogner en son interlocuteur.
« Un problème, le cabot ? Ne t'inquiète pas, il s'apprête à empirer. »
Il n'eut jamais l'occasion de répondre. Un élan venu du plus profond de lui-même le terrassa, quelque chose d'obscur et d'assoiffé de sang qui soulevait ses entrailles pour mieux les changer. Un vieil ennemi qui n'était autre que lui-même. Une créature de Mort qui avait faim de tous les vivants. Ashton tomba à genoux, son regard incrédule levé vers les mains agiles de la fée. Un sortilège.
Impossible. Il ne pouvait pas... Il refusait. Pas comme ça. Son esprit alla aux dizaines d'êtres qui s'agitaient au cœur de la clairière. Il allait les tuer. S'il ne luttait pas, il allait tous les massacrer. Une sourde angoisse s'ajouta à la tension qui l'avait saisi. Il était terrorisé, désespéré par l'incertitude de sa victoire, par la perspective d'un combat qu'il n'avait jamais voulu mener, par la souffrance qui viendrait inéluctablement de paire avec cette bataille. Une part de lui eut envie d'abandonner avant même de commencer.
Un tremblement déchira son échine, et il se ramassa sur lui-même dans un grognement de douleur. Sa respiration s'accéléra. Ses membres se raidirent. Il sentait en lui s'agiter une formidable force, croissante, une bestialité monstrueuse qui venait du plus profond de ses entrailles. Le Chien s'était éveillé et il allait tout faire pour le dévorer. Il n'avait rien à faire, rien à espérer autre qu'une lutte acharnée pour ne pas se réveiller couvert d'un sang qui ne lui appartenait pas. À cette idée, sa gorge se noua. Il jura entre ses dents serrées et, tandis que son corps s'agitait, lança un regard plein de haine à Hélianthe.
« Toi... »
De ses mots suintait une promesse de Mort si sincère que la fée en perdit de sa superbe. Son visage pâlit, et elle détourna le regard de celui qui lui jurait vengeance. Ashton n'en avait que faire. Son corps bouillonnait d'une rage qu'il crevait de relâcher sur elle, d'une monstruosité qu'elle avait eu la cruauté de lui imposer. Il ne comptait pas la ménager.
D'un coup, son estomac se contracta, semblant se rétracter sur lui-même. Son abdomen tout entier se crispa. Une sourde douleur se propagea dans la zone, lui coupant brièvement la respiration. L'espace d'un instant, le canidé oublia tout le reste. Ses paupières se fermèrent d'elles-mêmes. Il posa son front contre la neige, crispa son poing contre la froideur du sol. Un nouveau juron lui échappa.
Seul le contact d'une fourrure le sortit de sa transe. Ash lança un regard perdu à Edward, reconnaissant sur le splendide loup blanc la paire d'yeux dépareillés de son ami. Il laissa sortir un éclat de rire amer d'entre ses lèvres.
« Elle m'a eu... »
Ce fut là la seule information qu'il parvint à exprimer avant de devoir crisper à nouveau sa mâchoire, fermant la bouche de peur de laisser échapper un gémissement de souffrance. Pourtant tout n'allait pas si mal. Il avait... Il avait obtenu un semblant de maîtrise de lui-même. Le sang qui dégoulinait de la jambe d'Hélianthe lui sembla être une explication suffisante. Le sortilège n'avait jamais eu l'occasion de se terminer. Un soupir de soulagement s'échappant de ses lèvres en cœur avec un remerciement, profond et sincère. Il ne put toutefois pas extrapoler. Peur et douleur se mêlaient encore trop bien pour qu'il y parvint sans prendre un risque. Haletant, il accepta l'aide offerte par son compagnon, luttant pour ne pas perdre le contrôle sur le monstre qui ruait contre ses côtes. Il se redressa alors. Ses jambes tremblèrent faiblement sous son poids, mais ce fut un regard vif qu'il adressa à Hélianthe tandis qu'elle se laissait aller à un élan de satisfaction.
« Ça ne fait rien. Tout est fini. Vous n’empêcherez plus la fin du règne d’Obéron et Titania. »
Ashton eut un éclat de rire, songeant qu'il n'avait jamais prévu d'empêcher quoique ce fût pour sa part. Quel était donc son plan, faire massacrer sa propre espèce pour se débarrasser des souverains ? Idiote... Son accès d'hilarité mourut toutefois aussi vite qu'il était né. Quelque chose approchait. Quelque chose de massif, de dangereux, quelque chose surtout qu'il n'avait pas envie de croiser dans son état. Lorsqu'une nouvelle venu fit irruption parmi eux, une expression affolée sur son visage, il sut que les choses venaient de prendre un tournant pire encore. Elle eut tout juste le temps de les prévenir.
Coupée dans sa phrase par un coup qui avait dû lui être fatal, Bleuet s'écrasa devant eux sur le sol. Il y eut un temps de latence, une seconde suspendue dans le temps où il ne trouva rien à faire ou à dire. La scène était surréaliste.
Ash se ressaisit en voyant l'immense silhouette d'un troll se profiler par delà les arbres, un grognement guttural émanant de sa mâchoire béante. Hélianthe, elle, était déjà loin, peu intéressée semblait-il de découvrir si ses pions étaient contrôlables ou non. Il la comprenait. L'idée de se battre contre pareilles créatures dans de telles conditions ne lui plaisait pas le moins du monde. Un soupir lui échappa.
« Je te jure, Ed, la prochaine fois que je te vois allongé dans un parc je te laisse crever d'hypothermie. »
Face à eux, la gigantesque créature émergeait de la forêt. Ses yeux, étonnamment petits sur sa gigantesque tête, brillaient légèrement dans la lueur nocturne, les fixant avec un appétit qu'il n'était pas certain d'apprécier. Ashton recula en même temps que le troll avançait vers eux, son pas résonnant dans les alentours avec une force glaçante. Les arbres frémirent, la neige remua. Ils étaient les proies.
Un juron échappa à ses lèvres tandis qu'il soufflait entre ses dents crispées. C'était pas le moment, bon sang...
« On ne peut pas rester là Ed. On ne peut tout simplement pas. On ne sait pas combien ils sont, on ne sait pas ce qu'il faut qu'on f- »
Plus tard, lorsqu'il se serait remis du coup qui le cueillit en pleine phrase et de cette soirée en général, Ash rirait de sa mésaventure. Il conterait sa stupéfaction et la puissance de l'impact, comme il l'avait envoyé voler à plusieurs mètres de là. Il ferait des blagues sur la violence de sa chute, sur son souffle coupé par l'impact, et oublierait soigneusement d'évoquer la convulsion qui le força à se replier sur lui-même lorsqu'il eut le malheur de tenter de se redresser. Le Chien non plus n'avait pas apprécié de devenir une victime, semblait-il.
Toussotant faiblement, Ashton prit quelques secondes pour se rasseoir, laissant à son corps le temps de se reconstruire. Il était prêt à parier qu'il avait au moins deux côtes cassées. Les massant doucement, il se redressa finalement sur des jambes peu solides. Le troll avait, pour sa part, changé de cible. Ses deux poings joints ensemble s'élevaient au dessus de la silhouette du roi des loups, auquel la différence de taille conférait un air étonnamment frêle. Le canidé grimaça et, un élan d'inquiétude pour son ami lui rongeant le cœur, tenta de s'élancer vers lui.
