"Laisse aller le passé et le passé te laissera aller"

Tout commence par un soir froid de décembre dans une ruelle mal éclairée de la ville de Londres. Une jeune femme du nom d'Helena Flanel, parisienne vivant en Angleterre depuis quelques mois à peine marche dans la neige en serrant son manteau contre elle, la température à dégringolée en même temps que la nuit est tombée et à présent la jeune femme ne désire plus qu'une seule chose : se blottir au coin du feu en buvant une bonne tasse de lait bien chaude. Malheureusement elle se trouve encore bien loin de chez elle et des flocons blancs commencent à descendre des cieux pour épaissir encore plus le tapis de neige. Frigorifiée la jeune femme accélère le pas quand soudain le talon de ses bottines se coince entre deux pavés. A force de tirer pour se libérer elle réussi à décoincer son pied mais ces efforts combinés à la fatigue et à la température en chute terminent d'épuiser la jeune femme qui s'adosse à un lampadaire afin de souffler un peu. Les flocons se posent sur ses vêtements et ses cheveux, la trempant petit à petit quand soudain quelque chose se positionne au-dessus de sa tête afin de la protéger de la neige. Surprise elle lève les yeux et voit alors un homme vêtu d'une veste en queue-de-pie et d'un chapeau haut de forme qui tient son parapluie au-dessus d'elle en lui souriant chaleureusement. La jeune femme tomba directement sous le charme de cet homme élégant et gentleman et lui rendit donc un sourire resplendissant.

C'est ainsi que mes parents ce sont rencontrés, dans une soirée enneigée de Londres. Peu de temps après ils entamèrent une relation et c'est à ce moment que John Kingston, l'homme au parapluie comme l’appelait ma mère, découvrit le secret que son amante lui cachait. En effet cette dernière était une Cat people, un créature prenant l'apparence d'un chat toutes les nuits et possédant les même capacités physiques que le félin. Cependant cela n'effraya pas le moins du monde mon père qui au contraire demanda à l'épouser dans l'instant. C'est ainsi qu'Helena Flanel devint Helena Kingston, épouse d'un riche bourgeois anglais. Quelques mois plus tard elle mit au monde son premier enfant, Will, un garçon blond aux yeux bleus, comme son père. Trois ans plus tard ce furent les jumeaux, Charlie et Keith, qui pointèrent le bout de leur nez, deux diables roux aux grands yeux bleus et aux regards espiègles. Puis ce fut mon tour, la cadette de la famille, Blanche Kingston. Contrairement à mes frères je ne ressemble absolument pas de près ou de loin à mes parents. J'ai des yeux et des cheveux verts ce qui n'est absolument pas normal mais bon, j'ai appris à faire avec. A l'instar de notre mère nous faisons tous les quatre partis des Cat people.

Quand je fut âgée de trois ans mes parents décidèrent d'aller vivre à Paris, la ville natale de ma mère qui commençait à avoir le mal du pays. Ainsi nous avons commencés une vie tout ce qu'il y a de plus normale dans un quartier aisé de la capitale française. Will s'est vite passionné pour les tours de magie, les jumeaux pour la comédie et moi pour la jonglerie, une vraie famille d'artistes ! Nos parents disaient souvent que plus tard nous allions former un cirque ambulant et voyager à travers le monde mais si mes frères croyaient dur comme fer à cette idée je sentais au fond de moi que ce serait impossible. En effet, alors que je venais juste de fêter mes 12 ans quelque chose d'étrange, de vraiment très étrange ce produisit; notre père devint fou. Dit comme ça vous vous dites surement : "Pfff n'importe quoi, tous les enfants disent ça de leurs parents à un moment ou à un autre !" sauf que cette fois-ci c'est tout ce qu'il y a de plus vrai. Il ne cessait de crier qu'ils allaient nous attaquer et qu'ils allaient nous dévorer vivant avant de jeter nos cadavres dans la Seine. Ma mère, mes frères et moi n'avions aucune idée de que "ils" étaient mais nous en entendions parler tous les jours, sans cesse. Nous ignorions quelle était la cause de cette démence, même les médecins n'arrivaient pas à trouver d'explication rationnelle à cette perte de raison soudaine et, même si cela nous effrayait, nous nous jurâmes de rester auprès de notre père afin de l'aider à surmonter cette terrible épreuve. Malheureusement très vite la situation dégénéra. Il perdit son travail et commença à dépenser de l'argent sans raisons, disant qu'en payant les bonnes personnes nous aurions une chance de survivre. Mais très vite nous découvrîmes qu'en réalité il s'était fait manipuler par des escrocs qui, profitant de sa folie, lui avaient sous-tirer des sommes d'argent considérables si bien que nous nous retrouvâmes rapidement sans le sou et avec aucun moyen de se nourrir ou de payer le loyer. Bien évidement le propriétaire n'apprécia pas et nous jeta à la rue, nous avions tout perdus en à peine quelques mois et nous retrouvions obligés de gérer à nous quatre deux adultes; l'un fou et l'autre éperdue de chagrin, ce qui n'est vraiment pas facile quand on a 18, 15 et 13 ans.