« ED- »
Un gigantesque pied martela le sol juste devant lui, lui imposant un arrêt si brutal qu'il manqua de tomber à nouveau. Le mouvement lui donna la nausée, et ce fut péniblement qu'il redressa le menton vers l'immense stature qui lui coupait le passage. Face à lui se dressait un nouveau troll, tout aussi haut que le premier, dont un sourire satisfait barrait le visage hideux. Dans sa main s'agitait inutilement le roi des fées.
« ward... »
Ashton afficha un sourire sardonique. Reculant d'un pas, il chercha à discerner le sort de son compagnon. Il espérait simplement ne pas retrouver une bouillie de loup.
HRP:
Désolée de mon retard ! J'espère que tu as assez de matière, j'étais prête à continuer mais je voulais te laisser le choix de comment Eddyloup réagit face à tout ça... Dis-moi si tu veux que je change un truc !
Edward White
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Sujet: Re: Vivre [libre] Dim 22 Juil - 22:04
La neige explosa sous le choc. Edward roula sur le côté, mais se releva aussitôt. Le troll avait manqué sa cible, il allait le regretter. D’un bond puissant, le loup se jeta contre le colosse. Il le heurta de plein fouet et, sa mauvaise posture aidant, parvînt à lui faire perdre l’équilibre. Le titan embrassa la poudreuse dans un hurlement étouffé. Edward dérapa à sa droite. Il n’attendit pas qu’il se relève pour se précipiter sur lui. Ses larges pattes prirent appui sur son dos, y enfoncèrent leurs griffes et d’un seul saut, il se hissa sur le Goliath qui menaçait Ashton. Les crocs du loup se refermèrent sur l’épaule épaisse du troll. Il poussa un gémissement guttural furieux et replia son bras gauche, le seul dont la main était libre, dans l’espoir de se débarrasser du parasite agrippé à son dos. La mâchoire d’Edward claqua sur ses doigts joufflus et la colère du colosse explosa à travers toute la forêt. Il s’agita aussi furieusement que ses deux jambes, lourdes et raides le lui permettaient, mais le canidé tint bon. Ses pattes avant avaient beau peiner à trouver une prise, leur faiblesse était compensée par sa mâchoire acérée, enfoncée jusqu’à l’os et par ses griffes qui, à l’arrière, réajustaient sans cesse leur position sur les reins du mastodonte en lui lacérant vêtements et peau. Le troll eut beau se démener, il fut incapable de désarçonner le loup.
Jusqu’à l'intervention de son comparse.
Le coup fut magistral. Edward vola sur un mètre avant de s’écraser dans la neige dans un gémissement douloureux. Il fut debout la seconde suivante, mais sonné et le souffle court, son équilibre restait terriblement précaire. Il se secoua pour tenter de reprendre ses esprits et gronda furieusement à l’approche des trolls. Son corps tout entier se hérissa en une menace silencieuse, révélant ses crocs encore baignés de sang.
– T’attends une musique épique ou quoi ?
Le loup blanc releva la tête et dressa les oreilles. Une seconde d’inattention qu’il faillit regretter. Le plus amoché des colosses décocha un violent crochet du gauche, mais ralenti par ses blessures, l’attaque ne fit que brasser l’air. Edward riposta. Il entama d’une profonde morsure un large pan de l’avant-bras de l’assaillant.
– À droite !
Le gourdin fendit l’air droit sur sa truffe. Un bond en arrière permit au loup d’échapper au pire et le bois claqua dans la poudreuse. Le troll le releva, rugissant et bavant de rage. Essoufflé, le lycanthrope ne recula pas. Quand l’arme s’abattit à nouveau, il était prêt.
– Ne bouge pas !
La surprise dissipa toute la force réunit dans son corps pour devancer l’assaut. Ses muscles, tendus à l’extrême, répondirent si mal à ses ordres qu’il s’emmêla les pattes et chuta lamentablement au sol. Le gourdin poursuivit sa course sifflante droit sur son dos. Le loup ferma les yeux. La masse ne l’atteignit jamais. On lui tira les oreilles, puis les moustaches. Il rouvrit les paupières et découvrit avec stupéfaction Bouton d’Or qui s’échinait à le faire bouger.
– Debout sale peluche ! Je ne peux les figer que dix sec– Woh !
En un instant il fut sur ses pattes et s’élança entre les deux montagnes de muscles. Un troisième troll avait rejoint Ashton et s’était, lui aussi, stoppé dans son élan, sa main énorme à deux doigts de se refermer sur la tête du jeune homme. Edward éloigna son ami du danger avant de s’asseoir face à lui. Il lui grogna après avec un certain emportement, le fixant dans l’attente d’une réaction. Bouton d’Or fit la traduction :
– Il dit : « Monte sur mon dos, abruti. » Edward se tourna vivement vers la petite fée et referma sèchement sa mâchoire à proximité de ses pieds. – Bon, bon ! Il n’a peut-être pas dit « abruti ». Le loup se calma et retourna sa large gueule rougie vers Ashton. Il agita la queue, patient, mais pas trop. – Tu te bouges ?
À leur droite, le troll tressauta et son geste reprit dans un mouvement très lent tout d’abord, mais dont l’accélération était parfaitement visible. Cela convainquit la fée de forcer le pas. D'une violente bourrasque, elle repoussa Ashton contre Edward. Le loup se releva sitôt le garçon sur son dos. Il allait tourner les talons et décamper, mais la petite demoiselle l’interpella :
– Attends ! On ne peut pas laisser Bleuet ! Le lycanthrope laissa échapper un gémissement plaintif. – Ne sois pas idiot ! Les fées ne peuvent pas mourir à moins qu’on ne croit plus en elles. Sinon pourquoi on se ferait la guerre pour quelque chose d’aussi futile que des rideaux ?
À cet instant, Edward eut sérieusement envie de vérifier si, même mâchonnée, une fée restait vivante. Il n’en eut pas le temps. Un même sursaut réanima violemment les trois colosses. Il eurent besoin d’une minute supplémentaire pour comprendre ce qui venait de se passer, minute que Bouton d’Or mit à profit. Se posant sur l’épaule d’Ashton, elle ordonna d’un ton militaire :
– Allé peluche ! Ramasse ma pote et tire nous de là !
Grondement fâché du loup blanc, mais il se mit en route. En deux foulées, il surplomba Bleuet et la happa d’un large mouvement de la gueule. Elle y resterait coincée jusqu’à ce qu’ils soient en sécurité. Il s’excuserait plus tard pour l’odeur et les petits bouts de Trolls qui allaient avec. Le trio les encerclait presque. Edward pila violemment lorsque le premier troll trancha l’air de son gourdin, puis son regard s’arrêta sur le second et le roi qu’il tenait encore prisonnier. Il hésita.
– Pas le temps pour lui ! Hurla Bouton d’Or. Faut tracer ! Maintenant !
L’animal en frissonna d’excitation. L’adrénaline lui fouetta le corps et ses muscles se tendirent juste à temps pour éviter un coup de pied magistral lancé à sa gauche. Pris dans son élan le troll en perdit l’équilibre et chuta. Ce fut leur porte de sortie. Le loup blanc s’élança, sauta par-dessus son corps malhabile et disparut entre les bouleaux et les pins. Un rugissement guttural salua leur fuite. Il n’était plus question de s’arrêter. Les arbres blanchis défilèrent, avalés par la foulée du loup. La clairière fut en vue, ils ne la traversèrent pas. Quatre trolls y abattaient troncs et fées encore debout. Bouton d’Or les guida sur un autre chemin. D’abord plus escarpé, Edward y glissa à plusieurs reprises pour finalement atteindre un espace dégagé et plus sûr. Le loup ralentit le rythme. Il laissa Ashton descendre de son dos alors qu’ils surplombaient le désastre.
– À gauche, indiqua faiblement Bouton d’Or.
Edward prit à droite.
– Oh ! J’ai dit à gauche ! T’es bouché ? Le loup secoua doucement la tête. La fée voleta jusqu’à ses oreilles dans lesquelles elle cria : – Gaucheuuuuuuh ! C’est de l’autre côté ! Là il n'y a rien à part– Oh.
Elle se redressa. Devant eux se tenait la nurserie des fées, ou du moins ce qu’il en restait. C’était là qu’Edward avait laissé l’enfant. Un son terrible lui échappa devant le délabrement des lieux. Le bel arbre creux censé protéger le bambin avait été réduit en miettes. Lui, les buissons de houx à proximité, ainsi qu’une partie du bois environnant, n'étaient désormais plus que quelques copeaux. Alors le loup blanc se fit fébrile. Son cœur pulsa plus violemment dans son corps que lors de leur course folle. Il déposa délicatement Bleuet au sol et s’avança la queue et les oreilles basses, plein de détresse. Il fouilla doucement de sa truffe les restes de l’abri, mais n’en retira que l’écharpe poussiéreuse du chien. Hagard et inquiet, fatigué aussi, le grand loup blanc s’assit et chercha un peu de réconfort parmi les présents.
Mais ce fut quelqu’un d’autre qui lui répondit.
– Je suis désolée. Je suis arrivée trop tard pour les arrêter.
Sortant de derrière une pierre, la reine Titania s’avança entre eux. Échevelée, elle remonta doucement la manche de sa robe abîmée avant d’être surprise par Bouton d’Or qui se jeta à son cou et l’étreignit fermement. La souveraine lui rendit son attention, avant d’observer Ashton, puis Edward. Elle baissa la tête une seconde, passa derrière son oreille une des nombreuses mèches brunes qui tombaient en pagaille devant son visage et reprit :
– Les trolls ont emmené l’enfant, mais je ne sais pas pourquoi. Ce genre d’attaque organisée… C’est beaucoup trop complexe pour eux. – Ils ont aussi kidnappé le roi, ajouta la plus jeune. – Vraiment ? C’est à n’y rien comprendre…
Le loup blanc se coucha, l’écharpe entre ses pattes. Il gronda légèrement, mais les deux fées se retournèrent d’un seul et même geste. Bouton d’Or s’emporta aussitôt :
– Dame Hélianthe ne ferait jamais une chose pareille ! Elle est fidèle à sa majesté depuis– – Il est sincère. – Mais… Votre majesté pourquoi Dame Hélianthe s’abaisserait à pactiser avec les trolls ? Elle les a en horreur ! – C’est ce qu’il va nous falloir découvrir.
La belle Titania observa les garçons, puis prenant une profonde inspiration, elle mit un genou à terre. Bouton d’Or la regarda, médusée, avant d’imiter sa reine sur un signe de celle-ci. La souveraine reprit :
– Nous vous avons déjà attiré de nombreux ennuis et je m’en excuse. Rien de tout cela n’aurait dû arriver. Je vous serai néanmoins très reconnaissante si vous acceptiez une dernière fois de nous aider.
Un silence, puis :
– Kyaaaah ! Je suis couverte de baaaaaaave !
H.R.P:
Ayéééé /o/ Désolé pour le délai, je suis resté un moment coincé sur une partie du texte qui ne me plaisait pas. Mais cette fois, c'est la bonne. J'espère que ça te plaira et que ça ne te gênera pas que je force un peu la main à Ash. Sinon dis moi et je changerai. Pour mini note, sous sa forme lupine Ed est bien plus gros qu'un loup normal, donc la cavalcade est possible /o/ Si tu as besoin de détails, hésite pas à me demander o/
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Dernière édition par Edward White le Dim 30 Sep - 19:00, édité 2 fois
Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Jeu 23 Aoû - 16:31
Edward s'était bien battu mais, pour toute la force dont il avait fait preuve, n'était pas parvenu à éviter éternellement la puissance dévastatrice des trolls. Ash ne doutait pas qu'il dût sa vie à l'intervention inespérée de la petite fée et ne put empêcher un brin de reconnaissance de germer dans son cœur flétri de haine. Son attention, toutefois, était concentrée sur son ami. S'il semblait se remettre du coup qu'il avait essuyé sans trop de mal, le canidé ne put s'empêcher de glisser une main inquiète sur le flanc du grand loup blanc en le retrouvant.
« Tu vas bien ? »
Pas le temps, toutefois, de s'attarder sur la réponse. La suite des événements s'enchaîna à une vitesse impressionnante et il se retrouva à chevaucher son compagnon sans vraiment comprendre comment. Les trolls, eux, s'éclipsèrent, triomphants d'une bataille qui n'avait rien eu d'épique. Ashton avait beau ne pas être quelqu'un de fier, la défaite avait un goût amer sur sa langue. Elle n'était pas sienne, certes, mais les conséquences qu'elle leur jeta au visage achevèrent de le crisper.
L'arbre, la nursery était pulvérisée. Il ne restait rien que l'écorce ravagée dont les débris jonchaient le sol, une promesse de danger planant encore dans l'air gelé de la nuit. La blancheur de la neige rendait la scène plus dramatique encore, plus violente, moins tolérable. Une colère nouvelle gronda en son sein. Son regard pourpre scrutait les décombres sans trouver âme qui vive, l'angoisse ravageant ses entrailles pour mieux nourrir sa rage. La silhouette dévastée d'Edward ne le calma pas, bien au contraire. Il détestait le voir ainsi, détestait l'idée qu'on ait fait du mal à un nourrisson, détestait toute cette maudite soirée, mais plus encore que tout le reste...
« Je suis désolée. Je suis arrivée trop tard pour les arrêter. »
Plus encore qu'à tout le reste, c'était aux fées qu'il vouait sa rancœur. Elles et leur guerre stupide, elles et leur vanité, elles et leur soif de combat inutile. Rien de tout cela ne serait arrivé sans leur chantage malsain, sans leur ego démesuré. Rien. La vie d'un enfant n'eut pas été en jeu, celle du roi non plus, son ami n'aurait reçu que ses propres coups, pas ceux d'un géant qui pouvait lui briser le dos sans effort.
Les mots de la reine n'apaisèrent pas le chien, dont la nature lui pulsait plus que jamais dans les veines. Au contraire. Il se sentait vibrer d'une colère sans nom, soumis à une rage qu'il eut sans doute craint, eut-il bénéficié de toute sa tête. Ce n'était pas le cas. Le Monstre était là, ayant progressivement contaminé son esprit pour mieux gangrener ses pensées, présent jusque dans le regard meurtrier qu'il tourna vers elle. Les deux entités la toisaient, bête et homme, entremêlées par la haine. Titania poursuivit son discours sous la menace silencieuse d'un garçon qui n'en était plus tout à fait un. Lorsqu'elle posa un genou à terre, Ashton n'avait aucune pitié, aucun pardon à lui accorder. Ses yeux de sang pénétraient ceux de la reine sans bonté aucune.
« Votre incompétence a peut-être coûté une vie. Je me contrefous de vos excuses. »
Il lança une œillade à Edward, puis passa devant elle pour aller rejoindre Bleuet. Il s'accroupit devant la petite fée, plus doucement, et lui adressa une expression ternie par l'angoisse.