La situation stagna ainsi pendant de longues années, aucun d'entre nous n'arrivait à trouver un travail et notre mère tomba rapidement en dépression, nous privant ainsi de notre dernière source de revenu. Nous fûmes donc obligés de vivre dans les rues malsaines de Paris et de voler notre nourriture, adoptant le mode de vie de mendiants la journée et celui de voleurs la nuit. Pour cette dernière tâche nous utilisions généralement notre forme de chat, bien plus discrète et pratique pour subtiliser discrètement de la nourriture. Nous vécurent ainsi pendant trois ans, le désespoir et la faim étaient de mise tous les jours mais jamais aucun de nous ne baissa les bras, jusqu'à ce jour.

C'est la nuit de mes 16 ans exactement que c'est produit la catastrophe. Alors que mes frères et moi étions une nouvelle fois partis voler de la nourriture, laissant notre père divaguer pendant que notre mère veillait sur lui sous sa forme féline, un coup de feu vint briser le silence de la nuit parisienne. Aussitôt nous retournèrent, sous notre forme de chat, près de nos parents et là nous découvrirent au milieu d'une foule horrifiée notre père baignant dans un mare de sang. Près de lui se tenait notre mère, anéantie, miaulant à la mort près du cadavre. Comme nous avions la forme de félin nous ne purent demander ce qui c'était passé mais nous comprirent très vite que c'était un suicide, notre père s'était suicidé sous les yeux de sa femme, impuissante. Dés que nous pûmes retrouver notre forme humaine nous nous empressâmes d'aller soutenir notre mère mais cette dernière était inconsolable. Le soir même elle décida à son tour de baisser les bras et se jeta dans la Seine avant que nous eûmes le temps d'intervenir. Au bord du fleuve elle avait déposé son manteau et au fond d'une des poches se trouvait une petit paquet avec l'inscription "Pour Blanche" écrite d'une plume tremblante. Quand j'ouvrit ce paquet j'y trouvait une boite à musique, celle que mon père avait achetée à ma mère juste après leur rencontre sous la neige, alors qu'il la raccompagnait chez elle. Je ne put m'empêcher de verser des larmes à cet instant et mes frères se joignirent rapidement à moi. Nous pleurâmes tous les quatre longtemps en écoutant la mélodie de la boite à musique avant d'enfin nous relever pour surmonter cette horrible épreuve.

Ce fut Will qui parvint à me trouver un travail un an plus tard, dans un cabaret où je pourrai exercer la jonglerie afin de divertir un public et où l'on m'accepterai telle je suis, c'est à dire une Cat people. J'ai accepté presque aussitôt et c'est ainsi que je me suis mise à travailler au Lost Paradise, rendant visite de temps en temps à mes frère qui ont eux aussi trouvés des emplois dans d'autres quartiers de Paris. Toutes les épreuves que nous avons traversées nous ont appris à quel point la vie peut être cruelle et c'est pour cette raison que j'ai décidé à partir d'aujourd'hui de dissimuler ma peine et ma tristesse, car si j'ai moi même vécu des expériences horribles il est absolument hors de question que mon désespoir déteigne sur les autres, cela n'arrivera jamais.