« Que sais-tu d'eux ? »
Bleuet ne s'était que difficilement remise de ses émotions - notamment de la triste découverte qu'elle avait faite à son réveil. Le soulagement d'avoir été extirpée des griffes des trolls semblait bien terne en comparaison de l'horreur que la bave d'Edward évoquait en elle. Une part infime d'Ashton s'en trouva amusée, sans parvenir à faire monter un sourire à ses lèvres. Il se contenta donc de garder le même air grave qui détonnait si profondément avec ses expressions habituelles, attendant une réponse en craignant qu'il n'y en ait aucune. Après quelques instants de mutisme, pourtant, Bleuet s'exprima.
«Ils venaient de l'Est, mais je ne sais pas trop d'où pour l'instant... - Peux-tu nous guider ? »
Ashton lança un second regard à Edward mais, ne doutant pas que ses intentions seraient similaires aux siennes, laissa la petite fée hocher la tête. Celle-ci se redressa doucement et, agitant ses ailes pour mieux les détendre, prit son envol. Elle alla se poser sur l'épaule du canidé en dépit de la peur qu'il semblait lui inspirer, consciente sans doute que sa colère n'était pas dirigée contre elle.
D'un pas décidé, ne prenant pas la peine de s'adresser à Titania, Ash s'avança vers le cœur de la forêt. Quelque chose semblait avoir changé dans sa posture, quelque chose de profond et d'invisible pourtant, quelque chose de viscéral mais que seul un sixième sens pouvait véritablement dénicher. C'était de ces rares instants où les deux faces de l'être se rencontraient, où l'on pouvait discerner un peu du chien dans le garçon sans que celui-ci ne subisse sa présence. Une bonne nouvelle pour lui, une mauvaise pour quiconque avait éveillé son courroux. Car Monstre et Homme ne se rejoignaient jamais par hasard, et ce n'était qu'au travers de la rage qu'ils savaient s'unir. L'idée d'un nourrisson en perdition parmi ses kidnappeurs avait achevé d'enfoncer Ashton dans la colère. Il était trop tard pour faire marche arrière. Si la gueule d'Edward dégoulinait déjà de sang, l'aura qu'il dégageait désormais promettait de ne pas demeurer en reste. Bleuet l'avait bien remarqué et lança plusieurs regards derrière elle, en direction de sa reine, cherchant sans doute à savoir si l'emmener à destination était une bonne idée ou non. Le garçon ne leur laissa toutefois pas le temps de parler.
« Vous vouliez me faire participer à une guerre et m'avez traité de couard lorsque j'ai refusé. Vous allez bientôt comprendre. »
Sa voix, lorsqu'il s'exprima, était à peine plus grave. Le regard qu'il lança à Titania était d'un calme dangereux, et la reine hocha silencieusement de la tête. Elle se pencha ensuite sur le loup blanc afin de murmurer à son oreille :
« Nous devrons l'arrêter s'il dépasse les bornes, n'est-ce pas ? »
Ashton était trop occupé à ruminer pour entendre les propos de la reine. Ses pensées se tournaient vers les possibilités d'un avenir proche qui ne l'attirait pas le moins du monde. Il avançait d'un pas rapide et vif qui parvenait pourtant à être monotone. Il ne cherchait pas à se presser. Les mêmes foulées, au même rythme. Sa manière délibérée de marcher laissait entendre qu'il avait pleine conscience de sa puissance nouvelle. Il rattraperait tôt ou tard ceux qu'il poursuivait. Il n'en doutait pas.
Finalement, ils parvinrent au sommet d'une butte qui surplombait une part nouvelle de la forêt. Un petit ravin de quelques mètres à peine les attendait là, leur permettant d'observer les alentours sans être pris. Les trolls avaient été stupides, orgueilleux du moins. Peut-être avaient-ils pensé que la défaite aurait démoli le moral des troupes. C'était le contraire.
Le regard de sang coula vers les bois, au cœur desquels se rassemblait le groupe de troll. En leur centre : Hélianthe. Aucune trace des otages. La mâchoire d'Ashton se crispa. Le semblant de contrôle qu'il avait sur ses actions manqua de vaciller. Son alter ego était là, tout proche, si lié à lui désormais qu'il peinait à faire la différence entre eux. Parce qu'il n'y en a pas, souffla une part de lui-même.
Soufflant dans l'espoir de ne pas se laisser envahir, serrant les poings contre ses hanches, il s'adressa à Edward.
« On y va ? Je les distrais, tu cherches le gosse... Et le roi. »
Le choix lui semblait logique. Il se régénérait plus vite qu'Edward et celui-ci saurait se défendre en cas de piège, saurait aussi le voir venir. Lui-même n'était plus vraiment en état de discerner quoique ce soit. Et il avait soif de sang. Un frisson le parcourut, et il lança un long regard aux larges silhouettes qui, inconscientes de leur nouveau statut de proie, écoutaient les paroles de leur meneuse en émettant quelques grognements sourds.
Titania hocha lentement de la tête et, plus sérieuse que jamais, leur fit une promesse :
« Je vous protégerai en amont. »
Il hocha la tête sans vraiment la remercier. Inutile de lui dire qu'il se foutait de sa protection. Inutile de préciser que ceux à en avoir besoin était en contrebas. Il lança un dernier regard à son partenaire.
« Si tu veux on les cherche après, sinon. »
Le sous-entendu était si évident qu'aucun mot n'eut pu le rendre plus audible. Un sourire carnassier s'empara de ses traits et il laissa sa main s'agiter d'elle-même. Un craquement sourd retentit. De longues griffes noires déformèrent ses doigts. Il les agita lentement devant lui, leur adressant un regard de délectation. Puis il sauta.
On vit à peine l'ombre s'abattre sur le dos d'un troll. Celui-ci se releva dans un cri de surprise, inconscient toutefois qu'il était trop tard pour agir. Ashton plongea ses griffes dans son épaule avec une puissance décuplée, fort d'une rage qui ne venait pas de lui. Cri de douleur. Les bois s'agitèrent tout entier sous la violence du son, strident, qui fit onduler les feuilles alentours. Un sourire mortifère s'imprima sur ses traits. Chien, Homme. La différence se floutait au fil des minutes.
Il lacéra la chaire offerte juste assez longtemps pour distraire la créature, qui s'agita désespérément pour atteindre sa plaie. Le canidé, lui, n'y était déjà plus. Les trolls s'étaient déjà tous relevés et s'approchaient, cherchant un moyen d'aider leur camarade. Mais avant même que celui-ci n'ait eu l'occasion de réagir, il sentit le tranchant d'une griffe frôler sa jugulaire. De l'autre côté de son cou, là où il n'avait pas jugé bon de regarder, son adversaire s'était accroupi contre son oreille.
« Tu obéis ou tu meurs. »
Quelques secondes plus tard, un troll était jeté à terre par celui qui aurait tôt fait d'être qualifié de traître.
Spoiler:
Et voilà ! Désolée pour l'attente o/ J'ai pris quelques libertés, n'hésite pas si tu as besoin que je change !
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Edward White
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Sujet: Re: Vivre [libre] Sam 1 Déc - 16:41
La chasse était ouverte. Sur les hauteurs du bois, le loup étudiait le champ de bataille. Son regard dépareillé perça au travers des branches nues et s'arrêta sur chacune des silhouettes en contrebas. Il compta. Un, deux, trois… Neufs trolls et une fée. Aucune trace de l'enfant. Étrange. Près de lui, Ashton parla. L'animal gronda, trop concentré pour lui accorder davantage d'attention. Il observa plus attentivement les lieux. La forêt environnante était dense et étriquée, si bien que la clairière ne comportait véritablement que deux entrées adaptées à des créatures de la taille des trolls. L'une était simple, marquée par l'unique absence de végétation, mais la seconde avait quelque chose d'artificiel et de travaillé qui détonnait avec les environs ; le signe d'un danger que le loup découvrit trop tard. L'ombre du chien s'élança dans le vallon. Edward n'eut pas le temps de le retenir. Sa mâchoire claqua dans le vide et une panique sourde s'empara de lui. Il se jeta à sa poursuite.
– Non !
La reine Titania s'interposa. Le lycan pila net. Dans l'angoisse de sa précipitation, il se fit menaçant, hérissa ses poils et dévoila ses crocs dans un grondement rauque. La souveraine ne cilla pas. Elle avait conservé toute la lucidité qui manquait à la bête et s'exprima avec fermeté : – Votre ami avait raison. Vous devez sauver cet enfant. S'il y a une chance de le retrouver, vous y parviendrez plus vite que n'importe lequel d'entre nous. Un hurlement strident éclata dans la clairière. Le lycanthrope devint plus nerveux, mais Titania insista : – Nous l'aiderons. Partez avec Bleuet, retrouvez l'enfant et mettez le à l'abri. Ensuite, vous nous rejoindrez. Un nouveau choc résonna en contrebas, suivi de plusieurs râles et rugissements furieux. Un instant de flottement, puis : – Maintenant Edward ! Un grognement et le loup blanc changea de cap. Il laissa derrière lui le vallon et la bataille qui s'y engageait, accélérant lorsque retentit dans son dos, la voix excédée d'Hélianthe : – Sombres crétins ! C'est le chien qu'il faut frapper !
Jamais nuit d'hivers ne connut course plus folle et plus bestiale. Edward tenait une piste depuis la nurserie. Diffuse et affaiblie par la neige qui tombait encore, elle représentait leur seule chance. La foulée de l'animal se fit plus grande à mesure que les secondes s'écoulaient et qu'il s'enfonçait dans le bois. Bleuet, accrochée à ses oreilles, bringuebalait de gauche à droite, manquant de lâcher prise chaque fois que le loup pilait violemment pour retrouver ses marques. Après un moment, elle demanda avec timidité : – Dîtes… Nous nous sommes beaucoup éloignés du territoire des trolls… Vous pensez que c'est la bonne direction ? C'était la troisième fois qu'Edward s'arrêtait. Malgré tous ses efforts, lui aussi commençait à douter. L'odeur de l'enfant ne cessait de s'atténuer tout en les conduisant trop à l'écart pour que cela soit cohérent. S'il s'était trompé ? Non. Il était trop tôt pour renoncer. Le loup se remit en marche, d'abord au pas de course, puis plus lentement lorsque le vent tourna et emporta avec lui ce qui restait de sa piste. – Et… Et si on arrivait trop tard ? Interrogea craintivement Bleuet. Un grondement fâché lui répondit. Elle s'excusa avant d'oser proposer : – Je sais que cela vous ferait de la peine, mais nous sommes déjà si loin… Peut-être que nous serions plus utiles auprès de sa majesté et de votre ami ? Surtout… Surtout avec tous ces trolls… La petite créature frissonna d'horreur, mais son interlocuteur s'entêta et reprit la route. – Si nous n'avons rien trouvé, c'est peut-être que… Edward la fit taire d'un mouvement de la tête. Figé au cœur des bois immaculés, le loup tendit l'oreille. Il les entendit. Des pleurs, sur sa droite. – Mais où est-ce que vous… Hiaaa !
Le reste ne fut qu'une formalité. En à peine une minute, son pas monstrueux l'emporta entre les troncs, jusqu'à une souche d'arbre baignée d'une douce et mystérieuse chaleur. – Ça alors… Mais c'est de la magie de fées qui le protège du froid ! C'est vraiment curieux, pourquoi les trolls… Ah faîtes attention ! C'est peut-être piég… Oh ! Sans réfléchir, le loup plongea sa truffe parmi les lichens et les feuilles mortes, transformant aussitôt les sanglots en éclats de rire. Deux petites mains roses s'en extirpèrent et se refermèrent sur son museau. Sous la surprise, l'animal eut un vif mouvement de recul, qu'il stoppa aussi sec au son d'un gémissement plaintif. Le petit lui empoignait les moustaches en babillant joyeusement. Le loup essaya de se dégager, sans succès. – Allé bébé, lâche le gentil loup. Lâche. Oui c'est rigolo les moustaches et ça chatouille, mais… Edward ! La léchouille fut sa vengeance. Généreuse et baveuse, elle étonna tant le nouveau né qu'il abandonna sa prise et porta ses menottes potelées à son visage grimaçant. Durant un instant, il eut l'air perdu, puis s'agita avec empressement et tendit les mains vers cette nouvelle tête blanche, encore barbouillée de rouge et pourtant si amusante. Tout excité de sa découverte, il sourit et s'exprima dans une langue que seule Bleuet comprit : – Ah non ! N'encourage pas les méthodes discutables de cette grande peluche tu veux ? Peine perdue. L'enfant rit davantage et Edward adressa un regard victorieux à la fée qui soupira.
Lorsque le loup se remit en route, il tenait dans sa gueule deux morceaux des langes d'or, soigneusement emmaillotés autour de la petite tête blonde qu'il transportait. Le nouveau né s'était assoupi, bercé par le ballottement régulier de son couffin improvisé. D'un commun accord, ils décidèrent de retourner du côté de la nurserie pour y déposer le nourrisson sur lequel Bleuet veillerait en attendant le retour du reste de la troupe. Compte tenu de son paquetage, Edward dut restreindre sa foulée et une bonne demi-heure leur fut nécessaire pour retrouver la proximité du vallon. Ils s'engagèrent sur un chemin en pente douce pour regagner son sommet quand un rugissement plus puissant que tous ceux entendus jusqu'alors résonna au fond de la clairière. – Il faut continuer, murmura Bleuet. Mais Edward n'avançait plus. Son regard disparate s'était arrêté sur la scène qui se déroulait à leur aplomb. Il compta cinq trolls au sol, dont un qui commençait à se relever. Il ne voyait pas Ashton, mais distinguait la lueur de Titania et une autre plus pâle à ses côtés, qu'il supposa être Obéron, car deux éclats ambrés se faisaient face au fond de la clairière, Bouton d'Or et Hélianthe. Impossible de savoir qui était qui. Tous s'étaient figés en même temps que le loup blanc, au son féroce qui déchira la nuit. Un instant s'écoula, interminable, puis les craintes du lycanthrope lui revirent en pleine face.
Deux silhouettes s'avancèrent au travers de l'entrée si peu naturelle de la clairière. La première était commune aux autres trolls, même taille, même gabarit, mais la seconde la surpassait d'au moins deux têtes. Plus grande et plus trapue, les rayons de lune en ciselèrent le profil effrayant. Celui d'un chef, d'un roi, enragé. Sa poigne furieuse fendit l'air, aussi rapide qu'une lame et se referma sur l'une des lumières dorées. Le loup blanc tressaillit en pensant à Bouton d'Or. Il voulut s'élancer, mais l'explosion d'un timbre caverneux le retint.
– Où est l'enfant ?! Un cri étouffé fut emporté par le vent. – Ils ont dû s'apercevoir que le nourrisson n'était plus là… se désola Bleuet. Pauvre Dame Hélianthe. Hélianthe ? Un flash embrasa la clairière. Quand le loup rouvrit les yeux, la fée s'était libérée de son geôlier. Elle s'exprima d'une voix fumante : – Comment osez-vous posez vos ignobles doigts sur moi !? Je n'ai que faire d'un sale petit humain. Vos idiots l'ont probablement écrasé de leurs mains dégoûtantes et malhabiles, sans même le remarquer. Est-ce ma faute si votre peuple est dépourvu de cervelle ? – Il n'était pas dans la nurserie ! Rugit le roi des trolls. – Il y était ! Je l'y ai déposé de mes mains. Vous l'avez manqué voilà tout ! Un silence. – À moins que…
L'aura d'Hélianthe s'intensifia, mais ce fut l'appel inquiet de Titania qui attira l'attention d'Edward : – Ashton ! Le corps du chien traversa la clairière, immobilisé par plusieurs anneaux d'or. Il arrêta sa course aux pieds du chef des trolls qui le toisa d'un regard naturellement mauvais. La fée à ses côtés expliqua : – Lui sait peut-être. S'il ne l'a pas dévoré, il a probablement aidé les fées à le cacher. – C'est faux ! S'exclama la souveraine. Nous ne savons pas où est l'enfant ! Aucun d'entre nous ! – Vous avez-vu ? Elle a peur qu'il parle. Mais je vais vous aider. Avec sa régénération ce sale cabot ne livrera rien avant des lustres. Mais si on la lui retire… Les anneaux d'or se resserrèrent autour du corps d'Ashton, jusqu'à disparaître dans sa peau et le laisser libre de ses mouvements. Hélianthe se recula en annonçant : – Il est tout à vous.
Le roi des trolls abattit sa masse dans un grognement sauvage. Un éclair doré fendit les airs.
– Bouton d'Or ! Parée d'une énergie nouvelle, la petite fée s'était interposée entre l'arme et le chien. Elle n'était qu'un éclat lumineux pour le loup, mais il s'inquiéta de le voir faiblir si rapidement . – C'est notre reine qui augmente ses forces ! Ajouta Bleuet. Tiens bon Bouton d'Or !
Le Goliath n'eut besoin que d'une seconde pour armer une deuxième fois son bras, il frappa. Victoire. La lueur de Bouton d'Or s'éteignit, engloutit par la neige. Le gourdin d'acier atteignit sa cible. Ashton.
À l'horreur de l'instant se superposa une autre image. Un souvenir rouge de sang qui garrotta le loup au sol et l'arracha à sa réalité.
Son corps qui tombe. Son visage. Son regard. Leurs cris. Leur rage. Folie. Mort. Mort. Mort. Mort.
– Edward !
Sursaut de l'animal devant qui s'agitait Bleuet. Elle eut pour lui un geste inquiet qu'il ne comprit pas avant que retentisse la voix caverneuse du roi des trolls.
– Parle et j'abrègerai tes souffrances. – Il ne sait rien ! Hurla Titania. – C'est ce dont je veux m'assurer, votre Altesse !
Il réarma son bras. Le poil du loup se hérissa et un grondement rauque résonna entre ses crocs luisants. Il se serait élancé si le poids qu'il tenait encore dans sa mâchoire crispée ne l'avait pas rappelé à l'ordre. Le choix qui s'imposa lui déchira les entrailles. Il fit un pas en avant, s'arrêta, fébrile, torturé par le doute. Deux petits pieds se posèrent alors sur sa truffe.
– J'ai une idée.
Deux minutes plus tard, Edward atteignit la clairière et déposait doucement dans la neige, les langes d'or, toujours habillement noués autour de la silhouette ronde qu'ils maintenaient à l'abri du froid. Il recula. À cette vue, Hélianthe se décomposa et Titania étouffa un cri. Le roi des trolls n'y prêta pas la moindre attention, secoué par ce qui ressemblait le plus à un rire.
– Et bien voilà ! Mon dessert est arrivé.
H.R.P:
Alors tout d'abord je m'excuse pour le retard. J'avais un scénario en tête mais j'ai eu du mal à trouver comment installer tous les indices et éléments dans le RP. Du coup c'est assez long et il y a une partie qui ne te concerne pas directement, mais qui peut potentiellement te donner de la matière pour la suite. J'espère que tout sera assez clair pour toi et que ça te plaira. Si ce n'est pas le cas, n'hésite pas à me le dire. N'hésite pas non plus à me MP si tu veux qu'on discute de la suite, c'est comme tu le sens.
Et juste pour info. Edward entends les conversations dans le vallon grâce à son ouïe de loup, mais l'inverse n'est pas réciproque et les interventions de Bleuet ne sont pas entendues par les fées et les trolls. Ça me semblait évident à première vue, mais au cas où…
Voilà ! Encore désolé pour la longueur et le super retard ! Tu peux, comme d'hab, utiliser le chef des trolls et les fées à ta convenance. Il rugit en olive.
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Ashton Lyn
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Sujet: Re: Vivre [libre] Sam 26 Oct - 14:24
Il avait mal.
Mal mal mal mal mal mal mal. Les mots tournaient dans sa tête, les maux tournaient dans son corps, ça le bouffait, ça le brûlait, sa gorge était éraflée des cris qu'il avait laissés échapper, et il avait hurlé tout l'air qu'il avait à respirer, et ses lèvres cherchaient en vain un oxygène que ses poumons ne parvenaient plus à avaler, et il avait mal à en crever, mal à en oublier ce pourquoi il était là, mal à ne plus voir où il était ni ce qu'il faisait, à oublier et-et-
Respire, Ash.
Impossible. Il essayait, pourtant, il essayait mais ça ne marchait pas, ça ne voulait pas marcher, et chaque inspiration vide était accompagnée du grincement de ses côtes brisées qui se frottaient entre elles et il avait envie de hurler encore, de hurler jusqu'à ce que la douleur dans ses cordes vocales lui fasse oublier le sang qui noyait sa gorge et enflait ses entrailles.
C'est bientôt fini. Quelques secondes. Quelques secondes. 10...9...8...
Un toussottement souilla la neige d'une trace de carmin. Ashton l'observa, les yeux écarquillés, les lèvres tâchées en quête d'air, ne trouvant qu'un peu plus de rouge à faire couler sur la blancheur sacrée de l'hiver.
5...4...
« Il ne sait rien ! »
Il ne savait plus ce qu'il était censé ignorer. Les iris infernaux coulèrent vers Titania, et son expression horrifiée, et sa voix accrochée, et il la détailla sans réfléchir, sans vouloir réfléchir, parce qu'il entendait le roi réarmer son bras et le souvenir de ses os rompu était encore trop violent et il n'arrivait toujours pas à respirer et...
2...1...
Rien. Rien du tout. Pas de soulagement, pas de muscle qui se répare, pas de côte qui se ressoude, rien, rien que du désespoir rendu plus cinglant par la surprise, rien que du désarroi pour ajouter à la torture. Pourquoi ça ne marche pas, pourquoi je ne guéris pas, pourquoi je ne vais pas mieux, je suis censé aller mieux, je suis censé être sur pieds, je suis censé pouvoir me barrer, merde, merde, merde...
Titania tenta de le défendre, avocate impuissante d'une cause désespérée. Ses oreilles sifflaient trop pour percevoir autre chose que le désarroi gorgé de frustration dans la voix de la reine, mais il s'autorisa un sourire fatigué. Paradoxal. Elle avait été prête à le pousser dans ses retranchements pour une guerre de rideaux, refusait de le voir souffrir pour le sort d'un enfant – un enfant qui n'était pas là, il l'aurait su, l'aurait perçu, ses sens encore trop aiguisés, sa faim encore trop éveillée.
Triste aussi que le Chien refuse de faire démonstration de ses pouvoirs devant l’inéluctabilité d'une arme qui avait vraisemblablement décidé de le tuer. Un rire sarcastique se transforma en gémissement torturé lorsqu'il secoua les écueils de ses côtes, dont les os déformés s'agitèrent. Ses doigts s'emparèrent d'une poignée de neige dans un geste spasmodique, son dos s'arquant faiblement dans la poudreuse.
Ses yeux glissèrent de l'inévitable massue à la silhouette ensevelie à ces côtés, la silhouette qui l'avait sauvé, souffert sans doute autant que lui. Il trouva de la place pour un peu de culpabilité dans son ouragan d'horreurs, ferma ses paupières. Les rouvrit. Fixa l'arme.
Une épée de Damoclès eut été plus élégante, tout de même.
Crac.
Silence. Une larme dégoulina d'un œil dilaté pour aller épouser la neige. Ses lèvres s'ouvrirent sur un cri qui ne sortit jamais. Son dos s'arqua. Une autre larme. Respire. Un toussottement sanguinolent. Respire. Les doigts crispés dans la poudreuse. Respire. Un rideau gris devant ses yeux. Respire. Les poumons en feu. Respire.
Après quelques secondes de latence, sous les rires gras du roi des trolls, Ashton parvint à se tourner sur le côté, laissant échapper de sa bouche un crachat pourpre. Ses paupières se fermèrent. Il fut tenté un instant d'autoriser les ténèbres à l'emporter, tenté de fuir la douleur qui menaçait de le rendre fou.
« Il ira pas bien loin comme ça, hein ? »
L'énorme massue poussa un mollet en démonstration, moqueuse jusque dans la douceur qui fut déployée. Ash ne put retenir le grognement torturé qui lui échappa, une colère sourde naissant de son impuissance. Les yeux rouges percèrent le roi de part en part. Promesse de mort, promesse de souffrance, promesse d'une impitoyable vengeance. S'il lui mettait le grappin dessus...
Un cri déchira ses pensées. Titania. La voix tremblante, suintante d'une peur qu'il ne comprenait pas. Titania avait crié. Elle avait crié et il voyait, derrière la tête de son bourreau, son bourreau qui soudain souriait, voyait Hélianthe qui observait d'un œil horrifié quelque chose qu'il ne pouvait discerner. Un sentiment d'effroi grignota un peu de sa souffrance, glissant dans son estomac comme les eaux glacées des mers du Nord. Son cœur manqua un battement, puis pulsa trop fort, trop violemment contre sa cage thoracique affaissée. Son regard glissa lentement dans la même direction que les autres, mais il sut bien avant de voir ce qui l'attendait. Ces sens-là ne trompaient jamais.
« N... Non... »
Trois âmes. Une lumineuse. Une puissante. Une immaculée. Une sucrerie. Un jouet. Un festin. Une fée. Un loup. Un bébé.
« Et bien voilà ! Mon dessert est arrivé. »
Les doigts d'Ashton se levèrent trop lentement, s'étirant vers la toison blanche de cet être qui n'avait rien à faire ici. Que faisait-il ? Que faisait-il, l'imbécile ? Pourquoi ?
« N...Ed... »
Un toussottement lui échappa de nouveau, ses traits se froissant de douleur, mais il n'en fit pas cas. Une sourde panique pulsait dans ses veines, emplissant son corps d'une adrénaline qui rendait tout possible. Il tenta même de se redresser, stoppé uniquement par les limites de ses os qui refusaient toujours de guérir. Colère. Rage. À quoi servait ce corps s'il le lâchait maintenant ? À quoi bon se remettre de tout si c'était pour l'abandonner lorsqu'il en avait besoin ?
Edward ne l'écoutait pas. N'allait pas l'écouter. En fait, Ash n'était même pas certain d'avoir parlé, incapable d'entendre sa propre voix par delà le bourdonnement dans ses oreilles. La douleur était partout, dans chaque pensée, dans chaque geste, l'empêchait de songer aux raisons qui pouvaient justifier un tel acte, l'empêchait de réfléchir à ce qui pouvait se tramer dans l'esprit de son ami. Un unique mantra circulait dans son esprit. Pas l'enfant.
Dans un grognement étouffé, le canidé poussa vainement sur ses bras. Se lever. Tenter de tenir sur ses jambes brisées. Ne pas laisser ça arriver. Jamais. L'idée était absurde et son corps ne l'autorisa pas à bouger. Un juron vorace s'arracha à ses lèvres, frustration, colère et désespoir s'entremêlant dans un soupir de rage. Il poussa, força, rua contre la faiblesse des muscles qui refusaient de fonctionner, insista jusqu'à ce que les muscles lâchent et qu'il retombe dans la poudreuse comme un amas de viande désossée. Des ténèbres plus obscures encore dévoraient sa vision.
« F'chier... »
Un visage apparut dans son champ de vision. De fatigue, il manqua de ne pas le reconnaître, mais l'expression de dédain était si flagrante sur les traits poupins qu'il l'identifia instantanément. Un grondement bestial s'échappa de sa gorge, ses dents grinçant les unes contre les autres dans un tic dégoulinant de haine. Hélianthe.
« La ferme, cabot. Contente-toi de faire ce dans quoi tu excelles. »
Hein ? Le regard meurtrier se teinta d'incompréhension mais elle ne s'expliqua pas plus et posa une main sur son front, geste nonchalant et rapide, vif. Il n'eut pas le temps de résister. Eut à peine l'occasion de percevoir un anneau doré s'échapper de son corps. Puis le noir.
Le goût du sang sur sa langue. Une masse entre ses dents. La tension des muscles de sa mâchoire. L'instinct suprême d'appuyer, de contracter davantage, de briser. Mémoire du corps, intangible souvenir qui toujours se répète.
Il tenta, força tout juste sur ses crocs, sans réfléchir, parce qu'il s'agissait là d'un mouvement ancré en lui plus profondément qu'une épave au fond de l'océan. Crac. Quelque chose rompit sous sa puissance, quelque chose d'épais dont la cassure réverbéra jusque dans son dos et lui arracha un frisson.
Qu'est-ce que...
Un hurlement brisa sa concentration et sa stature se crispa instantanément, le regard pourpre fouillant les alentours dans une tentative de découvrir la vérité derrière le flou qui avait envahi son esprit. Sa mémoire était embrumée, et il se trouvait simplement animé de réflexes, d'instincts et de sentiments, ses pensées s'agitant en boucle dans un effort de démêler les dernières minutes de sa vie.
La masse entre ses dents bougea, puis protesta. Sans qu'il n'ait le temps de réagir, il fut envoyé dans le décor, arrachant un second cri en même temps qu'un lambeau de chair.
« Ce cabot, gronda une voix sourde de rage, qu'est-ce qu'il fout là ?! Hélianthe! »
Hélianthe. Ashton se redressa et évita de justesse le coup de massue qui cherchait à le cueillir. Son corps répondait bien, trop bien, rapide et fluide là où il n'avait été que douleur, léger là où la souffrance avait pesé de tout son poids sur ses os brisés.
Brisés, comme l'os à l'arrière du talon du troll. Brisés, comme ce que sa mâchoire avait imposé au gigantesque corps du roi. Un mauvais pressentiment s'empara de sa gorge. Son cœur battait trop fort contre sa poitrine. Il se figea, une seconde, et lança une oeillade à sa propre stature. Non, non, non non non.
Ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible. Il avait le contrôle, non ? Il n'avait pas... Il n'avait pas tué. Il ne pouvait pas avoir tué. Pitié, pitié, pitié.
Le chien s'immobilisa au cœur de la clairière, horrifié, terrifié. Les yeux rouges s'agitèrent sans voir le troll, cherchèrent d'autres iris dans lesquels se rassurer. Il n'arrivait pas à respirer. Il ne comprenait pas ce qu'il se passait. Le monstre était là, sorti, révélé mais il réfléchissait, et il était là et pitié, pitié, faites que je n'aies pas tué, faites que je n'aies pas tué.
Un regard dépareillé croisa le sien. Ed. Si Ed était là tout allait bien. Si Ed était là, il ne pouvait pas avoir cédé au Monstre. Si Ed était là, il l'en aurait empêché.
La tension s'évapora de sa silhouette. Il laissa échapper un soupir de soulagement, ferma une seconde ses paupières.
« Je ne t'ai pas libéré pour que tu restes planté là, cabot ! »
Hélianthe le toisait de toute sa superbe, comme si sa petite taille pouvait être compensée par ses airs supérieurs. Il la haïssait, elle et ses manigances, elle et son manque d'empathie. Une part de lui ne désirait rien de plus qu'arracher ses ailes, la ramener sur terre afin de lui montrer quel sort ses crocs réservaient aux insectes dans son genre.
Respire, Ash.
La soirée était indéniablement mauvaise pour ses nerfs. Douleur, rage et panique s'étaient entremêlées dans un incroyable cocktail de poisons dont il n'était pas certain de sortir indemne. En fait, il s'étonnait même d'être encore maître de son propre corps – un miracle dont il ne s'attirait aucun mérite, certain que les fées avaient une fois de plus provoqué le destin.
La sensation était étrange, presque dérangeante. Depuis sa naissance, depuis que sa conscience avait pris le pas sur cette enveloppe infernale, Ashton n'avait jamais plus connu son apparence de chien. Pas comme ça. Pas avec un sens de contrôle, pas avec cette sérénité de savoir que les membres lui obéiraient et que les dents acérées ne se refermeraient pas sur la première âme qui aurait le malheur de croiser son chemin. Tout était toujours divisé, et le jeune homme luttait de toutes ses forces pour maintenir ces barrières trop frêles en place, pour ne pas rompre les limites fragiles entre ce qui appartenait à ses désirs et ce qui appartenait à ses instincts, entre ce qu'il était et ce dont il était l'incarnation. Les deux facettes de son être ne se rencontraient jamais plus, se battaient et ruaient l'une contre l'autre sans jamais se rejoindre, perpétuelles antagonistes en quête de souveraineté. L'homme et le chien n'avaient pas dialogué depuis plus de vingt ans. Depuis Elle.
Jusqu'à aujourd'hui. Il se sentait complet. Il se sentait... Un. C'était étrange, c'était presque douloureux. C'était le souvenir d'un corps qui n'était pas perpétuellement inconfortable, d'une âme qui ne se déchirait pas sans cesse. C'était le souvenir vague d'une existence où les crises n'étaient qu'une idée, où l'incommensurable souffrance auto-imposée n'avait pas de sens. La sensation évoquait en lui une nostalgie douce-amère, un sentiment de plénitude dont il avait conscience de l'éphémérité.
Et dont il n'avait pas le temps de profiter.
Le troll laissa dégouliner sur le sol un filet de bave, les traits déformés d'une rage née de douleur. Son emprise se resserra sur sa massue et son grognement caverneux se mêla à celui du chien. Prédateur contre prédateur, colère contre ténèbres.
« Hélianthe... - Oups. »
Si le regard du roi avait pu tuer, la fée aurait succombé dans l'instant. Elle se contenta cependant d'un sourire avant de disparaître, trop rapide pour être suivie par les gestes gauches de son adversaire en colère.
« VOUS, QU'ATTENDEZ-VOUS ?! DETRUISEZ-LES !!! »
La petite armée eut comme un déclic, réalisant soudain le sang qui coulait de la cheville de leur régent. Une onde de cris se répandit dans la clairière comme une vague, emportant avec elle l'immobilisme ambiant. Ash se rua sur le second pied du roi tandis que celui-ci faisait mine d'aller chercher le lange, ses doigts s'interrompant au dernier moment au dessus de la silhouette du loup blanc.
Sous ses crocs, la peau se perça, et le goût trop familier du sang se répandit dans sa gorge. Il avala sans réfléchir et secoua la tête, dans un réflexe plus vieux que son existence, rendant dramatique une blessure déjà sérieuse.
Cri. La souffrance couronnait le bourreau après avoir délaissé le condamné. Il eut aimé valoir mieux que cela, mais un plaisir sadique se répandit dans ses veines au souvenir de la torture imposée par son interlocuteur. Ce fut presque à regret qu'il s'en sépara donc, instincts infernaux en rébellion et myocarde en ébullition. Un dernier à-coup. Les dents qui se referment avant de se relâcher. La certitude que le troll ne se déplacerait plus sur ses deux jambe. La seconde suivante, Ashton se dégageait de l'emprise maintenue sur le talon du régent.
Ce dernier tomba, mais ne tomba pas seul.
La massue le cueillit en plein mouvement. Il n'avait eu aucune chance d'y échapper. Son corps fit voler une gerbe de neige dans la clairière devenue champ de bataille, et il laissa sortir un toussottement douloureux, impatient que sa guérison spectaculaire fonctionne. Cette fois.
Le chaos s'était installé partout dans la clairière. Les trolls qui étaient parvenus à se relever se ruèrent sur les premiers venus et les fées se trouvèrent bien vite assaillies de toutes parts, tandis que de nouveaux individus se traînaient vers le lange que leur roi s'était promis. L'un d'eux particulièrement fixait le loup blanc d'un regard mauvais, ses lèvres étirées dans un sourire vicieux qui promettait un sort pire que la mort.
Ash hésita un instant. Ce troll-là ne lui disait rien de bon, et Hélianthe elle-même avait un plan en tête dont l'ébauche ne lui convenait pas, mais il se trouvait désormais face à un roi qui, bien qu'amoché, était encore tout à fait capable de tuer. Les yeux pourpres du chien se plissèrent.
Bien. Chaque chose en son temps.
Il reprit ses esprits et se concentra. Les muscles se tendirent, progressivement, prédateur guettant l'instant idéal pour achever sa proie. Bête contre Bête, canidé contre troll. Il se rua sur lui sans attendre.
Tandis que partout régnait la discorde, le soldat dont s'était méfié Ashton s'approcha d'Edward, qu'il n'avait pas quitté des yeux. Des yeux, ou plutôt de l'oeil. L'un de ses iris était barré d'une longue cicatrice qui paraissait aussi vieille que vilaine, fil blanc sur son visage mate, plissant sa peau autour de son sourire dégénéré. Sa voix caverneuse se voulait suave, ne parvenait qu'à être dérangeante.
« J'ai entendu parler de toi... », susurra-t-il, jouant avec sa masse.
D'une taille considérable, celle-ci arborait des clous rouillés dont les pointes étaient autant de promesses funestes. Il la balançait d'une main leste, comme pour mieux menacer, comme pour mieux pavaner la dangerosité de cette arme dont il était le maître.
« On dit que tu en as fait, des jolies choses, hein ? Un grand loup blanc au regard dépareillé... Un monstre. Est-ce que tu es un monstre, loup ? »
Son sourire s'agrandit et il arma son bras en une seconde avant de l'abattre. Ce soir, il frappait pour tuer, et sa cible était toute désignée.
HRP:
Ce fut long et laborieux mais me voici ! J'espère que cette version sera plus satisfaisante, mais surtout n'hésite pas, la machine fut compliquée à relancer haha.
Le troll qui veut se battre avec Edward parle en #cc6600